Revue morphopathologique des myopathies équines - Respe
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
Manuscrit déposé le 23/07/2007 Ann. Méd. Vét., 2008, 152, 1-16 Formation continue - Article de synthèse Revue morphopathologique des myopathies équines Cassart D., Coignoul F., Desmecht D. Département de Morphologie et Pathologie, Secteur Pathologie, Faculté de Médecine vétérinaire, Université de Liège, Boulevard de Colonster, 20, bâtiment B43, 4000 Liège Correspondance : Dr. Dominique Cassart, Email : Dominique.Cassart@ulg.ac.be RESUME : Dans cette revue morphopathologique des myopathies du cheval, plus particulièrement de celles qui atteignent la musculature striée squelettique, l’accent est mis délibérément sur le fil conducteur histopathologique et, plus particulièrement, sur les éléments morphologiques qui per- mettent de classer les lésions observées dans un groupe d’entités connues. Le mot myopathie est, dans cet article, pris au sens le plus large, c’est-à-dire au sens étymologique du terme, signifiant toute affection du système musculaire. Sur base des lésions histologiques, on distingue quatre groupes d’affections musculaires ou myo- pathies : (i) celles qui se caractérisent par une modification de la taille des fibres musculaires, (ii) celles qui se caractérisent par une modification de l’aspect des fibres musculaires, (iii) celles qui se caractérisent par un infiltrat cellulaire de l’interstitium et (iv) celles sans expression morphologique typique avec soit absence de lésions, soit présence concomitante de plusieurs types de lésions sans qu’une lésion domine le tableau. Pour chaque entité décrite dans ces différentes classes, les conditions d’apparition, un tableau clinique succinct, le mécanisme et l’étiologie lorsqu’ils sont connus ainsi que les lésions macroscopiques sont également exposés. 1. Introduction ment, sur les éléments morphologiques Pour que la revue conserve un carac- qui permettent de classer les lésions tère pratique, des informations addi- L’identification de la cause d’une myo- observées dans un groupe d’entités tionnelles concernant le tableau cli- pathie est une vraie gageure dans tou- connues. Le mot myopathie est, dans nique et l’aspect macroscopique du tes les espèces en raison de la grande cet article, pris au sens le plus large, muscle sur le cadavre complètent les diversité des étiologies, des manifesta- c’est-à-dire au sens étymologique du descriptions. Certaines entités qui se tions cliniques et des lésions. Tant aux terme, signifiant toute affection du distinguent par des lésions relevant de yeux du clinicien qu’à ceux de l’ana- système musculaire. plusieurs catégories ont été, pour la tomo-pathologiste, le fil conducteur En se donnant un tel cadre de réflexion, clarté du texte, associées à une seule, qui mène au diagnostic causal d’une on distingue 4 groupes d’affections myopathie particulière, a fortiori celui tout en soulignant la mixité de l’image musculaires ou myopathies : (i) celles morphologique. qui conduit à la caractérisation d’une qui se caractérisent par une modifica- entité nouvelle, exige que soient iden- tion substantielle de la taille des fibres Dans un travail fondé sur la morpho- tifiées des balises sûres, permettant musculaires, (ii) celles qui se caracté- logie du muscle squelettique, il a été d’intégrer un cas individuel ou une risent par une modification évidente jugé nécessaire de présenter un rappel série cohérente d’observations succes- de l’aspect des fibres musculaires, de l’histologie normale du muscle et, sives à une entité particulière. Dans (iii) celles qui se caractérisent par un en raison du lien étroit qui existe, tout cette revue morphopathologique des infiltrat cellulaire de l’interstitium et particulièrement dans le muscle, entre myopathies du cheval, plus particuliè- (iv) celles sans expression morpho- structure et fonction, d’y associer un rement de celles qui atteignent la mus- logique typique avec soit absence de rappel fonctionnel. culature striée squelettique, l’accent lésions, soit présence concomitante de est mis délibérément sur le diagnostic plusieurs types de lésions sans qu’une histopathologique et, plus particulière- lésion domine le tableau. 1
2. Histophysiologie de cellules (fibres) de type I, (ii) les cel- 2.3. Régénération de la fibre la musculature striée lules à métabolisme intermédiaire II A musculaire et (iii) les cellules de type II B. Les 2.1. Histologie de la fibre fibres de type I sont des fibres lentes à Lors de dégénérescence de la fibre musculaire striée de type métabolisme oxydatif, riches en myo- musculaire striée, si la lésion est exclu- squelettique globine et en mitochondries et entou- sivement cellulaire avec conservation rées par de nombreux capillaires. Les de l’intégrité de la membrane basale, Les muscles striés squelettiques sont la régénération sera complète à partir fibres de type II B sont des fibres responsables des mouvements volon- des cellules satellites situées entre la rapides à métabolisme glycolytique, taires et du maintien de la posture. membrane plasmique et la lame basale pâles, pauvres en myoglobine, conte- L’élément fondamental qui les consti- externe. nant moins de mitochondries et des- tue est la cellule — ou fibre — mus- servies par moins de capillaires que Par contre, si la lésion entreprend les culaire squelettique, aussi appelée les fibres de type I de même taille (Van fibres et le tissu conjonctif et/ou si la myocyte. Il s’agit d’une cellule pluri- Vleet et Valentine, 2007). Les fibres lame basale a perdu son intégrité, une nucléée, allongée, dont les dimensions de type II A peuvent utiliser les deux cicatrisation par fibrose sera obser- peuvent aller jusqu’à 100 microns de processus pour la production d’éner- vée. diamètre et plusieurs centimètres de gie (MacEwen et Hulland, 1986). Bien longueur. Le sarcolemne enveloppe que tous les muscles soient constitués la cellule ; il est composé de la mem- 3. Les myopathies d’un mélange des différents types de brane plasmique, du glycocalyxe et de équines la lame basale. Les noyaux multiples fibres, les muscles respiratoires et de sont périphériques, situés dans le cyto- posture sont particulièrement riches en fibres de type I alors que les mus- 3.1. Les lésions musculaires plasme, appelé sarcoplasme, adossés à la face interne de la membrane plas- cles locomoteurs sont plus riches en caractérisées par une modifica- mique. Dans le sarcoplasme se trou- fibres de type II. tion