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Campagnes solidaires Mensuel de la Confédération paysanne N° 364 septembre 2020 – 6 € – ISSN 945863 Dossier Pour une Sécurité sociale de l’alimentation
Sommaire Dossier Pour une Sécurité sociale de l’alimentation 4 Vie syndicale Actualité 6 Convention citoyenne pour le climat De vrais leviers d’action, mais aussi des faiblesses et des lacunes 7 Climat Des pratiques agricoles pour capter le carbone dans les sols 8 Vin À Bordeaux, le coronavirus achève la viticulture 9 Lait Les élevages subissent la baisse des prix imposée par les industriels 10 Défendre les productrices et producteurs de lait de chèvre 11 Grandes cultures Tous les néonicotinoïdes doivent rester interdits 12 De la ferme à la fourchette Internationales 13 Québec Protéger des terres en agriculture biologique Agriculture paysanne 14 Drôme Clarisse Arnaud, vigneronne « Pour moi, c’est dans la relation entre les humains que notre travail prend tout son sens » 16 Alsace Pisciculture : le bonheur est (aussi) dans les bassins ! Initiative 17 Pays Basque Une pépinière collective de production de plants bios 18 Annonces 20 Abonnement Action 22 Hypocrites du climat Le Samson du mois 2 \ Campagnes solidaires • N° 364 septembre 2020 Les textes publiés dans Campagnes solidaires peuvent être reproduits avec indication d’origine à l’exception de ceux de la rubrique Point de vue qui sont de la responsabilité de leurs auteurs et pour lesquels un accord préalable est requis. Campagnes solidaires est imprimé sur du papier recyclé
On l’ouvre Mutation Treize heures, la sensation de ne rien avoir fait alors que je n’ai pas arrêté depuis ce matin. Emmener à manger dans les pâtures et rouler de l’eau pour l’abreuvement, ce n’est en effet pas très productif. Une nouvelle fois, pour la énième année, la sécheresse frappe une bonne partie du pays. Les sources tarissent et les herbages sont réduits à des paillassons. C’est peut-être un cycle, plus sûrement le changement climatique. Comme le dit de façon humoristique un collègue paysan : « Je ne fais plus d’agneaux d’herbe mais des agneaux de foin ! » Voire de paille, malgré son prix cette année, tellement la récolte de foin est maigre alors que l’hivernage ne cesse de s’allonger. Mes brebis sont en bergerie depuis début août : drôle de vie pour des herbivores ! Denis Perreau, De plus, la succession de sécheresses modifie la flore des pâtures, paysan en Côte-d’Or, secrétaire national faisant régresser les légumineuses et rendant les nouvelles implantations de plus en plus aléatoires. Pour répondre à ces problèmes, on nous répond « exonération de taxes sur le foncier non bâti ». Ça va chercher dans les 30 euros par hectare en moyenne, tourné vers le propriétaire et dont le fermier ne voit pas forcément la couleur. On nous répond également « pâturage des jachères » : alors que la Confédération paysanne alertait sur le risque de sécheresse dès fin avril, le gouvernement attend mi-août pour autoriser la valorisation d’un fourrage… qui n’a plus aucune valeur. Il nous est proposé aussi un échéancier pour les cotisations sociales : très bien pour celles et ceux qui n’en ont pas bénéficié l’année dernière, sinon c’est la double peine. À plus long terme, on nous vend l’assurance climatique, accessible à celles et ceux qui en ont les moyens, à la charge des seuls paysans et paysannes à travers les cotisations et les subventions de la Pac (contrairement au projet de fond mutualiste porté par la Confédération paysanne), et dont le rendement de référence ne cesse de se dégrader à cause des successions d’accidents climatiques. Mais surtout, on nous survend le stockage de l’eau. Pas question d’avoir une position dogmatique sur un tel sujet, mais on a tous appris le cycle de l’eau à l’école et non, l’eau qui tombe en hiver et qui s’en va n’est pas perdue ! Et il ne semble pas très cohérent de vouloir stocker l’eau tout en faisant le maximum pour qu’elle file le plus vite possible en continuant d’arracher les haies, de drainer les zones humides, de retourner des prairies permanentes ou de réaliser de nouveaux remembrements sur certaines communes, agrandissant encore les parcelles et repoussant les bosquets dans les coins (1). Je ne m’étendrai pas sur la méthanisation qui bien souvent vient en concurrence avec l’affouragement des troupeaux. De même, je me refuse à soutenir les propos de celles et ceux qui voient dans la pyramide des âges l’opportunité d’extensifier l’élevage au mépris du nombre de paysan·nes. Ne rêvons pas : l’agriculture paysanne ne solutionnera pas à elle seule le dérèglement climatique mais elle peut a minima contribuer à atténuer l’impact des modes de productions agricoles. Le meilleur moyen pour y parvenir est d’impulser une mutation de l’agriculture. Cela suppose une Pac ambitieuse et vraiment novatrice, prenant en compte l’emploi, les petites fermes, le pastoralisme et encourageant réellement une évolution des pratiques avec un deuxième pilier fort (qui ne soit pas siphonné par l’assurance climatique, par exemple). (1) Réflexion entendue en session de la chambre d’agriculture de mon département : « En Côte-d’Or, les zones humides on les protège pas, on les draine ! » Mensuel édité par : Abonnements : 01 43 62 82 82 Comité de publication : Maquette : Pierre Rauzy l’association Média Pays abocs@confederationpaysanne.fr Christian Boisgontier, Michel Curade, Joël Impression : Chevillon 104, rue Robespierre – 93170 Bagnolet Directeur de la publication : Feydel, Florine Hamelin, Véronique Léon, 26, boulevard Kennedy Tél. : 01 43 62 82 82 – fax : 01 43 62 80 03 Nicolas Girod Jean-Claude Moreau, Michèle Roux, BP 136 – 89101 Sens Cedex campsol@confederationpaysanne.fr Rédaction : Benoît Ducasse Geneviève Savigny CPPAP n° 1121 G 88580 confederationpaysanne.fr et Sophie Chapelle Diffusion : Anne Burth N° 364 septembre 2020 facebook.com/confederationpaysanne Secrétariat de rédaction : et Jean-Pierre Edin Dépôt légal : à parution Twitter : @ConfPaysanne Benoît Ducasse Dessins : Samson et Denys Moreau Bouclage : 27 août 2020 Campagnes solidaires • N° 364 septembre 2020 /3
