Promotion de la détection précoce du cancer colorectal - Document de stratégie - Groupe " Prévention du cancer colorectal "

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Promotion de la
            détection précoce
           du cancer colorectal
                        Document de stratégie

Groupe « Prévention du cancer colorectal »      Mai, 2000

                                                            4
Programme d'action pour la prévention du cancer colorectal
Pour la mise en place d'actions de sensibilisation en faveur de la prévention du cancer
colorectal un groupe de coordination a été constitué par les représentants suivants:

          Dr Hansen-Koenig Danielle, Directeur de la Santé
          Dr Bock Carlo, Conseiller scientifique, Fondation Lux. Contre le Cancer
          M. Feider Jean-Marie, Représentant de l’UCM
          Dr Kremer Marc, Division de la Santé au Travail
          Dr Molitor Jean-Luc, Représentant de la Société Luxembourgeoise d’Oncologie,
             oncologue, Hôpital de la ville d' Esch
          Dr Portal Isabelle, CRP-Santé, épidémiologiste,
          Mme Prost Marie-Paule, Directrice de la Fondation Lux. contre le Cancer
          Mme Scharpantgen Astrid, Division de la médecine préventive et sociale
          Dr Scheiden René, Laboratoire National de Santé, anatomopathologiste
          Dr Schneider François, Directeur du Laboratoire National de Santé
          Dr Steil Simone, Division de la médecine préventive et sociale
          Dr Stein Romain, Représentant du cercle des médecins-généralistes
          Dr Türk Philippe, Représentant de l’AMMD, interniste, Hôpital Ste Thérèse
          Dr Wagener Yolande, Division de la médecine préventive et sociale
          Dr Weber Joseph, Représentant de la Société des Gastro-entérologues,
              gastro- entérologue, CHL

                                                                                      5
Promotion de la détection précoce du
             cancer colorectal

                             INTRODUCTION

Il est important non seulement de prévenir les maladies, mais également de les détecter à un
stade précoce pour pouvoir les éviter ou les traiter d'une façon efficace.
Ceci est particulièrement vrai pour les cancers. Une détection précoce offre les meilleures
chances de guérison.

          •   Le dépistage précoce du cancer colorectal est un objectif national de Santé
              Publique.

          •   La sensibilisation des professionnels de santé et du public est un élément
              primordial pour le succès du projet : dépistage précoce du cancer colorectal.

          •   L’action de prévention demandée aux médecins (généralistes, internistes,
               gastro-entérologues, médecins du travail) est indispensable au fonctionnement
              des actions de dépistage.

          •   Un groupe multidisciplinaire : « Prévention du cancer colorectal » a été créé
              pour mettre en œuvre et coordonner des actions prévues dans ce cadre, pour
              assurer leur continuité et leur évaluation régulière.

                                                                                          6
Le cancer colorectal : la situation à Luxembourg
                                                       1. L’incidence du cancer colorectal
Le cancer colorectal est un cancer très fréquent à Luxembourg, avec 238 nouveaux cas et 133
décès en 1997. Le cancer est rare avant 50 ans (6 %) et augmente constamment avec l’âge.

                                                   Nombre de cancers colorectaux, par périodes de
                                                                    3 années,
                                                                      N: 2830
                                            400

                                                                                                                        345
                                                                                                          335

                                                                                                                  337
                                            350

                                                                                                       295
                                                                                            290
                                                                                 288
                   Nombre de cas

                                                                                           274
                                            300
                                                                           238

                                                                                                                                Féminin
                                                                  215
                                                           213

                                            250
                                                                                                                                Masculin
                                            200

                                            150

                                            100
                                                       1983-85            1986-88      1989- 91       1992-94     1995-97
                                                                                           Année

       Graphique 1. Source – Registre Morphologique des Tumeurs ( Nombre de cas )

                                                       Evolution de l'incidence du cancer colorectal / 100.000,
                                                                         par périodes de 3 ans

                                                   80.00
                                                   70.00
                               Incidence/100.000

                                                   60.00                                                  52.39
                                                                                   47.04
                                                   50.00                                                                55.14
                                                                                              48.88                                   Incidence/100.000
                                                   40.00
                                                                        38.94
                                                   30.00
                                                   20.00
                                                   10.00
                                                    0.00
                                                                 1983-85        1986-88     1989- 91 1992-94        1995-97
                                                                                            Année

       Graphique 2. Source – RMT

       Depuis 1983 une augmentation constante de l’incidence du cancer colorectal est
       observée.

