Questions à l'ambassadeur de Pologne en France - cpccaf
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— Numéro 5 • Prix : 3€ — LA NORMANDIE REÇOIT Questions à l’ambassadeur P.3 LA GUINÉE de Pologne en France P.16 Paul Astolfi - S.E. Amara Camara © Miserey S.E. Tomasz Mlynarski Une mission du Partenariat LES DOSSIERS STRUCTURANTS Eurafricain à Madagascar DE LA FRANCOPHONIE P.25 P.2 Catherine Distinguin - Gérard Pelletier
2018 une mission du Partenariat Eurafricain à Madagascar E Sommaire n 2014 le Partenariat ment dans des actions de pement des entreprises. En Eurafricain participait codéveloppement. relation avec les autorités à un colloque des in- Le Partenariat Eurafricain malgache et française le vestisseurs à Madagascar, apporte une attention par- Partenariat Eurafricain il avec le concours de la re- ticulière à l’Océan Indien, sera associé à différentes vue ECO AUSTRAL . En 2017 cette autre Mare Nostrum manifestations culturelles il participait, aux Comores dont tous les Etats sont et mémorielles dans le à une mission sur le transfert membre de l’Organisation cadre notamment des cé- des fonds des migrants issus Internationale de la Fran- lébrations du centenaire de la Grande Comores et cophonie. de la guerre de 14 dont en France mêle le Partena- En juillet 2018 le Partena- Mme Saholy Letellier, au- riat Eurafricain est associé riat Eurafricain sera encore teur d’études dans Vivre aux activités des diasporas présent à Madagascar à l’Histoire Ensemble est vice mauriciennes, malgaches l’occasion de rencontres présidente du comité mal- et comoriennes, se préoc- avec les acteurs fran- gache. cupant notamment de leur co-malgaches du dé- La revue économique de participation aux activités veloppement local pour référence dans l’Océan In- locales et municipales fran- traiter de la formation des dien ECO AUSTRAL sera un çaises et de leur engage- élus locaux, du dévelop- partenaire. 2................... 2018 une mission du Partenariat Eurafricain à Madagascar 3................... Du bon (et mauvais) usage de la diversité 3................... Normandie Afrique, que faire ensemble ? 4................... Léopold Sédar Senghor, le Normand père de la Francophonie et chantre de la Normandité par Paul Astolfi 5................... Expositions et ateliers à découvrir au Musée des Deux Guerres « Musée Johanesa » , Tadio, Madagascar par Saholy Letellier 7................... La création d’ouvrages sur la Grande Guerre par les élèves et les étudiants de France, de Macédoine et de Madagascar par Saholy Letellier 8................... Interview de Frederic Descrozailles par Hervé Nyam, délégué du Partenariat Eurafricain 9................... Journées d’Histoire et de Tradition Forestières par Patrice Vermeulen, secrétaire général du Carrefour des Acteurs Sociaux 10 ................ La XXVIIème Biennale de la Langue Française 11................. Interview de Cheryl Toman 12/14............ Un débat co organisé par le Cercle Colbert et le Mouvement Fédéraliste Français « Décentralisation OU fédéralisme » 15................. Présentation de l’ICEO (Institut de Coopération avec l’Europe Orientale) par Jean-Marie Roussignol 16................. Interview de S.E. Tomasz Mlynarski, ambassadeur de Pologne à Paris 17................. Présentation du Fonds Humanitaire Polonais 18 ................ Interview de Mathias Morawski 18................. Les chemins vers l’indépendance de la Pologne (exposition) 19................. Laisssez-Les-Servir 20................. Le Partenariat Eurafricain s’implante en Bourgogne/Présentation de la Maison Roumaine 21/22............ L’exposition « les tirailleurs sénégalais, avant, pendant et après la guerre de 14 » 23................. Des livres 24................. « l’Europe a-t-elle raté la paix en 1914 ? ». Colloque le 2 octobre 2018 25................. Vers un lexique francophone de l’intelligence artificielle 26................. Suite de la page 9 Journées d’Histoire et de Tradition Forestières / Suite de la page 14 Cercle Colbert 27................. A Dakar au siège de l’amicale de Normandie par Paul Astolfi 27................ Les clochards de la gloire (recension et préface par le général Patrick Jardin) (2S) 28................ Le Somaliland et les Tirailleurs sénégalais par Ali Ismael Hassan 29................ Suite de la page 7 - La création d’ouvrages sur la Grande Guerre, par Antonio Da Silva Melendo 30................ Suite de la page 4 - Léopold Sédar Senghor, le Normand père de la Francophonie 31.................. Les drapeaux associatifs des Polonais du Nord de la France par Monika Salmon-Siama 32.................. Présentation de l’Académie des Sciences d’Outre Mer par Patrice Hack 2 Adresse : Carrefour des Acteurs Sociaux : 103, avenue Parmentier - 75011 Paris - dircas@cas-france.org Adresse courriel : joelbroquet@noos.fr - Tél : 06 16 58 06 00
Du bon (et mauvais) usage de la diversité Q Edito uasiment plus per- arrache les enfants dès tiers » comme ailleurs. Et sonne ne reven- le plus jeune âge aux dé- pourtant l’échec est reten- dique l’héritage terminismes culturels, so- tissant car ce système des politique jacobin. Et il n’a ciaux, familiaux, religieux... « Grands frères » à certes survécu si longtemps que crée des autorités … de pour avoir engendré le On s’étonne que ce to- type non pas communau- concept d’Etat-Nation - talitarisme sociétal qui taires mais … sectaires. dans lequel l’Etat absor- coupe l’individu de bant toutes les forces vives ses racines revendique C’est donc bien l’école et les corps intermédiaires le droit à la diversité. fut-elle dite de la Répu- de la Nation dévoie, et On s’en étonnera moins blique, la tutelle de l’Etat, l’un, et l’autre. en notant que cette di- la politique de la ville, le versité-là ne renvoie pas à tissu associatif qui sont en La volonté totalitaire (ou la notion de »communau- cause. Malek Boutih a dé- volonté