Vie syndicale La Confédération paysanne de la Haute-Vienne a voulu marquer les esprits, et elle y est parvenue : dans la nuit du 29 au 30 juin, elle a remplacé deux cents affiches publicitaires dans les rues de Limoges par une affiche au slogan plein de punch ! Objectif : bien marquer le lien entre l’urgence du changement clima- tique de plus en plus ressentie et l’alimentation. Car, comme le rappelle le syndicat, l’agriculture et l’alimentation sont au centre de la question des émissions de gaz à effet de serre (GES), repré- sentant de 44 à 57 % du total lorsqu’on prend en compte les émissions liées au transport de l’alimentation, à la déforestation, l’emballage, la distribution ou encore les déchets. Une des mesures les plus importantes pour lutter contre les émissions de GES serait donc de réorienter massivement la production agricole vers une agriculture paysanne, locale et environnementalement vertueuse. Pour la Confédération paysanne de la Haute-Vienne : « Aujourd’hui des milliers de paysan·nes partent à la retraite et il n’y a personne pour les remplacer, alors que nous devrions prendre cette situation comme une chance pour la réorientation de notre agriculture (…), qu’on aurait besoin de plus en plus de paysannes et paysans pour relocaliser l’ali- mentation et donc agir en profondeur sur le changement climatique ! » Quant à la publicité, « elle a justement pour fonction de faire consom- mer plus en nous bombardant de plus de 3 000 messages publicitaires par jour, donc d’aggraver la crise climatique. Nous avons donc décidé, pour une fois, qu’elle pourrait servir à l’inverse. » La vidéo de l’action : youtu.be/R6oZkR5jDas Pour une autre Pac Nouveau ministre Le 16 juillet, l’ensemble des 43 organisations membres de Le 17 juillet, le secrétariat national (Nicolas Girod, Véronique Mar- la plateforme Pour une autre Pac – dont la Confédération pay- chesseau et Denis Perreau) a rencontré Julien Denormandie, nouveau sanne et les Ami·es de la Conf’ – a adressé une lettre ouverte ministre français de l’Agriculture. Sans aller au fond des sujets vu sa au Président de la République, Emmanuel Macron, juste récente prise de fonction (le 6 juillet), le secrétariat a évoqué les prin- avant une réunion importante des chefs d’États européens cipales attentes du syndicat : renouvellement et installation, protec- sur le cadre financier pluriannuel 2021-2027 et le plan de tion et rémunération des paysannes et paysans, alimentation pour relance de l’UE. toutes et tous, environnement et climat. Pour la plateforme, la proposition de réforme de la Pac au « Nous avons rencontré un ministre à l’écoute, en questionnement niveau européen est loin d’être à la hauteur des enjeux révé- sur les enjeux de revenu, d’alimentation et d’installation et voulant rapi- lés par la crise due à la pandémie de coronavirus : « Premier dement se mettre au travail pour faire effectivement progresser ces pays bénéficiaire de la Pac, la France a la responsabilité d’être enjeux », « Nous lui avons aussi dit nos attentes et revendications sur force de proposition pour une véritable refonte de la Pac en la Pac, le foncier ou la gestion des risques, a complété Nicolas Girod, vue d’affronter efficacement les défis que nous vivons et qui le porte-parole national. Ces chantiers restent ouverts, et c’est tant nous attendent. » mieux. La prise de contact a été faite, à nous de nous montrer exigeants Pour la Conf’ et ses partenaires, la nouvelle Pac devra pour faire avancer nos dossiers clés par des mobilisations convergentes répondre à trois défis inéluctables et interconnectés : autour des enjeux sociaux, alimentaires et écologiques qui ont pris • placer la souveraineté alimentaire de l’UE au centre d’une encore plus d’importance ces derniers mois. » véritable Politique Agricole et Alimentaire Commune (PAAC), Julien Denormandie est déjà le quatrième ministre de l’Agriculture en trois ans et trois mois, depuis l’élection d’Emmanuel Macron à la par laquelle la production agricole serait mise au service Présidence de la République (après Jacques Mézard, Stéphane Tra- d’une alimentation choisie, diversifiée et durable, accessible vert et Didier Guillaume). à toute la population ; • repenser la logique d’attribution des aides, pour valoriser les bienfaits générés par les fermes plutôt que leur surface ; • accompagner massivement la transition agroécologique des fermes, en dédiant au moins 50 % de ses financements au maintien et au développement de systèmes agricoles favorables à l’environnement et au bien-être animal, tels que l’agriculture biologique. pouruneautrepac.eu 4 \ Campagnes solidaires • N° 364 septembre 2020
Vie syndicale Factures et rupture Démonter Déméter Mi-juillet, la Confédération paysanne adressait une lettre ouverte au nou- Le 17 juillet, la Confédération paysanne et 13 autres veau ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation. Le syndicat l’alerte sur organisations (dont Attac, le MRJC, FNE, Green- la situation économique de nombreux paysans et paysannes, notamment peace…) ont adressé une lettre ouverte à Gérard Dar- les productrices et producteurs de lait de vache, de fruits et légumes et plus manin, nouveau ministre de l’Intérieur, demandant particulièrement de viande bovine. la dissolution de la cellule de renseignement Démé- Aggravée par la crise du Covid-19, la faillite de la loi Agriculture et Ali- ter mise en place par son prédécesseur, Christophe mentation est encore plus patente dans ce secteur, au profit de la grande Castaner, à la demande de la Fnsea. distribution et au détriment des éleveurs et éleveuses. Le communiqué de presse du ministère de l’Inté- Pour illustrer ses propos, le syndicat a adressé symboliquement au nou- rieur, daté du 13 décembre 2019, indiquait que Démé- veau ministre les factures du manque à gagner subi par une quinzaine d’éle- ter (« cellule nationale de suivi des atteintes au vages bovins allaitants. Pour l’ensemble des productrices et producteurs fran- monde agricole ») était mise en place pour faire face çais de viande bovine, la perte est estimée à plus de 500 millions d’euros à « l’agribashing », critique du modèle productiviste lors du premier semestre 2020 : « Sans mesure forte de la part des pouvoirs agricole par la société. publics, l’élevage allaitant risque de disparaître de France dans les vingt pro- « Extrêmement inquiètes face aux nombreuses dérives chaines années », souligne la Conf’ qui invite Julien Denormandie à profiter possibles d’une cellule de renseignement au mandat de sa prise de poste pour « enclencher une véritable rupture avec la poli- flou, reposant sur un partenariat public-privé », des tique menée par (ses) prédécesseurs ». associations avaient déposé un recours devant le tri- Le texte complet sur : bunal administratif de Paris, le 10 avril, afin d’obte- confederationpaysanne.fr/sites/1/articles/documents/LettreauPRvf.pdf nir l’annulation de la convention de partenariat orga- nisant le partage d’informations entre la gendarmerie nationale et la Fnsea-JA. Les 14 organisations signa- Réglementation taires de la lettre du 17 juillet à Gérard Darmanin demandent au nouveau ministre de ne pas attendre des nouveaux OGM pour annuler cette convention et de dissoudre immé- diatement Déméter. Le 15 juillet, la Confédération paysanne, les Amis de la Terre, la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab), France Nature Environnement (FNE) et l’Union nationale de l’apiculture française ont publié un communiqué de presse par lequel ces cinq organisations critiquent l’avis du Haut Conseil Dangereux nitrate des biotechnologies (HCB) sur la réglementation des « nouveaux » OGM, Le 4 août, 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium ceux notamment issus de techniques de mutagénèse. Ressort de l’avis qu’il explosaient dans le port de Beyrouth, causant de n’y aurait aucune raison de réglementer les OGM issus de ces manipula- nombreuses victimes et des dégâts considérables. tions génétiques… alors que le Conseil d’État et la Cour de Justice de l’Union Deux jours plus tard, la Confédération paysanne de Européenne l’exigent ! l’Aude communiquait en rappelant que le grand pro- Les cinq organisations demandent au gouvernement de ne pas donner à jet industriel d’agrandissement du port de Port-la- l’avis plus d’importance qu’il n’en a, tant il est trompeur et résulte d’un champ Nouvelle, près de Narbonne, prévoit l’importation réduit d’examen du sujet, et de mettre en place un HCB fonctionnant en de 60 000 tonnes de nitrate d’ammonium avec le sou- respect de la loi, du pluralisme, de l’indépendance de l’expertise scientifique tien – entre autres – de la Fdsea. et des règles élémentaires de la démocratie. Il faut réglementer tous les Pour la Conf’ de l’Aude, ce produit utilisé comme nouveaux OGM comme l’exige le Conseil d’État. engrais chimique azoté est « un grand polluant des sols, de l’air, des eaux de surface ainsi que des nappes phréatiques » et l’accident de Beyrouth « confirme Antiracisme encore sa dangerosité dans son stockage et son trans- Des messages à caractère raciste ont été inscrits sur les murs autour des port ». locaux d’Emmaüs, à Angers, dans la nuit 7 au 8 août. L’un des messages tagués Le syndicat conteste le projet de Port-la- Nouvelle, « dangereux pour l’environnement littoral – « Moins de migrants, plus de paysans » – a fait réagir vivement la Confé- mais aussi contraire à une agriculture paysanne en dération paysanne qui apporte son soutien à Emmaüs et aux réfugié·es. La phase avec ses territoires et ses habitants ». «Aider des nostalgie de certains fachos pétainistes n’a rien à voir avec le projet syndi- installations agricoles dans le cadre d’une agriculture cal, politique et sociétal d’agriculture paysanne porté par la Conf’. La Confé- sans engrais chimiques comme le nitrate d’ammonium dération paysanne du Maine-et-Loire l’a ainsi exprimé : « Nous formulons nous semble de la plus grande urgence pour notre le souhait de doubler le nombre de paysannes et de paysans, un autre exode souveraineté alimentaire ainsi que pour l’emploi et la vers les campagnes est possible : bienvenue aux migrants-paysans ! » préservation de l’environnement. » Tous les communiqués de presse de la Confédération paysanne sont à lire sur le site national du syndicat : confederationpaysanne.fr Campagnes solidaires • N° 364 septembre 2020 /5
Le ruraleur Le ruraleur Actualité Mépris mortifère Convention citoyenne pour le climat Bien des illusions, générées par nombre d’esprits assurés sur De vrais leviers d’action, la grandeur de l’espèce humaine, nous ont égarés. Force est de constater que pour mais aussi des faiblesses et des lacunes quelques lueurs de l’intelli- La Convention citoyenne dans cette transition, par la for- tir à la retraite d’ici 2030 : com- gence, cet assemblage de cel- pour le climat a remis mation initiale et continue ; en ment changer de façon profonde lules tassées dans le cerveau a le 21 juin au gouvernement faisant de la Pac le levier de la les habitudes alimentaires engendré plus de terreur que son rapport issu de près transformation agroécologique (moins de viande, plus de fruits d’élévation morale. Combien de neuf mois de travail. (en réorientant fortement les aides et légumes, de céréales), orien- de peuples opprimés, Ce rapport présente vers l’actif agricole et en renfor- ter les modes de production dépouillés, massacrés, avec à la 146 propositions pour çant leur conditionnalité) ; en (moins de pesticides, pratiques clef la morgue prétentieuse réduire d’au moins 40 % imposant la transparence dans agroécologiques, etc.) sans pen- des vainqueurs se prétendant les émissions françaises les négociations commerciales ser un instant au nombre de porteurs de civilisation ! La de gaz à effet de serre d’ici pour les rendre plus justes pour paysan·nes nécessaires pour prise de conscience sur le rôle à 2030. « Se nourrir » est les paysan·nes ; en luttant contre cela ? délétère de la colonisation l’une des 5 thématiques l’artificialisation des sols… Enfin, la Convention