Vème CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS DES PARLEMENTS EURO-MÉDITERRANÉENS
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
Vème CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS DES PARLEMENTS EURO-MÉDITERRANÉENS (Barcelone, les 25 – 26 novembre 2005) Le Partenariat euro-méditerranéen dix ans après la Déclaration de Barcelone Les aspects politiques et économiques (Rapport du Président de la Chambre des députés italienne M. Pier Ferdinando Casini) Les dix années qui se sont écoulées depuis la Déclaration de Barcelone ont témoigné de la valeur de l’institution politique qui, à l’époque, avait conduit les 15 États membres de l’Union européenne et les 12 États riverains à envisager de se réunir en un partenariat stratégique. Pour la première fois, les relations réciproques s’inscrivaient dans le cadre d’une coopération symétrique, basée sur le principe d’égalité et de la coresponsabilité. Le choix de considérer en commun le sort des peuples de la région se manifestait dans la transversalité des accords, qui comprenaient tous les domaines de la vie publique, de la politique à l’économie, de la société à la culture. Barcelone a marqué – par son unicité – un tournant dans les relations Nord-Sud, en inversant la tendance de l’eurocentrisme et en la remplaçant par une vision inclusive destinée ainsi à marquer un point de départ et non pas un point d’arrivée. Par conséquent, l’expérience acquise dans l’intégration communautaire s’est posée en tant que modèle inspirateur de la construction graduelle d’une réalité tout aussi solide et enthousiasmante. Le défi terrible du terrorisme intégriste, après le 11 septembre 2001, a frappé sans distinction aussi bien les pays européens que les pays arabes. De Madrid à Londres, de Casablanca à Amman, la stratégie de la terreur a confirmé le lien profond qui unit les rives Nord et Sud de la Méditerranée. Si une guerre de religion n’a pas éclaté – comme le prévoyait le dessein insane de l’intégrisme – c’est justement car cette conscience s’est développée grâce au climat de collaboration et de confiance réciproque instauré par la Déclaration de Barcelone. Ce n’est pas par hasard, donc, qu’on étudie actuellement l’élaboration d’un code de conduite commune de lutte contre le terrorisme. Ce résultat à lui seul représente un succès pour la politique euro-méditerranéenne. Le fait qu’à la dernière conférence ministérielle de mai dernier à Luxembourg, pour la première fois, les ministres des affaires étrangères des 35 États partenaires aient
Camera dei deputati Servizio Rapporti Internazionale adhéré par consensus au document final, réaffirme la volonté de poursuivre ensemble le chemin entrepris. Cela a été possible car la communauté euro-méditerranéenne ne se base pas seulement sur de profondes racines historiques et culturelles, mais également sur une réalité économique et sociale destinée inévitablement à s’intégrer en vertu des échanges commerciaux et des migrations. Dans une déclaration récente, le ministre de l’intérieur de mon pays a affirmé que sans la contribution de l’immigration le PIB italien serait considérablement réduit. D’autre part, 70% des exportations des pays méditerranéens ont pour destination l’Union européenne. Cependant, la première réflexion que nous inspire ce dixième anniversaire c’est que nous aurions certainement pu faire davantage. Il est généralement reconnu que la non-solution du conflit israélo-palestinien a bloqué l’évolution du Partenariat, surtout sur le versant de la sécurité internationale. C’est un fait que l’objectif indiqué à Barcelone, consistant à rédiger une Charte pour la sécurité et la stabilité de la région, n’a enregistré aucun progrès significatif. La question de la prolifération des armes de destruction massive, que la position iranienne, du reste, rend encore plus brûlante, reste ouverte. Toutefois, le retrait israélien de la bande de Gaza est un signal encourageant, accru par le sens de responsabilité que les nouveaux dirigeants palestiniens manifestent. Il serait insensé de céder à l’optimisme facile, mais il est vrai qu’aujourd’hui, bien plus qu’hier, le Partenariat euro-méditerranéen se confirme comme étant le forum où les deux parties se retrouvent dans un contexte multilatéral pouvant influencer de manière positive le dialogue réciproque. C’est une occasion que l’Union européenne, notamment, ne devrait pas laisser passer grâce aux relations privilégiées instaurées avec les deux parties. Il suffit de rappeler qu’aussi bien Israël que l’Autorité