The Historical Review/La Revue Historique - eJournals

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The Historical Review/La Revue Historique

Vol. 15, 2018

                                                                      Review of: Pascal Firges, French Revolutionaries in
                                                                      the Ottoman Empire: Diplomacy, Political Culture,
                                                                     and the Limiting of Universal Revolution, 1792–1798

                                                                      Koutzakiotis Georges          Institut de Recherches
                                                                                                    Historiques / FNRS
                                                                      https://doi.org/10.12681/hr.20457

       Copyright © 2019 Georges Koutzakiotis

 To cite this article:

 Koutzakiotis, G. (2019). Review of: Pascal Firges, French Revolutionaries in the Ottoman Empire: Diplomacy, Political
 Culture, and the Limiting of Universal Revolution, 1792–1798. The Historical Review/La Revue Historique, 15, 324-327.
 doi:https://doi.org/10.12681/hr.20457

                           http://epublishing.ekt.gr | e-Publisher: EKT | Downloaded at 26/03/2020 11:43:13 |
Pascal Firges,
      French Revolutionaries in the Ottoman Empire:
Diplomacy, Political Culture, and the Limiting of Universal
                   Revolution, 1792–1798,
               Oxford: Oxford University Press, 2017, 304 pages.

Publié dans une élégante édition, cet                  Le livre est divisé en trois parties,
ouvrage traite à fond d’un sujet qui n’a          chacune composée de trois chapitres.
pas été étudié de façon satisfaisante             La première partie relate l’histoire
jusqu’à aujourd’hui: la relation entre la         des relations diplomatiques du
France révolutionnaire et républicaine            gouvernement révolutionnaire français
avec un État despotique situé à l’autre           avec la Sublime Porte de 1792 à 1798: les
bout de l’Europe, l’Empire ottoman.               événements dramatiques survenus entre
Dans les grandes lignes, il s’agit                l’été de 1792 et celui de 1793, lorsque pas
d’un livre bien écrit, bien construit,            moins de huit personnes, partisans du roi
richement documenté, qui examine:                 ou des révolutionnaires, revendiquèrent
a) les relations diplomatiques franco-            la représentation des intérêts français
ottomanes au cours des quelques années            dans la capitale ottomane, sans pouvoir
de cette Révolution qui allait s’avérer           néanmoins empêcher la fermeture de
déterminante pour l’avenir de l’Europe            l’ambassade; la neutralité, précieuse
mais aussi du monde entier; b) la situation       pour les révolutionnaires, de la
des communautés françaises installées             Sublime Porte dans la Guerre de la
sur le territoire du sultan pendant cette         première coalition, en dépit des efforts
période de troubles dans leur patrie. Plus        coordonnés des diplomates des États
précisément, l’étude couvre le laps qui va        alliés à Constantinople, afin de susciter
de 1792 à 1798, notamment les années              chez le sultan une attitude hostile envers
1793–1795. L’an 1792 marque le terme de           le gouvernement français; les tentatives
l’Ancien Régime diplomatique, à savoir            infructueuses du représentant accrédité
la diplomatie française contrôlée par le          de ce dernier afin d’obtenir la signature
roi; en 1798 l’invasion française de la           d’une alliance offensive franco-
province ottomane d’Égypte interrompt             ottomane; la réouverture de l’ambassade
pour la première fois la relation franco-         et la reconnaissance officielle par la
ottomane qui avait duré fidèlement deux           Porte du représentant français (1795);
siècles et demi. Cette invasion, constate         enfin, la transformation progressive de
Pascal Firges, “n’était pas causée tant par       la République française victorieuse en
des intentions anti-ottomanes que par             État expansionniste et la modification
la rivalité avec la Grande-Bretagne” (p.          graduelle de sa politique, qui la conduisit
250).                                             à l’expédition d’Égypte.

