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Un autre projet de loi à portée limitée :
des historiens homosexuels se prononcent sur le projet de loi C-75

Le 11 juin 2018

Patrizia Gentile, professeure agrégée, études des droits de la personne et de la sexualité,
Université Carleton
Tom Hooper, chargé de cours contractuel, département d’histoire de l’Université York
Gary Kinsman, professeur émérite de sociologie, Université Laurentienne
Steven Maynard, professeur adjoint, département d’histoire de l’Université Queen’s

                                        INTRODUCTION
Le projet de loi C-75, connu sous le titre de « Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le
système de justice pénale pour les adolescents et d’autres lois et apportant des modifications
corrélatives à certaines lois », tente de donner suite à une partie des excuses présentées par
le premier ministre aux personnes LGBTQ2S+. L’abrogation d’infractions criminelles qui ont
été utilisées par le passé pour cibler injustement les orientations sexuelles non conformes est
un élément important du processus d’excuses. Cependant, le projet de loi C-75 n’aborde pas
adéquatement les diverses dispositions utilisées pour criminaliser les activités sexuelles
consensuelles au Canada.

Bien que le projet de loi C-75 abroge complètement l’infraction de relations sexuelles anales,
les dispositions relatives aux maisons de débauche, aux actions indécentes et au
vagabondage ont à peine été modifiées et demeurent intactes. Comme dans le cas du projet
de loi C-66, les réformes proposées par le projet de loi C-75 reposent sur l’interprétation
étroite d’infractions qui ont été jugées en violation de la Charte des droits et libertés. Le projet
de loi omet de se pencher sur plusieurs infractions, notamment l’exposition indécente,
l’obscénité, la nudité et les dispositions utilisées contre les travailleuses et travailleurs du
sexe. Enfin, le projet de loi C-75 ne traite pas des dispositions du Code criminel appliquées
injustement dans les cas de non-divulgation du VIH.

Les dispositions en matière de moralité prévues au Code criminel étaient fondées sur des
représentations de ce qui était considéré comme « indécent », « obscène » ou « déviant » au
XIXe siècle. Ces dispositions continuent de constituer le fondement de nombreux articles du
Code et doivent être abrogées. À notre avis, seules les pratiques sexuelles qui causent un
préjudice direct, comme les voies de fait, le harcèlement et les mauvais traitements, doivent être
criminalisées. Toutes les pratiques sexuelles consensuelles qui ne causent aucun préjudice à
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autrui doivent être entièrement décriminalisées.
Le projet de loi exige la tenue de consultations auprès des communautés LGBTQ2S+, des
travailleuses et travailleurs du sexe et des organisations de lutte contre le sida pour veiller à
l’abrogation de tous les articles qui criminalisent les pratiques sexuelles consensuelles.

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RÉSUMÉ DES RECOMMANDATIONS
1. Élargir la portée des infractions abrogées en vertu du projet de loi.
2. Modifier l’article 75 du projet de loi pour abroger les dispositions relatives aux maisons de
débauche (art. 197, 210 et 211 du Code criminel).
3. Modifier l’article 60 du projet de loi pour abroger les dispositions relatives aux actions
indécentes (art. 173 du Code criminel).
4. Modifier l’article 62 du projet de loi pour abroger les dispositions relatives au vagabondage
(art. 179 du Code criminel).
5. Modifier le projet de loi pour abroger les dispositions relatives à l’industrie du sexe dans la Loi
sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation (art. 213 et 286.1 à 5
du Code criminel).
6. Modifier le projet de loi pour abroger d’autres dispositions en matière de moralité
   injustement utilisées contre les communautés LGBTQ2S+, y compris les dispositions
   relatives à l’obscénité, à la représentation théâtrale immorale, à l’exposition de choses
   indécentes et à la nudité (art. 163, 167, 168, 174 et al. 175(1)b) du Code criminel).
7. Modifier le projet de loi pour limiter le recours injuste aux dispositions du Code criminel contre
les personnes vivant avec le VIH.