palestinienne ont déjà signé – avec la Jordanie, le Maroc et la Tunisie – les Plans d’action prévus par la nouvelle politique européenne de voisinage. D’autres facteurs de tension traversent la rive Sud de la Méditerranée, ils sont hélas dus à un encore faible sentiment d’intégration régionale que le Partenariat euro- méditerranéen aurait dû inspirer, justement, à partir de l’exemple européen. La Méditerranée conditionne fortement la sécurité internationale, aujourd’hui plus qu’hier. Cette responsabilité pèse sur les classes dirigeantes aussi bien des pays de l’Union européenne que des pays partenaires, mais elle met en cause la communauté internationale tout entière. Dans cette optique, l’Europe doit jouer également la carte transatlantique, en impliquant les États-Unis et en évitant les dérives alternatives à cette relation qui parfois resurgissent en son sein. Toutefois, il est certain que plus l’Europe saura devenir un sujet unitaire de politique étrangère et de défense, plus elle sera en mesure de contribuer à la pacification de la région méditerranéenne. Le temps d’arrêt du processus constituant est donc une grave hypothèque également du point de vue euro-méditerranéen. La création de l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne, lancée par la Présidence italienne de l’Union européenne en 2003, a suscité de grands espoirs. 2
Camera dei deputati Servizio Rapporti Internazionale C’était le résultat d’un processus entamé par les Parlements nationaux et par le Parlement européen immédiatement après la signature de la Déclaration de Barcelone. Je rappelle que dès 1996, les Présidents des Parlements euro- méditerranéens se réunissaient à Palerme, alors qu’en 1998 se tenait à Bruxelles la première session du Forum parlementaire euro-méditerranéen. Nous sommes pleinement convaincus que la coopération parlementaire euro- méditerranéenne a été l’un des moteurs du Partenariat et pourrait être aujourd’hui en mesure d’y imprimer un tournant décisif. L’Assemblée vient de tenir à Rabat sa session extraordinaire pour le dixième anniversaire. Cette Conférence est son couronnement naturel car elle implique directement, au plus haut niveau, les institutions parlementaires de la région et, par conséquent, l’expression même de la souveraineté populaire. Rappelons également l’expérience acquise au sein du Forum euro-méditerranéen des femmes parlementaires, qui pourrait opportunément être intégré au sein même de l’APEM. Il ne fait aucun doute que la croissance de la participation politique des femmes doit être un objectif pour les pays partenaires, conformément à un développement législatif plus général de la condition des femmes. D’autre part, dans mon pays aussi les femmes sont faiblement représentées en politique. Il s’agit d’un appauvrissement de la politique, puisque les femmes savent souvent interpréter, mieux que les hommes, les raisons de la modération, du pragmatisme et de la cohabitation pacifique. La centralité de la région méditerranéenne sur le plan international a été mise en exergue, au cours de cette dernière décennie, par l’intérêt que lui ont voué également d’autres importantes organisations euro-atlantiques. Je pense tout d’abord à l’OTAN qui a mis en marche, en même temps que le processus de Barcelone, le Dialogue méditerranéen, bien qu’il ne s’adresse qu’à une partie des pays riverains seulement. De même, l’OSCE a approfondi sa dimension méditerranéenne en développant la coopération avec ses pays partenaires. Dans les deux cas, une culture de la sécurité au sens global a commencé à se diffuser dans les pays de la rive Sud de la Méditerranée, une culture dictée par l’évaluation du risque commun et visant à instaurer des mesures de réforme de la défense et des mécanismes de confiance réciproque. Dans ce contexte, le dialogue politique Nord-Sud s’est enrichi d’autres forums d’échange. Toutefois, la responsabilité plus importante revient au Partenariat euro- méditerranéen et ce grâce à sa transversalité et à son inclusivité, comme le confirme l’ampleur de contenus des Accords d’association signés avec tous les pays concernés, bien que les ratifications y afférentes soient encore partiellement en cours. Comme nous le savons, ces accords représentent le canal privilégié des relations entre l’UE et chacun des pays partenaires et proposent de nouveau l’organisation triple dans le secteur politique, économique et social qui représente le caractère distinctif du processus de Barcelone. 3
