Public, social and cooperative economy meeting the general interest

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29ème International Congress of CIRIEC
                                 Vienne, 12-14 septembre 2012

                       Public, social and cooperative economy
                            meeting the general interest

    La gestion du service public de l’eau et de l’assainissement en Algérie
                    Cadre légal, financement et régulation
                              Malika CHERTOUK – AHMED ZAID, Professeur
                            Laboratoire REDYL – Réformes Economiques et Dynamiques locales
                              Faculté des Sciences Economiques, Commerciales et de Gestion
                                        Université Mouloud Mammeri, Tizi Ouzou

                                           malika-ahmedzaid@mail.ummto.dz

       Résumé :
                  La présente contribution essaie d’aborder les évolutions amorcées dans la gestion des services en réseau
       et plus particulièrement ceux de l’eau et de l’assainissement dans un contexte économique en proie aux effets
       latents de la crise financière et économique mondiale et un contexte de réformes inaccomplies marquant une
       expérience difficile et inachevée de transition de l’économie administrée vers l’économie de marché. Aussi, la
       première partie de la contribution consistera à faire le point sur le redéploiement de l’action publique à travers
       l’importance accordée aux services publics dans la dynamique de réformes économiques et institutionnelles
       entreprises en Algérie durant les deux dernières décennies tout en mettant en relief la faiblesse des résultats et les
       retards accumulés en la matière. La seconde partie sera consacrée aux services publics de l’eau et de
       l’assainissement connaissant un début de transformations après celles qui ont touché un autre service en
       réseau, celui des télécommunications. Ces transformations mettent du temps à se dessiner et le basculement vers la
       privatisation ne semble pas s’inscrire dans les préoccupations actuelles. Il sera question à la fois d’évolutions
       organisationnelles et institutionnelles qui affectent ces services, d’une expérience de délégation et de régulation en
       cours de formalisation et bien entendu d’une analyse des résultats auxquelles elles ont abouti.

       Mots clés :
                Service public – Eau – Réglementation – Financement – Régulation – Politique tarifaire – Algérie.

        Le processus d’insertion dans l’économie mondiale et les nouvelles formes de rapports
entre Etats ont induit d’importantes évolutions dans la gestion des services publics dans de
nombreux pays du monde. Cette situation les a conduits à reconsidérer la conception, le
contenu et la mise en œuvre de leurs politiques publiques. On assiste alors à un mouvement de
reconfiguration de l’action publique dans bon nombre de ces pays et à un renouveau assez
spécifique en Algérie, loin de faire table rase des pratiques anciennes qui continuent à influer
négativement sur son efficacité. Dès lors, la question du renouveau dans l’action publique se
pose différemment en Algérie relativement aux pays occidentaux et ceux qui ont choisi la
même voie pour s’engager dans l’économie de marché, mais elle y demeure liée, la stratégie
de transformation retenue étant foncièrement identique à travers notamment les mesures
jugées souhaitables et indispensables par ses concepteurs tandis que la contrainte
sociopolitique et le processus d’adaptation sociale diffèrent.
        Le contexte de réformes entreprises par l’Etat, conjugué avec l’embellie financière due
à une montée prodigieuse des prix du pétrole, devait en principe augurer d’un succès de la
stratégie et aboutir à une meilleure reconfiguration de l’action publique et une maîtrise
soutenue des politiques publiques, l’Etat disposant de plus d’aisance et d’assurance à conduire
le processus. En effet, des réserves de change importantes ont été engrangées durant la

