RegaRds cR isés ...et l'université d'entreprise entra dans l'ère de l'innovation !
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Regards cr isés ...et l’université d’entreprise entra dans l’ère de l’innovation ! Octobre 2012 N° 38
RéFLEXIONS Pourquoi faut-il réinventer l’université d’entreprise ? Pierre Baudry, IDRH 4 La production de savoir, la nouvelle frontière de l’université d’entreprise 6 Matthieu Briand et Pierre Baudry, IDRH TEMOIGNAGES Quel avenir pour l’université d’entreprise ? 8 Table ronde avec Jacques Collin - fondateur de la Capgemini University, Dominique Pépin - directeur de la formation du groupe Saint-Gobain, Laurent Choain - directeur des ressources humaines de Mazars, Philippe Mondon - sous-directeur de la prospective et des études générales à la DRH du Ministère de la Défense. L’après-université d’entreprise 10 Interview d’Anne-Juliette Hermant, directrice Corporate Learning at Axa L’université au service de l’innovation 11 Interview d’Alain Oumeddour, directeur de Thalès Université L’apprenant au cœur des dispositifs de formation 13 Interview de Chantal Sartorio, directrice de l’innovation à l’AFPA Replacer l’apprentissage au cœur des organisations 14 Interview de Pierre Giorgini, président-recteur de l’Université Catholique de Lille L’Open Education : la révolution copernicienne des universités 16 Interview de Sophie Touzé, porteur du projet européen d’Open Education OCW Europe QUIZZ Testez la structure d’apprentissage de votre entreprise ! 18 IDRH Vie Offre IDRH : Rénover son apprentissage 20 Présentation IDRH : Approche & Domaines d’intervention 21 IDRH en bref 22 Publications 23
Regards cr isés ...et l’université d’entreprise entra dans l’ère de l’innovation ! édito « L’université d’entreprise est morte, vive l’université d’entreprise ! » Université d’entreprise… Inspirés du mythe fondateur de la Welch University de General Electric et du modèle de l’enseignement supérieur, vous avez choisi ce nom pour identifier le bateau-amiral de votre système formation. Vous le chargiez alors de trois missions : l’apprentissage, la recherche et l’innovation, le creuset social. Chacune de ces trois ambitions met aujourd’hui votre université face à d’immenses défis au cœur des mutations de notre temps et questionne jusqu’à la pertinence même de son existence. Le défi de l’apprentissage d’abord. Dans un monde où l’apprentissage informel et la course aux diplômes qualifiants constituent les chemins les plus empruntés vers le savoir, quel rôle donner à une université d’entreprise ? Dans un monde où le savoir est partagé, accessible partout et tout le temps, la « corporatisation » de sa transmission, l’enfermement des expertises, n’est-il pas un combat d’arrière-garde ? Comment une université d’entreprise peut-elle être ouverte sur l’extérieur ? Le défi de l’innovation ensuite. Votre université est-elle un vecteur d’innovation ? Organise-t-elle les rencontres improbables, entre les métiers, les niveaux hiérarchiques, les individus et les nations ? Offre-t-elle des lieux et des temps de création, d’intelligence collective ? Favorise-t-elle l’impertinence de la pensée, l’audace de l’imagination ? Le défi du creuset social enfin. Votre université est-elle un « gentlemen’s club » ou une université populaire ? Renforce-t-elle les clivages hiérarchiques et sociaux ou est- elle un lieu de mélange ? Est-elle une agence de communication interne diffusant des valeurs artificielles ou cherche-t-elle à créer et renouveler une culture commune par les frictions, les altérations, les proximités inhabituelles ? Dans ce domaine, il nous faudra donc, consultants et dirigeants, oser penser plutôt que reproduire. Ce numéro de Regards Croisés se fixe pour ambition d’aiguillonner ce passionnant travail. Il propose un état des lieux de l’action de l’université d’entreprise, ses limites, ses enjeux, et métisse les visions d’experts de l’apprentissage d’horizons divers sur les perspectives d’évolution de son action pour demain. Alors l’université d’entreprise est morte, vive l’université d’entreprise ! Jean-Luc Placet Crédits Directeur de la publication Frédéric Petitbon Conception et réalisation Pierre Baudry et Matthieu Briand Coordination Géraldine Fizet et Caroline Guimier Graphisme David Ly
RéFLEXIONS Pourquoi faut-il réinventer l’université d’entreprise ? Mille formes, mille ambitions, mille positionnements... L’université d’entreprise n’est pas une réalité simple. Le fleurissement récent du label ne doit pas cacher les tensions importantes qui la traversent, les contradictions fréquentes qu’elle doit résoudre et la fragilité de son positionnement. Pierre Baudry, IDRH L’université d’entreprise, Enfin, nos universités d’entre- Mobiliser les managers : com- une institution aux mille prise laissent percevoir la trace du ment mobiliser des troupes missions… modèle de l’enseignement supé- moins fidèles, plus suspicieuses, rieur à la française : mélange de plus fatiguées ? L’université d’entreprise est plu- creuset social et d’outil au service rielle d’abord par son héritage. Il d’une logique de l’honneur qui Accompagner les parcours : est complexe, maillé, hybride. La sépare ostensiblement les bons comment soutenir la promesse genèse est américaine et provient des moins bons. employeur de mobilité verticale ? du John F. Welch Leadership Cen- Comment fabriquer des patrons ? ter de Crotonville. Première uni- De tout cela, l’université d’en- versité d’entreprise inventée en treprise à la française porte les Développer les compétences : 1956 par John Welch, elle était traces. Cet héritage complexe comment, au