                            1. ÉLARGIR LA PORTÉE DES
                                      ABROGATIONS

Les projets de loi C-32 et C-39 auraient eu pour effet d’abroger les dispositions relatives aux
relations sexuelles anales (art. 159 du Code criminel), mais ils n’ont pas été adoptés. Cette
réforme a plutôt été intégrée dans un projet de loi de portée plus large, soit le projet de loi C-75.
La correction d’une telle injustice historique ne devrait pas être traitée comme une simple note
en bas de page dans un projet de loi de large portée : la criminalisation des
communautés LGBTQ2S+ est plus complexe que cette seule infraction. Nous appuyons
l’article 56 du projet de loi C-75, lequel article abroge les dispositions relatives aux relations
sexuelles anales. Cependant, le gouvernement n’a pas adéquatement justifié le maintien
d’autres dispositions archaïques.

En mai 2018, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a publié son rapport
sur le projet de loi C-66, connu sous le titre « Loi sur la radiation de condamnations constituant
des injustices historiques ». Le Comité s’est dit préoccupé par « l’absence de consultations sur
la rédaction du projet de loi », et a exhorté le gouvernement à travailler avec « des experts afin
de s’atteler à résoudre d’autres dispositions du Code criminel qui ont été appliquées de façon
discriminatoire à l’endroit de la communauté LGBTQ2. »

En 1982, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne s’est penché sur
certaines de ces infractions. Jean Chrétien, alors ministre de la Justice, avait déclaré ce qui
suit : « [...] en principe, je dois dire que si des sections [sic] du Code criminel sont tombées
en désuétude, on n’a plus de raisons de les y maintenir. » Malheureusement, ces paroles
sont restées sans suite. En revanche, il est possible d’y donner suite dans le cadre du projet
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de loi C-75.
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RECOMMENDATION N 1 : ÉLARGIR LA PORTÉE DES INFRACTIONS ABROGÉES EN VERTU DU PROJET DE LOI C-
75.

                           2. ABROGER LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX
                           MAISONS DE DÉBAUCHE

     Les excuses présentées par le premier ministre aux personnes LGBTQ2S+ comprenaient un
     renvoi précis aux maisons de débauche. De 1968 à 2004, plus de 1 300 hommes ont été
     accusés de cette infraction parce qu’ils se trouvaient dans un bain public gai. Dans certains
     cas, les dispositions ont été appliquées pour effectuer des descentes dans des bars et des
     résidences privées (voir le tableau ci-joint). Les dispositions comportent trois volets : la
     propriété, la tenue d’une maison de débauche et s’y trouver (art. 210 du Code criminel); le
     transport de personnes à des maisons de débauche (art. 211 du Code criminel); et l’article 197
     du Code, où se trouve la définition d’une maison de débauche, qui comprend un lieu pour le
     travail du sexe ou, dans le cas de descentes dans des bains publics, un lieu d’actions
     indécentes.

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Dans l’arrêt Bedford de 2013, la Cour suprême a déclaré inconstitutionnelles les dispositions
relatives aux maisons de débauche applicables au travail du sexe. Le texte législatif qui en a
résulté, la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation, est
venu modifier l’article 197 en supprimant le terme « prostitution » de la définition de maison de
débauche, mais a conservé le renvoi aux actions indécentes. L’interprétation d’une maison de
débauche pour la pratique « d’actions indécentes » a été modifiée par la Cour suprême dans
l’arrêt Labaye de 2005. Lors des délibérations sur le projet de loi C-66, on a demandé au
sénateur René Cormier de définir ce qu’était une maison de débauche en 2018. Voici sa
réponse :

            Dans l’arrêt Labaye, la cour apporte une clarification des critères de ce
            qui constitue une infraction d’indécence, à savoir un préjudice physique
            ou psychologique causé aux participants de l’activité reprochée ou,
            encore, une conduite qui perpétue des images négatives ou
            dégradantes de l’humanité.

