Festival - Festival automne

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Festival - Festival automne
Festival d’automne                    Du 10 septembre
                                                au 31 décembre,
                                           dans 45 lieux à Paris
                                             et en Ile-de-France

                                                                                         « Achterland », d’Anne Teresa De Keersmaeker. Une pièce majeure de la chorégraphe à l’honneur cette année. ANNE VAN AERSCHOT

                                                           Sous le signe du lien
            Pour sa 47e édition, la manifestation francilienne mise sur le décloisonnement et la quête d’horizons nouveaux

                              algré son nom, le Festival       d’Automne : l’envie d’explorer de nouveaux terri-        mance, les artistes japonais seront sur toutes les    polémique née au Canada à propos de cette

       M                      d’automne à Paris se joue
                              des frontières comme des
                              saisons. La manifestation
                              francilienne, point de dé-
                              part de la saison culturelle
       dans la région, a pris ses aises dans les théâtres et
       lieux d’art d’Ile-de-France – 23 en banlieue,
       22 dans la capitale pour cette 47e édition – et étire
       sa programmation pluridisciplinaire jusqu’aux
                                                               toires ou de revisiter ceux que l’on croit connaî-
                                                               tre pour mieux disséquer notre monde. Il en va
                                                               ainsi des chorégraphies d’Anne Teresa De Keers-
                                                               maeker, fil rouge de cette édition avec plus d’une
                                                               dizaine de spectacles ; des pièces de Milo Rau (La
                                                               Reprise. Histoire(s) du théâtre (I)), de Julien Gosse-
                                                               lin (Joueurs, Mao II, Les Noms) ou du Polonais
                                                               Krystian Lupa avec son très politique Procès
                                                               adapté de Franz Kafka ; ou encore de l’inclassable
                                                                                                                        planches, à l’image d’Hideto Iwaï, qui viendra au
                                                                                                                        T2G de Gennevilliers présenter sa deuxième
                                                                                                                        pièce en France – Wareware no moromoro (nos
                                                                                                                        histoires…) –, inspirée de son passé de hikikomori,
                                                                                                                        ces personnes qui volontairement vivent reclu-
                                                                                                                        ses chez elles. Autre registre mais même singula-
                                                                                                                        rité avec le théâtre aux tonalités surréalistes de
                                                                                                                        Kurô Tanino, artiste multifacette qui cite Marcel
                                                                                                                        Duchamp comme source d’inspiration.
                                                                                                                                                                              pièce dont le sujet est l’oppression subie par les
                                                                                                                                                                              Amérindiens peuplant le continent. Après avoir
                                                                                                                                                                              décidé, fin juillet, sous la pression de minorités
                                                                                                                                                                              autochtones canadiennes qui ont fustigé
                                                                                                                                                                              l’absence de comédiens aborigènes et parlé
                                                                                                                                                                              d’« appropriation culturelle », de suspendre les
                                                                                                                                                                              représentations prévues à la Cartoucherie de
                                                                                                                                                                              Vincennes, Ariane Mnouchkine, directrice de la
                                                                                                                                                                              troupe du Théâtre du Soleil, et Robert Lepage
       premiers jours de février 2019, occupant le             Laetitia Dosch, « la bizarre de la famille », comme                                                            ont finalement fait le choix de maintenir leur
       devant de la scène pendant près de cinq mois.           la comédienne l’explique dans le portrait que            Passé et présent                                      spectacle, refusant de « céder aux tentatives
         De frontières, il en sera encore beaucoup ques-       nous lui consacrons à l’occasion de sa pièce Hate,        Raconter un pays, tisser des liens entre les         d’intimidations idéologiques ». C’est aussi cela,
       tion cette année lors de cette manifestation qui        réjouissant duo femme-cheval.                            peuples, entre passé et présent, c’est aussi ce       Automne. Un festival dont les frontières sont
       met un point d’honneur à accueillir des créa-             Cette année, l’autre grand invité d’Automne est        que proposera le metteur en scène québécois           perméables aux éclats de l’actualité. p
       tions venues de tous les horizons. Frontières           un pays. Après la Corée du Sud en 2015, c’est au         Robert Lepage à partir du mois de décembre, au                                  guillaume fraissard
       entre fiction et réel, frontières du corps, frontiè-    tour du Japon de se donner en spectacle dans le          Théâtre du Soleil, avec sa nouvelle création,
       res du temps et de l’Histoire, frontières intimes…      cadre de la saison « Japonismes 2018 ». Théâtre          Kanata. Episode 1. La Controverse. Un spectacle       Ce supplément a été réalisé dans le cadre d’un
       Voilà ce qui pourrait rassembler les artistes           traditionnel ou contemporain, danse ou perfor-           qui a failli ne pas voir le jour après la violente    partenariat avec le Festival d’automne à Paris.

Cahier du « Monde » No 22910 daté Samedi 8 septembre 2018 - Ne peut être vendu séparément
Festival - Festival automne
2 | festival d’automne                                                                                                                                                                                              0123
                                                                                                                                                                                                          SAMEDI 8 SEPTEMBRE 2018

       Anne Teresa
      De Keersmaeker
    « La musique
     a construit
    ma relation au
    mouvement »
 entretien      | Avec une dizaine de pièces majeures
     et plus d’une soixantaine de représentations,
 le Festival d’automne consacre la chorégraphe dont
les œuvres mêlent intimement corps et instruments

      D
                            epuis la création         cune de mes pièces dans un rapport
                            de sa compagnie,          étroit avec la partition musicale. Son
                            Rosas, en 1983, Anne      observation, sa lecture, l’écoute des
                            Teresa De Keers-          œuvres, la rencontre quotidienne avec
                            maeker a aiguisé          des musiciens ont bâti ma relation au
                            son sens du compas,       mouvement – je pense par exemple aux
                            des rosaces et des        musiciens de l’ensemble Ictus, qui vivent
                            entrelacs au gré          sur le même site que Rosas à Bruxelles, à
       d’une cinquantaine de spectacles. Le           Alain Franco, pianiste avec qui j’ai conçu
       grand « Portrait » que lui consacre cette      Zeitung et Zeitigung, ou à Jean-Guihen                                            nous – ou alors créer un seul espace            J’ajouterai que la musique « spiralée »,
       année le Festival d’automne s’articule         Queyras, Amandine Beyer… Ces gens                                                 entremêlé où les corps dansants et les        tournoyante, du Vortex Temporum de
       autour d’une dizaine de pièces majeures,       m’ont toujours frappée par leur tournure                                          corps musiciens interagissent. C’est ce qui   Gérard Grisey m’a poussée à construire
       un événement participatif, un week-end         d’esprit, leur intelligence dans le travail.                                      s’est passé avec Vortex Temporum, par         une nouvelle qualité d’espace, totalement
       de conférences et d’ateliers, un pro-            Dès que j’en ai eu les moyens, avec la                                          exemple. Chaque interprète a été « mis en     circulaire, qui échappe à la frontalité tradi-
       gramme dédié à P.A.R.T.S., l’école créée       production Bartok/Mikrokosmos, sur la                                             couple » avec un instrumentiste. Chacun       tionnelle, celle que j’avais pratiquée jus-
       en 1995 par la chorégraphe.                    musique de Bartok et Ligeti, j’ai voulu                                           s’est calé sur l’une des parties instrumen-   qu’alors, celle de la black box du théâtre.
                                                      qu’il y ait des musiciens avec nous dans le                                       tales de la partition, mais s’est aussi em-   Cela s’est encore radicalisé lorsque nous
       La musique draine votre travail                processus de travail aussi bien que sur le                                        paré très concrètement des gestes physi-      avons transposé le spectacle pour le white
       chorégraphique avec un penchant                plateau. J’aime comme la musique leur                                             ques de « son » instrumentiste. Ainsi, les    cube des musées d’art contemporain :
       marqué pour la présence régulière              passe dans le corps. Je trouve cela tout                                          gestes des bras dominent-ils pour les dan-    plus de frontalité du tout, cette fois !
       de musiciens sur scène auprès                  simplement beau. Ensuite, leur présence                                           seurs associés aux instruments à archet,
       des danseurs. Quelle importance                change notre perception du spectacle : on                                         tandis que les cascades rythmiques du         Parallèlement, le silence surgit
       a pour vous la musique live ?                  regarde la musique et on écoute la danse,                                         piano, les traversées du clavier par les      régulièrement dans vos spectacles.
         La musique est toujours mon premier          d’une certaine manière. Evidemment,                                               mains du pianiste inspirent à Carlos Gar-     En 2009, vous avez créé « The Song »,
       partenaire dans cette organisation du          cela pose toutes sortes de questions de                                           bin une danse riche en sauts. Nous avons      pièce qui a marqué une bascule dans
       mouvement dans le temps et l’espace            mise en scène. On peut diviser l’espace en                                        travaillé de la même manière les mouve-       votre travail, avec les seuls bruits
       qu’on appelle « danse ». Je construis cha-     deux – un site pour eux, un site pour                                             ments physiques et sonores.                   du corps comme bande-son.
                                                                                                                                                                                      Que représente-t-il pour vous ?
                                                                                                                                                                                        Le silence est toujours le point de
                                                                                                                                                                                      départ, celui des premières répétitions et

