Promotion de la détection précoce du cancer colorectal - Document de stratégie - Groupe " Prévention du cancer colorectal "
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Promotion de la détection précoce du cancer colorectal Document de stratégie Groupe « Prévention du cancer colorectal » Mai, 2000 4
Programme d'action pour la prévention du cancer colorectal Pour la mise en place d'actions de sensibilisation en faveur de la prévention du cancer colorectal un groupe de coordination a été constitué par les représentants suivants: Dr Hansen-Koenig Danielle, Directeur de la Santé Dr Bock Carlo, Conseiller scientifique, Fondation Lux. Contre le Cancer M. Feider Jean-Marie, Représentant de l’UCM Dr Kremer Marc, Division de la Santé au Travail Dr Molitor Jean-Luc, Représentant de la Société Luxembourgeoise d’Oncologie, oncologue, Hôpital de la ville d' Esch Dr Portal Isabelle, CRP-Santé, épidémiologiste, Mme Prost Marie-Paule, Directrice de la Fondation Lux. contre le Cancer Mme Scharpantgen Astrid, Division de la médecine préventive et sociale Dr Scheiden René, Laboratoire National de Santé, anatomopathologiste Dr Schneider François, Directeur du Laboratoire National de Santé Dr Steil Simone, Division de la médecine préventive et sociale Dr Stein Romain, Représentant du cercle des médecins-généralistes Dr Türk Philippe, Représentant de l’AMMD, interniste, Hôpital Ste Thérèse Dr Wagener Yolande, Division de la médecine préventive et sociale Dr Weber Joseph, Représentant de la Société des Gastro-entérologues, gastro- entérologue, CHL 5
Promotion de la détection précoce du cancer colorectal INTRODUCTION Il est important non seulement de prévenir les maladies, mais également de les détecter à un stade précoce pour pouvoir les éviter ou les traiter d'une façon efficace. Ceci est particulièrement vrai pour les cancers. Une détection précoce offre les meilleures chances de guérison. • Le dépistage précoce du cancer colorectal est un objectif national de Santé Publique. • La sensibilisation des professionnels de santé et du public est un élément primordial pour le succès du projet : dépistage précoce du cancer colorectal. • L’action de prévention demandée aux médecins (généralistes, internistes, gastro-entérologues, médecins du travail) est indispensable au fonctionnement des actions de dépistage. • Un groupe multidisciplinaire : « Prévention du cancer colorectal » a été créé pour mettre en œuvre et coordonner des actions prévues dans ce cadre, pour assurer leur continuité et leur évaluation régulière. 6
Le cancer colorectal : la situation à Luxembourg 1. L’incidence du cancer colorectal Le cancer colorectal est un cancer très fréquent à Luxembourg, avec 238 nouveaux cas et 133 décès en 1997. Le cancer est rare avant 50 ans (6 %) et augmente constamment avec l’âge. Nombre de cancers colorectaux, par périodes de 3 années, N: 2830 400 345 335 337 350 295 290 288 Nombre de cas 274 300 238 Féminin 215 213 250 Masculin 200 150 100 1983-85 1986-88 1989- 91 1992-94 1995-97 Année Graphique 1. Source – Registre Morphologique des Tumeurs ( Nombre de cas ) Evolution de l'incidence du cancer colorectal / 100.000, par périodes de 3 ans 80.00 70.00 Incidence/100.000 60.00 52.39 47.04 50.00 55.14 48.88 Incidence/100.000 40.00 38.94 30.00 20.00 10.00 0.00 1983-85 1986-88 1989- 91 1992-94 1995-97 Année Graphique 2. Source – RMT Depuis 1983 une augmentation constante de l’incidence du cancer colorectal est observée. 7
Nombre de cancers colorectaux, selon le sexe et la tranche d'âge, 1983-97 n: 2.830 350 327 300 263 236 234 Nombre de cancers 219 250 217 206 189 178 200 164 146 150 111 Féminin 97 100 77 Masculin 44 34 33 50 28 15 12 0
2. La mortalité par cancer colorectal Nombre de décès selon le sexe, 1980-97 N: 2.271 300 250 200 Fémimin 150 Masculin 100 50 0 80-82 83-85 86-88 89-91 92-94 95-97 Année Graphique 5. Source – Statistiques de décès, Direction de la Santé Taux de mortalité/100 000 par périodes de 3 ans 60 50 Taux de mortalité Taux de 40 35.97 mortalité/100 000 30 37.32 20 31.76 28.76 10 0 80-82 83-85 86-88 89-91 92-94 95-97 Année Graphique 6. Source Statistiques de décès, Direction de la Santé Le cancer colorectal est une cause de décès fréquente au Grand-Duché de Luxembourg. D’après les statistiques de décès de la Direction de la Santé, 2.271 habitants sont décédés d’un cancer colorectal durant la période 1980-1997. 9