de la taille des fibres vent les éléments contractiles qui sont constitués par les myofilaments d’ac- 2.2. Physiologie de la contrac- 3.1.1. L’atrophie musculaire tine et de myosine organisés en fais- tion musculaire ceaux appelés myofibrilles et disposés L’atrophie musculaire se définit mor- longitudinalement. C’est la superposi- Suite à un stimulus nerveux, il y a phologiquement comme une diminu- tion régulière de ces myofilaments qui libération au niveau de la synapse tion du diamètre des fibres musculaires est responsable de la striation trans- neuromotrice d’acétylcholine qui se avec déplétion en éléments contracti- versale de la fibre musculaire visible lie et modifie la conformation des les (Van Vleet, 1996). Les fibres atro- au microscope optique. La contraction récepteurs nicotiniques au niveau de phiées sont anguleuses avec, parfois, musculaire est la conséquence de l’in- la fibre musculaire. Il en résulte une épaississement du tissu interstitiel teraction entre les filaments d’actine ouverture des canaux à ions entrai- endomysial et prolifération de cellu- et de myosine. Entre les myofibrilles, nant une dépolarisation membranaire les adipeuses (Van Vleet et Valentine, le sarcoplasme contient des organites et la génération d’un potentiel d’ac- 2007). Dans les stades avancés d’atro- tels que les mitochondries mais aussi tion. L’entrée de Na+ dans la cellule phie, les cellules peuvent être le siège un système d’extensions tubulaires de induit un changement de polarité de la d’une dégénérescence hyaline (Van la membrane plasmique disposé trans- membrane et l’onde de dépolarisation Vleet, 1996). Les causes d’atrophie versalement à l’intérieur de la cellule. se propage par les tubes T vers les musculaire sont variées ; elles servent Ce système tubulaire, représenté par citernes du réticulum sarcoplasmique. traditionnellement de base à leur clas- les tubes T, présente donc une lumière Il en résulte une activation des canaux sification. en continuité avec l’espace extracel- à Ca++ et la libération de Ca++ dans le L’atrophie neurogénique, ou atrophie lulaire. Ce réseau tubulaire permet un sarcoplasme. Le calcium se lie à la de dénervation, s’observe lorsque contact étroit entre la membrane plas- troponine C, induisant un changement l’innervation des fibres musculaires mique et les unités contractiles, ce qui de conformation de la molécule de tro- par le nerf moteur est interrompue. Si favorise la propagation de l’onde de pomyosine qui initie la contraction. La la dénervation est complète, ce type dépolarisation et le passage du calcium relaxation musculaire est liée au recap- d’atrophie peut entreprendre toutes les du réticulum sarcoplasmique vers le tage du calcium par le réticulum sarco- fibres d’un territoire musculaire. Si la sarcoplasme et plus particulièrement plasmique. C’est cette phase de relâ- dénervation est incomplète, seules cer- vers les myofibrilles. Ceci entraîne chement du muscle qui nécessite un taines fibres sont atteintes, selon une une contraction synchronisée au sein apport énergétique sous forme d’ATP distribution multifocale. Dans ce cas, de la cellule. Le muscle est entouré de produite par les mitochondries. Ce les fibres voisines sont augmentées de tissu conjonctif : l’épimysium, d’où sont donc spécifiquement le calcium volume par hypertrophie compensa- partent les travées conjonctives for- et l’ATP qui régulent la contraction et toire. Ce cas de figure est illustré chez mant le périmysium qui entoure les la relaxation musculaire (Valberg et le cheval par l’equine motor neuron faisceaux. Chaque fibre est également Hodgson, 2002). Lors de contraction disease (EMND), maladie sporadique encerclée par l’endomysium provenant prolongée du muscle, le déficit d’ATP affectant des chevaux de tous âges et du périmysium (Banks, 1993). et l’excès de calcium peuvent entraî- de toutes races (Valberg et Hodgson, L’étude de l’activité enzymatique ner une dégénérescence hyaline des 2002). L’EMND est une maladie dont ATPasique myofibrillaire a permis de fibres musculaires par coagulation des l’incidence augmente avec l’âge ; classer les fibres musculaires striées protéines (Guis et al., 2005). l’âge moyen d’apparition étant de squelettiques en trois groupes : (i) les 16 ans. Elle se caractérise par une 2
dégénérescence des neurones moteurs interstitiel. Elles sont généralement la de cette maladie a été décrite chez des cornes ventrales de la moelle épi- conséquence d’agressions extérieures des poulains de moins d’un an sans nière. L’étiologie est inconnue mais mécaniques telles que, par exemple, antécédent de traumatisme (Valberg la maladie s’accompagne systémati- les injections intramusculaires (Turner et Hodgson, 2002). Les lésions histo- quement de taux sériques très bas en et Trotter, 1984) ou relèvent de cau- logiques sont une atrophie sévère des vitamine E, ce qui laisserait suppo- ses physiques, comme c’est le cas fibres musculaires, des regroupements ser une cause carentielle (Valentine lors d’exercices violents (Van Vleet, de fibres d’un même type, une infil- et al., 1994). Dans l’EMND, ce sont 1996). Les myopathies traumatiques tration du tissu interstitiel par du tissu surtout les fibres de type I qui sont les plus souvent rencontrées chez le adipeux et une fibrose périmysiale atrophiées. cheval sont les suivantes. et épimysiale sévère. Les lésions des L’atrophie de non usage s’observe La rupture/hernie diaphragmatique du fibres musculaires caractéristiques de dans un territoire musculaire, souvent poulain fait suite à une compression la myopathie fibrosante sont similai- un membre, lors d’immobilisation abdominale au moment du poulinage. res à celles décrites dans les atrophies prolongée. Elle peut également faire Cette hernie acquise doit être différen- de dénervation, ce qui suggère des suite à une ténotomie. Ce processus ciée d’une hernie congénitale. altérations nerveuses concomitantes. d’atrophie est plus lent que dans l’atro- Cette neuropathie périphérique pour- L’élongation, avec ou sans rupture, des rait par exemple être consécutive à une phie neurogénique (Van Vleet, 1996). L’atrophie de non usage se caractérise muscles tels que ceux de la région lom- lésion du nerf sciatique (Valentine et par une atteinte des deux types de baire, les fessiers, les adducteurs, les al., 1994). fibres. gastrocnémiens, le dentelé ventral, les semi-membraneux et les semi-tendi- L’atrophie associée à la cachexie est neux. Ces lésions sont la