Introduction À la rencontre de Shakespeare chez Molière

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Introduction
                                                                                                              À la rencontre de
                                                                                                      Shakespeare chez Molière
ISBN 978-2-7535-2066-0 Presses universitaires de Rennes, 2012, www.pur-editions.fr

                                                                                     Au Cœur de l’Histoire
                                                                                         La Comédie-Française : un nom tout d’abord, qui se rattache à une nation et
                                                                                     à son histoire. Depuis sa création sous le règne de Louis XIV, bien des batailles
                                                                                     et des tempêtes ont mis son existence en péril. Son fonctionnement très particu-
                                                                                     lier a fait l’objet de réformes et, au fil de ces trois derniers siècles, la maison dite
                                                                                     « de Molière » ou encore « La Ruche », bourdonnante de créativité, est devenue
                                                                                     forte de son identité, de ses convictions et de ses conquêtes 1.
« Shakespeare dans la maison de Molière », Estelle Rivier

                                                                                         Que l’on assiste aujourd’hui à une représentation place Colette, dans la salle
                                                                                     Richelieu agencée à l’italienne avec dorures et velours damassé, ou dans l’espace
                                                                                     intime du studio-théâtre sous le carrousel du Louvres ou enfin dans la salle du
                                                                                     Vieux-Colombier créée en 1913 de facture sobre, on mesure la qualité d’une
                                                                                     programmation foisonnante et la prévalence d’un système institutionnel rigoureux 2.
                                                                                         Ce qui se passe dans les coulisses du français influe tant sur la programmation
                                                                                     que sur la réception des spectacles par un public sélectif, avisé et exigeant. Les
                                                                                     administrateurs, les sociétaires et les pensionnaires, de même que les metteurs en
                                                                                               • 1 – On nomme la troupe des Comédiens-Français « la Ruche » car au sein de cette institution,
                                                                                               tout est constamment en effervescence. Se reporter au cahier d’illustrations pour en voir la symbo-
                                                                                               lisation frappée sur un médaillon.
                                                                                               • 2 – Sur l’Histoire de la Comédie-Française, des ouvrages majeurs ont été publiés et ont
                                                                                               nourri cette introduction, en particulier : Patrick Devaux, La Comédie-Française, Paris, PUF,
                                                                                               coll. « Que sais-je ? », n° 2736, 1993 ; Béatrix Dussane, La Comédie-Française, Paris, Hachette, 1960 et
                                                                                               Marie-Agnès Joubert, La Comédie-Française sous l’Occupation, Paris, Tallandier, 1998. Enfin, la revue
                                                                                               Les Nouveaux Cahiers de la Comédie-Française, dont le numéro hors-série « La Comédie-Française »,
                                                                                               La Comédie-française-L’avant-scène Théâtre, Paris, novembre 2009, offre un condensé extrême-
                                                                                               ment clair des principaux rouages de la maison au fil de quatre chapitres rédigés par les membres
                                                                                               actifs qui ont côtoyé de près les tréteaux de l’Institution.
- 16 -                                                                S h a ke s p ea re             d ans        l a    maison              de      Molière

                                                                                     scène, ont un devoir d’allégeance et d’excellence en cette maison de renommée
                                                                                     devenue internationale au gré des politiques internes. Il n’est pas aisé d’en détenir
                                                                                     les secrets, mais on pressent combien les enjeux y sont disputés avec fougue et
                                                                                     ténacité, comme si un autre spectacle avait lieu à l’arrière-scène. Dans ce que nous
                                                                                     voyons aujourd’hui mis en scène se déploie en filigrane une histoire tricentenaire
                                                                                     qu’il nous importe de parcourir en quelques dates afin d’en mesurer les répercus-
                                                                                     sions sur les esthétiques et les choix de notre époque.

                                                                                     En quelques dates3
                                                                                         En 1643, l’Illustre théâtre est créé par Jean-Baptiste Poquelin. Les représenta-
                                                                                     tions ont lieu dans la salle du Jeu de Paume, rue Mazarine et quai des Célestins.
                                                                                     Une première représentation devant le roi est donnée en 1658 car l’Illustre théâtre
ISBN 978-2-7535-2066-0 Presses universitaires de Rennes, 2012, www.pur-editions.fr

                                                                                     est devenu « Troupe de Monsieur », le frère de Louis XIV. La Farce du docteur
                                                                                     amoureux est présentée dans la salle des gardes du Louvres. Se succèdent alors
                                                                                     des représentations dans divers lieux tels que l’immense salle du Petit-Bourbon ou
                                                                                     celle du Palais Royal. En 1665, il s’agit désormais de la « Troupe du Roi » ou les
                                                                                     « Comédiens du Roy » qui reçoit une pension annuelle ainsi que des gratifications
                                                                                     pour les représentations données dans les résidences royales 4. Après la mort de
                                                                                     Molière en 1673, deux troupes, celle des « Tragédiens » du Marais et celle des
                                                                                     « Comédiens » du Palais-Royal fusionnent et s’installent à l’hôtel Guénégaud, rue
                                                                                     Mazarine. On parle alors des Comédiens-Français par opposition aux Comédiens
« Shakespeare dans la maison de Molière », Estelle Rivier

                                                                                     Italiens qui ont davantage recours aux machines théâtrales. Cultures identitaires
                                                                                     et techniques s’entretiennent de pair. Mais la troupe doit son épaisseur finale
                                                                                     à l’intégration de la troupe de l’hôtel de Bourgogne en 1680. En effet, cette
                                                                                     troupe rivale, dirigée par La Thorillière dans l’hôtel de Bourgogne, se joint à celle
                                                                                     menée par Charles Varlet de La Grange, dans l’hôtel Guénégaud 5. Une troupe
                                                                                     unique naît par signature du roi le 21 octobre. Elle compte vingt-sept comédiens
                                                                                     et comédiennes dont Armande Béjart, Paul Poisson ou Jeanne Beauval 6. Phèdre
                                                                                     et Les Carrosses d’Orléans ouvrent la programmation de la Comédie-Française

                                                                                               • 3 – Voir à ce sujet « La Comédie-Française en quelques dates », « La Comédie-Française »,
                                                                                               Les Nouveaux Cahiers de la Comédie-Française, op. cit., p. 4-9 et Jean Valmy-Baysse, Naissance et
                                                                                               vie de la Comédie-Française. Histoire anecdotique et critique du Théâtre-Français, Paris, Floury, 1945.
                                                                                               • 4 – Claude Larquie, Nicole Bernard, Les Comédiens de Molière. 1920-2002, Paris, Séguier,
                                                                                               2002, élabore une analyse précise sur cette période. L’ouvrage ancien d’Émile Campardon,
                                                                                               Les Comédiens du Roy de la Troupe Française pendant les deux derniers siècles, Paris, Champion, 1879,
                                                                                               en offre une approche critique différente.
                                                                                               • 5 – Cf. « Le dévouement acharné de La Grange », Pierre Notte, « La Troupe », Les Nouveaux
                                                                                               Cahiers de la Comédie-Française, op. cit., p. 12-13.
                                                                                               • 6 – Cf. Agathe Sanjuan, « La Société des Comédiens-Français », ibid., p. 17-27.
I nt ro d uction                                                          - 17 -

