Stratégie OSIWA 2021 2024 - Contexte - état de l'Afrique de l'Ouest, défis et opportunités

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Stratégie OSIWA 2021 – 2024

Stratégie OSIWA 2021 – 2024

1. Contexte - état de l’Afrique de l’Ouest, défis et opportunités
Avec une population de plus de 390 millions d’habitants répartis entre 15 pays et un âge médian de 18,2 ans, l’Afrique de
l’Ouest constitue un espace géopolitique jeune, dynamique, diversifié, complexe et important pour l’Afrique et le monde.
C’est aussi une région très instable, dont les progrès politiques, économiques et sociaux sont souvent fragiles et sujets à des
revers rapides. Les chiffres de sa croissance économique relativement forte ne se sont malheureusement pas traduits par des
améliorations substantielles des conditions de vie de ses citoyens. Au sein des communautés à la base, il existe pourtant des
voix et des systèmes alternatifs qui sont source d’espoir, mais qui sont malheureusement marginalisés.

En fin 2018, l’Afrique de l’Ouest était la sous-région la plus démocratique d’Afrique1 ; les élections et les alternances politiques
sont devenues monnaie courante et les limites constitutionnelles des mandats sont pour la plupart respectées. La capacité
d’agir des citoyens en faveur de l’égalité et de la justice économiques, du dynamisme social, de la vitalité et du débat public
s’est accrue. La politique de protection des lanceurs d’alerte au Nigéria et la nouvelle loi anticorruption en Guinée ont donné
un certain élan à la lutte contre la corruption ; et la nomination d’un procureur indépendant au Ghana a marqué une nouvelle
étape audacieuse vers l’obligation de rendre compte. En Guinée, en Sierra Leone et au Mali, les communautés minières font
de plus en plus entendre leur voix et les gouvernements prennent des mesures courageuses pour réglementer l’exploitation
des ressources naturelles par les sociétés internationales. Ces tendances sont soutenues par l’expression croissante des
citoyens et une forte population jeune. Internet et les réseaux sociaux ont ouvert un immense accès à l’information et créé
de puissantes plateformes d’expression pour les citoyens.

Ces tendances positives sont toutefois menacées, car l’Afrique de l’Ouest reste le théâtre d’intérêts géopolitiques et de
guerres par procuration, qui alimentent l’insécurité. L’impunité dans le secteur public, les entreprises et la société est la
norme, l’espace d’expression des opinions dissidentes diminue, les inégalités économiques entre les sexes continuent de
croître, la polarisation politique et sociale s’étend de façon alarmante parmi les jeunes. Et même si les limites de mandat
constitutionnelles sont pour la plupart respectées, les transitions à la tête des institutions publiques et sociales sont quasi
inexistantes, le recyclage de dirigeants majoritairement âgés et de sexe masculin étant la règle. Avec la montée de
l’autoritarisme, la démocratie est en déclin et les citoyens croient de moins en moins que la tenue régulière d’élections puisse
produire des dirigeants plus progressistes et plus responsables. Les problèmes persistants d’insécurité dans la région se sont
mués en une entreprise criminelle dont les intérêts désormais profondément enracinés rendent difficile la mise en échec. La
stabilité du Sahel, y compris le corridor burkinabé, est en péril, les territoires non gouvernés sous le contrôle des insurgés et
des groupes terroristes s’étendent, et les effets néfastes de la perturbation des échanges commerciaux, du changement
climatique et de l’insécurité alimentaire attisent la violence et appauvrissent les citoyens. La géopolitique et la géo-économie
en jeu dans le Sahel, le Golfe de Guinée, le bassin du lac Tchad, le fleuve Mano et leurs intersections complexes avec diverses
élites du secteur privé (intérêts des entreprises étrangères) et de l’État ont favorisé la captation de l’État et des processus
démocratiques. L’autre grand défi est la redistribution de la démographie entre les pays, qui fait écho aux migrations

1
    The Global State of Democracy 2019, Addressing the ills, reviving the promise, International Institute for Democracy and Electoral Assistance,
      https://www.idea.int/sites/default/files/publications/the-global-state-of-democracy-2019.pdf [Voir une synthèse en français ici : État de la
      démocratie dans le monde en 2019 - Faire face aux maux et raviver la promesse, https://www.idea.int/sites/default/files/publications/the-global-
      state-of-democracy-2019.pdf]

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transfrontalières, dues au changement climatique et à l’insécurité. Cette redistribution spatiale des populations laisse
présager des dangers pour les sociétés ouvertes, comme en témoignent les affrontements meurtriers entre éleveurs et
agriculteurs dans toute la sous-région, qui renforcent les politiques étroites axées sur l’identité ethnique et religieuse.

Le plus grand défi auquel est confrontée la région reste la mauvaise gouvernance, ajoutée à l’urbanisation galopante et à
l’explosion démographique. C’est la cause profonde des systèmes politiques, sociaux et économiques extractifs et abusifs qui
bloquent les réformes du secteur de la justice, limitent la croissance économique inclusive, privent les citoyens de services
publics de base, comme la santé et l’éducation, compromet les institutions démocratiques, favorise et crée des conditions
propices à l’insurrection. Le pouvoir judiciaire dans la région est de plus en plus politisé et les gouvernements se mettent au-
dessus de la loi, utilisant leur majorité parlementaire souvent douteuse pour faire adopter des textes qui étouffent les voix
discordantes et protègent les intérêts des tenants du pouvoir.