              Près de quatre décennies de savants tissages gestuels                                                                                                                   de la création du vocabulaire en studio
                                                                                                                                                                                      – tout comme l’immobilité est le point de
                                                                                                                                                                                      départ du mouvement. Le silence crée un

A
           travers dix spectacles   trice à deux castings de deux        de tissage gestuel, de variations    (Just Before en 1997, I Said I      musiciens sur scène. En trois       espace acoustique qui n’est pas encore
           emblématiques,           jeunes interprètes.                  et de décalages au sein d’un         en 1999 et In Real Time             temps, elle fait d’abord écouter    « strié » par le rythme et l’organisation du
           le grand « Portrait »       Tout aussi compact dans son       paysage rythmique conflictuel.       en 2000), Anne Teresa               la musique, invite ensuite la       temps, et qui permet de faire naître la
 d’Anne Teresa De Keersmaeker       régime paradoxalement strict           Versant romantique, une            De Keersmaeker vérifiait le         danse mais en silence avant de      danse. Nombre de mes pièces jouent avec
 jette un pont entre les œuvres     mais sensuel, Rosas danst            humeur peu explorée par cette        cardio de sa danse avec Rain,       réunir les deux. Ce spectacle       ça. Le premier mouvement de Rosas
 de ses débuts et ses plus          Rosas (1983), sur la musique         femme retenue qui avoue en           pièce maîtresse. Dix interprè-      affole le système de cercles, de    danst Rosas se danse en silence. The Song,
 récents spectacles. Cette ligne    martelante de Thierry De Mey         avoir peur, La Nuit transfigurée,    tes se jettent dans les boucles     rotations et de volutes typiques    évidemment aussi, mais aussi Golden
 sensible et tendue survole         et Peter Vermeersch, met sur         créée en 1995 avec quatorze          sonores de Music for 18 Musi-       de la chorégraphe. Elle remixera    Hours (As You Like It).
 près de quarante ans de créa-      orbite quatre femmes et trois        danseurs, réécrite pour un duo,      cians, de Steve Reich, pour une     la partition en l’étirant pendant
 tion chorégraphique intransi-      positions : assise, debout, allon-   sur la musique de Schoenberg,        effusion gestuelle magique,         neuf heures pour sa perfor-         Vous avez créé des spectacles
 geante, nouée au plus fin de       gée. Ce programme devient            distingue une veine narrative        une course pulsante débordant       mance Arbeid.                       en lumière naturelle comme
 partitions musicales signées       l’échelle d’une montée explo-        et sentimentale rare chez la         d’une vitalité urgente.               Virage avec Zeitigung (2017),     « En Atendant » (2010), qui se déclinait
 Bach, Mozart, Beethoven,           sive à force de ressassement         danseuse. Elle s’appuie ici sur le                                       qui propose un nouveau point        en même temps que la nuit tombait,
 Ligeti. Elle ouvre au spectateur   obsessionnel. Coups de tête,         poème qui a inspiré le composi-      Flux d’intensités urgentes          de vue sur Zeitung, conçue          tandis qu’à l’inverse Cesena (2011)
 une déambulation magique           jets de cheveux, jambes haut         teur : une femme rejoint son           Le jazz aussi met en émoi la      en 2008 avec le pianiste Alain      démarrait à la fin de la nuit pour
 pour mieux comprendre et           croisées, le minimalisme prend       amant et lui confie qu’elle          chorégraphe. En complicité avec     Franco. Nouveaux interprètes,       voir le jour se lever. Quelle relation
 percevoir les circonvolutions      un coup de chaud.                    attend un enfant d’un autre. Un      Salva Sanchis, elle cosigne         invitation à Louis Nam Le Van       entretenez-vous avec la nature ?
 d’une artiste effervescente.                                            scénario on ne peut plus délicat     A Love Supreme, sur l’album         Ho de se frotter à la matière de      Ma mère était institutrice, mon père fer-
    C’est à partir de Fase,         Musiciens live                       qui emporte le mouvement             éponyme de John Coltrane.           la pièce, cette production draine   mier. J’ai vécu à la campagne, proche de la
 Four Movements to the Music          En 1990, Achterland, pour          dans un lyrisme expressif.           Créé en 2005 avec deux femmes       des flux d’intensités urgentes      nature. Ecologie et esthétique sont des
 of Steve Reich, créé en 1982,      huit interprètes dont trois            Echappée théâtrale en 1999         et deux hommes, revu en 2017        sur du Bach, du Brahms, du          termes presque synonymes pour moi : la
 qu’Anne Teresa De Keersmae-        hommes – et c’est une pre-           avec Quartett, première collabo-     pour un casting exclusivement       Schoenberg et du Webern.            recherche du beau s’accompagne tou-
 ker a impulsé son élan             mière dans le parcours de la         ration de la chorégraphe avec sa     masculin, ce jet âpre colle           Enfin, Mitten wir im Leben        jours d’une curiosité pour l’ordre naturel.
 spiralé. De cette matrice en       chorégraphe qui a véritable-         sœur Jolente De Keersmaeker,         impeccablement aux envolées         sind/Bach6Cellosuiten (2017),       J’ai des affinités avec certaines approches
 quatre volets et autant de         ment taillé sa danse sur elle et     comédienne et metteuse               abrasives du saxophoniste qui       pour cinq danseurs, dialogue        orientales, aussi, je pense volontiers en
 modules concentrés de ges-         des complices danseuses −,           en scène dans le groupe              fait dresser le poil à l’écriture   avec les Suites pour violoncelle    termes d’énergies et de transformation
 tes répétitifs, elle a débobiné    impose son besoin d’imbriquer        tg STAN. Sur le texte de Heiner      d’Anne Teresa De Keersmaeker.       jouées en direct par Jean-Guihen    des états, comme dans le taoïsme.
 un fil de danse savant dont        toujours plus intimement les         Müller, un couple composé              En 2013, Vortex Temporum,         Queyras, qui prend position           Ajoutez à cela une fascination pour la
 la force centrifuge s’est          interprètes et les musiciens         par une danseuse et un comé-         titre emprunté à la partition       dans différents endroits du         géométrie, le cercle, la spirale, les vagues
 déployée dans l’espace,            live. Sur des partitions de          dien s’écharpe.                      musicale composée en 1996 par       plateau. Austérité, flamboyance,    gravitationnelles, et vous avez à peu près
 comme autant de ronds dans         György Ligeti et Eugène Ysaÿe,         Trois ans plus tard, après         Gérard Grisey et interprétée en     sur fond de dessins géométri-       ma carte mentale ! Avec l’âge, je suis de
 l’eau. Elle confie aujourd’hui     cette pièce de danse pure            trois spectacles dans lesquels       direct par le groupe Ictus, fait    ques, une nouvelle floraison        plus en plus sensible aux bruits de la
 les clés de cette pièce fonda-     sublime le travail de trame et       elle se confrontait au théâtre       cousiner sept interprètes et sept   gestuelle magnétique. p r. bu.      nature, aux sifflements des oiseaux, par
Festival - Festival automne
0123
SAMEDI 8 SEPTEMBRE 2018                                                                                                                                           festival d’automne | 3