milieu de toutes alors un outil d’invention straté- rend sa forme difficile à cerner, ces injonctions, continuer à déve- gique, de mobilisation managé- en fait un objet à perpétuelle- lopper des compétences, pour riale autour des grands enjeux de ment façonner au gré des forces rendre les collaborateurs plus General Electric. L’apprentissage du temps. L’université est ainsi agiles, plus performants, plus et le développement de compé- exposée aux mille questions que employables ? tences étaient alors des effets se posent les organisations sur induits du projet. leurs hommes. … à la recherche perpétu- elle d’ancrages Ce mythe des origines, souvent Partager la stratégie : comment invoqué par les patrons d’univer- impliquer les managers dirigeants Pour répondre aux multiples ap- sité à l’heure actuelle, se mêle à dans un processus de conception pels des organisations qu’elles l’utopie française de l’éducation stratégique plus court, plus chan- servent, les universités n’ont de permanente. Celle qui réunit dans geant, moins prophétique ? Faut- cesse de chercher des ancrages. les années 1960, patrons, Eglise, il les associer ou les aligner ? L’ancrage RH : positionne l’uni- versité au service des politiques « L’université est exposée aux milles questions de mobilité. On retrouve cette typologie d’uni- que se posent les organisations sur les hommes » versité au sein d’entreprises sou- cieuses de donner de la lisibilité syndicalistes autour d’un mo- Développer la cohésion du aux parcours, affichant une pro- dèle républicain de formation de groupe : comment conserver messe d’ascension prononcée au l’homme. Quelles que soient ses la cohésion d’un corps social sein de leur contrat employeur. origines sociales, géographiques large, aux frontières meubles, ou professionnelles, un homme en recomposition permanente ? Cet ancrage offre une source doit avoir accès à l’apprentissage Comment créer des cultures d’activité stable à l’université qui tout au long de sa vie. Il doit pou- nouvelles au service du vivre adresse son offre à l’ensemble voir se réinventer. ensemble ? des managers et trace un chemin 4
d’évolution logique entre l’enca- dispersées en termes de métiers L’ancrage culturel : positionne drement de proximité et la direc- et d’implantation géographique. l’université comme une entité tion générale. autonome qui se donne pour L’ancrage métier : positionne mission de préserver et de trans- L’ancrage stratégique : positionne l’université en proximité des mé- mettre une culture, voire même l’université en tant qu’acteur tiers. Elle sert alors les besoins en d’en faire émerger une nouvelle. d’influence auprès d’une popu- compétences opérationnelles. Se Cela passe par le partage de pra- lation de cadres hauts potentiels, côtoient en son sein managers de tiques, de repères, de regards sur directeurs de business unit et premier niveau et collaborateurs le monde. La plupart des entre- cadres supérieurs. Tentation opérationnels. prises poursuivant ce modèle perpétuelle, cet ancrage dépend d’université se trouvent en situa- pourtant du bon vouloir de la Ce modèle, adopté notamment tion de création et de refondation direction générale qui voudra ou par de grandes entreprises pu- d’une identité managériale. Le non utiliser l’université comme un bliques, d’abord centré sur la for- développement de compétences bras armé. mation, a élargi son action pour n’est pas ici poursuivi. porter de véritables transforma- Quand elle le souhaite alors, tions en agissant sur les gestes On préfèrera des actions à plus l’université devient un outil de métier. En faisant évoluer une faibles contenus, qui laisseront la transmission de la stratégie aux relation client, le pilotage d’une place à l’expérience collective, au cadres dirigeants. Elle est parfois ligne de conditionnement, la décalage, à la rencontre. un lieu de conception collabora- façon de maintenir une machine tive de la stratégie, reprenant le ou d’organiser un chantier, les Si une ambition culturelle est pré- modèle originel de General Elec- changements sont menés dans sente en filigrane de l’action de la tric. l’action. plupart des universités, certaines l’affichent plus ouvertement, font Ces universités évoluent géné- Cette approche permet bien sou- des programmes et des parcours ralement au sein de groupes de vent de contenir les polémiques et ciblés sur le sujet, allant jusqu’à grande taille aux business units les réticences. déserter les missions formation. n 5
RéFLEXIONS La production de savoir, la nouvelle frontière de l’université d’entreprise Les universités d’entreprise sont souvent bien loin des dynamiques d’innovation. Et pourtant, tout, à l’ère de l’apprenance, plaide pour un rapprochement entre production et diffusion du savoir, entre apprentissage et innovation. Matthieu Briand et Pierre Baudry, IDRH La relation au savoir a changé, au tout autant qu’on y apprend et nouvelles modalités d’action gré d’une plus grande accessibilité, souvent dans le même geste. qu’elles proposent. Ses axes des contraintes économiques, des correspondent aux trois ancrages nouveaux modes de cognition, Les universités d’entreprise, pour les plus porteurs d’innovation : d’évolution sociologique et de la ne pas mourir, doivent inventer stratégique, métier et culturel. représentation de l’autorité. des modes d’action mélangeant apprentissage et innovation. Cette cartographie évolutive n’est Sur un Wiki ou sur Youtube, on pas exhaustive et a vocation à être distingue bien mal l’apprenant Le schéma ci-dessous présente enrichie au gré de l’apparition de de l’enseignant, on y invente une vision panoramique de nouveaux modes d’apprentissage . Ces nouveaux modes d’action sont autant de frontières auxquelles l’université d’entreprise devra se confronter si elle veut conserver sa place de learning partner au service des organisations et de leurs enjeux d’agilité et d’innovation. 6