conséquence 3.2.3. Les lésions musculaires dégé- une atrophie visible tant sur l’animal d’exercices violents ou inadaptés et nératives ou myopathies au sens vivant que sur le cadavre. Elle s’ob- présentent différents degrés selon la strict serve tout d’abord au niveau des mus- sévérité de la cause initiale : l’élonga- cles du dos et des cuisses. Au micros- tion, la rupture partielle et la rupture 3.2.3.1. généralités cope, l’atrophie touche surtout les totale du muscle. Au microscope, les fibres musculaires de type II. Ce sont lésions traumatiques se caractérisent Il en existe de plusieurs types. Leur les muscles non posturaux qui sont les par des modifications des fibres mus- dénominateur physiopathologique plus sévèrement atteints (Van Vleet et culaires et de l’interstitium. Au niveau commun consiste en une surcharge Valentine, 2007). des myocytes, on observe une perte calcique du sarcoplasme qui ne permet L’atrophie associée à la maladie de de continuité des fibres. Dans l’in- pas le relâchement musculaire. Cette Cushing est une atrophie des fibres terstitium, la zone lésée présente des surcharge peut, selon le cas, être la de type II avec perte de fibres de hémorragies, de l’œdème et parfois conséquence soit d’une lésion mem- type II B et accumulation de graisse un infiltrat inflammatoire riche en branaire qui permet l’entrée sans frein périmysiale, endomysiale et intrasar- neutrophiles. Lors du passage à l’état du calcium dans la cellule, soit d’un coplasmique (Aleman et al., 2006). chronique, la lésion se cicatrise avec déficit énergétique qui empêche le formation de tissu fibreux (Van Vleet, recaptage du calcium par le réticulum 1996). sarcoplasmique. La surcharge calcique 3.1.2. L’ hypertrophie musculaire entraîne donc une hypercontraction soutenue des fibres d’abord, laquelle L’hypertrophie musculaire se définit, 3.2.2. La myopathie fibrosante (par- évolue, ensuite, vers une coagulation morphologiquement, comme une aug- des protéines contractiles par activa- fois appelée myopathie ossifiante) mentation du diamètre de la fibre en tion des protéases et des phospholipa- coupe transversale avec un accrois- Cette maladie, souvent décrite chez ses (Warren et al., 2002 ; Guis et al., sement du nombre de myofibrilles le Quarter Horse, peut être observée 2005 ; Singh et al., 2005). Les dégéné- dans les fibres (Van Vleet et Valentine, chez n’importe quel cheval effec- rescences musculaires sont pratique- 2007). Ce processus est physiologique tuant un travail à vive allure avec des ment toujours segmentaires et présen- chez les chevaux sportifs bien entraî- changements de direction secs et des tent des sévérités différentes. Certains nés mais peut également accompa- arrêts instantanés. Ces mouvements auteurs ont défini quatre niveaux de gner un phénomène pathologique dans provoquent des traumatismes répétés, sévérité (Van Vleet et Valentine, 2007) les cas d’hypertrophie compensatoire particulièrement au niveau des mus- en fonction des structures cellulaires (Van Vleet, 1996). cles semi-tendineux mais aussi des atteintes : myofibrilles, noyaux, cel- semi-membraneux, des biceps fémo- lules satellites et/ou membranes. La 3.2. Les lésions musculaires raux et des muscles graciles et gastro- capacité de régénération de la fibre caractérisées par une modifica- cnémiens (Valberg et Hodgson, 2002 ; dépend exclusivement de l’intégrité de tion de l’aspect des fibres MacLeay, 2004). Ces agressions la membrane basale. récurrentes entraînent une réaction inflammatoire chronique qui évolue Pour l’anatomo-pathologiste, les dégé- vers la fibrose avec perte de l’élasti- nérescences musculaires sont classées 3.2.1. Les lésions musculaires d’ori- selon l’aspect microscopique des cel- gine traumatique cité musculaire et adhérences avec les muscles voisins. Dans certains cas, ces lules. Les lésions traumatiques ont la dou- lésions fibreuses sont accompagnées La dégénérescence hyaline, fréquente, ble caractéristique d’entreprendre à la d’ossification (Gomez-Villamandos typique du muscle, se reconnaît par la fois les fibres musculaires et le tissu et al., 1995). Une forme congénitale présence de segments de fibres dila- 3
tés, hyperéosinophiliques, avec perte hydropique, est associée à un déséqui- cette maladie reste imprévisible (Van des striations transversales. L’intérieur libre électrolytique comme l’hyperka- Vleet et Valentine, 2007), les poulains des cellules peut apparaître fragmenté, liémie chez le cheval. carencés ne présentant pas toujours floconneux, mais la structure tubu- La dégénérescence graisseuse s’ob- des signes cliniques et les chevaux laire de la fibre est maintenue grâce serve occasionnellement dans les déclarés atteints n’étant pas nécessai- à l’intégrité de la membrane basale. fibres musculaires d’animaux cachec- rement carencés (Löfstedt, 1997). Il Dans les 24 heures, des macropha- est possible qu’il faille interpréter les tiques. ges et quelques polymorphonucléaires taux de vitamine E et de sélénium neutrophiles affluent dans le segment L’accumulation anormale de polysac- en fonction du niveau de produc- lésé. Dans quelques cas, la dégénéres- charides est observée dans les mala- tion des radicaux libres de l’animal cence hyaline s’accompagne de calci- dies de stockage et peut être confir- concerné plutôt qu’en termes absolus. fication précoce. La dégénérescence mée par une coloration de Periodic En absence de protection suffisante, musculaire peut adopter différents Acid Schiff (PAS). les membranes cellulaires, lésées par aspects/topographies selon la cause et Les fibres en anneaux peuvent être les radicaux libres, sont incapables de l’évolution. Ainsi, elle peut être mono- observées lors de dénervation mais maintenir divers gradients, notamment phasique monofocale, monophasique aussi dans les muscles de chevaux le gradient calcique. multifocale, polyphasique monofocale atteints de myopathie postanesthési- Le calcium entre alors massivement ou polyphasique multifocale (Kakulas, que. Il s’agit d’une image de régé- dans la cellule, entraînant la cascade 1988). L’aspect monophasique mono- nération anormale avec formation de physiopathologique menant à la dégé- focal est celui que l’on observe lors myofibrilles qui s’enroulent autour nérescence. La myopathie nutrition- d’agression unique localisée, telle de la fibre musculaire (Van Vleet et nelle est favorisée par un climat froid et qu’une injection intramusculaire. Les Valentine, 2007). un exercice inhabituel, ce qui