                                                                                                                                                                                         ¶
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                                                                                                                                                           v iol in phase                            v e rkl ärte nach t
                                                                                                                                                  Avec le festival Echelle humaine,             du 18 au 24 octobre au Théâtre
                                                                                                                                                           le 15 septembre                        de la Ville - Espace Cardin
                                                                                                                                                    à la fondation d’entreprise
                                                                                                                                                      Lafayette Anticipations                          m itte n w ir
                                                                                                                                                                                                         im l e b e n
                                                                                                                                                    fase , f our mov e m e n ts                  sin d/bach 6ce l l o suite n
                                                                                                                                                  to th e music of stev e re ich                     du 17 au 19 novembre
                                                                                                                                                       du 19 au 22 septembre                      à la Philharmonie de Paris
                                                                                                                                                        au Centre Pompidou
                                                                                                                                                                                                          vorte x
                                                                                                                                                            sl ow wal k                                  te m porum
                                                                                                                                                  le 23 septembre, départ quartier                  du 22 au 24 novembre
                                                                                                                                                 de la République (itinéraire détaillé                au MC93, Bobigny
                                                                                                                                                         sur le site du festival)
                                                                                                                                                                                                           a l ov e
                                                                                                                                                       r o sas dan st r o sas                             supre m e
                                                                                                                                                    le 28 septembre à l’Espace 1789           le 23 novembre à l’Espace 1789,
                                                                                                                                                  à Saint-Ouen ; le 30 septembre au                      Saint-Ouen ;
                                                                                                                                                 Théâtre Jean-Vilar, Vitry-sur-Seine ;     le 6 décembre au Théâtre de Rungis ;
                                                                                                                                                    le 2 octobre au Théâtre-Sénart,             le 14 décembre à la Lanterne,
                                                                                                                                                   Lieusaint ; le 4 octobre au ! POC !,     Rambouillet ; les 15 et 16 décembre
                                                                                                                                                     Alfortville ; les 6 et 7 octobre            au Théâtre Firmin Gémier/
                                                                                                                                                  au Théâtre du Fil de l’eau, Pantin ;        La Piscine, Châtenay-Malabry ;
                                                                                                                                                           du 10 au 13 octobre                   le 18 décembre au Théâtre
                                                                                                                                                           au Centquatre-Paris                    du Beauvaisis, Beauvais ;
                                                                                                                                                                                             les 20 et 21 décembre au Théâtre
                                                                                                                                                            ach te rl an d                          des Louvrais, Pontoise
                                                                                                                                                   du 16 au 18 octobre à la Maison
                                                                                                                                                         des arts de Créteil ;                            quarte tt
                                                                                                                                                     le 20 décembre au Théâtre              du 28 novembre au 1er décembre
                                                                                                                                                    de Saint-Quentin-en-Yvelines                  au Centre Pompidou

                                                                                                                                                            l a fab rique                                     rain
                                                                                                                                                 les 6 et 7 octobre au Centre national                du 6 au 8 décembre
                                                                                                                                                          de la danse de Pantin                 à la Grande Halle de La Villette

                                                                                                                                                           Les Gémeaux
                                                                                                                                                            Scène Nationale - Sceaux
                                                                                        A gauche : « A Love Supreme », 2017,
                                                                                       Kaaitheater, Bruxelles. ANNE VAN AERSCHOT                            SAISON 2018 / 2019
                                                                                       En haut : « Fase », 1993, Théâtre Varia,
                                                                                              Bruxelles. HERMAN SORGELOOS                                   THÉÂTRE
                                                                                       En bas : Anne Teresa De Keersmaeker                                  LA DAME AUX CAMELIAS
                                                                                                en 2016. HUGO GLENDINNING                                   Alexandre Dumas fils / Arthur Nauzyciel / TNB - Coproduction
                                                                                                                                                            11 au 21 octobre
                                                                                                                                                            L’ÉCHANGE (PREMIERE VERSION)
exemple. Je sais en reconnaître certains.        faire le plus longtemps possible. La seule       Rosas danst Rosas, A Love Supreme,                        Paul Claudel / Christian Schiaretti / TNP Villeurbanne
Tiens, ici un merle, là un rouge-gorge !         chose dont on soit sûr, c’est qu’il y a un       Rain… J’ai la chance que certains dan-                    Création - Coproduction / 15 novembre au 1er décembre
On dirait même qu’il y a de la panique           début et une fin ! Le corps est l’endroit où     seurs « historiques », si j’ose dire, comme               VARIATIONS D’APRES HAMLET
dans l’air à entendre leurs sifflements !        le passage du temps est le plus lisible.         par exemple Fumiyo Ikeda, répondent                       Il nous faut arracher la joie aux jours qui filent
J’ai de l’admiration pour le compositeur         C’est particulièrement vrai pour une dan-        présent pour effectuer ce passage. Il y                   William Shakespeare / Benjamin Porée / En Résidence de
Olivier Messiaen, qui a conçu des parti-         seuse. Quand il se fragilise, quand les cel-     faut une certaine foi dans l’écriture de la               Production - Création - Coproduction / 13 au 21 décembre
tions entières à partir de chants                lules se dégradent, il faut développer une       danse et dans le potentiel de ses relectu-                LE MARCHAND DE LONDRES
d’oiseaux. De façon plus quotidienne, la         capacité de penser une autre qualité de          res ; c’est là quelque chose qui dépasse                  William Shakespeare / Declan Donnellan / Londres
façon dont je vis, respire, mange, est           mouvement. Car on ne sait finalement             même le chorégraphe. Personnellement,                     Création - Coproduction / Du 16 janvier au 2 février
                                                                                                                                                            LA FIN DE L’HOMME ROUGE
directement reliée à la nature.                  pas de quoi un corps est capable – et c’est      je ne m’appuie pas sur un travail de
                                                                                                                                                            Svetlana Alexievitch / Emmanuel Meirieu
                                                 très beau ainsi… Ma nouvelle pièce, Les Six      notation et de partitionnage. Tant que
                                                                                                                                                            Création - Coproduction 8 au 17 février
Sur vos plateaux, on trouve des                                                                   les gens vivent, je préfère que ce soient
                                                                                                                                                            PLACE DES HEROS
figures géométriques, des rosaces,                                                                les interprètes qui témoignent des spec-
                                                                                                                                                            Thomas Bernhard / Krystian Lupa / 22 au 31 mars
comme sur le sol du Musée Wiels,                                                                  tacles auxquels ils ont participé, et les
à Bruxelles, pour la performance
                                                    « Le cercle est une                           fassent passer aux nouvelles généra-
« Work/Travail/Arbeid » ; des étoiles                                                             tions, plutôt que de compter sur les seu-
                                                                                                                                                            DANSE
sont souvent dessinées, parfois en
                                                    forme close mais                              les traces écrite ou électronique.
                                                                                                                                                            LA FRESQUE / Angelin Preljocaj / 5 au 7 octobre
                                                                                                                                                            FLI / Mehdi Ouachek / Soria Rem / Création
direct par les danseurs, comme dans
votre spectacle « Mitten wir im Leben
                                                     aussi une forme                              Vous l’avez souvent répété : « My
                                                                                                                                                            En Résidence de Production
                                                                                                                                                            30 novembre au 2 décembre
sind », sur la musique de Bach.                                                                   walking is my dancing » (que l’on
Quelle source d’inspiration constitue
                                                   démocratique : tout                            peut traduire par : « Ma façon
                                                                                                                                                            VERTIKAL / Mourad Merzouki / 7 au 9 décembre