directement dispensée en cascade par l’ensemble Les “learning expedition” inter- de la ligne managériale, depuis les directeurs entreprises : « we are what we share » commerciaux de pays jusqu’aux vendeurs terrain. Cette forme ouverte d’immersion professionnelle Le centre de co-design : rassemble les managers d’entreprises différentes. un protocole animé d’intelligence collective Au-delà de l’objectif initial poursuivi par la learning expedition dans sa forme classique Le centre de co-design est un lieu physique (développer la motivation et la cohésion des ouvert au reste de l’organisation dans lequel des équipes managériales, faciliter la conduite acteurs divers inventent ensemble un nouveau du changement dans l’entreprise), la learning produit, un nouveau service, un nouveau mode expedition inter-entreprises permet de générer des de fonctionnement… Dans cet espace offrant échanges entre managers d’horizons divers sur des une technologie au service de la co-élaboration, problématiques communes (exemple : la relation l’apprentissage se fait en marchant au gré des client, la sécurité…) confrontations à l’autre et à ses idées. Des entreprises de haute technologie trouvent leurs L’atelier “deep dive” : sources d’invention dans l’interdisciplinarité et adoptent ces modes de travail pour innover. un plongeon dans l’opérationnel L’atelier « deep dive » ou « best practice self tailored Le réseau apprenant : workshop » poursuit également une dynamique la confrontation des visions au service de d’ouverture et de partage. Sur la base d’une ou l’apprentissage individuel et collectif plusieurs thématiques sélectionnées (exemple : le supply chain management, l’innovation…), Les réseaux apprenants sont des espaces les dirigeants d’une filiale ou d’une business d’apprentissage autonomes qui reposent sur unit proposent à d’autres dirigeants du même des principes d’échange et d’expérimentation groupe une immersion au cœur des processus et collective. Des groupes de travail sont des pratiques métiers de son champs d’activité, régulièrement organisés. Ils sont composés en lien avec la ou les thématique(s) abordée(s). d’individus hiérarchiquement mixtes, qui partagent Une grande entreprise de distribution anime et construisent collectivement des plans d’actions ses dirigeants de business units en continu par liés à la résolution de problématiques données, à la ce processus : chacun organise tour à tour son mise en œuvre de changements, à l’identification roadshow sur un sujet particulier et invite les autres de leviers d’amélioration des pratiques… dirigeants du groupe à y participer. De grandes entreprises publiques ont su stimuler l’autonomie de leurs managers opérationnels en organisant des réseaux apprenants ciblés autour Les programmes de formation déployés de problématiques telles que la relation client, les produits de demain etc. par la ligne hiérarchique : une approche dynamisante et économique Le projet apprenant : Des managers de proximité volontaires déploient le temps de l’action intégré à celui du développement eux-mêmes auprès des équipes les programmes de formations métiers, après avoir été préalablement Il s’agit ici d’organiser un projet non plus seulement formés aux techniques pédagogiques et autour de l’impératif de réussite opérationnelle d’animation. mais également autour de la priorité de Ce format permet à la fois d’assurer un l’apprentissage individuel et collectif. Ainsi tout apprentissage dynamique porteur de sens, au long du projet, des temps de prise de recul, générant de nouveaux liens entre collaborateurs d’apprentissage, de retours d’expériences sont et managers et d’investir, pour les managers qui le organisés. Formés aux techniques d’intelligence souhaitent, un nouveau rôle de formateur interne. collective, les acteurs du projet vivent ces Ce système génère des économies sur les coûts moments comme des expériences embarquées de déploiement des programmes de formation d’apprentissage. Des règles d’organisation concernés. Une grande entreprise agro-alimentaire soutiennent cette dynamique de développement : a ainsi déployé une stratégie merchandising dans pilotage des chantiers par des non-experts, co- des pays en développement, via une formation design, prototypage, etc. n 7
TEMOIGNAGES Quel avenir pour l’université d’entreprise ? Les universités d’entreprise ont 30 ans d’existence. Quel pourrait être leur avenir dans le contexte actuel de désinstitutionalisation de l’apprentissage ? Table ronde avec J. Collin, D. Pépin, L. Choain et P. Mondon Retranscription : Matthieu Briand, IDRH Quatre experts de l’apprentissage se sont réunis le 20 avril 2012 dans le cadre d’une table-ronde organisée par IDRH : L’université d’entreprise est un lieu de construction, d’ex- Extrait des riches échanges entre : pression et d’apprentissage Jacques Collin - fondateur de la Capgemini University, pour l’esprit collectif. Elle Dominique Pépin - directeur de la formation du groupe Saint- fonde sa raison d’être sur les Gobain, Laurent Choain - DRH de Mazars, deux objectifs majeurs qu’elle Philippe Mondon - sous-directeur de la prospective et des poursuit. études générales à la DRH du Ministère de la Défense. Contribuer à la création d’un creuset culturel pour l’entreprise. A ce titre, P. Mondon évoque