Des pays qui avaient autrefois un intérêt stratégique à promouvoir la gouvernance démocratique en Afrique de l’Ouest sont
aujourd’hui plus préoccupés à résoudre leurs propres problèmes internes, à faire échec à la Chine et à limiter les migrations.
Ils ont par conséquent renoncé à l’engagement en faveur des valeurs démocratiques qui jusqu’alors sous-tendait leurs actions
et appuyait les forces démocratiques ouest-africaines. Cette baisse de l’attention mondiale a permis aux autocrates élus et
aux dirigeants démocratiques frileux de l’Afrique de l’Ouest de tirer parti de l’existence et de l’émergence de modèles
autoritaires, antidémocratiques et anti-progressistes dans les instances dirigeantes de la Chine, de la Russie, de la Turquie et
des États-Unis. Les gouvernements contournent leurs obligations aux termes des statuts et des protocoles internationaux et
continentaux grâce à l’appui de pays tels que la Chine, la Russie, les États du Golfe et la Turquie qui n’imposent aucune
condition préalable de nature démocratique dans leurs relations.

Le nouveau coronavirus (COVID-19) fait des ravages dans le monde entier, ne laissant sur son passage que ruine et pertes en
vies humaines. Dans ce contexte, on s’attendait à ce que l’Afrique, peu préparée à faire face aux situations d’urgence, avec
des systèmes de protection sociale et des institutions publiques fragiles, soit gravement touchée par le virus. À l’inverse, il
s’avère que le continent a beaucoup à apprendre au reste du monde en matière de résilience et de créativité.2 Pour la région,
l’impact de la pandémie doit être évalué en deux étapes : la première vague (mars - août 2019) et la deuxième vague
(décembre 2020 - à ce jour). Bien que la pandémie de COVID-19 soit une crise de santé publique, sa première vague de
contaminations a eu des conséquences dramatiques sur la situation économique, sociale et politique, et les perturbations
qu’elle a entraînées recèlent plusieurs leçons en ce qui concerne les réformes juridiques, sociales, politiques et économiques.
La COVID-19 a révélé le caractère structurel de la crise économique sous-jacente dans les pays d’Afrique de l’Ouest, les
conditions de vie épouvantables des personnes vulnérables dans notre société et l’absence de filets de protection sociale. Les
lacunes qui existent dans l’accès à des services publics tels que la santé et l’éducation sont exacerbées par l’impact de la
pandémie. La fermeture d’écoles dans toute la région jette une lumière crue sur les communautés qui n’ont ni les ressources
ni le soutien nécessaires pour accéder à un enseignement à distance. L’adoption de lois d’urgence en riposte à la COVID-19
entraîne des violations des droits de l’homme et des arrestations de personnes indigentes ; les centres de détention sont
surpeuplés et les tribunaux, dont les limites ont été mises à nu par le virus, sont surchargés. Sur les dix premiers pays du
continent (en nombre de cas déclarés) en mai 2020, la moitié se trouve en Afrique de l’Ouest, ce qui révèle l’inadéquation de
nos systèmes de santé publique et de nos économies. La deuxième vague, plus agressive, entraînera davantage de décès et
d’infections en Afrique de l’Ouest, comme en témoigne l’augmentation des taux d’infection quotidiens. Toutefois, s’il est peu

2
    Point de presse n° 25 de l’OMS sur la COVID-19.
Il s’avère que notre compréhension des lacunes de notre système de soins de santé et que l’expérience de la crise de la maladie à virus Ébola ont rendu
      les pays d’Afrique de l’Ouest proactifs dans le contrôle des températures et l’application du lavage des mains. Le Sénégal a souvent été cité en
      exemple dans la gestion de la pandémie.
Les succès discrets du Sénégal face à la COVID-19 : résultats des tests en 24 heures, contrôle de température à l’entrée de tous les magasins, pas de
    pénurie de masques. https://www.usatoday.com/story/news/world/2020/09/06/covid-19-why-senegal-outpacing-us-tackling-
    pandemic/5659696002/

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probable qu’il atteigne le niveau de l’Europe ou des États-Unis, l’impact de la COVID-19 en Afrique de l’Ouest est et continuera
d’être ressenti de manière disproportionnée par les femmes et les pauvres. Le monde ne sera plus le même une fois que le
virus aura été maîtrisé. Il est peu probable que la COVID-19 soit la dernière épidémie ou la dernière pandémie que nous ayons
à subir, et l’Afrique de l’Ouest doit repenser et reformuler ses priorités afin de parer à toute éventualité.

Malgré ces difficultés, les citoyens de l’Afrique de l’Ouest sont conscients des effets mobilisateurs de la technologie et de
l’accès à l’information et se servent de ces outils pour contester le pouvoir injuste des entreprises et faire barrage à la
tendance des gouvernements à bafouer les lois. L’intérêt croissant des citoyens à comprendre le fonctionnement du
gouvernement offre l’occasion unique de les mobiliser et de stimuler leur désir d’agir. Internet et les réseaux sociaux
repoussent les limites de l’information et de la mobilisation en amplifiant les voix inaudibles et en exploitant de nouvelles
formes d’organisation sociale en vue d’un changement positif au Sénégal, au Nigéria, en Guinée, au Bénin et au Ghana. Citons,
par exemple, les sit-in et les manifestations organisés au Sénégal par des associations telles que Doyna, Unies Vers'Elle, Dafa
Doy, etc., qui ont conduit à la révision des lois sur le viol en 2019 ; les manifestations citoyennes organisées en Guinée sous
la houlette du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), qui ont entraîné une faible participation au
référendum controversé et contesté sur la réforme constitutionnelle ; des mouvements tels que #OccupyGhana et
#dropthechamber au Ghana contre la corruption et les abus du gouvernement ; #womanifesto (pour la défense des droits
des femmes ) et #ENDSARS (vaste mouvement social contre les brutalités policières) au Nigeria.

De nouvelles entreprises sociales fournissent des ressources technologiques pour lutter contre les problèmes persistants de
justice pénale et sociale. Les jeunes de la région sont en première ligne pour tirer parti de la technologie et de la création
artistique afin de bâtir une culture de la participation citoyenne axée sur les valeurs, avec le pouvoir de perturber l’ordre
établi et de remettre en question des traditions patriarcales.