générale), si elle té » (1) mais plutôt à celle noncé en son temps ces s’incarne heureusement d’agrégats idéologiques élus locaux qui ont cru de moins en moins dans qui peuvent être raciaux, acheter la paix sociale l’organisation administra- générationnels avec le au prix de leur lâcheté. Il tive, impose en revanche concept de « jeunes », serait temps d’en tirer les son diktat dans les mœurs sexuées, voire érigés en conclusions. et la culture ; et même res- catégorie sociale, les surgit dans la fiscalité avec « sans papiers ». A valeurs (1)On se reportera à la liquidation de l’auto- dégradées, échec social l’étude sur les communau- nomie financière des col- assuré. tés parue dans le numéro lectivités locales. S’étant 3 de VHE avisés que l’homme so- Les « Grands frères » dont cial était rebelle à la do- l’origine puise sa source mestication les tenants de dans l’idée juste qu’il fal- l’utopie totalitaire/égali- lait au sein de la diversité taire ont voulu le façon- sociale réintroduire les no- ner dès l’enfance. Vincent tions d’autorité, d’exem- Peillon veut que l’école plarité, dans les « quar- Normandie Afrique, que faire ensemble ? C ’est la question Cap sur la Guinée que se sont posés Steeve Kowalski, En 2016, Aly Thérian orga- Président de l’association nise à Rouen au siège de Normandie axe-Seine qui la Région le Forum Econo- depuis 2014 conduit ses mique Normandie Guinée réflexions sur les consé- avec la participation du quences du projet du Service économique de grand Paris sur la Norman- l’ambassade de Guinée die et notamment l’amé- en la personne de M. Ka- nagement de l’axe Seine bèlè Soumah, attaché et Aly Thérian, Président d’ambassade en charge des Guinéens de Norman- de l’économie et de M. Ar- Aly Thérian, promoteur de la mai- son des entreprises normandes die et Président d’ ADM nauld Daudruy, président en Guinée en visite à l’Asssem- Partners Consulting. du Medef Normandie. blée Nationale Vivre l'HISTOIRE ensemble ! Editeur : Le Carrefour des Acteurs Sociaux marque déposée à l'INPI / Titre en cours de dépôt en Préfecture Directeur : Joël BROQUET Comité de rédaction : en cours de constitution Régie publicitaire : Aria communication 3
La satisfaction des entre- Maison de la Normandie et unie le 23 mars 201 8. L’as- prises participantes a été un des entreprises françaises sociation « Envie d’agir Nor- élément déterminant pour à Conakry. Un comité de mandie-Guinée » est créée poursuivre cette action qui pilotage est institué pour avec pour projet principal, a permis d’organiser une donner une réalité à cette la réalisation d’une Maison première mission en Guinée intention commune. de la Normandie en Gui- en avril 2017. Celle-ci a rete- née, véritable passerelle nu l’attention des autorités Envie d’agir Normandie-Guinée économique culturelle, guinéennes à Conakry mais éducative, .en matière de aussi du Club Afrique de la La mobilisation s’opère au- santé et humanitaire entre CCI Internationale Rouen tour de l’équipe de départ la Normandie et la Guinée Métropole Normandie. et les volontés s’affirment Conakry. pour Le Président est Marc Per- Un appui déterminant des entrer dans la phase pra- sichetti, économiste de la diplomates Français et Gui- tique de préfiguration de construction associé du néens ce projet d’une Maison de Cabinet ETIC, le secrétaire la Normandie qui engage est Aly Thérian et le trésorier Pour donner une suite à la l’étape suivante, celle de Paul Astolfi. demande des entreprises et donner une assise juridique Ce projet a été accompa- avec l’appui de l’associa- indispensable à son fonc- gné du soutien du Partena- tion Normandie axe-Seine, tionnement. Une assemblée riat Eurafricain. les deux ambassadeurs S.E. générale constitutive est ré- M. Jean-Marc Grosgurin, ambassadeur de France en Guinée, S.E. M. Amara Camara ambassadeur de Guinée en France et M. Bruno Bisson Conseiller di- plomatique de la préfète de la Région Normandie le 1er septembre2017ani- ment un déjeuner confé- rence sur le thème « France - Guinée - Normandie - Axe- Seine : que faire ensemble ? » © Hugo Miserey De gauche à droite Paul Astolfi, dirigeant de Normandie Axe Seine, membre de la direction du Partena- Réunion de lancement d’un riat Eurafricain ; Kabelé Soumah, conseiller économique à l’ambassade de Guinée en France ; S.E. Amara Camara, ambassadeur de Guinée en France ; Nathalie Lecordier, Comité de pilotage le 24 V.P. du département de Seine Maritime ; S.E. Jean-Marc Grosgurin, ambassadeur de France en Guinée ; Bruno Bisson, conseiller diplomatique auprès du Préfet de région ; novembre 2017 Aly Thérian, initiateur de la Maison des entreprises normandes en Guinée, président des Guinéens de Normandie. Les rencontres qui ont sui- Léopold Sédar Senghor, vi, avec des organismes professionnels, des chefs le Normand père de la Francophonie d’entreprises, la Chambre et chantre de la Normandité de Commerce et d’Indus- « La Normandie est une ré- tique grâce à sa capaci- trie, le Département de la gion ouverte au monde car té d’adaptation et à son Seine-Maritime, le Région elle embrasse, depuis ses humanisme » affirme Nor- Normandie, la Métropole origines, l’intégration des mandie Attractivité (https:// Rouen Normandie et la Ville individus et des cultures. www.normandie-attracti- de Rouen ont renforcé les Elle a, au cours des siècles, vite.fr) dans son manifeste échanges, donné aux par- marqué et influencé l’his- pour une Région-Monde. ticipants l’envie d’agir et toire du monde, exportant Cette marque caracté- manifesté leur intérêt pour un modèle social et poli- ristique de l’identité nor- envisager la création d’une Suite page 30 4
