Un nouveau rôle pour les forêts et le secteur forestier dans les objectifs climatiques de l'Union européenne après 2020
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t h i n k f o r e s t Un nouveau rôle pour les forêts et le secteur forestier dans les objectifs climatiques de l’Union européenne après 2020
Par Gert-Jan Nabuurs1, Philippe Delacote2, David Ellison3, Marc Hanewinkel4, Marcus Lindner5, Martin Nesbit6, Markku Ollikainen7, Annalisa Savaresi8 1 Alterra-Wageningen UR, 2INRA, 3Université suédoise des sciences agricoles, 4Université de Freiburg, 5Institut européen des forêts, 6 Institut pour une politique européenne de l’environnement, 7 Université de Helsinki, 8Université d’Édimbourg Référence du rapport complet : A new role for forests and the forest sector in the EU post-2020 climate targets Gert-Jan Nabuurs, Philippe Delacote, David Ellison, Marc Hanewinkel, Marcus Lindner, Martin Nesbit, Markku Ollikainen, Annalisa Savaresi From Science to Policy 2, Institut européen des forêts, 2015 http://www.efi.int/files/attachments/publications/efi_fstp_2_2015.pdf
Les forêts européennes et le secteur forestier jouent un rôle signifi- catif dans le bilan des gaz à effet de serre de l’Union européenne. Ces forêts et leurs produits réduisent les émissions, améliorent les puits d’absorption, stockent le carbone et fournissent un flux continu de services écosystémiques, dont les produits ligneux, l’énergie et la conservation de la biodiversité. D’après une estimation, les forêts et le secteur forestier de l’Union européenne permettent actuellement une atténuation générale de l’incidence climatique d’environ 13 % par rapport aux émissions totales de l’UE. Cette estimation comptabilise l’action des forêts et des produits ligneux récoltés en tant que puits de carbone et stock de carbone, ainsi que l’effet de substitution des produits forestiers pour les produits et matières premières fossiles. Le moment est venu de porter un regard neuf sur les puits forestiers Au cours de ces vingt dernières années, le potentiel d’atténuation des forêts et du secteur forestier a été peu à peu intégré aux discussions internationales sur le changement climatique. Les règles existantes sont plutôt compliquées et n’offrent aux pays développés que des mesures limitées pour encourager l’atténuation dans le secteur fores- tier. La séquestration du carbone dans le sol étaient perçus comme instables et étaient essentiellement déterminés par les activités pas- sées. Par ailleurs, la conviction que les secteurs liés à l’usage du sol étaient difficiles à réguler, et que les résultats ainsi obtenus seraient minimes pour la réduction des émissions était largement répandue. Mais alors que les Parties du protocole de Kyoto négocient pour l’adoption d’un nouvel accord sur le climat en décembre prochain à Paris, une nouvelle approche ascendante des engagements en ma- tière de réduction des émissions a émergé. Cela a permis d’ouvrir la porte à de nouvelles approches visant à utiliser le potentiel d’atté- nuation du secteur forestier dans les pays développés. De nouvelles données ont en outre permis aux scientifiques de comprendre com- ment mieux utiliser le secteur forestier dans la lutte contre le change- ment climatique. Une meilleure utilisation du potentiel d’atténuation de ce secteur offrirait également de nombreux autres avantages, comme la génération de revenus et la préservation de la biodiversité. Politique c l i m at i q u e d e l ’ U n i o n e u r o p é e n n e a p r è s 2020 Pour l’heure, près de 45 % des émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne sont couverts par le Système communau- taire d’échange de quotas d’émission (SCEQE), qui regroupe plus de 11 000 installations d’envergure dans les industries énergétiques et manufacturières au sein des États membres. Les émissions pro- venant de secteurs non couverts par le SCEQE sont abordées dans la Décision de répartition de l’effort qui fixe les objectifs en matière d’émission annuelle de gaz à effet de serre pour les États membres entre 2013 et 2020. À l’heure actuelle, les émissions de CO2 produites par l’utilisation des terres, le changement d’affectation des terres et la foresterie (UTCATF) n’entrent dans aucune de ces options. L’Union européenne a déjà décidé que les émissions et ab- sorptions provenant de l’UTCATF seraient intégrées à sa politique 3
