TRAVAILLER AVEC PAINT au collège par Julie LACOMBE, professeur d'arts plastiques
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TRAVAILLER AVEC PAINT au collège par Julie LACOMBE, professeur d’arts plastiques Cet outil rudimentaire peut paraître inintéressant à exploiter tant ses possibilités sont réduites. Une analyse approfondie de ses spécificités pourrait permettre de dégager les enjeux accessibles pour un cours d’arts plastiques au collège. Trois axes seront retenus pour approcher ce logiciel, qui correspondent aux possibilités qu’il offre, sachant que PAINT propose une plasticité très particulière, qu’il convient d’analyser avant de pouvoir davantage avancer. COULEUR DESSIN COMPOSITION COULEUR : 1°) couleur – lumière et couleur – saturation : Les couleurs proposées par ce logiciel ont la particularité d’être particulièrement lumineuses et saturées. Visibles en direct sur l’écran, elles bénéficient d’une luminosité propre au support qui les affiche : ce sont des couleurs- lumière. Une fois imprimée, l’image produite n’aura plus du tout la même qualité en termes de luminosité et il peut être intéressant d’en faire le constat avec des élèves. Le statut de l’image produite varie donc, si cette image est visualisée sur écran, ou si cette image est reproduite sur papier. A priori il semble davantage intéressant avec ce logiciel de prendre en compte le mode de présentation de l’image réalisée en tant qu’il est d’abord celui de l’écran, lumineux. En cela la luminosité de la couleur est relativement comparable à celle d’un vitrail, d’une installation de James Turell ou de Miguel Chevalier, par exemple. De même cela confère aux images produites un caractère totalement immatériel et/ou fictionnel. Cory Arcangel 2002 clouds Partant de ce constat, une piste pourrait être d’utiliser la couleur dans PAINT pour rendre/fabriquer une image immatérielle, irréelle, pour entrer dans un monde où tout est lumière, etc………… La fiction est présente dès qu’on construit une autre réalité, mais elle peut aussi être davantage soulignée par un thème imposé : le royaume de la fée électricité, la vision lumineuse de monsieur cyborg, Bob l’éponge est un illuminé, etc……………….. Les images pouvant être produites à partir de rien, ou à partir de photographies de base imposées. Objectifs envisageables : Apprendre que la couleur a un rôle important à jouer dans l’image, que la couleur peut augmenter l’effet de réalité ou au contraire être « déréalisante ». Apprendre que l’image – lumière (image projetée, image sur écran, image sur caisson lumineux…) n’a pas le même statut que l’image papier, et que cela a des conséquences quant aux effets produits (aspect immatériel, hypnotisant, rôle plastique et symbolique de la lumière artificielle…).
2°) coloriage : La particularité de ce logiciel est qu’il propose un remplissage systématique de toutes les formes dessinées, manuellement ou selon les formes géométriques prédéterminées. C’est une autre manière pour les élèves de pratiquer le « coloriage », procédé sur lequel il serait intéressant de pouvoir s’interroger. En effet, un enfant qui colorie un livret de coloriage acheté au coin presse passe du temps, beaucoup de temps, à remplir, et ce faisant, il oublie ce qu’il fait. C’est probablement un passe – temps dont le but serait de laisser le temps aux parents de faire autre chose. En revanche, en utilisant PAINT, on parle plutôt de remplissage, et celui – ci est instantané, ce qui laisse davantage de temps pour regarder et penser les effets produits. Opérer des remplissages de zones colorées sur une photographie, avec les couleurs proposées par défaut, aura pour effet de rendre irréelle l’image, d’une part parce que les couleurs sont très saturées et lumineuses, et d’autre part parce que l’intervention du dessin numérique sur la photographie change radicalement son statut, qui passe alors de celui de document à celui d’image détournée, et/ou image de fiction, et/ou production à visée artistique. Ce coloriage n’est possible qu’en aplats car le logiciel ne propose pas d’outil pour réaliser des dégradés ou autres variations sur les surfaces. Ce qui a pour effet de nuire à tout effet cohérent de représentation de l’espace. Mais le plus frappant est que ce type d’organisation de zones colorées saturées et en aplats donne une identité visuelle particulière à l’image, identité visuelle proche du dessin animé, des graphs (dont la gamme colorée est imposée par les fabricants de peinture pour automobiles), des tous premiers jeux vidéo ou des moins sophistiqués en termes d’effet de réalité. Partant de ce constat, une piste pourrait être d’utiliser la couleur dans PAINT en « coloriant » pour rendre une image documentaire fictionnelle, pour transposer des personnages photographiés dans un décor de fiction, et on pourrait préciser laquelle, ou demander aux élèves de préciser ce qui est du ressort de la fiction, quel type de fiction, et pourquoi. Il pourrait être alors possible de s’interroger sur la définition même du mot coloriage, sur les propriétés de la mise en couleur par aplats, comparativement à une mise en couleur tout en nuances et en modelés. Objectifs envisageables : Apprendre la différence entre coloriage, remplissage, et autres modes de mise en couleur (par glacis, par touches…) ; tant dans leur procédé que dans les effets produits. Apprendre que certaines gammes colorées ont une identité visuelle et qu’elles sont à priori assimilables à une certaine catégorie d’images.(statut de l’image). Apprendre que la couleur a un rôle important à jouer dans l’image, que la couleur peut augmenter l’effet de réalité ou au contraire être « déréalisante ». De Super Mario Bros à Dora l’exploratrice : des univers dont l’identité visuelle est particulièrement déterminée par la couleur.