Cette nouvelle définition établie à la suite de la décision rendue dans l’affaire Labaye ne traduit
pas l’utilisation historique de la loi. Un critère judiciaire fondé sur une norme sociale de moralité
a été remplacé. Ce nouveau critère pour une infraction d’indécence est fondé sur une définition
du préjudice qui porte atteinte à l’autonomie et à la liberté. Autrement dit, une maison de
débauche n’est plus un bain public ou un club d’échangistes. Il s’agit d’un lieu qui permet un
préjudice réel, comme les voies de fait, le harcèlement et les mauvais traitements non
consensuels.

Les lieux qui permettent les préjudices physiques ou psychologiques non consensuels devraient
être poursuivis en vertu d’articles plus pertinents du Code criminel. L’article 75 du projet de
loi C-75 modifie les dispositions relatives aux maisons de débauche en vue de permettre la
possibilité d’une déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Cela réduit la peine pour un
crime qui est devenu une infraction très grave. Cette loi est anachronique. Selon Statistique
Canada, une seule personne a été accusée de l’infraction en 2016 (aucune en 2015). En
revanche, quatre personnes ont été accusées d’avoir eu des relations sexuelles anales en 2016
(cinq en 2015).

Bien que la loi n’ait pas été appliquée à grande échelle, des spécialistes et des juristes se sont
dits préoccupés par la possibilité que des notions désuètes sur l’infraction d’indécence soient
utilisées plus tard pour criminaliser les pratiques sadomasochistes et d’autres activités
allosexuelles consensuelles. Le critère judiciaire fondé sur le préjudice et l’indécence établi à la
suite de la décision rendue dans l’affaire Labaye comprend une conduite qui « perpétue des
images négatives ou dégradantes de l’humanité ». Cette notion est vague et soumise à diverses
interprétations de la part des tribunaux.

Le projet de loi C-66 précise qu’une infraction doit d’abord être abrogée avant de pouvoir être
ajoutée à la liste des infractions admissibles à la radiation de condamnations criminelles. Les
hommes reconnus coupables à la suite des descentes effectuées dans les bains publics doivent
attendre l’abrogation des dispositions relatives aux maisons de débauche avant de pouvoir faire
une demande de radiation de leurs condamnations. Tout retard supplémentaire constituerait
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une injustice.
                      O
RECOMMENDATION N 2 : MODIFIER L’ARTICLE 75 DU PROJET DE LOI C-75 POUR ABROGER LES DISPOSITIONS
RELATIVES AUX MAISONS DE DÉBAUCHE (ART. 197, 210 ET 211 DU CODE CRIMINEL).

                                  3. ABROGER LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX
                                  ACTIONS INDÉCENTES

     Depuis la fin du XIXe siècle, l’infraction d’actions indécentes est utilisée pour procéder à
     l’arrestation de personnes LGBTQ2S+ dans les bars, les clubs, les parcs et les toilettes. La
     police a souvent eu recours à l’infraction d’« actions indécentes » plutôt que de grossière
     indécence ou de sodomie parce qu’elle constitue une infraction simple plus facile à prouver en
     cour. De 1983 à 1985 en Ontario, des activités de surveillance et des arrestations ont eu lieu à
     St. Catherines, Welland, Oakville, Oshawa, Mississauga, Guelph, Kitchener-Waterloo et à
     l’Opera House d’Orillia. Les policiers ont fourni les noms des personnes accusées aux
     journalistes, ce qui a poussé un homme de St. Catherines à s’enlever la vie. Selon le Right to
     Privacy Committee, 369 hommes ont été arrêtés pour avoir commis des actions indécentes
     avec d’autres hommes à Toronto de juillet 1982 à avril 1983.

     L’article 60 du projet de loi C-75 modifie une partie de la disposition relative aux actions
     indécentes en supprimant la peine d’emprisonnement maximale de six mois pour une
     infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Nous croyons que
     la disposition devrait être complètement abrogée.
                      O
RECOMMENDATION N 3 : MODIFIER L’ARTICLE 60 DU PROJET DE LOI C-75 POUR ABROGER LA DISPOSITION
RELATIVE AUX ACTIONS INDÉCENTES (ART. 173 DU CODE CRIMINEL).