suggère, myocytes présentent tous un stade à son origine ou dans son mécanisme, identique de dégénérescence dans 3.2.3.2. la myopathie nutritionnelle la contribution d’un déficit énergétique une zone bien définie. Une exposition La myopathie nutritionnelle est une (Van Vleet et Valentine, 2007). unique à des substances myotoxiques, comme par exemple la monensine, maladie musculaire, parfois associée Chez les poulains, la myopathie nutri- donne lieu à une dégénérescence à une cardiomyopathie, consécutive tionnelle s’observe entre la naissance monophasique multifocale dans à une carence en vitamine E et sélé- et l’âge d’un an et peut se manifester laquelle toutes les fibres lésées sont au nium ; la carence en sélénium sem- sous deux formes, selon qu’elle atteint même stade de dégénérescence mais blant plus dommageable que la carence le muscle cardiaque ou les muscles où la distribution est multifocale suite en vitamine E (Valberg et Hodgson, squelettiques (Valberg et Hodgson, à une différence de sensibilité entre 2002). Le sélénium et la vitamine E 2002). La forme cardiaque, souvent les divers types de fibres. Par contre, sont des antioxydants importants pour fatale en moins de 24 heures, entre- des agressions répétées, telles que des la protection des membranes biologi- prend le myocarde mais aussi parfois injections intramusculaires multiples ques, particulièrement au niveau des le diaphragme et les muscles intercos- dans le même muscle peuvent engen- muscles où le métabolisme oxydatif taux ainsi que, plus rarement, les autres drer une dégénérescence polyphasi- produit des radicaux libres hautement muscles striés squelettiques. Les signes que monofocale avec des fibres à des réactifs et en grandes quantités qui sont cliniques traduisent les lésions muscu- stades différents de dégénérescence susceptibles d’entraîner une peroxyda- laires : faiblesse, décubitus, tachycar- dans un muscle précis. Dans le cas tion des lipides membranaires. La vita- die et détresse respiratoire. La forme d’une myopathie nutritionnelle par mine E est un antioxydant liposoluble squelettique, dont l’évolution est plus carence en vitamine E et sélénium membranaire qui empêche les radicaux progressive, entreprend généralement (voir plus loin), la dégénérescence libres de former des hydroperoxydes les muscles du cou, de l’épaule ainsi musculaire est de type polyphasique avec les phospholipides insaturés des que les muscles gastrocnémiens, semi- multifocal avec des fibres à des stades membranes (Dill et Rebhun, 1985). tendineux, semi-membraneux et les différents de dégénérescence : dégé- Le sélénium sarcoplasmique intégré à biceps fémoraux. Les muscles inter- nérescence hyaline stricte pour certai- l’enzyme glutathion peroxydase par- costaux et le diaphragme peuvent être nes, aspect fragmenté du cytoplasme ticipe à la transformation en eau et entrepris ainsi que les masséters et la pour d’autres, afflux de macrophages en alcools inoffensifs des peroxydes langue. Le myocarde n’est que rare- à d’autres endroits et enfin, présence d’hydrogène et des lipoperoxydes déjà ment atteint. Les signes cliniques sont de fibres en voie de régénération. formés (Valberg et Hodgson, 2002). Il plus variables que dans la forme car- La dégénérescence granuleuse se faut noter que certains métaux tels que diaque : faiblesse musculaire, raideur, caractérise par la présence de petits l’argent, le mercure, le cuivre, le zinc, décubitus, détresse respiratoire, impos- granules basophiles dans le cyto- le cobalt et le cadmium diminuent la sibilité de téter et dysphagie (Löfstedt, plasme des fibres musculaires ; ce biodisponibilité du sélénium tandis 1997). La myopathie nutritionnelle se type de dégénérescence est souvent que le fer, qui fixe la vitamine E, et rencontre également chez des chevaux observé au niveau du myocarde (Van l’ozone prédisposent l’animal à une adultes qui présentent, sur le plan cli- Vleet, 1996). carence en vitamine E (Van Vleet, nique, des signes musculaires (raideur, 1996). incapacité à se nourrir, port de tête La dégénérescence discoïde est une bas), urinaires (myoglobinurie), circu- lésion liée à l’hypoxie où la striation latoires (œdèmes de la tête et du cou) transversale subsiste mais où une sépa- La physiopathologie précise de la myo- et généraux (dépression). Les enzymes ration entre les bandes Z est observée. pathie nutritionnelle n’est pas com- musculaires (CK) sont augmentées La dégénérescence vacuolaire, ou plètement élucidée et l’incidence de dans le sang. 4
À l’autopsie, on peut observer des musculaire massive accompagnée de de vue biochimique par une augmen- lésions musculaires bilatérales avec myoglobinurie. Les myocytes préfé- tation des CK sériques après l’exer- un aspect bicolore, strié ou tigré, des rentiellement atteints sont les fibres de cice. La prévention du stress et un muscles lésés. Les zones décolorées type II (MacEwen et Hulland, 1986). exercice quotidien semblent diminuer sont pâles, légèrement jaunâtres et Le diagnostic clinique est confirmé les crises chez les chevaux prédispo- d’aspect parfois sec. Lorsque le myo- par une augmentation des taux séri- sés. Différents facteurs favorisant ont carde est atteint, c’est au niveau de ques des enzymes musculaires et parti- été évoqués : des infections respira- la paroi ventriculaire gauche que les culièrement des créatine-kinases (CK) toires même frustres (Beech, 1997), lésions sont le plus souvent présentes (Beech, 1997 ; Art et al., 2000). un déséquilibre électrolytique consé- (Löfstedt, 1997). Il s’agit de bandes Les myopathies d’exercice compren- cutif à une carence ou à une suda- claires de myocarde nécrosé, calci- nent trois entités : la rhabdomyolyse tion excessive, une carence en vita- fié, voire fibrosé dans les cas chroni- sporadique, la rhabdomyolyse récur- mine E-sélénium (Beech, 1997 ; Art ques (Valberg et Hodgson, 2002). rente (ou récidivante) et la myopathie et al., 2000), des rations trop riches Les lésions histopathologiques sont d’épuisement. en hydrates de carbone (MacLeay et de type polyphasique, multifocal avec al., 1999), un facteur hormonal (l’in- dégénérescence hyaline, perte des La rhabdomyolyse d’exercice sporadi- cidence des myopathies récidivantes striations, fragmentation du sarco- que est une maladie aiguë qui atteint les est plus importante chez les femelles, plasme, nécrose, calcification, afflux chevaux de façon sporadique pendant les épisodes semblent, dans certains de macrophages et