pour vous la géométrie ?
                                                     le monde est à la                            de marcher est ma façon de danser »).                     LES RENDEZ-VOUS CHORÉGRAPHIQUES DE SCEAUX
  Mon solo Fase, créé en 1983 sur la musi-                                                        Que voulez-vous dire par là ?                             ALLEGRIA / Kader Attou / 12 au 14 avril
que de Steve Reich, est entièrement basé                                                             Je considère la marche comme de la
sur un cercle. Décidez de deux points sur
                                                    même distance du                              danse à l’état pur. La marche est le mou-
                                                                                                                                                            SOIREE PARTAGEE / Soria Rem & Mehdi Ouachek / Artem Orlov
                                                                                                                                                            Hafid Sour / 10 mai
le sol, emparez-vous d’une corde, fai-                                                            vement le plus simple, le plus accessible,                BALLET DE L’OPERA NATIONAL DE LYON
tes-en un compas, et tracez votre cercle
                                                   centre, la hiérarchie                          le mieux partageable. Elle est toujours                   Lucinda Childs / 17 au 19 mai
comme on bâtit sa maison. C’est une                                                               point de départ d’une danse possible. Elle                BALLET DU GRAND THEATRE DE GENEVE
forme close, mais aussi une forme démo-
                                                        est abolie »                              est ce qui organise l’espace et le temps.                 Pontus Lidberg / 24 au 26 mai
cratique : tout le monde est à la même                                                            Elle est aussi ce qui régit notre espace
distance du centre, la hiérarchie est abo-                                                        social. Par exemple, je peux me rappro-                   JAZZ
lie. Les danses traditionnelles opèrent          Concertos brandebourgeois, met en scène          cher ou m’éloigner de vous. Et je peux le                 FRANCK TORTILLER / COLLECTIV
souvent en cercle. A partir de là, je n’ai       des interprètes de différentes généra-           faire très vite ou lentement. J’ai une pen-               En Résidence de Production/Composition / 19 octobre
jamais cessé de vouloir construire des           tions, comme Cynthia Loemij, une de              sée paramétrique : dans l’écriture, je fais               JULIEN LOURAU ET GROOVE RETRIEVERS / 6 novembre
directions et des proportions géométri-          mes plus anciennes compagnes de route,           bouger l’un des paramètres pour ampli-                    FRED PALLEM ET LE SACRE DU TYMPAN /
ques, que l’on retrouve d’ailleurs très          qui partagera le plateau avec de très jeu-       fier la beauté de tel ou tel mouvement, le                Création 9 novembre
souvent dans la nature. Dans Drumming            nes danseurs qui pourraient être ses fils.       rendre plus vif ou plus étrange. Par exem-                MICHEL BARBAUD SEPTET / 16 novembre
et Rain, par exemple, la trajectoire en spi-                                                      ple, je travaille sur le paramètre « temps »              JEAN-PIERRE COMO QUARTET INFINITE / 14 et 15 décembre
rale que dessine la phrase de base s’ins-        Depuis 2016, vous avez créé une                  en jouant avec l’extrême accélération ou                  STEPHANE KERECKI QUARTET / 17 et 18 janvier
crit dans une figure fondamentale, que           compagnie parallèle consacrée                    l’extrême ralentissement.                                 PREMIER PRIX DU CONCOURS
nous avons divisée de manière propor-            aux reprises de vos spectacles.                                                                            La Défense Jazz Festival 2018 / 1er février
                                                                                                                                                            DEBUSSY ON JAZZ ! / Franck Tortiller et le Quatuor Debussy
tionnelle selon le nombre d’or, une pro-         Que représente pour vous                         C’est dans cet esprit que vous avez
                                                                                                                                                            19 février
portion que je tiens pour naturelle. En          cette conservation de vos œuvres ?               imaginé la performance « Slow Walk »,
                                                                                                                                                            PIERRE DE BETHMANN MEDIUM ENSEMBLE / 4 avril
outre, le vocabulaire chorégraphique est           Je travaille en parallèle la création et le    une flashmob au ralenti qui se
                                                                                                                                                            ALDO ROMANO TRIO / 17 avril
lui-même conçu pour être adéquat à ces           répertoire. Nous avons créé une troupe           déroulera dans Paris le 23 septembre ?
structures, en ordonnant le mouvement            spécifique, en effet, dédiée aux reprises          Je choisis le ralentissement qui laissera               MUSIQUE
des membres en combinaisons de trajec-           ou à la réécriture de notre répertoire.          affleurer l’élégance ordinaire de ce mou-                 CHŒUR DE RADIO-FRANCE / Mendelssohn, Brahms, Wolf, Schubert,
toires droites ou courbes.                       Une troupe de « transmission ». Quelle           vement, élégance disponible à tout un                     Schumann - 22 et 23 février
                                                 est la façon la plus pertinente de conser-       chacun. Le ralentissement de la marche                    BENOIT HALLER/LA CHAPELLE RHENANE / Johann Sebastian Bach
Vous dansez dans vos spectacles                  ver vivante une écriture, sinon de la            provoque par ailleurs un bouleversant                     En Résidence de Production / Création - Coproduction
depuis vos débuts et continuez                   transmettre ? La question du répertoire          contraste par rapport aux mouvements                      15 au 17 mars
d’interpréter vos pièces, notamment              est un défi qui questionne l’écriture de la      de la vie et de la ville. Nous sommes                     CHŒUR DE RADIO-FRANCE / Debussy, Lauridsen, Fauré, Poulenc,
« Fase ». Quelle attention particulière          danse : il faut que celle-ci soit bien articu-   enfermés dans une sphère d’accélération,                  Ravel / 6 et 7 avril
portez-vous à votre corps, à son                 lée, bien lisible, pour être transmissible à     une sorte de spirale. Je crois néanmoins
vieillissement ?
  Je l’ai souvent dit : je suis danseuse avant
                                                 de jeunes interprètes, danseurs ou musi-
                                                 ciens. Nous avons déjà remonté six spec-
                                                                                                  que la beauté peut affleurer à sa surface et
                                                                                                  que celle-ci peut en réfléchir l’éclat. p
                                                                                                                                                            RÉSERVATIONS : 01 46 61 36 67
d’être chorégraphe. J’espère continuer à le      tacles dont Fase, Zeitigung, Achterland,         propos recueillis par rosita boisseau
Festival - Festival automne
4 | festival d’automne                                                                                                                                                                                                                                                                                         0123
                                                                                                                                                                                                                                                                                                      SAMEDI 8 SEPTEMBRE 2018

                                                                                                                                                  Laetitia Dosch
                                                                                                                                    La belle et la bête
                                                                                            montpellier (hérault) -
                                                                                                     envoyée spéciale

