UTILISATION DES TECHNOLOGIES IDO COMME SOUTIEN À L'INTELLIGENCE D'AFFAIRE OPÉRATIONNELLE
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Utilisation des technologies IdO comme soutien à l’intelligence d’affaire opérationnelle Ygal Bendavid* Iheb Abdellatif** Marwa Ben Naceur* * Management et Technologie, École des Science de la Gestion (ESG), Université du Québec à Montréal (UQAM), Canada ** Information Systems and Management, Harrisburg University of Science and Technology (HU), USA Résumé : L’Internet des Objets (IdO) ou Internet of Things (IoT) suscite l'intérêt croissant dans le secteur de vente au détail des vêtements. Les détaillants peuvent désormais tirer parti des nouvelles possibilités offertes par diverses technologies de capture automatique de données telles que les technologies d’ identification par fréquence radio/Radio Frequency Indentification (RFID) ou encore les technologies Bluetooth Low Energy (BLE). L’adoption de ces technologies permet désormais de fournir une visibilité en temps réel sur le comportement des clients et des objets en magasin; aidant ainsi les détaillants à améliorer la performance de gestion de leurs opérations en plus de développer de l’intelligence d’affaires opérationnelle (BI opérationnel). Cependant, si les implantations des technologies IdO/RFID se multiplient au cours des dernières années, elles sont encore principalement réalisées dans des chaînes de magasins (Grandes Entreprises). Les plus petites entreprises (PE) qui n’ont pas les moyens d’acquérir de telles solutions, sont, pour la plupart, tenues à l’écart de cette tendance et ne bénéficient pas des retombées potentielles de tels projets. Dans cette recherche, nous présentons la conception et le développement d’un prototype de solution simple d’utilisation et peu coûteux de BI opérationnel pour permettre aux détaillants de miser sur les données RFID et BLE. L’approche méthodologique du Design Science a été adoptée pour mener à bien ce projet de recherche. Mots clés : Vente au détail, Intelligence d’affaires opérationnelle, Technologies RFID, Technologies BLE, Internet des Objets.
2 1. Introduction Le secteur de la vente au détail dans le domaine des vêtements contribue à la création de l’emploi à travers le monde. Au Canada, le total des ventes au détail de vêtements, de chaussures et d'accessoires n’a cessé d’augmenter depuis 2004, avant de s’établir à 41,9 milliards de dollars en 2015 (Statistique Canada, 2016). Dans ce secteur, les technologies de l’information (TI) jouent un rôle important (Renko & Druzijanic, 2014) et permettent aux entreprises d’innover sur le plan des services aux consommateurs (Lee & Yang, 2013). Afin d’accroître l’efficience des opérations des détaillants de vêtements, ces derniers misent de plus en plus sur des technologies de capture automatique des données telles que (i) les technologies d’identification par fréquence radio/Radio Frequency Indentification (RFID) pour le suivi des produits et (ii) les technologies Bluetooth Low Energy (BLE) et Wifi pour le suivi des clients via l’utilisation de leurs téléphones mobiles ou de leurs montres connectées (Zaino, 2016). L’intérêt envers ces technologies s’explique notamment par la possibilité de miser sur l’accès à des informations en temps réel pour (i) améliorer l’expérience client (p.ex. ; parcours interactif ) (ii) améliorer la performance de gestion des opérations (p.ex. ; réduire les coûts d’opération, améliorer la gestion des stocks), mais aussi pour (iii) développer du BI opérationnel et demeurer compétitif (Roberti 2018 ; Zebra, 2017). À noter que cette adoption s’inscrit dans un mouvement plus large des projets qui misent sur l’internet des objets (IdO); un concept où chaque objet (vivant ou non) est muni de technologies qui lui permettent de communiquer automatiquement avec son environnement – et avec d’autres objets «connectés» (Bendavid, et al., 2013). Aujourd’hui, le concept s’opérationnalise et des modèles d’affaires émergents voient le jour avec de plus en plus d’implantations de «magasins connectés», notamment dans le secteur de la consommation, dont le plus médiatisé : Amazon Go et sa promesse de “no lines, no checkouts, no registers”1 finalement ouvert au public à Seattle en janvier 2018 (Deirdre, 2018). Cependant, si ces implantations se multiplient au cours des dernières années, elles sont (i) principalement réalisées dans des chaînes de magasins et (ii) la majorité des projets visent surtout l’amélioration des opérations (gestion d’inventaire, réapprovisionnement, etc.). Les plus petites entreprises (PE), qui n’ont pas les moyens d’acquérir de telles solutions, sont, pour la plupart, tenues à l’écart de cette tendance et ne bénéficient pas des retombées potentielles de tels projets. Il est donc pertinent de se questionner sur la