Vers une définition de la transparence perçue de relation client sur les canaux digitaux - Istec

 
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Vers une définition de la transparence perçue de
         relation client sur les canaux digitaux
                                    Audrey Portes*
                     Montpellier Recherche en Management (MRM)
                       IAE Montpellier, Université de Montpellier
                               audreyportes1@gmail.com
                                 Anne-Sophie Cases
                     Montpellier Recherche en Management (MRM)
                       IAE Montpellier, Université de Montpellier
                          anne-sophie.cases@umontpellier.fr
                                     Gilles N’Goala
                     Montpellier Recherche en Management (MRM)
                      UFR AES Richter, Université de Montpellier
                              gilles.ngoala@univ-montp1.fr
*Auteur de correspondance : MRM - CC 028 - Place Eugène Bataillon - 34095
Montpellier, 06 43 59 34 92.

Résumé :
Cette recherche propose de définir le concept de transparence perçue des pratiques
relationnelles sur les canaux digitaux. Un état de l'art sur le concept a été mené et
complété par une étude qualitative exploratoire en deux temps afin de mieux
comprendre la transparence transmise et applicable par les entreprises et la
transparence perçue et attendue par les utilisateurs. Des entretiens ont été menés
avec des managers et fondateurs d’entreprises, puis, des entretiens d’utilisateurs ont
été réalisés. L’analyse de contenu a permis de spécifier les sous-dimensions de la
transparence et d’en déduire les pratiques attendues par les utilisateurs et celles
envisagées ou mises en place par les entreprises.
Mots-clef :
Transparence ; divulgation de l’information ; relation client ; digital ; parcours client
Abstract :
This research proposes to define the concept of perceived transparency in a digital
customer relationship context. A literature review was carried out and completed by an
exploratory qualitative study based on managers working in a digital field, and then
based on users. The main goal was to understand better the transparency given by
companies and the transparency expected by users. The content analysis specifies
the sub-dimensions of transparency and helps to conclude on the practices expected
by users and those considered or already implemented by companies.
Keywords:
Transparency ; information disclosure, customer relationship management ; digital ;
customer journey
Dans la sphère marketing, dans l’univers de la gestion ou à l’échelle de la société, il
existe une asymétrie d’information grandissante entre les individus et les
organisations : d’un côté, les clients, consommateurs, utilisateurs, citoyens sont de
plus en plus transparents pour les organisations (entreprises, médias, associations,
etc.), ceci d’autant plus qu’ils peuvent être aisément identifiés et « tracés » partout,
tout le temps et sur de nombreux dispositifs (« anytime, anywhere, any device »); d’un
autre côté, les outils, les pratiques et les technologies employées par les organisations
sont généralement invisibles du point de vue des utilisateurs et brillent par leur opacité
(data, algorithmes, retargeting, real-time bidding, etc.). La transformation numérique
modifie ainsi en profondeur la nature et l’équilibre des rapports sociaux. Selon une
étude AACC Customer Marketing et Toluna en 2012, 72.9% des utilisateurs trouvent
dès lors que les marques ne sont pas transparentes dans leur relation avec les
consommateurs1. Des institutions se sont emparées de ce sujet sensible, comme la
CNIL qui s’oppose à des pratiques de relation client « méconnaissant les droits et
intérêts fondamentaux des utilisateurs et portant atteinte au respect de leur vie
privée ». Mais les entreprises, bien que conscientes du problème et de la nécessité de
restaurer un rapport de confiance avec les clients, tardent à s’emparer du sujet et à
mettre en œuvre une politique claire – et transparente - en la matière.
Le point de vue des consommateurs mérite également de plus larges investigations :
l’exigence de transparence est-elle si forte ? Sur quoi désirent-ils plus de
transparence ? Les produits ? Les datas ? Les technologies ? Les tactiques
d’influence ? Les prix ? Sont-ils vraiment des « victimes » ou des « complices » dans
le développement de ces pratiques ? N’existe-t-il pas une forme de tolérance, de
fatalité ou d’indifférence à cette question ? L’objectif de cette recherche est donc de
s’interroger sur la transparence à partir des points de vue des managers et des
consommateurs. Il s’agit d’identifier les pratiques mises en place par les entreprises
en termes de transparence relationnelle sur les canaux digitaux, de découvrir les
pratiques attendues par les utilisateurs, et enfin de savoir comment signaler la
transparence aux différents utilisateurs. Cet enjeu est central car l’opacité de la
relation peut altérer non seulement les usages des technologies (désinstallation de
l’application mobile, installation de bloqueurs de publicités2, etc.) mais aussi entraîner
une véritable perte de confiance des clients et une dégradation des relations. Kang et
Hustvedt (2014) montrent notamment que la transparence a un impact sur la qualité
de la relation, sur les intentions d’achat et le bouche-à-oreille. Pour Schultz (2014)3, la
transparence est devenue aujourd'hui la nouvelle règle à respecter. Or, la pratique et
la recherche en marketing n’ont pas encore apporté toutes les réponses.
La transparence est une notion ancienne, cruciale dans la compréhension des
rapports humains et a dès lors été largement débattue dans un grand nombre de
disciplines en sciences humaines et sociales (psychologie, sociologie, économie, droit,
sciences politiques, etc.). La littérature en marketing, et plus particulièrement celle en
communication (publicité) et en marketing relationnel, a aussi fréquemment abordé
cette question. Cependant, la recherche marketing n’a souvent retenu de la
transparence qu’une vision globale et unidimensionnelle, voire binaire (transparence
vs. opacité), alors même qu’elle recouvre des réalités nuancées et multiples et
comporte différentes facettes (objectivité, exhaustivité, etc.). En outre, les quelques
études empiriques réalisées sont relativement anciennes et n’ont pas véritablement
1
  http://thinktank.aacc.fr/2012/
2
  Un internaute sur trois en France installe un bloqueur de publicité (http://lexpansion.lexpress.fr/high-tech/pres-d-un-internaute-sur-
trois-en-france-a-installe-un-bloqueur-de-pub_1772147.html)
3
  Schultz D.E. (2014), “Dead or Dying”, Marketing Insights, American Marketing Association.