C’
                      est peut-être
                      une histoire de
                                                                                                                                                L’inclassable actrice et metteuse
                      peau, de mem-
                      brane poreuse
                                                                                                                                               en scène franco-suisse ose un duo
                      entre soi et le
                      monde.       La
                                                                                                                                                    inattendu avec un cheval
peau que Laetitia Dosch a
diaphane, comme la plupart des
rousses, mais ce n’est pas la rai-
son pour laquelle cette enveloppe
délicate, presque transparente,
semble fonctionner comme un
capteur. Plutôt une affaire de
sensibilité, évidemment. En ce
soir de juin, la jeune femme vibre
de tout son être, sous les grands
pins du Domaine d’O, à Montpel-
lier, au sortir de la représentation
de Hate : une création dont elle
signe le texte et la mise en scène,
dans laquelle elle joue, et qui,
après Lausanne et Montpellier,
arrive à Nanterre, où il ne faut
pas la manquer.
  Le spectacle est à son image :
d’une singularité totale. La belle,
sortie d’un tableau de Botticelli, y
joue, peau contre cuir, avec la
bête. En l’occurrence un cheval                                                                                                                                                                     « Hate », co-mise en scène avec Yuval Rozman, Théâtre de Vidy, à Lausanne, en Suisse. DOROTHÉE THÉBERT FILLIGER
nommé Corazon (« cœur », en
espagnol), à la robe gris truité. Ils
sont nus tous les deux, ce qui se
remarque plus chez elle que chez                                                                                        tombée chez les “cathos”, comme          ginalité qui lui font faire le grand     seulement de la présence ou de la             Et ainsi la voilà amazone, nue,                    ¶
lui. Il semblerait bien que Laetitia                                                                                    cela, je n’ai pu reproduire aucun        écart entre des formes très diffé-       manipulation par un metteur en             excepté l’épée glissée dans son                    à voi r
Dosch ne fasse rien comme une                                                                                           schéma », dit-elle avec cet hu-          rentes, qu’elle marque pourtant          scène », se place sous les figures         fourreau, parlant à Corazon de                      hate
autre, et ce depuis le début.                                                                                           mour léger, faussement naïf, qui         toujours de son identité.                tutélaires de Meryl Streep mais            tout, de rien et surtout de nous, et        Avec la participation
  « J’ai toujours été la bizarre de la                                                                                  la caractérise.                            Elle a joué Shakespeare aux côtés      aussi de Jeanne Moreau, Romy               imaginant une histoire d’amour                 de Yuval Rozman,
famille », résume-t-elle. Hétéro-                                                                                                                                d’Eric Ruf, le patron de la Comédie-     Schneider ou Delphine Seyrig,              avec lui. « J’aime beaucoup le            du 15 au 23 septembre, au
gène à son milieu ultratradition-                                                                                       Esprit grinçant                          Française, ou sous la direction de       des actrices des années 1970               mélange de classe et de ridicule »,     Théâtre Nanterre-Amandiers.
nel et catholique du 8e arrondis-                                                                                         C’est bien dans son lycée privé        la metteuse en scène Mélanie             comme Miou-Miou ou Isabelle                sourit-elle. Hate frôle le ridicule à   Laetitia Dosch sera également
sement de Paris. « En même                                                                                              catholique, pourtant, qu’elle            Leray, tout en furetant dans l’uni-      Huppert, et des acteurs améri-             tout moment, avec un humour                 en tournée 2018-2019
temps, ma famille était étrange, à                                                                                      découvre le théâtre, qui la sauve        vers nettement plus expérimental         cains, notamment Johnny Depp               fou, pour parler, avec beaucoup de        à Marseille, Rennes, Lille,
sa manière, on vivait avec mes                                                                                          d’une adolescence mutique et             et performatif des chorégraphes          et Joaquin Phoenix. « Acteur, c’est        classe, de deux ou trois choses qui      Annecy, La Chaux-de-Fonds,
grands-parents, oncles et tantes,                                                                                       solitaire. Et c’est bien dans le théâ-   Marco Berrettini et La Ribot. Et elle    vraiment un des plus beaux                 nous préoccupent : la solitude, le      Angers, Béziers et dans le Pays
et au milieu d’animaux, vivants                                                                                         tre qu’elle plonge, à corps perdu,       a écrit son premier spectacle,           métiers du monde, pour moi,                rapport à l’autre, qu’il soit humain            de Montbéliard
ou morts. A la maison, il y avait                                                                                       elle qui apparaît aujourd’hui            Laetitia fait péter…, parodie de         parce que ça demande de s’inté-            ou animal, la relation à la nature,
deux mondes parallèles : celui des                                                                                      comme une des égéries du jeune           stand-up, où elle joue une humo-         resser concrètement à d’autres             l’interrogation sur ce qui est
adultes, et celui des animaux et                                                                                        cinéma d’auteur français. Avec un        riste un peu débile, qui fait des bla-   personnes, d’autres vies. S’imagi-         « contre-nature ». Ou pas. p
de moi. Mais c’est bien que je sois                                                                                     éclectisme, une curiosité, une ori-      gues sur les vieux, les juifs et les     ner que l’on est quelqu’un d’autre,                           fabienne darge
                                                                                                                                                                 Noirs. Laetitia Dosch ne craint pas      c’est faire le constat que l’on n’est
                                                                                                                                                                 d’avoir l’esprit grinçant.               pas tous si différents, finalement…
                                                                                                                                                                   « Ma vocation, c’est vraiment          C’est un métier qui amène à
                                                                                                                                                                 d’être actrice, précise-t-elle. Tout     s’ouvrir, à mieux comprendre le
                                                                                                                                                                 pour moi est parti de là, de l’amour     monde qui nous entoure, et à le
                                                                                                                                                                 des acteurs au cinéma, Meryl             faire par notre propre expérience,
                                                                                                                                                                 Streep en tête. Si j’avais eu beau-      notre propre corps. »
                                                                                                                                                                 coup de boulot intéressant, je
                                                                                                                                                                 n’aurais jamais écrit, je crois. J’ai    La classe et le ridicule
                                                                                                                                                                 profondément le goût du jeu, de            Et c’est bien avec ces armes-là,
                                                                                                                                                                 rentrer dans un personnage, de le        instinct, intelligence et sensibilité
                                                                                                                                                                 fouiller et de le transmettre à          mêlés, qu’elle invente une nou-
                                                                                                                                                                 d’autres. Mais voilà, au début ça        velle figure d’actrice-auteure, de
                                                                                                                                                                 n’a pas très bien marché pour moi.       spectacle en spectacle. Après Laeti-
                                                                                                                                                                 Je n’étais pas “casable”. On ne          tia fait péter…, elle a conçu Klein,
                                                                                                                                                                 savait pas si j’étais drôle ou pas       drôle d’objet scénique entre Lewis
                                                                                                                                                                 drôle, jolie ou moche. »                 Carroll et Buster Keaton, puis Un
                                                                                                                                                                   Tant mieux pour elle. Laetitia         album, dans lequel elle allait déter-                             Dom Juan
                                                                                                                                                                 Dosch a travaillé sa singularité, et     rer une figure largement aussi dé-                                de Molière
                                                                                                                                                                 déployé une palette d’univers, de
                                                                                                                                                                 registres et d’intérêts hors du
                                                                                                                                                                                                          viationniste qu’elle, celle de l’hu-
                                                                                                                                                                                                          moriste suisse Zouc. La belle aime
                                                                                                                                                                                                                                                                            mis en scène
                                                                                                                                                                 commun dans un monde où les              aller gratter là où c’est trouble, dé-                            par Marie-José Malis
                                                                                                                                                                 jeunes actrices sont souvent des         rangeant, là où ça dérape. Mais
                                                                                                                                                                 produits interchangeables. Et            contrairement à la grande perfor-
                                                                                                                                                                 laissé s’épanouir un jeu, une façon      meuse espagnole Angelica Liddell,
                                                                                                                                                                 d’être, qui est un cocktail unique       qu’elle admire par ailleurs, elle
                                                                                                                                                                 de fantaisie, de radicalité, d’acuité,   veille à ne pas assommer le specta-
                                                                                                                                                                 de douceur, de force et de fragilité.    teur. « D’abord parce que j’aime
                                                                                                                                                                   Elle peut parler du jeu d’acteur       bien rigoler, faire des blagues. Et
                                                                                                                                                                 pendant des heures – elle a              parce que j’ai envie de faire des piè-
 Photo : Courtesy of Mohau Modisakeng WHATIFTHEWORLD & Ron mandos | Graphisme : Element-s

                                                                                                                                                                 d’ailleurs écrit des portraits de        ces dont les gens, moi comprise, sor-
                                                                                                                                                                 comédien(ne)s pour les Cahiers           tent en ayant envie de vivre. »
                                                                                                                                                                 du cinéma –, insiste sur le fait que       Ce parcours l’a menée à créer ce
                                                                                                                                                                 c’est un métier à travailler « et pas    spectacle inclassable et réjouis-
                                                                                                                                                                                                          sant, qui n’a rien à voir avec les for-
                                                                                                                                                                                                          mes de théâtre équestre existan-
                                                                                                                                                                                                          tes, celle de Bartabas en tête. Laeti-
                                                                                                                                                                  « Au début, ça                          tia Dosch en a eu l’idée en tour-
                                                                                                                                                                                                          nant, à l’été 2016, un western
                                                                                                                                                                 n’a pas très bien                        fauché au fin fond des Etats-Unis.                                           DU 20
                                                                                                                                                                 marché pour moi.                         « Je passais mes journées à cheval,                                    SEPTEMBRE
                                                                                                                                                                                                          et je trouvais que l’animal donnait                                   AU 14 OCTOBRE
                                                                                                                                                                                                          de la distance. Il y avait une beauté
                                                                                                                                                                 On ne savait pas                         dans son écoute du monde. Je suis
                                                                                                                                                                                                                                                                                          2018
                                                                                                                                                                                                          rentrée en me disant que j’allais
                                                                                                                                                                  si j’étais drôle                        faire un spectacle avec un cheval, et         La Commune                           lacommune-aubervilliers.fr
                                                                                                  159 AVENUE GAMBETTA | 75020 PARIS                                                                       je suis allée travailler avec Judith Za-      centre dramatique national           + 33 (0)1 48 33 16 16
                                                                                            RÉSERVATIONS | 01 43 64 80 80 | WWW.LETARMAC.FR
                                                                                                                                                                   ou pas drôle,                          gury, de l’école-atelier Shanju, qui          Aubervilliers
                                                                                                                                                                                                          forme au cirque et au théâtre
                                                                                                                                                                 jolie ou moche »                         équestre. »
Festival - Festival automne
0123
SAMEDI 8 SEPTEMBRE 2018                                                                                                                                                                                                                                                                                                      festival d’automne | 5

                               Tous les spectres de Claude Vivier
            Mort en 1984 à 34 ans, le compositeur québécois a produit une musique à l’image de sa vie, foisonnante et trouble