                                        4. ABROGER LES
                                          DISPOSITIONS
                                          RELATIVES AU
                                         VAGABONDAGE

     Il s’agit d’une infraction ayant un sens général mal défini. Cette infraction a été utilisée
     historiquement non seulement contre les travailleuses et travailleurs du sexe, mais aussi pour
     surveiller l’expression de genre ou de sexe des personnes. Les personnes portant des habits
     ou montrant d’autres signes d’affirmation d’identité qui semblaient ne pas se conformer à leur
     sexe étaient accusées en vertu de cette disposition. Dans son jugement rendu dans l’affaire
     R. c. Heywood en 1994, la Cour suprême a déclaré inconstitutionnelle les dispositions
     relatives au vagabondage et en violation de la Charte.

     L’article 62 du projet de loi C-75 abroge certaines dispositions relatives au vagabondage, mais,
     comme dans le cas des maisons de débauche et des actions indécentes, les autres dispositions
     relatives au vagabondage ont été maintenues.
                      O
RECOMMENDATION N 4 : MODIFIER L’ARTICLE 62 DU PROJET DE LOI C-75 POUR ABROGER LES DISPOSITIONS
RELATIVES AU VAGABONDAGE (ART. 179 DU CODE CRIMINEL).

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5. ABROGER LA
                                              LOI SUR LA
                                          PROTECTION DES
                                          COLLECTIVITÉS ET
                                           DES PERSONNES
                                               VICTIMES
                                           D’EXPLOITATION

    L’utilisation ciblée des dispositions en matière de moralité, la provocation policière et l’isolement
    causé par la criminalisation ont créé des liens historiques entre les luttes des
    communautés LGBTQ2S+ et des travailleuses et travailleurs du sexe. Les dispositions de la Loi
    sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation ont rétabli de
    nombreux préjudices qui avaient été déclarés en violation de la Charte dans l’arrêt Bedford. Par
    conséquent, bon nombre de travailleuses et travailleurs du sexe craignent la police et sont
    exposés à une violence ciblée. En 2015, la ministre de la Justice Jody Wilson-Raybould a
    déclaré qu’elle tenait résolument à revoir les lois sur la prostitution. Près de trois ans plus tard, il
    serait temps d’agir.

•   « Communication » (art. 213 du Code criminel).

            Comme dans le cas des maisons de débauche, une partie de l’infraction de
            « communication » a été invalidée par la Cour suprême dans l’arrêt Bedford, mais les
            autres dispositions ont été maintenues dans la Loi sur la protection des collectivités et
            des personnes victimes d’exploitation. L’article continue de pousser les travailleuses et
            travailleurs du sexe vers des secteurs plus isolés, augmentant ainsi leur risque d’être
            exposés à la violence. Dans sa décision, la Cour suprême a conclu que l’effet
            préjudiciable de l’infraction de communication « est totalement disproportionné au
            risque de nuisance causée par la prostitution de la rue. »

•   « Obtention de services sexuels moyennant rétribution » (art. 286.1 du Code criminel).

            Cette infraction isole également les travailleuses et travailleurs du sexe. Comme ils
            sont criminalisés, les clients doivent consentir des efforts pour éviter d’être repérés par
            la police. La disposition empêche les travailleuses et travailleurs du sexe de
            sélectionner leurs clients et de négocier en toute sécurité les modalités des services
            demandés. Elle criminalise également les lieux de travail intérieurs sécuritaires étant
            donné qu’ils sont souvent surveillés par la police et qu’ils font fréquemment l’objet de
            descentes.

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• « Avantage matériel provenant de la prestation des services sexuels » et « Proxénétisme »
 (art. 286.2 et 286.3 du Code criminel)

            Ces infractions ont rétabli les anciennes dispositions en matière de « vivre des
            produits de la prostitution ». Elles criminalisent les personnes qui peuvent travailler
            aux côtés de travailleuses et travailleurs du sexe, y compris celles qui assurent leur
            sécurité et fournissent un soutien administratif et le service à la clientèle. Cette
            situation pousse les travailleuses et travailleurs du sexe à travailler dans
            l’isolement, ce qui crée des conditions d’exploitation et de préjudice.