                                                                                     le 26 août 1680. Malgré la tutelle royale qui vaut aux comédiens réunis par
                                                                                     un acte d’association une protection et un droit d’exclusivité, la rivalité entre
                                                                                     troupes demeure. Les Comédiens Italiens et le Théâtre de la Foire sont leurs prin-
                                                                                     cipaux concurrents. Les représentations sont soumises à la censure, aux caprices
                                                                                     de la Couronne, mais aussi aux divers déménagements. Entre 1680 et 1799, la
                                                                                     troupe connaît pas moins de cinq lieux de représentation : l’hôtel Guénégaud
                                                                                     précédemment cité, la salle des Fossés-Saint-Germain-des-Prés (1689), la salle
                                                                                     des Machines (Palais des Tuileries, 1770), le Théâtre-français du Faubourg
                                                                                     Saint-Germain (1782, l’actuel Théâtre de l’Odéon), enfin, la salle Richelieu
                                                                                     dans la rue du même nom après les tumultes de la Révolution (1799) 7. Ces
                                                                                     bouleversements externes sont représentatifs des tumultes internes à la troupe
                                                                                     du Français où le répertoire est assujetti aux aléas de la politique du pouvoir en
                                                                                     place et des rivalités nationales. Ainsi, par exemple, pour faire face à la concur-
ISBN 978-2-7535-2066-0 Presses universitaires de Rennes, 2012, www.pur-editions.fr

                                                                                     rence des Comédiens Italiens ou du Théâtre de la Foire, le Français qui jusque-là
                                                                                     avait inscrit l’alternance entre comédies et tragédies dans ses principes, valorise
                                                                                     l’œuvre de Voltaire au début du xviiie siècle et bouleverse les formes classiques
                                                                                     d’interprétation 8. Adrienne Lecouvreur ainsi que Mademoiselle Duclos optent
                                                                                     pour un jeu naturel dans des costumes simplifiés. Le répertoire accueille de
                                                                                     nouveaux auteurs tels que Jean-Baptiste Gresset, Philippe Néricault Destouches,
                                                                                     Barthélémy-Christophe Fagan et Pierre-Claude Nivelle de la Chaussée qui instaure
                                                                                     la comédie « larmoyante ». Marivaux entre également à la Comédie-Française en
                                                                                     1720, mais rencontre un échec. Il faudra attendre 1793 avec Les Fausses Confidences
« Shakespeare dans la maison de Molière », Estelle Rivier

                                                                                     et 1802 avec Le Jeu de l’amour et du hasard avant qu’il n’occupe à son tour une
                                                                                     place de choix. Quant au Mariage de Figaro de Beaumarchais, monté en 1784, il
                                                                                     fait l’objet d’enthousiasme autant que de censure alors que la Révolution gronde.

                                                                                     D’un siècle à l’autre
                                                                                        À la fin du xviiie siècle, de par son statut de troupe royale, la Comédie-
                                                                                     Française occupe une position plus que délicate. En son sein s’opposent les
                                                                                     monarchistes aux « rouges » que sont François-Joseph Talma, Jean-Henri Dugazon
                                                                                     ou Grandménil, Madame Vestris (épouse de Dugazon) ou Mesdemoiselles de

                                                                                               • 7 – Le Journal de la Comédie-Française 1787-1799, Noëlle Guibert, Jacqueline Razgonnikoff,
                                                                                               La Comédie aux trois couleurs, préface d’Antoine Vitez, Antony, SIDES/EMPREINTES, 1989,
                                                                                               retrace avec minutie les événements clefs vécus par la troupe du Français en cette période houleuse
                                                                                               les comédiens et leur institution étaient presque autant menacés que la tête des aristocrates.
                                                                                               • 8 – Au sujet de « l’alternance » à la Comédie-Française, voir Noëlle Guibert, « Que joue-t-on
                                                                                               ce soir. L’alternance à la Comédie-Française », Les Nouveaux Cahiers de la Comédie-Française,
                                                                                               op. cit., p. 70-85.
- 18 -                                                                S h a ke s p ea re             d ans         l a    maison              de      Molière

                                                                                     Garcins et Simon. Ces derniers s’installent rue de Richelieu dans le Théâtre de la
                                                                                     République tandis que le Français devient Théâtre de la Nation. Talma s’illustre
                                                                                     ainsi tant par ses qualités d’acteur que par sa verve républicaine 9. Notons en
                                                                                     passant que le 26 novembre 1792 paraît à l’affiche du Théâtre de la République,
                                                                                     Othello, Le More de Venise, adaptation par Jean-François Ducis de la pièce du
                                                                                     même nom d’un certain William Shakespeare 10. Un premier pont est jeté entre la
                                                                                     France et sa voisine insulaire.
                                                                                         Du fait du scindement de son effectif, l’ancienne Comédie-Française voit ses
                                                                                     privilèges s’effondrer. Significativement, elle perd sa pension royale. Par ordre du
                                                                                     comité de salut public, la salle à L’Odéon est fermée en 1793, mais les comédiens
                                                                                     sont sauvés in extremis de la guillotine grâce à Charles Hippolyte de Labussière,
                                                                                     lui-même acteur 11. Le 30 mai 1799, les dissensions s’estompent et les deux camps
                                                                                     se réunissent pour reprendre leurs représentations au Théâtre-Français, rue de
ISBN 978-2-7535-2066-0 Presses universitaires de Rennes, 2012, www.pur-editions.fr

                                                                                     Richelieu. Talma y figure et instaure un renouveau des conventions de la repré-
                                                                                     sentation. De fait, la révolution a lieu aussi bien hors que dans les murs de cette
                                                                                     troupe désormais cinquantenaire 12.
                                                                                         Sous l’Empire, alors que Napoléon Bonaparte ne cache pas son admiration
                                                                                     pour Talma (il avait noué des liens avec lui pendant la Révolution), le Français
                                                                                     privilégie les œuvres classiques pour lesquelles il rencontre un vif succès grâce au
                                                                                     jeu de Fleury, Dugazon, Dazincourt, Mlle George ou Mlle Duschenois, d’autres
                                                                                     grands noms à l’affiche des spectacles. Il faut aussi admettre que la concurrence
                                                                                     est moins vive puisque des vingt-quatre théâtres que comptait la capitale au
« Shakespeare dans la maison de Molière », Estelle Rivier

                                                                                     xviiie siècle, il n’en reste plus que huit. Le répertoire est néanmoins revu, en
                                                                                     particulier après la mort de Talma en 1826 qui secoue l’Institution. La société
                                                                                     dont les statuts avaient été rétablis et revus dans un nouvel acte de 1804 est sur le
                                                                                     point d’être dissoute, mais le baron Taylor, nommé commissaire royal, fait entrer
                                                                                     de nouveaux auteurs au répertoire : c’est l’avènement du drame romantique 13. Les