Expositions et ateliers à découvrir au Musée des Deux Guerres « Musée Johanesa Rafiliposaona », Tadio, Saholy Letellier, Fondatrice et Directrice du Madagascar musée de Tadio Chargée de cours en Histoire, Sociologie et Lettres à l’Uni- versité de Rouen Normandie L e Musée des Deux de vues stéréoscopiques, a concours pour les enfants. Guerres à Tadio (Ma- été labellisée par la mission L’école accueille égale- dagascar) a ouvert ses du centenaire de la Pre- ment des colloques inter- portes en août 2014, dans mière Guerre mondiale en nationaux pluridisciplinaires l’année du centenaire de la France³. sur la Grande Guerre, des Première Guerre mondiale L’année suivante, en 2015, séminaires sur l’éducation et des soixante-dix ans de la pour mieux répondre aux et des journées d’études fin de la Deuxième Guerre besoins de la population de sur des sujets variés. Enfin, mondiale¹ . Le village s’était Tadio et des villages environ- le Musée et son école font mobilisé pour aider à la nants, le musée a ouvert son participer l’association des construction du musée, et école appelée « l’école de femmes du village de Tadio le projet a eu l’adhésion la vie et de la paix ». Depuis, au montage d’exposition de nombreux bénévoles en des cours d’alphabétisa- (fabrication de raphia pour France et à Madagascar tion, des cours de formation les panneaux d’exposition, pour collecter des objets aux maîtres d’écoles, des initiation à la préservation et des documents² . La pre- lectures publiques, des ate- des œuvres et à leur mise mière exposition photogra- liers artistiques sont propo- en valeur…). phique du musée, extraite sés avec l’organisation de Expositions sur la Grande Guerre en 2018 : - Madagascar dans la Grande Guerre. - Le front d’Orient. - Le Houlme, Amiens, Caen, Reims, Rouen dans la Grande Guerre. - Des portraits de femmes dans la Grande Guerre dont des femmes malgaches qui baguent des cigares envoyés aux soldats (Journal Illustration, mars 1915) - Hommage 14-18, hommage aux aïeux et aux aïeules. L’œuvre du cigare malgache - Présentation d’ouvrages sur la Grande Guerre. - Les tirailleurs sénégalais (projet en cours) : Dans le cadre d’un partenariat avec l’association Solidarité internationale, souhait d’accueillir au Musée de Tadio, pendant la période des commémorations, l’exposition « La Caravane de la mémoire. Les tirailleurs sénégalais avant, pendant et après la Première Guerre mondiale ». 1 Le musée avait reçu de nombreux soutiens des autorités à Madagascar et en France. Aujourd’hui, le musée accueille de nombreux visiteurs : des villageois, des établissements scolaires et universitaires, des touristes de passage… 2 La majorité de la collecte d’objets et de documents a été faite en France. La Région Haute-Normandie a permis leur acheminement, par conteneur aérien, de Paris à Antananarivo. A Madagascar, l’Ambassade de France a organisé avec le 1er Régiment des Forces d’Intervention de l’Armée de l’air malgache, la réception et le déchargement du conteneur à l’aéroport d’Ivato ; puis la conservation provisoire en transit des collections sur la base militaire de l’aéroport d’Ivato (pendant un mois); et enfin, le transport jusqu’au musée ; soit à 320 km de la base. 3 Labellisation en avril 2014 des 70 premières plaques de verre du musée de Tadio. Aujourd’hui, le Musée en possède 452. 5
Ateliers 14-18 : - Atelier découverte de vues stéréoscopiques et de deux visionneuses en état de marche. - Atelier découverte de journaux d’époque : Illustration et Miroir. Présentation des pages sur Madagascar. - Atelier découverte de cartes postales sur les soldats malgaches à la Tremblade (Cha rente Maritime) en 1917. - Atelier découverte de la maquette (2m20 x 2m50) de l’avion Nieuport de Guynemer et réalisation d’autres maquettes avec les enfants de Tadio. - Atelier de lecture, d’écriture et de dessin sur les poèmes de la Grande Guerre. Lecture et illustrations des poèmes de Chan David, lauréat du prix de la meilleure rime et du prix du public au printemps des poètes (mars 2018). - Atelier de création du « Jardin des souvenirs » dans les jardins du musée. - Atelier de création sur « l'arbre de vie et l'arbre de paix » dans l’école du musée. - Atelier avec les artistes en résidence : « découverte du travail sur bois » avec les Zafima niry d’Antoetra(4) , initiation au travail de sculpture avec le sculpteur Ndriana(5) qui a réalisé la stèle de l’Avenue de l’Indépendance à Toamasina. Jean-Claude Letellier, Directeur des collections du musée Le Musée des Deux Guerres, « Musée Johanesa Rafiliposaona », Tadio, Madagascar 4 L’art Zafimaniry a été classé par l’UNESCO au patrimoine mondial immatériel de l’humanité. 5 Le sculpteur Ndriana, qui a réalisé la stèle du 9 octobre 2015 sur l’Avenue de l’Indépendance à Toamasina, a fait deux réalisations en résine pour le musée de Tadio : la stèle du tirailleur Johanesa Rafiliposaona et le tableau d’une vue sté- réoscopique. 6
La création d’ouvrages sur la Grande Guerre par les élèves et les étudiants de France, de Macédoine et de Madagascar Saholy Letellier, Fondatrice et Directrice du Musée des Deux Guerres à Tadio, Madagascar. Chargée de cours en Histoire, Sociologie et Lettres à l’Uni- versité de Rouen Normandie D ans le cadre de la conflits » (octobre 2015)¹ malgache, du Ministère des coopération décen- ,«Enseigner la Grande Affaires étrangères mal- tralisée entre la Ré- Guerre » (avril et novembre gache, du Ministère de l’En- gion Atsinanana (Mada- 2016)² , de la création de seignement Supérieur et de gascar), Skopje et Bitola caravanes de l’Histoire de la Recherche Scientifique (Macédoine) et la Région la Première Guerre mon- malgache, du Ministère Normandie (France) et diale sillonnant la Grande de l’Education Nationale dans les commémorations Ile (août 2017)³ , de l’orga- malgache, du comité du du centenaire de la Pre- nisation en Macédoine de centenaire de la Première mière Guerre mondiale, il journées scientifiques sur le Guerre mondiale à Mada- a été créé trois ouvrages front d’Orient (juin 2016, no- gascar, de l’Office Natio- sur la Grande Guerre : « vembre 2017), de l’organi- nal des Anciens Combat- l’Abécédaire