Tendances en finance - Groupe Investissement Responsable
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Introduction Après une année 2020 tumultueuse, nombreux sont ceux qui ont fondé leurs espoirs sur une année 2021 plus apaisée. Le retour à la normale tant attendu semble toutefois se dissiper en même temps qu’apparaît une nouvelle « normalité ». Il y aura bien un après-COVID-19 et il sera tout autant porteur de paradoxes que le « monde d’avant ». Beaucoup appellent à repenser notre modèle de société afin d’en alléger l’empreinte sur l’environnement, de réduire les inégalités et de privilégier les collectivités. Ce message trouve un écho favorable auprès d’une large frange de la société, mais pas de celle qui aurait la possibilité de faire changer le cap du navire. La dépression économique annoncée aura des répercussions sur les individus et les entreprises ne seront bien sûr pas épargnées. La crise sanitaire n’est venue que s’ajouter aux autres crises qui bouleversent notre monde. Dans ce contexte, la discussion autour de l’objet social des entreprises (corporate purpose) prend tout son sens. Le sujet a pris de l’ampleur depuis que la Business Roundtable, lobby pourtant conservateur, a publié une déclaration en août 2019 signée par 181 chefs de direction de grandes sociétés ouvertes (Amazon, BlackRock, Coca-Cola, Chevron, etc.) s’engageant à diriger leur entreprise au profit de toutes les parties prenantes (clients, employés, fournisseurs, communautés et actionnaires)i. Cela constitue une inflexion notable par rapport au modèle prôné jusqu’alors, qui octroyait la primauté aux actionnaires. Il ne faut pas s’attendre à observer des changements radicaux demain matin, mais ces signaux indiquent une évolution des mentalités. S’effectuera-t-elle assez rapidement avant que nous n’atteignions le point de non-retour ? Cela dépendra des actions de chacun. Un autre signe des temps est l’exemple de Veeva Systems, entreprise américaine de services infonuagiques qui est la première société cotée en bourse à avoir changé sa forme sociale pour devenir une entreprise à mission (public benefit corporation)ii. Comme chaque année, nous avons sélectionné les thèmes qui nous paraissent les plus prégnants, en portant une attention particulière aux assemblées générales à venir. Pour la première fois depuis plusieurs années, l’enjeu du changement climatique n’est pas celui qui a le plus attiré l’attention des investisseurs, même s’il reste une préoccupation majeure. Ce sont les questions de diversité et de justice raciale qui compteront le plus grand nombre de propositions d’actionnaire, du moins aux États-Unis. Enfin, pour la deuxième année consécutive, vous pourrez lire des textes signés par Rosalie Vendette, experte en finance durable, sur les tendances du marché de l’investissement durable en général. N’hésitez pas à revenir vers nous si vous désirez approfondir l’un ou l’autre de ces sujets. Bonne lecture ! Thomas Estinès Codirecteur général Groupe investissement responsable 2
Liste des tendances et enjeux ESG Évolution du marché de l’investissement responsable.......................................... 4 La standardisation s’accélère............................................................................... 8 Quels changements avec Joe Biden à la présidence des États-Unis ?................ 11 Assemblées générales virtuelles......................................................................... 14 Considérations ESG dans la rémunération et les instances................................. 17 Diversité et inclusion au conseil d’administration................................................. 23 Justice raciale.................................................................................................... 27 Droits des autochtones...................................................................................... 33 Droits de la personne et droits des travailleurs dans les chaînes d’approvisionnement............................................................... 39 Changement climatique..................................................................................... 44 Crise de la biodiversité....................................................................................... 51 Les enjeux actuels de l’eau................................................................................ 55 Les sujets ESG que l’on souhaiterait voir davantage........................................... 59 Notes bibliographiques...................................................................................... 61 3
L’évolution du marché de l’investissement durable et l’effet de la COVID-19 Par Rosalie Vendette Étant donné le contexte mondial très particulier ayant marqué l’année 2020, nous avons cru pertinent de tracer un portrait de l’évolution du marché de l’investissement responsable en deux temps. En effet, tout porte à croire que la pandémie aura eu un impact considérable sur la finance durable et qu’il y a lieu de présenter l’état des lieux avant et après le début de la COVID-19. Portrait pré-COVID-19 L’année 2020 a commencé sous le signe de la croissance pour le marché Actifs ESG au Canada : de l’investissement durable. En effet, la proportion de tous les actifs sous 3,2 billions $ gestion intégrant des considérations environnementales, sociales et Selon les dernières données de gouvernance (ESG) s’élevait à 62 % au 31 décembre 2019iii, ce qui publiées par l’Association canadienne représente une croissance de 48 % par rapport au dernier rapport publié de l’investissement responsable il y a deux ans. C’est encore plus vrai au Québec, où cette proportion était de 68 % à la fin de 2019iv, soit une croissance triennale de 50 %. Toutefois, signalons que ces données traduisent davantage l’appui des très grands administrateurs de régimes de retraite publics, comme