Quelle politique pour la croissance ? - Les sources de la croissance économique dans les pays de l'OCDE

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Quelle politique pour la
     croissance ?
  Les sources de la croissance économique
         dans les pays de l’OCDE

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ORGANISATION DE COOPÉRATION
               ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUES

En vertu de l’article 1er de la Convention signée le 14 décembre 1960, à Paris, et entrée
en vigueur le 30 septembre 1961, l’Organisation de Coopération et de Développement
Économiques (OCDE) a pour objectif de promouvoir des politiques visant :
    − à réaliser la plus forte expansion de l’économie et de l’emploi et une
        progression du niveau de vie dans les pays Membres, tout en maintenant la
        stabilité financière, et à contribuer ainsi au développement de l’économie
        mondiale ;
    − à contribuer à une saine expansion économique dans les pays Membres, ainsi
        que les pays non membres, en voie de développement économique ;
    − à contribuer à l’expansion du commerce mondial sur une base multilatérale et
        non discriminatoire conformément aux obligations internationales.
Les pays Membres originaires de l’OCDE sont : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique,
le Canada, le Danemark, l’Espagne, les États-Unis, la France, la Grèce, l’Irlande,
l’Islande, l’Italie, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, le
Royaume-Uni, la Suède, la Suisse et la Turquie. Les pays suivants sont ultérieurement
devenus Membres par adhésion aux dates indiquées ci-après : le Japon (28 avril 1964),
la Finlande (28 janvier 1969), l’Australie (7 juin 1971), la Nouvelle-Zélande (29 mai
1973), le Mexique (18 mai 1994), la République tchèque (21 décembre 1995), la
Hongrie (7 mai 1996), la Pologne (22 novembre 1996), la Corée (12 décembre 1996) et
la République slovaque (14 décembre 2000). La Commission des Communautés
européennes participe aux travaux de l’OCDE (article 13 de la Convention de l’OCDE).

                              Published in English as :
                          The Policy Agenda for Growth
         An Overview of the Sources of Economic Growth in OECD Countries

© OCDE 2003
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doivent être adressées au Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC), 20, rue des
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les pays à l’exception des États-Unis. Aux États-Unis, l’autorisation doit être obtenue du
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Quelle politique pour la croissance ?
Les sources de la croissance économique dans les pays de l’OCDE
© OECD 2003
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                    Quelle politique pour la croissance ?

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Les sentiers de croissance divergent au sein de la zone de l’OCDE …

       On assiste actuellement à une modification du schéma de la croissance
    au sein de la zone de l’OCDE. Durant la majeure partie de la période de
    l’après-guerre, on pouvait observer une tendance générale des pays
    affichant un faible PIB par habitant à rattraper les pays de la tête du
    peloton. Ce schéma de convergence s’est un peu inversé dans les années
    90 : en effet, les États-Unis, qui enregistraient déjà l’un des PIB par
    habitant les plus élevés, ont repris une forte avance (Graphique 1). Les
    sources de ce décalage des rythmes de croissance ont fait l’objet de larges
    débats : était-il induit par des facteurs temporaires comme une soudaine
    expansion débridée aux États-Unis, ou par des caractéristiques plus
    durables de cette économie ? Le ralentissement économique a contribué
    pour une bonne part à régler ce débat ; en effet, les gains de productivité
    aux États-Unis sont restés importants, alors même que l’activité
    économique était plus faible (Graphique 2). Plus généralement, il apparaît
    qu’à l’instar des États-Unis, l’Australie, le Canada et l’Irlande ont
    également affiché ces dernières années une croissance nettement plus forte

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Graphique 1. Le PIB par habitant aux États-Unis
                   creuse l'écart dans les années 90
PIB réel par habitant aux États-Unis par rapport aux autres grandes économies
               sur la base des PPA de 1995 et des prix de 1995

                              Allemagne, France et Italie                                     Allemagne France et Italie, tendance (1)

                              Japon                                                           Japon, tendance (1)

             = 100

         PIB par hab. hors Etats-Unis
  150

  145

  140

  135

  130

  125

  120

  115

  110
        1970 1971 1972 1973 1974 1975 1976     1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000

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Graphique 2. La croissance de la productivité aux Etats-Unis reste forte

     Index 1999=100
     111

                                 Productivité du travail
                                 (1)
     109
                                 PIB réel

     107

     105

     103

     101

      99

      97
           1

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    1. 1. La productivité du travail est mesurée par la production horaire des entreprises non agricoles.