climatique mondiale pour 2030. Sa décision sur la procédure à suivre est quant à elle attendue en 2016. L’option visant à inclure l’UTCATF dans le SCEQE a été abandonnée. Trois options sont ac- tuellement possibles : développer des règles spécifiques à l’UTCATF, inclure l’UTCATF dans la décision de répartition de l’effort, ou déve- lopper un pilier distinct du secteur foncier pour l’UE. Contribution d e l a s y lv i c u lt u r e à l a p r o t e c t i o n d u c l i m at L’Union européenne montre une grande variété de climats régio- naux, de ressources forestières, de secteurs forestiers et leur impor- tance pour l’économie nationale. Si chaque État membre gère son patrimoine forestier et les demandes et utilisations associées de ma- nière indépendante, il existe néanmoins une bonne corrélation entre la réalisation d’un puits de carbone d’une part, et la fourniture de produits et d’énergie provenant du bois d’autre part. Les écosystèmes forestiers de l’Union européenne sont extrême- ment diversifiés et couvrent trois zones biogéographiques majeures (boréale, tempérée et méditerranéenne), avec des espèces, des taux Atmosphère Photosynthèse Déforestation hétérotrophe Respiration Respiration autotrophe Produits ligneux et résidus de récoltes Litières Bois dans la forêt Niveau séquestration Les forêts absorbent le dioxyde de carbone contenu dans l’atmosphère et capturent le carbone dans la biomasse, agissant ainsi comme un puits de carbone. Une partie de ce carbone est transféré dans le sol grâce à la litière, ou dans divers produits par le biais de la récolte. Les outils de gestion des forêts, tels que l’amélioration de la sylviculture, du boisement et du reboise- ment et la réduction de la déforestation augmentent la séquestration nette du carbone dans les forêts. En outre, la séquestration du carbone dans les produits ligneux à longue durée de vie retarde la libération de carbone dans l’atmosphère (levier séquestration). 4
de croissance et des traditions de gestion différents. L’écart qui en résulte en termes de potentiel de croissance et de taux d’utilisation des forêts dans les diverses chaînes de valeur donne lieu à une mul- titude d’options pour l’atténuation du changement climatique au sein des États membres. La contribution qu’apporte la sylviculture à la protection du climat intègre l’atténuation du changement climatique par l’utilisation des forêts et du secteur forestier ainsi que des politiques associées de façon à utiliser ces différentes caractéristiques et circonstances ré- gionales. Des douzaines de mesures peuvent être développées pour encourager la contribution de la sylviculture à la protection du climat en synergie avec d’autres secteurs. Voici quelques exemples : Un pays d’Europe centrale à forte densité boisée Dans un tel pays, une sylviculture à usages multiples est plébisci- tée, et de fortes demandes pour une meilleure protection de la biodi- versité coexistent avec les objectifs politiques en matière climatique. L’augmentation de la part de forêts strictement protégées optimi- serait les puits dans la biomasse forestière à moyen terme. Dans d’autres secteurs présentant un stock élevé croissant, celui-ci peut être réduit (produisant de nouveaux types de produits), tout en ré- duisant le risque de tempête. Combustion Combustion Oxydation Oxydation Bioénergie Compétition Carburants fossiles Autres produits Produits non ligneux ligneux Niveau substitution Le bois de chauffe et la bioénergie (ex., l’huile pyrolytique et le biocarburant de deuxième génération) peuvent se substituer aux carburants fossiles. Les produits ligneux peuvent remplacer les matériaux énergivores et gros géné- rateurs d’émissions. Les émissions associées à la consommation de produits ligneux étant généralement inférieures à celles créées par la consommation de produits non ligneux, elles peuvent permettre une diminution des émis- sions produites par les énergies fossiles (levier substitution). 5
Un pays exposé aux incendies Ce type de pays, dont l’industrie forestière est peu développée, est fortement perturbé par les incendies de forêt. Ici, la meilleure stra- tégie d’atténuation du carbone doit cibler la gestion des risques d’incendie et éventuellement l’utilisation locale de la biomasse fo- restière, conjointement à la régénération avec des espèces résistant à la sécheresse. À long terme, les espèces les mieux adaptées captu- reront plus de carbone et offriront un paysage plus attrayant pour le tourisme. Un pays industriel orienté vers l’industrie forestière Ce type de pays, qui présente un taux d’abattage/accroissement re- lativement faible de 70 %, par exemple, vise à relever ses taux d’uti- lisation des ressources et mise sur la bioéconomie, en particulier la production de produits nouveaux et supplémentaires qui dépen- daient autrefois de ressources non renouvelables (substitution). Une intensification des ressources est nécessaire dans certaines régions afin de créer des emplois et des revenus, tandis que dans d’autres régions à croissance plus marginale, des politiques devront être orientées vers les réserves forestières et la préservation du carbone dans les tourbières. Les i m p l i c at i o n s d ’ u n e t e ll e p o l i t i q u e Le potentiel pour les forêts de l’Union européenne de contribuer à l’adaptation et à l’atténuation du changement climatique n’est ac- tuellement pas optimisé et n’est pas encouragé par les politiques de l’Union européenne. Toutefois, à plus long terme, les forêts de l’UE pourront jouer un rôle plus important dans la lutte contre le change- ment climatique. Correctement encouragés, les États membres pour- raient avoir un effet supplémentaire combiné de 400 Mt de CO2/an d’ici 2030, soit l’équivalent de près de 9 % des émissions de CO2 de l’Union européenne à l’heure actuelle. Le changement climatique est un problème suffisamment impor- tant