de la Grande sation de la Semaine de la tants, de l’Ambassade de Guerre» (avril 2016), « Jour- Francophonie à l’Université France à Madagascar et naux, correspondances et de Rouen Normandie sur la en Macédoine, de l’Institut vues sur verre de la Grande thématique de la Première français de Macédoine, de Guerre » (juin 2017), « Re- Guerre mondiale (2014 à l’Alliance française de Toa- gards sur 14-18 » (à paraître 2018), et de l’organisation masina, de la mission du en juin 2018). Près de 4 000 de plusieurs expositions. centenaire en France, de écoliers, collégiens, lycéens la Région Normandie, de et étudiants des trois pays Le 9 octobre 2015 est le jour la Région Atsinanana, de ont participé à ces travaux, anniversaire de l'entrée en la Région Amoron’i Mania encadrés par leurs profes- guerre de Madagascar, et de la Maison de la coo- seurs. Leur rédaction s’est et c’est l’occasion pour pération à Toamasina, de accompagnée de la tenue la Grande Ile de commé- nombreuses manifestations de plusieurs colloques in- morer sa participation à la et actions voient le jour : ternationaux francophones Première Guerre mondiale. colloques, séminaires, jour- à Madagascar sur « Com- Avec le soutien du Ministère nées d’études, expositions, mémorer 1915-2015 : traces de la Culture malgache, rédaction d’ouvrages. mémorielles et acteurs des du Ministère de la Défense Le 9 octobre 2015, inauguration de la stèle de l'Avenue de l'Indé- Livres Grande Guerre. Publication aux pendance de Toamasina éditions des Falaises, Rouen Normandie. 1 Colloque international pluridisciplinaire au Musée des Deux Guerres à Tadio, Fandriana, Région Amoron’i Mania, Mada- gascar. Soutien de l’Ambassade de France à Madagascar. 2 Colloque international pluridisciplinaire au Palais de la Région Atsinanana, au Musée des Deux Guerres à Tadio et à l’Université de Toamasina. Soutien de la région Normandie. 3 La Caravane de la Grande Guerre à Madagascar (1er au 28 août 2017) est centrée sur une exposition itinérante sur le thème « Madagascar avant, pendant et après la Première Guerre mondiale ». Soutien du Ministère de la Défense mal- gache, de l’Ambassade de France à Madagascar, de la Région Atsinanana et de la région Normandie. Suite page 29 7
Frédéric Descrozailles répond aux questions de Hervé Nyam Francophonie : de la culture Frédéric à l’entreprise Descrozailles L a francophonie comme Au fil du temps la relation d’unité et symbole d’ap- perspective semble être Francophonie / Monde de partenance. Mais elle a été réservée aux acteurs l’entreprise est de plus en marquée – ce qu’illustre la culturels et politiques. D’ail- plus invoquée, au moins du place de l’exception dans leurs les pères fondateurs point de vue conceptuel l’élaboration de la règle – (Hamani Diori, Senghor, ou de la rhétorique. Dans par le maintien d’une très Norodom Sihanouk, Bour- un contexte mondial do- grande diversité, d’un très guiba…) étaient d’abord miné par les enjeux éco- grand nombre de disparités des politiques. En France nomiques, je reprendrais la et de spécificités. S’agissant les grands apôtres ou dé- question que vous posiez de bâtir une culture d’en- fenseurs de la francophonie en introduction au colloque treprise dans un contexte (Philippe de Saint-Robert, que vous venez d’organiser multiculturel et / ou inter- Philippe Rossillon…) sont le 5 avril à Paris : « En quoi national, c’est une ca- d’abord des politiques. Quel la langue française est- ractéristique intéressante. jugement portez-vous sur elle un atout pour conso- leur œuvre, sur leurs idées ? lider / renforcer / stimuler Après le colloque du 5 avril une culture d’entreprise qui a été un succès, qui a La langue française a tou- dans un contexte interna- ouvert un horizon de ques- jours fait l’objet, depuis sa tional et multiculturel ? » tionnements et qui a suscité création même en tant que beaucoup d’espoir chez les langue écrite en 842, d’un La langue française est as- participants, quelle est la volontarisme politique. La sociée, pour des raisons prochaine étape ? Et quand ? France, en tant que pays, historiques, culturelles et a été forgée notamment finalement pratiques, à la J’ai annoncé un suivi au par recours à la langue de question du traitement des moins annuel de ce qui al- façon délibérée dans deux relations sociales de tra- lait être proposé. La pro- dimensions : juridique et vail. Elle est en elle-même chaine étape est celle littéraire. Je m’inscris plei- un vecteur de dialogue et d’une réunion du comité nement dans cette tra- de communication interne de pilotage de « La fran- dition. Mais en 2017, sous aux entreprises. De plus, cophonie, un espace pour l’impulsion des nombreux sans être linguiste, je me ris- l’entreprise » pour lui donner acteurs que j’ai réunis le 5 querais à prétendre que la suite et, notamment, pour avril dernier, ce volonta- langue française se singula- désigner des chefs de pro- risme politique est orienté rise par sa façon de traiter jets et des équipes projets sur le domaine de l’écono- l’enjeu de la précision du autour des trois pistes rete- mie : l’entreprenariat et les langage : par sa nomencla- nues comme prioritaires : la échanges. ture, son vocabulaire et ses création d’une plateforme Il s’agit simplement de com- constructions syntaxiques. numérique de services et pléter l’approche trop stric- C’est-à-dire que, par rap- d’informations, un carre- tement culturelle, diplov- port à d’autres langues, le four virtuel de la francopho- matique du rayonnement français permet l’apport de nie ; la création et le ren- de la langue française. Ou, nuances et de précisions forcement de rencontres plus exactement, de chan- dès l’apprentissage, plus d’affaires francophones et ger de regard sur ce qu’est rapidement que par la maî- « l’évangélisation » de Chefs le rayonnement culturel de trise de l’usage. d’entreprises sur les mérites la langue