                                                                                                                                           1
appréhendé les conséquences de la transformation numérique des relations clients
(big data, réseaux sociaux et communautés peer-to-peer, automatisation du CRM et
reciblage, multiplication des points de contact et relation phygitale, etc).
Dans notre monde connecté, la question de la transparence se pose aujourd’hui de
manière encore plus prégnante, les risques de dérive et de manipulation des clients
étant majeurs (N’Goala, 2015), mais elle se pose aussi de manière différente, tant les
modes d’échange et de communication sont impactés par la révolution numérique. La
question de la transparence ne renvoie plus seulement à la divulgation d’information
par l’entreprise au travers d’une campagne de communication (publicité, relations
publiques, etc.) ; dans notre ère numérique et connectée, la communication est
multiforme, multidirectionnelle, instantanée et prend la forme de conversations entre
des consommateurs, des marques et d’autres consommateurs, ce qui nécessite de
repenser la place de la transparence dans le management de la relation client.
L’objectif de cet article est donc de s’interroger sur la définition et la place de la
transparence, à la fois du point de vue des consommateurs et des managers
d’entreprises. Suite à une revue de littérature, 16 consommateurs et 12 managers /
fondateurs d’entreprises dans le digital ont été interrogés. La façon dont ils
appréhendent chacun la transparence a été étudiée à l’aide d’une analyse de contenu.
En conclusion, une discussion viendra proposer des pistes de recherche concernant
les effets de la transparence sur la relation client.
1.         La transparence pour les acteurs du marché
La transparence est abordée dans un premier temps dans une perspective de
« marché », à l’aide d’une étude de la presse managériale. Puis, dans un second
temps, un état de l’art sur le concept dans différents champs de littérature est proposé.
1.1. La transparence sous l’angle technologique et législatif
La définition du concept de transparence est liée à l’étymologie même du terme qui
renvoie au fait de rendre visibles des pratiques tout en gardant cachés les process et
technologies, ceci afin de procurer une expérience fluide aux utilisateurs. Il existe un
dilemme entre transparence/opacité des pratiques et visibilité/invisibilité des
process/technologies. En d’autres termes, pour être transparent, il s’agit de divulguer
des informations et donc d’être visible ; or le progrès technologique implique une
invisibilité des dispositifs. Par exemple, dans le « customer journey » (parcours client),
sont fusionnées des données de navigation mobile et d’achat en magasin mais aussi
des données obtenues sur PC dans l’objectif de toucher précisément l’utilisateur via
des messages ciblés du type « recommandation produit ». Ces dispositifs sont
invisibles et non transparents car le consommateur ne sait pas exactement quand,
comment et dans quel but ses données sont collectées. Il ne choisit pas non plus
quelles vont être les pratiques relationnelles qui seront ensuite mises en place à son
égard.
Au-delà de l’aspect technologique, la définition de la transparence par les acteurs du
marché reste difficile en raison d’une législation qui tarde à instaurer des normes. Du
point de vue du consommateur, la transparence est le « droit d’avoir des informations
permettant de faire des choix avisés » (CI, 2014). C’est un droit humain fondamental :
« le droit de savoir » (Birkinshaw, 2006). Toutefois, sans cadre légal clair auquel se
référer sur la récolte, l’utilisation et la diffusion des données personnelles, la