citoyenne mobilise à présent des travaillées. Si ces mesures semblent témoi- pour le climat, ne reposant que sur citoyen·nes indigné·es. gner d’une demande claire et ferme une promesse – celle du Président D Une communauté ayant subi eux constats s’imposent de la société dans son ensemble de la République de reprendre tous les martyres, des pogroms face aux résultats de la pour un changement profond du sans filtre les propositions qui en Convention citoyenne système agricole et alimentaire, émanent – ses membres ne dis- du Moyen Âge jusqu’à l’Holo- pour le climat. Le premier : s’agis- certaines questions sont abordées poseront d’aucun recours si leurs causte, a apparemment occulté sant d’environnement, lorsque avec une tempérance qui manque propositions ne sont pas suivies tous ces drames. Ses repré- les citoyen·nes reçoivent une d’ambition quand d’autres sont d’effet. Car déjà plusieurs propo- sentants se livrent à une reprise information quasi complète, préa- carrément occultées. La Conven- sitions sont soumises aux filtres des de la danse du scalp et, à l’heure lable à un choix éclairé, le niveau tion propose ainsi de renégocier ministères, de leurs administra- où les statues des colonisa- de consensus devient très élevé. le Ceta (2) en y intégrant simplement tions et de leurs services juri- teurs sont déboulonnées, ils La plupart des objectifs ont été le respect des accords de Paris sur diques, et tout fait craindre que veulent s’emparer de nouveaux votés à plus de 80 % des partici- le climat, mais sans jamais remettre nombre ne sortiront pas indemnes territoires réservés aux Pales- pant·es, plus de 90 % pour ceux en question la logique néolibérale de ces filtres… n tinien·nes, retrouvant les pires du volet « se nourrir ». Le second : dominante… Séverine Lascombes, gestes de la colonisation. concernant l’alimentation, une Les agriculteurs et agricultrices paysanne en Ariège, Voler la terre nourricière des grande majorité des propositions qui ont fait/font l’effort de la membre de la commission paysan·nes, confisquer l’eau du de la Convention recoupent celles conversion au bio apprécieront « agriculture et climat » Jourdain, est-ce là le message que défend la Confédération pay- peu les circonvolutions diverses de la Confédération paysanne messianique du peuple élu ? sanne depuis des années. visant à ne froisser personne pour Ces terres bibliques, convoi- La thématique « se nourrir » est éviter de présenter l’« agroécolo- (1) Loi du 30 octobre 2018 « pour l’équilibre tées par les religions du livre, traduite en sept familles de pro- gie paysanne » comme l’agricul- des relations commerciales dans le secteur sont terres de détresses. La positions pour réduire d’au moins ture de la transition. Au point de agricole et alimentaire et une alimentation 40 % les émissions de gaz à effet proposer une labellisation de saine, durable et accessible à tous ». recherche du profit a toujours (2) Accord commercial bilatéral de libre- de serre du secteur d’ici à 2030, l’agriculture agroécologique qui échange entre l’Union européenne et le été oublieuse du respect des « dans un esprit de justice sociale ». pourrait se substituer à la men- Canada (signé le 30 octobre 2016, il est entré individus, lui préférant l’accu- partiellement en vigueur le 21 sep- Il s’agit de mobiliser des leviers tion « haute valeur environne- mulation des richesses, déro- tembre 2017). d’action sur l’ensemble de la mentale », avatar promu par la bées par les armes. Le Yesn Din, chaîne de production alimen- Fnsea. organisation israélienne des taire : en rendant efficiente la loi • La Convention citoyenne pour droits humains, évoque l’apar- Egalim (1) par une série de mesures Grandes absentes : le climat a réuni pendant plus de theid. permettant sa réelle mise en l’installation huit mois 150 personnes, toutes Le Liban voisin vient lui de subir œuvre partout et répondre à la et la transmission tirées au sort, censées constituer une nouvelle catastrophe, précarité alimentaire en dynami- Ensuite, grandes absentes de ce un panel représentatif de la diver- venue d’on ne sait où. Serait- sant les circuits courts ; en infor- rapport, pourtant un des enjeux sité de la population française. ce un des lieux expiatoires pour mant et formant les (futur·es) majeurs des dix ans à venir en • Toutes les propositions de la tous les péchés du monde ? citoyen·nes sur l’alimentation termes de transition agri-envi- Convention citoyenne sur le climat Notre Jupiter est venu y don- pour les rendre acteurs et actrices ronnementale : la transmission du changement de comportement et l’installation. Rappelons que sont à lire sur : ner des promesses et quelques nécessaire à la transition ; en 50 % des 430 000 agricultrices propositions.conventioncitoyen- leçons, attitude qu’il affec- accompagnant les paysan·nes et agriculteurs actuels vont par- nepourleclimat.fr tionne. Il tente le genre Saint Martin, cependant sans laisser son manteau… 6 \ Campagnes solidaires • N° 364 septembre 2020
Écobrèves Écobrèves Actualité Accaparement de terre Climat Des pratiques agricoles La police indonésienne a arrêté, fin mai, Junwal Bin Sukino, adhérent de Serikat pour capter le carbone dans les sols Petani Indonesia (SPI), syndi- cat paysan membre de La Via Campesina. Le responsable La commission « climat » La plantation de forêts sur decultures intermédiaires, semis syndical lutte avec le village de de la Confédération paysanne direct, allongement des prairies grandes surfaces à l’échelle du globe Napal Putih, sur l’île de Suma- s’est réunie sur deux jours, en pourrait permettre de capter destemporaires, matières organiques tra, contre une filiale de Miche- février, en invitant plusieurs quantités significatives de CO2.exogènes (composts, fertilisants lin qui projette un accapare- intervenant·es, dont Kevin naturels), agroforesterie, haies, Cependant, pour arriver à ces résul- ment de terres à grande Jean, de l’association Sciences enherbement inter-rangs des tats, il faudrait planter des arbres échelle pour la plantation