Sommeil et santé publique - OVH.net
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éditorial Sommeil et santé publique Damien Léger Université Paris-Descartes Centre du sommeil et de la vigilance Centre de référence hypersomnies rares Hôtel Dieu (AP-HP) 1, place du Parvis-Notre Dame 75181 Paris cedex 04 N ous ne sommes plus les seuls à le dire, le sommeil est définitivement un enjeu de santé publique, et ce dossier de « Médecine du sommeil » vient le confirmer, apportant des réponses précises et une expertise dans des discussions qui sont au cœur de l’actualité et des débats de santé dans notre pays. • L’Éducation nationale et les rythmes scolaires : le sommeil des enfants et des adolescents est, nous le savons, perturbé par le développement des technologies de l’information (téléphone mobile, Internet, multimédias). La privation chronique de sommeil qui en résulte peut déranger l’apprentissage et l’accès à l’éducation. Francoise Delormas et Alain Nicolas de l’association PROSOM nous apportent dans ce dossier leur éclairage sur l’éducation au sommeil des enfants et des adolescents. Ce message bien compris et transmis peut être essentiel pour un meilleur respect du sommeil à l’école et au lycée. Dans le même esprit, soulignons la sortie de l’excellent DVD : « Le sommeil de l’enfant et de l’adolescent », un outil pratique pour les enfants, les parents et les enseignants. • Les effets de l’environnement sur la santé : les « Grenelle de l’environnement » dont les lois d’application sont au programme des dernières sessions du Parlement, ont souligné la nécessité de mieux qualifier les effets du bruit sur la santé, et le sommeil est au cœur de ce débat.Comme le précise l’Organisation mondiale de la santé : « le sommeil est le meilleur outil d’appréciation des effets du bruit sur la santé des populations exposées au bruit des avions ». Alain Muzet nous fait part dans ce dossier de son expertise reconnue à l’OMS comme à l’ACNUSA (Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires) sur les effets des différents facteurs d’environnement physique sur le sommeil. • Le travail de nuit et posté : plus de 20 % des travailleurs salariés travaillent de nuit. Les troubles du sommeil et de la vigilance, le risque accidentel,les conséquences cardiovasculaires et endocriniennes de ce travail de nuit sur la santé des salariés sont connues des spécialistes mais mal expliquées aux travailleurs eux-mêmes. Récemment, l’Institut international du cancer a reconnu le travail de nuit comme un facteur de risque pour le cancer du sein. Le 28 novembre, une réunion organisée au ministère de la Santé par la Direction générale de la Santé (DGS), la Direction générale du Travail (DGT), par la SFRMS (Société française de recherche et de médecine du sommeil), la SPLF (Société de pneumologie de langue française) et la SFMT (Société française de médecine du travail) a fait le point des connaissances scientifiques et des recommandations.Virginie Bayon, du Centre du sommeil de l’Hôtel-Dieu, fait dans ce dossier une synthèse de ces connaissances. • Redonner une place au sommeil dans une économie qui tend à fonctionner en continu : c’est le titre à la une du « Nouvel Économiste » du mois d’octobre dernier. Dans une tribune consacrée au sommeil, les journalistes expliquent combien le respect du sommeil est important pour la bonne marche de l’économie.L’insomnie,le plus fréquent des troubles du sommeil,a des conséquences importantes sur le fonctionnement diurne des patients mais aussi sur le plan de l’absentéisme, des accidents, de la qualité de vie. Ce sont ces conséquences qui sont également abordées dans ce dossier. Il y a bien d’autres débats de santé publique où le sommeil tient une place centrale. « Sommeil et rythmes de vie » est par exemple le thème retenu pour la prochaine journée nationale du sommeil le 18 mars 2009 organisée par l’INSV (Institut national du sommeil et de la vigilance). Les données que nous pourrons y apporter par l’épidémiologie, la recherche clinique et l’expertise pratique sont plus que jamais nécessaires à la qualité des discussions. Bibliographie - DVD : Sommeil de l’enfant et de l’adolescent. Réalisé en collaboration par le Réseau Morphée, l’UNAF, l’Académie de Paris avec le soutien de l’INPES et de Matelsom. - Grenelle de l’environnement : www.legrenelle-environnement.fr - Sommeil et travail : colloque organisé par la DGS, la DGT, la SFRMS, la SPLF et la SFMT le 28 novembre 2008, Ministère de la Santé. www.sante-jeunesse- sports.gouv.fr - Nuit blanche. Le Nouvel Économiste du jeudi 9 octobre 2008. www.nouveleconomiste.fr - Journée nationale du sommeil le 18 mars 2009 « Sommeil et rythmes de vie ». Institut national du sommeil et de la vigilance : ww.institut-sommeil-vigilance.org © 2008 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés. MEDECINE DU SOMMEIL - Année 5 - Octobre - Novembre - Décembre 2008 1
Rédacteur en chef Sylvie ROYANT-PAROLA (Paris) Rédacteurs en chef adjoints Hélène BASTUJI (Lyon) Nicole MESLIER (Angers) sommaire Rédaction Marie-José CHALLAMEL (Lyon) Bernard FLEURY (Paris) Damien LEGER (Paris) Joël PAQUEREAU (Poitiers) Michel TIBERGE (Toulouse) Éditorial Véronique VIOT-BLANC (Paris) Sommeil et santé publique Comité éditorial D. Léger ___________________________________________ 1 Coordonnateur : Joëlle ADRIEN (Paris) Isabelle ARNULF (Paris) Dossier : Sommeil et santé publique Alain BESSET (Montpellier) Les perturbations du sommeil par les facteurs physiques de l’environnement Michel BILLIARD (Montpellier) Marc-Louis BOURGEOIS (Bordeaux) et leurs répercussions sur la vie quotidienne Patrice BOURGIN (Stanford - USA) A. Muzet ______________________________________________________________ 5 Raymond CESPUGLIO (Lyon) Frédéric CHABOLLE (Suresnes) Bruno CLAUSTRAT (Lyon) Sommeil, somnolence et travail Yves DAUVILLIERS (Montpellier) Damien DAVENNE (Caen) V. Bayon, D. Léger ________________________________________________________ 10 Philippe DERAMBURE (Lille) Pierre ESCOURROU (Clamart) Éducation au