    Source : OCDE, Bureau of Labor Statistics (Etats-Unis).

    que l’Europe continentale ou le Japon. Parmi les pays d’Europe, des
    disparités notables des rythmes de croissance se sont également
    manifestées au cours de la précédente décennie. Alors que la croissance de
    la production manufacturière a été relativement uniforme dans tout le
    continent, la croissance dans les autres secteurs a pris du retard dans
    certains pays de l’UE.

… ce qui soulève des questions sur l’ampleur et le rythme des
réformes économiques …

       Avec le recul, ces divergences de résultats en matière de croissance
    semblent assez enracinées. Elles continuent de prévaloir aujourd’hui, alors
    même que l’Europe et les États-Unis se trouvent dans la même phase de
    faiblesse conjoncturelle. Au-delà des évolutions cycliques, plusieurs

                                                                      6
facteurs peuvent expliquer pourquoi les économies de l’OCDE se trouvent
    sans doute sur des sentiers de croissance divergents. Ces différences
    proviennent en partie de facteurs démographiques, certains pays
    connaissant une relativement forte augmentation de leur population active.
    Cela étant, l’action des pouvoirs publics importe également, car certaines
    économies de l’OCDE ont considérablement amélioré le fonctionnement
    de leurs marchés du travail et des produits, avec des conséquences très
    positives pour l’innovation, le progrès technique et la création d’emplois.

… et a amené l’OCDE à entreprendre un vaste programme de
travail sur la croissance

       De toute évidence, il faudra recourir à des politiques macro-
    économiques judicieuses pour ramener l’économie mondiale sur la voie
    d’un redressement durable. Toutefois, pour que l’entreprise soit pleinement
    couronnée de succès, il conviendra également d’accélérer le rythme des
    réformes économiques. Savoir quelles sont les mesures qui marchent et
    diffuser les pratiques exemplaires est au cœur de la mission de l’OCDE.
    C’est la raison pour laquelle, ces dernières années, l’Organisation a
    effectué tout un ensemble d’études empiriques dont l’essentiel est résumé
    dans l’ouvrage Les sources de la croissance économique dans les pays de
    l’OCDE qui vient d’être publié. Cette étude nous permet de mieux
    comprendre ce qui doit être entrepris et quelle croissance supplémentaire
    nous pouvons attendre de mesures judicieuses et de réformes économiques
    audacieuses. À examiner les estimations quantitatives figurant dans cet
    ouvrage, il semble que les profits retirés de réformes réussies sont
    effectivement considérables.

Qu’est-ce qui a déterminé la divergence d’évolution ? Les rôles
respectifs de l’emploi et de la productivité

       Il y a fondamentalement deux raisons expliquant pourquoi le PIB par
    habitant de certains pays peut être à la traîne. Premièrement, l’utilisation de
    la main-d’œuvre y est sans doute trop faible, par exemple parce que de trop
    nombreuses personnes sont laissées à l’écart du marché du travail. C’est
    une faible participation aux marchés du travail de ce type qui explique
    pourquoi le PIB par habitant dans l’Union européenne est inférieur de
    25 pour cent à celui des États-Unis (Graphique 3). Deuxièmement, la
    productivité peut aussi constituer un autre point faible de ces économies.
    C’est ainsi qu’au Japon, la moindre productivité est à l’origine du retard du
    PIB par habitant du pays par rapport aux États-Unis. Au Japon en effet,
    l’ampleur des investissements ne s’est pas traduite par des améliorations à

                                        7
due concurrence de la productivité, très vraisemblablement faute de bon
    fonctionnement des marchés des produits et des marchés financiers. La
    faiblesse de la concurrence sur les marchés des produits et des services
    peut de même expliquer en partie pourquoi la croissance de la productivité
    et la diffusion des technologies de l’information et des communications
    (TIC) sont restées décevantes dans un certain nombre de pays européens.