L
             e soir du 25 jan-                                                                                                                                                                                                                                                                     Claude           Quoi qu’il en soit, son dernier                               ¶
             vier 1983, Claude Vivier                                                                                                                                                                                                                                                              Vivier,        opus achevé, Trois airs pour un                              à voi r
             rentre chez lui, à Paris,                                                                                                                                                                                                                                                             en 1981.       opéra imaginaire (sur un texte                               orion
             avec un homme qu’il                                                                                                                                                                                                                                                                   JEAN BILLARD   en langue inventée), fera sensa-               le 27 septembre à l’Auditorium
             a rencontré dans un                                                                                                                                                                                                                                                                                  tion, lors de sa création pos-                         de Radio France
             bar. L’inconnu lui                                                                                                                                                                                                                                                                                   thume, le 24 mars 1983, au Cen-
entaille le cou avec une paire de                                                                                                                                                                                                                                                                                 tre Pompidou, alors que l’assas-                       pul au de wata,
ciseaux avant de lui dérober quel-                                                                                   une musique d’enfant. » L’opéra                                                                                                                                                              sin du compositeur court tou-                            b ouchara,
ques billets. L’histoire se répète                                                                                   Kopernikus (1978-79), sous-titré                                                                                                                                                             jours. On ne découvrira l’identité                          sh iraz
dans la nuit du 7 au 8 mars. Cette                                                                                   « Rituel de mort », s’inscrit dans                                                                                                                                                           du meurtrier, un délinquant de                 le 8 octobre à l’Espace Cardin -
fois, le compositeur est retrouvé                                                                                    une semblable dimension. Ins-                                                                                                                                                                20 ans, que huit mois plus tard.                      Théâtre de la Ville
mort ; un mois avant son 35e an-                                                                                     piré des Aventures d’Alice au pays                                                                                                                                                           Relation sadomasochiste ayant
niversaire. Sur sa table de travail,                                                                                 des merveilles, il commence par                                                                                                                                                              mal tourné, acte crapuleux ou                            siddhartha
une partition dont le titre alle-                                                                                    une lettre de Lewis Carroll et réu-                                                                                                                                                          crime homophobe – comme le                      le 25 octobre à l’Auditorium
mand interpelle, Glaubst du an                                                                                       nit des personnages mythiques                                                                                                                                                                suggère Bob Gilmore, auteur                            de Radio France
die Unsterblichkeit der Seele                                                                                        (Merlin, le Roi Arthur, la Reine de                                                                                                                                                          en 2014 d’une remarquable
(« Crois-tu en l’immortalité de                                                                                      la nuit, Tristan et Isolde) autour                                                                                                                                                           biographie du compositeur (Uni-                       g l aub st du an
l’âme »), et plus encore son                                                                                         d’Agni, déesse hindoue du feu, la-                                                                                                                                                           versity of Rochester Press, en                   die un ste rb l ich ke it
contenu. Un récitant y raconte, à                                                                                    quelle demande notamment à                                                                                                                                                                   anglais, non traduit) ?                                  de r se e l e ?,
la première personne et de                                                                                           Mozart s’il est vrai que, dans le                                                                                                                                                              Le fait est que la carrière de                      cinq chan s on s ,
manière amplifiée (poignard                                                                                          château de la fée Carabosse, les                                                                                                                                                             Vivier s’arrête net après dix ans                j e sus e rbarm e dich ?
enfoncé dans le cœur), l’agres-                                                                                      gens communiquent par le biais                                                                                                                                                               de tours et détours entièrement                         le 16 novembre
sion du 25 janvier. « Il faisait nuit                                                                                de la musique…                                                                                                                                                                               voués à la création. « Je suis un                  à la Cité de la musique -
et j’avais peur », confie plus loin le                                                                                                                                                                                                                                                                            écriveux de musique », avait-il                    Philharmonie de Paris
substitut du compositeur. Repris                                                                                     « Un écriveux de musique »                                                                                                                                                                   clamé par un néologisme propre
par les chanteurs, le mot « peur »                                                                                     Qu’on ne prenne pas cepen-                                                                                                                                                                 à manifester sa détermination,                        kope rn ikus ,
aura été la dernière expression                                                                                      dant Vivier pour un créateur                                                                                                                                                                 vaille que vaille, à s’exprimer                     un ritue l de mort
musicale de Claude Vivier. La par-                                                                                   anecdotique et infantile ! Son                                                                                                                                                               avec des mots et des notes n’ap-               du 4 au 8 décembre, à l’Espace
tition, inachevée, s’arrête là.                                                                                      intérêt pour les échelles non                                                                                                                                                                partenant qu’à lui.                             Cardin - Théâtre de la Ville ;
  Difficile alors de ne pas s’inter-                                                                                 tempérées et son sens inné des                                                                                                                                                                 Prompt à désigner des symbo-                     du 17 au 19 décembre,
roger sur la relation entre la vie                                                                                   superpositions de timbres et                                                                                                                                                                 les (l’addition des 7 chanteurs et                  au Nouveau Théâtre
et l’œuvre, sachant que, pour le                                                                                     d’harmonies devaient naturelle-                                                                                                                                                              des 7 instrumentistes de Koper-                        de Montreuil
Québécois plus que pour tout                                                                                         ment le placer dans la mouvance                                                                                                                                                              nikus aboutissant au chiffre 14,
autre compositeur, l’une et                                                     d’Olivier Messiaen) au Conserva-     de la musique spectrale, courant                                                                                                                                                             celui de sa naissance), Claude
l’autre « sont inextricablement
                                         Il voit la musique                     toire de Montréal où il a été        majeur apparu en France dans                                                                                                                                                                 Vivier a-t-il songé que son
liées », comme en atteste le chef                                               admis en 1967, Claude Vivier         les années 1970. Le séjour pari-                                                                                                                                                             œuvre, foisonnante et juvénile,
d’orchestre Reinbert de Leeuw
                                               comme                            effectue deux longues retraites      sien entrepris en 1982 par le Qué-                                                                                                                                                           était tout entière résumée par
dans un instructif documentaire                                                 dans l’abbaye cistercienne d’Oka,    bécois a-t-il été motivé par un tel                                                                                                                                                          son nom ? p
(Rêves d’un Marco Polo, 2006,
                                           un élément de                        où il retournera tout au long de     rapprochement ?                                                                                                                                                                                                 pierre gervasoni
2DVD Opus Arte). Pourtant,                                                      sa vie après des moments diffici-
Claude Vivier aura attendu sa
                                          rêve susceptible                      les. Mystique un jour, mystique
dernière œuvre pour faire ouver-                                                toujours. Sur ce plan, il aura
tement référence à ce qui lui arri-
                                            de le protéger                      bientôt à qui parler avec Karl-
                                                                                                                                                   FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS | FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS | FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS | FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS
vait. Jusque-là, il s’était contenté                                            heinz Stockhausen (1928-2007),
                                            des atteintes
                                                                                                                     FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS | FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS | FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS | FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS | FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS | FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS | FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS | FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS | FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS | FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS | FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS
d’allusions plus ou moins cons-                                                 qui l’accepte parmi ses élèves, à
cientes à une vie qui, riche en épi-                                            l’automne 1972, à Cologne, après                                                                                                                                                                                                  Subventionné par le ministère de la Culture, la Ville de Paris et le Conseil
sodes glauques, pourrait nourrir
                                             de la réalité                      un parcours semé d’embûches.
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  Régional d’Île-de-France, le Festival d’Automne à Paris remercie pour
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  leur soutien à sa 47e édition :
un roman impudique ou une                                                         Vivier adule le compositeur qui

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  LES AMIS
thèse de psychanalyse.                                                          diffuse la bonne parole avant-
                                         l’année scolaire 1966-1967, le         gardiste lors des cours d’été de
Mystique toujours                        jeune homme comprend qu’il             Darmstadt (auxquels le jeune

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  DU FESTIVAL
  Né à Montréal le 14 avril 1948,        n’est pas fait pour la vie monasti-    Québécois assiste depuis 1970),
de parents inconnus, Claude              que. Il a découvert son homo-          en Allemagne, et il se considère
Vivier est placé dans un orpheli-        sexualité et, surtout, sa nature       lui-même comme l’Elu parmi les

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  D’AUTOMNE
nat où il restera jusqu’à Noël           de compositeur.                        disciples de cette figure christi-
1950. L’enfant semble bien parti           Subjugué par l’orgue et par les      que. Composé en 1973, au plus
pour être adopté, mais le couple         chants entendus, à 14 ans, pen-        fort de l’influence de Stockhau-