française, pour Je relie cette caractéris- du bilinguisme. J’organise- adopter la question de tique à une propriété de la rai dans un an, peut-être l’usage courant, pratique, culture française, celle du sous une autre forme mais utile et non pas seulement rapport entre la multitude de façon à marquer une raffiné, « haut-de-gamme et l’unité ou, dit autrement, étape, un événement qui » ou savant du français. entre la diversité et l’ap- exigera de nous et de moi- Il s’agit de décomplexer partenance commune. La même d’avoir donné suite à l’apprentissage du – et France est un pays qui a été l’événement du 5 avril der- l’accès au – français, bâti par la consolidation nier. C’est le premier d’une pour qu’ils ne soient plus progressive d’un pouvoir série, et cette série aboutira intimidants et pour les central fort, qui a fédéré à des résultats concrets et développer en accom- des identités locales restées pratiques. pagnement de l’essor extrêmement vivaces et économique de l’espace souvent rivales. La langue a francophone. été sciemment utilisée pour y parvenir, comme vecteur Jean Michel Tallet, club Efficience Fakhr Eddine Es-Saaidi, Ministre Conseiller à l‘Ambassade du Royaume du Maroc en France, Responsable des relations avec l’Organisation Internationale de la Franco- phonie et l’OCDE, Frédéric Descrozailles; Marie Christine Oghly, présidente mon- diale FCEM; Denis Deschamps, délégué général de la CPCCAF 8
JOURNÉES D’HISTOIRE ET DE TRADITION FORESTIÈRES EN FORET DE TRONÇAIS L es 6 et 7 octobre der- massifs difficilement acces- forêt de Tronçais, à savoir la niers se sont déroulées sibles à des engins motori- Futaie Colbert. C’est en ef- les Journées d’Histoire sés et dont les sols sont fra- fet ce dernier qui, en 1670, et de Tradition Forestières giles. Quant au fendage, a décidé le réaménage- (HISTRAFOR) organisées, les spectateurs admiratifs ment du massif pour y plan- comme chaque année, ont pu apprécier la dexté- ter des chênes destinés à par l’Association des per- rité d’un mérandier qui, en l’industrie navale avec, no- sonnels de l’Office National quelques coups de hache, tamment, la production de des Forêts (ONF) avec le est venu à bout d’un tronc « bois tors » spécialement soutien de l’établissement. pour en faire de belles adaptés pour la charpente- Cette année, ces journées douelles de tonneaux qui, rie de marine. Mais la durée ont pris place au cœur de demain, pourront accueil- de la croissance des arbres la forêt domaniale de Tron- lir quelques grands crus de a voulu que lorsque ceux- çais, dans le département vins de Bordeaux. ci sont arrivés à maturité, la de l’Allier. Parallèlement était pro- marine en bois avait déjà Voulant sortir du colloque posée une tournée fores- cédé la place à la marine habituel et profiter du site tière au sein du massif de en acier. Privés d’eau de exceptionnel qui avait été Tronçais sous la conduite mer, les chênes se sont re- choisi, les organisateurs éclairée de forestiers aussi marquablement reconvertis avaient opté pour une ani- compétents que passion- au vin auquel ils assurent un mation innovante compo- nés. Les visiteurs ont pu ain- vieillissement exceptionnel sée de saynètes mettant en si s’enfoncer au mitan de et goûteux. parallèle les activités fores- la forêt et découvrir, pour Au milieu des 10 000 ha de tières du passé et leur pen- ceux qui ne le savaient la forêt de Tronçais, la Fu- dant actuel. Ainsi se sont déjà, que les arbres ne taie Colbert témoigne de succédé des présentations poussent pas tout seuls et sa vocation initiale avec relatives au bois de feu, à qu’ils ne sont pas les seuls des chênes impressionnants l’abattage, au sciage, aux hôtes de ce vaste espace dont certains âgés de plus outils du forestier, au débar- grouillant de biodiversité de 300 ans. Aujourd’hui, le dage et au fendage. tant animale que végétale. peuplement est classé en Ces deux dernières sé- Ils se sont surtout attardés réserve biologique dirigée, quences ont été particuliè- sur ce qui constitue le lieu c’est-à-dire qu’il n’y est plus rement appréciées par les le plus emblématique de la pratiqué de sylviculture et participants, qu’il s’agisse des professionnels ou du grand public. Le débar- dage est un bon exemple des leçons du passé au service du présent. Si cette activité, qui consiste à sortir des forêts les troncs d’arbres coupés, est aujourd’hui lar- gement mécanisée avec des tracteurs débusqueurs, on assiste depuis quelques années à un retour du dé- bardage à cheval qui convient bien pour des Suite page 26 9
XXVIIe Biennale de la langue française Elle s'est tenue à Paris les 14,15 et 16 septembre 2017 sur le thème «Choisir la langue française aujourd’hui dans les études et les métiers». Avec le soutien de la Délégation à la langue française et aux langues de France et de la Case Western Reserve University, Cleveland. Compte tenu de son ancienneté, de sa constance dans l’action, du prestige d’Alain Guillermou son fondateur, la Biennale de la Langue Française mérite bien le titre d’Institution. Les travaux ont été introduits et prendre connaissance intitulée « Choisir / ensei- par Roland Eluerd Vice-pré- d’une excellente première gner le français en Amé- sident de la Biennale de la synthèse sous la plume de rique du Nord » avec des langue française et Loïc Line Sommant, vice prési- interventions de Gabriel Mi- Depecker Délégué géné- dente de la Biennale de la chaud, Université McGill : Le ral à la Langue française et Langue Française. Le Par- français langue seconde aux Langues de France qui tenariat Eurafricain avait : quelles sont les motiva- a dressé un tableau exhaus- été invité à présider la tions de jeunes universitaires tif de la stratégie franco- séance 3 ou se sont expri- nord-américains ? Christian phone des Pouvoirs publics mé Mohamed Taifi, Institut Mbarga, St. Thomas Univer- Patrice Henriot Délégué Militaire de Virginie, écri- sity à