la Caisse de dépôt et placement du Québec avec environ 340 G$ ou encore l’Office d’investissement du Régime de pension du Canada avec environ 450 G$ en actifs sous gestion. La dernière année a clairement confirmé que les facteurs ESG sont devenus incontournables pour les investisseurs institutionnels. Cette progression n’est toutefois pas le fait de l’épargne des investisseurs individuels canadiens. L’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC) nous apprenait que l’année 2019 s’était conclue avec une pénétration ESG équivalente à 0,7 % de tous les actifs en gestion des fonds communs de placement distribués au Canada, et 0,3 % pour les fonds négociés en bourse (FNB). Selon une étude de l’Association canadienne de l’investissement responsable (AIR) publiée en 2019, 79 % des investisseurs individuels souhaiteraient que leur fournisseur de services financiers les informe sur les options en matière d’investissement responsable (IR). Cependant, seulement 23 % des répondants ont été interrogés par leur fournisseur sur leur intérêt face aux options d’IR. Effet de la COVID-19 Ce portrait représente l’état des lieux à la fin de l’année 2019, soit avant le début de la pandémie de COVID-19. Lorsqu’elle a frappé l’Amérique du Nord, les marchés financiers ont connu une grande volatilité, ce qui a secoué toutes les catégories d’actifs et stratégies, y compris celles d’investissement durable. Plusieurs observateurs, les spécialistes de l’investissement responsable au premier chef, se sont demandé si la pandémie allait freiner les programmes de responsabilité sociale des entreprises ou les envies de grandeur de la finance durable. 4 L’ÉVOLUTION DU MARCHÉ DE L’INVESTISSEMENT DURABLE ET L’EFFET DE LA COVID-19
Assez rapidement, les premiers rapports ont démontré que la performance financière de plusieurs produits ESG reflète une bonne résilience. En fait, les « L’ESG est un vaccin spécialistes affirment depuis des années que les investissements intégrant des contre toutes les crises « considérations ESG sont moins risqués. C’est la conclusion de l’Institut pour la Cette idée, mise de l’avant par le finance durable de Morgan StanleyvI dans une étude portant sur près de 11 000 plus grand régime de retraite de Malaisie, nous semble particulièrement indiquée fonds effectuée entre 2014 et 2018 : aucune différence de rendement entre les dans le contexte mondial actuel. placements traditionnels et ESG, mais 20 % moins de risque lors des périodes de décroissance. Ce même institut publiait en septembre 2020 une analyse démontrant que des fonds d’actions et d’obligations américaines intégrant les dimensions ESG ont mieux résisté à la pandémie de COVID-19 que leurs homologues traditionnels au cours du premier semestre 2020vii. D’autres analyses vont dans le même sens : • Au cours du premier semestre 2020, Morningstarviii a constaté que 63 des 88 produits d’investissement durable ont offert un rendement supérieur à leurs pairs. De plus, 35 d’entre eux se sont hissés dans le quartile supérieur de leur catégorie au cours du même semestre. • Selon la firme de gestion BlackRock, 81 % des indices boursiers mondiaux ESG sélectionnés ont offert un rendement supérieur à leurs comparables traditionnels (non ESG). Cette surperformance était encore plus évidente durant le premier trimestre, ce qui témoigne de leur résilienceix. • Selon Morningstar, le flux de nouveaux actifs dans des fonds ESG aux États-Unis (comptabilisés au net), s’élève à 51 G$, ce qui représente le double de l’an 2012 et presque 10 fois plus qu’en 2018x. Record de nouveaux actifs dans les fonds durables $10B Quarterly estimated net flow $8B 6B $4B $2B $0B 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 Source: Morningstar Direct, as of 3/31/2020. (ESG Integration, Impact and Sustainable Sector funds as defined in Sustainable Funds U.S” Landscape Report, 2018. Includes liquidated funds; does not include funds of funds). Source : CNBC L’ÉVOLUTION DU MARCHÉ DE L’INVESTISSEMENT DURABLE ET L’EFFET DE LA COVID-19 5
Combiné à cette récente surperformance, l’intérêt accru pour l’investissement durable pourrait se traduire par une nouvelle poussée de croissance en 2021 ! Le marché semble d’ailleurs se positionner en conséquence. En effet, un nombre record de fonds d’investissement ont été repositionnés en produits ESG, comme le démontre le graphique ci-dessousxi. Hausse du nombre de fonds qui se repositionnent en fonds ESG Number of funds by type Active Active repurposed Passive Passive repurposed 3,000 2,500 1,000 1,500 1,000 500 0 2017 2018 2019 2020 2017 2018 2019 2020 2017 2018 2019 2020 Europe Asia US Source : Morningstar, FT Une croissance appelée à se poursuivre En réponse aux questions de plus en plus fréquentes des investisseurs particuliers et à la montée en popularité Fonds d’investissement responsable 2.8 de la finance durable, les grands réseaux de distribution de produits financiers ont élargi leur offre en matière de modèles en IR, c’est-à-dire des listes de fonds 0.7 recommandés. Ainsi, près de 1 700 conseillers financiers Net assets ($ billions) 0.1 0.4 détiennent maintenant la certification en investissement 0.04 0.03 durable offerte par l’AIRxii. 0.02 0.03 0.02 0.02 Cela semble s’être traduit par une croissance importante des actifs investis de façon responsable entre décembre 2019 et décembre 2020. En effet, l’IFIC rapportait 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 en janvier 2021 que les actifs en fonds communs de ETFs Mutual Funds placement (FCP) et fonds négociés en bourse (FNB) ESG avaient crû de 55 % entre 2019 et 2020, ce qui se compare à une croissance de 11 % pour l’industrie. Source : Institut des fonds d’investissement du Canada Au total, la pénétration est ainsi passée de 0,7 % à 1,1 % des actifs sous gestion en FCP et de 0,3 % à 1 % en FNBxiii. 6 L’ÉVOLUTION DU MARCHÉ DE L’INVESTISSEMENT DURABLE ET L’EFFET DE LA COVID-19