figures de régé- ou après un exercice violent, excessif cas, liés aux chaleurs et des implants nération (Van Vleet, 1996). Alors que ou inadapté. Le degré d’augmenta- de progestérone peuvent diminuer la les fibres musculaires squelettiques tion des CK sériques reflète l’éten- fréquence des épisodes) (MacLeay et abîmées régénèrent facilement, ce due des lésions musculaires (Valberg al., 1999), l’hypothyroïdie (Waldron- n’est pas le cas des fibres myocardi- et Hodgson, 2002). Cette myopathie Mease, 1979) et des facteurs psycho- ques qui sont remplacées par un tissu semble liée à un déficit énergétique géniques (MacLeay et al., 1999 ; Art cicatriciel fibroconjonctif. Les trois cellulaire (Art et al., 2000) et/ou à et al., 2000). Par contre, l’ancienne caractéristiques histopathologiques un déséquilibre électrolytique avec théorie fondée sur l’acidose lactique qui permettent donc de reconnaître hypokaliémie (Van Vleet et Valentine, est abandonnée. Ces facteurs prédis- une myopathie nutritionnelle sont les 2007). Bien que les mêmes facteurs posants sont néanmoins régulièrement suivantes : (i) un aspect polyphasique favorisants que ceux évoqués ci-des- mis en doute, à l’exception du désé- et multifocal, (ii) une minéralisation sous pour la rhabdomyolyse récidi- quilibre électrolytique. Le mécanisme précoce des segments nécrosés mise vante aient été suggérés, l’élément physiopathologique incontesté est, une en évidence par la coloration rouge déterminant associé à la rhabdomyo- fois de plus, un défaut de régulation d’Alizarine et (iii) une dégénérescence lyse sporadique est exclusivement un des taux intracellulaires de calcium affectant surtout les fibres de type I exercice excessif. avec, pour conséquence, hypercon- (Van Vleet et Valentine, 2007). La rhabdomyolyse d’exercice récidi- traction, activation de protéases et de vante est une maladie qui se traduit par phospholipases et coagulation de la 3.2.3.3. les myopathies d’exercice des épisodes récurrents de myopathie machinerie protéique contractile. Une chez des chevaux génétiquement sen- quantité plus importante de calcium Les myopathies d’exercice sont intracellulaire a d’ailleurs été dûment sibles suite à un dysfonctionnement connues chez les chevaux depuis plus constatée dans des cellules musculai- sous-jacent de la cellule musculaire. de 100 ans sous des dénominations res arrondies de chevaux concernés Deux causes héréditaires de rhabdo- diverses telles que azoturie, tying-up et par rapport aux chevaux normaux (Van myolyse d’exercice récidivante ont été maladie du lundi. Plus adéquatement, Den Hoven et al., 1986). La muta- identifiées à ce jour : une maladie il y a lieu de parler de rhabdomyolyses tion causale n’a pas été identifiée à ce de stockage appelée polysaccharide associées à l’effort (Art et al., 2000 ; jour, mais son mode de transmission storage myopathy (PSSM) qui sera Van Vleet et Valentine 2007). Ces est clairement autosomal dominant détaillée dans la section consacrée aux rhabdomyolyses s’observent chez des maladies de stockage, et une maladie (MacLeay et al., 1999 ; Dranchak et chevaux de toutes races et de toutes des pur-sang, trotteurs et arabes asso- al., 2005). Il existe un test fonctionnel les disciplines sportives. En dépit de ciée à un défaut de régulation de la fiable pour dépister ou confirmer les signes cliniques similaires, elles sont contraction musculaire qui s’exprime chevaux génétiquement prédisposés. le dénominateur commun de plusieurs lorsqu’un jeune cheval sensible est Ce test, in vitro sur base d’une biop- entités fondamentalement différentes soumis au stress que représente le tra- sie, fait appel à une provocation à la quant à leur pathogénie (Valberg et vail (Ward et al., 2000). Contrairement caféine, à l’halothane ou au potassium al., 1999). à la forme sporadique précitée, les (Dranchak et al., 2005). La sensibilité Les signes cliniques sont variables. épisodes de rhabdomyolyse sont sou- des cellules musculaires à ces substan- Ils vont de l’intolérance à l’effort vent liés à une surexcitation du cheval ces pour induire une contraction est jusqu’au refus et/ou l’impossibilité de plutôt qu’à un exercice excessif, l’in- augmentée chez les chevaux concernés bouger. Dans certains cas, on observe tensité de l’exercice qui déclenche les par rapport aux chevaux sains. Toutes des douleurs musculaires lombo- symptômes étant souvent très faible. ces données rappellent l’hyperthermie sacrées accompagnées de sudation, Les crises sont récurrentes mais le maligne du porc. Néanmoins, il ne d’une respiration superficielle et de délai entre les crises est très varia- s’agirait pas de la même mutation ; le tremblements musculaires (Van Vleet, ble. Cette myopathie est la plus fré- récepteur de la ryanodine du canal à 1996). La lésion fondamentale obser- quente chez les pur-sang de course. calcium du réticulum sarcoplasmique vée dans les rhabdomyolyses asso- Elle se caractérise cliniquement par est intact et fonctionnel chez le cheval ciées à l’effort est la dégénérescence des douleurs musculaires et d’un point (Lentz et al., 1999 ; Ward et al., 2000). 5
Incidemment, il est bon de retenir que des ne pouvant être que difficilement préventif, probablement en diminuant beaucoup de pur-sang présentant cette utilisés comme substrat énergétique la réponse glycémique postprandiale. rhabdomyolyse récidivante ont aussi (Firshman et al., 2006). Rapportée Cette mesure diététique, combinée à développé des myopathies postanes- ensuite chez le cheval de trait belge, un exercice régulier, diminue la fré- thésiques. cette myopathie doit être aujourd’hui quence d’apparition des épisodes de Les lésions, semblables à celles signant considérée comme une maladie com- rhabdomyolyse (Valberg et al., 1999 ; les rhabdomyolyses sporadiques, mune à beaucoup de races de che- Zeyner et al., 2006). entreprennent les muscles lombaires vaux et de poneys, même si l’inci- Les lésions histopathologiques carac- et fessiers qui apparaissent tuméfiés, dence est plus importante chez les téristiques de cette myopathie de stoc- congestifs et bicolores. Si l’animal a Quarter Horse, les croisés Quarter kage sont la présence d’une grande survécu deux ou trois jours, les mus- Horse, les chevaux de trait et les croi- quantité de glycogène et d’inclusions cles atteints peuvent apparaître plus sés trait (Valentine, 1999 ; Valentine et anormales PAS-positives et amylase- pâles et secs à l’autopsie. L’examen Cooper, 2005 ; Larcher et al., 