Frédericton, Cana- culturel et administratif de vain sur « parler la langue da : Enseigner le français au l’AMOPA (Association des française dans les pays Nouveau-Brunswick : entre Membres de l’Ordre des anciennement colonisés : enthousiasme et défis. et Palmes Académiques), par- la fin des complexes », Joël Matka Zupancic, University tenaire historique de la Bien- Broquet et Marianne Condé of Alabama, Tuscaloosa : La nale a rappelé Les conc- Salazar, Directrice des rela- «civilisation française» dans Fours de l’AMOPA en faveur tions internationales de l’en- les universités nord-améri- de la Défense et Illustration seignement et du français, caines. de la langue française. CCIP Ile-de-France sur « le En vous connectant au site français, atout profession- de la biennale http://www. nel » biennale-lf.org vous pourrez Bernard Emont président de tout à la fois en connaitre France Québec, assurait la le programme complet présidence de la séance De gauche à droite, Mohamed Taifi, Institut Militaire de Virginie, écrivain, De g. à d. : Sabine Lopez (Paris VI), « parler la langue française dans les pays anciennement colonisés : la fin Asmaa Leila Sassi (Université Mus- des complexes », Joël Broquet, président de séance et Marianne Condé tapha Stambouli-Mascara, Algérie), Salazar, Directrice des relations internationales de l’enseignement et du Roland Eluerd, Ousmane Diao (Uni- français, CCIP Ile-de-France sur « le français, atout professionnel » versité Cheikh Anta Diop, Dakar ) 10
Extrait de l’interview de Cheryl Toman, universitaire américaine (Cleveland), ensei- gnante à la Sorbonne, présidente de la Biennale de la Langue Française. parue dans une livraison de l’agence ACIP et sur le site du « Réveil Français ». CHOISIR LE FRANÇAIS AUJOURD'HUI DANS LES ÉTUDES ET LES MÉTIERS Vous êtes universitaire améri- Les 14, 15 et 16 septembre Hampshire et le Vermont, le caine, enseignante à la Case 2017 se tiendra à Paris la français est la langue étran- Western Reserve Universitaire XXVIIème biennale de la gère la plus apprise malgré travaillant avec plusieurs langue Française. Vous y le développement rapide établissements d’enseigne- accueillez une trentaine à tous les niveaux scolaires ment secondaire et supérieur d’intervenants majoritai- et universitaires, depuis peu, et de recherches en France rement représentatifs des des programmes de langues et vous présidez la Biennale enjeux francophones au étrangères. Cette réalité est de la Langue Française Pour- Maghreb et Afrique noire. encore plus impressionnante riez-vous resituer la « Biennale Voulez-vous ainsi marquer si nous considérons qu’il y a » et son histoire dans le pano- la prévalence du paramètre vingt ans, les programmes rama des institutions et asso- africain dans la géopoli- de langues étrangères aux ciations vouées à la défense tique de la francophonie ? États-Unis n’offraient que de la langue française ? deux langues, l’espagnol et Depuis la création de notre le français. Aujourd’hui, les Cheryl Toman : La Biennale association, nous avons par- jeunes Américains peuvent a été créée à Paris en 1963 mi nous des collègues afri- apprendre même à cer- par Alain Guillermou. Roland cains et maghrébins. Léo- taines écoles élémentaires Eluerd a pris la relève en 1993 pold Sédar Senghor était un le chinois, l’arabe, le japo- et je suis devenue présidente président d’honneur de la nais, et le russe, et pourtant le en décembre 2016. Les tra- Biennale et nous avons or- français maintient sa position ditions de la Biennale sont ganisé des Biennales quatre forte dans le pays. riches même si nous essayons fois en Afrique (à Dakar en Il ne faut pas oublier que la de donner un nouvel élan à 1973 et 2007, à Ouagadou- France et les États-Unis se- notre association en fonction gou en 1999 et à Marrakech ront toujours liés par leur his- de la réalité toujours chan- en 1987). Cette nécessité de toire commune, comme le geante de notre monde mais promouvoir un authentique constate Gilbert de Pusy la son but était et est toujours plurilinguisme et de défendre Fayette. C’était un énorme de « coordonner les efforts le français se trouve partout plaisir pour moi d’avoir ren- des divers pays de langue où le français est pratiqué et contré Gilbert de Pusy la française pour la sauvegarde enseigné, que ce soit en Eu- Fayette au moment où mon d’un commun patrimoine lin- rope et dans les institutions université avait récemment guistique », la langue fran- européennes, ou en Afrique choisi un livre sur la Fayette çaise. ou au Maghreb. D’après l’Or- comme la lecture commune Son objet est « d’aider et de ganisation Internationale de de tous les étudiants en pre- soutenir l’ensemble des per- la Francophonie, l’Afrique est mière année (Lafayette in sonnes, notamment les pro- l’avenir de la francophonie. the Somewhat United States fesseurs de français, et des Donc, il faut s’assurer d’une par Sarah Vowell). Donc, non organismes qui, à travers bonne représentation de seulement la langue fran- le monde, œuvrent pour le tous les pays francophones çaise est importante, mais maintien des qualités propres pour la XXVIIème biennale. l’histoire française l’est éga- et de l’unité de la langue lement. française dans sa diversité et Vous avez récemment ren- dans la diversité des cultures contré Gilbert de Pusy La qu’elle véhicule ou est appe- Fayette, président du comité lée à véhiculer ». Les Biennales La Fayette ; pensez-vous que se sont déroulées en diffé- la francophonie ait un avenir rents pays d’Afrique, d’Amé- aux États-Unis ? rique du Nord ou d’Europe. L’action de la Biennale est un Absolument. Après l’espa- combat, celui de la diversité gnol, le français est la se- des langues contre l’uniformi- conde langue étrangère la té d’une seule langue domi- plus apprise aux États-Unis. nante, d’une langue unique, Et quant aux états comme la le tout anglais. Louisiane, le Maine, le New Cheryl Toman 11