citoyennes, qui a présenté à croissance rapide sur une trèsvignes, remplacement de la fauche « durable » (!) d’hévéas des- et commenté les techniques par la pâture et intensification large échelle. Cela entraînerait des tinés à la production de caout- de captation de carbone. problèmes d’usage des sols et demodérée des prairies. chouc. Depuis 2012, les pay- ressources en eau pour des mono- Ces pratiques apporteraient de sans du SPI protestent contre C ontenir d’ici 2100 le nombreux co-bénéfices : biodi- cultures très étendues, donc sen- les menées de l’entreprise qui réchauffement climatique versité, sols plus fertiles, retenant sibles aux incendies, avec aussi de dispose d’un permis pour occu- à 2 °C par rapport aux plus d’eau, diminution de l’éro- gros besoins de pesticides et une per une zone de… 61 495 hec- niveaux pré-industriels est un perte significative de biodiversité. sion, qualité de l’eau… Néan- tares ! La Confédération pay- enjeu essentiel pour la survie de Selon le Giec (1), pour parvenir au moins, ce potentiel à explorer est sanne, comme d’autres l’humanité. Pour cela, il faut résultat escompté, la plantation de limité et aboutirait inévitablement organisations de La Via Cam- atteindre la neutralité carbone 3 à 6 millions de km², soit une à à la saturation des sols. Ce ne peut pesina, demande la libération (équilibre entre émission et cap- deux fois la superficie totale de être qu’une solution transitoire de Junwal Bin Sukino. tation du gaz carbonique – avec risque de captation Assassinats CO2) au plus tard en 2060- réversible (le mouvement 2070. La nouvelle loi éner- actuel de retournement des 212 défenseurs et défenseuses de l’environnement ont été gie-climat française instaure prairies libère de grandes tué·es en 2019, selon un rap- même une neutralité car- quantités de gaz à effet de port publié le 29 juillet par bone en 2050. serre). Sachant qu’à l’heure l’ONG britannique Global Wit- Mais depuis 2015, les émis- actuelle, en France, du fait ness. Le précédent « record » sions sont reparties à la de la prédominance de l’agri- dataient de 2017, avec 207 hausse : il faut donc absolu- culture intensive et du faible morts. « Nos chiffres sont ment diminuer dès mainte- niveau de carbone qui en presque certainement sous- nant les émissions de gaz à résulte dans les sols, ceux- évalués », avertit cependant effet de serre (dont le gaz ci sont plus le problème que Global Witness. C’est bien sûr carbonique représente la solution : les terres arables pire si on élargit aux défen- 70 %). Comme il sera très perdent en moyenne 170 kg seurs du monde paysan : ainsi, Photo : Cirad difficile de les réduire à de carbone par hectare et le 20 mai dernier, un paysan, temps, certains proposent par an. Oriolfo Sanchez, a été tué par de travailler en même temps Quoi qu’il en soit, le mieux l’armée colombienne. Benoît sur la captation du carbone. Culture associée de noyers et de blé dur : l’agroforesterie reste de diminuer fortement Maria, responsable d’Agro- est un bon moyen de capter d’importantes quantités de Six techniques existent, carbone dans les sols agricoles. les émissions de CO2 dans nomes et Vétérinaires Sans réparties en trois grands tous les secteurs. Les tech- Frontière a, lui, été tué par balle types : géoingénierie, capture l’Inde, serait nécessaire. Et à condi- nologies à émissions négatives ont le 10 août au Guatemala. industrielle et pratiques agricoles. tion, bien sûr, d’arrêter la défores- un poids démesuré dans les La géo-ingénierie rassemble des tation des forêts naturelles (à plus modèles climatiques, avec pour Damné·es technologies à émissions négatives forte biodiversité, qui plus est). principal effet d’écarter du débat Des travailleuses et travailleurs (TEN). Les projets les plus fous D’où les regards tournés vers les d’autres options. La fuite en avant, de la terre exploités, surtout sont au rendez-vous, comme ense- surfaces agricoles. En France, selon avec l’annonce de solutions high- celles et ceux qu’on appelle mencer les océans avec du fer, de l’Inrae (2), le stock total de carbone tech plus ou moins miraculeuses, pudiquement « migrants », façon à développer du plancton qui organique dans les trente premiers n’est pas la solution. n c’est aussi en Europe que ça se tomberait ensuite au fond des mers centimètres de sols (hors surfaces Patrice Lamballe, passe, dans nos « exploita- en piégeant le carbone… artificialisées) étant de l’ordre de paysan dans le Maine-et-Loire tions ». Un néo-esclavage Mais toutes les solutions tech- 3,6 gigatonnes de carbone, une poussé par l’industrialisation des productions et la course nologiques ou industrielles, augmentation de 4 pour 1 000 par (1) Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. aux « coûts bas » motivée par diverses et variées, sont loin d’être an de ce stock compenserait de (2) Institut national de recherche pour l’agri- la concurrence sans frein entre satisfaisantes, et même suffisantes l’ordre de 12 % les émissions fran- culture, l’alimentation et l’environnement, er résultant de la fusion depuis le 1 janvier 2020 pays et continents. Médiapart dans le cas où cela fonctionne- çaises de gaz à effet de serre. de l’Inra et de l’IRSTEA (Institut national de a publié cet été une série de rait. Restent les solutions agrono- L’Inrae fait ressortir 9 leviers agri- recherche en sciences et technologies pour quatre reportages éclairants miques. coles comme puits de carbone : l’environnement et l’agriculture). et édifiants. À lire sur : mediapart.fr/journal/une/ Campagnes solidaires • N° 364 septembre 2020 / 7 170720
