Festival - Festival automne
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
Festival d’automne Du 10 septembre au 31 décembre, dans 45 lieux à Paris et en Ile-de-France « Achterland », d’Anne Teresa De Keersmaeker. Une pièce majeure de la chorégraphe à l’honneur cette année. ANNE VAN AERSCHOT Sous le signe du lien Pour sa 47e édition, la manifestation francilienne mise sur le décloisonnement et la quête d’horizons nouveaux algré son nom, le Festival d’Automne : l’envie d’explorer de nouveaux terri- mance, les artistes japonais seront sur toutes les polémique née au Canada à propos de cette M d’automne à Paris se joue des frontières comme des saisons. La manifestation francilienne, point de dé- part de la saison culturelle dans la région, a pris ses aises dans les théâtres et lieux d’art d’Ile-de-France – 23 en banlieue, 22 dans la capitale pour cette 47e édition – et étire sa programmation pluridisciplinaire jusqu’aux toires ou de revisiter ceux que l’on croit connaî- tre pour mieux disséquer notre monde. Il en va ainsi des chorégraphies d’Anne Teresa De Keers- maeker, fil rouge de cette édition avec plus d’une dizaine de spectacles ; des pièces de Milo Rau (La Reprise. Histoire(s) du théâtre (I)), de Julien Gosse- lin (Joueurs, Mao II, Les Noms) ou du Polonais Krystian Lupa avec son très politique Procès adapté de Franz Kafka ; ou encore de l’inclassable planches, à l’image d’Hideto Iwaï, qui viendra au T2G de Gennevilliers présenter sa deuxième pièce en France – Wareware no moromoro (nos histoires…) –, inspirée de son passé de hikikomori, ces personnes qui volontairement vivent reclu- ses chez elles. Autre registre mais même singula- rité avec le théâtre aux tonalités surréalistes de Kurô Tanino, artiste multifacette qui cite Marcel Duchamp comme source d’inspiration. pièce dont le sujet est l’oppression subie par les Amérindiens peuplant le continent. Après avoir décidé, fin juillet, sous la pression de minorités autochtones canadiennes qui ont fustigé l’absence de comédiens aborigènes et parlé d’« appropriation culturelle », de suspendre les représentations prévues à la Cartoucherie de Vincennes, Ariane Mnouchkine, directrice de la troupe du Théâtre du Soleil, et Robert Lepage premiers jours de février 2019, occupant le Laetitia Dosch, « la bizarre de la famille », comme ont finalement fait le choix de maintenir leur devant de la scène pendant près de cinq mois. la comédienne l’explique dans le portrait que Passé et présent spectacle, refusant de « céder aux tentatives De frontières, il en sera encore beaucoup ques- nous lui consacrons à l’occasion de sa pièce Hate, Raconter un pays, tisser des liens entre les d’intimidations idéologiques ». C’est aussi cela, tion cette année lors de cette manifestation qui réjouissant duo femme-cheval. peuples, entre passé et présent, c’est aussi ce Automne. Un festival dont les frontières sont met un point d’honneur à accueillir des créa- Cette année, l’autre grand invité d’Automne est que proposera le metteur en scène québécois perméables aux éclats de l’actualité. p tions venues de tous les horizons. Frontières un pays. Après la Corée du Sud en 2015, c’est au Robert Lepage à partir du mois de décembre, au guillaume fraissard entre fiction et réel, frontières du corps, frontiè- tour du Japon de se donner en spectacle dans le Théâtre du Soleil, avec sa nouvelle création, res du temps et de l’Histoire, frontières intimes… cadre de la saison « Japonismes 2018 ». Théâtre Kanata. Episode 1. La Controverse. Un spectacle Ce supplément a été réalisé dans le cadre d’un Voilà ce qui pourrait rassembler les artistes traditionnel ou contemporain, danse ou perfor- qui a failli ne pas voir le jour après la violente partenariat avec le Festival d’automne à Paris. Cahier du « Monde » No 22910 daté Samedi 8 septembre 2018 - Ne peut être vendu séparément
2 | festival d’automne 0123 SAMEDI 8 SEPTEMBRE 2018 Anne Teresa De Keersmaeker « La musique a construit ma relation au mouvement » entretien | Avec une dizaine de pièces majeures et plus d’une soixantaine de représentations, le Festival d’automne consacre la chorégraphe dont les œuvres mêlent intimement corps et instruments D epuis la création cune de mes pièces dans un rapport de sa compagnie, étroit avec la partition musicale. Son Rosas, en 1983, Anne observation, sa lecture, l’écoute des Teresa De Keers- œuvres, la rencontre quotidienne avec maeker a aiguisé des musiciens ont bâti ma relation au son sens du compas, mouvement – je pense par exemple aux des rosaces et des musiciens de l’ensemble Ictus, qui vivent entrelacs au gré sur le même site que Rosas à Bruxelles, à d’une cinquantaine de spectacles. Le Alain Franco, pianiste avec qui j’ai conçu grand « Portrait » que lui consacre cette Zeitung et Zeitigung, ou à Jean-Guihen nous – ou alors créer un seul espace J’ajouterai que la musique « spiralée », année le Festival d’automne s’articule Queyras, Amandine Beyer… Ces gens entremêlé où les corps dansants et les tournoyante, du Vortex Temporum de autour d’une dizaine de pièces majeures, m’ont toujours frappée par leur tournure corps musiciens interagissent. C’est ce qui Gérard Grisey m’a poussée à construire un événement participatif, un week-end d’esprit, leur intelligence dans le travail. s’est passé avec Vortex Temporum, par une nouvelle qualité d’espace, totalement de conférences et d’ateliers, un pro- Dès que j’en ai eu les moyens, avec la exemple. Chaque interprète a été « mis en circulaire, qui échappe à la frontalité tradi- gramme dédié à P.A.R.T.S., l’école créée production Bartok/Mikrokosmos, sur la couple » avec un instrumentiste. Chacun tionnelle, celle que j’avais pratiquée jus- en 1995 par la chorégraphe. musique de Bartok et Ligeti, j’ai voulu s’est calé sur l’une des parties instrumen- qu’alors, celle de la black box du théâtre. qu’il y ait des musiciens avec nous dans le tales de la partition, mais s’est aussi em- Cela s’est encore radicalisé lorsque nous La musique draine votre travail processus de travail aussi bien que sur le paré très concrètement des gestes physi- avons transposé le spectacle pour le white chorégraphique avec un penchant plateau. J’aime comme la musique leur ques de « son » instrumentiste. Ainsi, les cube des musées d’art contemporain : marqué pour la présence régulière passe dans le corps. Je trouve cela tout gestes des bras dominent-ils pour les dan- plus