sommeil chez les adolescents Patricia FRANCO (Lyon) Elisabeth FRIJA-ORVOËN (Paris) A. Nicolas ______________________________________________________________ 15 Eric HAZOUARD (Tours) Myriam KERKHOFS (Charleroi-Belgique) Conséquences économiques du manque du sommeil et son impact sur la Jean KRIEGER (Strasbourg) Didier LAGARDE (Paris) qualité de vie Gilles LAVIGNE (Montréal - Canada) Michel LECENDREUX (Paris) D. Léger _______________________________________________________________ 19 Patrick LEVY (Grenoble) Serge LUBIN (Paris) Pierre Hervé LUPPI (Lyon) Anne MALLART (Lille) Mise au point Jean-Claude MEURICE (Poitiers) Alain MUZET (Strasbourg) Le travail de la mémoire pendant le sommeil Alain NICOLAS (Lyon) L. Peter, B. Pachoud, P. Ravassard, P. Salin __________________________ 24 Marie-Pia d’ORTHO (Créteil) Jean-Louis PEPIN (Grenoble) Pierre PHILIP (Bordeaux) Isabelle POIROT (Lille) Robert POIRRIER (Liège-Belgique) Méthode d’évaluation Piero SALZARULO (Florence-Italie) ActiWave : nouvelle technologie d’enregistrement du sommeil Emilia SFORZA (Genève-Suisse) Jean-Louis VALATX (Lyon) Marie-Françoise VECCHIERINI (Paris) Test et faisabilité M. Elbaz, A. Metlaine, D. Léger _______________________________ 30 Comité FMC Coordonnateur : Marc REY (Marseille) Patricia BEUDIN (Clermont Ferrand) Cas clinique Olivier COSTE (Bordeaux) Histoire d’un cas clinique qui ne devrait plus exister : « Je vois des ombres... » Sylvie ESNAULT (Brest) Alain GISQUET( Paris) J.-J. Chavagnat, P. Guichard, J. Paquerau __________________________ 33 Marie-Françoise MATEO (Toulon) Jean-Louis PEPIN (Grenoble) Christophe PETIAU (Strasbourg) Marc SAPENE (Bordeaux) Actualités Directeur de la publication De retour de Glasgow... Daniel RODRIGUEZ M. Rey ____________________________________________ 35 Secrétaire de rédaction Parution d’un arrêté le 28 octobre 2008 relatif à l'inscription de l'orthèse Anne TRÉMEAUX e.mail : revue.medsom@gmail.com d'avancée mandibulaire O.R.M. des laboratoires NARVAL SA _______ 36 Revue éditée par ELSEVIER MASSON SAS 62, rue Camille-Desmoulins 92442 Issy-les-Moulineaux cedex Revue de presse ____________________________ 37 Tél/Fax : 01 71 16 55 55 RCS Nanterre B 542 037 031 Trimestriel : 4 numéros par an Calendrier ____________________________________ 37 Commission Paritaire : 0209 T 85636 ISSN 1769-4493 Revue imprimée par La Revue Médecine du Sommeil est publiée avec le soutien de la Marennes impression 17320 MARENNES Société Française de Recherche et Médecine du Sommeil MEDECINE DU SOMMEIL - Année 5 - Octobre - Novembre - Décembre 2008 3
dossier Sommeil et santé publique Les perturbations du sommeil par les facteurs physiques de l’environnement et leurs répercussions sur la vie quotidienne A. Muzeta a FORENAP 27, rue du 4e RSM – B.P. 27 68250 Rouffach Résumé Sleep disturbance due to Correspondance : Le sommeil doit être protégé des différentes environnemental factors alain.muzet@forenap.com and their impact on everyday life agressions et manipulations, volontaires ou non, tendant à réduire sa durée au bénéfice d’un éveil prolongé. Les troubles du sommeil Summary ont des origines variées mais il ne sera abordé Sleep must be protected against aggressions ici que les seules perturbations du sommeil and manipulations, made voluntarily or not, provoquées par les facteurs physiques de which tend to reduce its duration to the benefit notre environnement que sont le bruit et les of prolonged waking state. Sleep disturbances conditions thermiques extrêmes. Ces facteurs have various origins but only external factors de perturbation entraînent le plus souvent of our environment, such as noise and extreme une augmentation de l’éveil et des stades thermal ambient conditions, will be considered de sommeil léger au détriment des autres here.These disturbance factors generally lead stades de sommeil lent et du sommeil to increasing the waking time and time spent paradoxal. Les conséquences de ces in shallow sleep stages and to reducing time perturbations se répercutent sur la qualité spent in slow wave sleep and REM-sleep. The de la veille consécutive. La sensation de consequences of these disturbances are mainly fatigue due au manque de sommeil et la seen during the consecutive waking period. baisse de vigilance qui lui est associée, ainsi The sensation of fatigue due to the lack of sleep que la détérioration de l’humeur et des and the associated low vigilance level,together capacités cognitivo-motrices, modifient with the deterioration of mood and performance, sensiblement le comportement de l’individu modify the person's attitudes and in some cases et peuvent conduire dans certains cas à des can lead to serious consequences in terms of conséquences graves en termes de risques accident risks. de survenue d’accidents. Keywords Mots-clés Sleep disturbance, noise, ambient temperature, Perturbations du sommeil, bruit, température vigilance. ambiante, vigilance. MEDECINE DU SOMMEIL - Année 5 - Octobre - Novembre - Décembre 2008 © 2008 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés. 5
dossier LE SOMMEIL EN TANT INFLUENCE DE L’ENVIRONNEMENT PHYSIQUE QUE BESOIN PHYSIOLOGIQUE SUR LE SOMMEIL Le sommeil est un état physiologique fondamental dont l’intégrité La structure interne du sommeil est composée d’une succession conditionne la qualité de notre éveil et donc la qualité de notre de stades qui s’ordonne selon une organisation temporelle vie. Facteur déterminant de la croissance de l’individu, de son spécifique. Cette dernière peut être profondément affectée par équilibre physiologique et de ses capacités cognitives et des perturbations de l’environnement physique du dormeur mémorielles, il se doit d’être protégé des différentes agressions qui peuvent entraîner des changements de stades allant dans et manipulations tendant à réduire sa durée au bénéfice d’un le sens de l’allègement du sommeil ou des éveils de durée variable. éveil prolongé.Il est en effet généralement admis que l’interruption Ces modifications de la structure interne du sommeil ont pour du sommeil ou la fragmentation de celui-ci, liée aux perturbations conséquences une diminution significative des stades de sommeil répétées ou à sa réduction, volontaire ou non, peuvent avoir des à ondes lentes et du sommeil paradoxal, au bénéfice du stade effets à long terme sur la santé de la personne exposée. 