                                                                                                                                                          7
Nombre de cancers colorectaux, selon le sexe et la tranche d'âge,
                                                                                    1983-97
                                                                                    n: 2.830
                                  350

                                                                                                                                                  327
                                  300

                                                                                                                          263

                                                                                                                                  236

                                                                                                                                            234
     Nombre de cancers

                                                                                                                                 219
                                  250

                                                                                                                                          217

                                                                                                                                                           206
                                                                                                             189

                                                                                                                    178
                                  200

                                                                                                           164
                                                                                                   146
                                  150

                                                                                        111
                                                                                                                                                                 Féminin

                                                                                              97
                                  100

                                                                                   77
                                                                                                                                                                 Masculin

                                                                           44
                                                                          34
                                                                  33

                                              50
                                                         28
                                                        15

                                                                12

                                              0
2. La mortalité par cancer colorectal

                                             Nombre de décès selon le sexe,
                                                       1980-97
                                                       N: 2.271

                    300
                    250
                    200                                                                                         Fémimin

                    150
                                                                                                                Masculin

                    100
                           50
                           0
                                 80-82      83-85      86-88           89-91           92-94           95-97
                                                               Année

Graphique 5. Source – Statistiques de décès, Direction de la Santé

                                                    Taux de mortalité/100 000
                                                     par périodes de 3 ans

                           60
                           50
       Taux de mortalité

                                                                                                               Taux de
                           40                            35.97                                                 mortalité/100 000

                           30   37.32
                           20                                                  31.76
                                                                                               28.76
                           10
                            0
                                 80-82     83-85     86-88       89-91          92-94          95-97

                                                             Année

Graphique 6. Source Statistiques de décès, Direction de la Santé

Le cancer colorectal est une cause de décès fréquente au Grand-Duché de Luxembourg.
D’après les statistiques de décès de la Direction de la Santé, 2.271 habitants sont décédés d’un
cancer colorectal durant la période 1980-1997.

                                                                                                                                   9
Nombre de décès selon le sexe et la tranche d'âge
                                                            Total : 2.271
                             600

                                                                                                                  467
                             500
   Nombre de décès

                             400

                                                                                                                              Féminin

                                                                                                                        265
                             300
                                                                                                                              Masculin

                                                                                                          192
                                                                                                 188

                                                                                                          187
                                                                                        167

                                                                                                166
                             200

                                                                                      130
                                                                               115
                                                                             85
                                                                      80
                             100                                     57
                                                            48
                                                            47
                                                     23
                                            14
                                   13

                                                    11
                                            9
                                   7

                              0
3. Localisation des tumeurs (Réf 19)

31 % des cancers sont localisés au niveau du rectum, 35 % se situent au-delà du sigmoïde et
échappent ainsi à une rectosigmoïdoscopie flexible isolée.

                                               Nombre de cancers   Pourcentage
                   Rectum                      553               31 %
                   Sigmoïde                    604               34 %
                   Côlon descendant            94                 5%
                   Côlon transverse/           522               30 %
                   droit
                   Total                        1.773                         100 %

Tableau 1 : Répartition des cancers colorectaux au Grand-Duché.
Analyse de 1.773 cas pour la période 1988 – 1996. Données : RMT

Le pronostic du cancer colorectal dépend avant tout de l’extension loco-régionale et à
distance. Si la tumeur est limitée à la paroi intestinale et ne présente pas d’invasion
ganglionnaire, la survie à 5 ans est de 84 - 94 %, tandis qu’en cas d’extension au-delà de
l’organe ce taux chute à moins de 50 %.

                  TNM stade                Description                                    Survie à 5 ans
                  pT 1              Limité à la muqueuse / sousmuqueuse                    94 %
                  pT 2              Infiltre la musculeuse                                 84 %
                  pT 3              Dépasse les limites de l’organe                        48 %
                  pT 4              Infiltre un organe avoisinant                          2%

Tableau 2 : Survie en fonction de l’extension tumorale locale. Données d’après la littérature ( Réf 17 )

Malheureusement 77 % des cancers opérés au Luxembourg dépassent déjà les limites de
la paroi colique.
                                   Nombre       Pourcentage
              pT 1                 122          8%
              pT 2                 223          15 %
              pT 3                 851          57 %
              pT 4                 295          20 %
              Total                1.491        100 %

Tableau 3 : Analyse de 1491 pièces de résection pour la période de 1988 – 1996. Données : RMT

En cas d’atteinte ganglionnaire, la survie à cinq ans est également inférieure à 50 % et
lorsqu’il existe des métastases à distance elle est exceptionnelle.