2008), résistantes dans les fibres de type II histopathologique des muscles lésés c’est-à-dire chez des animaux dotés (Firshman et al., 2006). Le diagnos- permet d’observer une dégénérescence d’un tempérament calme, ce qui dis- tic, réalisé à partir d’une biopsie du hyaline multifocale segmentaire avec tingue cette entité de la rhabdomyo- muscle semi-membraneux, est fondé fragmentation du cytoplasme. Dans lyse d’exercice récidivante qui affecte sur l’observation simultanée de ces un premier temps, ce sont les fibres surtout les chevaux de sang (Valberg deux caractéristiques dans de nom- de type II qui sont lésées, mais si l’at- et Hodgson, 2002). Les chevaux peu- breuses fibres (Valentine et Cooper, vent être atteints à tout âge (Valentine teinte est plus sévère, toutes les fibres 2005). Ces lésions pathognomoniques et Cooper, 2005) et les signes clini- peuvent être dégénérées localement peuvent être accompagnées d’autres ques, variables, sont assez typiques (MacEwen et Hulland, 1986). atteintes musculaires: dégénérescence, d’une atteinte musculaire : position présence de vacuoles optiquement 3.2.3.4. la myopathie de capture campée, fasciculations musculaires, vides, afflux de macrophages, figures difficulté à engager les membres pos- de régénération, changements dans la Il s’agit d’une myopathie qui concerne térieurs ou à reculer, douleur, refus taille des fibres musculaires ou pré- plutôt le zèbre et les chevaux sauvages de bouger (Valentine, 1999). Ce sont sence de noyaux centraux (Valentine et lors d’une capture avec immobilisa- surtout les membres postérieurs qui Cooper, 2005 ; Firshman et al., 2006). tion et/ou transport. Les signes clini- sont lésés mais le diaphragme peut ques comprennent de la faiblesse, des également être atteint (Valentine et La Glycogen branching enzyme defi- fibrillations musculaires, de l’ataxie al., 2002). Les enzymes musculaires ciency (GBED), ou amylopectinose et de la myoglobinurie. Une acidose (CK) sont généralement augmentées est une maladie de stockage atteignant métabolique et de l’hyperthermie dans le sang. Dans les myocytes des les muscles striés, le myocarde et le sont souvent associées. Cette maladie chevaux atteints, les enzymes glyco- foie décrite en 1999 chez le Quarter est souvent fatale. À l’autopsie, les lytiques et glycogénolytiques ont une Horse et les croisés Quarter Horse muscles lésés sont bicolores ; ils sont activité normale, ce qui suggère que (Render et al., 1999). Il s’agit d’une parfois également œdémateux. Les l’accumulation de glycogène ne pro- maladie héréditaire dont le mode de lésions histologiques se caractérisent vient pas d’une incapacité de la cellule transmission est autosomal et récessif par une dégénérescence musculaire à le métaboliser (Valberg et al., 1999). (Sponseller et al., 2003). La maladie monophasique et multifocale avec L’anomalie résulte plutôt de l’entrée se caractérise par une perte d’activité afflux de macrophages, semblable à de grandes quantités de glucose dans de l’enzyme branchant responsable celles observées dans les myopathies les cellules musculaires avec synthèse de la formation de glycogène. Chez d’exercice (Van Vleet, 1996 ; Van de beaucoup de glycogène mais aussi les chevaux normaux, la glycogène- Vleet et Valentine, 2007). de polysaccharides anormaux, moins synthase forme la chaine linéaire du branchés (Firshman et al., 2006). Une glycogène et la GBE est responsable 3.2.3.5. les myopathies de stockage mutation a été identifiée au niveau de la structure branchée du glycogène de l’enzyme glycogène-synthase qui permet la mise à disposition de Les myopathies de stockage (deux (MacCue et al., 2008) La formation résidus glucose terminaux rapidement entités chez le cheval) se caractérisent des polysaccharides anormaux résulte mobilisables par la glycogène-phos- par une accumulation de polysacchari- d’une activation de la glycogène-syn- phorylase (Valberg et al., 2001). La des dans les fibres musculaires. Cette thase mais sans augmentation paral- perte d’activité de la GBE cause la accumulation peut être responsable lèle de l’activité de l’enzyme bran- synthèse de longues chaines linéaires d’épisodes récurrents de rhabdomyo- chant du glycogène, qui a néanmoins de glycogène avec seulement quel- lyse. une structure et un fonctionnement ques points de branchement rappe- L’equine polysaccharide storage myo- normaux. Ce déséquilibre enzymati- lant la structure de l’amylopectine pathy (PSSM) est une maladie hérédi- que a pour conséquence la formation (Sponseller et al., 2003). Les tissus taire dont le mode de transmission est de grandes chaînes linéaires de gly- des poulains porteurs de la mutation autosomal récessif et dont la mutation cogène mais avec moins de branche- sont donc dépourvus d’énergie rapide- causale a été identifiée récemment ments que lorsque l’entrée du glucose ment mobilisable ce qui se traduit par (De La Corte et al., 2002 ; MacCue et est normalement régulée (Valberg et de la mortalité fœtale avec avortement al., 2008). Décrite tout d’abord chez al., 1999 ; De La Corte et al., 2002). tardif, par une mortinatalité, ou par le Quarter Horse, cette maladie est la Ces formes polysaccharidiques anor- un syndrome néonatal caractérisé par conséquence d’une accumulation de males ont tendance à s’accumuler. Un de la faiblesse, un décubitus et une polysaccharides anormaux dans les régime pauvre en hydrates de carbone incapacité de téter. Les manifestations fibres musculaires, ces polysacchari- et riche en graisses exerce un effet cliniques peuvent néanmoins apparaî- 6