4
    Consumer International (2010), http://www.consumersinternational.org

                                                                                        2
transparence reste un concept flou pour les entreprises et chacune applique ses
propres règles, plus ou moins transparentes. Bien qu’en 2012 un groupe de travail
« Ethique et Big Data »5 ait conçu « une charte visant à garantir la qualité, la traçabilité
et la pérennité des données, tout en réduisant au maximum les risques juridiques liés
à la diffusion et à leur réutilisation »6, cela reste insuffisant (charte auto-administrée).
Récemment, différents acteurs juridiques du marché se sont investis afin de garantir
une certaine transparence. Des efforts sont réalisés par la Commission Européenne7
via le nouveau règlement européen sur la protection des données personnelles qui
entrera en application en 2018. Il est signifié que « le règlement européen repose
maintenant sur une logique de conformité, dont les acteurs sont responsables, sous le
contrôle et avec l’accompagnement du régulateur et non plus sur une notion de
« formalités préalables » (déclarations, autorisations) ». Cela implique entre autres
« un renforcement de l’obligation d’informer le consommateur de la collecte et de
l’utilisation de ses données », et surtout « l’obligation pour les entreprises d’obtenir
l’accord explicite des utilisateurs pour tout nouvel usage de la donnée ». « La
possibilité de contester la publicité ciblée générée par le recueil et le traitement de ses
données est aussi envisagée » pour 2018. D’autres garants du marché comme l’EBG
(Electronic Business Group), travaillent sur les fondamentaux éthiques de l’utilisation
des données et la gestion du bon ratio « give-to-get ». L’IAB (Interactive Advertising
Bureau) et l’UDA (Union Des Annonceurs) commencent aussi à s’intéresser à ces
problématiques de transparence. Certaines démarches sectorielles sont à mentionner
comme les syndicats du mobile ou de l’affiliation qui se sont emparés du sujet en
tentant d’instaurer des pratiques de transparence homogènes pour leurs adhérents.
Au niveau international, de récentes évolutions règlementaires sont à prendre en
compte comme l’invalidation du « Safe Harbor » et le « Privacy shield »8 qui
permettaient le transfert des données personnelles de citoyens européens vers les
USA.
1.2. Etat de l’art sur la transparence
Le cadre législatif tarde à mettre en place des normes homogènes pour les différents
acteurs du marché, d’où l’importance de l’instauration d’une certaine proactivité et d’un
consensus dans les pratiques marketing. En réponse à ce besoin de définition, la
transparence est étudiée à travers divers champs de littérature. Dans un premier
temps, sont analysés les différents objets dont il est question lorsque l’on parle de
transparence. Ensuite, les définitions sont recensées et analysées.
1.2.1. Les objets de la transparence
Dans la littérature, de multiples objets de la transparence sont étudiés. Le tableau 1
synthétise ceux sur lesquels une entreprise peut choisir d’être transparente en
fonction du contexte et des besoins des utilisateurs.