Écobrèves Écobrèves Cluster 1 Actualité Le 24 juillet, 174 travailleuses et travailleurs saisonniers – pour l’essentiel originaires de Hon- grie, de Roumanie, de Bulgarie Vin À Bordeaux, le coronavirus achève et d’Ukraine – ont été testés positifs au coronavirus dans la viticulture une « exploitation » de Bavière où ils ramassaient des Les conséquences de fication « modernes » ont été ponsabilités, de restructurer une concombres. Les 480 saison- la pandémie du coronavirus dimensionnés large. Le départ agriculture trop imprégnée par la nier·es de la ferme-usine ont affectent aussi la filière massif des coopérateurs papy- monoculture intensive de la vigne. été placé·es en quarantaine. viticole. Le vignoble bordelais boomers réduit la viabilité de ces La Confédération paysanne de Une nouvelle péripétie dans la est particulièrement frappé investissements. Les banques ont Gironde demande un plan d’en- « gestion des ressources mais la crise y est bien dû mettre en route des respira- semble, notamment au niveau fon- humaines » de l’agriculture antérieure. Un problème teurs bancaires artificiels pour cier, pour éviter une déprise viti- structurel : c’est toute éviter l’accident industriel cata- cole anarchique. L’arrêt de la industrielle... la politique expansionniste clysmique. Mais l’après vendanges culture de la vigne ne doit pas Cluster 2 menée depuis quinze ans qui sera meurtrier et le Crédit Agri- déboucher sur une série de confet- est à détricoter. cole va devoir s’asseoir sur un tis de friches. Les terres les plus Plus de 200 employé·es d’un paquet de créances désormais adaptées à des cultures alimen- abattoir à Staden (Nord-Ouest L e Covid-19 n’aura fait qu’ac- irrécouvrables. taires doivent être restructurées de la Belgique) ont été soumis centuer la crise d’image et de Les appellations dites « com- dans des unités viables. Et un véri- à des tests et mis en quaran- commercialisation des vins munales » ne vont pas mieux. Les table accompagnement de ces ins- taine après la découverte de de Bordeaux, crise que les chiffres banques portent là aussi un stock tallations doit se mettre en place. nombreux cas de Covid-19, le officiels révélaient depuis qui gonfle, rassurées par la valeur Ceux qui s’accrochent aux 5 août. 225 personnes tra- mars 2018. Le refus d’une pro- présumée du foncier. La dépen- manettes n’ont pas pris la mesure vaillent dans la salle de fession fossilisée de regarder en dance à l’export a créé une fragi- de la situation. Ces architectes du découpe de cet abattoir spé- face la « crise des pesticides » n’a lité considérable : le quasi-arrêt désastre en cours continuent à cialisé dans le porc : l’entre- pas aidé. Bordeaux ne fait plus de la Chine, le Brexit et les taxes proposer des mesures conjonctu- prise Westvlees se présente rêver, en décalage complet avec le Trump pour les États-Unis ont relles à un problème structurel. comme l’un des plus impor- désir de « naturalité ». frappé durement. « Bordeaux sera toujours Bor- tants producteurs européens Les bordeaux génériques sont deaux », pensent-ils, oubliant les de viande porcine fraîche et allés au bout du processus d’in- Politique expansionniste vaches faméliques de la période dustrialisation mis en place dès C’est toute la politique expan- 1972 à 1982. C’est le reflet d’élites préparée, elle « transforme 2003 par l’interprofession et le sionniste menée depuis quinze autrefois cultivées mais qui ne 1,4 million de porcs par an en négoce. On a industrialisé et mas- ans qui est à détricoter. Des sont plus animées aujourd’hui que plus de 140 000 tonnes de sifié l’offre. À la fin, on a des vins dizaines de milliers d’hectares par une pensée « Sup de Co » bas viande porcine ». Pas sûr qu’il certifiés-standardisés par Quali- seront à arracher et à convertir de gamme. n n’y ait que du bon dans ce Bordeaux et ses cinq dégusta- vers d’autres productions. Tout le Dominique Techer, vigneron, cochon… teurs patentés, mais dont le mar- monde parle à mots couverts de porte-parole de la Confédération ché n’est pas friand… Résultat cet arrachage alors même que les paysanne de Gironde Population à risque des courses : avant vendange plans de restructuration du (1) Le tonneau est à Bordeaux une unité de En France, le Conseil scienti- 2020, au moins 20 mois de stock, vignoble ne sont pas terminés : compte théorique de 900 litres utilisée pour fique pour le Covid-19 suggère des cours en lévitation momen- difficile de demander l’aide de les transactions entre la viticulture et le qu’en cas d’« alerte épidémio- tanée à 700 euros le tonneau l’Europe dans ces conditions. négoce : à 700 euros, on est donc en dessous du prix d’un euro par litre. logique », les salarié·es des grâce aux mesures de distilla- Cette crise peut permettre, si tous (2) CVO : Contribution volontaire… obliga- abattoirs puissent faire l’objet tion (1), 5 millions d’hectolitres les acteurs prennent leurs res- toire. d’une « surveillance par dépis- produits pour seulement 3,7 mil- tage systématique proposé ». lions vendus… L’avis du Conseil scientifique a Comme le disait un observateur : « C’est un exploit de voir une marque été transmis au gouvernement avec une telle image détruite en moins le 27 juillet : « Les employés de deux décennies ! » Aux cours des abattoirs constituent une actuels, les vigneronnes et vigne- population à risque », estime le rons payent, juste en CVO inter- Conseil, citant le « travail en professionnelle (1), 6 % de leur espace fermé, en proximité chiffre d’affaires pour alimenter étroite avec d’autres collègues » une machine à perdre. ou encore les « transports et Le système coopératif (un tiers logements partagés ». Sans du vignoble bordelais) est en crise oublier la faible température ouverte. La mévente est bien pré- Des dizaines de milliers d’hectares seront à arracher et à convertir vers d’autres pro- (4 à 10° C) dans les zones de sente. Les investissements massifs ductions : il s’agit de restructurer une agriculture girondine trop imprégnée par la mono- découpe, qui « pourrait être un en bâtiments, matériels de vini- culture intensive de la vigne. facteur favorisant la survie du virus ». 8 \ Campagnes solidaires • N° 364 septembre 2020