Nombre de décès selon le sexe et la tranche d'âge Total : 2.271 600 467 500 Nombre de décès 400 Féminin 265 300 Masculin 192 188 187 167 166 200 130 115 85 80 100 57 48 47 23 14 13 11 9 7 0
3. Localisation des tumeurs (Réf 19) 31 % des cancers sont localisés au niveau du rectum, 35 % se situent au-delà du sigmoïde et échappent ainsi à une rectosigmoïdoscopie flexible isolée. Nombre de cancers Pourcentage Rectum 553 31 % Sigmoïde 604 34 % Côlon descendant 94 5% Côlon transverse/ 522 30 % droit Total 1.773 100 % Tableau 1 : Répartition des cancers colorectaux au Grand-Duché. Analyse de 1.773 cas pour la période 1988 – 1996. Données : RMT Le pronostic du cancer colorectal dépend avant tout de l’extension loco-régionale et à distance. Si la tumeur est limitée à la paroi intestinale et ne présente pas d’invasion ganglionnaire, la survie à 5 ans est de 84 - 94 %, tandis qu’en cas d’extension au-delà de l’organe ce taux chute à moins de 50 %. TNM stade Description Survie à 5 ans pT 1 Limité à la muqueuse / sousmuqueuse 94 % pT 2 Infiltre la musculeuse 84 % pT 3 Dépasse les limites de l’organe 48 % pT 4 Infiltre un organe avoisinant 2% Tableau 2 : Survie en fonction de l’extension tumorale locale. Données d’après la littérature ( Réf 17 ) Malheureusement 77 % des cancers opérés au Luxembourg dépassent déjà les limites de la paroi colique. Nombre Pourcentage pT 1 122 8% pT 2 223 15 % pT 3 851 57 % pT 4 295 20 % Total 1.491 100 % Tableau 3 : Analyse de 1491 pièces de résection pour la période de 1988 – 1996. Données : RMT En cas d’atteinte ganglionnaire, la survie à cinq ans est également inférieure à 50 % et lorsqu’il existe des métastases à distance elle est exceptionnelle. Comme une partie des patients échappe au recueil des données du registre national des cancers en raison du transfert à l’étranger, nous avons choisi d’analyser les données de deux centres au Luxembourg pour l’extension à distance des cancers colorectaux. Ainsi d’après les statistiques du Service de Gastro-entérologie du Centre Hospitalier de Luxembourg et de l’Hôpital de la Ville d’Esch (Dr. Serge Meyer), 48 % des tumeurs colorectales présentent des métastases ganglionnaires et 25 % des métastases à distance au moment du diagnostic. 11
Nombre Atteinte ganglion. Métastase à distance Registre des tumeurs 1.491 47 % --- Centre Hospitalier Lux. 156 48 % 26 % Hôpital Ville d’Esch 102 45 % 24 % Tableau 4 : Répartition de stades Duke’s C et D lors du diagnostic (1992 – 1998). Il n’existe pas de différence significative entre les deux centres. Ces chiffres montrent clairement que le diagnostic est posé tardivement au cours de la maladie. Au Grand-Duché le taux de cancers détectés à un stade avancé (Duke’s C et D) est supérieur à ceux d’autres pays européens comme le Danemark (59 % versus 47 %) par exemple. Grande-Bretagne Danemark Luxembourg (Hardcastle) (Kronborg) (CHL) Stade Duke’s n = 249 n = 148 n = 258 A 11 % 11 % 17 % B 33 % 37 % 23 % C 31 % 23 % 33 % D 21 % 24 % 26 % Tableau 5 : Comparaison du stade des cancers lors du diagnostic. Groupe contrôle des études de Hardcastle et Kronborg versus les données du Centre Hospitalier Luxembourg 1991 – 96. Les raisons de ce diagnostic tardif sont multiples. La tumeur peut rester longtemps cliniquement muette et lorsqu’elle devient symptomatique la méconnaissance du problème par le patient retarde le diagnostic. Le corps médical pourrait être mieux informé du risque qu’a un patient d’être atteint par un cancer colique. 12
4. Risques de développer un cancer colorectal A) Le risque cumulé moyen de développer un cancer colorectal est de l’ordre de 3,5 % durant toute la vie, mais il varie largement d’un individu à l’autre. La majorité des cancers, soit environ 70 % se développent à partir d’un adénome chez des personnes sans antécédents particuliers. La séquence adénome-carcinome ne fait plus de doute, mais le taux de transformation d’adénomes en cancers est mal connu. On estime que 10 % des polypes atteignent une taille de plus d’un cm et, d’après une étude de Strycker et al, le taux cumulé de cancers développés sur des adénomes laissés en place est de 25 % à 20 ans. On peut donc estimer que 2,5 % des polypes deviendront des cancers au cours de la vie d’un sujet. Ces individus représentent donc la population à risque. En Angleterre la prévalence des adénomes est