GOULAG Une histoire soviétique - Mardi 11 février 2020 à 20.50 - Arte.tv

 
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GOULAG
                 Une histoire soviétique

                 UNE SÉRIE DOCUMENTAIRE ÉVÉNEMENT EN TROIS ÉPISODES
                 RÉALISÉE PAR PATRICK ROTMAN
                 ÉCRITE PAR PATRICK ROTMAN, NICOLAS WERTH ET FRANÇOIS AYMÉ
© Tomasz Kizny

                 Mardi 11 février 2020 à 20.50
                 Et sur arte.tv du 4 février jusqu’au 10 avril 2020
© Archives soviétiques

                                                                                                                                                                                                                   © Tomasz Kizny
                         Mardi 11 février à 20.50                                    Avec des archives et des témoignages exceptionnels,          de littérature, Alexandre Soljenitsyne. Mais le secret
                         Et sur arte.tv du 4 février jusqu’au 10 avril 2020          cette série déroule, de 1917 à la fin des années 1950,       instauré par l’URSS, l’aveuglement de l’Occident, qui a
                                                                                     l’histoire d’un continent encore méconnu : le système        tardé à reconnaître sa réalité, puis le déni persistant des

                         GOULAG
                         Une histoire soviétique
                                                                                     concentrationnaire soviétique qui constitua le cœur
                                                                                     caché de l’empire.
                                                                                     Acronyme russe formé en 1930 à partir des mots
                                                                                     «Administration centrale des camps», le Goulag,
                                                                                                                                                  autorités russes ont longtemps entravé le travail historique
                                                                                                                                                  nécessaire pour le comprendre dans toutes ses dimensions.
                                                                                                                                                  Grâce à l’ouverture des archives, écrites mais aussi filmées,
                                                                                                                                                  et au travail extraordinaire de collecte de témoignages
                         UNE SÉRIE DOCUMENTAIRE RÉALISÉE PAR PATRICK ROTMAN          phénomène majeur du XXe siècle, demeure pourtant             accompli depuis trente ans par l’organisation russe
                         ÉCRITE PAR PATRICK ROTMAN, NICOLAS WERTH ET FRANÇOIS AYMÉ   largement méconnu. Créés dès 1918, les camps                 Memorial – que Poutine a mise à l’index dès son arrivée
                         UNE COPRODUCTION : ARTE FRANCE, KUIV - MICHEL ROTMAN
                         (2019 - 3X52 MN)                                            soviétiques connaissent dans les années 1930, avec la        à la tête de l’État – , cette série documentaire déroule
                         COMMENTAIRE DIT PAR FLORENCE PERNEL                         terreur stalinienne, et jusqu’à la mort du tyran, en 1953,   pour la première fois en images l’histoire dantesque d’un
                         SOIRÉE PRÉSENTÉE PAR ANDREA FIES                            un développement exponentiel, qui fait d’eux le cœur         « archipel » largement oublié et incompris. Ce récit à la
                         EN COMPÉTITION NATIONALE AU FIPADOC 2020
                                                                                     économique et politique caché du régime. Ignoré, puis        fois dense et fluide, sobre et plein de souffle, se fonde
                         Pour la première fois, une série documentaire               nié pendant des décennies, et rapidement occulté par         notamment sur les recherches de l’historien Nicolas Werth,
                                                                                     le pouvoir russe après la chute de l’URSS, ce système        l’un de ses trois coauteurs, spécialiste du régime soviétique.
                         se donne pour ambition de raconter et                       concentrationnaire, qui a brisé les existences de millions   Sa force réside aussi dans sa capacité à tisser itinéraires
                         d’expliquer toute l’histoire du Goulag,                     de déportés, a été dénoncé et décrit au fil du temps par     individuels et destin collectif, par un art combiné du détail
                         des origines en 1918 jusqu’à sa disparition                 nombre de ses victimes, aux premiers rangs desquelles        et de la synthèse.
                         définitive à la fin des années 1950.                        l’ancien officier de l’Armée rouge devenu Prix Nobel
© Tomasz Kizny