possibilité de concevoir et développer une solution simple permettant aux PE de miser sur ces technologies afin de générer du BI opérationnel et d’améliorer la performance de ses opérations. La section suivante (section 2) aborde la problématique de recherche dans le secteur de vente au détail des vêtements et les objectifs de recherche sont formalisés. La section 3 est consacrée à la revue de littérature qui permet de comprendre les travaux préliminaires sur l’utilisation des technologies RFID dans l’industrie de vente au détail. Dans cette section nous revenons aussi sur différents exemples d’adoption de RFID par les détaillants de vêtements. Nous introduisons ensuite le concept d’intelligences d’affaires opérationnelles et le lien avec les technologies IdO. La section 4 présente la méthodologie de recherche en Science du Design adoptée dans cette recherche. À la section 5 nous présenterons notre prototype de solution de BI opérationnel. 1 Voir site de Amazon Go sur : https://www.amazon.com/b?ie=UTF8&node=16008589011
3 2. Problématique et objectifs de recherche Le caractère fortement concurrentiel du marché de la vente au détail oblige les détaillants à travailler autant sur (i) l’offre de produits (ii) que sur la gestion de la relation client et la qualité du service (c.-à-d. conserver les clients existants et en acquérir des nouveaux) ou (iii) l’amélioration des opérations. Actuellement, la principale motivation de l’utilisation des technologies RFID dans le secteur de vente au détail est la gestion des opérations; notamment en vue d’améliorer la gestion du stock (p.ex., réduction du temps lors de la prise d’inventaire, automatisation des processus de réapprovisionnement, réduction de freinte de stock (« shrinkage »), etc. (SML, 2016). Cela dit, la gestion de la relation client et la qualité du service par l’amélioration de l’expérience client gagne du terrain. 2.1 Problème spécifique Si aujourd’hui, la grande majorité des détaillants analysent le comportement d'achat en magasin à l'aide des données de système de point de vente (POS), en se basant notamment sur le nombre d’acheteurs, le nombre d’articles par transaction, les produits les plus demandés, etc., ils n’ont réellement aucune visibilité sur ce qui se passe concrètement en magasin. Il ne peuvent – par exemple – pas savoir (i) le nombre des produits essayés en cabine (ii) les produits essayés qui sont achetés (iii) les produits avec lesquels les clients interagissent le plus, etc. Pour adresser cet écart informationnel, divers fournisseurs de systèmes RFID commencent à proposer de nouvelles fonctionnalités permettant de transformer le grand volume de données capturées dans les différentes zones d’un magasin en informations utiles à la prise de décision immédiate. Ces outils d’intelligence d’affaires opérationnelle misent sur les données récentes capturées (p.ex., via les étiquettes RFID et les dispositifs BLE) pour fournir aux gestionnaires une visibilité sur les opérations et en déduire le comportement des produits ou des personnes au sein du magasin et prendre des décisions d’affaires opérationnelles. D’un point de vue pratique, si l’idée de générer du BI opérationnel à partir de données brutes (code EPC/RFID; adresse Mac/BLE) est intéressante, les plateformes applicatives ne sont toutefois pas à la portée de tous. Citons par exemple Oracle (Oracle IoT), SAP (SAP AII/ SAP 4HANNA), ou plus spécifiquement des entreprises telles que Tyco (Retail Solutions) ou Zebra (Retail solution). Ces solutions multi-fonctionnalités s’adressent, en effet, surtout aux grandes entreprises ou aux chaines de magasins. En parallèle, nous observons l’émergence de solutions plus abordables, toutefois limitées sur le plan des fonctionnalités, car principalement orientées vers la gestion d’opérations courantes (p.ex. gestion de l’inventaire, réapprovisionnement, prévention du vol). Le volet BI opérationnel n’est encore que très peu, voir pas exploité, et les possibilités d’extension sont limitées (p.ex. nouvelle fonctionnalité). Notons par exemple le cas de SML (RFID’s Clarity™ suite), ou RES (RFID Retail solution) qui se positionnent dans ce marché. 2.2 Objectifs de recherche L’objectif principal de cette recherche est donc de concevoir et développer un prototype de solution simple d’utilisation et peu coûteux pour permettre aux PE (détaillants de vêtements) de générer de l’intelligence d’affaires opérationnelle en vue d’améliorer la performance de gestion leurs opérations. Il en découle trois objectifs secondaires (i) monter un prototype magasin expérimental pour capturer en temps réel les mouvements des produits et des personnes (ii) développer un prototype de solution d’analyse des données capturées (iii) traduire les données capturées en informations utiles sous-jacentes au BI opérationnel.