La tâche des pouvoirs publics est vaste

       Ces performances contrastées montrent que la pleine mobilisation des
    ressources en termes de travail et de capital va rester le défi permanent de
    l’avenir. Comme ce document entend le montrer, l’action des pouvoirs
    publics doit se déployer sur tous les fronts. Les mesures macro-
    économiques vont être essentielles pour rétablir la stabilité qui permet au
    travail et au capital de bien jouer leur rôle. Il va falloir améliorer
    considérablement les politiques du marché du travail dans de nombreux
    pays pour assurer le plein emploi dans son sens le plus général. Il faudra
    aussi mettre en place une surveillance et une réglementation financières
    convenables pour rétablir la confiance dans la capacité des marchés à
    orienter l’épargne vers les affectations les plus utiles. Il sera enfin essentiel
    de susciter et, dans de nombreux pays, de renforcer les incitations à la
    concurrence et à l’innovation en vue de répartir plus largement les gains de
    productivité au sein de la zone de l’OCDE et de tirer pleinement parti des
    TIC.

Il est essentiel de prendre des mesures macro-économiques
judicieuses

      Les mesures macro-économiques ne contribuent pas seulement à
    façonner le cycle de l’activité, car elles influent également sur l’évolution
    tendancielle de la croissance. Prenons l’exemple des mesures destinées à
    assurer la stabilité des prix. Les travaux de l’OCDE indiquent que la
    réduction du niveau de l’inflation dans les années 90 par rapport aux
    années 80 a fait progresser le PIB par habitant de quelque 2 pour cent en
    encourageant le développement de l’investissement (Tableau 1). De même,
    la réduction de l’instabilité de l’inflation passe pour avoir induit une
    augmentation d’environ 1 à 1½ pour cent du PIB par habitant en instaurant
    un cadre sûr de répartition des ressources. Par ailleurs, la mondialisation
    semble payer : on estime en effet que le développement des échanges
    commerciaux internationaux a apporté quelque 4 pour cent de

                                         8
Graphique 3. Différences de PIB par habitant : le rôle de l'utilisation et de la productivité du travail
                          Différences en points, sur la base des PPA, du PIB tendanciel par habitant par rapport aux Etats-Unis, 2000

                       Ecart en % par rapport au                                                                                                      3
                                                        =         Effet de l'utilisation du travail        +    Effet de la productivité du travail
                   PIB par hab. aux Etats-Unis

      Norvège

       Canada

        Suisse

    Danemark

       Islande

        Irlande

        Japon

      Belgique

      Autriche

     Pays-Bas

      Australie

    Allemagne

      Finlande

        Suède

        France

          Italie

      Union
   européenne
    Royaume-
       Uni
     Nouvelle-
     Zélande

      Espagne

        Corée

      Portugal

        Grèce

         Rép.
       tchèque

       Hongrie

      Mexique

                   -75   -60   -45   -30   -15     0    15       -75 -60 -45 -30 -15          0       15       -75   -60   -45   -30   -15    0       15
                                                 en %                                         en %                                            en %

1. Les effets démographiques dus aux changements du ratio de la population en âge de travailler à la population totale n'apparaissent pas dans le graphiqu
Ces effets sont relativement limités, inférieurs à 5 % pour tous les pays.
2. Sur la base des taux d'emploi et de la durée moyenne du travail.
3. PIB par heure travaillée.
Source : OCDE.

                                                                        9
plus au PIB par habitant d’une décennie sur l’autre. En revanche, des
    éléments montrent que l’alourdissement de la fiscalité a prélevé 1 pour
    cent sur le PIB par habitant dans les années 80 et 90.

                                                                                                                                                     1
           Tableau 1. Éléments caractéristiques ressortant des régressions de la croissance macro-économique

                                                                  Impact sur la production par personne
                                                                           en âge de travailler (%)2                                  Memorandum
                                                                Effet via                                                        Comparaison entre les
                                                                                    Effet via
                          Variable                            l'efficience                           Effet global
                                                                                l'investissement                                  années 80 et 90...3
                                                             économique
                                                                                                                                  l'inflation a diminué
      Rythme de l'inflation, baisse d'un point                                        0.4 to 0.5              0.4 to 0.5
                                                                                                                                    d'environ 4 points

                                                                                                                                      l'écart-type de
      Variabilité de l'inflation, baisse de 1% de
                                                                   2.0                                            2.0             l'inflation s'est réduit
      l'écart-type de l'inflation
                                                                                                                                   d'environ 0.7 points

                                                                                                                                la charge d'imposition a
      Charge d'imposition, augmentation d'un
                                                                  -0.3                -0.3 to -0.4           -0.6 to -0.7        diminué d'environ 1.5
      point4                                                                                                                             point

