Social Protection Reforms in Europe: Strategies for a New Social Model

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Social Protection Reforms in Europe:
   Strategies for a New Social Model

                                 Bruno Palier

                                      Résumé

                                      Janvier 2004

                             Rapport de recherche F|37
           Documents des RCRPP sur l’architecture sociale – Réseau de la famille
Disponible uniquement en anglais à partir du site http://www.cprn.org ou sur demande au
                                   (613) 567-7500.

                 Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques inc.
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                   § (613) 567-7500 ¨ (613) 567-7640  www.cprn.org
Résumé
Les pays de l’Europe occidentale possèdent leur propre « modèle social », qui les différencie des
autres pays industrialisés. Établi pendant la période de prospérité d’après 1945, ce modèle social
comprend des politiques keynésiennes et de plein emploi pour stimuler la demande, ainsi qu’une
protection sociale et des droits sociaux. Toutefois, tous les pays de l’Europe occidentale ont aussi
adapté ce cadre en y insérant des compromis de politiques, des stratégies et des institutions pour
assurer une protection sociale adaptée à leurs propres besoins et contextes. Par conséquent, le
modèle social européen peut être subdivisé en quatre types ou régimes : britannique, nordique,
continental et méditerranéen. Depuis le milieu des années 70, ce modèle a été en crise et il a fait
l’objet de nombreuses réformes. Certaines personnes vont même jusqu’à soutenir que l’Europe a
besoin d’un nouveau modèle social. Depuis la fin des années 90, les institutions de l’Union
européenne se sont notamment employées à jeter les fondements d’un nouveau modèle.

Ce rapport de recherche a pour objet d’isoler les grandes tendances qui sont à l’origine d’une
refonte des politiques sociales (c’est-à-dire, la recherche d’un nouveau modèle social) ainsi que
les mécanismes de politiques et les processus concrets de réforme (c’est-à-dire, les stratégies
nationales). Il s’emploie à documenter les changements d’orientation de la politique sociale
européenne à deux niveaux.

Premièrement, il met l’accent sur les changements d’orientation des politiques au niveau national,
en décrivant les réformes entreprises sous l’impulsion tant de contraintes institutionnelles que de
choix de politiques. Malgré des différences entre les pays, cette section fait état d’une tendance
générale vers une orientation croissante des politiques en vue d’encourager l’emploi et comportant
des mesures axées sur l’offre. La section comprend aussi une analyse des stratégies de politiques
utilisées pour réaliser ces réformes complexes. Deuxièmement, le rapport examine les actions
prises par l’Union européenne, notamment le rôle des institutions européennes et leur apport au
nouveau modèle social, ainsi que les stratégies de recherche de consensus employées pour
coordonner la démarche vers ce nouveau modèle.

Contraintes institutionnelles et choix de politiques

Les différences héritées parmi les régimes sont une contrainte majeure sur les actions actuelles. La
diversité parmi les systèmes de protection sociale existe tant au niveau des problèmes auxquels
chacun des pays est confronté qu’à celui des solutions choisies. Toutes les options ne sont pas
accessibles; chaque pays est tenu de fonctionner à l’aide des institutions existantes.

Dans la plupart des cas, les réformes entreprises au cours des 20 dernières années ont contribué à
renforcer la logique de chaque régime. En réifiant davantage leurs politiques sociales, les régimes
de bien-être libéraux sont devenus encore plus libéraux et encore plus résiduels. Grâce à la
répartition égalitaire des réductions de prestations (une réduction de 10 pour cent de toutes les
prestations) et de la résurgence d’une « orientation vers le travail », les régimes de bien-être
sociaux-démocrates sont parvenus à maintenir leur stratégie égalitaire en matière de protection
sociale. La plupart des régimes de bien-être continentaux sont demeurés inchangés, non seulement
parce que la poignée de mesures qui furent adoptées ont permis de renforcer leurs caractéristiques
existantes, mais aussi − et surtout − parce qu’ils n’ont pas été en mesure de réaliser une réforme
significative.

Ces observations en matière de stabilité et de renforcement nous enseignent qu’il est téméraire
d’essayer d’implanter une politique « comme telle » dans un autre contexte institutionnel. Elles
mettent aussi en relief l’impossibilité de concevoir une solution unique et universelle aux défis

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actuels. Il n’existe pas « de démarche privilégiée unique » vers une réforme de l’architecture
sociale.

Mais, malgré tout, ce serait aussi une erreur que d’insister uniquement sur les mécanismes de
l’inertie institutionnelle et de négliger du même coup les réformes qui se produisent à l’heure
actuelle. Une analyse fouillée des réformes récentes en Europe révèle que, nonobstant les
différences dans leurs orientations, les mesures adoptées partagent d’importantes tendances
communes : orienter davantage les politiques sociales vers l’emploi et utiliser des instruments de
politique axés sur l’offre. Il existe donc des possibilités d’une nouvelle approche partagée en
matière de politique sociale en Europe.