Comme une partie des patients échappe au recueil des données du registre national des
cancers en raison du transfert à l’étranger, nous avons choisi d’analyser les données de deux
centres au Luxembourg pour l’extension à distance des cancers colorectaux. Ainsi d’après les
statistiques du Service de Gastro-entérologie du Centre Hospitalier de Luxembourg et de
l’Hôpital de la Ville d’Esch (Dr. Serge Meyer), 48 % des tumeurs colorectales présentent des
métastases ganglionnaires et 25 % des métastases à distance au moment du diagnostic.

                                                                                                           11
Nombre                      Atteinte ganglion.         Métastase à distance
      Registre des tumeurs    1.491                         47 %                       ---
      Centre Hospitalier Lux. 156                           48 %                       26 %
      Hôpital Ville d’Esch     102                          45 %                       24 %

Tableau 4 : Répartition de stades Duke’s C et D lors du diagnostic (1992 – 1998).

Il n’existe pas de différence significative entre les deux centres. Ces chiffres montrent
clairement que le diagnostic est posé tardivement au cours de la maladie. Au Grand-Duché le
taux de cancers détectés à un stade avancé (Duke’s C et D) est supérieur à ceux d’autres pays
européens comme le Danemark (59 % versus 47 %) par exemple.

                                       Grande-Bretagne Danemark                         Luxembourg
                                       (Hardcastle)    (Kronborg)                       (CHL)
            Stade Duke’s                 n = 249         n = 148                        n = 258
          A                             11 %               11 %                 17 %
          B                             33 %               37 %                 23 %
          C                             31 %               23 %                 33 %
          D                             21 %               24 %                 26 %

Tableau 5 : Comparaison du stade des cancers lors du diagnostic. Groupe contrôle des études de Hardcastle et Kronborg
versus les données du Centre Hospitalier Luxembourg 1991 – 96.

Les raisons de ce diagnostic tardif sont multiples. La tumeur peut rester longtemps
cliniquement muette et lorsqu’elle devient symptomatique la méconnaissance du problème par
le patient retarde le diagnostic. Le corps médical pourrait être mieux informé du risque qu’a
un patient d’être atteint par un cancer colique.

                                                                                                                  12
4. Risques de développer un cancer colorectal
A) Le risque cumulé moyen de développer un cancer colorectal est de l’ordre de 3,5 %
   durant toute la vie, mais il varie largement d’un individu à l’autre. La majorité des
   cancers, soit environ 70 % se développent à partir d’un adénome chez des personnes sans
   antécédents particuliers.

La séquence adénome-carcinome ne fait plus de doute, mais le taux de transformation
d’adénomes en cancers est mal connu. On estime que 10 % des polypes atteignent une taille
de plus d’un cm et, d’après une étude de Strycker et al, le taux cumulé de cancers développés
sur des adénomes laissés en place est de 25 % à 20 ans. On peut donc estimer que 2,5 % des
polypes deviendront des cancers au cours de la vie d’un sujet.
Ces individus représentent donc la population à risque.

En Angleterre la prévalence des adénomes est de 34 % pour les personnes âgées de 50-60 ans;
elle est de 40-60 % pour les personnes âgées de plus 75 ans. On a trouvé que 8 % des polypes
se transforment en cancer pendant une période de 10 ans, 24 % en 20 ans (Réf 2,8,9).
Le “National Polyp Study Group” (Réf 10) a démontré la réduction significative de l’incidence
du CCR, grâce à la polypectomie et au suivi coloscopique.

•   Le développement du CCR peut être favorisé par des facteurs externes, p.ex. habitudes
    alimentaires, consommation d’alcool (Réf.1;2;3).
    On observe une augmentation de l’incidence du CCR chez les immigrants japonais aux
    USA par rapport à celle du Japon; cette différence est mise en relation avec le changement
    des habitudes alimentaires. Bien qu’on manque encore d’études à long terme prouvant les
    bienfaits d’une alimentation riche en légumes et fruits, des recommandations diététiques
    ont été publiées par le “National Cancer Institute”, USA.

•    On estime que près de 20 % de la population ont une prédisposition génétique pour le
    développement d’un CCR (Réf 18).

B) Deux formes de cancers héréditaires sont déjà bien définies au sein de ce groupe :

•   La polypose adénomateuse familiale (FAP familial adenomatous polyposis)

•   Le syndrome de Lynch ou HNPCC (Heriditary Non Polyposis Colon Cancer)

La polypose adénomateuse familiale est une maladie héréditaire transmise par voie
autosomale dominante : le risque d’être atteint est de 50 % pour les descendants d’un porteur
du gène muté qui se situe sur le bras long du chromosome 5. La maladie est caractérisée par le
développement, surtout après la puberté, de plusieurs centaines de polypes adénomateux
tapissant la muqueuse intestinale. La transformation maligne est inéluctable et débute vers
l’âge de 25 ans.