Bien que la technologie et les lois offrent amplement la possibilité de renforcer la transparence et l’obligation redditionnelle,
nous sommes conscients du rôle que peuvent jouer la technologie et les réseaux sociaux pour faire de la désinformation une
arme dangereuse, accentuer les préjugés et les peurs, et compromettre les élections. Tout en continuant à promouvoir
l’adoption de lois sur la liberté d’information et la capacité des journalistes d’investigation à percer le voile du secret d’État,
nous saisirons toutes les occasions pour combattre la désinformation et promouvoir les droits numériques.

2. Rôle et approche uniques d’OSIWA
OSIWA a pour mission d’être constamment au service de la lutte pour la justice telle qu’elle est exigée par les populations de
l’Afrique de l’Ouest. Nous soutenons les options politiques, sociales et économiques progressistes. Ce faisant, nous ne
transigeons aucunement sur l’accompagnement et la préservation de la vitalité et du dynamisme de l’Afrique de l’Ouest.
Nous sommes une organisation spécifiquement ouest-africaine qui finance principalement des organisations de la société
civile d’essence ouest-africaine, tout en recherchant de nouvelles façons de mobiliser les citoyens.

Le rôle d’OSIWA est de veiller à ce que la société civile de la région se développe, dispose des ressources, des réseaux et de
l’énergie nécessaires pour être à la pointe des luttes pour la justice. En tant qu’unique bailleur de fonds des causes de la
justice sociale et des droits de l’homme ayant une présence majeure dans la région, OSIWA rend possible et soutient
l’existence d’un écosystème d’acteurs de la société civile qui défendent les valeurs d’une société ouverte.

OSIWA joue un rôle particulier à l’échelle régionale, à cheval sur les dimensions de l’offre et de la demande de la gouvernance,
grâce à une combinaison de subventions flexibles, de plaidoyer proactif, d’initiatives internes, de recherche, de création de
partenariats, d’assistance technique, de pouvoir de mobilisation et de contentieux stratégique.

OSIWA travaille stratégiquement avec la société civile, mais aussi avec les États lorsque la situation s’y prête. Nos relations
uniques avec les États pris individuellement et avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)
créent des opportunités de dialogue entre les États, la société civile et les décideurs tant au niveau national que régional.

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Cette approche et ce positionnement nous permettent de créer un espace pour discuter de questions difficiles et sensibles,
mais néanmoins pertinentes, qui touchent la région.

OSIWA détient également une niche de par sa capacité à initier des efforts de collaboration et de concertation aux niveaux
national et régional parmi les bailleurs de fonds de la région. OSIWA entretient depuis longtemps une relation étroite avec
l’Union africaine (UA) et ses agences, en particulier la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP).
Nous avons noué et continuerons à renforcer nos alliances avec des organisations qui partagent la même vision que nous, à
l’instar des fondations Ford, MacArthur et Hewlett, et du ministère britannique du développement international (DFID) afin
de constituer des réseaux plus solides, de réduire les doubles emplois et de maximiser les ressources. Dans le cadre de nos
partenariats et de nos collaborations, nous veillons toujours à conserver notre pleine indépendance et à rester concentrés
sur nos priorités stratégiques.

3. Objectifs stratégiques, théorie du changement et évolutions notables

3.1 Objectifs stratégiques
Notre objectif pour les quatre prochaines années est d’accroître la demande pour une meilleure gouvernance, de protéger la
démocratie et d’en améliorer les dividendes, à savoir la justice, l’égalité, la sécurité et les opportunités économiques. Cette
stratégie met l’accent sur l’action des citoyens, y compris les mouvements sociaux et les groupes d’intérêt des citoyens, en
renforçant leur capacité à s’organiser et à se mobiliser pour un véritable changement démocratique, à exiger des systèmes
de gouvernance transparents et responsables, à contester la marginalisation des groupes exclus, tant dans le secteur public
que privé, et à ébranler le patriarcat. La stratégie d’OSIWA est axée sur trois domaines de travail prioritaires étroitement liés
entre eux. Il s’agit de :

    •     protéger l’espace dévolu à la société civile et accroître l’intégrité du processus démocratique et l’obligation
          redditionnelle des institutions démocratiques ;
    •     renforcer le pouvoir d’action des citoyens afin d’obliger l’État et les entreprises à rendre des comptes et à
    •     faire en sorte que le développement économique profite aux pauvres ;
    •     amplifier et renforcer les capacités locales à faire appliquer les droits des groupes vulnérables et sous-représentés.
Des programmes régionaux appuieront ceux des pays - à savoir les dix pays d’intervention - dans le cadre des trois objectifs
stratégiques. La coordination, la collaboration et le travail d’équipe entre les programmes seront en outre renforcés. La
stratégie vise également à tisser des liens à différents niveaux : entre les différents objectifs stratégiques, les programmes de
pays, les programmes du réseau d’OSF et les autres fondations d’OSF.

3.2 Théorie du changement
En nous inspirant des enseignements de la stratégie précédente, nous avons modifié notre théorie du changement. Notre
dernière stratégie nous a révélé que l’information seule ne suffit pas forcément à inciter à l’action. Notre théorie du
changement reflète désormais notre nouvelle hypothèse selon laquelle l’accès à l’information nécessite un soutien
supplémentaire pour se traduire en action. Dans le contexte actuel de l’Afrique de l’Ouest, caractérisé par l’insécurité, le
changement climatique, la fermeture de l’espace dévolu à la société civile, la corruption endémique dans les secteurs public
et privé et les violations des droits des minorités et d’autres populations clés, nous devons investir dans des citoyens informés
et les aider à s’organiser, à se mobiliser, à être vigilants et à repousser les limites. Notre hypothèse est que si les citoyens sont
correctement informés, disposent des outils nécessaires pour s’organiser et perçoivent les avantages qu’il y a à s’organiser,

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à se mobiliser et à demander des comptes, alors ils exerceront les pressions nécessaires pour influencer les politiques et les
attitudes publiques, et exigeront des gouvernements responsables et réceptifs, qui travaillent au mieux des intérêts des
citoyens de l’Afrique de l’Ouest.