4 Dans la section suivante (revue de littérature), nous revenons sur l’adoption des technologies IoT et BI dans le secteur de la vente au détail, explorons plus en détail le volet technologique de cette recherche et élaborons la notion de BI opérationnel. 3. Revue de littérature 3.1 Utilisation des technologies IdO dans le secteur de la vente au détail Dans une récente étude de Zebra (2017) dans le secteur de la vente au détail, les auteurs notent une tendance très forte en ce qui concerne l’IdO, avec 73% des gestionnaires interrogés qui se disent prêts à adopter des solutions IdO d’ici 2021. La tendance est similaire avec l’intention d’adopter des solutions d’analyse de données captées par des dispositifs IdO, avec près de 60% des répondants qui planifient un budget pour l’acquisition de telles solutions (Figure 1) Figure 1 : Tendances IdO et BI dans le secteur de la vente au détail D’autre part, des données d’une récente étude de recherche de Global Market Insights confirment cette tendance en indiquant que les détaillants misent sur les technologies BLE pour offrir du contenu numérique personnalisé dans leurs magasins. Le Marché de beacon/BLE devrait se situer autour de 25 milliards de dollars d’ici 2024 (Wadhwani, 2018). Pour ce qui est des technologies RFID, Zaino (2016) faisait un constat similaire suggérant que: «major retailers in Europe, North America and South America are embracing the technology to track and manage apparel and footwear, to improve inventory accuracy and provide customers with an omnichannel anytime, anywhere shopping experience». En effet, depuis les premières initiatives RFID dans ce secteur (p.ex. Walmart, Gerry weber, Macys, Marks & Spencer, Kaufhof companies) plusieurs grands détaillants misent sur ces technologies pour d'identifier les préférences des clients et le comportement d'achat de ces derniers (p.ex. Lululemon, Zara, Rebecca&minkoff, Decatlon, Celio, Undiz, Scalpers, Moods of Norway, Boutiques ISA, etc)2. En fait, cette adoption s’inscrit dans le continuum du virage du e- commerce, au multi-canal et à l’omni-canal avec la création de passerelles entre ces différents canaux de vente (Supply chain Magazine, 2016). D’un point de vue académique, bien que la littérature sur les technologies RFID dans le secteur de vente au détail ait connu un accroissement au cours des dernières années (Thiesse & Buckel, 2015), la plupart des auteurs documentent les implantations de RFID dans le secteur de vente 2 Tous ces cas sont documentés sur le site de RFID Journal (https://www.rfidjournal.com/apparel)
5 au détail surtout pour des activités de la gestion du stock (Fan et al., 2015; Thiesse et Buckel, 2015) et la gestion de la chaîne d’approvisionnement (Choi, 2016). Peu d’articles scientifiques portent sur la capacité des technologies RFID et BLE pour générer du BI opérationnel, et ceux dans cette situation s’intéressent surtout au volet marketing avec la proposition d’offres ciblées aux clients (p.ex. Choi et al, 2015; Chongwatpol, 2015). Cela dit, mis à part des articles de nature promotionnelle proposés par des fournisseurs technologiques, nous ne retrouvons pas d’articles sur l’implantation des technologies RFID au sein des PE, et plus spécifiquement relativement au BI opérationnel. 3.2 Technologies RFID et BLE dans un système IdO Un système RFID peut être représenté comme un système multicouche composé de tags, des lecteurs, un middleware et un système hôte (adapté de Bendavid, 2012) (Figure 2). Figure 2 : Technologies RFID et BLE dans un système IdO Dans le secteur de la vente au détail, les tags RFID (ou transpondeurs) sont principalement des tags passifs UHF (Zaino, 2016) fixés sur les vêtements pour les identifier et permettre une portée de lecture de plusieurs mètres. Différent type de lecteurs RFID équipés d’antennes intégrées ou externes seront placés stratégiquement dans des zones des magasins pour capturer la localisation des tags. Il faut, en effet noter les développements importants pour cette couche de l’infrastructure avec la commercialisation d’une game élargie de lecteurs. Par exemple, un fournisseur établi dans le secteur comme Impinj offre les lecteurs passifs UHF (i) fixes de type choke point (p.ex. utilisés pour automatiser la lecture entre certaines zones) (ii) fixes de type gestion des zones (p.ex. utilisés pour identification, la localisation, et le suivi de déplacement des objets dans un espace x, y) (iii) portables (p.ex. utilisés pour des applications en gestion d’inventaire). Les données capturées sont alors transférées à un intergiciel RFID, soit une plate- forme logicielle qui agit en tant que pont entre les composantes matérielles et les autres systèmes d’information du détaillant (ERP, POS, etc.). C’est à ce niveau là que nous retrouvons des solutions de base comme celles de SML / SML RFID’s Clarity™ suite, RES RFID/ Retail Inventory Management System (RIMS) ou des solutions plus complètes comme celle de Tyco Retail Solutions/ TrueVUE Retail Platform.