Tableau 1 - Objets de la transparence en sciences de gestion
Objets de la transparence       Définition des objets de la transparence                            Auteur (Date)
                             Collaborateurs, RSE, éthique, engagements                         Vaccaro and Madsen
Transparence sociale
                             responsables                                                      (2007, 2009)

5
  Groupe de travail constitué de l’Association francophone de la communication parlée (AFCP), l’Association des
professionnels pour l’économie numérique (Aproged), l’Association pour le traitement automatique des langues (ATALA) et
Cap Digital, en collaboration avec le CNRS
6
  https://halshs.archives-ouvertes.fr/hal-01026105/document
7
  https://www.cnil.fr/fr/reglement-europeen-sur-la-protection-des-donnees-ce-qui-change-pour-les-professionnels
8
  http://www.iabfrance.com/presse/communiques-de-presse/liab-france-propose-un-dialogue-dans-la-duree-avec-la-cnil-
pour

                                                                                                                          3
Nielsen et Madsen
Transparence financière   Chiffre d’affaires, investissements, fiscalité    (2009)
                                                                            Hofstede (2003), Van
                          Origine, conception, composition, supply chain,
Transparence produit                                                        Dijk, Duysters et
                          traçabilité et suivi, qualité, stocks             Beulens (2003)
                                                                            Dapko (2012),
                                                                            Christensen (2002),
Transparence de                                                             Murphy et al (2007),
                          Siège social, historique, évolution, management   Pirson et Maholtra
l’entreprise
                                                                            (2007, 2008),
                                                                            Granados et al. (2005)
Transparence du prix      Marges, fixation du prix, marges des
                                                                            Natter et Spann (2009),
                          intermédiaires, coûts de production et de         Zhu (2004)
                          distribution
                          Récolte, utilisation et diffusion des données,    Vaccaro (2006), Awad
Transparence des data
                          protection et sécurisation des données            et Krishnan (2006)
                                                                            Tapscott et Ticoll
                          Livraison, prises de contact, service client,     (2003), Eggert et Helm
Transparence de la                                                          (2003),
                          parcours client, bénéfices obtenus, programme     Thompson (2007),
relation client
                          de fidélité                                       Vaccaro et Madsen
                                                                            (2009)

Sept grands objets de la transparence sont identifiés. Il est question de transparence
de l’entreprise, de ses produits et de sa politique de prix, mais aussi de transparence
sociale et de transparence des datas ou de relation client. L’intérêt pour les objets de
la transparence a évolué. La transparence concernant l’entreprise et sa politique de
vente n’est plus l’objet central en comparaison à l’importance de la transparence
sociale suite à l’ampleur de scandales éthiques comme par exemple celui du Rana
Plaza, usine de travailleurs exploités des magasins H&M. Avec l’évolution des
technologies et des process devenus invisibles, la transparence liée aux datas est un
objet de recherche de plus en plus fréquent, souvent traité dans le domaine de la
Privacy. Enfin, même si la transparence de la relation client est abordée par quelques
auteurs, elle reste peu étudiée en ce qui concerne les pratiques relationnelles sur les
canaux digitaux, or c’est une notion revendiquée par les utilisateurs qui souhaitent
reprendre le contrôle de la relation.
Nous proposons dans un premier temps de répertorier les définitions de la
transparence données dans les différents champs de littérature en sciences de
gestion, de discuter du bien-fondé de ces dernières et de comprendre les facettes
identifiées par les auteurs.
1.2.2. Définitions de la transparence en sciences de gestion
Bien que tous les champs de littérature étudiés apportent des précisions
considérables à la définition de la transparence, c’est l’angle psychologique qui permet
de mieux comprendre l’origine de la transparence. En effet, le besoin de transparence
est déterminé par la propension à accepter une relative utilisation de ses données
personnelles en fonction des bénéfices obtenus. Cette évaluation est très subjective et
dépend des individus. Divers travaux sur la Privacy (vie privée) étudient la propension
à accepter une utilisation de ses données privées en contrepartie d’avantages. En ce
sens, Hérault et Belvaux (2014) se demandent si certains bénéfices (utilitaires ou
hédoniques) peuvent compenser l’absence de contrôle des utilisateurs sur leurs
informations personnelles dans le cadre de la géolocalisation mobile.
Une revue de littérature approfondie a été réalisée afin d’identifier les facettes de la
transparence abordées dans les différents domaines (cf. le tableau 2).