 •   « Publicité » et « Avantage matériel reçu et publicité » (art. 286.4 et 286.5 du Code criminel)

            Les dispositions relatives à la publicité interdisent aux travailleuses et travailleurs du
            sexe d’interagir à distance avec leurs clients potentiels, ce qui les empêche d’éviter les
            possibles situations de violence. Les tiers ne peuvent pas fournir de services de
            publicité pour aider les travailleuses et travailleurs du sexe. Bien que les travailleuses
            et travailleurs du sexe puissent annoncer leurs propres services,
            cela demeure peu sûr tant que l’achat de services sexuels demeure criminalisé.
                   O
RECOMMENDATION N 5 : MODIFIER LE PROJET DE LOI C-75 POUR ABROGER TOUTES LES DISPOSITIONS DE LA
LOI SUR LA PROTECTION DES COLLECTIVITÉS ET DES PERSONNES VICTIMES D’EXPLOITATION RELATIVES AU
TRAVAIL DU SEXE (ART. 213 ET 286.1-5 DU CODE CRIMINEL).

        6. ABROGER D’AUTRES DISPOSITIONS INJUSTEMENT UTILISÉES
                           CONTRE LES PERSONNES LGBTQ2S+

 •   Obscénité (art. 163 et 168 du Code criminel).

            La notion d’obscénité a été utilisée pour définir les représentations sexuelles non
            conformes comme étant plus obscènes et indécentes que les représentations
            hétérosexuelles. Ces infractions ont criminalisé des personnes œuvrant pour des
            publications gaies et lesbiennes, et des descentes ont été effectuées contre le journal
            de libération des gais The Body Politic. Des accusations d’obscénité ont également été
            portées contre des librairies, dont Little Sister’s, à Vancouver. En 1982, Kevin Orr a été
            accusé d’avoir sur sa personne dans la librairie Glad Day deux publications gaies.
            Glad Day a aussi été trouvé coupable en 1992 de possession de la revue de sexe
            lesbien, Bad Attitude. Ces mêmes dispositions ont été utilisées par les services des
            douanes pour restreindre l’importation de revues LGBTQ2S+ au Canada.

            La définition d’obscénité a toujours été liée à l’indécence et aux dispositions relatives
            aux maisons de débauche. Dans ses jugements rendus dans les affaires Butler et
            Labaye, la Cour suprême a considérablement modifié l’intention initiale du législateur à
            l’égard de ces dispositions.

 • Représentation théâtrale immorale, exposition de choses indécentes (art. 167 et al. 175(1)b) du
 Code criminel)

            De vagues renvois à des représentations théâtrales immorales dans le Code criminel

                                                                                                         8
ont été utilisés par les forces policières pour cibler l’expression sexuelle LGBTQ2S+. Par
             exemple, en 1996, la police de Toronto a effectué une descente dans le club de
             danseurs gais Remington’s. Seize hommes, dont 10 danseurs, ont été accusés aux
             termes des dispositions relatives aux maisons de débauche. Cependant, les danseurs
             ont aussi été accusés d’avoir donné une représentation théâtrale immorale. Ces
             accusations ont surpris le propriétaire et exploitant George Pratt, puisque Remington’s
             était ouvert sur la rue Yonge sans incident depuis trois ans avant la descente.

  •   Nudité (art. 174 du Code criminel).