Décentralisation ou Fédéralisme ? Un débat au Cercle Colbert Le 26 juin 2017 le cercle Colbert accueillait une table ronde co organisée avec le Mou- vement Fédéraliste Français. Le thème, quasiment surréaliste il y a quelques mois, le semble aujourd’hui beaucoup moins : Décentralisation ou Fédéralisme ; quel avenir pour les territoires ? Question audacieuse qui pose d’emblée l’antinomie entre une dé- centralisation qui est certes entrée dans la constitution, qui n’en reste pas moins mar- quée au coin de philosophie jacobine, et un fédéralisme qui la nie radicalement. C’est l’une ou l’autre. Mais l’art politique n’est-il pas d’arrondir des angles que la science politique n’aborde que trop souvent avec l’esprit de géométrie ? Henri de Grossouvre, directeur des collectivités publiques chez Suez Eau France a d’em- blée lancé le débat en faisant un tour d’horizon des termes du débat en le restituant dans sa profondeur historique. Olivier Meuwly (Lausanne – historien du fédéralisme) a présenté le modèle confédéral suisse (on trouvera en encadré un florilège des ses assertions) puis Thibaut Isabel, auteur de « Pierre-Joseph Proudhon, l’anarchie sans le désordre » préfacé par Michel Onfray, a montré l’actualité et la pertinence de Proudhon. Entre échec du marxisme et crise de son frère jumeau le libéralisme l’émergence d’une Démocratie fédérale ou d’une éco- nomie mutualiste trouvent chez Proudhon un précurseur. On pourrait presque parler en ce début de XXIème siècle de la revanche de Proudhon sur Marx. Le Professeur Frédé- ric Rouvillois, remontant au débat de 1903 resté célèbre entre Joseph Paul Boncour et Charles Maurras « la République et la Décentralisation » tenta avec brio de montrer que le fédéralisme, dans son acception française, n’était nullement une décentralisation ex- trême susceptible de détruire l’unité mais au contraire une doctrine qui conciliait liberté et autorité… fédératrice. Nous reproduisons ici un article d’Olivier Meuwly qui reprend l’essentiel de son intervention, mettant en lumière les doctrines fédéralistes comme mo- teur de la confédération helvétique. de g. à dte Frédéric Rouvillois, Thibault Isabel, Olivier Meuwly, Henri de Grossouvre LE FEDERALISME MOTEUR DE LA CONSTRUCTION HELVÉTIQUE La construction de la Suisse telle qu’on la connaît au- jourd’hui ne peut être dis- Olivier Meuwly sociée de celle du fédéra- lisme. C’est dans cette forme plonger dans le Moyen Age entre elles, mais aussi avec d’organisation politique que helvétique, non pour en rica- des communautés alpestres s’éclairent les mécanismes ner, comme c’est trop sou- certes autonomes mais qui ont présidé à l’édification vent le cas, mais pour en dis- avec lesquelles elle ne par- d’un Etat d’un genre particu- séquer les fonctionnements tageaient guère d’intérêts lier au pied des Alpes. Mais qui expliquent pourquoi une communs, sinon des ennemis s’intéresser au fédéralisme série de villes-Etat ont déci- identiques : les Habsbourg oblige l’observateur à se dé de s’allier non seulement autrichiens. 12
Loin des mythes qui l’en- les guerres de religion, qui du pays, rendue nécessaire tourent parfois, en effet, c’est divisent les Suisses. Mais de par la nouvelle configuration bien dans le Moyen Age que nouveaux processus de dia- politique internationale en- l’on repère les fondements logue sont inventés, qu’imite- gendrée par le Congrès de matriciels de la Suisse mo- ront après la guerre de Trente Vienne ? Les cantons n’ont derne, qui s’est immédiate- Ans les autres puissances, en toutefois pas l’intention de se ment pensée comme une prise avec des antagonismes précipiter dans les bras d’un coagulation d’Etats souve- religieux sanglants : la religion centralisme effronté pour rains qui ont cherché à ré- du « prince » s’impose à ses redynamiser une Suisse dé- gler ensemble les problèmes sujets. Le fédéralisme trouve sireuse de faire respecter sa qu’ils rencontraient dans une sa première expression ins- neutralité acquise à Vienne cohabitation admise d’en- titutionnelle et prolonge en sur la scène internationale. trée de cause dans sa com- même temps une antique Dans une logique fédéra- plexité. C’est la marque de tradition suisse : le système liste bien ancrée dans les es- fabrique du fédéralisme : ce milice, qui pousse le citoyen à prits, les cantons essaient de sont des Etats qui organisent assumer des tâches diverses, voir ce qu’ils peuvent faire un dialogue entre eux, ce qui citoyen et soldat, gouver- eux-mêmes. Il s’ensuivra une n’a rien à voir avec la subsi- nant et entrepreneur, paysan collection impressionnante diarité, trop souvent confon- et pompier du village. de concordats intercanto- due avec la fédéralisme et naux, dont les premiers re- où il s’agit de déterminer Ce système qui s’affirme dans montent à 1803 déjà, et qui l’échelon idéal pour régler les siècles suivants, malgré un permettront aux cantons de tel ou tel type de problème. processus d’aristocratisation résoudre une vaste gamme Le fédéralisme répond clai- en cours dans les oligarchies de problèmes sans recourir rement à cette question : ce urbaines des Etats confédé- à un pouvoir supérieur investi sont les Etats cantonaux eux- rés, explique le traumatisme de compétences interven- mêmes qui décident ce qui que causera la République tionnistes. Mais l’absence appartient à leur souveraine- helvétique. En introduisant de structures politiques ca- té ou ce qui doit être réglé bi- les principes de liberté abs- pables de parler au nom du ou multilatéralement. traite et d’égalité devant la pays se fait sentir. Les mouve- loi dans l’organisation poli- ments libéraux qui émergent L’histoire politique de la Suisse tique suisse, elle brise avec dans les années 1820, em- de cette époque peut ainsi une tradition profondément plies d’un sentiment roman- se lire comme la recherche établie. Les coups d’Etat qui tique