de 34 % pour les personnes âgées de 50-60 ans; elle est de 40-60 % pour les personnes âgées de plus 75 ans. On a trouvé que 8 % des polypes se transforment en cancer pendant une période de 10 ans, 24 % en 20 ans (Réf 2,8,9). Le “National Polyp Study Group” (Réf 10) a démontré la réduction significative de l’incidence du CCR, grâce à la polypectomie et au suivi coloscopique. • Le développement du CCR peut être favorisé par des facteurs externes, p.ex. habitudes alimentaires, consommation d’alcool (Réf.1;2;3). On observe une augmentation de l’incidence du CCR chez les immigrants japonais aux USA par rapport à celle du Japon; cette différence est mise en relation avec le changement des habitudes alimentaires. Bien qu’on manque encore d’études à long terme prouvant les bienfaits d’une alimentation riche en légumes et fruits, des recommandations diététiques ont été publiées par le “National Cancer Institute”, USA. • On estime que près de 20 % de la population ont une prédisposition génétique pour le développement d’un CCR (Réf 18). B) Deux formes de cancers héréditaires sont déjà bien définies au sein de ce groupe : • La polypose adénomateuse familiale (FAP familial adenomatous polyposis) • Le syndrome de Lynch ou HNPCC (Heriditary Non Polyposis Colon Cancer) La polypose adénomateuse familiale est une maladie héréditaire transmise par voie autosomale dominante : le risque d’être atteint est de 50 % pour les descendants d’un porteur du gène muté qui se situe sur le bras long du chromosome 5. La maladie est caractérisée par le développement, surtout après la puberté, de plusieurs centaines de polypes adénomateux tapissant la muqueuse intestinale. La transformation maligne est inéluctable et débute vers l’âge de 25 ans. Dans le syndrome HNPCC les cancers du côlon surviennent également tôt, au cours de la quatrième ou cinquième décade et sont souvent précédés par des adénomes plans avec des dysplasies sévères. Ils ont la tendance d’être plutôt localisés au niveau du côlon droit et sont parfois de type mucineux. 13
Le syndrome est défini par les critères d’Amsterdam (ou la règle 3-2-1) : 3 patients atteints de cancers colorectaux dans une même famille 2 générations successives concernées 1 malade atteint avant l’âge de 50 ans. Ce syndrome, dont le risque de développer un cancer colorectal est de l’ordre de 90 % expose également à un risque accru de développement d’autres cancers : ovaire, endomètre, système biliaire ou estomac. C) A côté de ces cancers héréditaires avec un risque très élevé de développer un cancer colorectal, on identifie une population intermédiaire sans syndrome génétique défini, qui a un risque plus élevé comparé à la population générale, sans pour autant atteindre les valeurs des cancers héréditaires : • Personnes aux antécédents familiaux de cancer colorectal, de polypes ou antécédent personnel de ces pathologies. Le risque cumulé de développer un cancer colorectal varie entre 6 et 14 % pour les patients ayant des antécédents familiaux de cancer ou de polypes pour la parenté de 1er degré. • Ce risque augmente avec la diminution de l’âge du sujet index atteint par le cancer ou les polypes. Dans ce groupe figure également la pancolite inflammatoire qui peut atteindre un risque cumulé de dégénérescence allant jusqu’à 43 %. Risque relatif Risque cumulé Population générale 1 3,50 % Antécédent familial 1er degré Polypes 1,8 7% cancer colorectal 1,8 7% cancer < 50 ans 3,7 13 % polypes < 45 ans 4 14 % Antécédent personnel Cancer 2 7% polype > 1 cm ou villeux 3,6 13 % cancer et polypes 5 18 % multiples polypes > 1 cm villeux 6,6 23 % Pancolite RCUH 12 43 % HNPCC 30 90 % FAP 35 100 % Tableau 7: Risque relatif et cumulé de développer un cancer colorectal ( Réf 17,18,20,21 ). La prévention du cancer colorectal et son pronostic ne pourront être améliorés dans le futur que grâce à une augmentation des diagnostics précoces. Beaucoup d’efforts restent à faire pour atteindre ce but. 14