                                                                                               • 9 – Plusieurs ouvrages ont été consacrés à ce comédien talentueux : celui, très récent, de Bruno
                                                                                               Villien, Talma, l’acteur favori de Napoléon Ier, Paris, Éditions Pygmalion/Gérard Watelet, 2001 et
                                                                                               celui de Madeleine et Francis Ambrière, Talma ou l’histoire au Théâtre, Paris, Éditions de Fallois,
                                                                                               2007, qui sert précisément le détail de notre encart en conclusion du présent chapitre.
                                                                                               • 10 – Au sujet de Jean-François Ducis, voir John Golder, Shakespeare for the Age of Reason,
                                                                                               Earlier Stage Adaptations of Jean-François Ducis, 1769-1792, Voltaire Foundation, 1992, ainsi que
                                                                                               Paul Albert, Jean-François Ducis, Lettres de Jean-François Ducis, Kessinger Publishing, 2009.
                                                                                               • 11 – Employé au bureau de police des Tuileries en 1794, il est horrifié par les exécutions en masse
                                                                                               dont il est mis au fait par les dossiers qui parviennent sous ses yeux. Il décide alors de jeter certains
                                                                                               d’entre eux où figurent les noms d’artistes du Théâtre-Français.
                                                                                               • 12 – Noëlle Guibert, Jacqueline Razgonnikoff, « Agitation dans les rues, sur la salle et sur la
                                                                                               scène », op. cit., p. 179-188.
                                                                                               • 13 – À ce sujet, on se reportera notamment à l’ouvrage d’Albert Soubies, La Comédie-Française
                                                                                               depuis l’époque romantique. 1825-1984, Paris, Fischbacher, 1895.
I nt ro d uction                                                     - 19 -

                                                                                     pièces d’Alexandre Dumas, de Victor Hugo, d’Alfred de Vigny déclenchent les
                                                                                     passions jusque dans les années trente. Avec Le More de Venise présenté en 1829,
                                                                                     nouvelle adaptation d’Othello, le nom d’un auteur français, celui de Vigny cette
                                                                                     fois-ci, est de nouveau associé à celui de Shakespeare. Mais cette œuvre provoque
                                                                                     des débats, à l’instar du Hernani de Victor Hugo présentée l’année suivante et la
                                                                                     tragédie classique reprend le dessus.
                                                                                           Jusqu’alors, selon le décret de Moscou datant de 1812, la gestion de la troupe
                                                                                     était entre les mains d’un directeur (Jousslin de la Salle, Vedel ; Buloz, Lockroy,
                                                                                     Bazenerye se succèdent de 1833 à 1849). Au cœur du siècle, la fonction d’ad-
                                                                                     ministrateur voit le jour : Arsène Houssaye est nommé en 1850, le baron Empis
                                                                                     en 1856 et les Comédiens-Français deviennent troupe ordinaire de l’Empereur.
                                                                                     Le premier rétablit le nom de Comédie-Française et favorise un répertoire contem-
                                                                                     porain. La comédienne Rachel y connaît ses jours de gloire ; son successeur préfère
ISBN 978-2-7535-2066-0 Presses universitaires de Rennes, 2012, www.pur-editions.fr

                                                                                     le théâtre classique 14. Quant à Édouard Thierry qui administrera la maison pendant
                                                                                     douze ans (1859-1871), il met la comédie bourgeoise à l’honneur. Dès lors, les
                                                                                     administrateurs marquent de leur empreinte le style de la grande Institution et si
                                                                                     des acteurs de renommée, parmi lesquels Sarah Bernhard ou Mounet-Sully, offrent
                                                                                     des interprétations retentissantes, ce sont aussi les décors somptueux qui attirent
                                                                                     le public de plus en plus dense.
                                                                                           Jules Clarétie est l’administrateur qui passera le flambeau du xix e au
                                                                                         e
                                                                                     xx siècle puisqu’il occupera le poste de 1885 à 1913, une longévité louable
                                                                                     quand on connaît les difficultés financières et matérielles que doit affronter la
« Shakespeare dans la maison de Molière », Estelle Rivier

                                                                                     Comédie-Française en cette période : crise boulangiste, incendie du théâtre en
                                                                                     1900 (pérégrinations des comédiens entre l’Opéra, l’Odéon entre autres lieux de
                                                                                     représentation) ; implications politiques de Clarétie (Républicain et Dreyfusard) ;
                                                                                     grève des comédiens quand revient à l’administrateur l’exclusivité des choix de
                                                                                     pièces (le comité de lecture disparaît entre 1901 et 1910 ; Sarah Bernhard quitte
                                                                                     l’Institution). La mission de son successeur, Albert Carré, est donc de restau-
                                                                                     rer discipline et esprit de solidarité au sein de la maison. La Première Guerre
                                                                                     mondiale ne facilite pas cette perspective. Émile Fabre est nommé administrateur
                                                                                     général pendant la durée de la guerre quand Carré sert à son grade de lieutenant
                                                                                     colonel ; certains comédiens tels que Reynal ou Fontaine meurent sur le Front 15.
                                                                                     Le répertoire prend des accents patriotiques et se met en scène au Théâtre des
                                                                                     Armées. Après la guerre, Fabre poursuit son mandat quand Carré rejoint l’Opéra
                                                                                     Comique où il officiait auparavant. Des réformes voient le jour : les sociétaires
                                                                                     sont davantage impliqués dans les choix artistiques et leurs statuts évoluent (il n’y
                                                                                               • 14 – Sylvie Chevalley a consacré une étude complète sur la comédienne : Rachel, Paris,
                                                                                               Calmann-Lévy, 1989.
                                                                                               • 15 – Émile Mas, La Comédie-Française pendant la Guerre. 1914-1917, Paris, Figuière, 1929.
- 20 -                                                                S h a ke s p ea re            d ans        l a   maison             de     Molière

                                                                                     a plus de limite d’âge dans la désignation des sociétaires honoraires par exemple).
                                                                                     Si, sous son mandat, Fabre voit la célébration du tricentenaire de la naissance de
                                                                                     Molière, le centenaire du Romantisme et inscrit au répertoire les auteurs étrangers,
                                                                                     il doit traverser une période de crise à l’approche de la Seconde Guerre mondiale
                                                                                     quand en 1933, il monte Coriolan de Shakespeare. L’arrière-plan politique, où
                                                                                     se mêlent partisans fascistes et insécurité populaire, donne à la tragédie romaine
                                                                                     des accents de propagande. Fabre est contraint de quitter sa fonction très provi-
                                                                                     soirement puisqu’il la récupère deux jours plus tard ! Dans cette nouvelle période
                                                                                     transitoire, la troupe se recompose et sort des murs de la capitale. Charles Granval,
                                                                                     Madeleine Renaud, Berthe Bovy, René Alexandre ou Gabrielle Robinne se parta-
                                                                                     gent l’affiche. Les Précieuses ridicules partent en tournée à l’étranger et les enregis-
                                                                                     trements radiophoniques se multiplient, parfois au détriment d’une qualité irré-
                                                                                     prochable. Quand Édouard Bourdet succède à Fabre en 1936, il est secondé par le
ISBN 978-2-7535-2066-0 Presses universitaires de Rennes, 2012, www.pur-editions.fr

                                                                                     Cartel des quatre (Louis Jouvet, Charles Dullin, Jacques Copeau et Gaston Baty)
                                                                                     afin de renouveler le répertoire et redonner à la maison son rayonnement artis-
                                                                                     tique. Le metteur en scène est valorisé tant dans son rôle que sur l’affiche où il
                                                                                     figure avec netteté désormais. Ainsi les auteurs contemporains de même que les
                                                                                     noms étrangers reviennent en force (Giraudoux, Claudel, Mauriac, Pirandello).
                                                                                     Montherlant et Claudel sont joués pendant la guerre. À l’initiative de Jacques
                                                                                     Copeau ou de Gaston Baty, les décors sont moins imposants. Modulables ils
                                                                                     reprennent les grands principes promus bien avant par Edward Gordon Craig
                                                                                     dont les paravents mobiles permettent la création d’espaces variés, qui suivent les
« Shakespeare dans la maison de Molière », Estelle Rivier