The Historical Review / La Revue Historique
Section de Recherches Néohelléniques / Institut de Recherches Historiques
Volume XV (2018)

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Pascal Firges, French Revolutionaries                                                     325

     Dans la deuxième partie, Firges            et la vie des communautés françaises
étudie les différents aspects de la politique   situées en territoire ottoman au cours
extérieure et de la pratique diplomatique       des années 1792–1795. Tout d’abord,
des révolutionnaires français tant à            l’auteur souligne que le statut de ces
Paris qu’à Constantinople. Au cours de          communautés ne fut pas influencé
la Terreur (5 septembre 1793–28 juillet         par les changements radicaux opérés
1794), les cinq “fondements provisoires         dans la métropole, dans la mesure où
de la diplomatie” décidés par le Comité         l’ordonnance royale du 3 mars 1781,
de salut public ou la nouvelle politique        qui déterminait le cadre juridique des
diplomatique ‒ “la diplomatie des               Échelles, n’avait pas été remplacée.
canons” ‒ proclamée par Bertrand Barère         Pourtant, le retard de l’application
à la Convention nationale n’eurent pas          des lois révolutionnaires provoqua les
de contre-coup sur les relations des            réactions des républicains fanatiques
révolutionnaires avec l’État despotique         tels que les Jacobins de Constantinople,
du sultan. D’ailleurs, la figure de proue       qui accusaient Descorches de trahison:
du régime de la Terreur, Maximilien             ce dernier calma les esprits en éditant
Robespierre, rejetait toute guerre de           divers textes et en invitant à un
conquête ou guerre de libération de             dialogue public. Les dignitaires du
peuples étrangers, tandis que le Club           gouvernement français du Levant, après
des Jacobins soutenait que les Français         s’être entendus avec leurs supérieurs
devaient d’abord lutter pour la liberté         hiérarchiques, firent preuve d’une
de leur propre pays. La nouvelle culture        attitude modérée face aux membres
politique des révolutionnaires n’influa         de l’Église catholique et aux émigrés,
pas non plus sur la pratique diplomatique       afin d’éviter l’apostasie. Néanmoins,
sur le territoire du sultan. La corruption      l’instrument d’imposition fondamental
des dignitaires ottomans se poursuivit,         de la nouvelle administration allait être
tandis que le rituel diplomatique et            la propagande de la nouvelle culture
l’étiquette de l’Ancien Régime, qui             politique: l’introduction des symboles
avaient été jugés ridicules et absurdes,        républicains, les fêtes révolutionnaires,
furent finalement adoptés pour que les          le culte de l’Être suprême et les
révolutionnaires puissent approcher le          décadis. Quoi qu’il en soit, le “facteur
côté ottoman. En effet, ce dernier devait       ottoman”, particulièrement la peur
être persuadé qu’il n’avait rien à craindre     d’une intervention des Ottomans, était
des idées révolutionnaires, perspective         principalement ce qui dissuadait des
que répandaient les diplomates des              extrêmes (p. 190).
États de l’alliance contre la France                 L’Empire ottoman, ainsi que le note
à Constantinople. Afin de contrer               justement Firges (p. 4, n. 11), constituait
cette propagande, l’envoyé français             un empire européen, puisqu’il com-
Descorches éditera un journal imprimé           prenait des parties de l’Europe et qu’il
puis des bulletins manuscrits en diverses       était également habité par des popula-
langues.                                        tions chrétiennes. Mais l’auteur, bien
     La troisième partie examine les            qu’il qualifie de problématique l’usage
changements survenus dans le régime             en opposition des termes “Européens”