Evolution du cancer colorectal phase asymptomatique phase symptomatique précancerose cancer symptômes diagnostic maladie décès polype génétique polypectomie PREVENTION DEPISTAGE DIAGNOSTIC TARDIF PRECOCE A l’avenir, notre stratégie de prise en charge du cancer colorectal devra viser à augmenter le nombre de cancers dépistés à un stade asymptomatique et surtout à dépister les adénomes précurseurs, curables par la polypectomie. Tout polype enlevé par voie endoscopique prévient un cancer potentiel et peut réduire l’incidence du cancer colorectal. La génétique nous aidera à identifier au sein des familles à haut risque les personnes concernées, qui pourront être soumises à un programme de surveillance stricte. Pour les gens non porteurs d’un gène muté, cela évitera des examens complémentaires. D’autre part on pourrait réduire l’incidence et la mortalité du cancer colorectal par l’identification et le suivi des patients porteurs de polypes au sein de la population générale. 15
5. L’objectif principal d'une sensibilisation au problème du cancer colorectal est de promouvoir la détection précoce d'un polype intestinal ou d’une lésion cancéreuse asymptomatique pour diminuer la morbidité et la mortalité par cancer colorectal. Lorsque des symptômes apparaissent: - modification des habitudes d'élimination des selles (diarrhées ou constipation) - présence de sang dans les selles - gêne ou douleur accompagnées de ballonnement dans la région abdominale le cancer est souvent déjà à un stade très avancé, difficilement guérissable. 6. Population cible Comme le risque de CCR et la présence de polypes intestinaux augmentent à partir de 50 ans, il est important de cibler par la campagne de sensibilisation la population générale de 50 ans et plus. Le but est d'augmenter le nombre de cancers dépistés à un stade asymptomatique, ainsi que les adénomes précurseurs curables par la polypectomie. Tout polype enlevé par voie endoscopique prévient un cancer potentiel et réduit d’autant l'incidence du cancer colorectal. Il est particulièrement important d’identifier les groupes à risque, afin de pouvoir mettre en place des programmes de surveillance particuliers (analyses génétiques, Hémoccultes fréquents, coloscopies régulières). 7. Méthodes de détection du CCR Les tests de dépistage 1) Les examens endoscopiques du côlon L’endoscopie est actuellement l’examen le plus performant pour détecter des pathologies au niveau du côlon. Dans les études prospectives, sa sensibilité et sa spécificité pour le cancer colorectal avoisinent les 100 %. Mais aussi pour détecter les petites lésions coliques, l’endoscopie l’emporte sur les autres techniques d’imagerie : le taux de polypes d’une taille < 10 mm échappant à l’endoscopie n’est que de 3 - 5 %. En plus, l’endoscopie représente le geste thérapeutique adapté, car la polypectomie est un traitement suffisant pour ces lésions pré-cancéreuses. Deux études ont montré la réduction de l’incidence du cancer colorectal dans ces conditions, alors qu’une étude prospective trouve une réduction de la mortalité du cancer colorectal par la polypectomie. Mais l’endoscopie comporte une morbidité et une mortalité certes faibles mais non négligeables. Ce taux de complication est – entre autres- fonction de l’expérience de l’endoscopiste. Si les complications d’une endoscopie diagnostique sont exceptionnelles et se résument à la perforation liée à une technique d’examen inappropriée, la polypectomie endoscopique par contre comporte un risque inhérent au geste même. 16
La perforation de la paroi colique est une complication sévère qui nécessite généralement une intervention chirurgicale d’urgence afin de fermer la paroi intestinale perforée. Sa fréquence est de l’ordre de 0,14-0,20 % et la mortalité de 0,02 –0,09 %. Le saignement lié à la biopsie est exceptionnel et est favorisé par des troubles de la coagulation. Pour la plupart des saignements un simple traitement endoscopique d’hémostase est efficace. Des troubles du rythme cardiaque lors de l’examen sont également exceptionnels. Finalement l’endoscopie, et en particulier la coloscopie totale, est considérée subjectivement comme un examen difficile à tolérer par les patients : pourtant l’insufflation d’air pour déplisser les parois et améliorer la vue et qui peut occasionner des ballonnements est commune à l’endoscopie et à l’examen radiologique. Une étude prospective a comparé chez les mêmes personnes la tolérance de l’endoscopie et du lavement baryté et conclut que la majorité des gens préfèrent la coloscopie à l’examen radiologique en cas d’un nouveau contrôle. On distingue deux types d‘examens endoscopiques: la coloscopie totale et la sigmoïdoscopie (coloscopie gauche). a) La coloscopie totale Une coloscopie totale explore le côlon