1 ou de l’éveil. La réduction de la durée totale de sommeil peut, quant à elle,être due à une plus longue latence d’endormissement, Les troubles du sommeil ont des origines variées et certains à un éveil final plus précoce ou à l’existence de nombreux éveils d’entre eux peuvent être consécutifs à des perturbations externes nocturnes du sommeil. En Europe, des dizaines de millions de personnes se plaignent de façon chronique d’une mauvaise qualité de Bruit ambiant sommeil avec de difficultés d’endormissement et de maintien du sommeil, et près de 15% d’entre elles utilisent des médicaments Les perturbations du sommeil constituent souvent la plainte pour réduire ces troubles. Pour la plupart de ces personnes, les principale des populations exposées au bruit. En fait, la sensibilité conséquences d’un sommeil de mauvaise qualité se traduisent et la fragilité de cet état physiologique particulier mérite qu’on par une vie de moindre qualité.L’excès de fatigue et de somnolence lui accorde une attention particulière car il a été montré que le diurnes, allant de pair avec une diminution des performances et bruit nocturne dégrade la qualité du sommeil tant sur le plan de la productivité, ont un impact majeur tant sur le plan de la subjectif que sur le plan objectif [2]. D’une façon générale, le santé publique que sur celui de l’économie. Des travaux récents bruit ambiant peut perturber le sommeil nocturne et induire semblent indiquer que le déficit chronique de sommeil peut des éveils involontaires qui fragmentent le sommeil de la personne notamment avoir des effets spécifiques sur les régulations exposée. Ces effets dépendent toutefois du niveau sonore atteint métaboliques et le comportement alimentaire. Une réduction par le bruit, la fréquence de survenue de celui-ci et, dans une chronique de la durée du sommeil est associée en particulier à certaine mesure, de la différence existant entre le niveau des un risque accru d’obésité et de diabète. Il est donc nécessaire de événements sonores et le niveau du bruit de fond ambiant [3]. faire du sommeil un enjeu de prévention car les impacts médicaux De façon complémentaire, les effets du bruit nocturne sont et sociétaux de ses perturbations peuvent être très importants. souvent à l’origine d’une modification de la qualité de la veille lors de la journée qui suit ou encore d’une diminution des Parmi les atteintes auxquelles il est nécessaire de soustraire le capacités de travail ou des performances sensori-motrices lors sommeil, il faut compter les perturbations liées aux facteurs de cette même journée. physiques de notre environnement.Ces facteurs environnementaux sont le plus souvent négligés car les travaux expérimentaux Les causes des perturbations du sommeil d'origine sonore sont consacrés à l’étude de leur influence sur le sommeil sont très très diverses mais ce sont les bruits des transports terrestres et limités. Seuls deux d’entre eux, le bruit ambiant et les conditions aériens qui constituent les sources de gêne et de perturbation thermiques extrêmes, ont concentré l’essentiel des recherches les plus marquées. Si un grand nombre d’études ont été et sont dans ce domaine. Si le deuxième de ces facteurs a un impact toujours consacrées aux effets des bruits d’avions [4, 5], la gêne souvent limité dans le temps, le premier est considéré, à juste exprimée et surtout les altérations objectives du sommeil, ne sont titre, comme étant une nuisance environnementale majeure. Le pas moindres pour les bruits du trafic routier ou les bruits de train bruit fait partie de notre environnement quotidien mais c’est [6]. Toutes ces sources sonores peuvent interagir dans un toutefois la période du sommeil qui constitue le moment privilégié environnement où l’on ne peut négliger des sources plus proches pour une protection des individus contre les nuisances sonores. mais non moins perturbantes que sont les bruits de voisinage. En France notamment, l’Autorité de contrôle des nuisances Le bruit peut entraîner une diminution du temps total de sommeil sonores aéroportuaires (ACNUSA) a concentré ses principales par l’action conjuguée d’une plus longue durée d’endormissement, recommandations de limitation du niveau de bruit produit par d’éveils nocturnes prolongés ou encore d’un éveil précoce non les aéronefs sur la période nocturne, en considérant que la priorité suivi d’un nouvel endormissement. Cette perturbation peut être était de protéger le sommeil des riverains des aéroports. De la constatée pour des niveaux d’exposition relativement faibles. même façon, l’OMS mène une lutte très active contre le bruit et Il a ainsi été montré que des bruits intermittents ayant une bon nombre de ses recommandations portent plus précisément intensité maximale de l’ordre de 45 dB(A) (niveau mesuré à sur la protection du sommeil des personnes [1]. Malheureusement, l’intérieur des locaux), peut augmenter la latence d’endormissement le développement des besoins de déplacement de la population de quelques minutes à près de 20 minutes [7]. En ce qui concerne active et l’absence de moyens de transport silencieux, tout comme les éveils « intra-sommeil », on note d’une part, une grande la présence parfois marquée de bruits de voisinage, réduisent variabilité dans la capacité d'observer un éveil pour un stade notablement les périodes de silence auxquelles nous aspirons. de sommeil donné et d’autre part, que les seuils d'éveil diminuent 6 MEDECINE DU SOMMEIL - Année 5 - Octobre - Novembre - Décembre 2008