      Intensité de la R-D- des entreprises,                                                                                     l'intensité de la R-D des
                                                                   1.2                                            1.2           entreprises a augmenté
      augmentation de 0.1 point4
                                                                                                                                   d'environ 0.1 point

                                                                                                                                    l'exposition aux
      Exposition aux échanges commerciaux,
                                                                   4.0                                            4.0           échanges commerciaux
      augmentation de 10 points4                                                                                                 a augmenté d'environ

      1. Les valeurs figurant dans ce tableau sont les estimations des effets à long terme sur la production par personne en âge de travailler
          d'une politique donnée. La fourchette indiquée reflète les valeurs obtenues en fonction de différentes spécifications
          de l'équation de la croissance.
      2. L'effet direct désigne l'impact sur la production par hab. en sus de toute influence potentielle sur l'accumulation de capital physique.
         L'effet indirect désigne l'impact combiné de la variable sur le taux d'investissement et, par ce biais, sur la production par hab..
      3. Variation moyenne entre la moyenne des années 80 et la moyenne des années 90 pour un échantillon de 21 pays de l'OCDE,
         à l'exclusion des nouveaux Membres ainsi quede l'Islande, du Luxembourg et de la Turquie.
      4. En pourcentage du PIB.

      Source : OCDE.

La réforme du marché du travail reste prioritaire…

       La moindre utilisation de la main-d’œuvre en Europe par rapport aux
    États-Unis est en partie imputable à l’ampleur du chômage et à la durée du
    travail plus courte. Elle est également due au relativement grand nombre
    de personnes qui restent entièrement à l’écart du marché du travail : c’est
    ainsi que, dans l’Union européenne, quelque 30 pour cent de la population
    en âge de travailler n’est ni employée, ni à la recherche d’un emploi, contre

                                                                   10
moins de 25 pour cent aux États-Unis. Dans une bonne partie de l’Europe,
    on a vu se multiplier les départs anticipés à la retraite et, dans certains
    pays, de nombreuses femmes n’ont toujours pas les incitations et les
    opportunités suffisantes pour se lancer dans une vie professionnelle
    prolongée. En outre, le chômage se concentre souvent fortement chez les
    personnes sans qualifications et les jeunes. Dans de nombreux pays, en
    particulier en Europe, il reste encore beaucoup à faire pour rétablir de
    vigoureuses incitations à travailler et à embaucher. Les réformes de la
    fiscalité et des prestations sociales, la baisse des coûts non salariaux du
    travail, l’instauration d’une protection équilibrée de l’emploi et
    l’amélioration du ciblage des programmes actifs du marché du travail y
    sont souvent nécessaires.

… les mesures d’amélioration des compétences de la main-d’œuvre
sont un facteur de croissance …

      La « qualité » de la main-d’œuvre, telle qu’elle ressort de sa formation et
    de ses compétences, produit également des effets mesurables sur la
    croissance. Actuellement, les populations en âge de travailler de la plupart
    des pays de l’OCDE comptent de 10 à 14 ans de formation initiale par
    habitant, contre 7 à 11 ans environ en 1970. Cette amélioration de la
    formation initiale passe pour avoir accru le PIB par habitant dans des
    proportions de 10 à 20 pour cent, les individus, mais aussi la société dans
    son ensemble, en retirant des profits considérables.

… de même que les mesures de promotion du capital cognitif par
l’intermédiaire de la R-D

       Les éléments dont on dispose mettent en évidence un lien étroit entre la
    recherche-développement (R-D) et la croissance. La R-D des entreprises
    exerce l’influence la plus directe sur la croissance, parce qu’il s’agit
    souvent de recherches effectuées dans un objectif immédiat d’amélioration
    de la productivité. Les travaux de l’OCDE montrent que l’augmentation de
    la R-D des entreprises dans les années 90 par rapport à la précédente
    décennie ont stimulé la production par habitant de plus de 1 pour cent
    (Tableau 1). La recherche dans le secteur public entretient naturellement
    une relation plus complexe avec la croissance dans la mesure où elle est
    moins axée sur des applications commerciales, quoiqu’elle soit souvent à
    l’origine de connaissances fondamentales importantes et qu’elle travaille
    fréquemment en tandem avec des entreprises commerciales. De fait, une
    bonne partie de la politique en matière de R-D vise actuellement à
    améliorer le lien entre recherches du secteur public et du secteur privé.