Si la tendance se maintient, la croissance devrait donc se poursuivre. BlackRock prévoit que les actifs investis de façon durable dans les FNB et FCP s’élèveront à près de 2 000 G$ américains en 2028xiv. Actifs dans les fonds communs de placement et les FNB durables 2013-2028 Actual Estimate $2 1.5 1 There’s no guarantee that forward-looking estimates will come to pass. Sources: BlackRock, with data from Broadridge/Simfund, June 2018. Notes: The chart 0.51 shows the total assets under management in ESG mutual funds (MFs) and ETFs globally. The 2019 to 2028 figures are based on BlackRock estimates, assuming a 5% annual growth rate in the underlying markets. Other assumptions: MF asset growth starts at 5% 0 in 2019 and declines by 0.5% annually through 2022, then at a zeroto-0.5% rate annually thereafter. ETF asset growth starts at 45% and decreases by 5% annually through 2022, 2013 2018 2023 2028 with a zero-to-3% pace thereafter. L’ÉVOLUTION DU MARCHÉ DE L’INVESTISSEMENT DURABLE ET L’EFFET DE LA 7
La standardisation Par Rosalie Vendette s’accélère L’investissement durable ne serait pas possible sans des informations ESG publiées par les entreprises et autres entités dans lesquelles les investissements sont effectués. Cela a toujours été vrai. Mais il y a 15-20 ans, il s’agissait de convaincre les entreprises d’agir et de commencer à divulguer. Depuis, les choses ont grandement évolué. Plusieurs entreprises publient énormément d’informations. En fait, au Canada, selon Référentiels ESG utilisés par les entreprises la revue annuelle de la firme de consultation Millanixv, 71 % des entreprises composant l’indice boursier S&P/TSX ont publié un rapport offrant des informations ESG, peu importe son nom (ESG, 51% 45% de responsabilité sociale, de durabilité, etc.). Les référentiels use SASB use TCFD utilisés par ces entreprises sont nombreux, comme on peut le voir dans l’illustration ci-contre. Devant cette multiplication des référentiels et comme rapporté 46% 64% l’an dernier dans notre rapport Tendances 2020 en finance use SDG’s use GRI durablexvi et sa mise à jourxvii, où nous faisions référence à l’entente conclue entre le Global Reporting Initiative (GIR) et le Sustainable Accounting Standard Board (SASB), les rapprochements et la Source : Millani’s Annual ESG Disclosure Study: A year in review consolidation continuent. En septembre 2020, nous apprenions la signature d’une déclaration d’intention Statement of Intent to Work Together Towards Comprehensive Corporate Reportingxviii réunissant SASB, l’International Integrated Reporting Council (IIRC), CDP, Climate Disclosure Standards Board (CDSB) et le GRI dans un projet commun de reddition de compte. Les parties s’engagent à : • Adopter des orientations communes sur la manière dont leurs normes et cadres peuvent être appliqués d’une manière complémentaire et additive; • Adopter une vision commune sur la manière dont leurs cadres et normes peuvent être complémentaires aux Principes comptables généralement reconnus (PCGR); • Atteindre ces objectifs grâce à une collaboration étroite et une volonté d’intégrer les parties prenantes dans leurs travaux. 8 LA STANDARDISATION S’ACCÉLÈRE
To various users with various objectives Reporting on matters that reflect who want to understand the enterprise’s Nous nous réjouissons de the organisation’s significant positive and negative contributions to impacts on the economy, sustainable development voir que leur travail portera environment and people sur un concept fondamental Dynamic materiality: Reporting on the sub-set of Specifically to the sub-set of those pour la reddition de compte : sustainability topics can sustainability topics that are users whose primary objective is to move - either gradually material for enterprise value improve economic decisions l’importance relative. C’est entre or very quickly creation autres le principe sur lequel SASB se fondait pour identifier Reporting that is already reflected les critères ESG des standards in the financial accounts* s e c t o r i e l s . L’ i m p o r t a n c e relative dynamique, une piètre traduction de l’expression « dynamic materiality », est l’un des volets sur lesquels le *Including assumptions and cashflow projections projet de divulgation commune Source : Source: Forbes, 19 août 2020 travaillera. Selon le professeur Robert Eccles, les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) que les investisseurs considèrent comme ayant une importance relative dynamique évoluent avec le temps. « Cela peut se produire lentement, comme avec le changement climatique et la diversité de genre, ou plus rapidement, comme avec les plastiques dans les océans »xix. En novembre 2020, nous apprenions l’intention de fusion qui examinera les 576 commentaires reçus lors de la de SASB et d’IIRCxx, qui donnera lieu à une nouvelle consultation. De l’avis de la Fondation, il y a bel et bien entité qui verra le jour au milieu de cette année et qui un besoin croissant et urgent d’agir. Le comité fournira s’appellera Value Reporting Foundation. Il semble donc un calendrier de travail et la création d’un nouveau que certains rapprochements sont plus profonds que standard pourrait être annoncée lors de la conférence d’autres. Parions que la vague de consolidation n’est de Glasgow sur les changements climatiques (COP26), pas terminée. qui se tiendra en novembre 2021. Nous pouvons donc parler de création probable d’un Sustainabilty Standards Nous ne pouvions passer sous silence la consultation Board (SSB). sur le sujet de la durabilité, lancée à l’automne 2020 par l’International Financial Reporting Standards Enfin, portons une attention particulière à un autre Foundation, l’organisation qui supervise l’International cadre volontaire de divulgation qui a le vent dans