de frontalité du tout, cette fois ! de musiciens sur scène auprès simplement beau. Ensuite, leur présence seurs associés aux instruments à archet, des danseurs. Quelle importance change notre perception du spectacle : on tandis que les cascades rythmiques du Parallèlement, le silence surgit a pour vous la musique live ? regarde la musique et on écoute la danse, piano, les traversées du clavier par les régulièrement dans vos spectacles. La musique est toujours mon premier d’une certaine manière. Evidemment, mains du pianiste inspirent à Carlos Gar- En 2009, vous avez créé « The Song », partenaire dans cette organisation du cela pose toutes sortes de questions de bin une danse riche en sauts. Nous avons pièce qui a marqué une bascule dans mouvement dans le temps et l’espace mise en scène. On peut diviser l’espace en travaillé de la même manière les mouve- votre travail, avec les seuls bruits qu’on appelle « danse ». Je construis cha- deux – un site pour eux, un site pour ments physiques et sonores. du corps comme bande-son. Que représente-t-il pour vous ? Le silence est toujours le point de départ, celui des premières répétitions et Près de quatre décennies de savants tissages gestuels de la création du vocabulaire en studio – tout comme l’immobilité est le point de départ du mouvement. Le silence crée un A travers dix spectacles trice à deux castings de deux de tissage gestuel, de variations (Just Before en 1997, I Said I musiciens sur scène. En trois espace acoustique qui n’est pas encore emblématiques, jeunes interprètes. et de décalages au sein d’un en 1999 et In Real Time temps, elle fait d’abord écouter « strié » par le rythme et l’organisation du le grand « Portrait » Tout aussi compact dans son paysage rythmique conflictuel. en 2000), Anne Teresa la musique, invite ensuite la temps, et qui permet de faire naître la d’Anne Teresa De Keersmaeker régime paradoxalement strict Versant romantique, une De Keersmaeker vérifiait le danse mais en silence avant de danse. Nombre de mes pièces jouent avec jette un pont entre les œuvres mais sensuel, Rosas danst humeur peu explorée par cette cardio de sa danse avec Rain, réunir les deux. Ce spectacle ça. Le premier mouvement de Rosas de ses débuts et ses plus Rosas (1983), sur la musique femme retenue qui avoue en pièce maîtresse. Dix interprè- affole le système de cercles, de danst Rosas se danse en silence. The Song, récents spectacles. Cette ligne martelante de Thierry De Mey avoir peur, La Nuit transfigurée, tes se jettent dans les boucles rotations et de volutes typiques évidemment aussi, mais aussi Golden sensible et tendue survole et Peter Vermeersch, met sur créée en 1995 avec quatorze sonores de Music for 18 Musi- de la chorégraphe. Elle remixera Hours (As You Like It). près de quarante ans de créa- orbite quatre femmes et trois danseurs, réécrite pour un duo, cians, de Steve Reich, pour une la partition en l’étirant pendant tion chorégraphique intransi- positions : assise, debout, allon- sur la musique de Schoenberg, effusion gestuelle magique, neuf heures pour sa perfor- Vous avez créé des spectacles geante, nouée au plus fin de gée. Ce programme devient distingue une veine narrative une course pulsante débordant mance Arbeid. en lumière naturelle comme partitions musicales signées l’échelle d’une montée explo- et sentimentale rare chez la d’une vitalité urgente. Virage avec Zeitigung (2017), « En Atendant » (2010), qui se déclinait Bach, Mozart, Beethoven, sive à force de ressassement danseuse. Elle s’appuie ici sur le qui propose un nouveau point en même temps que la nuit tombait, Ligeti. Elle ouvre au spectateur obsessionnel. Coups de tête, poème qui a inspiré le composi- Flux d’intensités urgentes de vue sur Zeitung, conçue tandis qu’à l’inverse Cesena (2011) une déambulation magique jets de cheveux, jambes haut teur : une femme rejoint son Le jazz aussi met en émoi la en 2008 avec le pianiste Alain démarrait à la fin de la nuit pour pour mieux comprendre et croisées, le minimalisme prend amant et lui confie qu’elle chorégraphe. En complicité avec Franco. Nouveaux interprètes, voir le jour se lever. Quelle relation percevoir les circonvolutions un coup de chaud. attend un enfant d’un autre. Un Salva Sanchis, elle cosigne invitation à Louis Nam Le Van entretenez-vous avec la nature ? d’une artiste effervescente. scénario on ne peut plus délicat A Love Supreme, sur l’album Ho de se frotter à la matière de Ma mère était institutrice, mon père fer- C’est à partir de Fase, Musiciens live qui emporte le mouvement éponyme de John Coltrane. la pièce, cette production draine mier. J’ai vécu à la campagne, proche de la Four Movements to the Music En 1990, Achterland, pour dans un lyrisme expressif. Créé en 2005 avec deux femmes des flux d’intensités urgentes nature. Ecologie et esthétique sont des of Steve Reich, créé en 1982, huit interprètes dont trois Echappée théâtrale en 1999 et deux hommes, revu en 2017 sur du Bach, du Brahms, du termes presque synonymes pour moi : la qu’Anne Teresa De Keersmae- hommes – et c’est une pre- avec Quartett, première collabo- pour un casting exclusivement Schoenberg et du Webern. recherche du beau s’accompagne tou- ker a impulsé son élan mière dans le parcours de la ration de la chorégraphe avec sa masculin, ce jet âpre colle Enfin, Mitten wir im Leben jours d’une curiosité pour l’ordre naturel. spiralé. De cette matrice en chorégraphe qui a véritable- sœur Jolente De Keersmaeker, impeccablement aux envolées sind/Bach6Cellosuiten (2017), J’ai des affinités avec certaines approches quatre volets et autant de ment taillé sa danse sur elle et comédienne et metteuse abrasives du saxophoniste qui pour cinq danseurs, dialogue orientales, aussi, je pense volontiers en modules concentrés de ges- des complices danseuses −, en scène dans le groupe fait dresser le poil à l’écriture avec les Suites pour violoncelle termes d’énergies et de transformation tes répétitifs, elle a débobiné impose son besoin d’imbriquer tg STAN. Sur le texte de Heiner d’Anne Teresa De Keersmaeker. jouées en direct par Jean-Guihen des états, comme dans le taoïsme. un fil de danse savant dont toujours plus intimement les Müller, un couple composé En 2013, Vortex Temporum, Queyras, qui prend position Ajoutez à cela une fascination pour la la force centrifuge s’est interprètes et les musiciens par une danseuse et un comé- titre emprunté à la partition dans différents endroits du géométrie, le cercle, la spirale, les vagues déployée dans l’espace, live. Sur des partitions de dien s’écharpe. musicale composée en 1996 par plateau. Austérité, flamboyance, gravitationnelles, et vous avez à peu près comme autant de ronds dans György Ligeti et Eugène Ysaÿe, Trois ans plus tard, après Gérard Grisey et interprétée en sur fond de dessins géométri- ma carte mentale ! Avec l’âge, je suis de l’eau. Elle confie aujourd’hui cette pièce de danse pure trois spectacles dans lesquels direct par le groupe Ictus, fait ques, une nouvelle floraison plus en plus sensible aux bruits de la les clés de cette pièce fonda- sublime le travail de trame et elle se confrontait au théâtre cousiner sept interprètes et sept gestuelle magnétique. p r. bu. nature, aux sifflements des oiseaux, par