A. Muzet Les perturbations du sommeil par les facteurs physiques de l’environnement et leurs répercussions sur la vie quotidienne au fur et à mesure que le temps cumulé de sommeil augmente. indique que l’organisme du dormeur continue à réagir à ces De ce fait, au cours des heures matinales, les bruits ambiants perturbations environnementales, même si celles-ci passent peuvent plus facilement éveiller un dormeur et l’empêcher de complètement inaperçues pour ce dernier.Ces réponses végétatives retrouver le sommeil et c’est ce réveil prématuré qui est souvent ne présenteraient en fait aucune conséquence particulière à à l’origine d’une forte réduction du temps de sommeil total. long terme si elles étaient susceptibles de disparaître avec le Le seuil d’intensité sonore à partir duquel des éveils sont observés temps. Or, il n’en est rien et la permanence de telles réponses varie en fonction du stade de sommeil dans lequel se trouve végétatives sur des périodes d’exposition très longues constitue plongé le dormeur. Ce seuil d’éveil est plus élevé en stades 3 et 4 un phénomène dont on ne peut exclure, a priori, d’éventuelles qu’en stades 1 et 2.Ce seuil dépend par ailleurs des caractéristiques conséquences cliniques à long terme sur l’organisme du dormeur physiques du bruit et également, très fortement, de la signification [11]. Des travaux épidémiologiques récents montrent qu’il existe de celui-ci. Ainsi, un bruit ayant une intensité croissante rapide de nombreux éléments qui permettent d’associer l’exposition a un effet éveillant plus marqué qu’un bruit s’établissant plus chronique aux bruits des transports à une plus grande prévalence lentement, même si l’intensité maximale est identique. De même, des troubles cardiovasculaires tels que l’hypertension artérielle le nom du dormeur prononcé à voix basse a un pouvoir éveillant ou les maladies ischémiques cardiaques [12]. Dans ce contexte, que n’a pas un bruit neutre, et un bruit d’alarme réveille plus la contribution de l’exposition nocturne reste à définir mais on facilement le dormeur qu’un bruit n’ayant pas de signification ne peut l’exclure tant la réactivité cardiovasculaire au bruit au particulière. cours du sommeil est marquée. Sous l’effet du bruit, il peut survenir des changements immédiats Un certain degré d’habituation au bruit ambiant existe au cours dans la structure intime du sommeil et notamment des changement du sommeil car l’on observe le plus souvent une disparition de stades de sommeil, qui se font toujours dans le sens d’un progressive de la plainte subjective après plusieurs jours ou allègement de ce dernier.Ces modifications ne sont pas perceptibles plusieurs semaines d’exposition aux perturbations sonores. par le dormeur et il faut utiliser des enregistrements polygraphiques Toutefois, cette habituation reste incomplète car les modifications pour pouvoir les mettre en évidence. La perturbation d’une cardiovasculaires provoquées par les événements sonores séquence normale de sommeil (sans qu’un éveil soit nécessairement persistent pendant des périodes d’exposition de longue durée provoqué) peut être observée pour un niveau sonore momentané [13, 14]. Cette dissociation entre une habituation subjective rapide de l’ordre de 45 à 50 dB(A). Carter indique, par exemple, que la et la permanence de certains effets végétatifs est préoccupante quantité de sommeil à ondes lentes peut être sensiblement car elle peut constituer un facteur de risque chez des personnes réduite chez le jeune dormeur soumis à des bruits au cours de qui sont exposées depuis plusieurs années aux bruits nocturnes son sommeil [8]. Il a également été montré que la rythmicité mais qui se déclarent peu ou pas gênées par cette situation. interne du sommeil paradoxal peut être notablement perturbée Si il existe peu de différences entre les sexes en ce qui concerne lors d’une exposition nocturne au bruit [9, 10]. Ainsi, l’instabilité les effets objectifs du bruit sur le sommeil, il existe néanmoins du sommeil provoquée par le bruit entraîne une fragmentation des différences notables en fonction de l’âge des personnes de sa structure et, par là même, un amoindrissement de sa qualité. exposées.Ainsi,les personnes âgées se plaignent plus fréquemment Si la fréquence des bruits nocturnes augmente, le nombre de des perturbations de leur sommeil dues au bruit ambiant que modifications du processus hypnique ou d’éveil nocturnes les personnes plus jeunes. Les premières sont également celles augmente également, mais pas toujours de façon proportionnelle. qui présentent le plus d’éveils spontanés au cours du sommeil Toutefois, lorsque le nombre de bruits est important ou que le et l’on peut se demander si elles sont effectivement plus sensibles niveau sonore de ceux-ci est élevé, le moindre éveil nocturne au bruit ou si elles ne sont pas plus en mesure de les entendre peut se prolonger en raison de la persistance de la perturbation lors de leurs périodes nocturnes d’insomnie. Les enfants sont et, dans ce cas, la fragmentation du sommeil peut être très résolument moins sensibles au bruit ambiant tant sur le plan marquée. Une telle perturbation du sommeil nocturne peut alors subjectif qu’en ce qui concerne leur seuil d’éveil, mais leur entraîner une fatigue notable au cours de la journée suivante, réactivité végétative est identique, voire supérieure à celle se traduisant par des épisodes d’hypovigilance ou des capacités observée chez l’adulte [15]. de travail réduites. L’environnement thermique Les éveils nocturnes et les modifications de la structure interne du sommeil ne sont pas les seuls effets liés à la présence des Lorsque l’homme dort dans des conditions habituelles de bruits. Si, pour la population générale, les éveils peuvent être couchage et de température, il s’établit progressivement un obtenus pour des intensités sonores de 55 dB(A) et plus, la microclimat autour du dormeur de par la perte de chaleur de perturbation d’une séquence normale de sommeil peut apparaître son corps chaud au bénéfice du lit placé initialement à la pour des niveaux inférieurs. Rappelons que les valeurs température ambiante de la pièce. Ce microclimat est ensuite recommandées par l’OMS à l’intérieur de la chambre à