tre plus tardivement avec un tableau rompent, libérant de ce fait tout le gelées. L’examen nécropsique révèle d’intense faiblesse ou une mort subite. calcium accumulé, ce qui provoque un aspect pâle de certains muscles. Généralement les poulains porteurs une hypercontraction et l’activation Les lésions microscopiques sont clas- de la mutation meurent ou sont eutha- des enzymes précitées qui conduisent siques avec dégénérescence segmen- nasiés avant l’âge de 18 semaines. à la coagulation du matériel protéique taire, multifocale et monophasique. Le L’analyse sanguine montre une leuco- constituant la machinerie contractile myocarde peut être atteint également pénie, une hypoglycémie et une aug- (Mollenhauer et al., 1981 ; Whitlock, (Whitlock, 1990). L’intoxication par mentation des enzymes musculaires 1990 ; Van Vleet et Valentine, 2007). Senna est utilisée chez les oiseaux CK (Valberg et al., 2001). Les signes cliniques associés à l’in- comme modèle expérimental de myo- L’examen histopathologique après toxication par les ionophores sont à pathie mitochondriale (Calore et al., coloration de PAS révèle la présence la fois généraux et moteurs : ano- 1997 ; Cavaliere et al., 1997). La toxine d’amas denses de matériel pourpre, rexie, myasthénie, raideur, tremble- spécifique n’a pas été identifiée à ce amorphe ou filamenteux, suggérant ments, incoordination, sudation, jour (Van Vleet et Valentine, 2007). ataxie, polypnée, dyspnée, arythmie Les plantes du genre Eupatorium spp. des polysaccharides anormaux avec cardiaque, décubitus et mort. De la (particulièrement E. rugosum, éga- absence totale de glycogène normal ; myoglobinurie et une augmentation lement dénommée Aristoloche) sont ces images de stockage peuvent être des CK accompagnent ce tableau cli- également tenues pour responsables accompagnées de nécrose avec infil- nique (Matsuoka, 1976 ; Whitlock, d’un syndrome caractérisé par de l’as- trat de macrophages (Sponseller et al., 1990 ; Bezerra et al., 2000). Les thénie, des fasciculations musculaires, 2003). des coliques, une obstruction oesopha- lésions macroscopiques telles qu’on 3.2.3.6. les myopathies toxiques gienne, une myoglobinurie et une aug- les observe à l’autopsie, lorsqu’elles mentation des CK (Whitlock, 1990). sont visibles, se caractérisent par un La structure et la fonction des mus- La substance toxique, le trémétol ou aspect bicolore du myocarde ventricu- cles striés squelettiques peuvent être trémétone, est un alcool de haut poids laire (Matsuoka, 1976) et la présence altérées par de nombreuses substances moléculaire qui cause des lésions du de zones symétriques de décoloration chez les animaux de laboratoire et, de myocarde et des muscles striés sque- des muscles striés squelettiques des façon plus sporadique, chez l’animal lettiques, principalement les muscles membres postérieurs et des épaules domestique et chez l’homme. Chez le respiratoires et de posture (Finno et (Bezerra et al., 2000 ; Van Vleet et cheval, les seules myopathies d’origine al., 2006). Les lésions microscopi- Valentine, 2007). Certains auteurs rap- toxique dûment décrites sont celles qui ques sont classiques, quoique certains portent une atteinte préférentielle des font suite à l’ingestion d’ionophores et auteurs soulignent la présence d’une muscles respiratoires et de posture à de phytotoxines (MacLeay, 2004). minéralisation des fibres myocar- métabolisme plutôt oxydatif (Finno Les ionophores (monensine, salino- diques avec un infiltrat de cellules et al., 2006). Les lésions histopatho- mycine, narasin, lasalocid) sont des mononucléées (Finno et al., 2006). logiques consistent en une dégénéres- substances qui modifient les gradients Le trémétol peut être retrouvé dans cence musculaire segmentaire, mul- ioniques transmembranaires. Parmi d’autres plantes (Beier et al., 1993) tifocale et monophasique, lors d’une et reste biologiquement actif dans ceux-ci, la monensine, un antibioti- exposition unique aux ionophores, les fourrages (Valberg et Hodgson, que produit par la fermentation de avec afflux de macrophages. Les deux 2002). Streptomyces cinnamonensis, est uti- types de fibres sont atteints (Van Vleet lisée comme coccidiostatique chez la et Valentine, 2007). Les lésions mus- Dans cette section relative aux myopa- volaille et comme promoteur de crois- culaires squelettiques peuvent régé- thies toxiques, il ne faut pas négliger sance chez les ruminants (Whitlock, nérer, contrairement aux lésions myo- certaines substances pouvant exercer 1990). Le cheval est particulièrement cardiques qui donnent lieu à la mise une toxicité locale lors d’injections sensible à la monensine (dose létale en place d’un tissu cicatriciel (Muylle intramusculaires. Par exemple, des 50 : 2-3 mg/kg poids vif) (Whitlock, et al., 1981). Les lésions ultrastructu- injections intramusculaires répétées 1990 ; Bezerra et al., 2000). rales les plus précoces montrent des d’ivermectine (ivomec®) causent des altérations mitochondriales avec dila- lésions de dégénérescence focale, avec L’intoxication, généralement acci- tations et ruptures. Des gouttelettes infiltration inflammatoire et, à terme, dentelle, est consécutive à l’ingestion lipidiques ont également été observées prolifération de tissu fibreux (Kilgore d’aliments pour ruminants ou à une dans les fibres myocardiques atteintes et al., 1983). contamination fortuite des aliments pour chevaux (Hall, 2001). La monen- (Mollenhauer et al., 1981). 3.2.3.7. les myopathies d’origine cir- sine est un complexe cationique lipo- Les phytotoxines. La plante Cassia culatoire (ischémique) soluble qui cause l’entrée massive Occidentalis, aussi dénommée de sodium et d’eau dans la cellule. Senna occidentalis, est tenue pour res- Les séquelles d’une ischémie sur les Comme le fonctionnement de la pompe ponsable d’un syndrome caractérisé fibres musculaires dépendent avant à calcium dépend du gradient élec- par de la diarrhée, une démarche raide, tout de sa durée. Après une hypoxie trolytique, le calcium entre alors en de l’incoordination, de la faiblesse, un tissulaire de quelques heures, on grandes quantités dans la cellule. Les décubitus, une myoglobinurie et une observe une coagulation des protéines mitochondries concentrent ce calcium augmentation des CK ; cette intoxica- contractiles des myofibrilles, tandis jusqu’à saturation, ce qui entrave les tion peut être fatale en quelques jours que les autres structures cellulaires phosphorylations oxydatives et, donc, (Martin et al., 1981 ; Whitlock, 1990). sont préservées. La régénération par la production d’ATP, et cause leur dila- Cette plante n’existe pas en Europe, formation de myotubes permet de res- tation progressive par effet osmoti- mais bien en Amérique du Nord où taurer une structure et une fonction que. À terme, les mitochondries se son appétence est augmentée par les normales en vingt jours environ. Si 7