héritier de l’helvétisme de réponses aux conflits po- se succèdent mènent le pays de la fin du XVIIIème siècle tentiels qui risquent de surve- au bord du chaos. Un com- et qui cherche à concilier nir entre les cantons. Cette promis s’avère urgent, que le Tout et ses parties, s’effor- volonté de s’organiser en- Bonaparte aura le génie de cera de trouver un nouvel semble a revêtu différentes mettre en œuvre avec l’Acte équilibre entre le centre et formes. Un ensemble de de Médiation, en 1803 : les cantons. Un premier essai traités d’alliance constituent chaque canton est à nou- les soubassements de la veau autorisé à s’organiser construction helvétique. Puis selon ses propres coutumes se sont ajoutées des diètes, et les anciens territoires sujets qui réunissaient les délégués (comme Vaud, Argovie, Tes- des cantons : celles-ci pren- sin…), qui accèdent au rang dront une forme plus organi- de canton, adopteront en sée et officielle en 1415 avec général des constitutions de la convocation d’une Diète à type républicain. Baden, afin de régler la ges- tion des bailliages communs La Suisse du XIXème siècle (Argovie, Thurgovie, etc.). cherchera dès lors à préserver Mais les conflits restent nom- l’équilibre créé avec l’Acte breux, comme le montrent de Médiation et confirmé par les guerres de Zurich, qui le Pacte fédéral de 1814 : s’achèvent en 1450 : les der- comment maintenir la liberté niers liens avec les Habsbourg des cantons dans leurs choix sont alors définitivement rom- organisationnels tout en ren- pus. Le péril s’accroît avec forçant la structure centrale Frederic Rouvillois 13
constitutionnel échoue ce- d’un nouveau compromis, récurrents sur l’école émer- pendant, en 1832. qui compense la remise geront dès les années 1960. d’une série de compétences Symbole du fédéralisme ché- Il reviendra aux radicaux, dis- aux cantons par l’installation, ri par les cantons catholiques, sidence de gauche du mou- au niveau fédéral, du droit soucieux de sauvegarder leur vement libéral, de donner de référendum facultatif culture confessionnelle, la corps à cet équilibre dans contre les lois votées par le question de l’enseignement, une structure politique iné- Parlement. Le droit d’initia- notamment, fait débat : ne dite, mais inspirée des Etats- tive populaire suivra en 1891. siérait-il pas céder des com- Unis. Issue de la guerre du pétences à la Confédé- Sonderbund, la Constitution Est inauguré ainsi le troisième ration ? Dans ce domaine de 1848 met en place une pilier du système démocra- comme dans d’autres se su- Chambre du peuple nantie tique suisse. Après le fédéra- perposeront, lois fédérales, des mêmes pouvoirs que la lisme et le système de milice, compétences cantonales et Chambre des cantons, où la démocratie dite semi-di- concordats intercantonaux, chaque Etat confédéré est re- recte parachève l’édifice dans un joyeux fouillis qui dé- présenté par deux délégués constitutionnel helvétique, sespère sans doute les amou- quelle que soit sa taille. L’his- dans une étroite symbiose reux d’un cartésianisme toire de la Suisse « moderne » avec ses prédécesseurs. En institutionnel pur mais qui va dès lors s’écouler sur une réalité, ces trois piliers se com- contribue aussi à l’équilibre dialectique cantons-Etat fé- plètent : le citoyen acteur de helvétique. Objet de polé- déral, sur laquelle va peu à la vie sociale, militaire et poli- miques qu’au XIXème siècle peu se greffer la question tique se prolonge dans un ci- ou même qu’au siècle der- des droits démocratiques toyen actif qui a le droit de se nier, le fédéralisme demeure (référendum, initiative) que mêler de toutes les questions un socle auquel s’adossent les cantons sont de plus en par son vote ou sa signature maintes réflexions sur la meil- plus nombreux à expérimen- apposée au bas d’une ini- leure « gouvernance » pos- ter à partir des années 1840. tiative. Mais un citoyen actif sible pour le pays. Malgré les Mais la question demeure : qui œuvre d’abord dans la critiques, il a démontré sa vi- faut-il oui ou non transférer collectivité les plus proche gueur dans au moins quatre de nouvelles compétences à de lui : la commune, mais domaines : l’Etat fédéral ou au contraire surtout l’Etat cantonal, le choyer l’échelon cantonal ? lieu où se construit la poli- - Le fédéralisme, en dépit des Il n’est pas possible de nar- tique, une situation qui sub- inconvénients qu’il peut gé- rer ici les innombrables péri- sistera longtemps, malgré la nérer, a toujours assuré une péties qui vont scander ce poussée centralisatrice qui grande stabilité à la Suisse ; il débat constitutionnel, sur un débute à partir des années force au dialogue et au com- fond religieux très âpre : les 1880, notamment en lien promis et est de la sorte gage cantons catholiques savant avec la lente élaboration d’efficacité. Protecteur des protéger leurs spécificités d’un Etat providence au ni- minorités, il solidifie la cohé- derrière la digue fédéraliste veau fédéral, qui absorbera sion nationale. et s’allieront, en 1872, parfois maintes compétences rele- vant jusque-là de coopéra- - Il permet une grande liber- avec les radicaux romands. tives ou des Etats cantonaux. té d’action au niveau le plus Mais le Kulturkampf brisera L’armée est vidée de ses bas de la structure institution- cette union. 1874 accouche contingents cantonaux, une nelle du pays : les cantons banque nationale voit le jour, conservent, envers et contre le droit civil est unifié, les che- tout, leur capacité à fonc- mins de fer fédéraux suivront. tionner comme des labora- toires politiques pour la Suisse. Le XXème siècle s’inscrit dans cette même tendance. Le - De façon plus terre à terre, il Code pénal suisse est adop- autorise le maintien de petites té en 1942, puis de débats structures politiques, empê- Alain Peloux et Christophe Jussac Suite page 26 14
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