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dernière décennie et des sommes considérables sont injectées annuellement dans les différents
secteurs sans pour autant que des améliorations sensibles ne soient obtenues particulièrement
dans la fourniture des services publics. Mais voilà que la nouvelle tendance comportementale
de l’Etat a été perturbée par les effets inattendus de l’onde de choc de la crise financière et
économique mondiale d’autant plus que la conduite du processus de réformes s’avéra très
lente et des résistances se manifestèrent y compris au sein même des institutions. Loin d’être
protégée, l’économie algérienne subit les à-coups indirects et les turbulences de l’onde de
choc de la crise financière mondiale malgré un système financier peu évolué en totale
déconnexion des marchés financiers internationaux. L’accumulation des réserves de change
connaît une brusque régression suite à la récession qui frappe bon nombre de pays
industrialisés et à la baisse conséquente de la demande en hydrocarbures notamment ; les
ressources de l’Etat s’amenuisent, la croissance accuse une baisse relativement aux années
précédentes tandis que les prévisions pour 2010 et les années suivantes ne semblent pas verser
dans l’optimisme. Cette tendance régressive a conduit le gouvernement à être prudent quant à
sa politique budgétaire tout en observant une série de restrictions visant à épargner au mieux
les réserves accumulées et à dépenser utile. Même si, dans une première phase, le rythme et le
volume des investissements pour l’amélioration des services publics est maintenu pour la
période quinquennale 2010-2014, il n’est pas exclu que des effets de la crise mondiale se
manifestent ultérieurement et remettent en cause la politique gouvernementale non seulement
en termes de volume des investissements mais aussi en termes de nature et d’envergure des
projets.
        Dans le cadre du programme d’investissement public pour cette période, le
gouvernement accorde une place privilégiée au développement et à l’amélioration de la
fourniture des services publics de l’eau et de l’assainissement. En effet, une enveloppe de 15
milliards de dollars est prévue pour ce secteur malgré un contexte fait d’hésitations,
d’incertitudes et de prudence. Au total, les autorités algériennes veulent poursuivre deux
objectifs : régler définitivement le problème de l’eau et de l’assainissement au moins dans les
zones des grandes concentrations urbaines et le réaliser au moindre coût. Le choix d’une
stratégie porteuse est donc au centre de leurs préoccupations et s’inscrit dans la continuité des
réformes institutionnelles et organisationnelles entamées déjà dans le secteur après maintes
hésitations et presque quatre décennies d’expériences infructueuses d’une gestion tournée vers
le « tout public ».
        L’option pour l’économie de marché et la carence manifeste, observée à la fois dans
les processus de production et de distribution de l’eau, amènent le gouvernement à remettre en
cause ce mode de gestion pour amorcer timidement une expérience de délégation au profit
d’entreprises étrangères réputées être des leaders mondiaux du secteur de l’eau. Pratiqué
depuis fort longtemps dans d’autres pays et prévu dans le cadre de la loi relative à l’eau, ce
mode de gestion ne constitue pas en soi un fait nouveau, mais l’expérience algérienne en
cours est quelque part singulière et mérite d’être analysée pour au moins deux raisons : la
première est qu’elle se déroule dans un contexte de réformes économiques et administratives
inaccomplies, caractérisé par une aisance financière sérieusement perturbée par des effets
inattendus de la crise financière et économique mondiale ; la seconde est que le gouvernement
oscille entre la volonté d’aller vers la privatisation de la gestion motivée par un souci
d’efficacité et la préservation de la gestion publique confortée par la disponibilité de
ressources financières importantes permettant d’investir dans la réalisation d’importants
projets de mobilisation et de distribution de l’eau. Cette ambivalence a conduit le
gouvernement à adopter une position médiane : investir dans le domaine du management de
l’eau par la formation, le transfert du savoir faire tout en gardant l’essentiel de la gestion pour
deux établissements publics préexistants, eux-mêmes suppléés dans le cadre de la délégation
par des filiales régionales créées dans le cadre de la délégation et managées par des équipes de

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techniciens délégués par les entreprises délégataires étrangères. En fait, c’est une délégation
d’assistance dans le diagnostic des problèmes des réseaux notamment, leurs résolutions et
d’une manière générale dans le management de l’eau et de l’assainissement.
         Cela étant, le processus entrepris continue à susciter des interrogations telles que :
l’utilité de l’autorité de régulation mise en place, jusqu’où compte aller le gouvernement dans
le processus de délégation : ira-t-il à la concession, à l’affermage ou vers d’autres modes
pratiqués par ailleurs, ira-t-il vers un mode de gestion décentralisé où les collectivités
territoriales pourront assumer certaines de leurs missions telles que définies dans les codes de
la commune et de la wilaya avec tout ce que cela peut entraîner comme conséquences en
termes de délégation ou gardera-t-on ce système de gestion fortement centralisé avec des
évolutions futures ? Autant de questions qui, pour le moment, ne peuvent avoir de réponses
devant l’attitude prudente et hésitante des gouvernants.
         La présente contribution essaie d’aborder les évolutions amorcées dans la gestion des
services en réseau et plus particulièrement ceux de l’eau et de l’assainissement dans un
contexte économique en proie aux effets latents de la crise financière et économique mondiale
et un contexte de réformes inaccomplies marquant une expérience difficile et inachevée de
transition de l’économie administrée vers l’économie de marché. Aussi, dans la première
partie de la contribution, je m’efforce de faire le point sur le redéploiement de l’action
publique à travers l’importance accordée aux services publics dans la dynamique de réformes
économiques et institutionnelles entreprises en Algérie durant les deux dernières décennies
tout en mettant en relief la faiblesse des résultats et les retards accumulés en la matière. La
seconde partie sera consacrée aux services publics de l’eau et de l’assainissement qui
connaissent un début de transformations après celles qui ont touché un autre service en
réseau, celui des télécommunications. Ces transformations mettent du temps à se dessiner et le
basculement vers la privatisation ne semble pas s’inscrire dans les préoccupations actuelles du
gouvernement. Il sera question à la fois d’évolutions organisationnelles et institutionnelles qui
affectent ces services, d’une expérience de délégation et de régulation en cours de
formalisation et bien entendu d’une analyse des résultats auxquelles elles ont abouti.

   1. Des services publics dans un contexte de réformes inaccomplies?

        Trois principaux aspects distinguent le secteur des services publics du reste de
l’économie, ce sont : le caractère spécifique des investissements, les économies d’échelle et la
large consommation domestique de ces services. Ces trois aspects sont au cœur de la
problématique qui a traditionnellement motivé la nécessité d’aller vers leur régulation
gouvernementale et ont conduit au principe d’une tarification naturellement politique de ces
services [WILLIAMSON, 1988 ; SPILLER, 1990 ; LEVY & SPILLER, 1994]. De ce fait, les
transformations des services publics correspondent à des adaptations à l’environnement
économique et social et sont indissociables des mutations qui touchent aux missions et aux
structures de l’Etat. Ceci étant admis, cette partie se veut une approche du mouvement de
redéploiement de l’action publique en Algérie tout en accordant une place importante à la
gestion des services publics dans la dynamique de réformes entreprises par l’Etat dans sa
tentative de transition vers l’économie de marché dans le cadre d’un mouvement d’ensemble
imposé par la mondialisation.
        A l’instar de nombreux pays engagés dans le processus de transformation systémique
sur la base du modèle standard d’économie de marché né du « consensus de Washington »,
l’Algérie se devait de faire face à un double défi : réussir son insertion dans le concert de
l’économie mondiale et garantir la compétitivité de son économie fortement tributaire des
exportations des hydrocarbures et caractérisée par un système productif peu efficace doublé
d’un déficit en management de qualité. Dès lors, la question était de savoir comment limiter