                                       11
Le rôle d’une réglementation favorable à la concurrence sur le
marché des produits est essentiel pour la croissance

       Une réglementation favorable à la concurrence sur le marché des
    produits contribue à la croissance à bien des égards. De fait, les travaux de
    l’OCDE montrent à quel point une réglementation restrictive du marché
    des produits freine considérablement les entreprises dans leurs efforts pour
    rattraper les leaders de leur domaine. En revanche, une réglementation
    stimulant la concurrence sur le marché des produits favorise l’efficience
    managériale et, en dernière analyse, l’innovation, l’adoption de nouvelles
    technologies et la croissance. En particulier, l’une des raisons pour
    lesquelles de nombreux pays européens ont pris du retard dans le
    développement du secteur des TIC tient à la rigueur de leur
    réglementation. Par exemple, on estime que si de nombreux pays d’Europe
    continentale réformaient la conception de leur réglementation, leurs
    secteurs retardataires pourraient réduire leur écart de productivité dans des
    proportions pouvant atteindre 10 pour cent.

Au niveau de l’entreprise, l’existence de dispositifs réglementaires
permettant la « destruction créatrice » sont importants …

    En arrière-plan des augmentations de la productivité moyenne d’un secteur
    donné, il faut imaginer l’existence d’un monde turbulent dans lequel la
    productivité progresse dans certaines firmes et diminue dans d’autres.
    Parallèlement, de nouvelles entreprises apparaissent sur le marché, tandis
    que les firmes existantes se développent, régressent ou disparaissent. Dans
    le cadre de la première étude internationale de statistiques au niveau des
    entreprises, ces statistiques ayant été rendues aussi cohérentes que possible
    entre les pays, les travaux de l’OCDE ont permis de mieux comprendre
    comment la productivité est générée. Cette étude a montré que dans la
    plupart des secteurs, de la moitié aux trois quarts des gains de productivité
    sont générés par des gains de productivité au sein même de différentes
    entreprises en activité. Dans la majorité des cas, le reste de la croissance de
    la productivité s’explique par la fermeture d’entreprises peu productives
    (Graphique 4). Cela étant, l’entrée sur le marché de firmes à productivité
    supérieure à la moyenne revêt une importance notable pour la productivité
    dans certains secteurs, notamment ceux de la haute technologie. Les
    entreprises nouvelles tendent en effet à contribuer plus fortement à
    l’efficience générale en faisant pénétrer sur les marchés des technologies
    plus modernes que celles des entreprises en place. De même, les nouvelles
    entreprises peuvent plus facilement veiller à ce que leur main-d’œuvre,
    leurs biens d’équipement et leurs techniques de production soient adaptés

                                        12
aux conditions du marché sans subir les coûts d’ajustement et parfois se
          heurter à l’inertie des comportements que connaissent les entreprises en
          place.
                                                                                                                                                    1
                             Graphique 4. Le rôle de la destruction créative dans la croissance de la productivité
                                         Décomposition de la croissance de la productivité du travail dans le secteur manufacturier
                                                                                                                                          2
                                        Part en % de la croissance annuelle totale de la productivité revenant à chaque composante

                                                   Contributions provenant de :                     Croissance de la productivité au sein des entreprises
                                                                                                    Redistribution de la production entre les entreprises existantes
                                                                                                    Entrée de nouvelles entreprises sur le marché
                                                                                                    Sorties d’entreprises du marché

   175                                                                                                                                                                 1.6
                                                                                                                                                                             3.0
   155
   135                                                   2.1                                                         5.3                                3.1
                                  2.3                                                         2.3      4.1                    4.7
   115     5.0     5.2                                                  3.9       4.3                                                         2.5

    95
    75
    55
    35
    15
     -5
   -25
   -45
   -65
          87-92 89-94           87-92                   92-97          87-92 92-97           87-92 92-97            87-92 92-97               87-92 92-97          87-92 92-97

                                                 Allemagne
           Finlande            France                                    Italie             Pays-Bas                 Portugal            Royaume-Uni               Etats-Unis
                                                    occ.

Les chiffres figurant au-dessus des barres sont les taux globaux de croissance de la productivité (variation annuelle en %)

1. Voir OCDE (2003), Les sources de la croissance économique dans les pays de l'OCDE , pour plus de précisions.
2. La somme des composantes peut ne pas être égale à sans en raison des arrondis.
Source : OCDE.