0123 SAMEDI 8 SEPTEMBRE 2018 festival d’automne | 3 ¶ à voi r v iol in phase v e rkl ärte nach t Avec le festival Echelle humaine, du 18 au 24 octobre au Théâtre le 15 septembre de la Ville - Espace Cardin à la fondation d’entreprise Lafayette Anticipations m itte n w ir im l e b e n fase , f our mov e m e n ts sin d/bach 6ce l l o suite n to th e music of stev e re ich du 17 au 19 novembre du 19 au 22 septembre à la Philharmonie de Paris au Centre Pompidou vorte x sl ow wal k te m porum le 23 septembre, départ quartier du 22 au 24 novembre de la République (itinéraire détaillé au MC93, Bobigny sur le site du festival) a l ov e r o sas dan st r o sas supre m e le 28 septembre à l’Espace 1789 le 23 novembre à l’Espace 1789, à Saint-Ouen ; le 30 septembre au Saint-Ouen ; Théâtre Jean-Vilar, Vitry-sur-Seine ; le 6 décembre au Théâtre de Rungis ; le 2 octobre au Théâtre-Sénart, le 14 décembre à la Lanterne, Lieusaint ; le 4 octobre au ! POC !, Rambouillet ; les 15 et 16 décembre Alfortville ; les 6 et 7 octobre au Théâtre Firmin Gémier/ au Théâtre du Fil de l’eau, Pantin ; La Piscine, Châtenay-Malabry ; du 10 au 13 octobre le 18 décembre au Théâtre au Centquatre-Paris du Beauvaisis, Beauvais ; les 20 et 21 décembre au Théâtre ach te rl an d des Louvrais, Pontoise du 16 au 18 octobre à la Maison des arts de Créteil ; quarte tt le 20 décembre au Théâtre du 28 novembre au 1er décembre de Saint-Quentin-en-Yvelines au Centre Pompidou l a fab rique rain les 6 et 7 octobre au Centre national du 6 au 8 décembre de la danse de Pantin à la Grande Halle de La Villette Les Gémeaux Scène Nationale - Sceaux A gauche : « A Love Supreme », 2017, Kaaitheater, Bruxelles. ANNE VAN AERSCHOT SAISON 2018 / 2019 En haut : « Fase », 1993, Théâtre Varia, Bruxelles. HERMAN SORGELOOS THÉÂTRE En bas : Anne Teresa De Keersmaeker LA DAME AUX CAMELIAS en 2016. HUGO GLENDINNING Alexandre Dumas fils / Arthur Nauzyciel / TNB - Coproduction 11 au 21 octobre L’ÉCHANGE (PREMIERE VERSION) exemple. Je sais en reconnaître certains. faire le plus longtemps possible. La seule Rosas danst Rosas, A Love Supreme, Paul Claudel / Christian Schiaretti / TNP Villeurbanne Tiens, ici un merle, là un rouge-gorge ! chose dont on soit sûr, c’est qu’il y a un Rain… J’ai la chance que certains dan- Création - Coproduction / 15 novembre au 1er décembre On dirait même qu’il y a de la panique début et une fin ! Le corps est l’endroit où seurs « historiques », si j’ose dire, comme VARIATIONS D’APRES HAMLET dans l’air à entendre leurs sifflements ! le passage du temps est le plus lisible. par exemple Fumiyo Ikeda, répondent Il nous faut arracher la joie aux jours qui filent J’ai de l’admiration pour le compositeur C’est particulièrement vrai pour une dan- présent pour effectuer ce passage. Il y William Shakespeare / Benjamin Porée / En Résidence de Olivier Messiaen, qui a conçu des parti- seuse. Quand il se fragilise, quand les cel- faut une certaine foi dans l’écriture de la Production - Création - Coproduction / 13 au 21 décembre tions entières à partir de chants lules se dégradent, il faut développer une danse et dans le potentiel de ses relectu- LE MARCHAND DE LONDRES d’oiseaux. De façon plus quotidienne, la capacité de penser une autre qualité de res ; c’est là quelque chose qui dépasse William Shakespeare / Declan Donnellan / Londres façon dont je vis, respire, mange, est mouvement. Car on ne sait finalement même le chorégraphe. Personnellement, Création - Coproduction / Du 16 janvier au 2 février LA FIN DE L’HOMME ROUGE directement reliée à la nature. pas de quoi un corps est capable – et c’est je ne m’appuie pas sur un travail de Svetlana Alexievitch / Emmanuel Meirieu très beau ainsi… Ma nouvelle pièce, Les Six notation et de partitionnage. Tant que Création - Coproduction 8 au 17 février Sur vos plateaux, on trouve des les gens vivent, je préfère que ce soient PLACE DES HEROS figures géométriques, des rosaces, les interprètes qui témoignent des spec- Thomas Bernhard / Krystian Lupa / 22 au 31 mars comme sur le sol du Musée Wiels, tacles auxquels ils ont participé, et les à Bruxelles, pour la performance « Le cercle est une fassent passer aux nouvelles généra- « Work/Travail/Arbeid » ; des étoiles tions, plutôt que de compter sur les seu- DANSE sont souvent dessinées, parfois en forme close mais les traces écrite ou électronique. LA FRESQUE / Angelin Preljocaj / 5 au 7 octobre FLI / Mehdi Ouachek / Soria Rem / Création direct par les danseurs, comme dans votre spectacle « Mitten wir im Leben aussi une forme Vous l’avez souvent répété : « My En Résidence de Production 30 novembre au 2 décembre sind », sur la musique de Bach. walking is my dancing » (que l’on Quelle source d’inspiration constitue démocratique : tout peut traduire par : « Ma façon VERTIKAL / Mourad Merzouki / 7 au 9 décembre pour vous la géométrie ? le monde est à la de marcher est ma façon de danser »). LES RENDEZ-VOUS CHORÉGRAPHIQUES DE SCEAUX Mon solo Fase, créé en 1983 sur la musi- Que voulez-vous dire par là ? ALLEGRIA / Kader Attou / 12 au 14 avril que de Steve Reich, est entièrement basé Je considère la marche comme de la sur un cercle. Décidez de deux points sur même distance du danse à l’état pur. La marche est le mou- SOIREE PARTAGEE / Soria Rem & Mehdi Ouachek / Artem Orlov Hafid Sour / 10 mai le sol, emparez-vous d’une corde, fai- vement le plus simple, le plus accessible, BALLET DE L’OPERA NATIONAL DE LYON tes-en un compas, et tracez votre cercle centre, la hiérarchie le mieux partageable. Elle est toujours Lucinda Childs / 17 au 19 mai comme on bâtit sa maison. C’est une point de départ d’une danse possible. Elle BALLET DU GRAND THEATRE DE GENEVE forme close, mais aussi une forme démo- est abolie » est ce qui organise l’espace et le temps. Pontus Lidberg / 24 au 26 mai cratique : tout le monde est à la même Elle est aussi ce qui régit notre espace distance du centre, la hiérarchie est abo- social. Par exemple, je peux me rappro- JAZZ lie. Les danses traditionnelles opèrent Concertos brandebourgeois, met en scène cher ou m’éloigner de vous. Et je peux le FRANCK TORTILLER / COLLECTIV souvent en cercle. A partir de là, je n’ai des interprètes de différentes généra- faire très vite ou lentement. J’ai une pen- En Résidence de Production/Composition / 19 octobre jamais cessé de vouloir construire des tions, comme Cynthia Loemij, une de sée paramétrique : dans l’écriture, je fais JULIEN LOURAU ET GROOVE RETRIEVERS / 6 novembre directions et des proportions géométri- mes plus anciennes compagnes de route, bouger l’un des paramètres pour ampli- FRED PALLEM ET LE SACRE DU TYMPAN / ques, que l’on retrouve d’ailleurs très qui partagera le plateau avec de très jeu- fier la beauté de tel ou tel mouvement, le Création 9 novembre souvent dans la nature. Dans Drumming nes danseurs qui pourraient être ses fils. rendre plus vif ou plus étrange. Par exem- MICHEL BARBAUD SEPTET / 16 novembre et Rain, par exemple, la trajectoire en spi- ple, je travaille sur le paramètre « temps » JEAN-PIERRE COMO QUARTET INFINITE / 14 et 15 décembre rale que dessine la phrase de base s’ins- Depuis 2016, vous avez créé une en jouant avec l’extrême accélération ou STEPHANE KERECKI QUARTET / 17 et 18 janvier crit dans une figure fondamentale, que compagnie parallèle consacrée l’extrême ralentissement. PREMIER PRIX DU CONCOURS nous avons divisée de manière propor- aux reprises de vos spectacles. La Défense Jazz Festival 2018 / 1er février DEBUSSY ON JAZZ ! / Franck Tortiller et le Quatuor Debussy tionnelle selon le nombre d’or, une pro- Que représente pour vous C’est dans cet esprit que vous avez 19 février portion que je tiens pour naturelle. En cette conservation de vos œuvres ? imaginé la performance « Slow Walk », PIERRE DE BETHMANN MEDIUM ENSEMBLE / 4 avril outre, le vocabulaire chorégraphique est Je travaille en parallèle la création et le une flashmob au ralenti qui se ALDO ROMANO TRIO / 17 avril lui-même conçu pour être adéquat à ces répertoire. Nous avons créé une troupe déroulera dans Paris le 23 septembre ? structures, en ordonnant le mouvement spécifique, en effet, dédiée aux reprises Je choisis le ralentissement qui laissera MUSIQUE des membres en combinaisons de trajec- ou à la réécriture de notre répertoire. affleurer l’élégance ordinaire de ce mou- CHŒUR DE RADIO-FRANCE / Mendelssohn, Brahms, Wolf, Schubert, toires droites ou courbes. Une troupe de « transmission ». Quelle vement, élégance disponible à tout un Schumann - 22 et 23 février est la façon la plus pertinente de conser- chacun. Le ralentissement de la marche BENOIT HALLER/LA CHAPELLE RHENANE / Johann Sebastian Bach Vous dansez dans vos spectacles ver vivante une écriture, sinon de la provoque par ailleurs un bouleversant En Résidence de Production / Création - Coproduction depuis vos débuts et continuez transmettre ? La question du répertoire contraste par rapport aux mouvements 15 au 17 mars d’interpréter vos pièces, notamment est un défi qui questionne l’écriture de la de la vie et de la ville. Nous sommes CHŒUR DE RADIO-FRANCE / Debussy, Lauridsen, Fauré, Poulenc, « Fase ». Quelle attention particulière danse : il faut que celle-ci soit bien articu- enfermés dans une sphère d’accélération, Ravel / 6 et 7 avril portez-vous à votre corps, à son lée, bien lisible, pour être transmissible à une sorte de spirale. Je crois néanmoins vieillissement ? Je l’ai souvent dit : je suis danseuse avant de jeunes interprètes, danseurs ou musi- ciens. Nous avons déjà remonté six spec- que la beauté peut affleurer à sa surface et que celle-ci peut en réfléchir l’éclat. p RÉSERVATIONS : 01 46 61 36 67 d’être chorégraphe. J’espère continuer à le tacles dont Fase, Zeitigung, Achterland, propos recueillis par rosita boisseau
4 | festival d’automne 0123 SAMEDI 8 SEPTEMBRE 2018 Laetitia Dosch La belle et la bête montpellier (hérault) - envoyée spéciale C’ est peut-être une histoire de L’inclassable actrice et metteuse peau, de mem- brane poreuse en scène franco-suisse ose un duo entre soi et le monde. La inattendu avec un cheval peau que Laetitia Dosch a diaphane, comme la plupart des rousses, mais ce n’est pas la rai- son pour laquelle cette enveloppe délicate, presque transparente, semble fonctionner comme un capteur. Plutôt une affaire de sensibilité, évidemment. En ce soir de juin, la jeune femme vibre de tout son être, sous les grands pins du Domaine d’O, à Montpel- lier, au sortir de la représentation de Hate : une création dont elle signe le texte et la mise en scène, dans laquelle elle joue, et qui, après Lausanne et Montpellier, arrive à Nanterre, où il ne faut pas la manquer. Le spectacle est à son image : d’une singularité totale. La belle, sortie d’un tableau de Botticelli, y joue, peau contre cuir, avec la bête. En l’occurrence un cheval « Hate », co-mise en scène avec Yuval Rozman, Théâtre de Vidy, à Lausanne, en Suisse. DOROTHÉE THÉBERT FILLIGER nommé Corazon (« cœur », en espagnol), à la robe gris truité. Ils sont nus tous les deux, ce qui se remarque plus chez elle que chez tombée chez les “cathos”, comme ginalité qui lui font faire le grand seulement de la présence ou de la Et ainsi la voilà amazone, nue, ¶ lui. Il semblerait bien que Laetitia cela, je n’ai pu reproduire aucun écart entre des formes très diffé- manipulation par un metteur en excepté l’épée glissée dans son à voi r Dosch ne fasse rien comme une schéma », dit-elle avec cet hu- rentes, qu’elle marque pourtant scène », se place sous les figures fourreau, parlant à Corazon de hate autre, et ce depuis le début. mour léger, faussement naïf, qui toujours de son identité. tutélaires de Meryl Streep mais tout, de rien et surtout de nous, et Avec la participation « J’ai toujours été la bizarre de la la caractérise. Elle a joué Shakespeare aux côtés aussi de Jeanne Moreau, Romy imaginant une histoire d’amour de Yuval Rozman, famille », résume-t-elle. Hétéro- d’Eric Ruf, le patron de la Comédie- Schneider ou