PRISE EN CHARGE PÉRIOPÉRATOIRE DU TRAITEMENT ANTIPLAQUETTAIRE - Thrombosis Canada

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PRISE EN CHARGE
PÉRIOPÉRATOIRE DU TRAITEMENT
ANTIPLAQUETTAIRE

OBJECTIF :
Offrir aux cliniciens une directive fondée sur les recommandations de la Société canadienne de
cardiologie en matière de prise en charge périopératoire des patients sous traitement
antiplaquettaire nécessitant une intervention chirurgicale cardiaque ou non cardiaque.

RENSEIGNEMENTS GÉNÉRAUX :
Les médicaments antiplaquettaires sont souvent utilisés pour la prévention primaire et secondaire
des maladies cardiovasculaires. Les patients suivant un traitement antiplaquettaire présentent un
vaste éventail de risques cardiovasculaires, selon l’indication clinique de leur traitement.

Étant donné que le nombre d’interventions chirurgicales non cardiaques s’élève à 200 millions dans le
monde entier chaque année, les cliniciens font face à des enjeux uniques concernant la prise en
charge périopératoire des patients atteints d’une coronaropathie qui reçoivent de l’acide
acétylsalicylique (AAS) seul, du clopidogrel seul, de l’AAS et du clopidogrel, de l’AAS et du
dipyridamole ou de l’AAS associé au prasugrel ou au ticagrélor. Les cliniciens doivent soupeser les
risques d’événements cardiovasculaires indésirables majeurs associés à l’interruption de ces
traitements par rapport au risque d’hémorragie lié à la poursuite de ces traitements pendant la
période périopératoire. Il faut aussi prendre en considération d’autres facteurs comme les effets
pharmacocinétiques des antiplaquettaires et le moment optimal de l’intervention chirurgicale chez
les patients porteurs d’une endoprothèse coronarienne. Ce groupe de patients nécessite une
évaluation particulière en raison des risques accrus et du taux de mortalité significatif liés aux
thromboses des endoprothèses.

STRATIFICATION DES RISQUES DE THROMBOSE ET D’HÉMORRAGIE PÉRIOPÉRATOIRES :
La stratification des risques de thrombose et d’hémorragie est en grande partie empirique chez les
patients qui reçoivent un traitement antiplaquettaire. Les patients considérés comme présentant le
risque le plus élevé d’événements cardiovasculaires pendant la période périopératoire comprennent
ceux ayant subi une implantation récente d’endoprothèse en métal nu (EMN) ou d’endoprothèse à
élution de médicament (EÉM), un infarctus du myocarde (IM) récent, une plaque carotidienne ulcérée
et un AVC ou une plaque aortique ulcérée et une embolie systémique. Les patients présentant un
faible risque d’événements cardiovasculaires périopératoires sont ceux qui prennent des
antiplaquettaires pour la prévention primaire d’un IM ou d’un AVC (bien que ce traitement soit
rarement indiqué). Les cliniciens doivent évaluer ces risques par rapport aux risques associés
d’hémorragie périopératoire (figurant au tableau 1).

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TESTS DIAGNOSTIQUES, ARTHROCENTÈSE ET PETITES INTERVENTIONS DENTAIRES, CUTANÉES ET
OPHTALMOLOGIQUES :
Les patients devant subir une arthrocentèse, une petite intervention dentaire (extraction, traitement
de canal), ophtalmologique (cataracte) ou cutanée (biopsie, exérèse d’un cancer cutané), ou des
interventions diagnostiques à faible risque de saignement, peuvent continuer de prendre l’AAS sans
interruption. Nous en savons moins sur l’innocuité de la poursuite des inhibiteurs des récepteurs
P2Y12 (clopidogrel, ticagrélor, prasugrel) dans le contexte des petites interventions, lorsqu’ils sont
pris en monothérapie. Il est raisonnable d’arrêter ce traitement pendant une courte période (3-
4 jours) avant l’intervention. Si les patients prennent aussi de l’AAS (bithérapie antiplaquettaire), les
inhibiteurs des récepteurs P2Y12 doivent être arrêtés 5 à 7 jours auparavant.

Les patients devant passer un test diagnostique associé à un risque de saignement plus élevé doivent
recevoir une prise en charge adaptée aux interventions à risque plus élevé, comme cela est décrit ci-
dessous.