Camera dei deputati Servizio Rapporti Internazionale Les Accords d’association sont en outre le principal outil pour réaliser en 2010 la zone de libre échange. Il s’agit là du secteur du Partenariat où les résultats semblent les plus tangibles. Récemment, par l’accord d’Agadir, les relations Sud-Sud également ont enfin commencé à se ramifier. Le marché commun euro- méditerranéen se rapproche davantage. Cependant, les écarts de revenu et de développement persistent et parfois même ils s’aggravent, et ne sont que partiellement compensés par l’argent que les immigrés envoient à leurs familles ; ceux-ci, à leur tour, soustraient souvent à leurs pays d’origine la main d’œuvre la plus qualifiée. L’agriculture européenne est appelée à payer un prix à cet égard, pour s’ouvrir de plus en plus à la concurrence des pays de la rive Sud. Ce sacrifice est inévitable si l’on veut donner un espoir au développement local de sociétés encore largement basées sur l’agriculture, comme le sont les sociétés riveraines de la Méditerranée. Toutefois, pour les deux rives vaut le principe que l’agriculture ne saurait être considérée une activité économique comme une autre, mais elle doit être conçue comme une composante de la culture et du paysage. Désormais, la libéralisation des marchés ne peut être différée, même dans le cadre de l’OMC. On ne peut pas prétendre des pays en voie de développement une croissance vertueuse si l’on ne les met pas en mesure d’être compétitifs. Ce n’est pas par hasard qu’à ce propos aussi une nouvelle sensibilité s’est précisée dans le domaine de la diplomatie parlementaire. En tant que nouveau président de l’Union interparlementaire, je souhaite renouveler le plus grand engagement à cet égard. Toujours sur le plan parlementaire, je crois que les Accords d’association – qui font l’objet de ratification par les Parlements – devraient continuer d’être examinés lors de leur mise en œuvre. Notre Conférence pourrait, par exemple, inviter l’Assemblée à cerner un tel mécanisme de suivi parlementaire, en nommant éventuellement un rapporteur pour chaque accord, qui pourrait également être appelé, en tant qu’observateur, à participer aux travaux des comités mixtes respectifs pour présenter ensuite son rapport à l’Assemblée plénière ou en commission. Le prochain pas en avant du Partenariat euro-méditerranéen devrait concerner la reconnaissance à part entière du rôle de l’APEM en tant qu’instance d’orientation et de contrôle par rapport à l’action intergouvernementale. Un premier signal positif est l’invitation faite à son Président de participer aux conférences ministérielles. La commission a déjà auditionné quelques commissaires et de hauts fonctionnaires européens. Cependant le moment est peut-être venu, alors que nous dressons le bilan des dix premières années d’activité, de choisir des mécanismes institutionnels périodiques et réguliers. Un autre élément important de la coopération parlementaire euro-méditerranéenne vient d’être défini en marge du Sommet mondial de Tunis sur la société de l’information. Le siège choisi – ainsi que la journée parlementaire qui s’y est déroulée – a permis de relancer la question de l’écart technologique et informatique dans lequel la rive Sud de la Méditerranée risque de s’enliser. Dans une économie 4
Camera dei deputati Servizio Rapporti Internazionale basée de plus en plus sur la connaissance et l’information, le retard scientifique de certains pays partenaires risque de se transformer en un poids insoutenable dont on pourra difficilement se débarrasser. Ce secteur, à mon avis, devrait faire l’objet d’actions prioritaires de la part des fonds communautaires qui, à vrai dire, n’ont pas visé jusqu’à présent de manière adéquate les infrastructures, autrement dit les conditions générales du développement, également en ce qui concerne les réseaux des transports. Quelques avancées supplémentaires ont été faites, mais il reste encore beaucoup à faire, sur le plan des systèmes juridiques, afin d’améliorer la garantie de la certitude du droit en ce qui concerne les investissements étrangers. À cet égard l’affectation du crédit revêt un caractère stratégique analogue. La FEMIP a eu pour résultat de mettre à disposition deux millions d’euros par an. Cependant, il ne faut perdre encore une fois l’occasion de la transformer en une véritable institution financière – bien entendu toujours reliée à la BEI – transformation qui sera mise à l’ordre du jour dans un an. Un discours à part doit être réservé au micro-crédit, à destiner aux petites entreprises et à des objectifs d’économie sociale. Le développement