6 En complément aux solutions RFID qui permettent notamment de gérer les produits, nous retrouvons des solutions BLE qui permettent d’identifier et de suivre un dispositif mobile tel que le téléphone d’un client (fréquence de 2.4 Ghz) entre dans son rayon de communication, une connexion est établie. Le dispositif électronique (et donc le client) peut être géolocalisé dans chaque zone, en misant sur la puissance du signal reçu (Received Strengh signal ou RSSI), et ainsi connaître les mouvements de ces derniers. Un message peut être envoyé en fonction de la localisation de ces derniers, du temps passé dans une zone spécifique, etc. (Zaino, 2016). 3.3 Du BI stratégique au BI opérationnel à l’aide des technologies de l’IdO La multiplicité des technologies de capture automatique de données désormais disponibles commercialement offrent au gestionnaire des possibilités de passer du «BI traditionnel» au «BI opérationnel». À noter que par BI traditionnel, nous faisons référence à l’exploitation de données passées, qui offrent une vue historique des opérations, en vue de faire de prévisions et soutenir le processus de prise de décision tant au niveau stratégique que tactique (Christ, 2009; Elbashir et al., 2008). Dans le cadre de cet article, nous nous intéressons toutefois aux analyses basées sur des données actualisées, en temps réel, comme soutien à la prise de décision quotidienne. Ces analyses sont connues sous le nom de BI opérationnel ou plusieurs synonymes comme BI dynamique, BI temps réel, intelligence opérationnelle et analyse opérationnelle (Sarma et al., 2014). Pour reprendre l’idée de Sarma et al. (2014), le BI opérationnel est vu comme “a low level decision making information to front line managers of business for day to day business operations in addition to tactical and strategic decision making information as opposed to traditional BI”. Le tableau 1 présente une classification synthèse du BI qui est généralement divisé en trois catégories: stratégique, tactique et opérationnel (Eckerson, 2009, White, 2007; Imhoff, 2006). Tableau 1 : BI stratégique VS tactique VS BI opérationnel BI stratégique BI tactique BI opérationnel Objectif d’affaires Fournir une vue historique Effectuer des Soutenir la gestion des opérations quotidiennes ; et prévisionnelle ; analyses ; S’assurer de l’alignement de la stratégie Soutenir les décisions Soutenir les décisions opérationnelle avec l’exécution des opérations ; organisationnelles organisationnelles stratégiques (p.ex. tactiques (p.ex. Intégrer le BI avec les systèmes opérationnels nouveaux révision des processus (p.ex., prise de décision immédiate et/ou investissements) d’affaires ) automatisée) Planification Mois/années semaines/mois Jours/heure/temps réel Utilisateurs primaires Cadres supérieurs et Cadres intermédiaires Cadres intermédiaires, analystes, gérant de analystes d’affaires et analystes d’affaires plancher, opérateurs/commis Données Métriques historiques/ Métriques historiques/ Métriques «live», données en temps réel données passées données passées Cela signifie toutefois que dans une démarche de BI opérationnel le système doit fournir aux utilisateurs des informations aussitôt qu'un «événement» pertinent se produit afin qu'ils puissent réagir immédiatement et prendre des décisions appropriées. Le BI opérationnel se base ainsi sur un système de diffusion d’information en mode juste à temps, permettant le passage d’une planification statique à une planification dynamique, en temps réel, relançant l’idée de gérer l’entreprise en temps réel ; reprenant l’image classique du pilote dans un cockpit d’avion. Par ailleurs, comme le souligne le Data Warehousing Institute (TDWI, 2018), les technologies
7 de l’IdO contribuent à générer un «tsunami de données sur les opérations» qu’il ne s’agit pas simplement de collecter, mais d’utiliser pour analyser les comportements (parterns), anticiper et prédire les tendances (predictive insights). Le défi est donc de miser sur le potentiel en temps réel de cette capture de données pour développer une compréhension fine des opérations (real- time awareness) en fonction des événements (events) et agir immédiatement - au besoin. 4. Méthodologie de la recherche Dans ce projet, nous avons essentiellement travaillé au sein du Laboratoire Internet des Objets de l’École des Sciences de la Gestion de l’UQAM pour simuler un magasin de vêtements avant de concevoir et développer notre prototype de système IdO. 4.1 Approche méthodologique : Science du design (Design Science) La Science du design (design science) est une approche de recherche qui consiste à concevoir, développer, et implanter un artefact innovateur dans le but de mieux comprendre et résoudre un problème pratique, en créant de nouvelles connaissances (Hevner et Chatterjee, 2010). Dans ce projet de recherche, notre artefact est un prototype de solution de BI opérationnel qui mise sur les technologies IdO. Pour le réaliser nous avons opté pour la méthodologie Design Science Research Metodology de Peffers et al., (2007) (Figure 3). Figure 3 : Processus de recherche DSRM (Peffers et al. 2007) Les étapes 1et 2 (c.a.d problématique et objectifs) ont été présentées dans les sections en amont de cet article. L’étape 3 (Design & développement) s’est fait en deux volets : (i) environnement physique : le magasin connecté ; et (ii) l’application de BI opérationnel. Pour ce faire, nous avons suivi le processus de développement proposé dans méthode 2TUP « 2 Track Unified Process » qui tient compte (i) des requis fonctionnels et (ii) des requis techniques (Roques, 2008). Pour l’analyse des besoins fonctionnels, nous avons identifié diverses fonctionnalités de la solution envisagée (p.ex., s’authentifier, ajouter un article dans la base de données, collecter les données sur le plancher, générer des rapports). Puis, nous les avons traduites en diagramme de cas d’utilisation (interaction/séquence). Pour chacune des fonctionnalités désirées, nous avons élaboré les spécifications fonctionnelles en (i) modélisant les diagrammes de classes (p. ex. les articles essayés, les articles vendus) et (ii) les diagrammes de séquence qui décrivent l’interaction entre deux objets de deux classes.