                 20.50 Episode 1 : Origines 1917-1933                             21.45 Episode 2 - Prolifération 1934-1945                    22.40 Episode 3 - Apogée et agonie 1945-1957
                 Les premiers camps de concentration sont mis en place            Glorifié au XVIIe congrès du Parti communiste, en 1934,      Les populations des nouveaux territoires occupés de
                 dès 1918, quelques mois après la révolution d’octobre.           Staline lance les chantiers du canal Volga-Moscou et la      l’Est restent elles aussi particulièrement soupçonnées
                 Le nouveau régime bolchévique veut se débarrasser                construction d’un nouveau transsibérien. Le NKVD, qui a      d’antisoviétisme. La troisième catégorie visée est celle
                 des adversaires politiques et rééduquer par le travail les       succédé à la Guépéou, multiplie les camps et transforme      des intellectuels, notamment au sein d’une population
                 éléments dits «asociaux». La première expérimentation à          le Goulag en véritable industrie pénitentiaire. Le nombre    étudiante soviétique en expansion. Assujetties comme
                 grande échelle a lieu sur l’archipel des Solovki, tout près      de déportés franchit la barre du million en 1935. Vitrine    les hommes à des tâches épuisantes, les femmes,
                 du cercle polaire. Des milliers de détenus politiques et         spectaculaire de la grande terreur déclenchée en 1937,       dont nombre de veuves de guerre condamnées à de
                 de droit commun, hommes et femmes, y sont déportés               les procès de Moscou dissimulent l’ampleur de la             lourdes peines pour de petits chapardages alimentaires,
                 et soumis au travail forcé. En 1922, après le retrait de         répression qui s’abat aveuglément sur l’ensemble de la       représentent désormais un quart des Zek. «Je n’ai
                 Lénine, frappé par des attaques cérébrales à répétition,         société soviétique et les anonymes. Exécutions de masse      que faire de votre travail. Ce qui m’intéresse, ce sont
                 Staline prend peu à peu le pouvoir et décrète à partir de la     et arrestations arbitraires s’accélèrent. En août 1939,      vos souffrances», résume un jour une responsable de
                 fin des années 1920 l’industrialisation du pays à marche         après la signature du pacte germano-soviétique, des          camp aux déportées, comme le rapporte l’une d’elles,
                 forcée ainsi que la collectivisation des terres, prélude à       centaines de milliers de Polonais, de Baltes, d’Ukrainiens   trente ans après, à Memorial. Près de 2 millions de
                 des famines meurtrières. La «dékoulakisation», qui frappe        de l’Ouest ou de Moldaves rejoignent au Goulag quelque       détenus, dont beaucoup à l’extrême limite de la survie,
                 massivement la paysannerie, confère au Goulag une                2 millions de déportés soviétiques. Après l’invasion de      s’entassent toujours dans les camps. Peu à peu, ces
                 dimension elle aussi massive. Des chantiers titanesques          l’URSS par la Wehrmacht, en juin 1941, les conditions        conditions de vie effroyables font chuter la rentabilité
                 sont lancés dans les régions les plus reculées, comme            de détention se dégradent de façon effroyable.               économique du Goulag. Le 5 mars 1953, après la mort
                 la Kolyma, en Sibérie. La police politique (Tchéka, puis         La famine et la maladie ravagent les rangs des détenus.      de Staline, un million de libérations sont prononcées.
                 Guépéou) envoie dans les camps de travail des centaines          En 1945, malgré la victoire sur l’Allemagne nazie,           En 1956, Khrouchtchev, s’exonérant au passage de
                 de milliers d’innocents, dont l’esclavage constitue              l’archipel du Goulag, indispensable moteur de la machine     sa responsabilité, pourtant indéniable, dénonce les
                 une ressource économique majeure. Construction                   de production soviétique, recommence à s’étendre,            crimes du stalinisme, provoquant dans le monde une
                 d’infrastructures et de villes, extraction d’or et de pétrole,   augmenté notamment de dizaines de milliers d’hommes,         immense onde de choc. Le Goulag ne disparaît pas
                 causent la mort de milliers de Zek (abréviation du mot           de femmes et même d’enfants, qui n’ont souvent               totalement, mais ne retrouvera jamais l’ampleur que lui
                 russe signifiant «enfermé», «prisonnier»). Qu’importe,           d’autre tort que d’avoir survécu à l’occupation nazie.       ont conférée quarante années de répression de masse.
                 puisque la main d’œuvre va s’avérer inépuisable ?
© Tomasz Kizny
Pour mieux comprendre