… tout en étant différents selon les pays

             Les « jeunes pousses » aux États-Unis tendent à être plus petites et, en
          moyenne, moins productives que dans l’Union européenne, mais celles qui
          survivent tendent à se développer beaucoup plus vite. Ce qui semble se
          produire, c’est que la faiblesse des coûts administratifs de création d’une
          entreprise aux États-Unis ainsi que la réglementation relativement légère
          du marché du travail encouragent les entrepreneurs à se lancer dans leur
          activité sur une petite échelle. En revanche, les coûts supérieurs d’entrée et
          d’ajustement de la main-d’œuvre en Europe tendent à favoriser une
          évaluation des plans d’entreprise préalablement à l’entrée – de sorte qu’ils
          sont moins soumis à l’épreuve du marché – et une expansion
          manifestement plus lente de l’entreprise. Même si l’approche plus prudente
          présente des mérites incontestables, la démarche plus fluide et plus risquée
          semble mieux convenir au développement des TIC. Bien que le
          ralentissement actuel montre qu’une partie de l’activité entrepreneuriale
          débridée de la fin des années 90 a sans doute été excessive, elle a, pour une

                                                                                        13
bonne partie, suscité des percées en matière d’innovation et une diffusion
        rapide de la technologie vers les entreprises et les ménages. Si l’on veut
        favoriser le progrès technologique selon ce mode entrepreneurial, il
        apparaît donc particulièrement utile d’assouplir la réglementation de façon
        à stimuler l’arrivée de nouvelles entreprises sur le marché.
                     Graphique 5. Les nouvelles entreprises aux États-Unis débutent à plus petite échelle,
                           mais celles qui survivent se développent plus rapidement qu’en Europe

                                         Taille moyenne des nouvelles entreprises manufacturières, 1989-94
                                             Taille relative en fonction du nombre de salariés par entreprise

   80

   60

   40

   20

    0
          Canada        Etats-Unis   Allemagne      Roy. Uni      Portugal      Pays-Bas       France           Italie        Danemark      Finlande
                                        occ.

                         Progression nette de l'emploi dans les entreprises manufacturières ayant survécu au bout de 2 ans,
                                                                     années 1990
                                                    Progression nette par rapport à l'emploi initial

  1.6

  1.2

  0.8

  0.4

    0
             Finlande          Roy. Uni (1)           France          Allemagne occ.         Portugal                Italie              Etats-Unis

1. Les données sur l'emploi net au Royaume-Unu font référence aux cohortes d'entreprises entrées sur le marché durant la période 1985-90.
Source : OCDE.

Grâce à des dispositifs judicieux, certains secteurs, notamment les
TIC, produisent un large impact sur la croissance

          Les technologies de l’information et des communications (TIC), sous
        forme de matériel et de logiciels informatiques ainsi que de produits et
        services de télécommunications, exercent un impact économique sensible
        et en évolution constante. Même si une partie des discours les plus
        enflammés affirmant que les TIC avaient créé une nouvelle économie se
        sont révélés sans fondement, on dispose de plus en plus d’éléments
        montrant qu’il y a bien eu une accélération de la productivité.
        Premièrement, un certain nombre de pays de l’OCDE, notamment la

                                                                          14
Finlande, l’Irlande et les États-Unis, ont connu une augmentation de leur
    productivité parce que les entreprises qui produisent les équipements des
    TIC et qui assurent les services correspondants sont devenues des
    composantes importantes de leurs économies. De nombreuses branches de
    ce secteur ont enregistré une croissance massive de leur productivité
    assortie d’une baisse des prix d’unités d’équipement comparables,
    contribuant à une expansion permanente du marché auprès des nouveaux
    utilisateurs et à une demande vigoureuse de la part des utilisateurs existants
    en vue du remplacement de leurs anciens équipements et logiciels. Dans
    plusieurs pays de l’OCDE, les branches des TIC représentent actuellement
    plus de 10 pour cent de la production du secteur des entreprises.
    Deuxièmement, les très vastes possibilités d’application des TIC sur le lieu
    de travail ont stimulé la productivité de nombreux autres secteurs,
    notamment parce que des tâches traditionnelles, comme la comptabilité et
    l’administration, peuvent désormais être effectuées plus efficacement.
    Troisièmement, ces technologies permettent de nouveaux modes
    d’organisation de la production, de la consommation et des marchés, ce qui
    donne lieu à des gains de productivité résultats d’effets de « retombées »
    ou de « réseau ». L’OCDE continue pour sa part son suivi de l’impact
    économique du secteur des TIC.∗