             La nudité a été criminalisée pour la première fois en 1931 à la suite des manifestations
             des Doukhobors, qui ont défilé nus. L’article a été utilisé dans les années 1970 pour
             porter des accusations contre des hommes nus qui prenaient un bain de soleil à Hanlan’s
             Point sur l’île de Toronto. Ces arrestations faisaient partie d’une opération policière
             d’infiltration ciblant les hommes gais qui avait été préalablement approuvée par le
             procureur général, Roy McMurtry.
                    O
RECOMMENDATION N 6 : MODIFIER LE PROJET DE LOI C-75 POUR ABROGER LES DISPOSITIONS RELATIVES À
L’OBSCÉNITÉ, À LA REPRÉSENTATION THÉÂTRALE IMMORALE, À L’EXPOSITION DE CHOSES INDÉCENTES,
ET À LA NUDITÉ (ART. 163, 167, 168, 174, ET AL. 175(1)b) DU CODE CRIMINEL)

        7. LIMITER LES INFRACTIONS UTILISÉES POUR CRIMINALISER LES
        PERSONNES VIVANT AVEC LE VIH

      Le Réseau juridique canadien VIH/sida et la HIV & AIDS Legal Clinic Ontario ont soulevé des
      préoccupations selon lesquelles certaines dispositions du Code criminel sont utilisées pour
      criminaliser injustement les personnes vivant avec le VIH. Le Code criminel ne comporte
      aucun renvoi explicite au VIH. Toutefois, des dispositions portant sur l’agression sexuelle
      (art. 271 à 273 du Code criminel) ont été utilisées pour intenter des poursuites contre des
      personnes dans des cas présumés de non-divulgation de la séropositivité.

      Les poursuites pénales devraient se limiter aux cas de transmission réelle et intentionnelle du
      VIH. Des accusations criminelles ne devraient jamais être portées dans certaines circonstances,
      à savoir lorsqu’une personne vivant avec le VIH se livre à des activités qui, selon les meilleures
      données scientifiques disponibles, ne présentent aucun risque important de transmission, dont
      les relations sexuelles orales, les relations sexuelles anales ou vaginales avec condom, les
      relations sexuelles anales ou vaginales sans condom avec une faible charge virale, de même
      que cracher et mordre.

      La non-divulgation de la séropositivité devrait être retirée de la portée des dispositions relatives
      à l’agression sexuelle. Les poursuites pour agression sexuelle et non-divulgation de la
      séropositivité ne devraient pas être autorisées dans le contexte de rapports sexuels entre
      adultes qui sont autrement consentants. Le Code criminel doit faire l’objet de réformes afin
      qu’aucune autre disposition ne soit utilisée pour stigmatiser davantage les personnes vivant
      avec le VIH.
                    O
RECOMMENDATION N 7 : MODIFIER LE PROJET DE LOI C-75 POUR LIMITER L’UTILISATION INJUSTE DE
CERTAINES DISPOSITIONS DU CODE CRIMINEL CONTRE LES PERSONNES VIVANT AVEC LE VIH.
                                                                                                         9
BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE

CAUSES INSTRUITES PAR LES TRIBUNAUX

R c. Butler, [1992] 1 R.C.S. 452

R c. Labaye, [2005] 3 R.C.S. 728

Canada (PG) c. Bedford [2013] 3 R.C.S. 1101

DOCUMENTS GOUVERNEMENTAUX
10e Rapport du Comité permanent des droits de la personne (projet de loi C-66), 7 mai 2018.

Statistique Canada. Tableau 252-0051 – Statistiques des crimes fondés sur l’affaire, par
infractions détaillées, annuellement.

ARTICLES PARUS DANS LES MÉDIAS

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                                                                                              1
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DESCENTES DANS LES BAINS PUBLICS AU CANADA – DE 1968 À 2004
                                                  Présence dans une maison de débauche : [1 213]                                                  Tenir une maison de débauche : [88]                                    Acte indécent : [53]
  Nombre
                                                  Attentat à la pudeur d’une personne du sexe masculin : [10]                                     Grossière indécence : [61]
  d’accusations :
 180

 160
                                                                                                                                                               OPÉRATION
                                                                                                                                                                 SAVON
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                                                                                                                                                              TORONTO 1981
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                                    MÉNAGE JO 1976                                          6
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                                          4
                                                                                                                                                                                                                                    165
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                                                              MANDAT DE PERQUISITION