1918 : mise en place des premiers camps de travail gérés        1941-1945 : dans l’URSS en guerre contre l’Allemagne           1960-1970 : malgré le maintien d’une répression
par la Tchéka, la police politique du nouveau régime            nazie, par manque de ravitaillement et l’explosion             policière qui cible tout particulièrement les « dissidents »,
bolvéchique.                                                    d’épidémies, les camps connaissent une surmortalité des        le nombre des arrestations suivies d’une condamnation
                                                                détenus.                                                       ne dépasse pas quelques centaines par an. La « grande
1923-1929 : durant la période de relative détente de la                                                                        époque » du Goulag est définitivement close.
NEP (Nouvelle Politique Économique), un seul grand camp         1945-1953 : le nombre de détenus et de « déplacés
de travail forcé existe, le camp des Solovki, « laboratoire »   spéciaux » repart à la hausse, mais les conditions
du futur Goulag des années 1930-1950.                           économiques du travail forcé deviennent de moins et
                                                                moins rentables. L’apogée du Goulag se double d’une
1930-1932 : dékoulakisation lancée par Staline                  grave crise du travail forcé.
qui se solde par l’envoi en camp de 200 000 paysans
propriétaires « exploiteurs » et la déportation de              1953-1958 : après la disparition de Staline (mars 1953), le
20 000 000 d’hommes, de femmes et d’enfants dans des            « dégel khrouchtchévien » s’accompagne, avant même le
régions reculées de la Russie.                                  XXe Congrès du PCUS (février 1956) d’un démantèlement                                    Goulag
                                                                du Goulag. Les grands ensembles concentrationnaires                                      Une histoire soviétique
1936-1938 : les années des grandes purges des cadres du         sont progressivement démantelés et remplacés par des                                     de Nicolas Werth, François Aymé et
Parti, des grands procès politiques (procès de Moscou) et       prisons et des colonies de travail plus petites où le détenu                             Patrick Rotman
                                                                                                                                                         Une coédition ARTE Éditions / Le Seuil
des « opérations répressives secrètes de masse » entrent        n’est plus astreint à des travaux de force dont dépend                                   Livre illustré - 220x260 cm - 288 p - 39€
dans l’Histoire sous le nom de « Grande Terreur ». La           sa subsistance. Le Goulag s’éteint peu à peu à la fin des
                                                                                                                                                         Contact ARTE Editions :
population du Goulag explose.                                   années 1950.                                                                             Henriette Souk / h-souk@artefrance.fr /
                                                                                                                                                         01 55 00 70 83
Entretien avec le réalisateur Patrick Rotman