le gemini et un levier de construc- Développer des communautés défi identitaire majeur qui tion de l’entreprise de demain ». ciblées d’individus par des pro- se pose au Ministère de la grammes construits en lien avec Défense dans son contexte L. Choain fait référence à l’Agora les priorités de l’entreprise. actuel de réorganisation. grecque pour qualifier ce « forum » Chez Saint-Gobain, comme l’in- « Le Centre de Formation de la que représente l’université d’en- dique D. Pépin, « notre structure Défense1 et le Centre de Forma- treprise. Cette « maison neutre » de formation centrale prépare les tion au Management de la Dé- du groupe au sein de laquelle les futurs dirigeants et participe au fense2 sont des lieux physiques individus se retrouvent et s’expri- développement de l’ensemble des professionnels du groupe grâce « L’université d’entreprise sert à developper à des parcours de formation propres à chaque filière profes- une communauté et une culture adaptée sionnelle - finance, achats, mar- keting, RH, etc. » au besoin de l’entreprise » J. Collin commente : « l’univer- porteurs de sens, ouverts sur ment permet à la fois de « conser- sité d’entreprise vise à connecter la société, qui visent à créer un ver et de transmettre l’histoire du les individus les uns aux autres au creuset culturel commun liant les groupe tout en développant l’in- sein de territoires d’expression et cultures des Armées, du person- telligence collective ». de partage pour progresser et in- nel civil et de la Délégation Géné- nover en cohérence avec les orien- rale pour l’Armement ». Quant à Saint-Gobain, « l’Ecole tations de l’organisation ». du Management qui accompagne Par ailleurs, J. Collin qualifie la les cadres aux principales étapes de L’université d’entreprise sert ainsi Capgemini University, incarnée leur parcours professionnel joue à développer une communauté et par le site emblématique du châ- un rôle clé dans une organisation une culture adaptées aux besoins teau Les Fontaines, comme « un décentralisée comme la nôtre : de l’entreprise. Simple lieu de lieu fédérateur constituant à la c’est le véritable creuset de la mobilisation et de formation col- fois un point d’incarnation de culture du groupe ». lective ? Certainement pas ! Les l’identité et de la culture de Cap- moyens par lesquels l’université 1 Le CFD est implanté à Bourges. Héritier du centre de formation de la DGA, cette structure vise à diffuser une culture technique auprès des différentes populations du Ministère de la Défense 8 2 Le CFMD vise à développer chez les civils comme chez les militaires des compétences managériales dans leurs tâches civiles
organise son action sont variés. Elle peut devenir un centre de formation, un lieu de détection des talents, un espace de cristal- lisation des connaissances et des pratiques métier, un laboratoire d’innovation… Ou tout à la fois ! Tout dépend de la nature de l’organisation qu’elle sert, de son positionnement en son sein, du moment historique au cours duquel elle est créée, de la vision de son fondateur, de l’actualité socioéconomique ou encore des priorités données par la direction de l’organisation. Quelle que soit la forme qu’elle revêt ou les fonctions qu’elle remplit, l’univer- sité doit suivre 4 principes : Rester ancrée dans le métier de l’organisation qu’elle sert ou, pour reprendre l’expression de D. Pépin, « ne pas devenir un machin propriation à destination des Les dispositifs de formation du intellectuel déconnecté de la réa- 5 500 managers du groupe avait Ministère de la Défense restent lité de l’entreprise ». pour but de nourrir une réflexion très connectés notamment aux collective sur la responsabilité évolutions technologiques. A titre d’exemple, l’Ecole du managériale. L’objectif consis- Management de Saint-Gobain tait à mettre à contribution les « Avec 30 000 recrutements renouvelle son action en fonction managers pour les valoriser, les chaque année, on trouve de nou- de l’évolution des problématiques reconnaître, les faire se rencon- velles manières d’aborder la nou- opérationnelles du groupe : trer et créer un effet réseau. Cette velle génération : des modules e- « nous travaillons sur l’évolution dynamique d’apprentissage col- learning couplés au tutorat, des de nos métiers, en veillant à faire lectif a permis de réduire la dis- serious game comme le Gambit le lien pour tout contenu acadé- tance entre les dirigeants et les pour travailler la gestion de crise mique avec notre expérience et managers. A son issue, un réseau dans l’univers maritime ». nos pratiques, par le biais d’in- web d’appui a été constitué pour terventions de professionnels du échanger des bonnes pratiques et Légitimer son positionnement au groupe ou d’études de cas réels des communautés ont commen- sein des organisations. Saint-Gobain ». cé à exister ». Comme l’affirme J. Collin, « la rentabilité immédiate de l’uni- Offrir des espaces d’expression L’apprentissage ne pouvant s’ef- versité d’entreprise n’existe pas. libres créant les dispositions de fectuer sans confiance, Saint- De toutes les structures, l’univer- confiance nécessaires à l’appren- Gobain veille à « ne pas fausser sité est celle où l’homme en tant tissage collectif. le climat de confiance que vise que mesure de performance est la L. Choain illustre cette néces- à instaurer l’université dans ses plus prononcée ». sité par un exemple prégnant : programmes par un enjeu trop « à la Caisse d’Epargne en 2008, présent de détection des talents ». Il souligne par ailleurs l’impor- le programme 100% managers tance du levier que constitue la consacrait l’ensemble des cré- Cultiver des liens d’ouverture vers gestion des talents pour posi- dits de formation des managers; le monde extérieur pour rester à tionner l’organe de l’univer- ce séminaire de partage et d’ap- l’affût des évolutions. sité d’entreprise au sein de la 9