Dans le syndrome HNPCC les cancers du côlon surviennent également tôt, au cours de la
quatrième ou cinquième décade et sont souvent précédés par des adénomes plans avec des
dysplasies sévères. Ils ont la tendance d’être plutôt localisés au niveau du côlon droit et sont
parfois de type mucineux.

                                                                                             13
Le syndrome est défini par les critères d’Amsterdam (ou la règle 3-2-1) :
                       3 patients atteints de cancers colorectaux dans une même famille
                       2 générations successives concernées
                       1 malade atteint avant l’âge de 50 ans.
Ce syndrome, dont le risque de développer un cancer colorectal est de l’ordre de 90 % expose
également à un risque accru de développement d’autres cancers : ovaire, endomètre, système
biliaire ou estomac.

C) A côté de ces cancers héréditaires avec un risque très élevé de développer un cancer
colorectal, on identifie une population intermédiaire sans syndrome génétique défini, qui a
un risque plus élevé comparé à la population générale, sans pour autant atteindre les valeurs
des cancers héréditaires :
 • Personnes aux antécédents familiaux de cancer colorectal, de polypes ou antécédent
    personnel de ces pathologies. Le risque cumulé de développer un cancer colorectal varie
    entre 6 et 14 % pour les patients ayant des antécédents familiaux de cancer ou de polypes
    pour la parenté de 1er degré.
 • Ce risque augmente avec la diminution de l’âge du sujet index atteint par le cancer ou
    les polypes. Dans ce groupe figure également la pancolite inflammatoire qui peut
    atteindre un risque cumulé de dégénérescence allant jusqu’à 43 %.

                                                                     Risque relatif           Risque cumulé

            Population générale                                              1                     3,50 %

            Antécédent familial 1er degré

            Polypes                                                          1,8                    7%
            cancer colorectal                                                1,8                    7%
            cancer < 50 ans                                                  3,7                   13 %
            polypes < 45 ans                                                 4                     14 %

            Antécédent personnel

            Cancer                                                           2                      7%
            polype > 1 cm ou villeux                                         3,6                   13 %
            cancer et polypes                                                5                     18 %
            multiples polypes > 1 cm villeux                                 6,6                   23 %

            Pancolite RCUH                                                   12                    43 %

            HNPCC                                                            30                   90 %
            FAP                                                              35                  100 %

Tableau 7: Risque relatif et cumulé de développer un cancer colorectal ( Réf 17,18,20,21 ).

La prévention du cancer colorectal et son pronostic ne pourront être améliorés dans le
futur que grâce à une augmentation des diagnostics précoces.

Beaucoup d’efforts restent à faire pour atteindre ce but.

                                                                                                              14
Evolution du cancer colorectal

                   phase asymptomatique               phase symptomatique

                  précancerose       cancer     symptômes      diagnostic maladie      décès
                  polype

                génétique

                             polypectomie

                    PREVENTION              DEPISTAGE           DIAGNOSTIC         TARDIF
                                                                PRECOCE

A l’avenir, notre stratégie de prise en charge du cancer colorectal devra viser à augmenter le
nombre de cancers dépistés à un stade asymptomatique et surtout à dépister les adénomes
précurseurs, curables par la polypectomie. Tout polype enlevé par voie endoscopique
prévient un cancer potentiel et peut réduire l’incidence du cancer colorectal. La génétique
nous aidera à identifier au sein des familles à haut risque les personnes concernées, qui
pourront être soumises à un programme de surveillance stricte. Pour les gens non porteurs
d’un gène muté, cela évitera des examens complémentaires. D’autre part on pourrait réduire
l’incidence et la mortalité du cancer colorectal par l’identification et le suivi des patients
porteurs de polypes au sein de la population générale.

                                                                                           15
5. L’objectif principal d'une sensibilisation au problème du
                                cancer colorectal
est de promouvoir la détection précoce d'un polype intestinal ou d’une lésion cancéreuse
asymptomatique pour diminuer la morbidité et la mortalité par cancer colorectal.

Lorsque des symptômes apparaissent: - modification des habitudes d'élimination des selles
                                      (diarrhées ou constipation)
                                    - présence de sang dans les selles
                                    - gêne ou douleur accompagnées de ballonnement dans
                                      la région abdominale

le cancer est souvent déjà à un stade très avancé, difficilement guérissable.