Écobrèves Écobrèves Actualité Abattoir mobile En 2016, lors d’un voyage en Suède, Émilie Jeannin, éleveuse de bovins en Côte-d’Or, Lait Les élevages subissent la baisse membre du comité national de la Confédération paysanne, des prix imposée par les industriels découvre l’abattoir mobile : un camion qui se déplace de ferme en ferme pour l’abattage C’est à Andouillé, chez des animaux sur place, leur l’éleveur laitier Loïc Chauvin, évitant de longs transports. que la Confédération Depuis, la paysanne prépare paysanne de Mayenne a la mise en place de ce modèle organisé, le 2 juillet, une en France. conférence de presse On y arrive : Émilie vient de nationale, en réponse aux réunir la quasi-totalité des annonces de Lactalis de fonds nécessaires au lance- baisser le prix payé aux ment de la construction d’un producteurs et productrices premier abattoir mobile pour à partir du mois de juillet. bovins. Sa construction devrait démarrer en octobre pour une N icolas Girod, porte-parole Le 2 juillet, à Andouillé (Mayenne), de gauche à droite : Emmanuel Binois, Nicolas Girod, mise en service au printemps national, a commencé par Loïc Chauvin et Dominique Morin. 2021. donner plusieurs • soit la baisse de revenu décou- tiel pour une société, en particu- Plus d’infos sur la démarche exemples du « en même temps » rage les plus téméraires (ou pro- lier la santé et l’alimentation. Mal- globale : leboeufethique. com du gouvernement : voque des difficultés conjugales), heureusement, les lois du com- • avec la crise sanitaire, le Prési- ce qui entraîne démotivation et de merce reprennent vite le dessus et Gonflé dent de la République trouve des moins bonnes performances tech- font fi de toute moralité. n Le 17 juillet, la cour adminis- sommes considérables pour ten- niques qui aggravent la situation Dominique Morin, éleveur laitier, trative d’appel de Nantes a ter de sauver l’économie nationale et conduisent vers une impasse ; porte-parole de la Confédération condamné le volailler Doux, mais, « en même temps », il est • soit les conseillers techniques paysanne de Mayenne racheté par un consortium en incapable de mettre en place une ou financiers encouragent à l’in- 2018 après sa liquidation judi- politique agricole garantissant des vestissement, rendant l’exploita- (1) Soit 15 centimes de moins par litre. ciaire, à rembourser près de (2) france.milkboard-grand-ouest.over- revenus corrects aux paysan·nes ; tion encore plus sensible au blog.com – Les organisations de producteurs 80 millions d’euros d’aides • tout le monde vante les vertus moindre aléa, avec une pression FMB Grand Ouest et Normandie réunissent européennes à l’exportation du « produire et consommer souvent trop forte qui entraîne un 500 adhérent·es pour un volume global de lait indûment perçues. proche de 200 millions de litres par an. local » mais, « en même temps » dégoût du métier. Chaque tonne de poulets on a longtemps fermé les marchés Emmanuel Binois, éleveur laitier congelés exportée rapportait de plein air ; en Ille-et-Vilaine et représentant Réagir 400 euros à Doux. Mais au • le besoin de souveraineté fait l’organisation de producteurs FMB Après d’autres entreprises du sec- cours de contrôles menés son apparition pour l’alimenta- Grand Ouest (2), a témoigné des dif- teur, Lactalis a décidé en juin une en 2012 et 2013, les services tion, la protection sanitaire, la ficultés rencontrées pour écrire les diminution des prix payés à ses douaniers se sont aperçus que santé mais, « en même temps », contrats unissant producteurs et paysannes et paysans fournisseurs. ces poulets avaient une teneur on signe des accords commer- industriels. Près de trois ans après La firme a pourtant annoncé des en eau supérieure aux normes ciaux de libre-échange ; les États Généraux de l’Alimenta- résultats record en 2019, frôlant européennes, ce qui interdit • les agricultrices et les agricul- tion, l’organisation de producteurs les 20 milliards d’euros de chiffre l’accès aux subventions… d’affaires ! teurs sont présentés comme des est encore en discussion sur les Les prix du lait n’ont fait que chu- Pression héros mais, « en même temps », indicateurs entrant dans la com- ter depuis janvier 2020, passant de on leur annonce déjà une baisse position du prix de lait. Force est 25 associations, dont L214, 330 euros à 315 euros la tonne de Youth For Climate et la Fonda- du prix de leurs produits. de constater que le rapport de force lait cet été. L’écart continue de se entre paysan·nes et industriels est tion Nicolas Hulot, ont lancé creuser avec les grands principes début juillet une procédure Cercles vicieux toujours déséquilibré et que si le des États généraux de l’Alimen- tation qui devaient garantir une pour soumettre au vote des De son coté, Loïc Chauvin a législateur ne s’en préoccupe pas rémunération à hauteur des coûts citoyen·nes six mesures en témoigné de l’impact immédiat beaucoup, les industriels eux, n’hé- de production. Pour rappel, ceux- faveur du bien-être animal, sur son revenu d’une baisse de sitent pas à user de toutes les ci ont été évalués par l’Institut de dont la fin de l’élevage inten- 15 euros par tonne de lait de vache malices possibles pour faire per- l’Élevage à 384 euros la tonne de sif et celui en cage. Pour pou- achetée par les industriels (1). Au- durer leurs coutumes patriarcales. lait de vache, pour du conven- voir organiser leur référendum, delà de la rémunération trop faible Entre-temps, j’ai aussi exprimé tionnel en plaine. elles ont besoin du soutien d’au que perçoivent les éleveuses et mes inquiétudes sur le manque Pour la Confédération paysanne, moins 185 parlementaires, puis éleveurs laitiers, c’est la démoti- évident de volonté politique pour la régulation des marchés et des de recueillir les signatures d’au vation, l’isolement que l’on mettre en place une agriculture volumes aux niveaux français et moins 4 700 000 électrices et constate dans les campagnes. vertueuse. La crise nous avait lais- européen sont indispensables. Le électeurs français. L’initiative Les éléments de cercles vicieux sés apercevoir un début de prise syndicat appelle le ministre de l’Agriculture à réagir. a donc peu de chance d’abou- se mettent en place : de conscience de ce qui est essen- tir mais témoigne de la pres- sion de la société contre cer- Campagnes solidaires • N° 364 septembre 2020 / 9 taines pratiques d’élevage.