                                                                                     mouvements de la pièce sans en entraver le rythme 16.
                                                                                         Durant la Seconde Guerre mondiale, la Comédie-Française connaît des remous
                                                                                     car les tensions externes ne sont pas sans conséquence sur la gestion de la maison.
                                                                                     Il convient d’être prudent quant au contenu du répertoire. Jacques Copeau offre
                                                                                     une nouvelle mise en scène de La Nuit des rois en 1940 tout en assurant la fonction
                                                                                     d’administrateur par intérim ; Jean-Louis Vaudoyer, qui lui succède, se plie aux
                                                                                     desiderata allemands (représentation du Schillertheater). Shakespeare est néan-
                                                                                     moins remis à l’honneur : reprise de Hamlet puis entrée au répertoire de Antoine
                                                                                     et Cléopâtre en 1942 et 1945, salle Richelieu, dans les mises en scène respectives de
                                                                                     Charles Granval et de Jean-Louis Barrault qui est devenu sociétaire. La situation
                                                                                     des comédiens et de leur théâtre n’est cependant pas florissante et la deuxième
                                                                                     moitié du xxe siècle est marquée par la mise en œuvre de nouveaux décrets

                                                                                                • 16 – Cf. Edward C raig Nash , Edward Gordon Craig 1872-1966 , Museum, HMSO,
                                                                                                1967 ; Denis Bablet, Edward Gordon Craig, Paris, Heinemann, 1966 et Christopher Innes,
                                                                                                Edward Gordon Craig, A Vision of Theatre, Routledge, Contemporary Theatre Studies, 1998
                                                                                                (2nd Revised edition). Craig a également exposé ses principes dans son célèbre ouvrage On the Art
                                                                                                of the Theatre, Routledge, 2008 (nouvelle édition).
I nt ro d uction                                                          - 21 -

                                                                                     visant à revaloriser les conditions de vie et de production au sein de la Ruche.
                                                                                     Celle-ci jouit désormais de deux salles, Richelieu pour les auteurs français dispa-
                                                                                     rus ou dont la création est ancienne de dix ans et plus, Luxembourg (à L’Odéon)
                                                                                     pour les pièces nouvelles dont les auteurs sont vivants. Sous les mandats de
                                                                                     Pierre-Aimé Touchard (1947-1953) et de Pierre Descaves (1953-1959), la troupe
                                                                                     se solidarise car les anciens pensionnaires et sociétaires la regagnent. De même
                                                                                     que celui des représentations, leur nombre croît : Robert Hirsch, Louis Seigner,
                                                                                     Jean Piat, Georges Descrières affirment toute la mesure de leur talent.
                                                                                         Dès lors, la force de la maison de Molière repose tout autant sur les choix
                                                                                     artistiques et statutaires que sur la qualité des interprètes qui, pour sa part, n’a
                                                                                     jamais été fondamentalement défaillante. Ces choix reposent principalement entre
                                                                                     les mains d’une seule personne, l’administrateur. Si l’on regarde l’historique de
                                                                                     ces soixante dernières années, de 1950 à nos jours, on constate combien les prises
ISBN 978-2-7535-2066-0 Presses universitaires de Rennes, 2012, www.pur-editions.fr

                                                                                     de position de celui-ci influent sur l’image extérieure de l’Institution et sur la
                                                                                     programmation des spectacles 17. Aussi, afin de compléter le portrait historique
                                                                                     de la Comédie-française, il convient de s’attarder sur le rôle de son orchestrateur,
                                                                                     indissociable du rayonnement et du bon fonctionnement de l’Institution.

                                                                                     L’administrateur, un rôle essentiel18
                                                                                           Dénominations et gestion de la Comédie-Française19
« Shakespeare dans la maison de Molière », Estelle Rivier

                                                                                     1665 : Molière et sa compagnie deviennent « Troupe de Monsieur ».
                                                                                     1673 : La Troupe du Marais et l’ancienne troupe de Monsieur constituent « La Troupe du Roy ».
                                                                                     1680 : 21 octobre. Acte fondateur qui donne une base juridique à la Troupe du Roy.
                                                                                     1681 : 5 janvier. Association formée par les comédiens.
                                                                                     1757 : Nouvel acte de société et règlement intérieur.
                                                                                     1762 : Création du comité.
                                                                                     1766 : Texte royal au sujet du comité, des assemblées, du répertoire entre autres. Les acteurs
                                                                                     reçoivent une pension du roi.
                                                                                     1784-1793 : La troupe se scinde entre partisans de l’aristocratie et idéalistes révolutionnaires.
                                                                                     1799 : L’État réunit les deux groupes, Théâtre de la République (actuelle salle Richelieu).
                                                                                     1804 : Nouvel acte qui établit le terme de « sociétaire » : la Comédie-française devient société
                                                                                     commanditaire sous l’autorité du gouvernement.
                                                                                     1852-1870 : Sous Napoléon III, les comédiens sont à nouveau « les Comédiens ordinaires
                                                                                     de l’Empereur ».

                                                                                                • 17 – Voir Patrick Devaux, « Brève histoire administrative et des relations avec le pouvoir »,
                                                                                                Les Nouveaux Cahiers de la Comédie-Française, op. cit., p. 91-98.
                                                                                                • 18 – Se reporter à la liste exhaustive des administrateurs de la Comédie-française au xxe siècle
                                                                                                en annexe I.
                                                                                                • 19 – Joël Huthwohl, « Théâtre et Pouvoirs », « Comédie-Française », Théâtres, Le Magazine
                                                                                                2003-2004, Hors-série n° 1, p. 43-47.
- 22 -                                                                S h a ke s p ea re           d ans      l a   maison           de     Molière

                                                                                     1870 : Les rapports entre comédie et État se resserrent. Le nom de « Comédie-Française » est
                                                                                     instauré définitivement.
                                                                                     xxe siècle : La censure très présente jusqu’à la Libération conduit à la modernisation des statuts
                                                                                     en 1946.
                                                                                     1959 : Nouveau décret sous la direction d’André Malraux. L’État demeure très impliqué dans la
                                                                                     gestion de la maison.
                                                                                     1975 : Nouveau décret par Pierre Dux : le nombre de sociétaires s’enrichit de dix membres.
                                                                                     1995 : Décret réunissant l’ensemble des articles jusque-là stipulés dans plusieurs décrets.
                                                                                     La Comédie-Française devient établissement public à caractère industriel et commercial : EPIC.
                                                                                     La légitimité du rôle d’administrateur est réaffirmée. Il choisit la politique générale de la maison
                                                                                     en accord avec le conseil d’administration.