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les effets pervers de cette transformation et réaliser une transition susceptible de réduire les
risques de dégradation des conditions sociales des populations les plus vulnérables.
Partant de ce constat et durant au moins deux décennies, les autorités algériennes ne cessent
d’afficher dans leurs discours une volonté de transformation du système économique sans
pour autant l’accompagner d’une vision claire, tandis que dans les institutions se développent
des stratégies de stagnation. Par ailleurs, les différents programmes gouvernementaux ont
accordé une place relativement importante aux mécanismes nécessaires à une transition
maîtrisée vers l’économie de marché et aux dispositifs de rationalisation de l’action publique,
si l’on se réfère au nombre d’institutions spécialisées créées, à la teneur de la législation
adoptée et aux ressources allouées. Mais dans les faits, les objectifs visés ne sont que
partiellement atteints : les efforts réellement consentis n’ont pas abouti aux succès escomptés
en termes d’amélioration des services publics, du climat d’investissement et encore moins en
matière d’attractivité des investissements directs étrangers appelés à consolider davantage la
dynamique de développement tant attendue. Cette situation s’explique tant par l’écart entre le
cadre institutionnel formellement défini et sa mise en œuvre au profit du développement
économique et social, que par les discordances existant entre les différents segments des
réformes engagées simultanément dans les domaines économique, administratif, judiciaire,
éducatif et bien d’autres.
         A partir de 1989, l’Etat algérien a entrepris une série de réformes économiques et
politiques dans le souci d’engager un processus de transformation de l’administration
publique visant à le doter de missions et structures adaptées au nouveau contexte de
l’économie de marché et de pluralisme politique. Malheureusement, cet élan réformateur n’a
pas apporté les améliorations attendues tant les évolutions futures de l’administration publique
et du mode de gouvernance demeurent marquées par les stigmates du passé, l’héritage n’étant
pas seulement dans les formes et les normes institutionnelles mais il reste gravé dans les
comportements et la culture managériale. Cette conception antinomique de l’administration
publique conforte le monopole de l’Etat sur l’ensemble des ressources nationales qui se
présente comme gestionnaire unique et direct des activités économiques et des affaires
publiques. De la sorte, le service public reste organisé en monopole public soit sous la forme
d’une gestion directe par l’administration, soit sous la forme d’établissement public exploitant
un monopole réglementé. La nature de cette conception de l’Etat va également affecter le
support administratif mis en place pour prendre en charge l’ensemble de ces missions. En
effet, la configuration de l’administration s’adaptera à cette conception et produira une
centralisation et un formalisme excessifs en nette contradiction avec le contenu des discours
officiels prônant la décentralisation institutionnelle souvent formelle et plus annoncée
qu’effective.
         Toutefois, l’Etat en tant que manifestation formelle d’un ordre interne et d’un ordre
externe se voit confronté aux contraintes des évolutions qui s’opèrent continuellement à ces
deux niveaux. Il se trouve condamné à s’adapter à l’ensemble des mutations au risque de se
voir figé et perdre sa substance devant son incapacité à répondre aux besoins vitaux de la
société. A l’évidence, ces mutations appellent à innover en matière de mécanismes à mettre en
œuvre au niveau de l’administration publique et de rapports à développer avec les différents
acteurs.
Au niveau externe, les mutations intervenues ont profondément bouleversé les relations entre
les Etats et blocs d’Etats. Celles-ci sont passées d’une logique de bipolarisation à une logique
de domination déterminée beaucoup plus par les aspects économiques dont l’un des faits les
plus saillants est le mouvement généralisé de recours aux partenariats-public-privé qui a été
plutôt le résultat d’une initiative internationale lancée depuis au moins deux décennies par les
institutions internationales à commencer par la Banque mondiale, des firmes transnationales
et des gouvernements nationaux [DE MIRAS, 2006].