coucher maintenu très stable tout au long de la nuit [16, 17]. Ainsi, une sont de Laeq, 8h = 30 dB et de LAmax = 45 dB [1]. Cependant, température ambiante de la chambre de l’ordre de 19 à 22°C cela ne signifie en aucune façon que pour des niveaux maxima permet d’obtenir un microclimat au niveau de la peau du dormeur inférieurs à ces valeurs, il n’existe plus d’effet visible du bruit. qui se situe à l’intérieur de la zone de neutralité thermique propre Des réponses végétatives, telles que des modifications du rythme au sommeil. L’échauffement de la « niche climatique » se réalisant cardiaque ou encore des phénomènes vasomoteurs, peuvent au sein du lit se fait donc par un transfert de chaleur de la peau être observées pour des niveaux de bruit bien inférieurs. Ceci vers le couchage, transfert qui est facilité par la vasodilatation MEDECINE DU SOMMEIL - Année 5 - Octobre - Novembre - Décembre 2008 7
dossier des vaisseaux cutanés apportant du sang chaud du noyau vers l’expression d’un état de fatigue avec, comme corollaire, une l’écorce corporelle. Cette perte de chaleur par le corps du dormeur perte de motivation, une réduction des activités et une recherche se fait de façon préférentielle au cours du sommeil lent profond de repos compensateur. qui occupe la partie initiale du sommeil [18] et elle favorise la chute de la température centrale observée lors de la première Évaluations subjectives heure de sommeil [19].Dans une gamme de température ambiante L’évaluation subjective d’une mauvaise qualité de sommeil relativement large, il est possible d’observer une relation inverse constitue souvent le seul moyen de révéler la perturbation de entre celle-ci et la rythmicité de survenue des phases du sommeil celui-ci. Les enregistrements physiologiques du sommeil sont paradoxal. Ainsi, pour des températures ambiantes allant de 13 trop coûteux et difficiles à réaliser sur de grands effectifs alors à 25°C, la périodicité du rythme du sommeil paradoxal passe de que les questionnaires permettent de recueillir un grand nombre 108 à 85 minutes [20]. De façon parallèle, l’accumulation interne de témoignages dans un laps de temps beaucoup plus court. Il de chaleur dans la période qui précède le sommeil induit une est toutefois important de souligner que les résultats s’appuyant augmentation du sommeil à ondes lentes dans le sommeil sur les plaintes subjectives de sommeil perturbé ne sont pas consécutif, que cet apport de chaleur soit passif, comme dans toujours superposables aux résultats issus des enregistrements le cas d’un bain chaud, ou actif, dans le cas d’un exercice physique physiologiques. Ainsi, certains dormeurs se plaignent d’un intense [21, 22]. sommeil de mauvaise qualité alors qu’aucune modification Les quelques études consacrées à l’impact d’une ambiance majeure de la structure de celui-ci n’est objectivement constatée. thermique extrême sur le sommeil montrent que l’exposition À l’inverse, il a été montré que dans le cas d’une exposition au froid ou à la chaleur entraîne généralement une perturbation modérée aux bruits extérieurs, la plupart des dormeurs montrent de la structure du sommeil se traduisant par une augmentation une habituation subjective progressive à leur environnement des éveils intra sommeil, une diminution du sommeil à ondes alors que les effets cardio-vasculaires provoqués par ces bruits lentes et une fragmentation du sommeil paradoxal [23-25]. Le sont permanents sur de très longues durées d’exposition [13, problème essentiel est qu’au cours du sommeil les moyens 14]. De telles différences incitent donc à la plus grande prudence physiologiques assurant la thermorégulation du dormeur ne quant aux effets supposés s’appuyant sur les seuls témoignages fonctionnent pas aussi bien que lorsque ce dernier est réveillé subjectifs. [18]. En sommeil paradoxal notamment, ses capacités L’utilisation de questionnaires appropriés sert également à thermorégulatrices sont très diminuées et il s’ensuit une apprécier la forme et l’humeur du dormeur au lendemain des fragmentation du sommeil qui est consécutive au choix devant nuits perturbées. Ainsi, la perturbation nocturne est souvent lequel se trouve placé le dormeur entre le maintien du sommeil prise pour cause des conséquences diurnes que sont la fatigue et les risques d’une dérive progressive de sa température centrale ou encore la baisse de la motivation ou des capacités de [19]. La réduction quantitative du sommeil à ondes lentes et du concentration intellectuelle. Ces effets secondaires peuvent sommeil paradoxal peut déjà être observée pour des températures exister de façon plus ou moins permanente selon la durée de ambiantes supérieures à 32°C [23,24]. A court terme il ne semble l’exposition aux perturbations et ils constituent, sans aucun pas exister d’adaptation du sommeil à la chaleur, en dépit de la doute, des effets majeurs et très mal vécus. mise en jeu de mécanismes de thermorégulation plus efficaces [26].Pour certains auteurs, l’exposition au froid perturbe davantage Autres effets secondaires la structure du sommeil que l’exposition au chaud [27] alors que dans le cas d’une exposition au froid modéré, il a pu être observé Des mesures instrumentales peuvent être utilisées pour apprécier une augmentation du stade 4 sans modification notable du le niveau des performances diurnes à des tâches simples ou sommeil paradoxal [28]. Par ailleurs, l’effet anesthésiant du froid complexes. Il a été ainsi montré que les performances obtenues intense s’ajoute à la déficience de la thermorégulation et peut au lendemain de nuits perturbées par le bruit étaient aboutir rapidement à la mort. significativement dégradées par rapport à celles obtenues au lendemain de nuits non perturbées [29, 30]. De façon similaire, il est également possible d’effectuer des dosages urinaires ou CONSÉQUENCES D’UN SOMMEIL sanguins permettant de révéler l’existence de témoins biochimiques reflétant les perturbations subies par l’organisme PERTURBÉ SUR LA QUALITÉ DE VIE et notamment les hormones