sur toute sa longueur. Le côlon doit être parfaitement propre. Pour cela on doit généralement boire un liquide de lavage intestinal avant l‘examen. Pour améliorer la tolérance et faciliter l’examen, un calmant est généralement administré; le recours à une anesthésie générale est rarement nécessaire. En cas de prémédication, le patient doit se faire accompagner pour l‘examen et il ne peut reprendre le volant de la voiture après l‘examen. b) La sigmoïdoscopie Cet examen se limite à l’exploration du rectum et du côlon gauche où se situent environ les deux tiers des polypes et cancers coliques. Les avantages sont qu’il est de réalisation plus facile et plus rapide. En plus une préparation par simple lavement avant l’examen est suffisante. Enfin il est mieux toléré et ne nécessite généralement pas de sédation. 2) L’examen radiologique du côlon a) Le lavement baryté La radiographie en double contraste avec introduction par l’anus de la baryte et insufflation d’air permet par déplissement des parois coliques la visualisation indirecte de lésions coliques. Cet examen est moins performant que la coloscopie: sa sensibilité pour le cancer est encore acceptable avec 85 % mais cet examen est insuffisant pour la détection des lésions coliques inférieures à 1 cm car environ un tiers échappent à l’examen. Sa spécificité est également moindre que la coloscopie avec biopsie. Il nécessite tout comme la coloscopie un côlon parfaitement propre. En cas d’anomalie, il faut habituellement avoir recours à un examen coloscopique complémentaire pour pratiquer des biopsies. La tolérance n’est pas meilleure que pour la coloscopie. Les risques liés à l’examen sont faibles: la complication la plus sévère est la perforation colique survenant essentiellement sur un côlon pathologique. 17
b) La coloscopie virtuelle La reconstruction virtuelle non invasive du côlon par traitement informatique des images obtenues par scanner ou résonance magnétique est en cours d’évaluation. La sensibilité et la spécificité sont moindres par rapport à la coloscopie conventionnelle notamment pour des lésions inférieures à un cm. Actuellement elle ne peut être recommandée dans un contexte de campagnes de dépistage et il faudra attendre les résultats d’études prospectives comparant cette technique en pleine évolution à l’endoscopie pour définir son rôle dans le dépistage du cancer colorectal. La préparation est identique à celle de la coloscopie ; une insufflation d’air maximale est également indispensable. 3) La recherche de sang occulte dans les selles ( test Hemoccult) Le test le plus utilisé est un test au gaïac qui se pratique sur trois selles successives. Utilisé à grande échelle, la recherche d’un saignement non visible par l’analyse des selles est une méthode simple et peu coûteuse. Elle a fait ses preuves pour la détection du cancer colique dans le dépistage de masse (Réf 18). Ainsi trois grandes études ont démontré la réduction de la mortalité par cancer colorectal par un tel dépistage. Cette réduction de la mortalité est liée au fait que les cancers sont détectés à un stade moins avancé que dans le groupe contrôle. Comme le test réagit non seulement à l’hémoglobine humaine, mais aussi à l’hémoglobine animale contenue dans les viandes rouges et aux peroxydases végétales, le test nécessite un régime particulier trois jours avant sa réalisation. En plus, il peut être influencé par la prise de médicaments ( Vit C, Aspirine p.ex.) Malgré les précautions d’utilisation, sa spécificité et sa sensibilité sont faibles et varient entre 50 - 80 %. Ainsi un test positif demande toujours un complément d’examen généralement par endoscopie pour préciser la source de saignement qui peut être non tumorale. A l’opposé un test négatif n’exclut pas une tumeur colique puisque le saignement survient souvent par intermittence. Le taux des cancers dits d’intervalle, qui échappent même à des tests répétés, varie entre 28 et 31 %. La recherche de sang dans les selles constitue donc un test de dépistage pour une population générale mais n’est pas un test individuel sûr. Il faut clairement expliquer au patient qu’un test négatif n’exclut pas une pathologie colique. Enfin la majorité des polypes, qui constituent la lésion pré-cancéreuse du côlon, échappent généralement à ce test. Pour toutes ces raisons, le groupe de réflexion est d’avis que ce test n’est pas le premier choix à proposer à un individu mais qu’il constitue une alternative au cas ou un patient ne désire pas d’examen invasif. 18