Nouvelle théorie du changement :
Si des citoyens organisés et émancipés font pression pour changer la société, les dirigeants et les politiques, et qu’il ait une
transformation du pouvoir, des relations socioéconomiques et des institutions, alors un changement systémique à long terme
peut s’accomplir en Afrique de l’Ouest.

3.3 Évolutions notables
Qu’y a-t-il de nouveau ?
Au cours des quatre prochaines années, OSIWA s’efforcera méthodiquement de développer une culture d’organisation et de
mobilisation communautaires en vue d’un nouveau programme social dans toute la région. Pourquoi ? Premièrement, notre
stratégie actuelle s’appuie sur des hypothèses relatives au contrat social existant entre les citoyens et les gouvernements,
alimenté par des citoyens éclairés qui posent des exigences. Notre expérience à ce jour indique que trop peu de citoyens font
le lien entre ce qu’ils savent et ce qu’ils devraient faire, voire que les exigences et l’apathie augmentent simultanément3,
malgré l’émergence de mouvements sociaux inspirants. Deuxièmement, les problèmes de la région sont interconnectés,
complexes et dépassent la capacité de travail des petits groupes de la société civile, qui font de plus en plus l’objet d’attaques.
Il est nécessaire d’élargir la définition de la société civile et d’augmenter le nombre de citoyens capables de s’organiser autour
de toutes les questions qui les intéressent. Troisièmement, la capacité d’organisation des citoyens est au cœur de tous les
aspects de notre travail et de notre théorie du changement en constante évolution : que font les petits exploitants agricoles
informés à propos de l’accaparement des terres ? Que feront les communautés informées si des promesses électorales ne
sont pas tenues ? Que feront les femmes face au harcèlement sexuel ? Et comment tous ces groupes parviendront-ils à
obtenir les transformations qu’ils souhaitent ? Quatrièmement, les principaux changements sociaux, économiques ou
politiques à travers le continent n’ont pas été le résultat d’élections ; ils ont été le produit de l’action de citoyens informés et
organisés. Et OSIWA doit investir dans la protestation et la contestation stratégiques dans des cadres d’organisation efficaces
et personnalisés. La technologie, les réseaux sociaux et la désinformation ont accentué les divisions sociales existantes, et
l’individualisme et la culture de la notoriété rendent la collaboration encore plus difficile. Cependant, la construction,
l’amélioration et la démocratisation de l’art de s’organiser représentent un défi qu’OSIWA doit relever afin de réaliser sa
mission qui consiste à favoriser l’avènement de sociétés ouvertes et d’une gouvernance démocratique inclusive basée sur
des institutions transparentes et responsables et des citoyens actifs.
OSIWA fera l’effort délibéré de saisir toutes les occasions possibles pour encourager les partenaires, les gouvernements et
les autres bailleurs de fonds à investir dans la gestion des données et, si possible, à promouvoir la documentation citoyenne
pour le développement. La COVID-19 a montré les dangers et la confusion que l’absence de gestion efficace des données et
de documentation ou d’état civil national peut entraîner. Nous avons besoin de décisions politiques conscientes et éclairées
pour remédier à cette situation. Les gouvernements et les institutions ont besoin de données et de citoyens enregistrés afin
de pouvoir planifier avec précision, évaluer l’efficacité des programmes sociaux existants ou vérifier si les ressources

3
    D’après l’Afrobaromètre, de plus en plus d’Africains sont prêts à renoncer aux libertés au nom de la sécurité, et le soutien à la liberté d’association est
en recul (Afrobaromètre, Document de politique n° 55, avril 2019). Pourtant, seuls 46 % des ressortissants de l’Afrique de l’Ouest sont satisfaits de l’état
de la démocratie. Ils sont encore moins nombreux - à peine 15 % - à revendiquer l’amélioration de la démocratie pour faire barrage à l’autoritarisme.
(Communiqué de presse, Afrobaromètre, 26 février 2019)

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disponibles sont affectées à la résolution des problèmes de développement les plus urgents et les plus graves. Face à la réalité
de la COVID-19, il est clair que des données économiques et démographiques de base et un état civil fonctionnel sont
essentiels.

Que ferons-nous en plus ?
Avec ce nouveau cycle stratégique, nous sommes optimistes quant à la dimension « demande » de notre théorie du
changement, à savoir des citoyens engagés. Notre approche connaîtra un changement majeur à l’occasion de cette nouvelle
stratégie. Dans le cadre de nos programmes, nous renforcerons notre appui à l’expression et à l’organisation des
communautés en tant que principaux agents du changement dans la société.
Nous augmenterons notre investissement dans le plaidoyer, qui est un outil majeur, et qui est présent à ce titre dans toutes
nos activités et dans toutes nos ambitions. Notre plaidoyer se concentrera entre autres sur la collaboration stratégique avec
les forces progressistes en Afrique de l’Ouest, la CEDEAO, l’Union africaine, les milieux universitaires et économiques
notamment, et visera à intégrer de nouveaux partenaires, vecteurs et acteurs informels du changement, et des groupes qui
partagent nos valeurs. Cette démarche a pour objectif de s’attaquer à l’influence indue et aux abus que le pouvoir des
entreprises a installés au fil des ans ; de se prémunir contre la montée de l’autoritarisme et de préserver la liberté de décision
des dirigeants ouest-africains. Nous nous élèverons contre les ingérences étrangères qui ne sont pas motivées par le progrès
des populations ouest-africaines. Nous poursuivrons notre travail avec les leaders religieux et politiques dans les domaines
de la gestion des conflits, de la consolidation de la paix entre les communautés et de la cohésion sociale.