gouvernance d’un groupe : autour de la connaissance et la velles communautés de leaders » « la légitimité et la crédibilité compréhension des besoins des comme l’évoque L. Choain. de l’université ont notamment métiers, notamment pour mieux trouvé leur fondement à travers créer l’articulation entre appren- Développer sa fonction d’intégra- la construction d’un programme tissage et innovation. Les uni- tion sociale. de développement des 80 hauts versités doivent « préparer les L’université devra jouer demain potentiels du groupe. Les conclu- métiers et savoir-faire du futur, un rôle d’ascenseur social fort. Si sions de ce dispositif, alors très créer les conditions et donner les la pratique consistant à mixer des orienté sur les problématiques moyens nécessaires aux individus populations aux origines, métiers opérationnelles, avaient été pré- pour innover », précise J. Collin. et niveaux hiérarchiques diffé- sentées au TOP 500 de Capge- Elles doivent également consti- rents au sein d’un espace neutre mini ». tuer un relai d’ouverture et de de rencontre et d’expression est courante, représenter l’intégralité des populations qui composent « L’université d’entreprise doit axer l’entreprise, en proposant à cha- cun les moyens de concrétiser ses programmes autours des besoins et d’accompagner ses projets est plus rare. Dans cette logique des métiers pour mieux articuler apprentissage d’intégration sociale, l’univer- et innovation... tout en constituant un relais sité Mazars est le lieu de fertili- sation d’une gestion mondiale d’ouverture et de veille sur l’extérieur. » des talents, visant à « détecter les capacités managériales et de leadership chez de jeunes talents Enfin, D. Pépin évoque la néces- veille sur le monde extérieur, en aux profils et cultures différentes, saire implication de la direc- articulation permanente avec les dans une approche internatio- tion générale dans l’action de parties prenantes de l’entreprise, nale ». l’université. Chez Saint-Gobain, centres de recherche universi- l’ensemble de la direction géné- taires, entreprises concurrentes Les principes mécanistes clas- rale intervient dans les stages de du secteur etc., « en capacité de siques des organisations ne l’Ecole du Management, le Prési- capter l’innovation qui se déve- peuvent aujourd’hui apporter dent Directeur Général y dédiant loppe à l’extérieur de l’entreprise » les réponses aux probléma- une dizaine de jours par an. comme l’explique D. Pépin. tiques actuelles d’absorption de nombreux changements, Fonder une université consti- Adapter son action aux besoins d’internationalisation, de tue, selon L. Choain, « une des nouvelles générations. création de sens auprès des démarche transgressive et L’université doit évoluer dans équipes… courageuse qui permet d’ou- ses pratiques mêmes, comme vrir de nouveaux horizons l’indique P. Mondon, pour cor- Le levier qui permettra aux ». L’université peut être un respondre au mieux aux attentes organisations de relever ces réel vecteur de construction de nouveaux publics : « elle doit défis réside dans leur capacité de l’entreprise de demain, à développer de nouvelles formes à innover et à se remettre en condition qu’elle réponde à d’apprentissage (supports, ap- question. certains enjeux : proches pédagogiques…) et faire Devenir un espace ambitieux de évoluer le rôle du formateur en L’université a un rôle impor- R&D en lien direct avec les prio- conséquence ». Pour aborder ces tant à jouer en ce sens, en rités stratégiques de l’entreprise. nouvelles générations, l’univer- connectant les individus entre « La vocation de l’université, sité nécessite de « capitaliser les eux, les mettant en situation c’est le savoir. Elle doit deve- savoirs et savoir-faire d’hier et de se fédérer pour concevoir nir un lieu organisé de concep- d’aujourd’hui pour transmettre ensemble de nouvelles façons tion multidisciplinaire, qui un apprentissage de la culture de faire. n s’appuie sur une histoire » de l’entreprise, de son histoire affirme L. Choain. et de l’approche de son métier » Les universités doivent autant que selon D. Pépin, et de « détecter possible axer leurs programmes les talents pour créer de nou- 10
TEMOIGNAGES L’après-université d’entreprise Interview d’Anne-Juliette Hermant, Directrice Corporate Learning at Axa Retranscription : Pierre Baudry, IDRH Le learning en entreprise, demain, We are what we share… mune, « One Company, one c’est quoi ? learning »; Oui, ou du moins on se distingue organiser le design des pro- Le learning sera moins institu- par le savoir que l’on partage et grammes; tionnel, plus ouvert. L’horizon, non plus par celui que l’on pos- piloter l’activité formation. c’est clairement des apprenants sède. On voit naître une sorte de qui construisent leur contenu, mutual accountability in develop- Concrètement, qu’est-ce que leur parcours. C’est plus d’open ment, une responsabilité parta- cela a changé dans votre action ? source et moins de contrôle. gée de la formation. D’abord nous avons élargi notre Un membre de l’Executive Com- Responsabilité mutuelle, open périmètre à l’ensemble des colla- mittee nous a demandé de conce- source, co-développement, les borateurs du groupe. Parallèle- voir une learning expedition pour universités d’entreprise ont-elles ment à ce mouvement de conver- aider ses équipes à