                                    6. Population cible

Comme le risque de CCR et la présence de polypes intestinaux augmentent à partir de 50 ans,
il est important de cibler par la campagne de sensibilisation la population générale de 50 ans
et plus. Le but est d'augmenter le nombre de cancers dépistés à un stade asymptomatique,
ainsi que les adénomes précurseurs curables par la polypectomie. Tout polype enlevé par voie
endoscopique prévient un cancer potentiel et réduit d’autant l'incidence du cancer colorectal.

Il est particulièrement important d’identifier les groupes à risque, afin de pouvoir mettre en
place des programmes de surveillance particuliers (analyses génétiques, Hémoccultes
fréquents, coloscopies régulières).

                           7. Méthodes de détection du CCR
                                 Les tests de dépistage

1) Les examens endoscopiques du côlon
L’endoscopie est actuellement l’examen le plus performant pour détecter des pathologies au
niveau du côlon. Dans les études prospectives, sa sensibilité et sa spécificité pour le cancer
colorectal avoisinent les 100 %. Mais aussi pour détecter les petites lésions coliques,
l’endoscopie l’emporte sur les autres techniques d’imagerie : le taux de polypes d’une taille <
10 mm échappant à l’endoscopie n’est que de 3 - 5 %.
En plus, l’endoscopie représente le geste thérapeutique adapté, car la polypectomie est un
traitement suffisant pour ces lésions pré-cancéreuses. Deux études ont montré la réduction de
l’incidence du cancer colorectal dans ces conditions, alors qu’une étude prospective trouve
une réduction de la mortalité du cancer colorectal par la polypectomie.
Mais l’endoscopie comporte une morbidité et une mortalité certes faibles mais non
négligeables. Ce taux de complication est – entre autres- fonction de l’expérience de
l’endoscopiste. Si les complications d’une endoscopie diagnostique sont exceptionnelles et se
résument à la perforation liée à une technique d’examen inappropriée, la polypectomie
endoscopique par contre comporte un risque inhérent au geste même.

                                                                                            16
La perforation de la paroi colique est une complication sévère qui nécessite généralement une
intervention chirurgicale d’urgence afin de fermer la paroi intestinale perforée. Sa fréquence
est de l’ordre de 0,14-0,20 % et la mortalité de 0,02 –0,09 %. Le saignement lié à la biopsie
est exceptionnel et est favorisé par des troubles de la coagulation. Pour la plupart des
saignements un simple traitement endoscopique d’hémostase est efficace. Des troubles du
rythme cardiaque lors de l’examen sont également exceptionnels. Finalement l’endoscopie, et
en particulier la coloscopie totale, est considérée subjectivement comme un examen difficile à
tolérer par les patients : pourtant l’insufflation d’air pour déplisser les parois et améliorer la
vue et qui peut occasionner des ballonnements est commune à l’endoscopie et à l’examen
radiologique. Une étude prospective a comparé chez les mêmes personnes la tolérance de
l’endoscopie et du lavement baryté et conclut que la majorité des gens préfèrent la coloscopie
à l’examen radiologique en cas d’un nouveau contrôle.
On distingue deux types d‘examens endoscopiques: la coloscopie totale et la sigmoïdoscopie
(coloscopie gauche).

a) La coloscopie totale

Une coloscopie totale explore le côlon sur toute sa longueur. Le côlon doit être parfaitement
propre. Pour cela on doit généralement boire un liquide de lavage intestinal avant l‘examen.
Pour améliorer la tolérance et faciliter l’examen, un calmant est généralement administré; le
recours à une anesthésie générale est rarement nécessaire. En cas de prémédication, le patient
doit se faire accompagner pour l‘examen et il ne peut reprendre le volant de la voiture après
l‘examen.

b) La sigmoïdoscopie

Cet examen se limite à l’exploration du rectum et du côlon gauche où se situent environ les
deux tiers des polypes et cancers coliques. Les avantages sont qu’il est de réalisation plus
facile et plus rapide. En plus une préparation par simple lavement avant l’examen est
suffisante. Enfin il est mieux toléré et ne nécessite généralement pas de sédation.

2) L’examen radiologique du côlon

a) Le lavement baryté

La radiographie en double contraste avec introduction par l’anus de la baryte et insufflation
d’air permet par déplissement des parois coliques la visualisation indirecte de lésions coliques.
Cet examen est moins performant que la coloscopie: sa sensibilité pour le cancer est encore
acceptable avec 85 % mais cet examen est insuffisant pour la détection des lésions coliques
inférieures à 1 cm car environ un tiers échappent à l’examen. Sa spécificité est également
moindre que la coloscopie avec biopsie. Il nécessite tout comme la coloscopie un côlon
parfaitement propre.
En cas d’anomalie, il faut habituellement avoir recours à un examen coloscopique
complémentaire pour pratiquer des biopsies. La tolérance n’est pas meilleure que pour la
coloscopie. Les risques liés à l’examen sont faibles: la complication la plus sévère est la
perforation colique survenant essentiellement sur un côlon pathologique.