les Accounting Standard Board (IASB), responsable des voiles, celui des recommandations du Groupe de travail normes comptables en usage dans presque tous les sur l’information financière relative aux changements pays (Normes internationales d’information financière climatiques, mieux connu sous son acronyme anglais ou International Financial Reporting Standards - IFRS)xxi, TCFD, pour Taskforce on Climate-Related Financial sauf aux États-Unis. La consultation cherchait à savoir Disclosure. Ce groupe a été créé en 2015 par le Conseil s’il est nécessaire d’aller de l’avant avec la création d’une de stabilité financière, qui regroupe des régulateurs nouvelle norme de divulgation en matière de durabilité et des banques centrales. À l’automne 2020, on et quel rôle la fondation devrait jouer. Parmi les appuis, apprenait que plus de 1 700 entreprises utilisaient les mentionnons celui de BlackRock qui est de taille, ou recommandationsxxv du TCFD publiées en 2017. De encore ceux de CPA Canadaxxii, la Caisse de dépôt et nombreux investisseurs institutionnels, banquiers et placement du Québec, Investissements PSP, Jarislowsky assureurs, y compris les huit plus importantes caisses Fraser, Addenda, le Vérificateur général du Québec de retraite publiques du Canadaxxvi, ont demandé aux et la Ville de Montréal (conjointement avec Toronto et entreprises d’adopter le cadre d’analyse et de divulgation Vancouver)xxiii. Le 2 février 2021, la Fondation annonçait du TCFD. qu’elle allait de l’avantxxiv en créant un comité de travail LA STANDARDISATION S’ACCÉLÈRE 9
La Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni imposent depuis •L e nouveau cadre de divulgation des l’automne 2020 de respecter les recommandations du produits d’investissement ayant adopté TCFD à leurs entreprises. Nous nous attendons à ce que une approche en finance durable édicté d’autres pays s’y engagent avant ou lors de la rencontre par l’Institut CFA, servira à catégoriser les de la COP26 à Glasgow en novembre 2021. Est-ce que approches en investissement durable1 à l’échelle le Canada sera du lot ? On peut l’espérer. Deux indices de la planète. Comme l’explique l’Institut, une nous renseignent : multitude d’expressions ont été utilisées au fil des 30 dernières années, comme en témoigne a) Le Groupe d’expert en finance durable, mandaté l’encadré ci-dessous. Évidemment, les définitions par le gouvernement du Canada, avait fait du TCFD de ces termes ont manqué de cohérence l’une de ses recommandationsxxviii. pour être compris par le plus grand nombre. b) Au printemps 2020, le gouvernement canadien a La consultation, qui a débuté en août 2020, est mis dans ses conditions de financement du crédit terminée et le standard est attendu pour mai 2021. d’urgence aux grandes entreprises, le CUGE, •L a nouvelle réglementation de l’Union une divulgation conforme aux recommandations européenne sur la divulgation en matière de du TCFDxxviii. finance durable, plus connue sous l’appellation L’encadrement des produits financiers EU SFRD, nous permettra de voir les acteurs du Il n’existe toujours pas d’encadrement spécifique au volet marché inonder le marché de nouvelles divulgations ESG des produits financiers au Canada. Nous avons dès le 10 mars 2021. En effet, cette réglementation toutefois repéré des initiatives qui pourraient avoir des touche à la fois aux volets institutionnel et répercussions sur le marché canadien dès 2021 : individuel. Bien que limitée aux fonds distribués en Europe, nous estimons qu’elle pourrait avoir des • Les travaux menés depuis 2019 par le Canadian répercussions au-delà, car elle pourrait toucher des Investment Funds Standards Committee organisations d’ici actives là-bas. Trois catégories (CIFSC) ont conduit à une consultation formelle sont possibles : aucune intégration ESG, vert pâle lancée le 7 octobre 2020xxix sur le système d’identification des fonds d’investissement ayant intégré une approche d’investissement durable. Cette initiative est particulièrement pertinente pour le marché des investisseurs individuels. Nous attendons toujours les résultats de la consultation qui a duré 60 jours. •L e Conseil canadien d’action en matière Liste des termes désignant des approches d’investissement ou des produits intégrant une de finance durable mis sur pied par le composante de responsabilité sociale : gouvernement du Canada, dont l’un des premiers Investissement durable Investissement fondé sur les mandats sera d’établir des normes pour les Investissement socialement valeurs responsable Exclusion fonds d’investissement commercialisés comme Investissement responsable Tamisage positif et négatif « durables » ou « ESG ». Rappelons que la ministre Investissement éthique Meilleur de classe Investissement d’impact Superposition ESG (overlay) des Finances, madame Chrystia Freeland, en avait Finance verte Inclinaison ESG (tilt) fait l’annonce à l’automne 2020 lors de son énoncé Désinvestissement Engagement économiquexxx. Triple performance Actionnariat actif Capitalisme conscient, Défense des intérêts des Intégration ESG actionnaires Source : CFA Institute, CONSULTATION PAPER ON THE DEVELOPMENT OF THE CFA INSTITUTE ESG DISCLOSURE STANDARDS FOR INVESTMENT PRODUCTS, Août 2020 1 INSTITUT CFA, ESG Disclosure Standards for Investment Products, consulté le 21 février 2021 https://bit.ly/2OfdpqW 10 LA STANDARDISATION S’ACCÉLÈRE