penser le digi- encore leur place dans cette nou- gence, nous avons mis en place tal shift. Nous avons envisagé de velle donne éducative ? des processus de co-design pour faire ce voyage à plusieurs entre- les grands programmes avec les prises. Plus ouvert donc. Le savoir Nous nous sommes posés la différentes entités du groupe. ne pourra plus être approprié, question. Nous sentions bien Notre parcours de management institutionnalisé. que le modèle historique de la général, composé de 14 modules, corporate university très isolée, a été entièrement conçu en co-de- Deuxième indice, nous sentons proposant des formations haut sign avec une dizaine de pays. de plus en plus d’appétit pour le co-développement, pour la formation par les pairs. Dans de « Les forteresses d’expertise sont en train de tomber » nombreux programmes métiers, on retrouve ce goût pour l’autre, de gamme, organisant la sépa- Nous avons également ouvert cette envie d’être confronté à ration des territoires métiers, des des chantiers de réflexion sur des d’autres métiers, d’autres exper- niveaux hiérarchiques, avait vécu. sujets tels que l’évaluation de tises, de se mélanger. Ce modèle-là ne pouvait plus pré- la formation. Nous mobilisons tendre à être un agent de trans- dans ces chantiers l’intelligence Les forteresses d’expertise sont formation. Alors, il y a un an de tous les acteurs de la fonction. en train de tomber, du moins, les nous avons commencé à penser Nous gardons également un rôle experts sentent bien qu’ils font l’après-université d’entreprise. dans la conception de quelques partie d’un système et qu’ils ont Nous avons ouvert la page du grands programmes pour diri- besoin de connecter leurs forte- Learning à Axa, accompagnant le geants ou population-clef. L’idée resses à d’autres forteresses. On mouvement de convergence qui est que nous sommes les mieux sent même poindre à l’ombre de traversait l’ensemble du groupe. placés pour mettre la transversa- ces programmes de type co-déve- lité voulue dans ces programmes. loppement la fierté de partager Notre mission, en tant qu’entité Nous sommes des animateurs son savoir chez les managers, learning groupe, est triple : d’un processus qui nous dépasse, voire chez les dirigeants. impulser une politique com- celui de l’apprentissage. n 11
TEMOIGNAGES L’université au service de l’innovation Interview d’Alain Oumeddour, Directeur de Thalès Université Retranscription : Matthieu Briand, IDRH (propos recueillis en juin 2012) Fondée au début des années 1980 autour du slogan « Thomson enseigne à Thomson », Thalès Université est avant tout un lieu de capitalisation des savoirs. Adaptant au fil de son histoire son rôle en fonction des évolutions de l’organisation (internationalisation, acquisition de nouvelles sociétés, évolution des métiers…), Quelles sont les orientations ac- les priorités de cette université de référence « collent » tuelles de l’action de Thalès Uni- versité ? aujourd’hui aux grands enjeux du groupe. L’université contribue à améliorer les pratiques des métiers, jusqu’à propices à l’émergence de l’inno- Sa mise en œuvre est encore rare l’excellence visée par le groupe. vation. Certaines entreprises web dans les industries. Elle se base Thalès Université est une univer- sont précurseurs en la matière : sur une équipe pluridisciplinaire sité des savoirs intellectuels et proposer un appel à l’innovation (sociologues, managers, ingé- techniques plus qu’une université bénévole, jusqu’en dehors de nieurs, RH, philosophes…) sui- des comportements. La plupart l’enceinte de l’entreprise, offrir vant une logique d’itérations per- des demandes qui lui sont formu- des modalités de travail en réseau manentes, de rounds d’essais et lées portent aujourd’hui sur des permanent, octroyer aux salariés d’erreurs, et reste centrée sur la savoirs et savoir-faire techniques une partie de leur temps de tra- compréhension des besoins des et ciblés. Elle contribue égale- vail à la réalisation d’un projet utilisateurs. Cette méthode per- ment à découvrir de nouvelles personnel, mettre en place un met à la fois de produire des solu- aires de croissance au service du « day dreaming » chaque année… tions innovantes et de tester des développement du groupe. Par Ce type de facteurs permet à la modes de fonctionnement nou- exemple, notre structure s’engage fois de dégager du temps dédié veaux pour les participants. Elle désormais dans les champs tech- à la création et de reconnaître les ne s’expérimente pas sans l’exper- nologiques qu’elle n’investissait acteurs créatifs. tise d’une équipe de spécialistes pas jusqu’à présent. appliquant les bons savoir-faire à Quelles modalités développe chaque étape du processus selon Thalès Université pour favoriser Autre exemple : le service client. l’innovation du groupe ? des techniques de créativité et des Notre université n’a pas voca- moyens logistiques adaptés. tion à former des débutants sur Des ingénieurs du groupe ont le sujet, mais propose aux ac- observé, au sein de firmes tech- La refonte du business model de teurs du service d’autres types nologiques innovantes implan- Procter & Gamble ou la création de collaboration permettant de tées dans la Silicone Valley, des du modèle de distribution musi- « pousser » l’innovation et re- pratiques créatives (jeux divers, cale d’Apple ont par exemple suivi penser par exemple le processus travaux combinés avec des comé- cette approche. Depuis deux ans, métier, la chaîne de valeur de diens et sociologues, construc- nous rencontrons des experts en bout en bout du processus (de tions de maquettes…) directe- Californie