Comparaison des sensibilités et des spécificités de différentes techniques pour la détection de polypes et de cancers colorectaux. Cancers Gros Polypes (>1cm) Petits Polypes Sensibilité Spécificité Sensibilité Spécificité Sensibilité Spécificité Hemoccult 40-75% 19-45% Lavement baryté en double 84 97,5 82 83,3 67 75 contraste Coloscopie 96,7 98 85 98 78,5 98 Recto-sigmoïdo- scopie souple 96,7 94 96,7 94 73,3 92 uniquement pour la partie du côlon examiné Source: Recommandations de l'Association Américaine de Gastro-entérologie * TEST Proportion de cancers Commentaires détectés (%) Toucher rectal < 10 Ne donne que des informations sur l'ampoule rectale Hemoccult 40-75 Sensibilité basse Bon marché Tout positif engendre une coloscopie Sigmoïdo-scopie rigide Sensibilité basse 20-30 Tout résultat positif engendre une coloscopie totale Sigmoïdo-scopie flexible Pas de sédation 50-65 Lavement Tout résultat positif engendre une coloscopie totale Moins cher que la coloscopie Lavement baryté à double 85-95 Des cancers rectosigmoïdes peuvent être contraste râtés Tout résultat positif engendre une coloscopie totale pour biopsie ou polypectomie Haute sensibilité Coloscopie totale 95-99 Possibilité de faire tout de suite une biopsie ou des polypectomies Cher Lavement Sédation 19
Recommandations en 2000 Il est admis aujourd’hui que l’amélioration du pronostic du cancer colorectal repose sur le dépistage, un diagnostic précoce et sur le traitement des polpyes adénomateux par polypectomie. Par contre il n’y a pas de consensus sur la stratégie de dépistage à proposer. Les recommandations formulées par différentes sociétés savantes internationales tiennent compte des données scientifiques de la littérature d’une part, mais également des particularités nationales du système de santé d’autre part. Ainsi à titre d’exemple le libre accès à l’endoscopie et sa disponibilité, le coût du dépistage et sa prise en charge peuvent influencer la stratégie de dépistage à proposer. Pour ces raisons il a semblé opportun au groupe de travail de formuler ses propres recommandations de dépistage en tenant compte des particularités du système de santé au Luxembourg. Il est évident que ces recommandations sont à revoir dans le futur en fonction des données scientifiques nouvelles. Le groupe « Prévention du cancer colorectal » a mis la priorité sur deux points principaux : 1) pour la population générale : réduire le taux de cancer et les détecter à un stade plus précoce pour en améliorer le pronostic 2) identifier les personnes à risque pour le cancer colorectal au sein de la population générale et leur proposer une prise en charge adaptée à leur propre risque et donc en réduire la fréquence. Ces deux objectifs nécessitent à côté d’une sensibilisation et information du grand public une coopération des médecins et une stratégie commune pour la prise en charge des personnes concernées. Ainsi le test à proposer à un individu sera essentiellement fonction de son risque personnel d’avoir un cancer colique ou un polype adénomateux colique. Le test de dépistage spécifique sera choisi en fonction de l’évolution du risque personnel d’avoir un CCR. Il s’agit donc en premier lieu d’estimer ce risque pour, par la suite, pouvoir proposer le test de dépistage répondant le mieux au risque. Cependant, dans une telle démarche il faudra tenir compte à côté du volet purement médical des désirs personnels du patient (motivation de suivre un test, acceptation d’une endoscopie partielle ou totale, etc). Finalement le patient ne pourra consentir à un examen de dépistage défini qu’après une information suffisante et préalable sur les avantages et les inconvénients des différents tests proposés. 20