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Au niveau interne, la société algérienne a connu une brusque et profonde évolution
caractérisée essentiellement par l’émergence d’une société civile à visage nouveau,
l’ouverture institutionnelle sur de nouveaux acteurs à la suite d’une libéralisation du champ
politique, l’évolution significative des rapports contractuels dans les domaines du travail, des
relations sociales et des transactions commerciales, la transformation des rapports des
citoyens à l’égard de l’Etat et de l’administration, et l’apparition de nouveaux besoins
sociopolitiques.
         En réalité, ces manifestations ne sont que la signature d’une crise profonde de l’Etat-
providence qui mettent au clair les limites d’un Etat « à tout faire » qui se veut à la fois
propriétaire, entrepreneur et régulateur. En même temps, elles dévoilent la face cachée de la
crise de représentation institutionnelle du rapport Etat /Société. D’une manière globale, nous
sommes en présence de tous les indices de l’expression directe d’une crise aigüe de l’Etat et
de ses institutions qui a conduit à son affaiblissement aussi bien dans les domaines
institutionnels de l’exercice de la souveraineté que dans les fonctions de fourniture de services
publics, de régulation et de contrôle. C’est à ce champ de contraintes internes et externes que
remonte la genèse de l’impérieuse nécessité de réformer les missions et les structures de l’Etat
en vue d’assurer sa pérennité et celle du service public, et d’aller en même temps vers sa
nécessaire modernisation.
         Les pouvoirs publics ont alors engagé une réflexion autour d’un mouvement de
réformes tous azimuts dont l’essentiel des débats et des préoccupations majeures étaient
focalisés sur les problématiques de la décentralisation, de la libéralisation et de mise en
concurrence de la fourniture des services publics. Cette tendance réformatrice est d’ailleurs
étayée par l’analyse des évolutions dans les pays de l’OCDE, quand bien même les priorités et
les rythmes diffèrent d’un pays à l’autre. Dans ce contexte, la dévolution de missions de
service public à des pouvoirs régionaux ou le transfert de missions de régulation à des
autorités administratives indépendantes constitue aujourd’hui une tendance quasi-universelle
[BELMIHOUB, 2005].
         L’Algérie a opté pour cette voie même si le rythme de mise en œuvre des réformes
demeure manifestement lent et laborieux en raison de résistances se développant au sein
même de l’administration publique qui conserve son caractère autoritaire au détriment d’une
politique de contractualisation. Celle-ci prend naissance et se développe à une cadence
relativement lente en se matérialisant notamment sur le terrain par la création d’autorités de
régulation autonomes dans divers secteurs tels les télécommunications, les mines, les
hydrocarbures, l’électricité, les transports, la monnaie et le crédit, et, plus récemment encore,
dans celui des services publics de l’eau et de l’assainissement.
         A ce niveau, il est intéressant de relever un aspect novateur de la politique
contractuelle de l’administration en la passation de contrats entre personnes publiques, alors
que jusque là le contrat était plutôt le fait de relations avec les personnes privées. A ses
débuts, ce type de changement était mal perçu en raison de la centralisation excessive du
système administratif. Or, il se trouve que la généralisation de l’utilisation du contrat dans les
relations entre personnes publiques ne peut se faire que dans le cadre de la décentralisation
qui demeure une question sujette à beaucoup de réticences, de résistances et d’absence de
cadre institutionnel de concertation. D’ailleurs, cette question se trouve masquée par la
pratique de la déconcentration qui constitue la voie privilégiée des pouvoirs publics pour
garder à la fois l’autorité, le monopole et le contrôle total sur les services publics.
         Cela étant, le problème consiste à déterminer si la satisfaction des citoyens est mieux
assurée par les approches du nouveau management public comme la contractualisation, la
décentralisation, le partenariat-public-privé sur la base de mécanismes de type marchand que
par les instruments traditionnellement mis en œuvre par une administration de type autoritaire.
Autrement dit, si la mise en œuvre de cette nouvelle démarche permet d’améliorer la

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fourniture des prestations de service public aux usagers selon des règles d’efficacité,
d’efficience et de transparence. Mais pour des raisons pratiques, il est intéressant de
circonscrire l’analyse du renouveau de l’action publique dans un mouvement d’ensemble
incluant le contexte de la dynamique des réformes économiques afin de pouvoir mieux en
apprécier les apports et les contraintes mais aussi la vitesse du processus de mise en œuvre.
Depuis pratiquement plus de deux décennies, l’Algérie s’est engagée dans une dynamique de
réformes économiques et institutionnelles, souvent sous des contraintes et avec le soutien
d’institutions internationales (Programme d’Ajustement Structurel avec le FMI et la Banque
Mondiale) ou encore bilatérales (programmes d’assistance et de coopération). Globalement,
ces réformes visent un objectif majeur : assurer la transition de l’économie algérienne d’un
système centralisé et bureaucratique vers un système décentralisé et d’économie de marché
tout en améliorant sa compétitivité et celle de ses institutions.
         Les réformes entreprises dans la décennie 90 avaient pour objet les transformations
structurelles et institutionnelles du système économique sur la base d’une stratégie de
transition conçue de façon générale pour tous les pays et qui a fait l’objet d’un consensus chez
les économistes jusqu’en 1991-92. Celles-ci s’articulent autour d’un certain nombre de
mesures jugées souhaitables et indispensables qui se résument dans : (1) une politique de
stabilisation visant à réduire le déficit budgétaire et la dette publique et à lutter contre
l’inflation par une politique monétaire et financière stricte et un contrôle de l’évolution des
salaires, (2) la libération des prix et la suppression des subventions, (3) la libéralisation des
transactions par l’élimination de la planification centrale et la création du cadre institutionnel
d’une économie concurrentielle, (4) la privatisation et la restructuration des entreprises d’Etat,
(4) l’ouverture de l’économie sur l’extérieur avec la suppression du monopole d’Etat sur le
commerce extérieur, la libération des échanges avec l’extérieur et l’introduction de la
convertibilité de la monnaie [LAVIGNE, 1995 & CRETIENEAU, 2002].
         Les réformes engagées en début de la décennie suivante visaient plutôt l’insertion de
l’économie algérienne dans l’économie mondiale à travers les accords d’associations, les
zones de libre échange et l’accord cadre avec l’OMC qui reste en éternelles négociations. Ces
réformes économiques imposent de nouveaux défis à l’administration publique en général et à
l’administration économique en particulier. L’administration publique confinée dans ses
logiques formelles de gestion des ressources et de contrôle bureaucratique sans rapport direct
avec les attentes des usagers du service public et sans référence à des résultats, ne répond plus
aux exigences d’une économie de marché devant répondre aux normes de la décentralisation
et s’adapter constamment à toute forme d’évolution.
         Ces réformes ont produit, à des degrés variables, des transformations dans les
structures économiques, la nature de la propriété, les comportements des acteurs tout en
favorisant l’émergence d’un secteur privé de plus en plus consistant, l’implantation
progressive mais timide des investissements directs étrangers et le rôle de plus en plus accru
des associations professionnelles et de consommateurs. Les réformes économiques ont coûté
cher à L’Etat algérien : certains économistes estiment le coût de l’assainissement des
entreprises à 40 milliards de dollars, qualifiant le processus d’une interminable transition tant
les résultats manquent de lisibilité et de visibilité ! Ils pensent même que l’augmentation du
prix du pétrole constitue un frein aux réformes et à la transition vers l’économie de marché.
En effet, plus les réserves de change deviennent importantes, plus le gouvernement a tendance
à revitaliser les entreprises publiques et à ralentir le rythme des réformes. Ces derniers mois,
le gouvernement ne cesse d’injecter des sommes colossales à l’effet de redynamiser des
entreprises publiques en situation déficitaire tout en effaçant leurs dettes (SNVI, ENIEM,
ETUSA, etc.) tout en prenant une série de mesures en leur faveur à travers la loi de finance
complémentaire pour l’année 2009 et la loi de finances pour l’année 2010. Il est vrai que cette