pour nous informer la conception du service à sa ment liées à l’innovation, fondées de l’état de l’art des pratiques de « livraison »). sur le concept du design thinking. design thinking. Nous avons dé- Le design thinking est une métho- veloppé cette approche dans un Votre université participe à dologie de compréhension et de design center au sein de Thalès l’émergence de l’innovation du groupe. Quelles sont, selon vous, résolution pratique et créative Université, à Jouy-en-Josas. Nous les conditions de l’innovation en de problématiques. L’approche proposons cette démarche aux entreprise ? permet d’explorer simultanément entités du groupe. Une dizaine de De la créativité, du temps et de la les paramètres d’un problème et missions ont déjà été expérimen- reconnaissance… Mais pas seule- ses résolutions, et mêle l’amont tées au sein du groupe depuis ment, les entreprises doivent créer à l’aval du processus de création, mars. n les facteurs environnementaux la conception au développement. 12
TEMOIGNAGES L’apprenant au cœur des dispositifs de formation Interview de Chantal Sartorio, Directrice de l’innovation à l’AFPA Retranscription : Pierre Baudry, IDRH L’Association pour la Formation Professionnelle des Adultes a été créée en 1949 pour fournir à de nombreux adultes un premier niveau d’enseignement dans le secteur du bâtiment dans le but de répondre aux urgentes nécessités de reconstruction d’après- Qu’est-ce qui a changé en 60 ans guerre. dans les approches de l’AFPA ? Structure historique majeure de l’apprentissage en France, l’AFPA est à l’origine d’un grand nombre d’innovations pédagogiques : Notre méthode de conception n’a l’approche modulaire, l’approche par le geste métier, la centralité pas réellement changé. Tous nos de l’apprenant dans le processus éducatif, etc. travaux partent d’une analyse du travail, d’observations fines qui permettent d’identifier les carac- chons à le développer dans nos place dans cette communauté. téristiques essentielles du travail, formations. Le candidat peut par Ces communautés sont selon le prescrit et le réel, les compé- exemple inclure des vidéos qui le nous des lieux d’apprentissage in- tences, les activités. A partir de présente en situation de travail. formels très performants pour la ces observations, nous bâtissons Toutes ces innovations mettent suite de leur vie professionnelle. les référentiels de compétences. l’apprenant au cœur du disposi- Nous avons aussi conscience Nous identifions des situations tif, le responsabilise, lui offre de la que c’est un changement impor- professionnelles pertinentes pour « liberté pour apprendre ». tant pour le formateur. Sa place l’apprentissage. Nous nous inter- change, il devient tuteur, accom- rogeons par exemple sur les acti- De mon point de vue, elles pagnateur. Il doit également gui- vités qui ne seraient pas confiées concourent à l’accomplissement der l’apprenant dans l’utilisation à un débutant, cela nous permet de la vocation historique de de ces nouveaux outils et être de repérer les situations-clefs. l’AFPA, la formation accélérée capable de faire varier le scéna- Une fois ces situations d’appren- des adultes. rio pédagogique en fonction de tissage identifiées nous conce- l’apprenant, pour y intégrer ces vons le parcours pédagogique. L’apprenant s’approprie-t-il cette nouvelles modalités. nouvelle place ? C’est sans doute là que se situent les principales innovations. Oui, pour la plupart. Nous avons Les référentiels de compé- tences métiers, une des exper- par exemple testé le e-portfolio tises de l’AFPA, ont-il un ave- Quelles sont ces innovations ? auprès de techniciens spéciali- nir dans un contexte où les La grande diversification des mo- sés en matériel respiratoire. En entreprises recherchent une plus grande polyvalence ? dalités d’apprentissage. L’arrivée grande majorité, ils se sont em- du numérique est une innova- parés de l’outil. Certains y ont vu Oui, je le crois. Il est important tion majeure. Nous avons conçu un intérêt au-delà du dossier de pour chacun de se confronter des simulateurs de soudage, preuve, c’est un CV vivant, évolu- à un référentiel métier, de s’en nous utilisons des simulateurs tif, facilement partageable. approprier les compétences et de conduite d’engins de travaux d’évaluer le niveau requis pour publics, des serious games sur la Notre approche consiste à consi- l’exercer. C’est une prise de recul sécurité et des Learning Games dérer le stagiaire dès son arrivée, nécessaire pour aborder d’autres dans le cadre du secrétariat. Suite comme un professionnel, certe champs de compétences. Je ne à une expérimentation sur le e- en apprentissage, mais qui fait crois pas que le fait de se former portfolio dans le cadre de la vali- parti d’une communauté de pro- à un métier soit un obstacle à la dation des acquis de l’expérience, fessionnels. Nous les incitons à polyvalence, bien au contraire, qui offre un formidable outil au communiquer entre eux, avec les car nous pourrons transférer des candidat pour constituer son jurys, les formateurs, des experts compétences acquises dans ce dossier de preuves, nous cher- extérieurs, à prendre toute leur contexte, vers d’autres. n 13