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  À PARIS
Vivier le ramène à l’institution         dant la messe de minuit, il voit la    sen, le chœur a capella Jesus
après les fêtes. L’adoption offi-        musique comme un élément de            erbarme dich (« Jésus prends
cielle interviendra néanmoins            rêve susceptible de le protéger        pitié ») prouve que Vivier est
en août 1951. Commence une vie           des atteintes de la réalité. En        loin de se comporter en épi-
qui, sur les photos, n’inspire que       effet, dans une partition, tout est    gone. Le même constat est vala-                                                                                                                                                                                                   GRAND MÉCÈNE DU FESTIVAL D’AUTOMNE À PARIS
des sourires au jeune Claude.            permis. Y compris l’usage d’une        ble après le voyage effectué, de                                                                                                                                                                                                  Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent
Pourtant, abusé sexuellement à           langue inventée. Toutefois, Oji-       septembre 1976 à janvier 1977,
8 ans par un oncle, il est envoyé        kawa (1968), son premier essai         en Asie du Sud-Est.                                                                                                                                                                                                               MÉCÈNES
dans un internat et ne voit plus         dans ce domaine, utilise aussi           Hommage à la musique                                                                                                                                                                                                            Fondation d’entreprise Fiminco
sa famille que pendant les vacan-        des extraits du Psaume 131.            balinaise, Pulau Dewata (1977)                                                                                                                                                                                                    Fondation d’entreprise Hermès
ces. La scolarité chez les frères          En 1970, alors qu’il vient d’obte-   balance entre incantation et                                                                                                                                                                                                      Fondation d’Entreprise Philippine de Rothschild
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  Fondation Ernst von Siemens pour la musique
maristes le conduira au sémi-            nir ses prix d’analyse et de com-      frénésie selon une aspiration,                                                                                                                                                                                                    Fondation franco-japonaise Sasakawa
naire. Après quelques mois seu-          position dans la classe de Gilles      toute personnelle, que le com-                                                                                                                                                                                                    King’s Fountain
lement de noviciat, pendant              Tremblay (un disciple québécois        positeur résume ainsi : « C’est                                                                                                                                                                                                   Arte
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  Better Brand Better Business
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  Koryo
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  Jean-Pierre de Beaumarchais
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  Olivier Diaz

                          Une programmation                                                                                                                                                                                                                                                                       Zaza et Philippe Jabre
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  Pâris Mouratoglou
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  Sylvie Winckler

                         dans la marge des sons                                                                                                                                                                                                                                                                   DONATEURS
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  Frédérique Cassereau, Philippe Crouzet, Sylvie Gautrelet, Jean-Philippe
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  Gauvin, Jean-Claude Meyer, Caroline Pez-Lefèvre, Sydney Picasso, Claude

 P
         rogrammé lors du concert d’ouverture,             citée par le compositeur) étant à l’origine                                                                                                                                                                                                            Prigent, Bertrand Rabiller, Ariane et Denis Reyre, Aleth et Pierre Richard,
         l’extatique Inori (1974), de Karlheinz            de toute la partition.                                                                                                                                                                                                                                 Agnès et Louis Schweitzer, Nancy et Sébastien de la Selle, Bernard Steyaert,
         Stockhausen, donne le ton, hautement                L’infini est aussi invoqué par Tomás Saraceno,                                                                                                                                                                                                       Arthur Toscan du Plantier
 spirituel, d’une édition qui invitera l’auditeur          dans une « jam session cosmique » qui relève de la                                                                                                                                                                                                     Fondation pour l’étude de la langue et de la civilisation japonaises sous
 à s’élever bien au-dessus des notes. L’« Adora-           performance, entre arts plastiques et musique. Au                                                                                                                                                                                                      l’égide de la Fondation de France
 tion » – sous-titre d’Inori –, conçue par                 Palais de Tokyo, Jamming With Spiders, proposé
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  AMIS
 Stockhausen dans le prolongement de plusieurs             par l’artiste argentin, envisage une interaction en-
 séjours au Japon, impose à deux solistes placés           tre le jeu des musiciens et l’architecture des toiles                                                                                                                                                                                                  Irène et Bertrand Chardon, Lyne Cohen-Solal, Hervé Digne, Aimée et Jean-
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  François Dubos, Susana et Guillaume Franck, France Grand, Agnès et Jean-
 sur un podium au cœur de l’orchestre de mimer             d’araignée. Là encore, l’environnement des sons                                                                                                                                                                                                        Marie Grunelius, Pierre Morel, Tim Newman, Judith Pisar, Yves Rolland,
 treize gestes de prière. A genoux, au début,              sera déterminant pour l’appréciation de l’œuvre.                                                                                                                                                                                                       Myriam et Jacques Salomon, Guillaume Schaeffer
 la tête enfouie dans les mains puis précisément                                                                                                                                                                                                                                                                  Le Festival remercie également les Mécènes, Donateurs et Amis qui ont
 associée à l’animation musicale tout comme                « Extra-musical »                                                                                                                                                                                                                                      souhaité garder l’anonymat.
 les différents « dessins » signifiés par les doigts,        Du tissage immatériel opéré par Tomás Saraceno
 les deux solistes (généralement un couple)                au « maillage » dynamique de David Christoffel                                                                                                                                                                                                         Rejoignez les Amis du Festival d’Automne à Paris
 s’apparentent aux officiants d’un rite.                   (qui réglera l’entrechoc d’œuvres musicales,
   Pas un « rituel de mort », comme l’opéra                poétiques et radiophoniques), il y a plus d’un pas.                                                                                                                                                                                                    Service mécénat : 01 53 45 17 05
 Kopernikus (1978-79) composé par Claude                   A effectuer dans la marge des sons. Comme s’y                                                                                                                                                                                                          Partenaires 2018
 Vivier au sortir d’une double révélation                  sont attelés Pierre-Yves Macé (Rumorarium,                                                                                                                                                                                                             Adami, Sacem, SACD, ONDA, Adam Mickiewicz Institute, Japonismes 2018, Ambassade
 à soi-même (d’abord par la grâce de l’enseigne-           recyclage de musiques captées dans les rues) et                                                                                                                                                                                                        de Norvège, Centre culturel canadien à Paris, British Council, Pledg, Ina
 ment de Stockhausen puis par celle d’une                  Enno Poppe (Rundfunk, reconditionnement des
 immersion à Bali), mais un rituel d’éternité,             synthétiseurs d’antan) pour des créations, elles
 le nom de Dieu (« Hu », la première syllabe               aussi, appelées à siéger dans « l’extra-musical ». p                                             FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS | FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS | FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS | FESTIVAL D’AuTOMNE à PARIS
 du mot « humain » selon une doctrine soufie                                                               p. gi.
Festival - Festival automne
6 | festival d’automne                                                                                                                                                                                             0123
                                                                                                                                                                                                          SAMEDI 8 SEPTEMBRE 2018

                                                   Des scènes aux couleurs
                                                      du temps présent
                                                 Transdisciplinaire et résolument contemporain, le Festival d’automne présente
                                                    des talents éclectiques. Portraits de cinq jeunes artistes à ne pas manquer