Qu’est-ce que nous adaptons ? Qu’est-ce que nous arrêtons ?
Nous comptons mettre fin à notre travail sur la citoyenneté sous sa forme actuelle. Nous allons réorienter nos efforts afin de
nous concentrer sur les causes profondes du problème de la citoyenneté. Nos investissements précédents dans le secteur
mettent nos partenaires en Côte d’Ivoire et en Guinée en position de réclamer la mise en œuvre de réformes nationales
récentes, tandis que nous concentrons nos efforts sur les causes profondes des problèmes dans le cadre de notre travail de
rétablissement de la paix et de la cohésion sociale, de prévention et de lutte contre l’extrémisme violent et de renforcement
de la sécurité.
Notre travail en matière d’élections sera axé sur les questions structurelles et techniques qui ont un impact sur la légitimité
des élections, avec une attention particulière aux questions préélectorales et post-électorales qui détermineront le résultat
final. Par le passé, OSIWA a soutenu le modèle et la boîte à outils de la salle de veille électorale (Election Situation Room, ESR)
en vue de renforcer l’intégrité des processus électoraux. Cette méthode a été adaptée et reproduite dans d’autres régions
avec l’appui d’autres bailleurs de fonds. Toutefois, nous n’investirons plus dans l’observation électorale traditionnelle.

4. Axes stratégiques
4.1 Gouvernance démocratique
Au titre de l’axe stratégique de la gouvernance démocratique, OSIWA s’attèlera à protéger l’espace dévolu à la société civile
et à accroître l’intégrité du processus démocratique et l’obligation redditionnelle des institutions démocratiques et publiques.
Ce travail sera effectué à travers trois portefeuilles, à savoir : la lutte contre l’autoritarisme, l’intégrité des élections et le
renforcement de la sécurité. Au centre de ces trois portefeuilles, se trouve notre travail d’organisation et de mobilisation des
citoyens, qui sera notre principal outil de mise en œuvre.

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4.1.1 Lutte contre l’autoritarisme
L’Afrique de l’Ouest connaît une régression démocratique, avec le rétrécissement des espaces d’expression de la société civile
qui en découle. Les détenteurs du pouvoir, un petit groupe d’organisations de la société civile et des groupes encore plus
restreints de citoyens actifs et engagés se disputent cet espace. Il en résulte que les valeurs essentielles d’une société ouverte
- liberté, justice, inclusion - sont menacées. Pour défendre ces valeurs, ce portefeuille visera à améliorer et à maintenir ouvert
l’environnement civique en tirant parti des actions citoyennes et des possibilités de plaidoyer afin contrecarrer
l’autoritarisme, y compris le « virus » du troisième mandat, les complices étrangers et des milieux d’affaires, et les outils et
canaux que le nouvel autoritarisme utilise pour se légitimer, à l’instar des sécurocrates, de la désinformation dans le
cyberespace, de la corruption sociale et des conflits. Il s’agit là de notre priorité dans le cadre de l’axe stratégique de la
gouvernance démocratique, en raison de son impact global sur la promotion d’un environnement de gouvernance
responsable et réactif.
Nous nous attellerons à cette tâche et aiderons les organisations de la société civile (OSC) à s’adapter et à concevoir de
nouveaux moyens de mobilisation et d’organisation fondés sur la culture, l’histoire et l’innovation. Pour ce faire, il faudra
encourager et soutenir l’élargissement du concept de société civile et la conception de nouveaux modèles durables pour les
OSC et les ONG qui sont de plus en plus souvent attaquées de l’intérieur et de l’extérieur, en créant une culture d’organisation,
en soutenant les mouvements sociaux naissants, en appuyant les acteurs citoyens qui travaillent dans des espaces
ingouvernables et en créant des récits sur le rôle positif des OSC et des associations.
Nous amplifierons la lutte contre l’autoritarisme en faisant croître le nombre de citoyens engagés et outillés dans la région.
Nos principales approches comprennent l’utilisation de boîtes à outils sur l’organisation, le soutien aux mouvements sociaux,
l’éducation civique par le divertissement, la conception et la mise en œuvre d’outils de responsabilité sociale et le contentieux
stratégique pour promouvoir les droits de l’homme et le changement social. Nous apporterons un soutien juridique aux
acteurs citoyens et aux journalistes victimes de harcèlement judiciaire et étatique dans leur quête d’informations crédibles
pour les citoyens. Nous faciliterons l’accès des défenseurs des droits de l’homme aux mécanismes d’appui régionaux et
mondiaux et militerons en faveur d’un fonds de protection juridique des défenseurs des droits de l’homme en danger.
Nous travaillerons en partenariat avec AfRO, HRI, OSJI, PIJ, la Fondation OSF Haïti (Fokal), Art Exchange, la CEDEAO, les
missions diplomatiques influentes, Frontline Defenders, WACSI, WADR, les communautés locales, la Commission africaine
des droits de l’homme et des peuples et d’autres acteurs pertinents.

4.1.2 Promotion de l’intégrité des processus électoraux

Le contrat social exsangue entre le gouvernement et les citoyens est un signe de régression démocratique. Les élections
manquant d’intégrité, les élus sont déconnectés des citoyens et ne se soumettent pas à leur obligation de rendre des comptes.
L’utilisation de la loi pour exclure des candidats valables, la militarisation des élections, la manipulation des listes électorales
et l’abus du pouvoir d’État au profit d’intérêts partisans, sont quelques-unes des principales lacunes que révèlent des
évaluations des processus électoraux et de la démocratie dans la région. 4 En conséquence, les valeurs essentielles d’une
société ouverte - la justice et la démocratie participative - sont de plus en plus menacées. Dans le cadre de la défense de ces
valeurs, ce portefeuille s’attèlera à améliorer l’intégrité des élections.