TEMOIGNAGES Replacer l’apprentissage au cœur des organisations Interview de Pierre Giorgini, Président-Recteur de l’université catholique de Lille Retranscription : Pierre Baudry, IDRH Existe-t-il de nouveaux modes Après avoir enseigné à l’Institut National des Télécommunications d’apprentissage ? et créé l’école nouvelle des ingénieurs en communication, Pierre Giorgini s’oriente vers le monde de l’entreprise chez France Il existe de nouveaux modes Télécom, en qualité de directeur du développement des de fonctionnement qu’il faut compétences ou chez Orange en tant que Directeur délégué prendre en compte dans l’appren- d’Orange Innovation, en charge du Management, des RH et de tissage. Nous vivons au beau mi- la gestion… lieu de ce que le sociologue Alain Cet expert des sciences humaines rejoint l’équipe dirigeante de de Vulpian appelle la crise des l’Université Catholique de Lille en 2007. Il est nommé président- « parentés formelles », des sys- recteur de l’Université Catholique de Lille en juillet dernier. tèmes institués. On sait aujourd’hui qu’un jeune confronté à un problème va d’abord chercher la réponse sur combinaison et intériorisation). d’intériorisation est alors cruciale Google ou parmi ses followers D’abord, la socialisation, l’ap- pour conduire de vrais change- sur Tweeter et non plus prioritai- prentissage se fait dans la relation ments. rement auprès de ses parents ou avec d’autres, dans l’échange de de son professeur. pratiques, dans la confrontation Ce processus nous rappelle deux d’expériences. Nos entreprises or- choses clefs pour l’apprentissage : Face à un problème, les nouvelles ganisent-elles ces relations appre- la formation ne peut pas être générations cherchent à nouer nantes ? Dans une organisation désincarnée du réel ; créer et dif- des alliances, à se mettre en rela- qui empêche ces rencontres, le fuser du savoir ne repose pas uni- tion pour trouver collectivement déploiement d’un programme de quement sur l’individu. des solutions. Le recours à une formation ad hoc sur le manage- expertise ou à un mentor n’est ment, la conduite de changement C’est une action collective qui re- plus la norme. Cette nouvelle ou l’innovation ne changera rien, lève de l’organisation. J’ai vu trop donne interroge les politiques et voire créera des paradoxes dif- les systèmes formation de nos entreprises. « L’apprentissage est une action collective Alors comment renouveler les ap- proches formation ? qui relève de l’organisation » Mon modèle depuis de nom- breuses années, c’est Nonaka. ficiles à gérer. C’est cette socia- d’entreprises dans lesquelles on Les différentes phases du modèle lisation qui permettra à terme se contentait de dire aux mana- qui décrivent la production de sa- l’appropriation des savoirs et des gers qu’il fallait qu’ils soient meil- voir me paraissent extrêmement compétences par les collabora- leurs. On leur proposait des pro- importantes pour comprendre teurs. grammes de formation mais on ne ce que doit être un apprentissage touchait pas à l’organisation ou (socialisation, externalisation, Ce que Nonaka appelle la phase aux modes de faire des dirigeants. 14
Dans ce contexte, comment les universités d’entreprise peuvent- elle se positionner ? Le modèle du SECI de Nonaka et Takeuchi Elles doivent d’abord chercher à favoriser les alliances d’acteurs, les réseaux plus ou moins éphé- mères en les constituant comme des lieux de résolution de pro- Tacite Tacite blème, d’apprentissage et d’in- Explicite Explicite novation. Pour cela les univer- Tacite Socialisation Externalisation sités ont à leur disposition tous les outils de l’« apprenance » : la formation action, la learning Tacite Intériorisation Combinaison expedition, l’animation de ré- seaux apprenants, le co-dévelop- Explicite Explicite pement, etc. Elles peuvent aussi proposer des lieux de co-élaboration dans les- quels des collaborateurs de tous Ikujiro Nokana et Hisayuki Takeuchi ont conçu en métiers prennent en charge un 1988 le modèle de Socialisation-Externalisation- projet en expérimentant un pro- Combinaison-Intériorisation (SECI). tocole d’intelligence collective, Le modèle théorise le processus de création du sa- des centres de co-design labellisés voir par la transformation d’informations tacites en « université ». informations explicites. Cette méthode suit 4 modes de conversion de l’infor- Ce sont des lieux dans lesquels mation : production et diffusion du savoir se rejoignent. Elles peuvent aussi la socialisation est la phase de transmission diffuser des modes de fonction- de la connaissance par le partage d’expérience nement apprenants dans l’orga- (observation, imitation, pratique…) ; nisation grâce à des consultants internes : réseaux, relecture, co- l’externalisation permet d’expliciter la élaboration, etc. Les structures connaissance tacite par la conceptualisation de formation, à côté de leur offre et la structuration, facilitant ainsi sa transmis- catalogue, doivent se positionner sion ; en accompagnateur de processus apprenant, au cœur de l’organi- la combinaison correspond à la phase d’en- sation. richissement de la connaissance par l’échange C’est un positionnement en rup- de savoirs entre individus ; ture ? l’intériorisation est l’aboutissement du Oui, cela peut l’être. Il peut se processus de transformation d’informations confronter aux réticences des ex- tacites en informations explicites. La connais- perts, de ceux qui tirent leur légi- sance explicite est assimilée et s’intègre au ca- timité de la possession du savoir. pital de connaissances de l’apprenant. Mais je crois que cela ne durera pas. Ces modes de fonctionne- Ce modèle s’insère dans le cadre de la tendance plus ment apprenants répondent aux récente du knowledge management de la gestion des attentes des jeunes. Les entre- compétences de l’entreprise. prises qui adopteront ces modes de fonctionnement capteront les meilleurs. N’est-ce pas au- jourd’hui le principal défi ? n 15
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