liées au stress [31]. Cependant, ces Les perturbations du sommeil se traduisent le plus souvent par techniques sont difficiles à mettre en œuvre sur le terrain et peu des effets perceptibles ou mesurables lors de la période de veille d’études les ont utilisées jusqu’à présent. suivante. La perception même de la perturbation constitue un Dans bon nombre de cas, une augmentation de la somnolence motif de plainte de la part de la personne exposée, tant en ce diurne et le besoin d’un repos compensateur, comme la sieste, qui concerne la qualité du sommeil lui-même que celle de la sont les signes d’une durée et d’une qualité de sommeil non journée consécutive. À cette perception subjective est souvent satisfaisantes. Dans les pays industrialisés, on estime que 10 à associée une dégradation de la qualité de l’éveil qui peut être 20% de la population adulte se plaint de somnolence diurne exprimée, ou non, de façon consciente par la personne concernée. [32]. Celle-ci résulte notamment de causes pathologiques mais Cette dégradation de l’état physiologique se traduit le plus aussi sans doute de nombreuses causes comportementales et souvent par une diminution de l’état vigile entraînant une environnementales. Plus le manque de sommeil augmente et réduction des performances, une dégradation de l’humeur, plus la somnolence s’accroît, qu’elle soit objectivée par les tests 8 MEDECINE DU SOMMEIL - Année 5 - Octobre - Novembre - Décembre 2008
A. Muzet Les perturbations du sommeil par les facteurs physiques de l’environnement et leurs répercussions sur la vie quotidienne de latence d’endormissement ou par l’emploi des échelles and Man, ICBEN, vol 3, Nice: INRETS.1993:331-8. subjectives [33, 34]. [8] Carter NL. Transportation noise, sleep, and possible after-effects. Environm Internat 1996; 22: 105-16. La perturbation principale du sommeil est donc très certainement [9] Naitoh P, Muzet A, Lienhard JP.Effects of noise and elevated temperature on sleep la réduction de sa durée ou encore sa fragmentation répétée. cycle. 2nd International Congress of Sleep Research. In: Sleep Research 4, Edimburgh. 1975:174. Bien que l’on puisse réduire son temps de sommeil de façon [10] Thiessen GJ. Effect of traffic noise on the cyclical nature of sleep. J Acoust Soc volontaire et limitée sans conséquence marquée, cela n’est plus Am 1988;84:1741-3. le cas lorsque cette réduction chronique de sommeil se prolonge. [11] Carter NL. Cardiovascular response to environmental noise during sleep. 7th Cette privation de sommeil prolongée s’accompagne alors de International Congress on Noise as a Public Health Problem, Australia, 1998. p 439- fatigue chronique, d’une baisse marquée de l’état vigile, d’une 44. [12] Babisch W. Transportation noise and cardiovascular risk: updated review and diminution de la motivation et d’une baisse de la qualité du synthesis of epidemiological studies indicate that the evidence has increased. Noise travail accompli. Dans certains cas, cet état est même propice à & Health 2006;8:1-29. la survenue d’un accident se produisant au cours du travail ou [13] Muzet A, Ehrhart J. Habituation of heart rate and finger pulse responses to noise sur le chemin conduisant à celui-ci. « Lorsque le sommeil est during sleep. In: Tobias JV et al. (eds), Noise as a Public Health Problem. Rockville, Maryland: ASHA report 1980;10:401-4. perturbé, les capacités individuelles diminuent et les performances [14] Vallet M, Gagneux JM, Clairet JM et al. Heart rate reactivity to aircraft noise after psychomotrices et cognitives (…) sont les premières à être détériorées. a long term exposure. In: Rossi G (ed), Noise as a public health problem. Milano: La réalisation de tout travail devient de plus en plus pénible. Les Centro Ricerche E Studi Amplifon, 1983:965-71. tâches les plus affectées par la privation de sommeil sont celles qui [15] Muzet A, Ehrhart J, Eschenlauer R et al. Habituation and age differences of cardiovascular responses to noise during sleep: In: Koella WP, Sleep 1980. Basel sont, soit complexes, soit inintéressantes, soit de longue durée et Karger;1981:212-5. demandant une attention soutenue, soit enfin les tâches [16] Candas V, Libert JP, Vogt JJ et al. Body temperature during sleep under different insuffisamment ou nouvellement apprises » [33]. Ce tableau est thermal conditions. In: Fanger PO and Valbjorn O (eds), Indoor Climate: Effects on assimilable à celui d’un état de stress marqué que l’on trouve Human Comfort, Performances and Health. Copenhagen: Danish Building Research Institute, 1979: 763-76. assez souvent chez des personnes anxieuses ayant des niveaux [17] Muzet A, Ehrhart J, Libert JP et al. The effects of thermal environment on sleep de responsabilité élevés ou qui effectuent des tâches difficiles stages. In: Fanger PO and Valbjorn O (eds), Indoor Climate: Effects on Human et qui n’arrivent pas à trouver ou à ménager un repos compensateur Comfort, Performances and Health, Copenhagen: Danish Building Research nécessaire. Cet état est souvent complété par des difficultés Institute, 1979:753-61. [18] Libert JP, Candas V, Muzet A et al. Thermoregulatory adjustments during SWS relationnelles tant dans la sphère familiale que dans le domaine and REM sleep in man. In: Sleep 1978. Basel: Karger;1980:305-7. socioprofessionnel. [19] Sagot JC, Amoros C, Candas V et al. Sweating responses and body temperature during nocturnal sleep in humans. Am J Physiol 1987;252:R462-70. [20] Muzet A, Ehrhart J, Candas V et al. REM sleep and ambient temperature in man. CONCLUSION Intern J Neurosci 1983;18:117-26. [21] Bunnel DE, Agnew JA, Horvath SM et al. Passive body heating and sleep: Influence of proximity to sleep. Sleep 1988;11:210-9. Le sommeil est un état susceptible d’être perturbé de façon plus [22] Horne JA, Reid AJ. Night time sleep EEG changes following body heating in a ou moins marquée par les stimulations des facteurs physiques warm bath. Electroencephal clin Neurophysiol 1985; 60:154-7. environnementaux. Mais c’est surtout par ses effets