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et “Ottomans”, l’adopte finalement,              des marins et des commerçants grecs à
“faute d’une meilleure terminologie”.            l’approvisionnement de Marseille en blé
En outre, bien que le titre de la publi-         et l’aide qu’ils fournirent à la circula-
cation soit French Revolutionaries in            tion de la correspondance diplomatique
the Ottoman Empire, l’Empire ottoman             française au cours du blocus de la cité
est presque exclusivement représenté             phocéenne par les Anglais.2
dans l’ouvrage par la Sublime Porte. On              L’étude exhaustive de Firges remet
“n’entend” pas les “voix” des sujets ot-         certes en question “la croyance commune
tomans: on repère seulement quelques             que les révolutionnaires français étaient
mentions générales à la “grande ma-              des ‘croisés’ ou des ‘révolutionnaires
jorité des sujets ottomans” (p. 43), aux         du monde’”. Pourtant, la constatation
“larges portions de la population otto-          de l’auteur que “quiconque tentait
mane” (p. 55), ou au “public ottoman             de propager la révolution parmi les
(informé des affaires politiques)” (p. 53,       sujets ottomans n’était pas un bon
58). En ce qui concerne les sujets chré-         révolutionnaire, mais un traître à la
tiens du sultan, Firges reproduit deux           cause républicaine française” (p. 250)
témoignages qui sont des stéréotypes de          semble également absolue, si l’on prend
l’époque: “Les non-musulmans, hormis             en compte les cas des agents secrets
certains membres de la communauté                grecs cités plus haut, mais aussi ceux des
juive, étaient grandement fanatisés con-         marins grecs anonymes dont B. Barère
tre la République française par leurs prê-
tres” (Descorches); “il tenait les Grecs
pour être principalement hostiles aux            consulats français du Levant pendant la
Français, tandis que les Turcs ottomans          Révolution”, Revue d’histoire diplomatique
étaient généralement davantage en leur           103 (1989), pp. 103–105; sur Tournavitis,
faveur” (Bremond). L’auteur semble ig-           voir Émile Gaudin, Du soulèvement des
norer: a) les cas de Constantin Stamaty,         nations chrétiennes dans la Turquie eu-
                                                 ropéenne, Paris: Trouvé, 1822, p. 21. Voir
de Panagiotis Kodrikas ou de Dimitrakis
                                                 aussi Paschalis M. Kitromilides, “La Révo-
Tournavitis (Dimitri-Polydamas Tour-
                                                 lution française dans le Sud-est de l’Europe.
naviti), ami de Rigas Velestinlis, qui
                                                 La dimension politique”, in La Révolution
exécutèrent diverses missions secrètes
                                                 française et l’hellénisme modern: Contribu-
pour le compte du ministère des Affaires
                                                 tion hellénique à l’occasion du bicentenaire
étrangères de France;1 b) la contribution        de la Révolution française. Actes du IIIe
                                                 Colloque d’Histoire (Athènes 14–17 octobre
      1
       Sur Stamaty et Kodrikas, voir prin-       1987), Athènes: Centre de recherches néo-
cipalement Jules Lair et Émile Legrand          helléniques, 1989, pp. 223–245.
(éd.), Documents inédits sur l’histoire de la         2
                                                        Voir principalement N. G. Svoronos,
Révolution française: Correspondances de         “Les Marins grecs au service de la première
Paris, Vienne, Berlin, Varsovie, Constanti-      République française”, France-Grèce 4
nople, Paris: Maisonneuve, 1872; Spyridon        (1953), pp. 11–12, 26–28; Pierre Échinard,
G. Pappas, La France et la Grèce à l’époque      Grecs et Philhellènes à Marseille de la
du directoire, Athènes: Édit. du Monde          Révolution française à l’Indépendance de la
hellénique, 1907; Maurice Degros, “Les          Grèce, Marseille: s.n., 1973, pp. 3–26.

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Pascal Firges, French Revolutionaries                                                      327

                                   disait à la Convention nationale: “Ces           historique est souvent plus complexe
                                   Grecs assaillis inopinément, au mépris           qu’on ne l’imagine.
                                   des lois de la neutralité, ont été animés
                                   d’une indignation généreuse; et, voyant                             Georges Koutzakiotis
                                   à leur tête un républicain français, ils se
                                   sont rappelés aussi que leurs ancêtres           Institut de Recherches Historiques / FNRS
                                   étaient des républicains”.3 La réalité

                                       3
                                           Réimpression de l’ancien Moniteur
                                   depuis la réunion des États-généraux jusqu’au
                                   Consulat (Mai 1789–Novembre 1799), avec
                                   des notes explicatives par Léonard Gallois,
                                   t. 19, Paris: Au Bureau central, 1841, p. 169.

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