Quels changements avec Joe Biden à la présidence des États-Unis ? Le changement climatique et l’environnement ne furent pas une priorité pour l’administration Trump, sinon pour défaire la réglementation à ce sujet. L’investissement responsable n’avait pas davantage la cote auprès de l’ancien président. On peut toutefois espérer que l’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche va entraîner des basculements positifs dans ces domaines dans les prochaines années. Retour sur les années Trump au Bureau ovale On peut affirmer sans doute que Donald Trump, durant les quatre dernières années, a mené une politique de régression en ce qui a trait à la protection de l’environnement et à la lutte contre le changement climatique en modifiant et abrogeant certaines politiques établies par son prédécesseur Barack Obama. Il a notamment réduit les objectifs climatiques et éliminé plus de 150 mesures environnementalesxxxi. Nous retiendrons entre autres la sortie des États-Unis de l’Accord de Paris sur le climat, qui a suscité de nombreuses réactions dans la communauté internationale, l’abrogation du plan d’énergie propre, qui devait permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre liées au secteur de l’électricité, l’annulation de certaines normes dans l’industrie des combustibles ou encore l’exonération des entreprises des secteurs industriels, comme l’acier et le raffinage du pétrole, de la réglementation sur les émissions de carbonexxxii. Notons aussi l’allégement des cibles de réduction de la consommation de carburant des véhicules neufs, qui sont passées de 5 % sous Barack Obama à 1,5 % sous l’administration Trump, ainsi que les attaques contre le marché du carbone Californie-Québec, que l’ancien président souhaitait voir interditxxxiii. QUELS CHANGEMENTS AVEC JOE BIDEN À LA PRÉSIDENCE DES ÉTATS-UNIS ? 11
Durant la dernière année de son mandat, Donald Trump a aussi imposé des règles qui ont eu un impact important sur l’investissement responsable. Par exemple, le ministère du Travail des États-Unis (DOL) a adopté une règle qui rend plus difficile l’intégration de critères extrafinanciers dans certains régimes de retraite (401(k) Plans), en exigeant de leurs fiduciaires qu’ils privilégient les intérêts économiques avant ceux dits non pécuniairesxxxiv et en les décourageant de voter leurs actions. Notons aussi les modifications aux règles de la commission des valeurs mobilières des États-Unis (SEC) qui s’appliquent aux agences de conseils en droit de vote par procurationxxxv et celles qui limitent le dépôt de propositions d’actionnaire en imposant aux actionnaires-proposeurs qu’ils détiennent une valeur plus importante d’actifs au sein des sociétés visées, laquelle est passée de 2 000 à 25 000 dollars américains. Enfin, ces règles requièrent aussi des taux d’approbation plus élevés pour pouvoir resoumettre une proposition (au moins 5 % lors du premier vote, 15 % lors du deuxième et 25 % la troisième fois)xxxvi, xxxvii. Soulignons néanmoins que même si les politiques de Donald Trump n’ont pas mis l’accent sur ces enjeux, les actifs gérés de manière durable ont quasiment doublé aux États-Unis entre 2016 et 2020, d’après US SIFxxxviii. À quoi s’attendre avec l’arrivée de Biden à la présidence ? Durant sa campagne électorale, Joe Biden a déclaré faire de la lutte contre le changement climatique une priorité. Il a ainsi promis de fixer des objectifs ambitieux pour les États-Unis, soit d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050 et de produire uniquement de l’électricité propre d’ici 2035, en s’alignant sur l’Accord de Parisxxxix. Pour y parvenir, 1 700 milliards de dollars américains devraient être investis par le gouvernement fédéral sur 10 ans. Dès son investiture, le nouveau président a mis l’accent sur les enjeux environnementaux et le changement climatique avec le retour des États-Unis dans l’Accord de Paris (en vigueur depuis le 19 février 2021xl) et la révocation du permis fédéral pour l’oléoduc Keystone XL, des initiatives qui ont été saluées par des groupes d’investisseurs responsables, comme Ceresxli et As You Sowxlii. L’importance qu’il attache à la question climatique transparaît en outre dans certaines de ses nominations, comme celle de John Kerry en tant qu’émissaire spécial du président américain sur le climat et celle de Janet Yellen, ancienne présidente de la Réserve fédérale américaine (Fed) et économiste progressiste reconnue pour son engagement contre le changement climatique, au secrétariat au Trésor. Selon des spécialistes, les premières années du président Biden devraient probablement être consacrées à défaire les politiques de son prédécesseur, notamment sur le plan environnementalxliii. La Maison-Blanche a d’ailleurs publié une liste de plus de 100 règlements adoptés durant l’ère Trump qui seront étudiés et révisésxliv. Les démocrates peuvent compter sur leurs 50 sièges au Sénat et une majorité à la Chambre des représentants, ce qui facilitera l’approbation et la mise en place des politiques de l’administration Biden. Quels impacts dans le secteur de l’investissement ? L’élection de Joe Biden à la présidence devrait également apporter des changements bienvenus dans le monde de l’investissement responsable. Nous remarquerons ainsi que le président a nommé Brian Deese à la tête du Conseil économique national (NEC). Ce dernier était le responsable mondial en investissement durable chez BlackRock. et il a conseillé l’ancien président Barack Obamaxlv. Plus concrètement, le président Biden veut d’abord revoir le règlement du DOL concernant l’intégration des facteurs ESG dans les fonds de pension, ce qui pourrait prendre jusqu’à 18 moisxlvi. Ce règlement a été très contesté, puisque 1 500 lettres de commentaires ont été envoyées par des détenteurs d’actifs, des associations de professionnels ou encore des législateursxlvii. Notons aussi que des regroupements d’investisseurs institutionnels tels que l’Interfaith Center on Corporate Responsibility (ICCR) et le Shareholder Rights Group ont demandé à la SEC de revoir des directives rédigées sous l’administration Trump qui permettent aux entreprises d’exclure plus facilement les propositions d’actionnaire de leurs circulaires de sollicitation de procurationsxlviii. 12 QUELS CHANGEMENTS AVEC JOE BIDEN À LA PRÉSIDENCE DES ÉTATS-UNIS ?