8 Pour l’analyse des besoins techniques du magasin connecté, nous nous sommes d’abord concentrés sur les contraintes de lectures des tags RFID au sein d’un magasin (c.-à-d. performance de lecture, distance, précision des zones). Nous avons divisé l’espace en quatre zones de lecture des tags RFID pour identifier et suivre les produits (i) l’entrée/ arrière magasin (ii) le plancher de vente équipé d’étagères à vêtements (iii) une salle d’essayage (iv) un point de vente. Ceci nous a amenés à sélectionner des étiquettes RFID passives UHF ShortDipole de Smartrack et divers lecteurs RFID de Impinj Speedway R420 équipés d’antennes Laird Laird PAR90209H ou intégrés (xPortal). En plus de sa performance de lecture, le lecteur choisi venait avec une interface logicielle impinj multireader pour visualiser les lectures, ainsi qu’une librairie de code Impinj Octane SDK qui facilite l'utilisation des lecteurs et qui permet de tester rapidement diverses commandes telles que : Readtags (lire les étiquettes RFID) et ConfigureManyAntennas (configurer les antennes RFID). Pour le suivi des clients, nous avons trois zones de lecture de capteurs BLE reliés en chaîne par un câble Ethernet (i) l’entrée/ arrière magasin (ii) le plancher de vente (iii) la salle d’essayage. Nous avons utilisé la technologie de l’entreprise reelyActive sélectionnée pour (i) sa simplicité d’implantation (ii) la logique de lecture basée uniquement sur le RSSI et (iii) l’accès facile à son environnement de développement en logiciel libre (iv) l’accès intuitif à la documentation et aux librairies de code (Figure 4). Pour les besoins techniques en lien avec le volet logiciel, nous avons installé un système de gestion de base de données (SGBD) SQL server management pour stocker les données RFID collectées au laboratoire IdO. L’outil Visual Studio a aussi été utilisé pour le développement d’application. Figure 4 : design de la solution du magasin connecté
9 Les étapes 4 et 5 (démonstration et évaluation de l’artefact) qui analysent la capacité de l’artefact à résoudre le problème de départ sont présentées dans la section suivante. Ceci peut être réalisé en impliquant l’utilisation de l’artefact dans une expérimentation, une simulation, des études de cas ou toute autre activité appropriée (Peffers et al., 2007). 5. Analyse et Discussion Dans cette section, nous discutons de la manière dont un système de BI opérationnel peut être modélisé et développé. L’utilisation d’un diagramme de cas d’utilisation (Figure 5) permet de mettre en contexte les fonctionnalités envisagées (section 4.1). Dans le cadre de cet article, nous prendrons celui de «générer un rapport» sur des données en temps réel. Trois types de «rapports opérationnels » peuvent être testés (i) rapports des inventaires (ii) rapports des salles d’essayage, et (iii) rapports des articles non essayés. Pour créer les rapports, nous avons utilisé « Windows Form Application » de visual studio et le contrôle « report viewer ». Dans ce cas-ci, nous nous intéressons par exemple au rapport des salles d’essayage, en analysant les «produits (spécifiques) essayés plusieurs fois (en cabine), et jamais été vendus» ou «la durée d’essayage des produits». Si une situation «anormale» devait se produire, nous voulons que le système génère automatiquement (ou lorsque consulté) une alerte pour indiquer que le produit E280 1160 (…) D216 (numéro unique par produit) devrait être vérifié. Figure 5 : Diagramme de cas d’utilisation détaillé du cas « générer rapport » Pour Généer un rapport, sur le comportement des produits, il faut préalablement définir un inventaire de base en temps réel/quasi réel des articles dans le magasin (présence et localisation). Cela se fait par une lecture automatique des tags aux différents points de lecture. Ces données servent à compléter la base de données des articles. Dans un tel cas, il est intéressant de monter un schéma relationnel qui indique clairement le lien entre les tables. Par exemple, dans notre projet, nous avons : (i) une table habits qui contient toutes les données sur les habits à vendre dans le magasin (article_epc, article_nom, article_couleur, etc.) (ii) une table habits_disponibles qui contient les habits qui sont disponibles sur les étagères (iii) une table habits_essayes qui contient les habits détectés dans les salles d’essayage et (iv) une table habits_vendus qui contient tous les habits achetés par les clients.