                                                                                                     4
Tableau 2 – Revue de littérature sur la transparence (adapté et complété de Dapko, 2012)

                                                                                             Facette identifiée
        Source                                        Définition
                                                                                            de la transparence
                                                  Sens commun

                            « Libre de prétexte ou de tromperie »
                                                                                            Ne pas manipuler
Dictionnaire Miriam-        « Facilement détectée ou voir à travers »
                                                                                            Rendre visible
Webster                      « Caractérisée par la visibilité et l'accessibilité de
                                                                                            Rendre accessible
                            l'information»

                                              En sciences politiques
                            La transparence est le fait que l'information disponible soit   Faciliter la
Larsson (1998)
                            « simple »                                                      compréhension
                            Permettre aux citoyens de recueillir des informations sur
Florini (2007)                                                                              Rendre accessible
                            les politiques et leurs gouvernements
                                    En communication / relations publiques
                            Un processus qui implique non seulement la disponibilité
                                                                                            Rendre visible
Cotterrell (2000)           de l’information, mais aussi la participation active dans
                                                                                            Permettre la
                            l’acquisition, la distribution et la création de
                                                                                            participation
                            connaissances
                            La tentative délibérée de mettre à disposition toutes les       Être neutre
                            informations légalement diffusables - qu'elle soit positive     Diffuser de
Rawlins (2009)              ou négative- d'une manière qui est exacte, opportune,           l’information
                            équilibrée, et sans équivoque, dans le but d'accroître la       Faciliter la
                            capacité de raisonnement des consommateurs                      compréhension
                                            En système d’information
Tapscott et Ticoll
                            L’accessibilité de l’information                                Rendre accessible
(2003)
                                                                                            Rendre visible
                            Rrendre explicite et disponible des informations qui
Turilli et Floridi (2009)                                                                   Faciliter la
                            pourront être utilisées pour un processus de décision
                                                                                            compréhension
Vaccaro (2006)
                            Degré d’exhaustivité des informations fournies par chaque
Vaccaro et Madsen                                                                           Rendre visible
                            entreprise sur le marché
(2006; 2009a)
                                                                                            Contextualiser
                            La transparence implique que l'information soit divulguée
Grimmelikhuijsen                                                                            l’information
                            en temps opportun et présentée dans un format
(2011)                                                                                      Faciliter la
                            compréhensible
                                                                                            compréhension
                                          En comptabilité et finance
Nielsen et Madsen           Les informations fournies aux parties prenantes doivent         Faciliter la
(2009)                      être comparables                                                comparaison
                            La transparence c’est la divulgation complète
GRI (2009)                  d’informations sur les sujets et indicateurs permettant de      Rendre visible
                            prendre une décision
                                                En management
                                                                                            Clarté de la
Drew et Nyerges
                            Clarté de l'information                                         divulgation de
(2004)
                                                                                            l’information
                                                                                            Faciliter la
                            Mesure dans laquelle une entreprise explique ses
Pirson et Malhotra                                                                          compréhension
                            décisions aux parties prenantes, admet ses erreurs, et
(2007, 2008)                                                                                Assumer ses
                            partage ouvertement toutes les informations pertinentes
                                                                                            erreurs
                                              En sciences sociales
                            La transparence sera rapidement liée à la capacité des
                                                                                            Permettre la
Thompson (2007)             entreprises à utiliser des technologies basées sur Internet,
                                                                                            participation
                            telles que les blogs et les sites collaboratifs
                                          En marketing (managérial)
                                                                                            Dire la vérité
CI report (2006)            La transparence est liée à la franchise et l’ouverture          Avoir un esprit