PRISE EN CHARGE DES PATIENTS NON PORTEURS D’ENDOPROTHÈSES CORONARIENNES, DEVANT SUBIR UNE
CHIRURGIE NON CARDIAQUE DIFFÉRÉE OU NON URGENTE :
L’étude POISE 2 (Perioperative Ischemic Evaluation) est la seule étude à répartition aléatoire sur
l’intervention chirurgicale non cardiaque à évaluer le traitement antiplaquettaire pendant la période
périopératoire. Elle a montré que l’AAS n’a pas eu d’effet sur l’incidence des événements
cardiovasculaires indésirables majeurs ou sur la mortalité, mais qu’il a augmenté le risque
d’hémorragie majeure. Seuls 4 % des patients de cette étude étaient porteurs d’une endoprothèse
coronarienne; l’étude a exclu les patients ayant subi une endartériectomie carotidienne, ayant reçu
une EMN dans les 6 semaines précédant l’intervention chirurgicale, ou une EÉM dans les 12 mois
précédant l’intervention chirurgicale.
Il n’est pas recommandé d’instaurer l’AAS avant l’intervention chirurgicale pour réduire le taux
d’événements cardiovasculaires périopératoires.
L’AAS doit être arrêté 7 à 10 jours avant une intervention chirurgicale non cardiaque différée ou non
urgente, sauf chez les patients devant subir une endartériectomie carotidienne ou ayant récemment
subi l’implantation chirurgicale d’endoprothèses coronariennes (méthode décrite ci-dessous).
Chez les patients présentant une indication pour la prise d’AAS à long terme, ce médicament doit être
repris lorsque le risque d’hémorragie lié à l’intervention chirurgicale a disparu, habituellement de 8 à
10 jours après une intervention chirurgicale non cardiaque lourde.

PRISE EN CHARGE DES PATIENTS PORTEURS D’ENDOPROTHÈSES CORONARIENNES, DEVANT SUBIR UNE
INTERVENTION CHIRURGICALE NON CARDIAQUE DIFFÉRÉE OU NON URGENTE :

Une sous-étude de l’essai POISE-2 menée chez 470 patients ayant déjà subi une ICP et l’implantation
chirurgicale d’endoprothèses cardiaques a révélé que pour chaque tranche de 1 000 patients ayant

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subi une ICP, la prise d’aspirine périopératoire prévient 59 infarctus du myocarde mais cause
8 hémorragies majeures. On considère par conséquent que la prise d’aspirine pendant la période
périopératoire est plus susceptible d’être bénéfique que nuisible chez les patients ayant déjà subi une
ICP et devant subir une intervention chirurgicale non cardiaque.

Les cliniciens doivent tenir compte du moment de l’intervention chirurgicale et de la bithérapie
antiplaquettaire périopératoire chez les patients recevant cette bithérapie après une intervention
coronarienne percutanée (ICP) avec pose d’une EMN ou d’une EÉM.

                         Moment de l’intervention          Prise en charge antiplaquettaire
                         chirurgicale non cardiaque                 périopératoire
 Patients ayant subi    Il est recommandé de          L’AAS doit être continué pendant la
 une ICP et reçu une    retarder l’intervention       période périopératoire.
 endoprothèse en        chirurgicale d’au moins un    Le clopidogrel et le ticagrélor doivent
 métal nu               mois après l’ICP              être arrêtés de 5 à 7 jours avant
                                                      l’opération; le prasugrel doit être arrêté
                                                      de 7 à 10 jours avant l’opération.
                                                      L’inhibiteur des récepteurs P2Y12 doit
                                                      être repris dès que ce traitement est
                                                      jugé sûr par le chirurgien.
 Patients ayant subi    Il est recommandé de          L’AAS doit être continué pendant la
 une ICP et reçu une    retarder l’intervention       période périopératoire.
 endoprothèse à         chirurgicale d’au moins trois Le clopidogrel et le ticagrélor doivent
 élution de             mois après l’ICP. Si une      être arrêtés de 5 à 7 jours avant
 médicament             intervention chirurgicale     l’opération; le prasugrel doit être arrêté
                        semi-urgente est requise,     de 7 à 10 jours avant l’opération.
                        elle doit être retardée d’au L’inhibiteur des récepteurs P2Y12 doit
                        moins un mois après l’ICP     être repris dès que ce traitement est
                        avec pose d’EÉM.              jugé sûr par le chirurgien.

PRISE EN CHARGE DES PATIENTS NÉCESSITANT UN PACG DIFFÉRÉ OU SEMI-URGENT À LA SUITE D’UN
SYNDROME CORONARIEN AIGU (SCA) :

Le pontage aorto-coronarien par greffe est associé à un risque élevé d’hémorragie et peut avoir des
répercussions significatives (p. ex., tamponnade cardiaque, décès). Une évaluation interdisciplinaire
des risques de complications thrombotiques coronariennes et du risque de saignement
périopératoire doit être effectuée en consultation avec le chirurgien, le cardiologue interventionnel,
le médecin/cardiologue traitant et le patient.