Quel que soit le régime, sa survie est fonction du maintien ou du retour à des niveaux d’emploi
élevés. Il s’ensuit que l’objectif visé par les réformes s’est modifié graduellement, pour mettre
l’accent à la fois sur une hausse du taux d’emploi et une baisse du taux de chômage. Trois
ensembles principaux de réformes furent conçus : (i) des modifications apportées au financement;
(ii) l’application de conditions pour l’accès à la formation (ou à d’autres activités professionnelles
connexes) en échange de prestations; et (iii) une expansion des services publics visant à hausser le
taux d’activité des femmes.

Les efforts déployés pour implanter une réforme soulèvent des défis politiques. Dans ses efforts
visant à mettre en application avec succès cette nouvelle orientation de la politique sociale,
chaque gouvernement possédait sa propre marge de manœuvre. En dépit de pressions
économiques et démographiques, malgré le fait que le passé pèse énormément sur les efforts
visant à instituer des réformes et en dépit de la pénurie de solutions facilement réalisables, certains
gouvernements ont pu concevoir et appliquer des stratégies de politiques cohérentes pour réformer
la politique sociale.

Afin d’expliciter les conditions préalables à une nouvelle conceptualisation légitime du contrat
social national, notre rapport de recherche passe en revue les processus politiques mis à
contribution dans les réformes structurelles fondamentales de plusieurs pays. Celles-ci
comprennent la transformation des systèmes de soins de santé de l’Europe du Sud, la réforme des
régimes de pensions de l’Italie et de la Suède, les pactes sociaux employés dans le contexte du
cadre retenu pour le lancement de la monnaie unique et le « miracle national » mettant en cause la
réforme des politiques salariales, de la protection sociale et du marché du travail au Pays-Bas.

Une comparaison des efforts de réforme permet d’isoler les conditions politiques préalables à une
transformation réussie des systèmes de protection sociale : faire participer tous les intervenants;
rechercher des consensus sur le diagnostic, les principes et les objectifs de la réforme; négocier;
établir le fondement d’un compromis politique sur la réforme parmi les divers intervenants;
concevoir un discours public et explicite pour justifier la réforme; élaborer une stratégie globale et
intégrée sur des domaines d’intervention (notamment en ce qui concerne la politiques salariale, la
politique sociale et la politique du marché du travail); et transformer les prestations mais sans les
réduire. En revanche, dans les cas où il n’existait aucune cohérence globale ni stratégie pour
clarifier ou justifier leurs objectifs, les réformes se sont traduites par une transformation
indisciplinée du système et, souvent, par une détérioration des conditions sociales des citoyens
(comme ce fut le cas en France et en Allemagne).

Le rôle croissant de l’Union européenne

Le rapport de recherche met l’accent sur l’Union européenne afin d’évaluer une relation quasi-
fédérale dans le cadre d’une refonte de la politique sociale. Afin de pouvoir comprendre
l’architecture sociale des pays de l’Union européenne à l’heure actuelle, il est absolument

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indispensable de prêter attention aux activités et aux institutions de l’Union européenne. L’Union
européenne est devenue de plus en plus active dans le domaine de la politique sociale au cours des
dernières années, en bonne partie pour combler une brèche croissante entre les politiques
économiques au niveau européen et les politiques sociales au niveau national. En dépit de
l’absence d’une responsabilité constitutionnelle claire au chapitre de la politique sociale, c’est
désormais à l’échelle européenne que tout nouveau modèle social sera conçu. Les institutions
nécessaires pour coordonner les politiques nationales et favoriser une interaction bidirectionnelle
entre les institutions et les intervenants européens et nationaux permettent de créer un nouveau
mode de gouvernance pour les régimes de politique sociale.

Depuis le milieu des années 90, les principaux organes directeurs de l’Union européenne − la
Commission européenne, la Cour européenne de justice et le Conseil européen − ont pris position
concernant les « réformes requises » dans les domaines des pensions, de la santé et, surtout, de la
politique de l’emploi (y compris les liens avec la politique familiale par l’intermédiaire de
garanties d’égalité des sexes et de conciliation travail-famille). Ces actions sont des conséquences
non voulues ou des retombées attribuables à l’institutionnalisation du Marché unique et de
l’Union monétaire européenne. Les nouvelles institutions économiques ont contribué à réduire
radicalement la marge de manœuvre dont disposaient auparavant les gouvernements des États
membres par l’intermédiaire du contrôle exercé sur les taux de change, les taux d’intérêt et les
dépenses publiques, ainsi que sur les politiques touchant les prix. Elles ont donc soulevé des défis
pour les pratiques en matière de politique sociale au niveau national.