durable et la lutte contre la pauvreté s’entremêlent naturellement à la promotion des droits humains, civils et politiques dans le cadre de l’État de droit, du bon gouvernement et de la démocratie participative, comme le prescrivent les Accords d’association et comme l’indique la nouvelle politique de voisinage. En général, l’Union européenne est donc appelée à mobiliser les ressources financières nécessaires, permettant de respecter l’échéance déjà citée de 2010, d’où pourrait partir un cercle vertueux de paix, de stabilité et de prospérité. Le Parlement européen s’est exprimé maintes fois à cet égard, la dernière fois à Strasbourg le 27 octobre dernier, en soulignant que « pour être efficace, la politique euro- méditerranéenne doit être dotée d’un budget conforme à ses ambitions ». Les Parlements nationaux des États membres de l’Union ont la tâche d’engager leurs gouvernements respectifs à cet égard. Dix ans après Barcelone, la crédibilité du Partenariat est étroitement liée au budget également pour démentir définitivement le cliché selon lequel celui-ci aurait été subordonné de manière drastique à l’exigence supérieure de l’élargissement à l’Est de l’Union. L’élargissement de l’Union, d’ailleurs, a également concerné deux des pays autrefois partenaires, Chypre et Malte, tandis que les négociations viennent d’être entamées avec un autre pays partenaire, la Turquie, ainsi qu’avec un autre pays méditerranéen, bien qu’étranger au processus de Barcelone, la Croatie. Pour le Partenariat euro-méditerranéen même, d’ailleurs, s’esquisse un élargissement en vertu de la nouvelle position internationale assumée par la Libye et 5
Camera dei deputati Servizio Rapporti Internazionale par l’adhésion possible de la Mauritanie, où durant l’été un bouleversement politique a eu lieu qui ne semble pas toutefois rendre vaine cette aspiration. En toile de fond, se confirme politiquement et économiquement la forte demande d’Europe qui caractérise la région méditerranéenne et qui ne peut et ne doit pas rester sans réponse, dans l’optique de la coopération et de l’intégration. Un investissement incontournable doit concerner tout d’abord la visibilité du processus de Barcelone. La proclamation de 2005 Année de la Méditerranée semblerait ne pas avoir dépassé la dimension commémorative. On enregistre des avancées de quelques importants projets de communication, y compris la diffusion par satellite de programmes de télévision. Mais le Partenariat euro-méditerranéen semblerait ne pas avoir franchi le cercle des experts, quand bien même organisés dans le forum de la société civile. À mon avis, le sujet de la citoyenneté euro-méditerranéenne n’a pas jusqu’à présent été posé avec la force nécessaire, cependant il devrait représenter, en termes de liberté, la mise en pratique de l’idéal de la dénommée « communauté de destin », évoquée pour définir les liens profonds unissant les peuples des deux rives. Les Parlements peuvent être décisifs à cet égard, car ils peuvent contribuer à faire mûrir la conscience que la politique intérieure et la politique extérieure sont désormais indissolublement imbriquées dans une région comme la région euro- méditerranéenne qui représente une véritable « région-monde ». Il faut cependant chercher l’unité dans la diversité, car c’est la seule garantie du respect de l’identité de chaque individu, qui risquerait autrement d’être annulée par la débordante homologation culturelle - avant que politique et économique. Pour conclure, je voudrais récapituler quelques sujets dont nos Assemblées devraient s’occuper en priorité pour le développement du partenariat euro-méditerranéen, en promouvant l’adoption des meilleures pratiques législatives. En ce qui concerne le versant politique et celui de la sécurité, la priorité est sans doute la lutte contre le terrorisme qui passe par la ratification des Conventions ONU en la matière, l’élaboration d’un code de conduite commune, l’échange d’informations entre les Services de renseignements. Sur le versant économique et environnemental, la priorité législative concerne le cadre réglementaire nécessaire à la libéralisation des marchés et des services, ainsi que des investissements étrangers destinés à être développés par la transformation souhaitée de la FEMIP en Banque euro-méditerranéenne de développement. Quant à la protection de l’environnement, il est indispensable de promouvoir la liaison avec les projets de coopération en matière de sécurité civile et de prévention des catastrophes naturelles. 6
Vous pouvez aussi lire