Disposer de marchés de capitaux suffisamment développés et
judicieusement réglementés est également essentiel

       Les marchés de capitaux ne se contentent pas d’orienter l’épargne vers
    les investissements, car ils permettent aussi la réalisation efficiente des
    investissements et la diversification des risques. De fait, les travaux de
    l’OCDE confirment que, de façon générale, la profondeur des marchés va
    de pair avec des niveaux élevés de l’investissement. Même si les pays de
    l’OCDE sont tous dotés de marchés de capitaux convenablement
    développés et souvent interconnectés, on peut néanmoins observer
    certaines disparités importantes qui suscitent des questions touchant à
    l’action des pouvoirs publics. Ainsi, les résultats médiocres en matière de
    croissance enregistrés ces dernières années par le Japon en dépit de
    niveaux élevés d’investissement peuvent être en partie imputés au mauvais
    fonctionnement des marchés de capitaux. Le rôle considérable que le
    capital-risque a joué dans certains pays dans le développement des
    industries de haute technologie amène à se demander si les autres pays

∗
        La dernière évaluation du secteur des TIC effectuée par l’OCDE, Mettre à profit les
        TIC – Une comparaison internationale des incidences des TIC sur les performances
        économiques vient d’être publiée.

                                           15
n’imposent pas des contraintes excessives aux investissements à haut
    risque. De nouveaux problèmes sont récemment apparus avec l’éclatement
    de la bulle du marché des actions et nécessitent une refonte du dispositif de
    réglementation. La gravité des scandales concernant diverses entreprises a
    soulevé des questions sur les mécanismes comptables, les conflits
    d’intérêts en matière de comptabilité ainsi que des problèmes de
    gouvernement d’entreprise. Pour rétablir l’intégrité et l’efficacité des
    marchés de capitaux, il faudra trouver un juste équilibre entre la nécessité
    de renforcer la surveillance et la réglementation et le souci de ne pas porter
    préjudice aux capacités d’autocorrection propres aux marchés.

Quels doivent être les axes de l’action des pouvoirs publics dans les
différentes régions de l’OCDE ?

       Compte tenu de toutes les mesures susceptibles d’influencer la
    croissance, il est essentiel de définir des priorités. Il convient d’abord
    d’établir certaines distinctions selon les pays quant aux premières mesures
    auxquelles les autorités devraient peut-être penser pour stimuler la
    croissance. Pour une bonne partie de l’Europe, la priorité n°1 dans ce
    domaine reste la question de remettre les chômeurs au travail et d’endiguer
    le flot des retraites anticipées. Accélérer l’unification de marchés très
    concurrentiels des produits et des services revêt également une importance
    cruciale si l’on veut améliorer la diffusion des TIC et les perspectives en
    matière d’emploi. Au Japon, l’utilisation médiocre du capital se reflète
    dans une série de problèmes structurels, dans les secteurs financier et
    bancaire ainsi qu’en matière de gouvernance des entreprises et du secteur
    public. Même si les États-Unis, plus que tout autre pays, ont démontré les
    avantages d’une gestion macro-économique judicieuse dans les années 90
    et au-delà, il est essentiel qu’ils poursuivent dans cette voie afin d’éviter
    des déséquilibres déstabilisateurs de leurs finances publics et de leurs
    paiements extérieurs. Parallèlement, un certain nombre de mesures doivent
    être à l’ordre du jour de presque tous les pays de l’OCDE. C’est ainsi que
    le rôle considérable de l’éducation comme instrument de développement
    des compétences de la main-d’œuvre et de création de connaissances pour
    l’innovation tend à montrer qu’elle doit en permanence figurer dans les
    plans d’action pour la croissance. De même, on peut faire beaucoup pour
    améliorer la politique en matière de R-D, de façon à accroître l’efficacité
    de l’intervention des pouvoirs publics dans le processus générant
    l’innovation. Il est également manifeste que les améliorations apportées à
    la réglementation du marché des produits génèrent des dividendes sous
    forme de croissance, en particulier, dans la période actuelle, les

                                        16
améliorations qui contribuent à élargir la diffusion des nouvelles
technologies.

                              17
PUBLICATIONS DE L’OCDE, 2, rue André-Pascal, 75775 PARIS CEDEX 16
                   IMPRIMÉ EN FRANCE

                                18
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