secondaires [23] Karacan I, Thornby JI, Anch AM et al. Effects of high ambient temperature on que la perturbation du sommeil prend toute son importance. sleep in young men. Aviat Space Environ Med 1978;49:855-60. La sensation de fatigue due au manque de sommeil et la baisse [24] Kendel K, Schmidt-Kessen W.The influence of room temperature on night sleep in man (Polygraphic night-sleep recordings in the climatic chamber). In: Levin P & de vigilance qui lui est associée ainsi que la détérioration de Koella WP (eds), Sleep, 1973. Basel: Karger;1974:423-5. l’humeur et des gestes quotidiens modifient sensiblement le [25] Muzet A, Libert JP, Candas V. Ambient temperature and human sleep. comportement de l’individu et peuvent conduire dans certains Experientia 1984;40:425-9. cas à des conséquences graves en termes de qualité de vie ou [26] Libert JP, Di Nisi J, Fukuda H et al. Effect of continuous heat exposure on sleep de risques de survenue d’accidents. Il est donc nécessaire de stages in humans. Sleep 1988;11:195-209. [27] Haskell EH, Palca JW, Walker JM et al. The effects of high and low ambient protéger le sommeil de façon adaptée afin de réduire l’influence temperatures on human sleep stages. Electroencephal Clin Neurophysiol de ces facteurs physiques indésirables dont on connaît l’impact 1981;51:494-501. néfaste à très court terme mais dont on ignore le plus souvent [28] Sewitch DE, Kittrell EMW, Kupfer DJ et al. Body temperature and sleep architecture les effets réels à long terme. in response to a mild cold stress in women. Physiol Behav 1986;36:951-7. [29] Wilkinson RT, Campbell KB. Effects of traffic noise on quality of sleep: assessment by EEG, subjective report, or performance the next day. J Acoust Soc Am 1984;75:468-75. Références [30] Öhrström E. Effects of low levels of road traffic noise during the night: a laboratory study on number of events, maximum noise levels and noise sensitivity. [1] WHO, Local authority and environnement. Noise and health. Geneva: WHO, 2000. J Sound Vib 1995;179(4):603-15. [2] Griefahn B, Scheuch K, Jansen G et al. Protection goals for residents in the vicinity [31} Babisch W, Fromme H, Beyer A, Ising H. Increased catecholamine levels in urine of civil airports. Noise and Health 2004;6:51-62. in subjects exposed to road traffic noise: the role of stress hormones in noise [3] Muzet A. Environmental noise, sleep and health. Sleep Medicine Reviews research. Environment International 2001;26:475-81. 2007;11:135-42. [32] Léger D, Giordanella JP. Quelques données épidémiologiques sur le sommeil de [4] Muzet A. Les effets du bruit sur le sommeil. Acoustiques et Techniques la population française. In : Sommeil : un enjeu de santé publique. Monaco: Alpen 2002;28:13-19. Editions, 2005 :10-5. [5] Basner M, Glatz C, Griefahn B et al. Aircraft noise: effects on macro- and [33} Davenne D. Les conséquences d’un mauvais sommeil sur la qualité de la microstructure of sleep. Sleep Medicine 2008;9(4): 382-7. journée qui suit. In : Sommeil : un enjeu de santé publique. Monaco :Alpen Editions, [6] Griefahn B, Marks A, Robens S. Noise emitted from road, rail and air traffic and 2005 :112-7. their effects on sleep. J Sound Vib 2006;295:129-40. [34] Jones K, Harrison Y.Frontal lobe function, sleep loss and fragmented sleep.Sleep [7] Öhrström E, Research on noise since 1988: present state. In: Vallet M (ed), Noise Medicine Reviews 2001;5(6):463-75. MEDECINE DU SOMMEIL - Année 5 - Octobre - Novembre - Décembre 2008 9
dossier Sommeil et santé publique Sommeil, somnolence et travail V. Bayona*, D. Légera a Centre du sommeil et consultation de pathologie professionnelle Hôtel-Dieu (AP-HP) Résumé Sleep, somnolence et travail 1, place du Parvis-Notre Dame 75181 Paris cedex 04 Les relations entre sommeil, somnolence et travail sont étroites. L’insomnie est fréquente Summary * Auteur correspondant : chez les adultes au travail. Elle augmente le There are close relationships between sleep, virginie.bayon@htd.aphp.fr risque d’absentéisme et d’accidents du travail, daytime sleepiness and work. Insomnia is les erreurs au travail et diminue l’efficacité. frequent among work population and it increases Certaines conditions de travail : travail de risks for absenteeism, work accidents, work nuit, horaires décalés, surcharge mentale, impairment and low productivity. Some work environnement physique perturbé (bruit, conditions such as night or shift work, high température élevée) favorisent l’insomnie. work demand and physical environment (noise, La somnolence au travail, liée aux light) may lead to sleep disorders. Somnolence hypersomnies ou à la privation chronique at work due to hypersomnia or sleep deprivation de sommeil, a pour principale conséquence is also at risk and may cause accidents and les accidents mais aussi le manque de cognitive impairments. One worker out of four concentration au travail, les difficultés de around the world is a night or shift worker. compréhension, le manque de décision. Sleep and wake disorders are highly prevalent in shift worker. More recently and increased Le travail de nuit ou posté concerne plusieurs risk of breast cancer has been identified in night millions de travailleurs salariés en France. worker females. Les troubles du sommeil et de vigilance sont très fréquents chez ces sujets et le risque de Keywords cancer du sein chez les femmes travaillant de nuit a été clairement démontré. Somnolence, insomnia, work, shift work, prevention. Mots-clés Somnolence, insomnie, travail, travail de nuit, prévention. 10 © 2008 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés. MEDECINE DU SOMMEIL - Année 5 - Octobre - Novembre - Décembre 2008