10 Dans la figure 6 (haut de la figure), nous retrouvons l’output de la lecture où : (i) le premier champ présente le numéro de l’antenne de détection (ii) le deuxième champ présente le code EPC de l’article (E280 1160…D216) encodé sur le tag et (iii) le troisième champ correspond à la date et l’heure associées à la lecture du produit (08/03/2017/ 20:21:41). En ajustant le code fourni avec le SDK du lecteur RFID, nous pouvons redéfinir la fréquence et la durée de lecture (c.-à-d. 5 secondes toutes les 60 secondes) (Figure 6 – centre de la figure). Par la suite, tels que présenté à la figure 6 (bas de la figure), le développement d’une application simple permet de traiter ces données. Nous pouvons utiliser Java (ici) ou .Net pour coder l’application: (i) nettoyer les outputs de lecture pour ne retenir que la zone de lecture (No d’antenne) l’article lu (Tag EPC) et le moment (Date Time); (ii) associer à chaque tag l’endroit où il a été lu (AntennasPort Number), la première apparition dans cette zone (firstseentime), la dernière fois qu’il a été vu (lastseentime); (iii) insérer les articles dans la base de données SQL en fonction des antennes où les tags sont lus (figure 6 - bas de la figure) Figure 6 : Code pour collecter automatiquement des données sur les articles
11 5.1 Développement des fonctionnalités de magasin Intelligent (p.ex. Analyse en cabine) À partir de là, toutes les données requises pour générer un rapport sur le comportement des produits sont disponibles pour les deux scénarios envisagés: (i) articles essayés, mais non vendus et (ii) durée (anormale) de l’article en salle d’essayage (Figure 5) . Il faut alors calculer ces deux variables. Nous avons utilisé un «business object » comme une source de données du rapport. Comme première étape, nous avons défini une classe (class) nommée « result » dans laquelle nous retrouvons sept propriétés qui caractérisent les articles (epc, marque, nom, couleur, taille, etc.) et d’autres propriétés qui doivent être calculées (nombreessayage, dureeEssay, etc.). Il s’agit ensuite de développer du code afin qu’une requête SQL puisse être utilisée pour récupérer les enregistrements de la table des habits essayés afin de les insérer dans un tableau (DataTable) pour qu’elles soient traitées (Figures 7). Figure 7 : Code du rapport de la salle d’essayage (partie 1) Une fois cette étape est complétée, nous pouvons créer une liste d’objets « résultats » qui retourne la liste des articles ainsi que le nombre et la durée d’essayage. Cela constitue la source de données de notre rapport. Bien entendu, il faut s’assurer d’initialiser les variables utilisées pour générer le rapport. Par exemple, le nombre initial d’essayages d’un article spécifique (EPC) est de zéro. Il est incrémenté d’une unité à chaque fois que l’article est lu automatiquement. La figure 8 présente les règles d’affaires possibles pour le calcul des deux variables d’intérêts «nombre d’essayages» et «durée d’essayage». Pour parcourir le tableau « datatable », nous pouvons utiliser une boucle (Foreach) : (i) tant qu’un article est détecté à intervalle d’une minute : incrémenter sa durée totale dans la cabine ; (ii) si un article disparait de la cabine et réapparait plus tard, c’est qu’il s’agit d’un nouvel essayage : incrémenter la variable nombre d’essayage. Bien entendu, les paramètres de la règle d’affaires peuvent être ajustés en fonction des requis.