Les recommandations du groupe de travail I) Population générale a ) Personne asymptomatique, 50 ans ou plus, sans risque particulier Trois alternatives sont possibles : – une coloscopie totale avec un contrôle endoscopique dans 10 ans si la coloscopie est normale. Le groupe de travail soutient cette stratégie comme examen de premier choix dans cette indication. Bien que cette recommandation ne soit pas encore validée par une grande étude prospective, il faut retenir que les arguments scientifiques actuels sont suffisants pour considérer qu’une telle démarche constitue la meilleure approche individuelle de dépistage. La condition essentielle est que cette coloscopie soit faite dans de bonnes conditions (préparation, expérience de l’endoscopiste, etc ) afin de minimiser le risque de méconnaître un petit polype colique et de réduire les complications de l’examen au maximum. - une recto-sigmoïdoscopie flexible avec un contrôle dans 10 ans si l’examen est normal, couplée à un test Hemoccult annuel. Comme seulement 2/3 des pathologies coliques sont accessibles à cette endoscopie une recherche de sang dans les selles est fortement recommandée annuellement en sus. Une étude comparative a démontré la supériorité d’une telle double approche comparée à l’endoscopie seule. – une recherche de sang annuellement Ceci constitue d’après le groupe de travail une stratégie valable avec les inconvénients énumérés dans ce document de stratégie. Elle ne devrait être proposé qu’aux personnes dont la motivation pour un dépistage individuel par endoscopie est faible. b) Personne symptomatique indépendamment de l’âge - La coloscopie totale est le seul examen à recommander dans cette situation. Un contrôle endoscopique dans 10 ans ou à l’âge de 50 ans est alors suffisant si la coloscopie est normale. 21
II) Les personnes à risque A) Personne asymptomatique avec un risque accru comparé à la population générale du fait d’antécédent familial de cancer colique ou de polype à l’exclusion des critères stricts d’un cancer héréditaire - une coloscopie totale à 45 ans ( ou 5 ans plus tôt que le sujet index si celui-ci < 50 ans) avec un contrôle après 5 ans. B) Personne asymptomatique avec un risque très élevé comparé à la population générale du fait d’un cancer héréditaire (= polypose familiale , HNPCC) - Polypose familiale La détection par la recto-sigmoïdoscopie flexible annuelle à partir de la puberté reste actuellement l’option de choix. En fonction des disponibilités on peut proposer comme alternative la recherche de la mutation chez le sujet index puis des apparentés avec un suivi endoscopique des sujets porteurs de la mutation. - HNPCC (Hereditary Non Polyposis Colorectal Cancer) L’endoscopie avec une coloscopie totale tous les deux ans à partir de 25 ans ou 5 ans avant l’âge du sujet index le plus jeune reste l’option de choix. Un test génétique du sujet index et puis des apparentés avec un suivi endoscopique des sujets porteurs des mutations peut constituer une alternative dans le futur. Un contrôle gynécologique annuel et une cytologie urinaire sont obligatoires. C) Personne asymptomatique avec un risque élevé comparé à la population générale du fait d’antécédent personnel de polype ou de cancer ou de pancolite Un contrôle par coloscopie totale est recommandé trois ans après résection d’un cancer colique à condition que l’examen en préopératoire ait été complet et normal au niveau du côlon restant. Après une polypectomie endoscopique avec ablation complète des polypes un contrôle est suffisant après 5 ans. Cette recommandation n’est valable qui si l’endoscopie s’est faite dans de bonnes conditions de visibilité afin de réduire au maximum le risque de méconnaître des petits polypes. D) Personne avec un risque accru comparé à la population générale du fait de pancolite (RCUH) Des recommandations générales sont difficiles à donner et la pratique de l’endoscopie varie souvent en fonction de l’évolution de la maladie. On peut cependant considérer comme raisonnable une coloscopie totale tous les deux ans pour une pancolite évoluant depuis au moins quinze ans. 22
9. Actions envisagées pour l'an 2000 • Actions de sensibilisation destinées au corps médical - Rédaction et diffusion du document de stratégie : « Promotion de la détection précoce du cancer colorectal ». - Sensibilisation du corps médical par des séances d'information et de formation continue, organisées par des membres du groupe multidisciplinaire « Prévention du cancer colorectal ». • Action: « Hemoccults » Afin d’être en mesure de faire une évaluation dans le temps concernant la détection et l’incidence du CCR suite à un Hemoccult positif, il a été convenu d’organiser un centre national de lecture pour Hemoccults au Laboratoire National de Santé. La lecture de tous les Hemoccults, réalisés dans le cadre de ce projet, se fera donc au LNS. A ces fins un certain