Soulignons également la mise sur pied d’un comité de travail intergouvernemental qui se penchera sur le coût social du carbone, qui estime le prix en dollars à payer par la société de chaque nouvelle tonne métrique de dioxyde de carbone émise. Sous l’administration Trump, le prix était passé de 42 $ à 6 $ la tonne. Selon des spécialistes, il pourrait remonter à 53 $, sinon plus, même si une valeur de 125 $ serait plus pérennexlix. En ce qui a trait aux réglementations à prévoir, alors que certains membres démocrates du Congrès ont évoqué des limitations concernant les rachats d’actions, Biden a quant à lui annoncé, durant sa campagne électorale, son intention d’imposer aux entreprises la publication de rapports sur leurs impacts environnementauxli. Ces travaux devraient être conduits avec Gary Gensler à la tête de la SEC. Ce dernier sera épaulé par Satyam Khanna, conseillère principale en matière de climat et d’enjeux ESG, un poste qui n’existait pas avant l’arrivée de Joe Biden à la présidencelii. D’autres changements sont aussi attendus, notamment en ce qui concerne l’inclusion et la diversité, des enjeux importants pour le président, ou encore l’ajout de représentants du personnel au sein des conseils d’administrationliii. On peut également noter l’initiative de certains élus démocrates au Congrès pour la création d’un groupe de travail sur la gouvernance d’entreprise qui pourrait mener à certaines propositions intéressantes, comme l’introduction d’une législation pour imposer aux sociétés de divulguer leurs politiques en matière de capital humain et une proposition visant à tenir les dirigeants personnellement responsables lors de crimes commis par une entrepriseliv. À ce stade de son mandat, il est trop tôt pour imaginer les mesures à moyen terme que devrait adopter Joe Biden. La priorité actuelle pour les États-Unis reste la gestion de la pandémie de COVID-19 grâce au plan de relance de 1 900 milliards de dollars américains qui devrait être adopté en février ou en marslv. Enfin, le pays risque de voir émerger durant les prochaines années d’autres problèmes liés aux impacts de cette pandémie sur l’économie. QUELS CHANGEMENTS AVEC JOE BIDEN À LA PRÉSIDENCE DES ÉTATS-UNIS ? 13
Assemblées générales virtuelles Il était prévisible que les mesures prises par les États pour freiner la flambée de COVID-19, comme le confinement, l’interdiction des rassemblements et la distanciation sociale, auraient des répercussions importantes sur la saison des assemblées générales d’actionnaires de 2020. Au Canada et aux États-Unis, le recours aux assemblées entièrement virtuelles s’est imposé, tandis que d’autres régions ont eu plus de réticences à adopter ce format, comme la Chine ou le Japon. En Europe, la tendance a plutôt été au report des assemblées, qui se sont déroulées avant la fin du mois de juillet. Institutional Shareholder Services (ISS) a recensé les premières tendances géographiques sur le sujet, au 13 mai 2020lvi. Décompte des assemblées générales virtuelles liées à la pandémie, par marché Source : ISS, Number of Virtual Meeting by Market, 13 mai 2020 Durant la saison 2020, plus de 2 200 assemblées générales virtuelles ont été tenues sur le marché américain avant le mois d’octobre, comparativement à 300 l’année précédente, selon les données de ISS. Au Canada, c’est aussi cette option qui a été retenue par la plupart des institutions financières. Le 20 mars, la Banque de Montréal, la Banque CIBC, la Banque canadienne de l’Ouest, la Banque Laurentienne, la Banque Nationale, la Banque Royale du Canada, la Banque Scotia, la Banque TD, Great-West, compagnie d’assurance-vie, Canada Vie, la Société Financière Manuvie et la Financière Sun Life ont annoncé qu’elles avaient obtenu conjointement une ordonnance judiciaire les autorisant à tenir une assemblée virtuelle, en tout ou en partie. Les banques et les assureurs canadiens ne sont évidemment pas les seuls à s’être tournés vers les assemblées non physiques. Selon Hanselllvii, 54 % des assemblées générales des entreprises ouvertes canadiennes se sont tenues en ligne. Nous avons donc assisté à une précipitation de la part des régulateurs pour modifier les règles concernant le déroulement des assemblées, ce qui a eu un impact sur leur qualité. De plus, les investisseurs n’étant historiquement pas très friands du format uniquement virtuel, la grande majorité des sociétés l’utilisaient pour la première fois, ce qui tend à expliquer le mauvais déroulement de certaines assemblées. 14 ASSEMBLÉES GÉNÉRALES VIRTUELLES
Les leçons de 2020 et des recomman- actionnaires (MÉDAC) accuse l’entreprise d’avoir bafoué dations pour 2021 le droit de parole verbal des actionnaires durant son assemblée générale annuelle en ligne du 16 septembre Le 10 décembre 2020, le Rutgers Center for Corporate 2020lix. Non seulement le conseil a empêché le MÉDAC Law and Governance, en collaboration avec le Council de s’adresser oralement aux actionnaires, mais il a of Institutional Investors (CII) et le groupe Society for même refusé de faire la lecture verbale d’une intervention Corporate Governance, a publié le rapport du groupe de écrite en soutien à ses propositions d’actionnaire. Il est travail multipartite 2020 sur les pratiques des assemblées donc fondamental pour la prochaine saison de réguler générales virtuelleslviii. Nous vous en avons résumé les le déroulement des futures assemblées de manière à grandes