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attitude peut être aussi interprétée comme le développement d’une forme de protectionnisme
vis-à-vis de l’économie nationale à travers l’encouragement de l’entreprise publique.
        Quant aux réformes administratives, elles ont accusé du retard et n’ont pas suivi la
dynamique des réformes économiques, combien même l’administration économique en
constitue le support institutionnel et un des facteurs clé de succès. En effet, s’il y a un
domaine où les réformes ont pratiquement stagné, c’est certainement celui de l’administration
même si, dans les discours officiels, celle-ci demeure l’une des thématiques récurrentes.
D’ailleurs, les pouvoirs publics ont même institué un comité d’experts chargé de mener une
réflexion sur la réforme des structures et des missions de l’Etat.
        Dans le rapport de synthèse élaboré par ce comité, on relève, au chapitre de la
modernisation de l’Etat, l’intérêt particulier accordé à l’efficacité de l’action publique et, à la
conception, aux mécanismes de mise en œuvre et à l’évaluation des politiques publiques. Il
est souligné notamment qu’il faut « optimiser l’allocation et la gestion des ressources autour
des principes d’équité et de transparence, renforcer la capacité d’action de l’Etat en
revitalisant ses institutions et ses structures. Introduire de nouvelles donnes et de nouveaux
critères de performance et d’efficience de l’action publique, c’est définir de nouvelles bases à
la refonte des modes et des systèmes d’organisation et de fonctionnement de l’Etat fondées
sur l’efficience et l’efficacité de son action publique. Cela implique la mise en œuvre de
réformes de structures s’articulant notamment autour :
• Du renforcement des capacités d’élaboration et d’évaluation des politiques publiques, et le
développement d’un nouveau style de management des organisations publiques,
• Une redistribution des missions et des responsabilités entre les différentes structures
s’inscrivant dans la mise en œuvre d’une dynamique de décentralisation et de déconcentration
s’appuyant sur le transfert et la délégation de pouvoirs, et des responsabilités, de compétences
et de moyens, et consacrant « l’Etat territorial » comme partenaire de « l’Etat central » ;
• Une administration du territoire, se redéployant autour de sa fonction de proximité, de mise
en œuvre des politiques publiques et de représentation de l’autorité de l’Etat, et reconfigurée
dans son organisation par 1’institutionnalisation de la circonscription administrative régionale
rendue incontournable par l’émergence d’une réalité régionale.
• Des instruments rénovés de la gestion publique où la recherche de gains d’efficacité,
d’optimisation des résultats de la dépense publique, et de démultiplication de ses effets
d’entraînement doivent être les nouveaux paramètres de la prise de décision, et d’évaluation
de son impact. »
        Par ailleurs, au chapitre du management public, l’accent est mis sur le développement
de nouveaux instruments privilégiant les principes de contractualisation, de partenariat public-
privé, de régulation, de la concertation et de participation de la société civile.
        Dans le texte relatif à la réforme et la modernisation de l’Etat algérien, de nouvelles
missions sont attribuées au service public au vu des mutations intervenues tant dans le
contexte mondial qu’à l’intérieur du pays. Il est à noter particulièrement que « les
changements intervenus dans les sphères politiques, économique et sociales conjugués dans le
rétrécissement de la marge d’intervention financière de l’Etat, exigent, au delà de la
conception rénovée du service public, redimensionné dans son périmètre d’action, revu dans
ses modes et systèmes de gestion, une adaptation continue de son rôle et de ses responsabilités
à l’évolution de la demande sociale et au renforcement du marché et de la société civile
comme partenaires et acteurs dans la production et la gestion du service public. Dans ce cadre
général, il s’agit particulièrement pour l’Etat :
• de lever les équivoques entretenues dans la production publique de services et le service
public, en réorientant le rôle de l’Etat dans le soutien à l’accès au service public, et dans le
contrôle de sa qualité, de sa continuité.