                                                                                         Nommé pour une durée de cinq ans renouvelable par périodes de trois ans,
                                                                                     l’administrateur mène une politique artistique dont dépend la prospérité et la
ISBN 978-2-7535-2066-0 Presses universitaires de Rennes, 2012, www.pur-editions.fr

                                                                                     renommée de la Maison et de ses habitants. C’est lui qui choisit les pensionnaires,
                                                                                     procède à la distribution des rôles et met en place la programmation. Il est autant
                                                                                     figure paternelle que censeur dans la mesure où toute entreprise majeure, si tant est
                                                                                     qu’elle soit approuvée par le conseil d’administration, est soumise à son contrôle.
                                                                                     Certes, l’État qui subventionne les deux tiers des fonds annuels de l’Institution
                                                                                     possède un droit de regard – nombre de personnalités politiques, de chefs d’État
                                                                                     et de présidents se sont assis sur les sièges de velours rouge des loges d’honneur –
                                                                                     mais au cours de ces dernières décennies, les prises de position de l’administra-
                                                                                     teur, quelles qu’elles soient, se sont imposées au-delà des critiques, des a priori ou
« Shakespeare dans la maison de Molière », Estelle Rivier

                                                                                     des éventuels veto. Ci-dessous, la rétrospective de la politique menée par certains
                                                                                     d’entre eux en est la preuve.

                                                                                     Quelques politiques administratives récentes
                                                                                        Les administrateurs n’ont pas tous laissé de trace écrite de leur administration
                                                                                     de la Comédie-française. Nous nous référons donc ci-dessous aux témoignages
                                                                                     oraux et aux comptes-rendus qui ont été rendus publics.

                                                                                     Pierre dux
                                                                                        C’est le 31 août 1944 que Pierre Dux est nommé administrateur de la
                                                                                     Comédie-française, à titre provisoire 20. Il s’agit évidemment d’une période mouve-
                                                                                     mentée de l’Histoire, tant au sein de la maison qu’à l’extérieur de celle-ci. Certains
                                                                                     pensionnaires ont été victimes des législations anti-juives ou des évictions arbi-
                                                                                                • 20 – Marie-Agnès Joubert, Jacqueline Razgonikoff, Armand Delcampe, Terry Hands,
                                                                                                Jean-Claude Grumberg, Laure Saveuse-Boulay, « L’administrateur », Pierre Dux, Les Nouveaux
                                                                                                Cahiers de la Comédie-Française, L’avant-Scène Théâtre, octobre 2008, p. 25-44.
I nt ro d uction                                                          - 23 -

                                                                                     traires mandées par le gouvernement de Vichy. Pierre Dux a donc des objectifs
                                                                                     majeurs qui sont de reconstituer la troupe et de valoriser la qualité des spectacles sur
                                                                                     leur quantité. Les Comédiens-Français pourront participer à des émissions radio-
                                                                                     phoniques, tourner au cinéma et à l’étranger ; de façon exceptionnelle, ils pourront
                                                                                     mettre en scène des spectacles dans d’autres théâtres. Ces propositions de réformes
                                                                                     faites n’étant pas acceptées, Pierre Dux met un terme à son mandat en juin 1945.
                                                                                     André Obey lui succède alors. Il faudra attendre 1970 pour que les idées lancées par
                                                                                     Pierre Dux soient satisfaites, lorsqu’il succède à Maurice Escande. La troupe revient
                                                                                     au centre de ses préoccupations et pour ce faire, il engage de nouveaux pension-
                                                                                     naires issus principalement du Conservatoire. Des travaux sont mis en œuvre dans
                                                                                     le théâtre : une salle est notamment dédiée à son prédécesseur, Maurice Escande,
                                                                                     sous la cour d’honneur du Palais-Royal. La troupe voyage : au Théâtre Marigny, aux
                                                                                     Tuileries, à Avignon, au palais des Congrès ou encore à Chaillot. Malgré les crises
ISBN 978-2-7535-2066-0 Presses universitaires de Rennes, 2012, www.pur-editions.fr

                                                                                     – en particulier celle de 1972 où nombre des techniciens sont en grève – la poli-
                                                                                     tique menée par Pierre Dux porte ses fruits : auteur, troupe et public sont mis en
                                                                                     valeur contre la toute puissance du metteur en scène. Les rapports entre monde
                                                                                     des feux de la rampe et public se démocratisent : avec l’aide de Georges Guette,
                                                                                     Pierre Dux crée une revue (Comédie Française) qui informe des nouveautés, des
                                                                                     choix esthétiques et dramaturgiques de la maison. Affiches, annonces radiopho-
                                                                                     niques, partenariat avec Europe 1, complètent cette véritable campagne de popu-
                                                                                     larisation de la grande Institution 21. Enfin, il n’hésite pas à faire appel à des contri-
                                                                                     butions extérieures ou étrangères, tels Terry Hands ou Giorgio Strehler. C’est ainsi
« Shakespeare dans la maison de Molière », Estelle Rivier

                                                                                     qu’au cours de la troisième année du mandat de Pierre Dux, la Comédie-française
                                                                                     fait salle comble à chaque représentation ou presque.

                                                                                     Jean-Pierre Vincent
                                                                                         Jean-Pierre Vincent, qui accepte de diriger les lieux en 1983, porte un regard
                                                                                     plutôt favorable sur celui qui le précéda dix ans plus tôt, mais bien sûr son désir est
                                                                                     d’aller bien plus loin encore. Il veut « remuer » la maison, confiera-t-il plus tard 22.
                                                                                     Il accepte sa mission en posant ses conditions, c’est-à-dire en dirigeant la maison
                                                                                     à partir du plateau. Là encore, la troupe doit être au centre des préoccupations,
                                                                                     mais la situation politique de l’époque menée par François Mitterrand est houleuse,
                                                                                                • 21 – « CVscope installé dans le hall de la salle Richelieu et de l’Odéon, […] avec ses douze
                                                                                                écrans permet de représenter par des images animées en couleurs, les dix nouveaux spectacles de la
                                                                                                Comédie-française pour la saison 1971-1972, tout en diffusant les programmes de la station. En
                                                                                                contrepartie, Europe 1 diffuse régulièrement des spots de la Comédie-française dans trois émissions
                                                                                                “Carré Bleu”, “Campus” et “La nuit est à nous” », Laure Saveuse-Boulay, ibid., p. 42.
                                                                                                • 22 – Jean-Pierre Vincent, « La Comédie-Française, le temps des tensions », Le Désordre des
                                                                                                vivants, mes quarante-trois premières années de théâtre, entretiens avec Dominique Darzacq,
                                                                                                Les Solitaires intempestifs, coédition Théâtre Nanterre-Amandiers, Besançon, 2005, p. 65.
- 24 -                                                                S h a ke s p ea re            d ans        l a    maison             de      Molière

                                                                                     en particulier en matière culturelle. Les polémiques venues des sociétaires et du
                                                                                     ministère donnent à Jean-Pierre Vincent l’impression d’être pris entre deux feux,
                                                                                     « d’être à Dien Biên Phu 23 ». Ces tiraillements lui font porter un regard amer sur
                                                                                     la société française, « notariale, catholique, intrigante », qui n’hésite pas à trahir
                                                                                     pour atteindre son but 24. Ce qu’il souhaite, c’est ne pas se laisser influencer par
                                                                                     les pressions diverses : il prend des risques en proposant une création pour la salle
                                                                                     Richelieu, Félicité de Jean Audureau. Cela faisait dix-sept ans qu’une création y
                                                                                     avait eu lieu. Qui plus est, cette pièce très littéraire et poétique est inattendue dans
                                                                                     le contexte politique que l’on sait. Jean-Pierre Vincent entend rester fidèle à ses
                                                                                     principes en recrutant des acteurs du TNS ou du Conservatoire. Muriel Mayette,
                                                                                     actuel administrateur de la Comédie-Française, en fait partie. Il fait aussi appel à
                                                                                     des metteurs en scène inédits en ces lieux : Klaus Michaël Grüber, Claude Régy
                                                                                     entre autres. Mais diriger depuis le plateau et renouveler le répertoire, notamment
ISBN 978-2-7535-2066-0 Presses universitaires de Rennes, 2012, www.pur-editions.fr

                                                                                     en y re-inscrivant Shakespeare en 1985, s’avèrent difficile. L’échec de Macbeth lui
                                                                                     fait prendre conscience des limites de ses possibilités en tant que metteur en scène
                                                                                     au Français. Il lui faut choisir entre le travail d’administrateur et celui de metteur
                                                                                     en scène. En 1986, il renonce alors à prendre un deuxième mandat.