                                                                                               17
b) La coloscopie virtuelle

La reconstruction virtuelle non invasive du côlon par traitement informatique des images
obtenues par scanner ou résonance magnétique est en cours d’évaluation. La sensibilité et la
spécificité sont moindres par rapport à la coloscopie conventionnelle notamment pour des
lésions inférieures à un cm. Actuellement elle ne peut être recommandée dans un contexte de
campagnes de dépistage et il faudra attendre les résultats d’études prospectives comparant
cette technique en pleine évolution à l’endoscopie pour définir son rôle dans le dépistage du
cancer colorectal. La préparation est identique à celle de la coloscopie ; une insufflation d’air
maximale est également indispensable.

3) La recherche de sang occulte dans les selles ( test Hemoccult)
Le test le plus utilisé est un test au gaïac qui se pratique sur trois selles successives.
Utilisé à grande échelle, la recherche d’un saignement non visible par l’analyse des selles est
une méthode simple et peu coûteuse. Elle a fait ses preuves pour la détection du cancer
colique dans le dépistage de masse (Réf 18). Ainsi trois grandes études ont démontré la
réduction de la mortalité par cancer colorectal par un tel dépistage. Cette réduction de la
mortalité est liée au fait que les cancers sont détectés à un stade moins avancé que dans le
groupe contrôle. Comme le test réagit non seulement à l’hémoglobine humaine, mais aussi à
l’hémoglobine animale contenue dans les viandes rouges et aux peroxydases végétales, le test
nécessite un régime particulier trois jours avant sa réalisation. En plus, il peut être influencé
par la prise de médicaments ( Vit C, Aspirine p.ex.) Malgré les précautions d’utilisation, sa
spécificité et sa sensibilité sont faibles et varient entre 50 - 80 %. Ainsi un test positif
demande toujours un complément d’examen généralement par endoscopie pour préciser la
source de saignement qui peut être non tumorale. A l’opposé un test négatif n’exclut pas une
tumeur colique puisque le saignement survient souvent par intermittence. Le taux des cancers
dits d’intervalle, qui échappent même à des tests répétés, varie entre 28 et 31 %.
La recherche de sang dans les selles constitue donc un test de dépistage pour une population
générale mais n’est pas un test individuel sûr. Il faut clairement expliquer au patient qu’un test
négatif n’exclut pas une pathologie colique. Enfin la majorité des polypes, qui constituent la
lésion pré-cancéreuse du côlon, échappent généralement à ce test.
Pour toutes ces raisons, le groupe de réflexion est d’avis que ce test n’est pas le premier choix
à proposer à un individu mais qu’il constitue une alternative au cas ou un patient ne désire pas
d’examen invasif.

                                                                                               18
Comparaison des sensibilités et des spécificités de différentes techniques
               pour la détection de polypes et de cancers colorectaux.

                                 Cancers                  Gros Polypes (>1cm)               Petits Polypes

                      Sensibilité      Spécificité     Sensibilité      Spécificité       Sensibilité    Spécificité

 Hemoccult               40-75%                           19-45%
 Lavement baryté
 en double                  84             97,5              82               83,3             67             75
 contraste

 Coloscopie                96,7             98               85                98             78,5            98

 Recto-sigmoïdo-
 scopie souple             96,7             94              96,7               94             73,3            92

 uniquement
 pour la partie
 du côlon
 examiné

Source: Recommandations de l'Association Américaine de Gastro-entérologie *

             TEST                      Proportion de cancers                            Commentaires
                                           détectés (%)
Toucher rectal                                 < 10                       Ne donne que des informations sur
                                                                                   l'ampoule rectale
Hemoccult                                         40-75                            Sensibilité basse
                                                                                       Bon marché
                                                                         Tout positif engendre une coloscopie
Sigmoïdo-scopie rigide                                                             Sensibilité basse
                                                  20-30                    Tout résultat positif engendre une
                                                                                   coloscopie totale
Sigmoïdo-scopie flexible                                                            Pas de sédation
                                                  50-65                                 Lavement
                                                                           Tout résultat positif engendre une
                                                                                   coloscopie totale
                                                                             Moins cher que la coloscopie
Lavement baryté à double                          85-95                 Des cancers rectosigmoïdes peuvent être
contraste                                                                                 râtés
                                                                           Tout résultat positif engendre une
                                                                           coloscopie totale pour biopsie ou
                                                                                      polypectomie