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• d’accélérer la mise en œuvre des nouveaux modes de gestion des services publics axés sur
l’ouverture au marché pour les services publics économiques, et la performance de la gestion
publique. »
         C’est à ce titre que dans les six principaux chantiers de la réforme de l’Etat, on y
trouve deux qui concernent directement la modernisation des établissements de services
publics incluant l’ouverture de leur gestion à l’initiative privée ainsi que la mise en place
d’autorités de régulation. On note d’abord que « le troisième chantier : concerne la
modernisation des établissements de services publics ; il s’agira d’œuvrer dans le sens de la
rationalisation du réseau des établissements publics en vue de les insérer dans la sphère
publique. Cette modernisation trouve également son expression dans l’ouverture de la gestion
du service public à l’initiative privée et à la société civile, l’ensemble de cette démarche
pouvant se traduire par un allègement significatif des charges financières de l’Etat. Et plus,
loin, on relève également que « le quatrième chantier consiste à développer le recours aux
instruments de régulation et de contrôle et à élargir les voies de la consultation au sein des
institutions publiques et avec la société civile, permettant ainsi de mieux concevoir et évaluer
les politiques publiques. »

        S’agissant du service public proprement dit, comme on vient de le voir, le document
de synthèse élaboré par le comité de réflexion chargé de la réforme des structures et des
missions de l’Etat, lui accorde une place de choix relativement aux aspects institutionnels
comme la décentralisation et la démocratie participative. Il constitue l’enjeu central de la
réforme administrative, devançant jusqu’aux enjeux de l’organisation des pouvoirs publics
alors qu’auparavant, l’Etat s’accaparait tout ce qui lui s’apparentait et débordait même sur la
sphère marchande privée.
        Ainsi, en plus des services publics traditionnels fournis gratuitement ou avec une
contribution de l’usager, l’Etat a géré directement des pans entiers des activités économiques
et a procédé à des fournitures d’utilités aux citoyens en subventionnant massivement les prix,
y compris ceux de certains biens de consommation dits de première nécessité. Cette situation,
qui a duré jusqu’au milieu de la décennie 1980, est devenue par la suite insoutenable pour
l’Etat en raison d’une sérieuse baisse de ses ressources budgétaires conséquemment à la chute
du prix du pétrole conjuguée à l’inefficacité d’un système productif devenu pratiquement
obsolète.
        Par la suite, l’adhésion de l’Algérie aux principes de l’économie de marché a conduit
les pouvoirs publics à se soumettre à la rigueur de l’orthodoxie budgétaire qui va affecter en
premier lieu le financement des services publics et réduire l’étendue de la fourniture de ces
derniers. Comme seule alternative, il ne restait plus qu’à rationaliser la gestion et la fourniture
des services publics pour en garantir la continuité dans au moins les secteurs dits traditionnels.
En matière de processus de transformation structurelle, l’expérience algérienne ressemble par
beaucoup d’aspects et de caractéristiques à celles de la plupart des pays d’Europe centrale et
orientale. Comme ces pays, l’Algérie a eu des évolutions macroéconomiques (inflation et
récession) défavorables au début des années 1990, mais la reprise timide qui a suivi au début
de la décennie suivante a été plus marquée d’autant plus que l’Etat a commencé a engrangé
des réserves de change importantes avec la remontée du prix du pétrole. La progression dans
les réformes a connu des hauts et des bas et l’Etat algérien n’a pas su comment adapter sa
stratégie de transition en fonction des difficultés rencontrées si bien qu’on réalise à travers
l’expérience algérienne que ni la démocratie politique, ni l’économie de marché ne se
décrètent et qu’il est difficile de créer « une économie de marché fonctionnant bien » qui est
beaucoup plus complexe que ne le supposait la stratégie appliquée au début des années 1990
[CRETIENEAU, 2002]. Les difficultés rencontrées ont trait principalement à l’attitude
hésitante et frileuse de l’Etat quant à son désengagement auprès des entreprises, à la