et urgent pour que chaque secteur y apporte sa contribution. Aucun secteur ne peut à lui seul résoudre le problème, et la solu- tion demandera du temps. Les solutions miracles n’existent pas. Toutefois, avec les mesures d’encouragement et les investissements appropriés, il est possible d’espérer une contribution significative des forêts, du secteur forestier et de la filière bois de l’UE. Décider d’un objectif d’absorptions par le secteur forestier à l’échelle de l’Union européenne Au vu des récents développements survenus dans le monde poli- tique, l’Union européenne devrait décider d’un objectif d’absorption par le secteur forestier au sein des États membres. Cet objectif pour- rait être progressivement revu à la hausse pour dépasser largement le puits actuel. Il pourrait être orienté non seulement vers une aug- mentation du puits forestier, mais également vers une augmentation de la contribution du secteur forestier au PIB, ce qui contribuerait à la pérennité de la sécurité énergétique de l’Union européenne. 6
Une réalisation graduelle des objectifs La réalisation de ces objectifs devrait se poursuivre après 2030 avec une phase initiale d’apprentissage et de mise en œuvre. Ceci permet- trait de procéder à d’éventuels ajustements et de vérifier l’impact de la politique carbone dans le secteur forestier, en particulier sur la ré- partition des terres entre sylviculture et agriculture. Graduellement, une comptabilité entièrement fondée sur les terres avec une ap- proche « nette » pourrait être intégrée à la comptabilité générale, évitant ainsi les failles entre le secteur de l’énergie et de l’UTCATF. Décider comment partager l’effort entre les États membres L’Union européenne devra décider comment partager l’effort entre les États membres en vue d’atteindre les objectifs dans l’ensemble de l’Union. L’approche optimale serait de poursuivre l’efficacité éco- nomique, éventuellement en se basant sur des considérations d’équi- té et de PIB. Si un nouveau piler UTCATF pour le secteur forestier est défini in- dépendamment de la décision de répartition de l’effort existante, il faudrait alors reconnaître la nécessité de créer des mesures d’encou- ragement supplémentaires limitées pour les États membres, à moins que ce pilier distinct ne soit lié à l’objectif (plus vaste) d’un pays. Associer un tel pilier à la décision de répartition de l’effort pour- rait potentiellement affaiblir les mesures visant à encourager les actions en faveur de l’atténuation dans les autres secteurs. Si les ob- jectifs du secteur forestier représentent une partie de la décision de répartition de l’effort, ou s’ils y sont associés, la quantité totale ad- missible d’émissions en vertu de la décision de répartition de l’effort devrait être réduite en vue de refléter la nouvelle disponibilité du po- tentiel d’atténuation rentable dans le secteur forestier. Revoir les politiques qui présentent un intérêt pour le secteur forestier Les politiques nationales et de l’Union européenne qui présentent un intérêt pour le secteur forestier devraient être examinées en fonc- tion de leur incidence sur le climat. Les politiques de l’Union euro- péenne, comme la Politique agricole commune, la Directive sur les énergies renouvelables et la Stratégie forestière ont toutes des inci- dences climatiques. Ces dernières doivent être revisitées et analysées à la lumière des objectifs politiques en matière climatique. Des chan- gements dans les politiques pourront être proposés en vue d’amé- liorer les synergies avec le potentiel d’atténuation du changement climatique. Atteindre les objectifs grâce à la contribution de la sylviculture à la protection du climat Une adaptation et une atténuation durables du changement clima- tique doivent être intégrées à la politique forestière et à la gestion des forêts en Europe, en portant une attention toute particulière aux circonstances, aux opportunités et aux défis régionaux. De nom- breuses mesures adaptées à ces circonstances régionales peuvent être mises en œuvre. Celles-ci doivent, autant que possible, être en synergie avec les autres objectifs de l’Union européenne pour le sec- teur forestier, tels que le développement de la bioéconomie et la pré- servation de la biodiversité. Certaines de ces mesures pourront être interprétées comme l’introduction d’éléments issus du principe de tarification du carbone. 7
Il devient urgent de renforcer la communication entre la communauté scientifique et les principaux responsables politiques européens. C’est pourquoi l’Institut européen des forêts, après consultation avec des experts de la politique forestière européenne soutient et encourage ThinkForest, un forum de discussion et de partage d’informations au niveau supérieur. ThinkForest offre une interface science-politique active et efficace, et favorise un dialogue ouvert et dynamique entre scientifiques et politiques sur les questions stratégiques ayant trait aux forêts. t h i n k f o r e s t C o n ta c t : Lauri Hetemäki Directeur adjoint European Forest Institute lauri.hetemaki@efi.int www.efi.int
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