nombre d’Hemoccults sera envoyé par le Laboratoire de la Santé aux médecins (généralistes, internistes, gastro-entérologues, gynécologues ) avec une enveloppe « envoi réponse » adressée au LNS. Les commandes ultérieures sont à adresser par fax au LNS : fax 40 42 38. • LNS – Registre Morphologique des Tumeurs - Une étude de référence concernant l'incidence (1982-1997) et le stade des cancers colorectaux (1988-1996) détectés a été réalisée par le RMT. Une étude de comparaison et d’évaluation de l’incidence et du stade des CCR sera réalisée en l’an 2004 par le RMT. • Actions de sensibilisation destinées au grand public - Campagne de sensibilisation et d'information dans les médias (journaux, radio…). - Rédaction d'un numéro spécial sur le CCR: "Info cancer" par la Fondation luxembourgeoise contre le Cancer (FLCC) en mai 2000. - Elaboration d’un dépliant et d’une affiche en collaboration avec la FLCC. - Actions de sensibilisation particulières pour la détection précoce du CCR, liées à l'invitation pour l'examen médical lors du renouvellement du permis de conduire. - Campagne de sensibilisation en médecine du travail surtout à l’occasion des examens médicaux ( embauche, périodiques, facultatifs). - Message de sensibilisation sur la fiche de remboursement des frais médicaux de l'UCM. - Les possibilités de diffusion de messages de prévention dans les publications des différentes caisses de maladies seront analysées. 23
- Références : 1. V.F.Eckardt, G.Kanzler, Prävention und Früherkennung kolorektaler Karzinome Dtsch.med.Wschr.120/1995/417-422 2. F.Mignon, Le dépistage du cancer du côlon et du rectum en France ;Le concours médical, 24.2.1996,118-08 3. W.Neil, Ph.Toribara, M.Sleisenger, Screening for colorectal cancer ; New England Journal of Medecine, 1995,Vol. 332,13,861-867 4. H.E.Blum, Future population screening for early colorectal cancer, European Journal of cancer Vol31A, Nos7/8, 1369-1372,1995 5. Vigy, Les nouvelles surprises de l’aspirine ; Le Figaro, 5.12.91 6. Schepp, Primärprävention kolorektaler Polypen und Karzinome?, Deutsches Ärzteblatt 93, Heft 44,1.11.1996 7. D.Schreinemachers, R. Everson, Aspirin use and lung, colon and breast cancer Epidemiology, March 1994, Vol 5, No2 8. Hart, A. Wicks, J. Mayberry, Colorectal screening in asymptomatic populations Gut 1995,36,590-598 9. Bennett, J, Hardcastle, Screening for colorectal cancer postgrad med J, 1994,70,469-474 10. Winawer, A. Zauber, Ph May Nah Ho and col., Prevention of colorectal cancer by colonoscopic polypectomy, New England Journal of medecine, Vol 329, Nr. 27, dec30, 1993 11. Dépistage et soins primaires, OMS, 1996 12. J.Mandel, J. Bond and col ., Reducing mortality from colorectal cancer by screening for fecal occult blood, New England Journal of Medecine, Vol 328, No 19, May13,1993 13. J.Selby, G. Friedman and col., A case- control study of screeing sigmoidoscopy and mortality from colorectal cancer, New England Journal of Medecine, Vol 326, Nr 10, march 5, 1992 14. J.Austoker, Screening for colorectal cancer, BMJ vol 309, august 6 1994 15. Ransohoff, Ch.Lang, screening for colorectal cancer, New England Journal of Medecine, Vol 325, Nr 1, July 4, 1991 16. Winawer, B. Flehinger and col. Screening for colorectal cancer with fecal occult blood testing and sigmoidoscopy, Journal of the National Cancer Institute, Vol 85, Nr 16, august 18, 1993 17. American Gastroenterological Association, Colorectal screening: clinical guidelines and rationale, Gastroenterology, 1997,112,594-642 18. Young, P.Rozen, B, Levin, Prevention and early detection of colorectal cancer 1997, Saunders, ISBN0-7020-2018-4 19. Weber J. 8e Journée Luxembourgeoise de Gastro-entérologie : Le cancer colorectal au Luxembourg et les groupes à risque, 24.10.1998. 20. Winawer S, Zauber A et al.Risk of colorectal cancer in families of patients with adenomatous polyps. New England Journal Med. 1996 ; 34. 82-7 21. Priente A, Milan CH ; Colonoscopic Screening in First-Degree relatives of patients with sporadic colorectal cancer. Gastroenterology 1998 ; 115 :7-12 22. Wagener Y., Mortalité et l’incidence du cancer colorectal, Ministère de la Santé,1997 23. Scheiden R.,Sand J.,Pandin M., Wagener Y., Capesius C., Adenomas with severe dysplasia; colorectal high grade adenomas - 225 cases between 1988-96 ; 1999 24
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