4
    Il s’agit notamment des indices de l’État de la démocratie dans le monde, des sept conditions qui, selon Andreas Schedler, permettent à des élections
régulières de tenir la promesse d’un choix démocratique efficace, de la définition de la démocratie par Larry Diamond et des ingrédients de la
démocratie de Robert Dahl.

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Nous nous concentrerons principalement sur la suppression des obstacles (juridiques, administratifs, politiques, économiques
et sociaux) à une participation politique universelle et égale, en facilitant l’accès des citoyens à l’information sur le processus
électoral. Nous arrêterons nos travaux sur la responsabilisation des élus, étant donné que notre initiative du Présimètre a pris
son essor dans la région. Nous appuierons la tenue d’assises pour passer en revue cette initiative en guise de soutien aux
acteurs de terrain et pour soigner notre sortie.
Nous apporterons notre soutien à des groupes de réflexion, à des initiatives de réforme politique et législative et aux OSC sur
la manière de faire face aux situations de force majeure dans la gestion des processus électoraux (en particulier le report des
élections présidentielles).
Nous appuierons les discussions politiques portant sur nos domaines d’intérêt, ainsi que les réflexions sur les menaces
cybernétiques, et nous encouragerons l’utilisation de l’éducation par le divertissement et de la technologie pour améliorer
l’accès des citoyens aux informations sur les élections et l’intégrité du processus électoral.
Nous soutiendrons les évaluations de l’intégrité des opérations électorales clés telles que l’enregistrement des électeurs et
l’adoption de cadres juridiques. Ces évaluations seront essentielles pour notre plaidoyer en faveur de réformes juridiques et
de changements politiques.
Pour atteindre les objectifs susmentionnés, nous travaillerons en étroite collaboration avec les organisations qui partagent la
même vision qu’OSIWA, les entreprises locales du secteur des technologies, les organes de gestion des élections (par le biais
de l’ECONEC), les groupes nationaux et internationaux faisant de l’observation d’élections, les organismes de réglementation
des médias, le pouvoir judiciaire, les journalistes d’investigation, les OSC, les groupes de réflexion et les institutions ayant une
expertise en matière électorale. Nous continuerons à travailler en étroite collaboration avec AfRO et le bureau exécutif d’OSF.

4.1.3 Promotion de la gouvernance du secteur de la sécurité et lutte contre l’extrémisme
Le non-respect des principes des droits de l’homme dans la lutte contre l’extrémisme violent contribue au fondamentalisme
et à l’insécurité. En plus de conflits violents entre les militaires et les insurgés, nous avons des conflits intercommunautaires
d’essence ethnique et religieuse, des conflits entre l’État et la communauté des droits de l’homme et des conflits entre les
forces militaires ou civiles d’une part et les civils d’autre part. La désinformation et le manque de transparence concernant
les violations des droits de l’homme se traduisent par l’absence de rapports objectifs issus du terrain et le peu de possibilités
dont disposent les communautés piégées dans ces conflits de raconter leur histoire et de participer à la recherche de solutions
viables. L’objectif de ce portefeuille est de promouvoir la gouvernance du secteur de la sécurité et le respect des droits de
l’homme dans la lutte contre l’extrémisme et la gestion des conflits en Afrique de l’Ouest.
Nous soutiendrons les OSC, les médias et le public afin d’accroître la pression populaire sur l’obligation pour le secteur de la
sécurité de rendre des comptes en matière de droits de l’homme, de dépenses militaires et de groupes de travail civils. Nous
soutiendrons également la diversité des récits afin de permettre aux communautés de faire entendre leur voix en racontant
leurs problèmes de sécurité.
Nous soutiendrons le changement de discours sur l’insécurité et le terrorisme afin de mettre l’accent sur les lacunes de la
gouvernance et de renforcer le pouvoir d’action des communautés.
Nous travaillerons en partenariat avec AfRO, HRI, IMI, les OSC, les médias, les chefs traditionnels et religieux et le grand public.
Nous mènerons des recherches et du plaidoyer sur les liens entre le terrorisme, le crime organisé, le changement climatique
et les ingérences étrangères (vol de bétail, enlèvements, trafics, braconnage, etc.)

4.2 Justice économique
Notre but est de promouvoir des systèmes économiques ouest-africains équitables, respectueux des droits fondamentaux,
redistributifs et créateurs d’opportunités et source de protection durable et de grande envergure pour tous. Pour y parvenir,

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nous ancrerons ce travail sur : la reconstruction du contrat social par le biais de biens communs (santé et éducation) ;
l’amélioration de la gouvernance des ressources naturelles afin de diversifier les structures économiques ; et la construction
de nouvelles réalités économiques qui façonnent un climat juste et des transitions économiques.