                                                                                            d’ouverture
                                                                                                              5
Pertinence de la
                             Laisser le consommateur savoir ce qui est en train de se
                                                                                              divulgation de
McKay (2008)                 dérouler en prodiguant des informations pertinentes qui
                                                                                              l’information
                             soient facilement accessibles
                                                                                              Rendre accessible
                                                                                              Avoir un esprit
                             Être ouvert et visible, « laisser entrer la lumière », rendre    d’ouverture
Blackshaw (2008)             les éléments faciles à comprendre et ne pas avoir de             Rendre visible
                             secrets                                                          Faciliter la
                                                                                              compréhension
Association                                                                                   Accepter les
Américaine de                Accepter les feedbacks utilisateurs                              feedbacks
Marketing (2010)
                                                                                              Permettre la
AACC Customer                L’interactivité et la création d’un dialogue direct et continu   participation
                 9
Marketing (2012)             avec la marque.                                                  Permettre un
                                                                                              contact direct
                                           En marketing (académique)
                             Ne pas cacher les bonnes actions, ni les « mauvaises
                                                                                              Dire la vérité
Szwajkowski (2000)           actions ». C’est « briller » dans n’importe quelle situation
                                                                                              Être neutre
                             et agir « proprement »
                             La perception de la transparence dépend la qualité des           Pertinence de la
                             données (pertinence, précision, quantité, fiabilité, diffusion   divulgation de
                             au moment opportun et le fait que les données soient             l’information
                             factuelles), de la qualité du format (lisibilité) et de la       Contextualisation
Hofstede (2003)              qualité du sens des informations (logique de l’information)      Rendre accessible
                             Mesure dans laquelle tous les acteurs ont une
                                                                                              Rendre accessible
                             compréhension commune et un accès à l'information
                                                                                              Ne pas manipuler
                             relative au produit qui les intéresse ; cela sans perte, sans
                                                                                              Contextualisation
                             « bruit », sans retard et sans distorsion
Prahalad et                                                                                   Permettre le
                             Dialogue avec les parties prenantes
Ramaswamy (2004)                                                                              dialogue
                                                                                              Avoir un esprit
                                                                                              d’ouverture
Lazarus et McManus           L’ouverture, la franchise, la libre circulation de
                                                                                              Dire la vérité
(2006)                       l'information et le dialogue avec les parties prenantes
                                                                                              Permettre le
                                                                                              dialogue
                                                                                              Clarté de la
                                                                                              divulgation de
Murphy, Lazniak et
                             L’ouverture et c’est la clarté de la communication               l’information
Wood (2007)
                                                                                              Avoir un esprit
                                                                                              d’ouverture
                                                                                              Avoir un esprit
                                                                                              d’ouverture
                              « Être ouvert » avec les différentes parties prenantes :
                                                                                              Permettre le
                             ouvert aux commentaires, être franc et sincère, ne pas
                                                                                              dialogue
Dapko (2012)                 cacher des informations pertinentes, être honnête, fournir
                                                                                              Rendre accessible
                             un accès à l'information et communiquer clairement, dans
                                                                                              Clarté de la
                             un format et un langage appropriés pour le public
                                                                                              divulgation de
                                                                                              l’information
Liu, Eisingerich, Auh et                                                                      Rendre accessible
                             L’accessibilité et l’objectivité des informations
al. (2015)                                                                                    Être neutre