                                                                                                                            146

                                                                                                                                                         15

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                                                                                                                                                                         126
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                                                         3                                                                                                          46
   20                       35                                                                                                                     9
                                                                                                                                                                                                                                             3                               27
              28
                                                 26     22                                           7                25           22    23                    23                                        3                                        18
                                                                                                                                                                                                                 3                         14                      13
                                   13                                                  15            7                                            14
                                                                                                                                                                                                   9      8      6
                                                                                            O

                                                                                                                                         O

                                                                                                                                                              O

                                                                                                                                                              O

                                                                                                                                                              O

                                                                                                                                                                                                       O

                                                                                                                                                                                                                                                         O
                                                                                            N

                                                                                            R

                                                                                            N

                                                                                            N

                                                                                                                                         A

                                                                                                                                         N

                                                                                                                                                              R

                                                                                                                                                              N

                                                                                                                                                                                                       N

                                                                                                                                                                                                       R

                                                                                                                                                                                                       N

                                                                                                                                                                                                       N

                                                                                                                                                                                                                                                         A

                                                                                                                                                                                                                                                         N
                                                                                       E

                                                                                            E

                                                                                            V
                                                                                            E

                                                                                                                                         S

                                                                                                                                         V

                                                                                                                                                                                                       E

                                                                                                                                                                                                       V

                                                                                                                                                                                                                                                         V
                                                                                            T

                                                                                            T

                                                                                                                                                              T

                                                                                                                                                              T

                                                                                                                                                                                                       T

                                                                                                                                                                                                       T
                                                                                                                                                                                     1
                                                                                                                                                                                     9
                                                                                                                                                                                     8
                                                                                                                                                                                     1
      0
                                                                                            I

                                                                                            I

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              1      2      3      4     5      6      7      8                        9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38

           [1] International (Toronto)              27 oct. 1968                                [11] International (Toronto)      11 mars 1977         [21] Barracks (Toronto)         5 févr. 1981              [31] Sex Garage (Montréal)         15 juil. 1990
           [2] International (Toronto)              15 août 1973                                [12] International (Toronto)      30 mai 1977          [22] Club Baths (Toronto)       5 févr. 1981              [32] KOX/Katacombes (Montréal) 17 févr. 1994
           [3] Sauna Aquarius (Montréal)            4 févr. 1975                                [13] Oak Leaf (Toronto)           juin 1977            [23] Richmond St. (Toronto)     5 févr. 1981              [33] Remingtons (Toronto)          19 févr. 1996
           [4] Club Baths (Montréal)                23 janv. 1976                               [14] Dominion Square (Montréal)   été 1977             [24] Romans (Toronto)           5 févr. 1981              [34] Bijou (Toronto)               juin 1999
           [5] Sauna Neptune (Montréal)             15 mai 1976                                 [15] Truxx (Montréal)             22 oct. 1977         [25] Home of Roy M. (Toronto)   23 avr. 1981              [35] Pussy Palace (Toronto)        24 sept. 2000
           [6] Club Baths (Montréal)                20 mai 1976                                 [16] Dominion Square (Montréal)    19 oct. 1978        [26] Pisces Health Spa (Edmonton) 30 mai 1981             [36] Goliath’s Bathhouse (Calgary) 12 déc. 2002
           [7] Club Baths (Ottawa)                  22 mai 1976                                 [17] Barracks (Toronto)           9 déc. 1978          [27] International (Toronto)    16 juin 1981              [37] Taboo (Montréal)              9 mai 2003
           [8] Club Baths (Toronto)                 12 août 1976                                [18] Home of Don F. (Toronto)     6 juin 1979          [28] Back Door Gym (Toronto)    16 juin 1981              [38] Warehouse Spa (Hamilton) 3 août 2004
           [9] Sauna Crystal (Montréal)             4 févr. 1977                                [19] Hot Tub Club (Toronto)       11 oct 1979          [29] Back Door Gym (Toronto)    20 avr. 1983
           [10] International (Toronto)             10 févr. 1977                               [20] Sauna David (Montréal)       23 avr. 1980         [30] Chez Bud’s (Montréal)      2 juin 1984