Delphine Seyrig, avec lui. « J’aime beaucoup le du 15 au 23 septembre, au gène à son milieu ultratradition- Esprit grinçant Française, ou sous la direction de des actrices des années 1970 mélange de classe et de ridicule », Théâtre Nanterre-Amandiers. nel et catholique du 8e arrondis- C’est bien dans son lycée privé la metteuse en scène Mélanie comme Miou-Miou ou Isabelle sourit-elle. Hate frôle le ridicule à Laetitia Dosch sera également sement de Paris. « En même catholique, pourtant, qu’elle Leray, tout en furetant dans l’uni- Huppert, et des acteurs améri- tout moment, avec un humour en tournée 2018-2019 temps, ma famille était étrange, à découvre le théâtre, qui la sauve vers nettement plus expérimental cains, notamment Johnny Depp fou, pour parler, avec beaucoup de à Marseille, Rennes, Lille, sa manière, on vivait avec mes d’une adolescence mutique et et performatif des chorégraphes et Joaquin Phoenix. « Acteur, c’est classe, de deux ou trois choses qui Annecy, La Chaux-de-Fonds, grands-parents, oncles et tantes, solitaire. Et c’est bien dans le théâ- Marco Berrettini et La Ribot. Et elle vraiment un des plus beaux nous préoccupent : la solitude, le Angers, Béziers et dans le Pays et au milieu d’animaux, vivants tre qu’elle plonge, à corps perdu, a écrit son premier spectacle, métiers du monde, pour moi, rapport à l’autre, qu’il soit humain de Montbéliard ou morts. A la maison, il y avait elle qui apparaît aujourd’hui Laetitia fait péter…, parodie de parce que ça demande de s’inté- ou animal, la relation à la nature, deux mondes parallèles : celui des comme une des égéries du jeune stand-up, où elle joue une humo- resser concrètement à d’autres l’interrogation sur ce qui est adultes, et celui des animaux et cinéma d’auteur français. Avec un riste un peu débile, qui fait des bla- personnes, d’autres vies. S’imagi- « contre-nature ». Ou pas. p de moi. Mais c’est bien que je sois éclectisme, une curiosité, une ori- gues sur les vieux, les juifs et les ner que l’on est quelqu’un d’autre, fabienne darge Noirs. Laetitia Dosch ne craint pas c’est faire le constat que l’on n’est d’avoir l’esprit grinçant. pas tous si différents, finalement… « Ma vocation, c’est vraiment C’est un métier qui amène à d’être actrice, précise-t-elle. Tout s’ouvrir, à mieux comprendre le pour moi est parti de là, de l’amour monde qui nous entoure, et à le des acteurs au cinéma, Meryl faire par notre propre expérience, Streep en tête. Si j’avais eu beau- notre propre corps. » coup de boulot intéressant, je n’aurais jamais écrit, je crois. J’ai La classe et le ridicule profondément le goût du jeu, de Et c’est bien avec ces armes-là, rentrer dans un personnage, de le instinct, intelligence et sensibilité fouiller et de le transmettre à mêlés, qu’elle invente une nou- d’autres. Mais voilà, au début ça velle figure d’actrice-auteure, de n’a pas très bien marché pour moi. spectacle en spectacle. Après Laeti- Je n’étais pas “casable”. On ne tia fait péter…, elle a conçu Klein, savait pas si j’étais drôle ou pas drôle d’objet scénique entre Lewis drôle, jolie ou moche. » Carroll et Buster Keaton, puis Un Tant mieux pour elle. Laetitia album, dans lequel elle allait déter- Dom Juan Dosch a travaillé sa singularité, et rer une figure largement aussi dé- de Molière déployé une palette d’univers, de registres et d’intérêts hors du viationniste qu’elle, celle de l’hu- moriste suisse Zouc. La belle aime mis en scène commun dans un monde où les aller gratter là où c’est trouble, dé- par Marie-José Malis jeunes actrices sont souvent des rangeant, là où ça dérape. Mais produits interchangeables. Et contrairement à la grande perfor- laissé s’épanouir un jeu, une façon meuse espagnole Angelica Liddell, d’être, qui est un cocktail unique qu’elle admire par ailleurs, elle de fantaisie, de radicalité, d’acuité, veille à ne pas assommer le specta- de douceur, de force et de fragilité. teur. « D’abord parce que j’aime Elle peut parler du jeu d’acteur bien rigoler, faire des blagues. Et pendant des heures – elle a parce que j’ai envie de faire des piè- Photo : Courtesy of Mohau Modisakeng WHATIFTHEWORLD & Ron mandos | Graphisme : Element-s d’ailleurs écrit des portraits de ces dont les gens, moi comprise, sor- comédien(ne)s pour les Cahiers tent en ayant envie de vivre. » du cinéma –, insiste sur le fait que Ce parcours l’a menée à créer ce c’est un métier à travailler « et pas spectacle inclassable et réjouis- sant, qui n’a rien à voir avec les for- mes de théâtre équestre existan- tes, celle de Bartabas en tête. Laeti- « Au début, ça tia Dosch en a eu l’idée en tour- nant, à l’été 2016, un western n’a pas très bien fauché au fin fond des Etats-Unis. DU 20 marché pour moi. « Je passais mes journées à cheval, SEPTEMBRE et je trouvais que l’animal donnait AU 14 OCTOBRE de la distance. Il y avait une beauté On ne savait pas dans son écoute du monde. Je suis 2018 rentrée en me disant que j’allais si j’étais drôle faire un spectacle avec un cheval, et La Commune lacommune-aubervilliers.fr 159 AVENUE GAMBETTA | 75020 PARIS je suis allée travailler avec Judith Za- centre dramatique national + 33 (0)1 48 33 16 16 RÉSERVATIONS | 01 43 64 80 80 | WWW.LETARMAC.FR ou pas drôle, gury, de l’école-atelier Shanju, qui Aubervilliers forme au cirque et au théâtre jolie ou moche » équestre. »
0123 SAMEDI 8 SEPTEMBRE 2018 festival d’automne | 5 Tous les spectres de Claude Vivier Mort en 1984 à 34 ans, le compositeur québécois a produit une musique à l’image de sa vie, foisonnante et trouble L e soir du 25 jan- Claude Quoi qu’il en soit, son dernier ¶ vier 1983, Claude Vivier Vivier, opus achevé, Trois airs pour un à voi r rentre chez lui, à Paris, en 1981. opéra imaginaire (sur un texte orion avec un homme qu’il JEAN BILLARD en langue inventée), fera sensa- le 27 septembre à l’Auditorium a rencontré dans un tion, lors de sa création pos- de Radio France bar. L’inconnu lui thume, le 24 mars 1983, au Cen- entaille le cou avec une paire de tre Pompidou, alors que l’assas- pul au de wata, ciseaux avant de lui dérober quel- une musique d’enfant. » L’opéra sin du compositeur court tou- b ouchara, ques billets. L’histoire se répète Kopernikus (1978-79), sous-titré jours. On ne découvrira l’identité sh iraz dans la nuit du 7 au 8 mars. Cette « Rituel de mort », s’inscrit dans du meurtrier, un délinquant de le 8 octobre à l’Espace Cardin - fois, le