                                                                                     Jean-Pierre Miquel
                                                                                         De même que Jean-Pierre Vincent, le bilan de Jean-Pierre Miquel sur sa propre
                                                                                     histoire à la Comédie-Française est livré non sans une douceur amère. Dans un
                                                                                     ouvrage intitulé La Ruche, Mythes et réalités de la Comédie-Française, il fait part de
« Shakespeare dans la maison de Molière », Estelle Rivier

                                                                                     son expérience et tente de porter un regard critique sur l’institution qu’il a dirigée
                                                                                     au cours de deux mandats successifs 25. Il replace la fonction d’administrateur
                                                                                     dans son contexte historique et précise qu’à l’heure où il est lui-même nommé à la
                                                                                     tête de l’Institution, son rôle n’est pas tant d’administrer la maison que de diriger
                                                                                     l’artistique. L’administrateur est avant tout un homme de théâtre secondé par
                                                                                     un « directeur général des services » qui se charge plus précisément de la gestion.
                                                                                     S’il dirige la troupe des comédiens, ses pouvoirs demeurent limités car il ne peut
                                                                                     pas modeler celle-ci selon ses souhaits. Les sociétaires ont leurs habitudes ; ils ont
                                                                                     d’ailleurs souvent connu plusieurs administrateurs au cours de leur carrière au
                                                                                     Français. Pourtant les choix artistiques dépendent de cette troupe en premier lieu.
                                                                                     Il faut donc savoir en ménager les susceptibilités. Il écrit :
                                                                                                   « [L’administrateur] devra savoir qu’on le considèrera toujours comme
                                                                                                   quelqu’un venu de l’extérieur, nommé par l’État, et donc suspect a priori…
                                                                                               • 23 – Ibid., p. 68.
                                                                                               • 24 – Ibid., p. 68.
                                                                                               • 25 – Jean-Pierre Miquel, Paris, Actes Sud, 2002, 213 p. Le décret de 1995 stipule qu’un administra-
                                                                                               teur est nommé pour cinq ans. Cette nomination est reconductible par périodes de trois ans ensuite.
I nt ro d uction                                                         - 25 -

                                                                                                   même si son compagnonnage avec la maison est ancien, même s’il est
                                                                                                   issu de la troupe 26. »
                                                                                        Jean-Pierre Miquel est persuadé que la mission de la Comédie-française,
                                                                                     théâtre public, est d’offrir à l’affiche une palette de titres susceptibles d’attirer le
                                                                                     plus grand nombre de spectateurs. Pour cela, il convient de concocter un savant
                                                                                     mélange d’œuvres connues, Britannicus, Ruy Blas, Le Jeu de l’amour et du hasard,
                                                                                     Lorenzaccio, Dom Juan par exemple et de pièces contemporaines, même si ces
                                                                                     dernières ne remporteront pas le même succès. Ainsi Bal Masqué de Lermontov
                                                                                     ou Danse de mort de Strindberg, pourtant montés par de grands metteurs en scène
                                                                                     – Anatoli Vassiliev et Matthias Langhoff – n’ont pas attiré les foules parce que
                                                                                     ce ne sont pas des titres très populaires. Au cours de ses deux mandats, soit une
                                                                                     durée de huit ans (août 1993-août 2001), Jean-Pierre Miquel programme cent-
                                                                                     deux titres. Il ne cache pas que la médiatisation joue un grand rôle dans la réussite
ISBN 978-2-7535-2066-0 Presses universitaires de Rennes, 2012, www.pur-editions.fr

                                                                                     d’une programmation. Malgré les tensions qui peuvent surgir ici ou là de la part
                                                                                     des sociétaires ou du ministère, il conclut sur une note plutôt positive en rendant
                                                                                     hommage à tous les collaborateurs de l’ombre qui l’ont aidé à mener à bien ses
                                                                                     projets pendant ces années où il fut à la tête, dit-il, d’une « superbe machine
                                                                                     à produire du théâtre 27 ».

                                                                                     Marcel Bozonnet
                                                                                         Marcel Bozonnet succède à Jean-Pierre Miquel en 2001. Il accepte de se
                                                                                     porter candidat au poste, après avoir dirigé le conservatoire pendant huit ans
« Shakespeare dans la maison de Molière », Estelle Rivier

                                                                                     parce qu’il se sent « la capacité de proposer à la troupe un programme artistique,
                                                                                     de la perfectionner, de lui faire rencontrer des auteurs, des maîtres d’œuvre 28 ». Il
                                                                                     établit son projet selon cinq lignes directrices : construire l’unité des trois théâtres
                                                                                     (Richelieu, Studio-Théâtre et Vieux-Colombier), ouvrir sur le monde, transmettre
                                                                                     la mémoire du théâtre, relever des défis contemporains et diversifier les fonctions
                                                                                     de la Comédie-Française 29. Dans ces buts, il emprunte la voie du métissage en
                                                                                     renouvelant la troupe avec des jeunes comédiens d’origines étrangères : Andrzej
                                                                                     Seweryn avait intégré la troupe en 1993, Rachida Brakni arrive en 2001, Shakrokh
                                                                                     Moshkin Ghalam en 2005, Marina Hands en 2006. La venue de ces artistes étran-

                                                                                               • 26 – Jean-Pierre Miquel, ibid., p. 100.
                                                                                               • 27 – Ibid., p. 191.
                                                                                               • 28 – Marcel Bozonnet, Théâtres, op. cit., p. 10.
                                                                                               • 29 – Marcel Bozonnet a laissé un témoignage sur son expérience en tant qu’administrateur
                                                                                               dans un tapuscrit (non publié) actuellement consultable dans la Bibliothèque-Musée de la
                                                                                               Comédie-française. En outre il a rédigé la préface de l’ouvrage de Laurencine L ot,
                                                                                               La Comédie-Française. 30 ans de création théâtrale, texte de Joël Huthwohl, Paris, La Renaissance
                                                                                               du Livre, 2003.
- 26 -                                                                S h a ke s p ea re          d ans       l a    maison           de     Molière