 Le concept de transparence est mobilisé dans de nombreux domaines, pas seulement
 en marketing. Le sens global et commun du concept reste consistant en fonction des
 domaines de recherche, toutefois les facettes sur lesquelles les définitions s’appuient
 diffèrent. En communication et sciences politiques, les définitions sont focalisées sur
 la divulgation de l’information et sa clarté. Toujours en communication, la facette qui

 9
     http://thinktank.aacc.fr/2012/

                                                                                                               6
semble particulièrement importante est l’objectivité de l’entreprise. En systèmes
d’information, il est plutôt question d’accessibilité de l’information et de compréhension
de l’information. En comptabilité / finances et en sciences politiques, un focus est
réalisé sur le fait de faciliter la compréhension des informations en permettant la
comparaison par exemple. En marketing, Liu et al. (2015) donnent une définition
récente de la transparence en parlant d’accessibilité et d’objectivité des informations.
Ces deux éléments, limpidité et objectivité, sont caractéristiques de l’ensemble des
définitions données jusque-là au concept (Szwajkowski, 2000 ; Hofstede, 2003 ;
Eggert et Helm, 2003). Toutefois, les auteurs ne donnent aucune importance à
l’utilisateur dans cette définition, ce qui semble très réducteur à l’heure où la
communication est dynamique, réciproque et où la voix des utilisateurs se fait
largement entendre via les réseaux sociaux. L’apport des sciences sociales et de
certaines recherches en communication est alors central puisqu’elles abordent la
transparence via la participation des utilisateurs. Dans le domaine du marketing,
Prahalad et Ramaswamy (2004) ont commencé à intégrer l’utilisateur dans la
définition en mentionnant que la transparence était liée à un dialogue entre les parties
prenantes. Certains auteurs se sont ensuite attachés à définir la transparence sous
l’angle de la réciprocité en exposant une facette nommée « ouverture » (Murphy,
Lazniak et Wood, 2007 ; Dapko, 2012). La revue de littérature permet d’affiner la
définition du concept en fonction de facettes identifiées dans les divers domaines
étudiés. Toutefois, les points de vue ne convergent pas vers une définition globale et
unique. Jusqu’ici, aucune définition n’inclut à la fois les notions de limpidité de
l’information, d’objectivité et d’"ouverture" de la part d’une entreprise.
Par ailleurs, d’autres concepts sont parfois assimilés à la transparence comme la
manipulation. Hofstede (2003), s’est intéressé au lien entre transparence et
manipulation en indiquant que la transparence pouvait être un moyen de manipuler les
individus. La transparence peut alors être vue comme un moyen ou une fin en soi :
« le fait d’être transparent signifie-t-il qu’on l’est vraiment » ? Derrière ces pratiques
transparentes et visibles, ne se cache-t-il pas un désir sous-jacent de manipuler
l’esprit des utilisateurs ? La transparence est assimilée par certains auteurs à « un
leurre, une fausse vision » (Pingeot, 2016, p.32). La transparence serait alors une
image de ce que l’on souhaite montrer et la réalité en serait alors modifiée. Or, nous
avons identifié dans la littérature que la transparence n’est pas seulement le fait de
divulguer de l’information, deux autres facettes viennent appuyer cette première
dimension et permettent donc de distinguer la transparence de la manipulation. La
divulgation d’informations doit être appuyée par un caractère objectif et une disposition
à l’ouverture. De la même façon, le fait de définir la transparence seulement par le
terme « clarté », comme il apparaît souvent dans la littérature, n’est pas représentatif
de ce qu’est réellement la transparence. Comme énoncé plus tôt, d’autres éléments
de définitions sont indissociables.
Enfin, la transparence est souvent assimilée à l’honnêteté. Toutefois, d’après Dapko
(2012), l’honnêteté est une conséquence de la transparence. L’honnêteté reflète la
véritable opinion de l'expéditeur du message (Pechmann, 1992). Les deux concepts
sont différents puisque d’après Plaisance (2007), il est possible d’être transparent
sans forcément dire toute la vérité. De la même façon, la transparence est parfois
assimilée à l’intégrité de l’entreprise. Palanski et Yammarino (2007) définissent
l’intégrité comme la cohérence entre les promesses faites et les promesses réellement
tenues. Ce qui n’est pas un élément de définition intrinsèque au concept de
transparence.
Cet état de l’art a permis de s’interroger sur la définition du concept de transparence.
Celui-ci n’a jamais bénéficié d’une définition claire et applicable au marketing.
                                                                                        7
MacKenzie (2003) indique que les définitions de la transparence publiées jusque-là ne
sont pas « concrètes et rigoureuses ». Différents points de vue s’affrontent, ce qui
enlève de la clarté aux définitions. L’étude qualitative va permettre de mieux clarifier
les facettes de ce concept aux contours mal définis.

2. Méthodologie et résultats
2.1. Méthodologie
Afin d’explorer le concept de transparence et de caractériser ses facettes, une étude
qualitative qui appréhende à la fois les perceptions des utilisateurs et des
professionnels a été réalisée. La première phase de l’étude a été réalisée avec 12
professionnels : fondateurs de start-ups, directeurs expérience client ou cross-canal,
... La seconde partie de l’étude a été menée auprès de 16 utilisateurs.

Tableau 3 - Profils des professionnels interrogés pour l’étude qualitative
               Entreprise                      Fonction                 Durée            Média
1           Agence Cibleweb                       CEO                   38 min       Face à face
2              Mobi-Rider                 CEO et Co-fondateur           40 min       Téléphone
3              Publicis ETO                Directeur Général            30 min       Téléphone
4                Amazon              Responsable expérience client       1h15        Téléphone
5                 Célio                   Directeur cross-canal         59 min       Téléphone
6              L'oréal Luxe           Responsable Digital Europe        35 min       Téléphone
7                Weblib                    Fondateur et CEO              1h18        Face à face
8        Orange Business Services       Vice-Président Big Data         53 min       Téléphone
9             Synox Group             Président Directeur Général        1h01        Téléphone
10             SNCF - TER            Chef de projet digital et mobile    1h02        Face à face
11           Cogmetrix (USA)               Fondateur et CEO             47 min       Face à face
12             Royal Canin                Global CRM Manager            42 min       Téléphone

Tableau 4 – Profils des utilisateurs interrogés pour l’étude qualitative
              Prénom           Âge               Fonction               Niveau d’étude      Durée     Media