compositeur est retrouvé une semblable dimension. Ins- 20 ans, que huit mois plus tard. Théâtre de la Ville mort ; un mois avant son 35e an- piré des Aventures d’Alice au pays Relation sadomasochiste ayant niversaire. Sur sa table de travail, des merveilles, il commence par mal tourné, acte crapuleux ou siddhartha une partition dont le titre alle- une lettre de Lewis Carroll et réu- crime homophobe – comme le le 25 octobre à l’Auditorium mand interpelle, Glaubst du an nit des personnages mythiques suggère Bob Gilmore, auteur de Radio France die Unsterblichkeit der Seele (Merlin, le Roi Arthur, la Reine de en 2014 d’une remarquable (« Crois-tu en l’immortalité de la nuit, Tristan et Isolde) autour biographie du compositeur (Uni- g l aub st du an l’âme »), et plus encore son d’Agni, déesse hindoue du feu, la- versity of Rochester Press, en die un ste rb l ich ke it contenu. Un récitant y raconte, à quelle demande notamment à anglais, non traduit) ? de r se e l e ?, la première personne et de Mozart s’il est vrai que, dans le Le fait est que la carrière de cinq chan s on s , manière amplifiée (poignard château de la fée Carabosse, les Vivier s’arrête net après dix ans j e sus e rbarm e dich ? enfoncé dans le cœur), l’agres- gens communiquent par le biais de tours et détours entièrement le 16 novembre sion du 25 janvier. « Il faisait nuit de la musique… voués à la création. « Je suis un à la Cité de la musique - et j’avais peur », confie plus loin le écriveux de musique », avait-il Philharmonie de Paris substitut du compositeur. Repris « Un écriveux de musique » clamé par un néologisme propre par les chanteurs, le mot « peur » Qu’on ne prenne pas cepen- à manifester sa détermination, kope rn ikus , aura été la dernière expression dant Vivier pour un créateur vaille que vaille, à s’exprimer un ritue l de mort musicale de Claude Vivier. La par- anecdotique et infantile ! Son avec des mots et des notes n’ap- du 4 au 8 décembre, à l’Espace tition, inachevée, s’arrête là. intérêt pour les échelles non partenant qu’à lui. Cardin - Théâtre de la Ville ; Difficile alors de ne pas s’inter- tempérées et son sens inné des Prompt à désigner des symbo- du 17 au 19 décembre, roger sur la relation entre la vie superpositions de timbres et les (l’addition des 7 chanteurs et au Nouveau Théâtre et l’œuvre, sachant que, pour le d’harmonies devaient naturelle- des 7 instrumentistes de Koper- de Montreuil Québécois plus que pour tout ment le placer dans la mouvance nikus aboutissant au chiffre 14, autre compositeur, l’une et d’Olivier Messiaen) au Conserva- de la musique spectrale, courant celui de sa naissance), Claude l’autre « sont inextricablement Il voit la musique toire de Montréal où il a été majeur apparu en France dans Vivier a-t-il songé que son liées », comme en atteste le chef admis en 1967, Claude Vivier les années 1970. Le séjour pari- œuvre, foisonnante et juvénile, d’orchestre Reinbert de Leeuw comme effectue deux longues retraites sien entrepris en 1982 par le Qué- était tout entière résumée par dans un instructif documentaire dans l’abbaye cistercienne d’Oka, bécois a-t-il été motivé par un tel son nom ? p (Rêves d’un Marco Polo, 2006, un élément de où il retournera tout au long de rapprochement ? pierre gervasoni 2DVD Opus Arte). Pourtant, sa vie après des moments diffici- Claude Vivier aura attendu sa rêve susceptible les. Mystique un jour, mystique dernière œuvre pour faire ouver- toujours. Sur ce plan, il aura tement référence à ce qui lui arri- de le protéger bientôt à qui parler avec Karl- FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS | FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS | FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS | FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS vait. Jusque-là, il s’était contenté heinz Stockhausen (1928-2007), des atteintes FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS | FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS | FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS | FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS | FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS | FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS | FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS | FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS | FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS | FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS | FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS d’allusions plus ou moins cons- qui l’accepte parmi ses élèves, à cientes à une vie qui, riche en épi- l’automne 1972, à Cologne, après Subventionné par le ministère de la Culture, la Ville de Paris et le Conseil sodes glauques, pourrait nourrir de la réalité un parcours semé d’embûches. Régional d’Île-de-France, le Festival d’Automne à Paris remercie pour leur soutien à sa 47e édition : un roman impudique ou une Vivier adule le compositeur qui LES AMIS thèse de psychanalyse. diffuse la bonne parole avant- l’année scolaire 1966-1967, le gardiste lors des cours d’été de Mystique toujours jeune homme comprend qu’il Darmstadt (auxquels le jeune DU FESTIVAL Né à Montréal le 14 avril 1948, n’est pas fait pour la vie monasti- Québécois assiste depuis 1970), de parents inconnus, Claude que. Il a découvert son homo- en Allemagne, et il se considère Vivier est placé dans un orpheli- sexualité et, surtout, sa nature lui-même comme l’Elu parmi les D’AUTOMNE nat où il restera jusqu’à Noël de compositeur. disciples de cette figure christi- 1950. L’enfant semble bien parti Subjugué par l’orgue et par les que. Composé en 1973, au plus pour être adopté, mais le couple chants entendus, à 14 ans, pen- fort de l’influence de Stockhau- À PARIS Vivier le ramène à l’institution dant la messe de minuit, il voit la sen, le chœur a capella Jesus après les fêtes. L’adoption offi- musique comme un élément de erbarme dich (« Jésus prends cielle interviendra néanmoins rêve susceptible de le protéger pitié ») prouve que Vivier est en août 1951. Commence une vie des atteintes de la réalité. En loin de se comporter en épi- qui, sur les photos, n’inspire que effet, dans une partition, tout est gone. Le même constat est vala- GRAND MÉCÈNE DU FESTIVAL D’AUTOMNE À PARIS des sourires au jeune Claude. permis. Y compris l’usage d’une ble après le voyage effectué, de Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent Pourtant, abusé sexuellement à langue inventée. Toutefois, Oji- septembre 1976 à janvier 1977, 8 ans par un oncle, il est envoyé kawa (1968), son premier essai en Asie du Sud-Est. MÉCÈNES dans un internat et ne voit plus dans ce domaine, utilise aussi Hommage à la musique Fondation d’entreprise Fiminco sa famille que pendant les vacan- des extraits du Psaume 131. balinaise, Pulau Dewata (1977) Fondation d’entreprise Hermès ces. La scolarité chez les frères En 1970, alors qu’il vient d’obte- balance entre incantation et Fondation d’Entreprise Philippine de Rothschild Fondation Ernst von Siemens pour la musique maristes le conduira au sémi- nir ses prix d’analyse et de com- frénésie selon une aspiration, Fondation franco-japonaise Sasakawa naire. Après quelques mois seu- position dans la classe de Gilles toute personnelle, que le com- King’s Fountain lement de noviciat, pendant Tremblay (un disciple québécois positeur résume ainsi : « C’est Arte Better Brand Better Business Koryo Jean-Pierre de Beaumarchais Olivier Diaz Une programmation Zaza et Philippe Jabre Pâris Mouratoglou Sylvie Winckler dans la marge des sons DONATEURS Frédérique Cassereau, Philippe Crouzet, Sylvie Gautrelet, Jean-Philippe Gauvin, Jean-Claude Meyer, Caroline Pez-Lefèvre, Sydney Picasso, Claude P rogrammé lors du concert d’ouverture, citée par le compositeur) étant à l’origine Prigent, Bertrand Rabiller, Ariane et Denis Reyre, Aleth et Pierre Richard, l’extatique Inori (1974), de Karlheinz de toute la partition. Agnès et Louis Schweitzer, Nancy et Sébastien de la Selle, Bernard Steyaert, Stockhausen, donne le ton, hautement L’infini est aussi invoqué par Tomás Saraceno, Arthur Toscan du Plantier spirituel, d’une édition qui invitera l’auditeur dans une « jam session cosmique » qui relève de la Fondation pour l’étude de la langue et de la civilisation japonaises sous à s’élever bien au-dessus des notes. L’« Adora- performance, entre arts plastiques et musique. Au l’égide de la Fondation de France tion » – sous-titre d’Inori –, conçue par Palais de Tokyo, Jamming With Spiders, proposé AMIS Stockhausen dans le prolongement de plusieurs par l’artiste argentin, envisage une interaction en- séjours au Japon, impose à deux solistes placés tre le jeu des musiciens et l’architecture des toiles Irène et Bertrand Chardon, Lyne Cohen-Solal, Hervé Digne, Aimée et Jean- François Dubos, Susana et Guillaume Franck, France Grand, Agnès et Jean- sur un podium au cœur de l’orchestre de mimer d’araignée. Là encore, l’environnement des sons Marie Grunelius, Pierre Morel, Tim Newman, Judith Pisar, Yves Rolland, treize gestes de prière. A genoux, au début, sera déterminant pour l’appréciation de l’œuvre. Myriam et Jacques Salomon, Guillaume Schaeffer la tête enfouie dans les mains puis précisément Le Festival remercie également les Mécènes, Donateurs et Amis qui ont associée à l’animation musicale tout comme « Extra-musical » souhaité garder l’anonymat. les différents « dessins » signifiés par les doigts, Du tissage immatériel opéré par Tomás Saraceno les deux solistes (généralement un couple) au « maillage » dynamique de David Christoffel Rejoignez les Amis du Festival d’Automne à Paris s’apparentent aux officiants d’un rite. (qui réglera l’entrechoc d’œuvres musicales, Pas un « rituel de mort », comme l’opéra poétiques et radiophoniques), il y a plus d’un pas. Service mécénat : 01 53 45 17 05 Kopernikus (1978-79) composé par Claude A effectuer dans la marge des sons. Comme s’y Partenaires 2018 Vivier au sortir d’une double révélation sont attelés Pierre-Yves Macé (Rumorarium, Adami, Sacem, SACD, ONDA, Adam Mickiewicz Institute, Japonismes 2018, Ambassade à soi-même (d’abord par la grâce de l’enseigne- recyclage de musiques captées dans les rues) et de Norvège, Centre culturel canadien à Paris, British Council, Pledg, Ina ment de Stockhausen puis par celle d’une Enno Poppe (Rundfunk, reconditionnement des immersion à Bali), mais un rituel d’éternité, synthétiseurs d’antan) pour des créations, elles le nom de Dieu (« Hu », la première syllabe aussi, appelées à siéger dans « l’extra-musical ». p FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS | FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS | FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS | FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS du mot « humain » selon une doctrine soufie p. gi.
6 | festival d’automne 0123 SAMEDI 8 SEPTEMBRE 2018 Des scènes aux couleurs du temps présent Transdisciplinaire et résolument contemporain, le Festival d’automne présente des talents éclectiques. Portraits de cinq jeunes artistes à ne pas manquer Marion Siéfert met l’enfance à nu E lle n’a pas l’air, comme ça, j’ai vu tout ce que l’on pouvait voir à en France pendant la saison 2018-2019, Marion Siéfert, longue liane l’époque, une autre vision du théâtre, et où, vêtue comme une sorte de brune et gracieuse, tête bien beaucoup plus performative, avec des Fantômette des années 2.0, elle joue, via faite et tête bien pleine, mais femmes fortes, qui prenaient la parole, Facebook, avec la vie privée de ses spec- elle est gonflée. Ne pas trop se fier à sa comme celles du collectif She She Pop, tateurs. Pour Le Grand Sommeil, elle a douceur, son calme apparent. Quand l’actrice Sophie Rois ou la metteuse en travaillé, au fil de longues improvisa- elle était petite, dans son enfance tra- scène Monika Gintersdorfer. » tions, avec sa cousine Jeanne, qui avait versée par le théâtre, elle s’est passion- alors 11 ans, avec le désir de « libérer une née pour les sorcières. Vingt ans plus Fantômette des années 2.0 énergie explosive et drôle ». Sur scène, tard, à 31 ans, elle signe son deuxième Marion Siéfert va se former à l’Institut Jeanne est incarnée par l’étonnante dan- spectacle, Le Grand Sommeil, qui théâtral de Giessen, une école qui a peu seuse-performeuse Helena de Laurens. plonge dans la face cachée de l’enfance, à voir avec les conservatoires français. Et ce n’est pas triste. p avec ses fantasmes, ses peurs, son anar- « Le travail y est très libre, très axé sur la fabienne darge chie, sa cruauté, son rapport au corps et création contemporaine, à la fois théori- même, oui, son obscénité. que et pratique. Là-bas, je n’ai plus été « J’ai toujours voulu écrire, jouer, stigmatisée comme “intello”, et je n’ai raconter des histoires, mais très vite, j’ai