lignes, répertoriant ainsi les bonnes et les instaurer un traitement équitable pour chaque actionnaire mauvaises pratiques de la saison 2020 et les pistes et un modèle de prise de parole directe. d’amélioration pour la prochaine saison, qui restera fort probablement dans la lignée virtuelle de la dernière. De plus, le bon fonctionnement des assemblées en 2020 dépendait largement des capacités techniques de Rappelons d’abord l’importance capitale du bon chaque entreprise et des compétences technologiques déroulement des assemblées générales pour toutes des organisateurs. Les sociétés soulèvent l’enjeu d’une les parties prenantes. Ce rendez-vous annuel est organisation nouvelle, d’une nécessité de coordination l’occasion ultime pour les investisseurs de rencontrer entre chaque intervenant et de la difficulté de gérer les les administrateurs et les membres de la direction, l’idéal questions de la séance de questions et réponses, loin de étant d’instaurer un réel dialogue. Bien évidemment, la traditionnelle prise de parole au microphone. Plusieurs avoir une participation élevée de la part des actionnaires entreprises ont rencontré des défaillances techniques est bénéfique : cela permet de recueillir les avis d’un via leur plateforme sans avoir recours à des solutions vaste nombre d’investisseurs différents, de partager dans l’immédiat. Cependant, de manière générale aux et confronter les points de vue. Or, selon la société de États-Unis, la plupart des compagnies ont exprimé un gestion de procurations Broadridge, le phénomène retour positif sur leur expérience, notamment sur le fait des assemblées générales virtuelles a justement que ce format est moins dispendieux. Le rapport du permis d’améliorer globalement l’accessibilité groupe de travail multipartite préconise une préparation et donc d’accroître le nombre de participants. en amont : répéter le déroulement avec les organisateurs, En revanche, le succès fut variable et plusieurs critiques contacter en avance les actionnaires-proposeurs et avoir ont pu être faites quant à cette première saison à disposition une équipe de soutien technique le jour J. majoritairement en ligne. Une autre conséquence des assemblées strictement Le premier enjeu réside dans la capacité d’interagir virtuelles est leur impact sur le pouvoir le plus puissant de des actionnaires. Dans certains cas de figure, ces l’investisseur : le droit de vote. Malgré la hausse notable derniers n’ont pas pu choisir le format de présentation du nombre de participants, le manque de divulgation de leurs propositions ou n’ont pas eu la chance de d’informations concernant l’accès aux assemblées et les expliquer de vive voix. La sélection des questions les instructions d’utilisation de la plateforme ont limité et propositions par le conseil d’administration soulève l’exercice de ce droit. Or, une entreprise est responsable un autre problème. Ainsi, l’interaction lors des séances d’informer ses actionnaires sur l’ensemble de la de questions et réponses était restreinte, en particulier procédure à suivre, et ce, dans un anglais clair : qui a le lorsqu’il s’agissait de renchérir sur les réponses du droit de vote, comment l’exercer, comment changer son conseil. Le format virtuel donne un contrôle aux vote ou, de manière générale, combien de questions sont administrateurs qui peuvent être tentés de dévier les posées par personne, quel temps est alloué à la séance questions les plus conflictuelles, ce qui atteint d’une de questions et réponses, etc. certaine manière l’aspect démocratique de l’assemblée. C’est par exemple le cas d’Alimentation Couche-Tard. Le Mouvement d’éducation et de défense des ASSEMBLÉES GÉNÉRALES VIRTUELLES 15
En clair, une meilleure organisation est requise en amont et pendant l’assemblée. En collaborant avec les proposeurs, l’entreprise pourrait adapter le format à leurs besoins. Aussi, elle pourrait s’assurer d’une bonne communication et anticiper les dysfonctionnements grâce à des moyens techniques testés au préalable. Utiliser un format combinant audio et vidéo pour permettre le contact visuel est nettement recommandé. L’objectif est d’adapter l’expérience d’une assemblée générale virtuelle afin qu’elle soit le plus possible fidèle à celle d’une assemblée physique. Enfin, les entreprises peuvent agir en aval de la réunion. Certaines ont eu recours à des pratiques innovantes pouvant en inspirer d’autres pour la prochaine saison. Par exemple, l’accès via la plateforme aux questions et propositions en amont, avec la possibilité pour les actionnaires d’indiquer leur niveau d’intérêt pour chacune d’elles, permet de hiérarchiser les sujets le jour J. Ou encore, plusieurs entreprises ont mis à la disposition des participants une interprétation simultanée en plusieurs langues. Une autre bonne pratique est de publier postérieurement la vidéo enregistrée sur le site Internet, avec la transcription du contenu et de la séance de questions et réponses. Au vu de la menace que représente le format virtuel pour les droits des actionnaires, des organisations de conseil aux investisseurs institutionnels bien connues, comme Glass Lewis ou la Shareholder Association for Research & Education (SHARE), se positionnent. Par exemple, SHARE a annoncé qu’elle va sanctionner les conseils d’administration qui voudront tenir les futures assemblées générales uniquement en ligne sans l’approbation des actionnaires, en votant contre leur élection. Le