                                                                                        Haute sensibilité
Coloscopie totale                                 95-99                       Possibilité de faire tout de suite une
                                                                                biopsie ou des polypectomies
                                                                                              Cher
                                                                                           Lavement
                                                                                            Sédation

                                                                                                                       19
Recommandations en 2000

Il est admis aujourd’hui que l’amélioration du pronostic du cancer colorectal repose sur le
dépistage, un diagnostic précoce et sur le traitement des polpyes adénomateux par
polypectomie. Par contre il n’y a pas de consensus sur la stratégie de dépistage à proposer.
Les recommandations formulées par différentes sociétés savantes internationales tiennent
compte des données scientifiques de la littérature d’une part, mais également des particularités
nationales du système de santé d’autre part. Ainsi à titre d’exemple le libre accès à
l’endoscopie et sa disponibilité, le coût du dépistage et sa prise en charge peuvent influencer
la stratégie de dépistage à proposer.
Pour ces raisons il a semblé opportun au groupe de travail de formuler ses propres
recommandations de dépistage en tenant compte des particularités du système de santé au
Luxembourg. Il est évident que ces recommandations sont à revoir dans le futur en fonction
des données scientifiques nouvelles.

Le groupe « Prévention du cancer colorectal » a mis la priorité sur deux points principaux :

1) pour la population générale : réduire le taux de cancer et les détecter à un stade plus
   précoce pour en améliorer le pronostic

2) identifier les personnes à risque pour le cancer colorectal au sein de la population générale
   et leur proposer une prise en charge adaptée à leur propre risque et donc en réduire la
   fréquence.

Ces deux objectifs nécessitent à côté d’une sensibilisation et information du grand public une
coopération des médecins et une stratégie commune pour la prise en charge des personnes
concernées.

Ainsi le test à proposer à un individu sera essentiellement fonction de son risque personnel
d’avoir un cancer colique ou un polype adénomateux colique. Le test de dépistage spécifique
sera choisi en fonction de l’évolution du risque personnel d’avoir un CCR. Il s’agit donc en
premier lieu d’estimer ce risque pour, par la suite, pouvoir proposer le test de dépistage
répondant le mieux au risque. Cependant, dans une telle démarche il faudra tenir compte à
côté du volet purement médical des désirs personnels du patient (motivation de suivre un test,
acceptation d’une endoscopie partielle ou totale, etc). Finalement le patient ne pourra
consentir à un examen de dépistage défini qu’après une information suffisante et préalable sur
les avantages et les inconvénients des différents tests proposés.

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Les recommandations du groupe de travail

I) Population générale

a ) Personne asymptomatique, 50 ans ou plus, sans risque particulier

Trois alternatives sont possibles :

–   une coloscopie totale avec un contrôle endoscopique dans 10 ans si la coloscopie est
    normale.

Le groupe de travail soutient cette stratégie comme examen de premier choix dans cette
indication. Bien que cette recommandation ne soit pas encore validée par une grande étude
prospective, il faut retenir que les arguments scientifiques actuels sont suffisants pour
considérer qu’une telle démarche constitue la meilleure approche individuelle de dépistage.
La condition essentielle est que cette coloscopie soit faite dans de bonnes conditions
(préparation, expérience de l’endoscopiste, etc ) afin de minimiser le risque de méconnaître
un petit polype colique et de réduire les complications de l’examen au maximum.

-   une recto-sigmoïdoscopie flexible avec un contrôle dans 10 ans si l’examen est
    normal, couplée à un test Hemoccult annuel.

Comme seulement 2/3 des pathologies coliques sont accessibles à cette endoscopie une
recherche de sang dans les selles est fortement recommandée annuellement en sus. Une étude
comparative a démontré la supériorité d’une telle double approche comparée à l’endoscopie
seule.

–   une recherche de sang annuellement

Ceci constitue d’après le groupe de travail une stratégie valable avec les inconvénients
énumérés dans ce document de stratégie. Elle ne devrait être proposé qu’aux personnes dont la
motivation pour un dépistage individuel par endoscopie est faible.

b) Personne symptomatique indépendamment de l’âge

-   La coloscopie totale est le seul examen à recommander dans cette situation. Un
    contrôle endoscopique dans 10 ans ou à l’âge de 50 ans est alors suffisant si la coloscopie
    est normale.