                                                 Quels éclairages nouveaux               On ignore également que le Goulag a été un instrument            Pour relater ce vécu, il y a aussi la force d’images
                                                 apporte ce documentaire sur             économique essentiel...                                          d’archives saisissantes...
                                                 l’histoire du Goulag ?                  On connaît sa fonction d’élimination et de mise à                Ces images proviennent majoritairement de films de
                                                 Patrick Rotman : Notre                  l’écart de tous ceux que le régime considérait comme             propagande, destinés à exalter la rédemption par le
                                                 ambition était de raconter              nuisibles, «les ennemis du peuple», qui pouvaient être           travail dans les camps. Le paradoxe est que, lorsqu’on
                                                 une histoire globale de ce              n’importe qui. Moins explorée, la fonction productiviste         les regarde aujourd’hui, elles révèlent surtout l’envers
                                                 système concentrationnaire,             du Goulag est pourtant fondamentale. Sa naissance                de la propagande. On y perçoit les visages fermés, les
                                                 de sa naissance à son déclin,           en tant que système organisé correspond d’ailleurs au            regards désespérés. Nous avons également collecté des
                                                 là où les rares films existants         moment où Staline lance le premier plan quinquennal              photos inédites issues de fonds privés, parfois prises
                                                 en livrent une vision partielle.        et l’industrialisation à marche forcée du pays, dans les         clandestinement de l’intérieur, ainsi que des dessins qui
                                                 Nous voulions aussi raconter sa         années 1930. Les «zek», comme on appelle les détenus             témoignent notamment de la grande violence des camps.
                                                 mise en place, avant même que           des camps, constituent une main d’œuvre esclave,
                                                 le terme de «Goulag» ne fasse           gratuite et intarissable, car pour la renouveler, il suffit de   Le Goulag reste-t-il aujourd’hui tabou en Russie ?
                                                 son apparition. Contrairement à         déporter de nouveaux contingents. Ce sont ces détenus            C’est une chape de plomb. Nicolas Werth, historien
                                                 une idée reçue, le système des          qui réalisent, au prix de souffrances atroces, les grands        spécialiste de l’Union soviétique et coauteur du
© Jérôme Panconi

                                                 camps ne naît pas avec Staline          travaux du communisme dont s’enorgueillit le régime :            documentaire, a d’ailleurs été expulsé par le FSB, héritier
                                                 mais immédiatement après la             canaux pharaoniques, immenses complexes...                       du KGB, quand il s’est rendu à Moscou pour prendre
                                                 révolution de 1917, dont il est                                                                          des premiers contacts, il y a deux ans. On peut penser
                                                 directement issu.                       Comment avez-vous recueilli ces témoignages, rares,              que le passé d’agent du KGB de Vladimir Poutine est
                                                                                         des victimes du Goulag ?                                         pour quelque chose dans cette amnésie collective. Mais
                   Cette histoire, dites-vous, reste largement méconnue...               Cela n’avait rien d’évident car en Union soviétique et après     plus profondément, il y a une forme de nostalgie pour
                   Les gens connaissent l’existence du Goulag soviétique                 1991, en Russie, il n’y a eu aucune volonté de construire        cette période où Staline défiait le monde et où l’Union
                   mais ils en mesurent rarement l’ampleur, à la fois dans               une mémoire du Goulag. Ce film a bénéficié de l’apport           soviétique dominait la moitié de la planète. Pour autant,
                   la durée, puisqu’il a subsisté pendant plus de quarante               essentiel de l’association russe Mémorial, qui a commencé        le Goulag est dans toutes les têtes en Russie. Tout le
                   ans, mais aussi d’un point de vue numérique. Si, outre les            en 1988 à collecter des centaines de témoignages de              monde connait quelqu’un dont un parent a été déporté
                   camps du Goulag, on prend aussi en compte les villages                survivants, pour la plupart décédés aujourd’hui. Ces             ou fusillé. Cela finira par s’exprimer sous une forme ou
                   de peuplement, où ont été déportées des populations                   récits permettent de se représenter ce que les gens ont          sous une autre. Il y a toujours un retour du refoulé, aussi
                   entières de Polonais ou de Tchétchènes entre autres, on               enduré dans les camps, la tragédie humaine qu’a été le           bien chez les individus que dans les sociétés. Cependant,
                   estime à 40 millions le nombre de personnes concernées,               Goulag. L’un des défis de la réalisation était de parvenir       une chose est sûre : le régime russe ne fera rien pour aider.
                   dont 4 à 5 millions de morts, le tout sur un immense                  à construire ce va-et-vient permanent entre l’analyse                                         Propos recueillis par Laetitia Moller
                   territoire s’étendant sur 10 à 12 000 kilomètres d’est                générale et les histoires vécues.
                   en ouest. Au-delà du Goulag, nous voulions raconter
                   la démesure de ce système répressif, sans doute le plus
                   perfectionné, vaste et dément de l’histoire.

                   Contacts presse : Rima Matta/Pauline Boyer - 01 55 00 70 41 / 70 40
                   r-matta@artefrance.fr / p-boyer@artefrance.fr
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