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contraintes sociopolitiques et à la difficile adaptation sociale et à de véritables résistances au
changement.
        S’agissant de la traduction sur le terrain des réformes entreprises par l’Etat, les
résultats diffèrent d’un secteur à l’autre mais demeurent globalement mitigés. Il est difficile
d’en faire un bilan exhaustif mais on peut résumer l’essentiel des mutations déjà opérées dans
les secteurs où la dynamique des réformes a été plus ou moins amorcée. Il est clair que le
processus est en lui-même très lent et son développement dépend de la sensibilité de chaque
secteur, des résistances rencontrées mais aussi de la volonté des pouvoirs publics à mettre en
place les mécanismes institutionnels et réglementaires nécessaires.
        Au niveau des structures, les réformes n’ont pas apporté de résultats significatifs, mis
à part quelques aménagements institutionnels qui ont été introduits dans la reconfiguration de
certains établissements de services publics. Ce sont principalement les services publics
économiques qui ont été touchés par ces transformations, entre autres :
    1. Electricité et distribution du gaz domestique : transformation de l’établissement public
        industriel et commercial sous tutelle en entreprise publique économique avec un statut
        commercial ;
    2. Télécommunications : transfert de la gestion du service d’une administration publique
        vers une entreprise publique économique sans pouvoir de monopole ;
    3. Distribution de l’eau et assainissement : deux établissements publics autonomes ont
        été créés. Il s’agit de l’Algérienne des eaux (ADE) et de l’Office national de
        l’assainissement (ONA) qui sont soumis aux règles commerciales de gestion avec un
        maintien de la subvention d’investissement et d’équilibre. Dans ce domaine, les
        pouvoirs publics ont initié le principe de la délégation de la gestion de la distribution
        de l’eau et de l’assainissement dans certaines grandes villes du pays à des opérateurs
        étrangers spécialisés dans le domaine ;
    4. La poste : la réforme a permis de faire sortir le service public de l’administration
        publique produisant des biens et services marchands gérée sous forme de budget
        annexe.
    En fait, les grandes innovations introduites sont celles opérées dans les services publics en
réseau où effectivement la démonopolisation a été effectuée et les opérateurs sont en position
concurrentielle notamment pour le service des télécommunications et à un degré nettement
moindre pour les services publics de l’eau et de l’assainissement.
    En termes de modes de management, l’introduction de la délégation de service public
connaît une timide apparition à côté de la contractualisation interne et externe et de
l’extension de la concession d’exploitation d’un service public à une personne de droit privé
(aéroports, autoroutes, ports par exemple), mais dans les faits seuls quelques projets sont en
cours de préparation.

   2. L’expérience de délégation du service public de l’eau dans un contexte de crise
économique

        Malgré des conditions naturelles défavorables et un déficit en management latent, la
prise en compte du problème de l’eau en Algérie connait des avancées certaines. La gestion
de ce service public a vu la promulgation de la loi relative à l’eau qui signe la consécration de
la régulation et de la gestion déléguée. Il a également connu de nombreuses péripéties mais
l’option du monopole étatique ou du « tout public » a prédominé. Les options en matière de
délégation et choix du type de gouvernance ont balancé entre l’efficience et l’efficacité du
service et les résistances à la privatisation dans le secteur de l’eau. Une première expérience
de délégation partielle de la gestion du SPEA à des géants européens spécialisés a été réalisée

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dans quatre grandes villes algériennes, et, le contexte de crise n’en a pas facilité la mise en
œuvre.

(1) Le problème de l’eau en Algérie : des conditions naturelles défavorables et un déficit en
management latent
        Il est largement admis que la disponibilité de l’eau reste l’une des questions cruciales à
la base du développement durable. Elle continue à susciter moults débats et interrogations
d’autant plus que de nombreux pays sont déjà en souffrance du fait de sa rareté. Malgré ses
différentes potentialités économiques, l’Algérie fait partie des nations menacées par la rareté
de l’eau. En effet, ses ressources en eaux superficielles et souterraines sont déjà limitées par
des données naturelles défavorables. Selon l’Agence Nationale des Ressources Hydriques,
elles sont estimées pour une année moyenne à 16,3 milliards de m3 au niveau national, soit
une disponibilité moyenne nationale de 500 m3 par habitant et par an [MATE, 2003]. Cette
situation s’est aggravée au cours des trois dernières décennies par des périodes de sécheresse
qui ont réduit davantage ces disponibilités de près de 20%, soit un ratio de 400 m3 par
habitant et par an selon les dernières estimations, ce qui relègue l’Algérie au rang des pays
pauvres en eau, à la limite même d’une situation de crise, le seuil théorique de rareté fixé par
la Banque Mondiale étant de 1 000 m3 par habitant et par an.
        Combinée au paramètre démographique, cette situation continue de susciter des
interrogations chez les pouvoirs publics quand à la meilleure stratégie à adopter pour assurer
la disponibilité de la ressource aux différents usagers. Si des efforts notoires ont été consentis
par l’Etat dans l’objectif d’accroître davantage le volume global de la production, il n’en
demeure pas moins qu’en matière de gestion de la distribution, il reste beaucoup à faire.
        En effet, les politiques publiques des deux dernières décennies n’ont pas été à la
hauteur des enjeux, qu’il s’agisse des retards enregistrés dans les programmes de construction
des barrages ou de la minceur des moyens affectés de façon continue à la maintenance des
réseaux d’alimentation en eau potable ou des systèmes d’assainissement. Dans le cadre du
plan de relance économique initié en avril 2001 par le gouvernement, le secteur de l’eau
représente une part importante de la dépense budgétaire avec une enveloppe de 15 milliards
de dollars.
        Rompues à une gestion chaotique héritée de l’ancien système administré, les segments
locaux de l’établissement public actuel (ADE) chargé de la production et de la distribution de
l’eau, peinent à répondre aux mécanismes de la gestion intégrée et à assurer des prestations à
la hauteur de la performance et de la qualité attendues d’eux. De plus, depuis que l’Algérie
s’est engagée dans les circuits de l’économie de marché, l’Etat tarde à se désengager de la
gestion de ce bien précieux et sensible qu’est la ressource hydrique et à assumer sa fonction
de régulation combien même tout un arsenal de lois a été progressivement promulgué durant
la dernière décennie, voire même avant. Ces lois tentent tant bien que mal de cadrer la
question de la gestion de l’eau dans un contexte nouveau confronté à une double crise : l’état
latent de crise économique mondiale et l’état de crise lié à la rareté de la ressource hydrique et
à sa gestion tant à l’intérieur du pays qu’à l’échelle planétaire. Si au plan du contenu, les
textes promulgués semblent bien cerner tous les aspects inhérents à la gestion de l’eau dans ce
nouveau contexte, en pratique, les choses se présentent autrement : non seulement les effets
de la rareté de la ressource hydrique se font ressentir, mais même là où la ressource est
disponible, sa distribution demeure souvent compromise par des facteurs subjectifs liés aux
dysfonctionnements des réseaux, aux ruptures et fuites répétées et aux aléas de la bureaucratie
conjugués au prix pratiquement symbolique et dérisoire du mètre cube consommé qui est loin
de refléter la réalité du coût de revient. A défaut de prestations de qualité garantissant la
continuité du service public de l’eau, les entreprises chargées de sa gestion ont pour
préoccupation centrale le recouvrement des créances de leurs usagers. C’est dans le but de