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II) Les personnes à risque

A) Personne asymptomatique avec un risque accru comparé à la population générale du
   fait d’antécédent familial de cancer colique ou de polype à l’exclusion des critères
   stricts d’un cancer héréditaire

-   une coloscopie totale à 45 ans ( ou 5 ans plus tôt que le sujet index si celui-ci < 50
    ans) avec un contrôle après 5 ans.

B) Personne asymptomatique avec un risque très élevé comparé à la population générale
  du fait d’un cancer héréditaire (= polypose familiale , HNPCC)

- Polypose familiale

La détection par la recto-sigmoïdoscopie flexible annuelle à partir de la puberté reste
actuellement l’option de choix.

En fonction des disponibilités on peut proposer comme alternative la recherche de la mutation
chez le sujet index puis des apparentés avec un suivi endoscopique des sujets porteurs de la
mutation.

- HNPCC (Hereditary Non Polyposis Colorectal Cancer)

L’endoscopie avec une coloscopie totale tous les deux ans à partir de 25 ans ou 5 ans avant
l’âge du sujet index le plus jeune reste l’option de choix. Un test génétique du sujet index et
puis des apparentés avec un suivi endoscopique des sujets porteurs des mutations peut
constituer une alternative dans le futur.
Un contrôle gynécologique annuel et une cytologie urinaire sont obligatoires.

C) Personne asymptomatique avec un risque élevé comparé à la population générale du
  fait d’antécédent personnel de polype ou de cancer ou de pancolite

Un contrôle par coloscopie totale est recommandé trois ans après résection d’un cancer
colique à condition que l’examen en préopératoire ait été complet et normal au niveau du
côlon restant. Après une polypectomie endoscopique avec ablation complète des polypes un
contrôle est suffisant après 5 ans. Cette recommandation n’est valable qui si l’endoscopie s’est
faite dans de bonnes conditions de visibilité afin de réduire au maximum le risque de
méconnaître des petits polypes.

D) Personne avec un risque accru comparé à la population générale du fait de
   pancolite (RCUH)

Des recommandations générales sont difficiles à donner et la pratique de l’endoscopie varie
souvent en fonction de l’évolution de la maladie. On peut cependant considérer comme
raisonnable une coloscopie totale tous les deux ans pour une pancolite évoluant depuis au
moins quinze ans.

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9. Actions envisagées pour l'an 2000

•   Actions de sensibilisation destinées au corps médical

    -   Rédaction et diffusion du document de stratégie : « Promotion de la détection précoce
        du cancer colorectal ».
    -   Sensibilisation du corps médical par des séances d'information et de formation
        continue, organisées par des membres du groupe multidisciplinaire « Prévention du
        cancer colorectal ».

•   Action: « Hemoccults »

        Afin d’être en mesure de faire une évaluation dans le temps concernant la détection et
        l’incidence du CCR suite à un Hemoccult positif, il a été convenu d’organiser un
        centre national de lecture pour Hemoccults au Laboratoire National de Santé. La
        lecture de tous les Hemoccults, réalisés dans le cadre de ce projet, se fera donc au
        LNS.

        A ces fins un certain nombre d’Hemoccults sera envoyé par le Laboratoire de la
        Santé aux médecins (généralistes, internistes, gastro-entérologues, gynécologues )
        avec une enveloppe « envoi réponse » adressée au LNS. Les commandes ultérieures
        sont à adresser par fax au LNS : fax 40 42 38.

•   LNS – Registre Morphologique des Tumeurs

    -   Une étude de référence concernant l'incidence (1982-1997) et le stade des cancers
        colorectaux (1988-1996) détectés a été réalisée par le RMT. Une étude de
        comparaison et d’évaluation de l’incidence et du stade des CCR sera réalisée en l’an
        2004 par le RMT.

•   Actions de sensibilisation destinées au grand public

    -   Campagne de sensibilisation et d'information dans les médias (journaux, radio…).
    -   Rédaction d'un numéro spécial sur le CCR: "Info cancer" par la Fondation
        luxembourgeoise contre le Cancer (FLCC) en mai 2000.
    -   Elaboration d’un dépliant et d’une affiche en collaboration avec la FLCC.
    -   Actions de sensibilisation particulières pour la détection précoce du CCR, liées
        à l'invitation pour l'examen médical lors du renouvellement du permis de conduire.
    -   Campagne de sensibilisation en médecine du travail surtout à l’occasion des examens
        médicaux ( embauche, périodiques, facultatifs).
    -   Message de sensibilisation sur la fiche de remboursement des frais médicaux de
        l'UCM.
    -   Les possibilités de diffusion de messages de prévention dans les publications
        des différentes caisses de maladies seront analysées.

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