12 Figure 8 : Code du rapport de la salle d’essayage (partie 2) 5.2 Rapport de BI opérationnel soutenu par les technologies RFID La figure 9 présente un rapport de la salle d’essayage en lien avec le 1er cas d’utilisation qui indique la popularité des articles. Ceci est déterminé à partir de la capture des données générée par les tags RFID dans les salles d’essayage (c.-à-d. nombre d’essayages par article). Le gestionnaire peut ainsi identifier ces articles même s’ils ne passent pas à la caisse. Pour mettre en valeur les éléments importants, nous pouvons définir une règle d’affaires et utiliser une instruction conditionnelle (Si) qui permet de (i) colorer la barre de l’histogramme en vert si la valeur de la variable nombre d’essayage d’un article est inférieur à 6 (ii) colorer la barre de l’histogramme en rouge si la valeur de la variable nombre d’essayage d’un article est supérieur ou égal à 6. (=if(Sum(fields !NombreEssaye.Value) "6". "Green", "Red"). Le gestionnaire peut aussi utiliser plusieurs critères de sélection pour filtrer les données: la catégorie du produit, la marque, la couleur et le code EPC. À titre d’exemple, la figure 9 présente le nombre d’essayages des vestes. Nous remarquons que la veste numéro E280 (…) 1160, bleu, de la marque Maje a été essayé 7 fois en cabine. Par ailleurs, dans ce cas-ci, ces essayages multiples d’un même produit sans qu’il ne soit vendu (c.-à-d. sans être détecté par le lecteur au point de ventre) sont symptomatiques d’un problème potentiel dont il faut investiguer la cause (sali, endommagé, incomplet, etc.). Le gestionnaire peut aussi automatiser une alerte et agir aussitôt qu’un événement indésirable est signifié. L’appellation «produit intelligent» est, dans ce cas-ci, associée au fait qu’un article indique lui- même qu’il a besoin qu’on le vérifie.
13 Figure 9 : Rapport des salles d’essayage – nombre d’essayage des articles La figure 10 présente les résultats du 2e cas d’utilisation, relié au temps que les articles passent en salle d’essayage. L’idée d’un tel rapport est de voir, en tout temps, s’il y a des articles qui sont «abandonnés» dans les salles d’essayage. Comme dans les rapports précédents, le gestionnaire peut utiliser plusieurs critères de sélection pour filtrer les données. Figure 10 : Rapport des salles d’essayage – durée d’essayage des articles
14 Bien entendu, la création d’une alerte automatique pour avertir si un produit reste «trop longtemps» dans la zone des cabines d’essayage est tout à fait appropriée, plutôt que le constat à postériori. Dans le cas de notre application, l’histogramme indique en rouge, les articles lus depuis plus que 20 minutes. Grâce à cette alerte, le gestionnaire peut prendre la décision d’envoyer un commis aux salles d’essayage et rapatrier ces articles vers le plancher de vente pour améliorer le taux de disponibilités. À titre d’exemple, la figure 10 présente la durée d’essayage des blouses détectées dans les cabines. Ici, «la» blouse Fendi marron numéro E200 (…) C915 est dans la zone des salles d’essayage depuis 33 minutes et 98 secondes. 6. Conclusion Dans cet article, nous avons contribué à démystifier le concept de magasin intelligent. Pour passer de la vision à l’opérationnalisation d’un tel concept, nous avons suivi une approche de recherche appliquée en « Science du Design » et réalisé un prototype de BI opérationnel. Pour cela, nous avons d’abord misé sur une infrastructure matérielle relativement simple, composée d’un ordinateur portable de performances standards (moins de 500$US), de trois lecteurs RFID passif UHF/antennes/câbles disponibles commercialement (moins de 2000$US l’unité)3, ainsi que d’une connection réseau de type Wifi (moins de 100$) et de tags/étiquettes RFID (20 cents l’unité). Pour l’infrastrure logicielle, nous avons misé sur des ouitls de développement gratuits tels que l’environnement java et et une base de données relationnelles (SQL). Sur le plan de la maintenance, les solutions sont robustes et les nouveaux micros-logiciels (firmware optionnels) sont offerts gratuitement sur une base régulière par les fournisseurs. Le prototype de solution de BI opérationnel présenté offre actuellement diverses fonctionnalités qui misent sur l’infrastructure RFID. Notons d’abord les fonctionnalités de base comme la visibilité en temps réel sur les inventaires (quantité et localisation), ce qui aide les vendeurs à trouver rapidement les articles et améliorer l’expérience client. Pour les fonctionnalités plus avancées, notre prototype permet de fournir aux gestionnaires des informations en temps réel sur le «comportement» des produits en magasin, difficilement accessibles autrement que par l’infrastructure proposée. En se basant sur cette visibilité, les gestionnaires peuvent prendre des décisions d’affaires opérationnelles telles que (i) réapprovisionner des articles manquants sur le plancher de vente (ii) identifier des articles au comportement problématique (p.ex. produit souvent essayé, mais jamais acheté (iii) accélérer le réacheminement des items des salles d’essayage vers le plancher de