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Traitement                           PACG semi-urgent                              PACG différé
 AAS               L’AAS doit être continué chez tous les patients ayant subi un SCA et devant
                   subir un PACG
 Ticagrélor        Il est suggéré de l’arrêter pendant au moins 48 Il est recommandé de
                   à 72 heures avant l’intervention chirurgicale     l’arrêter idéalement 5 jours
                   pour limiter le risque d’hémorragie.              avant l’intervention
                                                                     chirurgicale.
 Clopidogrel       Il est suggéré de l’arrêter pendant au moins 48 Il est recommandé de
                   à 72 heures avant l’intervention chirurgicale     l’arrêter idéalement 5 jours
                   pour limiter le risque d’hémorragie.              avant l’intervention
                                                                     chirurgicale.
 Prasugrel         Il est suggéré de l’arrêter pendant au moins      Il est recommandé de
                   5 jours avant l’intervention chirurgicale pour    l’arrêter idéalement 7 jours
                   limiter le risque d’hémorragie.                   avant l’intervention
                                                                     chirurgicale.

Tableau 1. Risque d’hémorragie pendant la période périopératoire

     RISQUE FAIBLE/TRÈS FAIBLE                   RISQUE MODÉRÉ                           RISQUE ÉLEVÉ
 • Extractions dentaires (1 ou         • Autre chirurgie intra-              • Toute intervention chirurgicale
 2 dents), intervention                abdominale (p. ex.,                   ou autre sous anesthésie
 endodontique (traitement de           cholécystectomie, réparation          neuraxiale (rachidienne ou
 canal)                                herniaire, résection du côlon par     péridurale)
 • Détartrage sous-gingival ou         laparoscopie)                         • Neurochirurgie (intracrânienne
 autre nettoyage dentaire              • Autre chirurgie générale (p. ex.,   ou rachidienne)
 • Chirurgie de la cataracte           sein)                                 • Chirurgie cardiaque (p. ex.,
 • Intervention dermatologique         • Autre chirurgie intrathoracique     PACG, remplacement d’une valve
 (p. ex., une biopsie)                 • Autre chirurgie orthopédique        cardiaque)
 • Gastroscopie ou coloscopie sans     • Autre chirurgie vasculaire          • Chirurgie intra-abdominale
 biopsie                               • Chirurgie ophtalmologique autre     lourde (p. ex., anastomose
 • Angiographie coronarienne           qu’une chirurgie de la cataracte      intestinale)
 • Implantation permanente d’un        • Certaines interventions (p. ex.,    • Chirurgie vasculaire lourde
 stimulateur ou d’un défibrillateur    biopsie de la moelle osseuse,         (p. ex., réparation d’un anévrisme
 cardiaque (si on n’a pas recours à    biopsie de ganglions                  aortique, pontage aortofémoral)
 une anticoagulothérapie de relais)    lymphatiques)                         • Chirurgie orthopédique lourde
 • Gastroscopie ou coloscopie avec     • Intervention dentaire complexe      (p. ex., remplacement de la
 biopsie                               (p. ex., extractions dentaires        hanche ou du genou)
 • Certaines interventions (p. ex.,    multiples)                            • Résection chirurgicale d’un
 thoracentèse, paracentèse,                                                  poumon
 arthrocentèse)                                                              • Chirurgie urologique (p. ex.,
                                                                             prostatectomie, résection d’une
                                                                             tumeur de la vessie)
                                                                             • Chirurgie oncologique lourde
                                                                             (p. ex., pancréas, foie)

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• Chirurgie plastique
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                                                                            • Certaines interventions (biopsie
                                                                            du rein, biopsie de la prostate,
                                                                            conisation du col de l’utérus,
                                                                            péricardiocentèse, polypectomie
                                                                            du côlon)

AUTRES GUIDES CLINIQUES PERTINENTS DE THROMBOSE CANADA :

    • Acide acétylsalicylique (AASMD)
    • Clopidogrel (PlavixMD)
    • Prasugrel (EffientMD)
    • Ticagrélor (BrilintaMD)

RÉFÉRENCES :
Devereaux PJ, et al. Aspirin in patients undergoing noncardiac surgery. New Engl J Med 2014; 370:
1494-1503.

Graham M et al. Aspirin in patients with previous percutaneous coronary intervention undergoing
noncardiac surgery. Ann Intern Med 2018;168(4):237-244.

Mehta SR, et al. 2018 Canadian Cardiovascular Society/Canadian Association of Interventional
Cardiology focused update of the Guidelines for the Use of Antiplatelet Therapy. Can J Cardiol
2018;34(3):214-233.

Date de cette version : 24 juin 2020

Il est à noter que l’information contenue dans le présent guide ne doit pas être interprétée comme étant une
solution de rechange aux conseils d’un médecin ou d’un autre professionnel de la santé. Si vous avez des
questions précises sur un problème d’ordre médical, quel qu’il soit, vous devez consulter votre médecin ou un
autre professionnel de la santé. En somme, vous ne devriez jamais reporter une consultation médicale, faire
abstraction des conseils de votre médecin, ni mettre fin à un traitement médical sur la base de l’information
contenue dans le présent guide.

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