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pallier au déficit chronique des entreprises locales et dans le souci d’une amélioration des
prestations en matière de gestion de la ressource hydrique et de l’environnement, au niveau
des grandes villes notamment1, que l’ Etat a pris des dispositions pour s’attacher les services
de grandes entreprises étrangères spécialisées dans le domaine tout en gardant une assez large
fonction de contrôle. Dans les faits, l’intervention de ces entreprises n’est pas directe, en ce
sens que des interfaces ont été créées à cet effet, notamment lorsqu’il s’agit de combiner des
interventions de nature différente mais à dénominateur commun, à l’image des opérations
d’assainissement, de la production et de la distribution de l’eau. Il est évident que ces
premiers pas de réforme sont rendus nécessaires par une détérioration du service public de
l’eau et de l’assainissement dans les grandes villes et pratiquement à travers tout le territoire
national.
        Cependant, la mutation du secteur d’une situation administrative totalement dominée
par des organismes publics vers une situation de gestion tournée vers le secteur privé est
laborieuse et semble s’inscrire dans la durée. De même que si le mécanisme de marché, dans
le secteur de l’eau et de l’environnement est laissé sans régulation, il risque de ne pas aboutir
à un équilibre acceptable entre les objectifs sociaux et les objectifs commerciaux. Les
pouvoirs publics algériens ont alors compris que de nouveaux mécanismes de régulation
doivent être instaurés pour contrôler et encadrer au mieux les nouveaux opérateurs publics et
privés. C’est dans ce sens qu’a été conçue la création d’une autorité administrative de
régulation comme un instrument pour garantir des prix justes et inciter les services impliqués
conjointement à répondre aux normes exigées dans le secteur.

        Toutefois, malgré les efforts consentis, la mise en place d’un bon nombre
d’institutions appropriées et d’un arsenal réglementaire conséquent, l’attitude de l’Etat est
quelque part frileuse et hésitante devant des engagements à objectifs importants et
extrêmement sensibles tels que celui de son désengagement et de la mise en place d’un
partenariat-public-privé qui paraît désormais inévitable. Cette attitude se traduit par une
option (démarche) mi-figue mi-raisin qui vise à faire sortir dans une première étape la gestion
de l’eau du « tout public » sans, pour autant, la faire basculer dans le « tout privé » par le biais
de la pratique du partenariat public-privé, affichant ainsi une forme de politique sociale de
l’eau en ne voulant pas libéraliser les prix dans le climat d’instabilité sociopolitique et de
détérioration du pouvoir d’achat du citoyen algérien.

(2) La gestion du service public de l’eau, une histoire complexe où « l’on a tout essayé »
mais dans l’option du monopole étatique ou du « tout public »,
        Pour comprendre la genèse de l’adoption de nouvelles formes de gestion dans les
processus de la production et de la distribution de l’eau en Algérie, il paraît nécessaire d’en
faire une rétrospective des changements qui ont marqué la question tant au plan
organisationnel qu’institutionnel.
        Au lendemain de l’indépendance acquise en 1962, l’Algérie a hérité des services
publics de l’eau de la période coloniale. A vrai dire, ces services étaient essentiellement
concentrés dans les grands centres urbains et un intérêt minime était accordé au milieu rural si
ce n’est pour l’irrigation des vastes surfaces agricoles. Dès lors, les missions de l’hydraulique
étaient principalement réparties entre les secteurs des travaux publics et de l’agriculture.
        Dans cette configuration bicéphale, le ministère des travaux publics et de la
construction s’accaparait l’essentiel des missions assurées par une direction centrale et deux
services extérieurs : le Service des Etudes Scientifiques (SES) qui a donné naissance à

1
  L’Etat algérien a conclu des contrats avec quatre entreprises étrangères spécialisées dans le domaine [Suez
Environnement, La Marseillaise des eaux, Agbar et Gelsenwasser] dans l’objectif d’améliorer la gestion du
service public de l’eau dans les quatre grandes villes : Alger, Oran, Constantine et Annaba.

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