V. Bayon, D. Léger Sommeil, somnolence et travail INTRODUCTION 81% des sujets travaillaient de jour, 3% de nuit et 16% en travail posté. Les liens entre sommeil et travail sont évidents. Les journées de Les accidents de travail semblaient plus fréquents chez les semaine conjuguent traditionnellement 8 heures de travail, insomniaques sévères que chez les bons dormeurs : 8% des 8 heures de sommeil et 8 heures de « temps libre ». En médecine insomniaques sévères et 1% des bons dormeurs rapportaient du travail, les enquêtes rapportent que 20 à 40% des salariés se avoir eu un ou plusieurs accident(s) de travail pendant les derniers plaignent de mauvais sommeil [1, 2, 3]. Pourtant, ces troubles douze mois (p=0,0150) avec une moyenne de 0,07 accident par sont peu pris en charge dans le milieu professionnel. Le sommeil insomniaque sévère et de 0,01 accident par bon dormeur reste du domaine privé, même si certains troubles concernent (p=0,0550). spécifiquement le travail soit parce que leurs conséquences sont non négligeables pour l’aptitude au poste de travail, soit parce Les arrêts de travail étaient aussi plus fréquents chez les qu’ils résultent des conditions de travail elles-mêmes: travail insomniaques sévères.Trente et un pour cent d’entre eux avaient posté, décalage horaire, charge physique ou mentale de travail. eu au moins un arrêt de travail dans les douze derniers mois contre 19% des bons dormeurs (p=0,0384).Certains insomniaques Pour le praticien, cette relation entre travail et sommeil revêt sévères avaient eu jusqu’à 15 arrêts de travail l’année passée une importance particulière.Il est en effet important de considérer contre un maximum de quatre arrêts chez les bons dormeurs. les implications sur le travail d’une pathologie du sommeil, car La durée moyenne d’un arrêt de travail était de 5,4 jours pour elle peut en faire la gravité. un insomniaque sévère et 3,6 jours pour un bon dormeur (NS). Les conséquences professionnelles de la somnolence au travail Cette enquête montre que l’insomnie peut aussi avoir des sont donc un enjeu important de santé publique. De plus, le conséquences matérielles au travail. Quinze pour cent des travail, de part ses horaires irréguliers, peut occasionner la insomniaques sévères disent avoir fait des erreurs potentiellement survenue de troubles du sommeil et la perturbation des rythmes sérieuses à leur travail pendant le dernier mois contre 6% circadiens est de plus en plus étudiée compte tenu de ses seulement des bons dormeurs. Dix-huit pour cent disent avoir conséquences à court et long termes sur l’organisme humain. du mal à être clair dans leurs explications au travail contre 8% Après avoir détaillé les relations entre pathologies du sommeil des bons dormeurs (p=0,0004). Enfin, 12% disent avoir été en et travail, nous aborderons les moyens de surveillance et les retard au travail le mois dernier à cause du sommeil contre 6% conseils de prévention possibles. des bons dormeurs (NS). Une autre étude comparant 369 sujets insomniaques à un groupe de 369 sujets bons dormeurs a retrouvé un taux d’absentéisme RELATIONS ENTRE TROUBLES DU SOMMEIL trois fois plus élevé chez les insomniaques. Le nombre d’accidents ET TRAVAIL de la circulation était plus important chez les insomniaques par rapport aux bons dormeurs. De même, les insomniaques Insomnie et travail rapportaient une moins bonne efficacité dans leur travail que les bons dormeurs [6]. L’insomnie a une prévalence élevée dans la population générale Des résultats similaires ont été retrouvés par d’autres études. où elle touche un adulte sur cinq. Il est donc naturel que les Leigh, en 1991, dans une étude réalisée chez 1308 travailleurs, travailleurs se plaignent régulièrement d’insomnie. démontre que l’insomnie est le facteur prédictif le plus fiable Dans une étude réalisée en 1997 en collaboration avec la SOFRES (parmi 24 variables) de l’absentéisme au travail [7]. Lavie en 1981, chez 12778 français adultes, l’influence de la profession sur la en Israël, a montré que la satisfaction au travail dépendait prévalence de l’insomnie sévère a été recherchée [4]. Dans la étroitement de la qualité du sommeil et que les insomniaques population générale française, la prévalence de l’insomnie sévère avaient une moins bonne productivité au travail [2]. Johnson et définie par la présence d’au moins deux symptômes nocturnes Spinweber ont également retrouvé, dans la marine américaine, (difficultés d’endormissement, réveils nocturnes fréquents, réveil que les insomniaques étaient plus lents au travail et avaient précoce, manque de sommeil) associés à des répercussions moins d’avancement professionnel que les bons dormeurs [8]. diurnes au moins trois fois par semaine et depuis un mois selon les critères du DSMIV, est estimée à 9% (6% chez les hommes et Les origines professionnelles de l’insomnie 12% chez les femmes). Les conditions de travail sont souvent rapportées par les Les chiffres bruts laissent penser que les employés souffrent insomniaques comme étant à l’origine de leurs troubles du plus d’insomnies (10%) que les agriculteurs (6%). En réalité, cette sommeil. Quarante pour cent des insomniaques chroniques différence est induite par l’effet des co-facteurs âge et sexe. La peuvent précisément donner une cause au début de leur trouble. proportion de femmes est, par exemple, plus importante chez Pour 20% d’entre eux, la cause est professionnelle : licenciement, les employés. En séparant les sexes, on retrouve la plus haute conflit, surcharge de travail. Dans la population générale étudiée, prévalence d’insomnie sévère chez les ouvrières (15%) et la plus la prévalence de l’insomnie sévère double dans la tranche d’âge basse chez les agriculteurs (3%). 25-34 ans [4]. La cause évoquée est souvent d’origine familiale Dans une autre étude, les conséquences professionnelles de pour les femmes (grossesses, enfants jeunes) et d’origine l’insomnie ont été évaluées en comparant des insomniaques professionnelle chez les hommes. sévères qui travaillent à des professionnels bons dormeurs [5]. En dehors des conditions de travail perturbant classiquement Dans le groupe étudié, les horaires de travail étaient comparables : le sommeil et qui seront décrites plus loin (travail posté, MEDECINE DU SOMMEIL - Année 5 - Octobre - Novembre - Décembre 2008 11
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