plus eu besoin de cacher que j’avais fait ¶ été heurtée par les rôles féminins dans le de la philosophie, de la musicologie et de à voi r théâtre classique. » La jeune femme fait la littérature allemande. » l e g ran d s om m e il des études littéraires brillantes, décou- C’est à Giessen que Marion Siéfert crée du 7 au 17 novembre à La Commune, vre la littérature et la poésie allemandes, son premier spectacle, un objet scéni- centre dramatique national qui l’ont « beaucoup marquée », et part à que déjà très culotté, qui s’appelle Deux d’Aubervilliers ; du 20 au 22 novembre Berlin, au tournant de l’année 2010. « Là, ou trois choses que je sais de vous, tourne à la Ménagerie de verre La performeuse Helena de Laurens dans « Le Grand Sommeil ». MARION SIÉFERT Hideto Iwaï ou la ruée vers l’autre tokyo (japon) - correspondance à la violence paternelle dans sa jeu- expressions hai-hai, qui qualifie un bébé nesse, il est lui-même agressif. L’intérêt qui rampe, et de bye-bye, « au revoir », C omprendre l’autre et soi- pour la scène naît pendant cette réclu- comme une métaphore du cycle de la même. Telle est la démarche sion. Les heures passées à regarder la naissance à la mort. d’Hideto Iwaï, acteur, auteur et télévision, notamment des program- Sa première pièce, Hikky Cancun Tor- metteur en scène de Wareware mes de catch, d’arts martiaux et des nado, parle d’un jeune reclus qui aspire no moromoro (nos histoires…), sa pre- matchs de football italiens, font surgir à devenir lutteur professionnel. mière pièce en français, née de travaux une envie de faire des films. S’enchaînent ensuite les créations et les réalisés lors d’ateliers à Gennevilliers. Il reprend ses études pour intégrer collaborations. Il s’inspire entre autres « J’aime vraiment interroger les gens et je l’université et suit en parallèle des d’Oriza Hirata – l’initiateur du « shizuka veux continuer à le faire. Je veux parta- cours d’art dramatique dans un centre na gekijo » (théâtre du silence) − dont il ger leurs peurs et leurs intérêts, et ainsi culturel local, où l’a inscrit sa mère, intègre en 2007 la compagnie, Seinen- écrire sur une variété de sujets », expli- conseillère psychologique l’ayant aidé à dan, pour travailler la mise en que le natif de Tokyo aujourd’hui âgé de trouver ce qui pouvait le « relier au scène. Wareware no moromoro est sa 44 ans, dont les créations restent très monde extérieur ». « J’ai participé à une seconde pièce présentée en France, inspirées de son vécu d’« hikikomori » comédie musicale avec un groupe de après Le Hikikomori sort de chez lui, [expérience d’enfermement volontaire et femmes dans la quarantaine et la cin- jouée en mars 2018. p de désintérêt pour le monde extérieur] quantaine. » Le déclic. « Quand j’ai com- philippe mesmer entre 16 et 20 ans. mencé à faire du théâtre, j’ai découvert que, pour la première fois, grâce à la fic- « Xénophobie » tion, je pouvais sortir et apprendre ce « La raison pour laquelle je suis resté à la que les gens pensaient. » ¶ maison n’était pas un cas habituel de Il crée en 2003 sa propre compagnie, à voi r maltraitance, mais un cas extrême de dont il est longtemps l’unique membre, ware ware no mor omor o xénophobie, une peur des gens », expli- se contentant de réunir ponctuelle- (no s h istoire s … ) quait-il, en 2011, dans un entretien ac- ment des équipes, toujours réduites. du 22 novembre au 3 décembre cordé à la Fondation du Japon. Confronté Son nom : Hi-bye, une déclinaison des au T2G-Théâtre de Gennevilliers Hideto Iwaï à Tokyo, en 2016, TORU HIRAIWA Ola Maciejewska, l’art et la matière P our la première fois à l’affiche du Dance Concert est la quatrième pièce Loïe Fuller : Research (2011). « Toutes mes Festival d’automne, la jeune d’Ola Maciejewska depuis 2011. Celle qui a pièces ont un point commun : j’y tra- chorégraphe Ola Maciejewska, commencé ses apprentissages en Pologne vaille toujours à partir ou avec un objet, 34 ans, s’élance sur les traces du par la danse classique, la gymnastique et poursuit Ola Maciejewska. C’est pour musicien John Cage (1912-1992) et du le folklore à l’âge de 7 ans, avant de choisir cela que j’ai eu envie de faire une recher- chorégraphe Merce Cunningham (1919- plus tard la voie du contemporain à l’uni- che sur Loïe Fuller et ses robes. Elle est 2009) dans sa pièce Dance Concert, pour versité d’Utrecht, aime se frotter à tous les l’une des rares chorégraphes à avoir trois danseuses. Elle utilise un appareil styles. Elle se déclare aussi très marquée travaillé avec des matières. Je compte étrange, équipé de deux antennes, le thé- par les arts visuels, l’architecture, le d’ailleurs bien remettre ce rapport aux rémine, l’un des premiers instruments de sport… « Mon background est changeant objets au cœur de la danse. » musique électronique, créé à la fin des et ouvert, souligne-t-elle. J’ai toujours eu Autour du thérémine, Ola Maciejewska années 1910, que Cage utilisa. Sa particu- envie de tout découvrir et je m’ennuyais invite une ronde de fantômes : John Cage larité : réagir magnétiquement aux mou- très vite : c’est pour cela sans doute que et Merce Cunningham, mais encore vements de ceux qui bougent autour de l’histoire de la danse a nourri mon vocabu- l’Allemande Mary Wigman (1886-1973), le lui en produisant des sons entre le violon laire. Elle est un de mes outils pour encore Japonais Kazuo Ohno (1906-2010). Un et la scie musicale. « Ce qui m’intéresse, élargir ma curiosité. Sans compter que ma bouquet d’univers contrastés réincarnés c’est la façon dont cet instrument qui nostalgie pour le passé a aussi motivé cette dans un même élan. p crée une sorte de champ électrostatique fascination permanente. » rosita boisseau devient une métaphore de l’espace, du champ sensible et empathique qui en- Tissu virevoltant toure chacun, explique la chorégraphe, En 2015, Bombyx Mori, trio présenté à la qui a collaboré pour l’occasion avec Dorit Ménagerie de verre, à Paris, la révélait ¶ Chrysler, fondatrice de la Theremin dans une épatante relecture du travail de à voi r Society de New York. Danser autour, c’est tissu virevoltant de Loïe Fuller (1869- dance conce rt comme pénétrer dans une zone réglée par 1928), déjà présente dans sa pièce consa- du 3 au 6 octobre un système d’alarme. » crée à la figure de l’Art nouveau intitulée au Centre Pompidou « Dance Concert » (répétition), à Rotterdam. MARTIN ARGYROGLO
Vous pouvez aussi lire