vente, etc. L’exploration d’autres scénarios d’affaires possibles constitue une avenue de recherche fort intéressante pour les étudiants dans le domaine des TI et de la gestion des opérations. Ces derniers doivent toutefois tenir compte de l’évolution continue du marché avec la commercialisation de nouveaux lecteurs RFID (Handley, 2018), comme le ID ISC.ANT.U500/270-DM de Feig Electronic ou le xSpam de Impinj, il est possible de connaitre la direction dans le mouvement des articles. Plus avancé, le lecteur xArray de Impinj ou le CS-445 Series de RF Controls permet de géolocaliser les articles en misant sur des tags passifs. L’exploration de nouveaux cas d’utilisation doit tenir compte de telles innovations. Une autre perspective de recherche porte sur la conciliation des données collectées par les deux technologies RFID (pour le suivi des produits) et BLE (pour le suivi des clients). L’intégration des données des produits et des clients permettrait de pousser plus loin les analyses de BI opérationnel. Le prototype actuel propose deux vues (RFID et BLE), mais elles ne sont pas encore intégrées. La conciliation de ces vues permettrait par exemple de savoir (i) 3 Par exemple sur le site de Atlas RFID https://www.atlasrfid.com/
15 quels sont les articles qui intéressent chaque client (qui a pris quoi?) (ii) quels sont les articles essayés par quel client? (iii) quels sont les articles «abandonnés» par un client juste avant le paiement?, etc. De cette manière, les informations sur les préférences des clients ne seraient plus limitées aux données de ventes. Il serait possible de s’appuyer sur des informations recueillies tout au long du trajet de chaque client. Finalement, alors que toutes les tribunes se tournent vers l’Intelligence Artificielle (IA), il est intéressant de s’intéresser à l’ancrage de l’IdO et de l’IA. Rapelons que l’apprentissage dépend de la qualité des données collectés et traitées. L’IdO permet numériser le monde physique et «nourrir» les système d’IA avec des données de très grande qualité (p.ex. précises, granularité fine, actualisées en temps réel), jouant ainsi un rôle de complément dans la mise en place de tels environnements connectés. Références Bendavid, Y., Fosso, W. S., & Barjis, J. (2013). RFID: towards Ubiquitous Computing & the Web of Things. Journal of Theoretical and Applied Electronic Commerce Research, 8(2). III-XI Christ, U. (2009). An Architecture for Integrated Operational Business Intelligence. Paper presented at the Business, Technology, and Web (BTW). Deirdre B. (2018). Amazon’s automated grocery store will launch Monday after a year of false starts. En ligne sur: https://www.cnbc.com/2018/01/21/amazon-go-automated-grocery-store-is-poised-to-launch.html Eckerson, W. (2009). Delivering Insights with Next-Generation Analytics. https://www.microstrategy.com Elbashir, M. Z., Collier, P. A., & Davern, M. J. (2008). Measuring the effects of business intelligence systems: The relationship between business process and organizational performance. International Journal of Accounting Information Systems, 9(3), 135-153. Handley R. (2018).RFID news Roundup. Disponible en ligne sur https://www.rfidjournal.com/articles/pdf?17658, juin 2018. Hevner, A., & Chatterjee, S. (2010). Design research in information systems, theory and practice. Springer (Ed.), New York. Imhoff, C. (2006). Operational business intelligence, It’s time to expand the scope of business intelligences. Teradata Magasine. Loukil R. (2018). Comment Trial veut révolutionner la distribution au Japon avec son supermarché connecté. En ligne sur: https://www.usinenouvelle.com Peffers, K., Tuunanen, T., Rothenberger, M. A., & Chatterjee, S. (2007). A design science research methodology for information systems research. Journal of Management Information Systems, 24(2), 45-77. Roberti M. (2018). 100 Million Reasons Why Retailers Should Use RFID. RFID Journal. Disponible en ligne sur: https://www.rfidjournal.com/articles/view?17974 Roques, P. (2008). Les cahiers du programmeur UML2. Eyrolles Ed. 4 ed. Paris.TDWI (2018). Six Steps for Generating Business Value from Operational IoT Data. Data Warehousing Institute, 2018. Sarma, A. D., & Sivarama Prasad, R. (2014). Architectural Framework for Operational Business Intelligence System. International Journal of Innovation, Management and Technology, 5(4), 294-300. SML. (2016). Winning in Retail With RFID: Today and Tomorrow. SML Whipe paper. Supply chain Magazine (2016). Enquête Retail : Du click & mortar à l’omni-canal, Supply chain Magazine, No 105, Juin 2016, P.84-94 Wadhwani P. (2018). Beacon Technology Market Set to Surpass $25 Billion by 2024. RFID Journal. Disponible en ligne sur: https://www.rfidjournal.com/articles/view?17165 White, C. (2007). Who needs real-time business intelligence? Teradata Magazine. Zaino, J. (2016). Riding the Tails of Apparel Retailers. RFID Journal, Janv.2016. Zebra (2017). Reiventing Retail, 2017 Retail Vision Study. Taking retail automation and personalization to new hights. Zebra retail study.
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