Tamas Waliczky 1992 The garden Le logiciel offre une interface qui incite les élèves à utiliser les couleurs de base par défaut plutôt qu’à rechercher des nuances ou des teintes plus complexes. Il peut être possible d’utiliser ce « travers » pour au contraire explorer les effets produits par ce type de couleurs, voire de coloriage, qui ne sont pas plastiquement inintéressants à condition d’y réfléchir et d’en prendre conscience. Le petit chaperon rouge comme thème. Utiliser la couleur pour s’éloigner le plus possible du réel. Exemples de travaux d’élèves.
DESSIN : 1°) changement en profondeur du rapport entre l’œil et la main. Dessiner avec PAINT comme avec d’autres logiciels (Photoshop, Illustrator…) brise le rapport ancestral entre la main et le support : on ne touche ni le papier, ni la surface murale, ni les pigments et l’huile, les doigts n’écrasent pas de fusain…..L’odorat et le toucher sont relativement écartés dans ce mode de dessiner. Les yeux sont rivés sur l’écran, sur lequel on voit apparaître ce qui a été décidé, comme si l’écran était une vue de l’esprit. Voilà aussi pourquoi ce medium est si fascinant, outre sa luminosité captivante, il offre la possibilité d’afficher une projection de l’esprit. Cela amplifie encore davantage la dématérialisation, car si on la constate en visualisant les images produites, on la constate aussi durant le processus de création. 2°) résistance de l’outil, intention et écarts, penser l’aléatoire. Et pourtant comme tous les outils, celui – ci résiste. C’est pourquoi l’effet « vue de l’esprit » est relativement réservé aux praticiens qui maîtrisent vraiment les outils. La souris, en particulier, rend les tracés aléatoires et maladroits. Comme dans toute démarche exploratoire de dessin, il pourrait être intéressant d’apprendre à utiliser à son compte les défauts induits par l’outil comme par le geste. 3°) identité visuelle du tracé numérique avec PAINT. Par ailleurs les tracés réalisés avec PAINT sont très pixellisés, et ils ont donc eux aussi une identité visuelle, leur identité de tracé numérique, de calcul, est très identifiable et cette particularité ne peut être évitée. Cela confère un statut spécifique à ce type de dessin, qui peut être identifié au premier coup d’œil comme lié à la machine, au calcul numérique. Partant de ce constat, une piste pourrait être d’utiliser le dessin dans PAINT pour révéler l’identité spécifique du dessin numérique, en imposant un thème précis qui lierait le tracé à la machine, le pixel à son monde de calcul, les lignes à une histoire de réseaux, etc… Il pourrait être aussi intéressant d’amener les élèves à utiliser différentes épaisseurs et formes de « brushes », de « pinceaux », de « crayons », afin de faire explorer la variété et la multiplicité des modes et formes de tracés qui peuvent constituer la richesse du dessin. Objectifs envisageables : Apprendre que le dessin numérique a des propriétés particulières qui lui confèrent une identité et un sens spécifiques. Apprendre que dessiner c’est observer ce qui ce passe quand on trace, et arriver reprendre à son compte les effets non désirés produits par l’outil. Apprendre que le dessin n’a pas toujours pour fonction de représenter les choses avec vraisemblance, mais qu’il peut avoir d’autres fonctions (expression, recherches formelles et décoratives, parcourir et animer une surface…etc…).
Vera Molnar en 2010 devant une projection d’un de ses dessins numériques calculés selon un programme comprenant 1% d’aléatoire. Le monde numérique de monsieur Pixel. Exemple de travaux d’élèves Le « monde » numérique est sujet à bien des interrogations et fantasmes. Tenter une représentation de ce monde revient à entrer dans le domaine de la fiction et de la spéculation. Cela fait appel aussi à nos représentations de la machine, du numérique. Celles – ci sont jalonnées de références culturelles diverses et variées John F. Simon jr 2003 Alife (du film Tron en passant par L’ordinateur a été programmé pour produire l’œuvre de Nam June Paik…) des dessins en fonction de son utilisation. Une sorte de portrait de l’ordinateur se génère au fur et à mesure que ses ressources sont sollicitées.
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