Écobrèves Écobrèves Après comme Actualité avant ? À l’occasion de son audition par les député·es de la com- mission des affaires écono- miques, le 29 juillet, le nou- Défendre les productrices veau ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, s’est dit et producteurs de lait de chèvre « pas opposé (…), absolument pas » aux nouvelles biotech- Depuis janvier 2020, Bastien la chance de rencontrer un pay- production et ainsi éviter que les nologies (NBT) qu’il « distingue Brisson, 35 ans, représente san voisin qui cédait ses 25 hec- éleveuses et les éleveurs produi- totalement des OGM » (ce qui la Confédération paysanne tares et souhaitait installer un sent trop de lait. va à l’encontre, pour plusieurs au sein de l’Association jeune. J’ai également été bien Lors de la crise sanitaire liée au productions de ces « bio- nationale interprofessionnelle entouré et conseillé. L’accompa- Covid-19, les ventes des AOP fro- techs », de la décision de la Cour européenne de justice de caprine (Anicap). Il siège gnement des porteurs et porteuses magères se sont effondrées (arrêt juillet 2018). Concernant le au sein du collège de projet est indispensable. brutal de la restauration hors stockage de l’eau, il souhaite des productrices et Aujourd’hui, je suis en agri- domicile et chute des ventes à l’ex- investir dans les « bassines » producteurs aux côtés de six culture de conservation, je ne port) : pour éviter des surstocks et et simplifier la création de représentant·es la Fnsea (!), fais donc pas de travail du sol, une baisse de qualité, les inter- « retenues d’eau » plus impor- et d’un de la Coordination ce qui me permet d’augmenter la professions ont décidé de pro- tantes par la voie réglemen- Rurale. Témoignage. fertilité de mes sols et d’avoir duire moins. taire. Sur le loup, il veut « conti- des charges de mécanisation La filière caprine est également nuer de la même manière » « Je suis installé sur 35 hec- réduites. confrontée à des difficultés au Concernant le passage à des tares à Canet-de-Salars à Je suis toujours parti en vacances, niveau de la commercialisation aides Pac à l’actif, il prend le une trentaine de kilomètres une semaine minimum par an, des chevreaux. C’est dommage car dossier « avec beaucoup de de Rodez, avec un troupeau de grâce au service de remplacement c’est une viande de qualité, pauvre précaution ». Tout ça sent for- tement le monde d’avant. 250 chèvres. La production ou au salarié en Cuma. en graisse, mais aujourd’hui on ne démarre au mois de mars et je fais sait pas quoi en faire. Il est prévu Après pire ? deux traites par jour. Deux mois Une nouvelle crise de l’exporter au Moyen-Orient er Le 1 juillet, Christiane Lambert dans l’année, il n’y a pas de traite, redoutée mais ce sont des pays instables au a été réélue présidente de la les chèvres se tarissent seules. Dans les prochaines années, mes niveau politique et les marchés Fnsea. Élue pour la première Ma production varie entre objectifs sont de sortir les chèvres peuvent se fermer très rapidement. fois à ce poste en 2017, l’éle- 220 000 et 240 000 litres par an. pour les faire pâturer sur les Idéalement, il faudrait que la veuse de porcs du Maine-et- Je commercialise en filière longue 25 hectares attenants au bâtiment, viande de chevreaux prenne la Loire repart pour un nouveau à Lactalis, qui achète mon lait à de diminuer le cheptel en passant place des agneaux de Nouvelle- mandat de trois ans. De plus, 645 euros les 1 000 litres. Dans de 250 à 220 chèvres (entre Zélande dans nos rayons. elle a annoncé briguer en sep- l’Aveyron, la production caprine 160 000 et 200 000 litres de lait Je suis fier d’être représentant tembre la présidence du Copa, n’est pas majoritaire : c’est le ter- sont suffisants pour faire vivre une d’un syndicat qui m’écoute et avec l’organisation européenne regroupant les syndicats agri- ritoire des brebis. On compte seu- seule personne) et de développer qui je suis sur la même longueur coles du « courant majoritaire ». lement 200 producteurs et pro- la vente directe de colis de viande d’onde. Mais il faut informer et La proposition d’être candi- ductrices de lait de chèvre, dont de chevreaux. mobiliser les adhérent·es de la date à cette fonction lui a été 90 qui livrent à Lactalis. Mon installation a eu lieu pendant Conf’ autour du lait de chèvre. faite par le bureau du Copa et Lors de mes études, je ne songeais la crise du lait de chèvre de 2010. C’est pourquoi je souhaite faire son actuel président, l’Alle- pas à l’installation, j’ai suivi un Après trois années de crise due à passer le message qu’il existe une mand Joachim Rukwied, a-t- BTS afin de devenir technicien au un excédent de lait, la tendance s’est filière caprine au sein du réseau de elle expliqué. À sa connais- contrôle laitier. C’est en travaillant renversée. Mais je redoute une nou- l’agriculture paysanne et que tous sance, elle n’avait, en juillet, au service de remplacement que velle crise car il n’y a actuellement les éleveurs et éleveuses de chèvres pas de concurrent déclaré. Le j’ai découvert la production caprine aucune gestion de la production de doivent se sentir concerné·es, poste sera crucial à heure des et que j’y ai pris goût. lait de chèvre. Une piste serait de même celles et ceux qui ne com- négociations pour la nouvelle Pac. On n’est pas sorti des Mes parents n’étaient pas agri- s’appuyer sur les organisations de mercialisent pas en filière longue ronces. culteurs mais la famille disposait producteurs (OP) pour mettre en (100 % transformation, vente de cinq hectares de terre, et j’ai eu place des outils de régulation de la directe, chèvre angora…). n Le pire n’est jamais Les principales régions caprines selon le nombre d’exploitations et de reproducteurs laitiers certain Source : BDNI – Recensement 2018 – Traitement GEB – Institut de l’Élevage Un GPII (grand projet inutile Exploitations Nombre Effectif Taille imposé) en moins : bloqué par % du total % du total > 10 reproducteurs laitiers d’exploitations de chèvres moyenne plusieurs procédures judiciaires Nouvelle-Aquitaine 1 196 21 % 341 108 35 % 285 depuis son lancement en 2007, Pays de la Loire 394 7% 142 391 14 % 361 devenu une « zone à Auvergne-Rhône-Alpes 1 465 26 % 135 020 14 % 92 défendre » (Zad) occupée par Occitanie 728 13 % 122 147 12 % 168 des militants depuis 2014, le Centre-Val de Loire 520 9% 103 620 11 % 199 projet de Center Parcs à Roy- Bourgogne-Franche-Comté 386 7% 33 976 3% 88 bon (Isère) a été abandonné Autres régions 1 045 18 % 104 564 11 % 100 début juillet par son promoteur France métropolitaine 5 734 – 982 826 – 171 Pierre et Vacances. 203 hec- tares de bois et de zones humides de sauvés. 10 \ Campagnes solidaires • N° 364 septembre 2020
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