                                                                                     gers permet de confronter les techniques de jeu et d’esthétiques théâtrales. Ainsi
                                                                                     Piotr Fomenko marque l’équipe de La Forêt, Anatoli Vassiliev celle d’Amphytrion.
                                                                                     De même, il souhaite inviter des jeunes metteurs en scène : Arthur Nauzyciel,
                                                                                     Thierry De Peretti, Pascal Rambert, Robert Cantarella côtoient les plus grands,
                                                                                     Lasalle, Engel, Villégier, Lavelli, Vigner ou Schiaretti entre autres, ainsi que
                                                                                     les metteurs en scène étrangers, Beno Besson, Robert Wilson, Andrei Serban,
                                                                                     Matthias Langhoff, Anatoli Vassiliev ou Piotr Fomenko. Il faut en outre élargir
                                                                                     le répertoire et combler les vides : Lope de Vega entre au répertoire en 2006 et,
                                                                                     avec lui, la comedia baroque espagnole de la fin du xvie siècle et du début du
                                                                                     xviie siècle. Ouverture qui se fait aussi sur le théâtre antique avec Les Bacchantes
                                                                                     d’Euripide en 2005 et Œdipe de Sophocle en 2006. Les auteurs vivants doivent
                                                                                     être mis à l’honneur : Duras en 2002, Marie N’Diaye en 2003, Thomas Bernhard
                                                                                     en 2004, Valère Novarina en 2005, Koltès en 2006. D’autres noms font l’affiche au
ISBN 978-2-7535-2066-0 Presses universitaires de Rennes, 2012, www.pur-editions.fr

                                                                                     Studio-Théâtre ou au Vieux-Colombier : Melquiot, Pessoa, Schwab, Kushner, Ninyana
                                                                                     par exemple. Au studio-Théâtre sont donnés à entendre des textes oubliés ; quant au
                                                                                     Vieux-Colombier, François Regnault y explore l’histoire de la maison les
                                                                                     samedis. De même que ses prédécesseurs Pierre Dux ou Jean-Pierre Miquel,
                                                                                     Marcel Bozonnet entend médiatiser toutes les entreprises menées par la Comédie-
                                                                                     Française qui tout en poursuivant ses tournées – en Pologne avec Dom Juan en
                                                                                     2001, au Canada avec Le Malade Imaginaire en 2004, en Russie en 2005 – publie
                                                                                     une revue, Le Journal des trois théâtres en 2002 30. Archivage, captations, diffu-
                                                                                     sions opérées depuis 1992 salle Richelieu et depuis 1997 au Vieux-Colombier
« Shakespeare dans la maison de Molière », Estelle Rivier

                                                                                     sont indispensables pour assurer des performances artistiques techniques dans
                                                                                     un cadre classé monument historique. Les rapports avec l’audiovisuel et Internet
                                                                                     doivent être renforcés. Un accord avec France 3 permet la diffusion de la collection
                                                                                     Molière, soit dix-huit pièces présentées à un vaste public de téléspectateurs. Le
                                                                                     9 avril 2002, un autre accord est signé, avec l’INA cette fois, afin de constituer
                                                                                     un catalogue « Comédie-française » qui comptera plus de neuf mille documents
                                                                                     dont certains datant de 1940. Enfin, les mécénats sont sollicités pour moderniser
                                                                                     le théâtre ; la réfection de la cage de scène du Vieux-Colombier est effectuée en
                                                                                     2005. Marcel Bozonnet a ainsi poursuivi et renforcé le travail de ses prédécesseurs,
                                                                                     et lorsque son mandat s’achève en 2006, il confie :
                                                                                                   « Les deux saisons écoulées se sont bien passées. […] Plus qu’une tradition,
                                                                                                   la Comédie-française porte un héritage, que l’on est constamment amené à
                                                                                                   revisiter. Non pas pour revenir sur le passé, mais pour profiter au présent,
                                                                                                   de l’ouverture au monde qu’il offre 31. »
                                                                                               • 30 – Sont données entre 80 et 100 représentations en tournée, soit 10 % des représentations
                                                                                               annuelles totales de la Comédie-Française.
                                                                                               • 31 – Marcel Bozonnet, op. cit., p. 10.
I nt ro d uction                                                              - 27 -

                                                                                        Un bilan qu’il nous faudra garder en mémoire dans les analyses de mises en
                                                                                     scène où passé et présent sont aussi bien concurrents qu’associés. Au terme de
                                                                                     son premier mandat, Bozonnet doit cependant passer le flambeau à la première
                                                                                     femme administrateur – le mot n’est pas encore féminisé – que la maison ait jamais
                                                                                     connue jusque-là si l’on ne tient pas compte des administrations intérimaires 32.

                                                                                     Muriel Mayette
                                                                                          Les objectifs de Muriel Mayette concernent quatre points majeurs : pratiquer
                                                                                     l’alternance, renforcer l’esprit de troupe, élargir le répertoire en faisant entrer de
                                                                                     nouveaux textes étrangers et enfin développer les tournées. L’alternance est le
                                                                                     grand cheval de bataille de cette Institution, premier théâtre de France. Un va-et-
                                                                                     vient entre textes classiques et contemporains se crée au gré des intuitions et
                                                                                     des désirs du programmateur, de façon très inconsciente dans un premier temps.
ISBN 978-2-7535-2066-0 Presses universitaires de Rennes, 2012, www.pur-editions.fr

                                                                                     Ensuite, l’administrateur se doit de faire des choix, plus ou moins appréciés mais
                                                                                     qui tendent toujours à servir la troupe. Celle-ci fait battre le cœur de la Ruche
                                                                                     onze mois sur douze avec plus de huit cents représentations par an : « On finit par
                                                                                     tomber amoureux de ce qui n’allait pas trop chez l’autre puisque ce qu’on n’aimait
                                                                                     pas est ce qui nous différencie, ce qui nous protège », souligne Muriel Mayette 33.
                                                                                     Elle met un point d’honneur à ce que les metteurs en scène invités pensent leur
                                                                                     projet en fonction de cette troupe et non au regard de leurs visées personnelles, le
                                                                                     but étant de permettre à chaque comédien de trouver sa place dans l’emploi du
                                                                                     temps extrêmement complexe de la maison où, rappelons-le, la programmation
« Shakespeare dans la maison de Molière », Estelle Rivier

                                                                                     concerne trois salles. Si la Comédie-française a été la première à faire du cinéma
                                                                                     muet noir et blanc et à participer à des enregistrements radiophoniques à l’ORTF,
                                                                                     il convient de poursuivre l’ouverture de cette troupe à l’échelle internationale.
                                                                                     Dix pays de l’Est ont été traversés en 2009. Parmi les projets actuels se trouve
                                                                                     une tournée dans six villes de Russie, un séjour en Sibérie où jamais la Comédie-
                                                                                     Française n’avait posé ses bagages auparavant. De même, Muriel Mayette souhaite
                                                                                     emmener Le Malade imaginaire dans le golfe arabique où les scènes de théâtre
                                                                                     souffrent du désintérêt des pays étrangers et de l’appréhension d’attaques armées.
                                                                                     Bagdad, où Muriel Mayette s’est déjà rendue, est l’une des principales destinations
                                                                                     envisagées. En outre, certaines contrées comme Riad où les femmes ne peuvent
                                                                                     pas jouer sur un plateau, n’accepteront peut-être pas l’exposition scénique d’une

                                                                                               • 32 – Catherine Samie a notamment assuré l’intérimaire de juillet 1990 à août 1993. En 2006,
                                                                                               Marcel Bozonnet est au cœur d’une polémique. Ayant décidé de déprogrammer Voyage au pays sonore
                                                                                               ou l’Art de la question de Peter Handke dont les propos lors de l’enterrement de Slobodan Milosevic
                                                                                               l’avait choqué, Marcel Bozonnet n’est pas suivi par le ministère de la Culture, qui invite alors Handke.
                                                                                               • 33 – Entretien avec Muriel Mayette par Estelle Rivier, mercredi 28 mars 2010, Paris,
                                                                                               Comédie-Française, place Colette. L’intégralité des propos de cet entretien est reportée en annexe.
- 28 -                                                                S h a ke s p ea re             d ans        l a   maison    de    Molière