Chart by: Tom Hooper, April 2018. Usage rights: CC-BY-NC-SA (for corrections/additions/inquiries please contact: tom@rtpc.ca) Bathhouse is defined as an establishment that facilitates queer sex, or an LGBTQ2 space raided under the bawdy house law. Sources: Don McLeod,
Lesbian and Gay Liberation in Canada: A Chronology, Vols. 1 & 2 (1964-1981), Toronto: Homewood Books, 1996 & 2014. "Steam Bath Raided, 30 Face Morals Charges," Toronto Daily Star, October 28 (1968), 2; "Toronto Police Raid Bath," Body Politic, no. 10 (1973), 7; "Police
Raid Clubs; Seeking Clues to Montreal's Rising Murder Rate?," Body Politic, no. 22 (1976), 4; Ron Dayman, "Olympics Clean-up Strikes Again," Body Politic, no. 23 (1976), 6; "87 Arrested in Raid on Montreal Sauna," Globe and Mail, May 17 (1976), 9; "Olympic Crackdown," Body
Politic, no. 25 (1976), 1, 17; "City Gays Say Raid Was Garnes Cleanup," Ottawa Journal, May 25 (1976), 2; David Garmaise, "Ottawa Police Raid Toronto Bath's Offices," Body Politic, no. 27 (1976), 7; John Blacklock, "More Montreal Raids," Body Politic, no. 32 (1977), 8; George
Hislop, "Toronto Update: Directions to Note," Directions: For Gay Men, no. 2 (1977): 5; "Spadina Steambath Allowed Sex, Trial Told," Toronto Star, February 23 (1979), A4; George Hislop, "Toronto Update: Directions to Note," Directions: For Gay Men, no. 4 (1977): 3; Ron Dayman,
"Truxx Accused Organize Own Defence," Body Politic, no. 40 (1978),
12; "Heavy-handed Raid on Homosexuals,” Montreal Gazette, October 26 (1977), 6; "Montreal Police Storm Tavern in Repeat of Truxx Raid," Body Politic, no. 48 (1978), 9; "Homosexual Baths: A 'Safer Place for Casual Sex,’" Globe and Mail, December 13, (1978) 5; "Charges May
Invalidate Law on Adult Consent," Globe and Mail, June 16 (1979) 5; "Police Raid Gay Club Amid Jeering Crowd," Globe and Mail, October 12 (1979), 2; Stuart Russell, "Montreal Police Raid on Sauna David," Body Politic, no. 64 (1980), 9; "Heavy Hand of the Law," Globe and Mail,
February 9 (1981), 6; “Rage!” Body Politic, No. 71 (1981); Tom Hooper, “’Enough is Enough:’ The Right to Privacy Committee and Bathhouse Raids in Toronto, 1978-83,” PhD Dissertation, York University, 2016; "More Charges in Bathhouse Probe," Toronto Star, April 23 (1981), A4;
"Bawdy House Law", Edmonton Journal, June 2 (1981), A4; Ian Austen, "21 Arrested in Swoop on 2 Bathhouses," Globe and Mail, June 17 (1981), 5; “Back to the baths, back to the streets,” Body Politic, no. 94 (1983), 9-10; Tom Warner, Never Going Back: A History of Queer
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108; Richard Burnett, “Sex Garage raid a turning point in Montreal's LGBT activism,” Montreal Gazette, June 27 (2015); Yves Lafontaine, “Descentes policières marquantes,” fugues, July 26, 2012; Colin Leslie, “Cops bust gay strip bar,” Xtra! February 29, 1996; Brenda Cossman,
'Indecency is an easy trap', Xtra! August 25, 1999; Kirk Makin, "Police reach settlement over bathhouse raid," Globe and Mail, April 1 (2005); Patrick Brethour, "Calgary bathhouse raid angers gays," Globe and Mail, December 18 (2002); Maria-Belen Ordonez, “Strippers need not
apologize,” Xtra! March 29 (2006); Tanya Gulliver, "Charged for bathhouse sex," Xtra! August 18, 2004.
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