Pendant les années 80, la dynamique de l’édification de l’économie européenne s’est traduite par
l’apparition de pressions en vue de restructurer la politique sociale néo-libérale. Mais, au cours
des années 90, plusieurs intervenants plus préoccupés par les répercussions sociales des
rajustements économiques − des gouvernements de gauche notamment, ainsi que des syndicats et
d’autres organismes non gouvernementaux − se sont employés à obtenir un meilleur contrôle sur
la réforme de la politique sociale afin de moderniser le modèle social européen. Les institutions
européennes ont tenté ces dernières années d’influencer la vision et le discours sur la refonte de la
politique sociale, au lieu d’essayer d’imposer des changements précis aux gouvernements
nationaux.

La démarche vers un cadre européen commun pour la politique sociale, désignée désormais à
l’aide de l’expression « Méthode ouverte de coordination », comporte une forme nouvelle de
gouvernance en matière d’intervention. Au lieu de chercher à « harmoniser » les législations ou
les programmes, le but visé est d’harmoniser les idées, les connaissances et les normes
d’intervention, de sorte que les politiques convergeront vers une vision commune. Donc, la
principale tâche des institutions européennes est de travailler à l’élaboration d’une vision
commune de la politique sociale, c’est-à-dire, d’un nouveau modèle social européen, et de
s’assurer que cette vision est partagée par tous les États membres et qu’elle sert à guider les points
de référence utilisés. La Méthode ouverte de coordination vise à organiser un processus
d’apprentissage sur la façon de relever les défis communs de l’économie mondiale d’une manière
coordonnée, tout en respectant aussi la diversité nationale.

Pour l’Union européenne, la promotion de la qualité de l’emploi et de la politique sociale est un
élément essentiel pour atteindre les objectifs de générer un plus grand nombre d’emplois de
meilleure qualité, de créer une économie du savoir concurrentielle et cohésive, et d’assurer une
interaction mutuelle positive entre les politiques économiques, sociales et de l’emploi. À ce titre,
la qualité va de pair avec l’amélioration de l’efficience, notamment dans la mesure où les finances
publiques et les stimulants au marché du travail sont concernés. Pour l’Union européenne, les
politiques sociales ne sont pas simplement la résultante d’une bonne performance économique et
de bonnes politiques, mais elles sont aussi un facteur et un cadre d’action. Donc, la poursuite d’un

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nombre plus élevé d’emplois de meilleure qualité et de niveaux plus élevés de performance
économique ne peut pas être dissociée des objectifs globaux de la modernisation du modèle social
européen.

Conclusion

Vers la fin des années 90, il est devenu de plus en plus manifeste que les réformes de la politique
sociale étaient alimentées par la volonté de remanier la structure des dépenses sociales et non pas
tout simplement de les comprimer. Malgré la diversité des réformes et des processus qui les avaient
enclenchées, les objectifs visés par les réformes (plus que leurs résultats) affichaient plusieurs
tendances communes. Dans les différents pays européens, elles étaient le reflet d’une tentative
visant à adapter les régimes de protection sociale à de nouvelles normes macroéconomiques, en
mettant un accent plus prononcé sur le marché et des finances publiques saines, l’emploi, et ainsi de
suite.

Dans le domaine des pensions de sécurité de la vieillesse, et en dépit des différents cheminements
utilisés pour y arriver, la plupart des pays européens sont en voie de mettre au point un système à
piliers multiples, qui intègre des régimes financés par répartition et des régimes pleinement
capitalisés, avec un lien étroit entre le niveau des prestations reçues et le montant des cotisations
versées. En ce qui concerne les systèmes de soins de santé, l’implantation d’une concurrence
dirigée semble se propager à tous les systèmes de santé nationaux; cette formule s’est aussi
implantée dans les systèmes d’assurance-maladie par l’intermédiaire d’une concurrence entre les
assureurs. Les politiques d’emploi fondées sur le concept d’activation sont largement répandues,
en dépit de différences considérables dans la façon dont les politiques sont mises en application.

Ce tableau, bien que très général, donne l’occasion de percevoir l’émergence de nouvelles
préoccupations et les fondements d’une restructuration de l’architecture sociale. De nos jours, tous
les gouvernements européens nationaux, ainsi que l’Union européenne, semblent reconnaître que
la politique sociale doit être compatible avec la poursuite de la compétitivité internationale. Elle
devrait aussi être « propice à l’emploi », en réduisant les coûts (notamment les coûts non
salariaux) et en offrant des prestations qui incitent à participer au marché du travail.

On pourrait soutenir que ces défis et ces transformations sont attribuables davantage à la
« mondialisation » qu’à l’intégration européenne en soi. Toutefois, c’est à l’intérieur du marché
unique européen que les entreprises européennes et les États ont font face à une concurrence
économique accrue. C’est aussi sous la pression des critères de l’Union monétaire européenne que
plusieurs pays ont modifié leurs politiques sociales. La recherche de nouvelles solutions est
devenue, à cet égard, un élément central du plan d’action européen, qui est maintenant en mesure
de mener le bal dans la démarche vers des réformes de la politique sociale au niveau national.

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