                                                                                     troupe quelles qu’en soient ses intentions fraternelles, mais en ces pays où la culture
                                                                                     très ancienne et très riche est à reconstruire, le pari est de taille. Il s’agit là de « faire
                                                                                     bouger des lignes » tout en nourrissant le répertoire d’images d’ailleurs 34. Sur le
                                                                                     plan national, la Comédie-Française poursuit ses partenariats avec les chaînes
                                                                                     audiovisuelles, ainsi qu’avec France Inter et France Culture. Mathieu Amalric a
                                                                                     déjà réalisé L’illusion comique. Une collection sera signée avec de nouveaux réali-
                                                                                     sateurs, laissant derrière l’ère des captations vidéo de qualité médiocre qui desser-
                                                                                     vaient le spectacle et où les acteurs paraissaient bizarres du fait de l’absence de
                                                                                     mouvements de caméra et de gros plans. Par ces projets d’envergure, on retrouve
                                                                                     l’empreinte de Pierre Dux sur la façon dont Muriel Mayette entend mener
                                                                                     l’Institution. D’ailleurs, elle ne cache pas son admiration pour ce prédécesseur
                                                                                     qu’elle n’a pas connu, mais qui paraît-il était « courageux, humble et cohérent,
                                                                                     extrêmement droit et assez sévère, mais cela est nécessaire quand on dirige une telle
ISBN 978-2-7535-2066-0 Presses universitaires de Rennes, 2012, www.pur-editions.fr

                                                                                     Institution 35 ». Le « 1680 » est en effet l’un des plus anciens théâtres de France,
                                                                                     situé au carrefour des temps, canalisant l’attention et les fantasmes de chacun.
                                                                                     L’administrateur est à la fois un chef d’entreprise et un artiste soumis à l’attention
                                                                                     de l’État, le premier interlocuteur de la Comédie-française étant le ministre de la
                                                                                     culture. Et si « [lorsque l’on occupe ce poste], on est très solitaire, [cette maison
                                                                                     vieille de plus de trois cents ans] demeure un outil extraordinaire de travail »,
                                                                                     conclut Muriel Mayette 36.

                                                                                     Le répertoire
« Shakespeare dans la maison de Molière », Estelle Rivier

                                                                                                    « Du mode d’exploitation à l’architecture, de l’artistique à la gestion, de
                                                                                                    la décision politique à l’urbanisme, des priorités culturelles au fonction-
                                                                                                    nement de la société, c’est tout un pan de civilisation qui se définit et
                                                                                                    s’organise ainsi, en partie, autour de la notion de “théâtre de répertoire 37”. »
                                                                                         Ce rapide tour d’horizon des politiques administratives donne la pleine
                                                                                     mesure des éléments clefs faisant battre le cœur de la maison. Après la troupe,
                                                                                     l’un des trois piliers qui confère à la Comédie-française sa singularité, deux autres
                                                                                     piliers – le répertoire et l’alternance – consolident l’édifice.
                                                                                         Le répertoire consiste en un inventaire de pièces qui figurent à l’affiche de
                                                                                     la salle Richelieu, c’est-à-dire la programmation, ou s’inscrivent dans le patri-
                                                                                     moine dramatique de la maison en alimentant le fonds d’œuvres. En fait, ce terme

                                                                                                • 34 – Ibid.
                                                                                                • 35 – Ibid.
                                                                                                • 36 – Ibid.
                                                                                                • 37 – Jean-Pierre Miquel, op. cit., p. 59.
I nt ro d uction                                                               - 29 -

                                                                                     désigne communément l’ensemble des pièces mises en scène par une compagnie
                                                                                     dans un théâtre donné, même s’il est vrai qu’il est associé très fortement aux prin-
                                                                                     cipes fondateurs de la Comédie-Française 38.
                                                                                         Le répertoire est actuellement très varié dans la mesure où il regroupe les
                                                                                     pièces qui font dates dans l’histoire littéraire ainsi que des œuvres contemporaines
                                                                                     soumises au regard vigilant du comité de lecture. De fait, la Comédie-Française
                                                                                     n’a pas seulement pour mission de conserver les classiques ; elle est aussi dotée
                                                                                     d’un devoir de créativité en matière dramatique. Si le répertoire inclut des pièces
                                                                                     qui peuvent avoir été jouées sur d’autres scènes avant celle du Français, l’actuelle
                                                                                     programmation compte des formes novatrices d’expression artistique, certains
                                                                                     auteurs ayant été jusque-là inconnus du grand public.
                                                                                         Ainsi le terme de « répertoire », apparu dans les années 1680, renvoie à un
                                                                                     ensemble de facteurs liés à la fois à la gestion économique de l’institution, aux
ISBN 978-2-7535-2066-0 Presses universitaires de Rennes, 2012, www.pur-editions.fr

                                                                                     valeurs esthétiques qu’elle revendique, aux étiquettes politiques étatiques et socié-
                                                                                     tales qui la financent et enfin aux propres visées des comédiens. On le comprend,
                                                                                     le répertoire est riche d’ambitions multiples.
                                                                                         Depuis l’avènement des administrateurs-auteurs dramatiques ou comédiens
                                                                                     tels que Jules Claretie, Édouard Bourdet, Jacques Copeau, Maurice Escande,
                                                                                     Jean-Pierre Vincent ou Antoine Vitez, un équilibre entre œuvres classiques et
                                                                                     contemporaines se crée, laissant plus ample place aux auteurs étrangers. Du fait
                                                                                     d’une programmation répartie dans trois théâtres – salle Richelieu, scène du
                                                                                     Vieux-Colombier et Studio-théâtre – la nature des spectacles se diversifie plus
« Shakespeare dans la maison de Molière », Estelle Rivier

                                                                                     aisément 39. Ainsi, les grands classiques sont majoritairement (mais pas systéma-
                                                                                     tiquement) représentés salle Richelieu, tandis que les œuvres contemporaines et
                                                                                     étrangères sont favorisées sur les deux autres scènes.

                                                                                     L’alternance
                                                                                         Le terme « d’alternance » a été spécifiquement choisi pour signifier, au sein
                                                                                     du monde théâtral, que les spectacles inscrits dans la programmation sont joués
                                                                                     en continuité de façon alternative et non pas en série. À la Comédie-Française,
                                                                                     dès le xviie siècle, La Grange reporte les spectacles à l’affiche dans un registre qui
                                                                                     de nous jours permet de retracer les pièces jouées en diverses salles de la capitale,
                                                                                     à la cour ou chez des particuliers. Nous y voyons notamment le foisonnement

                                                                                               • 38 – À ce sujet, lire Marial Poirson , « La Comédie-Française, Théâtre de répertoire »,
                                                                                               Les Nouveaux Cahiers de la Comédie-Française, op. cit., p. 44-55.
                                                                                               • 39 – Trois théâtres dans la ville : Salle Richelieu, Théâtre du Vieux-Colombier, Studio-Théâtre (préface
                                                                                               de Jean-Pierre Miquel), Paris, Norma, 1997.
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