4.2.1 Contrat social et services publics : protéger et promouvoir la santé et l’éducation pour tous
Au cœur de la construction d’un contrat social solide entre les citoyens et les gouvernements, réside la confiance dans le fait
que les citoyens pourront accéder à des services essentiels de qualité, efficaces et efficients. Bien que des progrès aient été
réalisés, ils sont restés trop longtemps intangibles pour beaucoup, en particulier pour ceux qui sont traditionnellement
victimes du sous-investissement. Le non-respect des droits fondamentaux, la mauvaise gouvernance et le financement
insuffisant, ainsi que la faiblesse du leadership et des institutions ont sapé la fourniture de services de santé publique et
d’éducation de qualité en Afrique de l’Ouest. Cette situation constitue une menace pour des systèmes économiques en
mutation, ainsi que pour la stabilité démocratique. L’objectif de ce travail est de promouvoir l’accès des citoyens à une santé
publique et à une éducation de qualité et inclusive en tant que droit fondamental. Nous tenterons d’y parvenir en soutenant
la création de mouvements, en aidant les citoyens à lutter contre la corruption et à faire face aux conséquences de l’expansion
commerciale et de la privatisation de la prestation de ces services, et nous apporterons notre appui aux décideurs
progressistes. Nous prévoyons d’aborder cette question sous trois angles.
    •     Droits : la plupart des États d’Afrique de l’Ouest ont reconnu les droits à la santé et à l’éducation, certains dans le
          cadre de la Constitution. Nous soutiendrons la mobilisation des citoyens et les processus qui font du droit à la santé
          et à l’éducation des principes politiques fondamentaux. Nous soutiendrons en particulier un programme visant à
          supprimer les obstacles sociaux, culturels et financiers réglementaires qui limitent l’accès des femmes, des pauvres,
          des personnes vulnérables, marginalisées et éloignées aux services publics.
    •     Gouvernance : nous placerons les citoyens au cœur des mouvements de lutte contre la corruption et de régulation
          du rôle des entreprises (soutien à la capacité des citoyens d’influencer, de suivre et d’obtenir réparation pour les
          abus constatés dans la gestion des ressources publiques et les privatisations sauvages dans les secteurs de la santé
          et de l’éducation). Il s’agira notamment de renforcer les outils de lutte contre la corruption, de surveiller les
          procédures de passation des marchés publics, de généraliser la réglementation sur l’accès à l’information, de mieux
          surveiller les systèmes nationaux d’éducation publique gratuite et de qualité, ainsi que l’accès universel aux soins de
          santé.
    •     Financement : nous veillerons à développer les voies et moyens de soutenir le financement des services publics
          nationaux et d’influencer la gouvernance de l’aide, de la dette et du secteur privé, ainsi que le financement de la
          santé et de l’éducation à l’échelle mondiale. Reconnaissant que la responsabilité mondiale de préserver la santé et
          la connaissance doit s’accroître, nous chercherons à initier et à influencer les conversations mondiales sur la
          gouvernance de l’aide et le financement de la santé et de l’éducation au niveau mondial.

Nous collaborerons avec des OSC, des alliances et des mouvements mondiaux, nationaux et régionaux, des organismes
régionaux travaillant sur la gouvernance de la santé et de l’éducation, en particulier ceux qui desservent les groupes
vulnérables, notamment les femmes et les enfants, les personnes justifiant d’expériences vécues et les usagers de drogues,
tout en renforçant la collaboration avec nos programmes du réseau (PHP, EJP et ESP), et nous continuerons à utiliser les
ressources dédiées aux programmes conjoints afin d’effectuer ce travail.

4.2.2 Gouvernance des ressources naturelles : vers la diversification des opportunités économiques
Le secteur extractif a longtemps constitué la base de l’activité économique en Afrique de l’Ouest et, dans de nombreux pays,
il représente une part importante des recettes de l’État. Ce secteur a toutefois dû relever des défis pluriels, y compris sa
grande opacité, en totale contradiction avec les droits et la protection nécessaires des populations aux plans social,
environnemental et économique, et n’a pas favorisé l’indispensable diversification de l’économie de façon à offrir aux
citoyens beaucoup d’opportunités. L’objectif de ce portefeuille est de soutenir le capital social et politique des citoyens en

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créant les conditions d’une meilleure gouvernance des industries extractives, qui respecte les droits et conduit à une
transformation et à des opportunités économiques à long terme.
    •     Droits : nous soutiendrons l’adoption et la mise en œuvre de politiques, de lois et de pratiques telles que le
          consentement préalable, libre et éclairé pour protéger les droits des communautés, réduire l’opacité et améliorer
          la gestion des ressources naturelles aux niveaux national et régional.
    •     Obligation redditionnelle : nous continuerons à soutenir les efforts visant à renforcer la transparence des contrats
          et de la propriété effective, la transparence au niveau local et mondial en vue de limiter la corruption rampante.
          Nous soutiendrons les efforts nationaux visant à remédier aux fuites et aux lacunes budgétaires qui sapent les
          recettes publiques en provenance des secteurs minier, pétrolier et gazier. Parallèlement, nous soutiendrons les
          pressions de l’opinion publique pour obtenir la reddition des comptes dans la gestion et le réinvestissement des
          recettes.
    •     Transformation : nous apporterons un soutien politique ciblé aux pays qui souhaitent élaborer et développer des
          plans à long terme pour passer des industries extractives à des systèmes diversifiés, sensibles au climat et axés sur
          les personnes.

Nous collaborerons avec des fondations africaines dans le cadre de campagnes continentales, et avec EJP pour promouvoir
des politiques harmonisées et cohérentes, ainsi que le renforcement des capacités des acteurs essentiels dans ce domaine
d’intervention.