l’ischémie dure entre six et vingt-qua- tate à partir des muscles comprimés on postule l’existence d’un excès de tre heures, on observe une nécrose confirme que l’oxygénation est moins libération de calcium par le réticu- multifocale des fibres et des noyaux bonne chez les chevaux anesthésiés lum sarcoplasmique, lequel induit des des cellules satellites. La capacité de à l’halothane (Lindsay et al., 1989). contractures musculaires et produit régénération ultérieure est moindre et Le risque de myopathie post-anesthé- de la chaleur (Valberg et Hodgson, l’observation histologique révèle un sique augmente si la pression arté- 2002). D’autre part, chez les chevaux, « patchwork » de cellules normales, de rielle descend en dessous de 60 mmHg il existerait une association entre la fibres régénérées et de petites zones pendant plusieurs heures au cours myopathie d’exercice, la myopathie fibreuses cicatricielles. Au-delà de d’une anesthésie gazeuse (Valberg post-anesthésique et l’hyperthermie vingt-quatre heures, toutes les fibres et Hodgson, 2002). Une production maligne. Cette association supposée du territoire ischémié sont nécrosées ; accrue de radicaux libres au cours de repose sur les résultats livrés par le les lames basales sont lésées, ce qui la phase de reperfusion post-isché- test fonctionnel qui utilise la provoca- entraîne des séquelles définitives avec mique pourrait également intervenir tion d’une biopsie musculaire par la une perte de fonction et une réaction dans la genèse des lésions (Serteyn caféine : chez les chevaux sensibles, cicatricielle fibreuse (Van Vleet et et al., 1994). L’examen nécropsique les fibres musculaires se contractent Valentine, 2007). Parmi les myopa- révèle des muscles de couleur som- à des concentrations plus faibles que thies d’origine ischémique, on peut bre. L’examen microscopique met chez les chevaux normaux (Manley et citer deux entités : les myoneuropa- en évidence des fibres dégénérées, al., 1983). Une composante génétique thies postanesthésiques (localisées ou des fibres régénérées, des foyers de a été évoquée (Van Vleet, 1996). généralisées) et les myopathies post- cicatrisation fibreuse et la présence La myopathie post-thrombotique. Lors thrombotiques. L’incidence des myo- occasionnelle de fibres en anneaux, ce de thrombose sténosante ou occlusive pathies postanesthésiques a augmenté qui suggère une atteinte nerveuse. Les altérations morphologiques précoces d’une artère importante irriguant un très largement depuis l’utilisation des membre, celui-ci devient froid, avec anesthésies gazeuses, particulièrement (dilatations mitochondriales, sépara- tion des myofibrilles) des fibres de perte du pouls artériel, perte de la à l’halothane. Elles peuvent se pré- sudation cutanée et boiterie (Reef et senter sous deux formes : localisée ou type II précèdent celles des fibres de type I (Hodgson, 1999). Si l’ischémie al., 1987). Ces conséquences peuvent généralisée, cette dernière étant assez n’être que transitoires du fait du déve- similaire à l’hyperthermie maligne persiste, toutes les fibres exhibent de la dégénérescence hyaline et des frag- loppement d’une circulation collaté- décrite chez l’homme et chez le porc rale. On peut néanmoins observer de (Manley et al., 1983). Dans les deux mentations. L’atteinte plus précoce des fibres de type II pourrait s’expliquer la dégénérescence musculaire mais la formes, on note une augmentation des régénération est rapide et complète. CK dans le sang. par le fait qu’elles sont irriguées par des capillaires moins nombreux que La cause la plus fréquente d’un tel La myopathie postanesthésique loca- les fibres de type I de même taille syndrome est une endartérite throm- lisée est une maladie qui entreprend (Van Vleet et Valentine, 2007). bosante d’origine parasitaire, due les muscles en contact avec des sur- à Strongylus vulgaris (Van Vleet et faces dures ou les muscles dont la Valentine, 2007). vascularisation est entravée à la suite La myopathie post-anesthésique géné- d’une position anormale. Elle affecte ralisée, également dénommée hyper- 3.2.3.8. la myopathie atypique plus spécifiquement les chevaux spor- thermie maligne, se caractérise par tifs, bien musclés, de tous âges, après Décrite pour la première fois en 1939 une hyperthermie et une acidose asso- en Grande-Bretagne (Bowen et Craig, une anesthésie à l’halothane avec un ciées à une nécrose musculaire locali- décubitus latéral ou dorsal prolongé. 1942), c’est en 1984, suite à une série sée, plus particulièrement aux mem- de cas survenus en Ecosse (Hosie et Les muscles les plus fréquemment bres postérieurs suite à une anesthésie lésés sont le triceps, le deltoïde, le al., 1986), que cette maladie a été gazeuse à l’halothane. Les signes cli- masséter, les extenseurs postérieurs reconnue comme une entité spécifi- niques incluent une anxiété, de la et même les adducteurs et les fessiers que. Depuis, elle a été rapportée dans tachycardie, de la tachypnée, de la lors de décubitus dorsal (Lindsay et de nombreux pays, sous diverses déno- sudation et une myoglobinurie (Hennig al., 1989 ; Valberg et Hodgson, 2002). minations, dont myoglobinurie atypi- et Court, 1991). Dans certains cas, Une atteinte concomitante des nerfs que (anonyme, 1985), myopathie sai- la température corporelle augmente périphériques ne peut pas être écartée sonnière de pâture ou rhabdomyolyse déjà pendant l’anesthésie, de même (Hennig et Court, 1991). Les mus- de pâture (Finno et al., 2006). Depuis qu’apparaissent des contractures mus- cles atteints sont tuméfiés, chauds et l’automne 2000, plusieurs dizaines culaires et une acidose métabolique douloureux à la palpation. Le cheval de cas ont été identifiés en Belgique (Manley et al., 1983). Le pronostic évite de prendre appui sur le mem- (Delguste et al., 2002 ; Votion et al., est réservé. Dans cette forme généra- bre lésé et peut présenter de l’ataxie, 2003 ; Cassart et al., 2007). lisée, l’hypotension artérielle systé- voire un décubitus. Le pronostic est mique et la compression de la forme Le terme « atypique » fait référence généralement bon et le cheval récu- localisée seraient accompagnées de au caractère tout à fait inhabituel de père en quelques heures ou quelques perturbations systémiques consécuti- ses conditions d’apparition. En effet, jours. Cette myopathie post-anesthé- ves au stress de l’anesthésie et à la sen- elle atteint des chevaux et des poneys sique localisée résulte de l’ischémie sibilité des cellules musculaires aux en prairie, peu ou pas supplémentés, consécutive à la compression locale agents anesthésiques ou relaxants tels n’ayant fourni aucun exercice, et sans des masses musculaires et à l’hypo- que l’halothane et la succinylcholine. carence significative en vitamine E et/ tension systémique liée à l’anesthé- Sur un plan physiopathologique et ou sélénium (Delguste et al., 2002). sie. L’augmentation de l’efflux de lac- par analogie avec le porc et l’homme, Cette maladie présente un carac- 8
Vous pouvez aussi lire