même traitement sera réservé à l’ensemble des propositions visant à tenir des assemblées d’actionnaires à distance sans donner la chance aux participants de pouvoir dialoguer. Une chose est certaine, une multitude de mises au point sont possibles afin d’améliorer l’expérience de chacun et de protéger les droits des actionnaires. En juillet 2020, l’Interfaith Center on Corporate Responsibility (ICCR) et le Shareholder Rights Group ont d’ailleurs publié un article énumérant certaines recommandations essentielles à prendre en compte pour le futurlx. Par exemple, les compagnies sont fortement invitées à se tourner vers un format d’assemblée hybride lorsque la situation sanitaire le permettra, en s’assurant que les participants en ligne sont traités de la même manière que ceux physiquement présents. Selon SHARE, ce format est même « la meilleure option en matière de gouvernance ». Néanmoins, elle est également la façon de faire la plus coûteuse pour les entreprises, ce qui explique que seulement 8 % des assemblées virtuelles américaines tenues en 2019 via Broadridge étaient hybrideslxi. Au Canada, ce chiffre s’élève à peine à 2 % pour l’année 2020lxiii. Aussi, pour éviter des déplacements superflus, les actionnaires-proposeurs devraient toujours être autorisés à présenter leur proposition virtuellement, et ce, avec le plus de flexibilité possible. Dans sa lettre aux ministres des Finances du Québec et du Canada du 30 octobre 2020lxiii, le MÉDAC enfonce le clou. L’organisme dénonce sans détour la violation du droit de parole verbal des actionnaires lors des assemblées virtuelles, comme avec Alimentation Couche-Tard, et pousse à l’action : « Ceux-ci [les actionnaires] devraient pouvoir y prendre la parole verbalement, sur chaque point à l’ordre du jour. […] Les lois et les règlements devraient rendre ce droit de parole verbal explicite. […] Il faut agir. » On s’attend donc à ce que le positionnement des investisseurs institutionnels responsables et la réaction vive de certains actionnaires portent leurs fruits. 16 ASSEMBLÉES GÉNÉRALES VIRTUELLES
Considérations ESG dans la rémunération et dans les instances Selon une étude de KPMG réalisée en 2020lxiv, 76 % des chefs de la direction canadiens interrogés croient qu’ils doivent jouer un rôle de premier plan dans la conduite du changement sociétal et 64 % d’entre eux affirment que la pandémie de COVID-19 a déplacé leur attention vers la composante sociale du terme ESG (environnement, social et gouvernance d’entreprise). Depuis le début de la crise sanitaire, nombreux sont les dirigeants dont le salaire a été réduit, en soutien aux personnes en difficulté à la suite des vagues de licenciements. Cependant, le problème de la rémunération des dirigeants demeure, car celle-ci est souvent considérée comme excessive. Une étude du Centre canadien des politiques alternatives montrait qu’en moyenne, en 2018, le patron d’une grande société cotée en Bourse gagnait autant d’argent à 10 h 9 le premier jour ouvrable de l’année que le travailleur canadien moyen en un anlxv. Si des mesures exceptionnelles sont parfois prises lors des crises, à l’instar de la crise financière de 2008, où beaucoup d’entreprises ont adopté des politiques afin de limiter les risques, comme des dispositions de récupération de la rémunération, c’est un sujet qui va au-delà des considérations d’urgence et des critères uniquement financiers et qui mérite plus d’attention. La pandémie a mis en lumière l’importance des critères extrafinanciers dans la rémunération des dirigeantslxvi et de leur prise en compte par les conseils d’administration. La compréhension des enjeux ESG et leur intégration par les conseils s’avèrent donc primordiales. Impact de la COVID-19 sur la rémunération des dirigeants La réduction des salaires a été l’une des premières actions prises par les compagnies fortement touchées par la COVID-19, selon Deloittelxvii. Toutefois, devant le climat d’incertitude généré par la pandémie, la plupart des sociétés ont décidé d’agir plus tard sur le sujet : Deloitte remarque peu de rajustements sur le court terme et encore moins sur le long terme dans les circulaires des entreprises américaines de 2020. Dans ce sens, une étude du Conference Board lxviii montre les décisions prises sur la rémunération des dirigeants entre mars et octobre 2020 pour les sociétés du Russell 3000, dont les principaux éléments sont présentés ci-dessous. Changements dans la rémunération des dirigeants des sociétés du Russell 3000 à la suite de la COVID-19 Changements structurels 177 entreprises Coupures quelconques (au 4 juin 2020) 643 entreprises Secteurs les plus représentés parmi les sociétés • Consommation discrétionnaire ayant annoncé ces rajustements • Industriel • 48 % sur le plan annuel Nature des changements • 30 % sur le court terme et le long terme • 21 % sur le long terme uniquement • Réduction de l’objectif ou du paiement maximum Mesures mises en place • Introduction de nouvelles mesures (concernant la liquidité ou des mesures stratégiques en contexte de pandémie) • Cadres supérieurs dans 70 % des annonces • Administrateurs plus touchés que les chefs de la direction Personnel concerné dans 25 % des cas • Environ 17 % (1 sur 6) des chefs de la direction ont vu leur salaire de base réduit à 0 Source : Conference Board CONSIDÉRATIONS ESG DANS LA RÉMUNÉRATION ET DANS LES INSTANCES 17
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