          Marion Siéfert met l’enfance à nu
E
          lle n’a pas l’air, comme ça,            j’ai vu tout ce que l’on pouvait voir à          en France pendant la saison 2018-2019,
          Marion Siéfert, longue liane            l’époque, une autre vision du théâtre,           et où, vêtue comme une sorte de
          brune et gracieuse, tête bien           beaucoup plus performative, avec des             Fantômette des années 2.0, elle joue, via
          faite et tête bien pleine, mais         femmes fortes, qui prenaient la parole,          Facebook, avec la vie privée de ses spec-
elle est gonflée. Ne pas trop se fier à sa        comme celles du collectif She She Pop,           tateurs. Pour Le Grand Sommeil, elle a
douceur, son calme apparent. Quand                l’actrice Sophie Rois ou la metteuse en          travaillé, au fil de longues improvisa-
elle était petite, dans son enfance tra-          scène Monika Gintersdorfer. »                    tions, avec sa cousine Jeanne, qui avait
versée par le théâtre, elle s’est passion-                                                         alors 11 ans, avec le désir de « libérer une
née pour les sorcières. Vingt ans plus            Fantômette des années 2.0                        énergie explosive et drôle ». Sur scène,
tard, à 31 ans, elle signe son deuxième             Marion Siéfert va se former à l’Institut       Jeanne est incarnée par l’étonnante dan-
spectacle, Le Grand Sommeil, qui                  théâtral de Giessen, une école qui a peu         seuse-performeuse Helena de Laurens.
plonge dans la face cachée de l’enfance,          à voir avec les conservatoires français.         Et ce n’est pas triste. p
avec ses fantasmes, ses peurs, son anar-          « Le travail y est très libre, très axé sur la                             fabienne darge
chie, sa cruauté, son rapport au corps et         création contemporaine, à la fois théori-
même, oui, son obscénité.                         que et pratique. Là-bas, je n’ai plus été
  « J’ai toujours voulu écrire, jouer,            stigmatisée comme “intello”, et je n’ai
raconter des histoires, mais très vite, j’ai      plus eu besoin de cacher que j’avais fait                            ¶
été heurtée par les rôles féminins dans le        de la philosophie, de la musicologie et de                        à voi r
théâtre classique. » La jeune femme fait          la littérature allemande. »                                l e g ran d s om m e il
des études littéraires brillantes, décou-           C’est à Giessen que Marion Siéfert crée          du 7 au 17 novembre à La Commune,
vre la littérature et la poésie allemandes,       son premier spectacle, un objet scéni-                 centre dramatique national
qui l’ont « beaucoup marquée », et part à         que déjà très culotté, qui s’appelle Deux         d’Aubervilliers ; du 20 au 22 novembre
Berlin, au tournant de l’année 2010. « Là,        ou trois choses que je sais de vous, tourne               à la Ménagerie de verre

                                                                                                                                                  La performeuse Helena de Laurens dans « Le Grand Sommeil ». MARION SIÉFERT

          Hideto Iwaï ou la ruée vers l’autre
            tokyo (japon) - correspondance        à la violence paternelle dans sa jeu-            expressions hai-hai, qui qualifie un bébé
                                                  nesse, il est lui-même agressif. L’intérêt       qui rampe, et de bye-bye, « au revoir »,

C
          omprendre l’autre et soi-               pour la scène naît pendant cette réclu-          comme une métaphore du cycle de la
          même. Telle est la démarche             sion. Les heures passées à regarder la           naissance à la mort.
          d’Hideto Iwaï, acteur, auteur et        télévision, notamment des program-                 Sa première pièce, Hikky Cancun Tor-
          metteur en scène de Wareware            mes de catch, d’arts martiaux et des             nado, parle d’un jeune reclus qui aspire
no moromoro (nos histoires…), sa pre-             matchs de football italiens, font surgir         à devenir lutteur professionnel.
mière pièce en français, née de travaux           une envie de faire des films.                    S’enchaînent ensuite les créations et les
réalisés lors d’ateliers à Gennevilliers.           Il reprend ses études pour intégrer            collaborations. Il s’inspire entre autres
« J’aime vraiment interroger les gens et je       l’université et suit en parallèle des            d’Oriza Hirata – l’initiateur du « shizuka
veux continuer à le faire. Je veux parta-         cours d’art dramatique dans un centre            na gekijo » (théâtre du silence) − dont il
ger leurs peurs et leurs intérêts, et ainsi       culturel local, où l’a inscrit sa mère,          intègre en 2007 la compagnie, Seinen-
écrire sur une variété de sujets », expli-        conseillère psychologique l’ayant aidé à         dan, pour travailler la mise en
que le natif de Tokyo aujourd’hui âgé de          trouver ce qui pouvait le « relier au            scène. Wareware no moromoro est sa
44 ans, dont les créations restent très           monde extérieur ». « J’ai participé à une        seconde pièce présentée en France,
inspirées de son vécu d’« hikikomori »            comédie musicale avec un groupe de               après Le Hikikomori sort de chez lui,
[expérience d’enfermement volontaire et           femmes dans la quarantaine et la cin-            jouée en mars 2018. p
de désintérêt pour le monde extérieur]            quantaine. » Le déclic. « Quand j’ai com-                                philippe mesmer
entre 16 et 20 ans.                               mencé à faire du théâtre, j’ai découvert
                                                  que, pour la première fois, grâce à la fic-
« Xénophobie »                                    tion, je pouvais sortir et apprendre ce
  « La raison pour laquelle je suis resté à la    que les gens pensaient. »                                            ¶
maison n’était pas un cas habituel de               Il crée en 2003 sa propre compagnie,                            à voi r
maltraitance, mais un cas extrême de              dont il est longtemps l’unique membre,               ware ware no mor omor o
xénophobie, une peur des gens », expli-           se contentant de réunir ponctuelle-                     (no s h istoire s … )
quait-il, en 2011, dans un entretien ac-          ment des équipes, toujours réduites.                 du 22 novembre au 3 décembre
cordé à la Fondation du Japon. Confronté          Son nom : Hi-bye, une déclinaison des                au T2G-Théâtre de Gennevilliers                   Hideto Iwaï à Tokyo, en 2016, TORU HIRAIWA

        Ola Maciejewska, l’art et la matière
P
           our la première fois à l’affiche du      Dance Concert est la quatrième pièce           Loïe Fuller : Research (2011). « Toutes mes
           Festival d’automne, la jeune           d’Ola Maciejewska depuis 2011. Celle qui a       pièces ont un point commun : j’y tra-
           chorégraphe Ola Maciejewska,           commencé ses apprentissages en Pologne           vaille toujours à partir ou avec un objet,
           34 ans, s’élance sur les traces du     par la danse classique, la gymnastique et        poursuit Ola Maciejewska. C’est pour
musicien John Cage (1912-1992) et du              le folklore à l’âge de 7 ans, avant de choisir   cela que j’ai eu envie de faire une recher-
chorégraphe Merce Cunningham (1919-               plus tard la voie du contemporain à l’uni-       che sur Loïe Fuller et ses robes. Elle est
2009) dans sa pièce Dance Concert, pour           versité d’Utrecht, aime se frotter à tous les    l’une des rares chorégraphes à avoir
trois danseuses. Elle utilise un appareil         styles. Elle se déclare aussi très marquée       travaillé avec des matières. Je compte
étrange, équipé de deux antennes, le thé-         par les arts visuels, l’architecture, le         d’ailleurs bien remettre ce rapport aux
rémine, l’un des premiers instruments de          sport… « Mon background est changeant            objets au cœur de la danse. »
musique électronique, créé à la fin des           et ouvert, souligne-t-elle. J’ai toujours eu        Autour du thérémine, Ola Maciejewska
années 1910, que Cage utilisa. Sa particu-        envie de tout découvrir et je m’ennuyais         invite une ronde de fantômes : John Cage
larité : réagir magnétiquement aux mou-           très vite : c’est pour cela sans doute que       et Merce Cunningham, mais encore
vements de ceux qui bougent autour de             l’histoire de la danse a nourri mon vocabu-      l’Allemande Mary Wigman (1886-1973), le
lui en produisant des sons entre le violon        laire. Elle est un de mes outils pour encore     Japonais Kazuo Ohno (1906-2010). Un
et la scie musicale. « Ce qui m’intéresse,        élargir ma curiosité. Sans compter que ma        bouquet d’univers contrastés réincarnés
c’est la façon dont cet instrument qui            nostalgie pour le passé a aussi motivé cette     dans un même élan. p
crée une sorte de champ électrostatique           fascination permanente. »                                                 rosita boisseau
devient une métaphore de l’espace, du
champ sensible et empathique qui en-              Tissu virevoltant
toure chacun, explique la chorégraphe,              En 2015, Bombyx Mori, trio présenté à la
qui a collaboré pour l’occasion avec Dorit        Ménagerie de verre, à Paris, la révélait                             ¶
Chrysler, fondatrice de la Theremin               dans une épatante relecture du travail de                         à voi r
Society de New York. Danser autour, c’est         tissu virevoltant de Loïe Fuller (1869-                      dance conce rt
comme pénétrer dans une zone réglée par           1928), déjà présente dans sa pièce consa-                   du 3 au 6 octobre
un système d’alarme. »                            crée à la figure de l’Art nouveau intitulée                au Centre Pompidou                           « Dance Concert » (répétition), à Rotterdam. MARTIN ARGYROGLO
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