4.2.3 Nouvelles réalités : le pouvoir des transitions économiques et climatiques
Les effets de la pandémie de COVID-19 peuvent soit renforcer les structures de pouvoir actuelles, soit aider à tracer la voie
de la reconstruction des économies autour de la justice, de l’égalité, de la protection sociale et des transitions climatiques.
Alors que nous entrons dans une période de crises cycliques potentielles, pas forcément liées à la santé, le renforcement de
la résilience dans la transformation économique soutiendra les voix progressistes de l’Afrique de l’Ouest (citoyens,
universitaires, secteur privé) et leur permettra de jouer un rôle beaucoup plus important dans la formation de l’avenir de la
pensée économique, de la planification de la résilience, de la politique et de son ancrage à la démocratie et à la justice.
L’objectif de ce travail est de permettre aux voix de l’Afrique de l’Ouest de jouer un rôle plus important dans la formation du
discours et des alternatives économiques et politiques. Nous prévoyons d’aborder cette question sous trois angles.
    •     Transition juste : à un moment crucial des débats mondiaux sur le climat, il est fondamental que les voix africaines
          influencent la politique intérieure et le discours mondial. Nous renforcerons la capacité d’action ouest-africaine et
          les intérêts des groupes de travailleurs formels et informels, ainsi que ceux des centres de recherche et de plaidoyer,
          afin qu’ils se mobilisent dans des plans de transition climatique équitable, en particulier en ce qui concerne
          l’agriculture, l’énergie et les infrastructures.
    •     Intégration régionale : le programme d’intégration régionale fournit aux pays d’Afrique de l’Ouest un cadre leur
          permettant de renforcer le pouvoir d’action en vue d’améliorer à la fois les termes et les pratiques de la gouvernance
          commerciale, ainsi que pour aborder, à partir d’un point de négociation plus solide, les questions relatives au
          financement du développement, notamment la fragilité de la dette, au profit des citoyens. Nous soutiendrons à la
          fois les mouvements dirigés par les citoyens et les processus régionaux qui proposent des moyens d’accroître les
          opportunités et la protection des travailleurs formels et informels dans les accords commerciaux, ainsi que
          d’accroître la participation et l’influence de la société civile pour faciliter la restructuration de la dette et la
          gouvernance des institutions financières internationales.
    •     Nouvelle pensée économique : nous soutiendrons les voix et les groupes d’Afrique de l’Ouest qui défendent de
          nouvelles idées économiques, stratégies et options politiques. Nous voulons vivre l’émergence de programmes de
          développement économique sensibles au genre, féministes et durables, qui remettent en question l’orthodoxie de
          la planification économique actuelle et proposent des alternatives. Nous soutiendrons la recherche

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          multidisciplinaire, les alternatives politiques appliquées et le dialogue social, qui renforcent la pression politique en
          faveur du changement.

Nous collaborerons avec AFRO, OSJI, HRI et EJP sur le changement climatique et la réforme agraire en participant à l’échange
de connaissances, au partage d’informations et à des programmes conjoints. OSIWA travaillera également avec les syndicats
d’agriculteurs, les universités, les groupes de réflexion, les groupes dirigés par des femmes et des jeunes aux niveaux régional
et local afin faire avancer cette cause.

4.3 Égalité, Justice et Droits de l’Homme
L’objectif de l’axe de travail État de droit et droits de l’homme consiste à promouvoir et à renforcer la capacité d’action locale
en faveur du respect des droits des groupes vulnérables, particulièrement en ce qui concerne l’accès et les opportunités pour
les personnes exclues et sous-représentées dans les communautés. Pour y parvenir, nous nous appuierons sur trois
portefeuilles, à savoir : réforme de la justice et des sanctions pénales, égalité et inclusion (des femmes, des personnes en
situation de handicap et des LGBTIQ), et rétablissement de la cohésion sociale.

4.3.1 Lutte contre la criminalisation de la pauvreté et soutien à une administration innovante de la justice
Bien que la mauvaise administration de la justice demeure un problème endémique, les dysfonctionnements des systèmes
de justice pénale dans toute la région sont bien documentés et touchent de manière disproportionnée les personnes pauvres
et vulnérables. Des années de sous-investissement, de corruption et de manque d’innovation dans le secteur de la justice
entraînent souvent de mauvais résultats pour les personnes qui entrent en contact avec le système. Les nombreuses mesures
d’urgence récemment adoptées pour lutter contre la COVID-19 ont aggravé une situation déjà déplorable. Ces mesures ont
non seulement augmenté les abus et la violence de la police, mais elles ont également aggravé les traitements inhumains et
dégradants infligés aux personnes, majoritairement pauvres, qui ont fait l’objet d’arrestations arbitraires. L’objectif de ce
portefeuille est de réduire les obstacles à l’administration équitable de la justice pénale afin de répondre aux besoins des plus
vulnérables en matière de justice.
Nous rationaliserons nos interventions au sein des mécanismes de justice communautaire et du système de justice pénale
formel pour nous concentrer sur le point d’entrée du système de justice pénale, qui se trouve au cœur des défis auxquels les
personnes vulnérables sont confrontées lorsqu’elles entrent en contact avec le système. Le retrait de la plupart des donateurs
engagés dans ce domaine fait désormais d’OSIWA l’une des rares organisations de la région à travailler sur ce terrain.
Nous nous appuierons sur les succès obtenus dans l’utilisation de solutions technologiques locales à faible coût au Sénégal et
en Sierra Leone pour renforcer la coordination et l’obligation redditionnelle, et nous étendrons notre travail à d’autres pays.
Une nouvelle initiative dans ce domaine consistera à soutenir les entreprises sociales locales naissantes dans le secteur de la
justice pénale afin d’y favoriser l’innovation. Cette approche est devenue encore plus urgente avec la pandémie de COVID-
19, qui a perturbé les services de justice en présentiel du fait des mesures d’urgence imposées pour lutter contre la
propagation de la maladie. Notre plaidoyer en faveur de l’adoption par les États d’Afrique de l’Ouest de services de justice en
ligne prend donc tout son sens dans ce contexte.
Grâce à des campagnes créatives, au plaidoyer et au contentieux stratégique, nous nous attaquerons aux discriminations
dans l’application de la loi au détriment des personnes marginalisées, en particulier dans l’application des lois sur les délits
mineurs, et nous commencerons un travail expérimental sur la responsabilisation de services de police.
Nous profiterons également des processus de réforme législative pour promouvoir le droit à un procès équitable et la réforme
de la détermination de la peine, y compris pour les délits liés à la drogue.
Nous approfondirons notre collaboration avec HRI et OSJI dans ce domaine d’intervention et envisagerons de nouveaux axes
de collaboration avec le GDPP.

4.3.2 Lutte contre les inégalités et l’exclusion des groupes sous-représentés

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