     1         Fabien          24         Jeune diplômé Master              Bac +5         59 min   Face à face
     2         Sophie          53             Mère au foyer                 Bac +2          1h06    Face à face
     3          Paul           73                Retraité
16        Laure        47          Auto-entrepreneur                Bac         37 min    Face à face

      Ces entretiens ont été intégralement retranscrits. Après une lecture flottante des
      données recueillies, une analyse à la fois horizontale et verticale des entretiens a été
      menée grâce à une analyse de contenu. Une première lecture, a permis d’identifier
      des catégories de verbatims composées de plusieurs thèmes et sous-thèmes en
      rapport avec l’objet exploratoire de la recherche. Parmi toutes les catégories et sous-
      catégories identifiées, une réduction a ensuite été faite en se redirigeant vers des
      éléments de littérature. Les entretiens ont permis de vérifier l’existence des
      dimensions identifiées dans la littérature puis de préciser les sous-dimensions de la
      transparence.

      2.2. Résultats
      La phase qualitative permet de confronter les dimensions issues de l’état de l’art
      préalablement présenté dans l’article avec la réalité du terrain, et de les affiner dans le
      contexte de la relation client abordée sous l’angle des canaux digitaux. Trois
      principaux résultats sont issus de notre étude qualitative. Le premier résultat fait état
      des pratiques de relation client qui manquent de transparence du point de vue
      utilisateur. Il s’agit de répondre à la question « dans quelles situations se pose le
      problème de la transparence ? ». Le second résultat nous permet de déduire les
      perceptions que peuvent engendrer ces pratiques non-transparentes. Nous répondons
      à la question « pourquoi se pose la question de la transparence de la relation client
      dans un contexte digital ? ». Enfin, le troisième résultat de notre étude qualitative
      répond à la question « qu’est-ce que cela signifie quand on parle de transparence ? »

      2.2.1. Pratiques non-transparentes et perceptions négatives chez les
              utilisateurs
      Un manque de transparence est perçu par les utilisateurs, cela en raison de la
      complexité du marché puisque les devices et les moyens de contacter les utilisateurs
      sont nombreux, variés et invisibles. Certaines pratiques de relation client, plus que
      d’autres, sont sources de perceptions négatives pour les utilisateurs. Ces situations
      rémanentes ont été identifiées dans le discours des utilisateurs. Les perceptions
      négatives qui en découlent ont été ajoutées dans un même tableau, ceci afin de
      comprendre quand et pourquoi se pose la question de la transparence. Il s’agit de
      s’intéresser aux perceptions négatives pouvant être engendrées dans telle ou telle
      situation de relation client afin de savoir comment y répondre.
      Tableau 5. Pratiques de relation client digitales manquant de transparence et impact sur les
      perceptions utilisateurs

                                                                   Perceptions négatives face à un manque de
Pratiques de relation client manquant de transparence
                                                                                   transparence
Utilisation des données                                       Suspicion
« Pour moi, sous couvert d’aider, de ne pas déranger    un    « Clairement c’est suspicieux. Car moi je sais que les
client, il y a quand même un objectif de rentabilité,   de    données sont récupérées mais je ne sais pas ce que
chiffre d’affaires, c’est une entreprise […] C’est       la   les entreprises en font derrière » (Quentin, 21 ans)
marchandisation de nos données, de qui on est aussi     du     Perception de non bienveillance
coup. C’est ça le problème ». (Karine, n°7, p3)               « L’entreprise récolte des données et donc forcément
                                                              elle va pouvoir les vendre au plus offrant où chercher à
                                                              déduire d’autres informations qui sont plus
                                                              personnelles. On peut faire une utilisation des données
                                                              pas forcément bienveillante ». (Fabien, 24 ans)
Fusion des données du « customer journey »                     Résignation
« Maintenant c’est rentré dans les mœurs. C’est normal        « N’importe comment, que je dise oui ou que je dise
                                                                                                               9
qu’on rentre et puis qu’on vous juge, enfin pas qu’on vous     non, mes données ils les ont […] Et après ça fait le
juge mais qu’on vous identifie d’entrée : qui vous êtes,       tour du monde ». (Paul, 73 ans)
homme ou femme. C’est normal qu’on regarde où vous
allez sur internet, qu’on sache où vous allez ». (Sophie,
n°2, p3)
Segmentation et ciblage                                         Dévalorisation
« Le consommateur peut se sentir entre guillemets fiché        « On peut être catalogué, classé comme des objets
et suivi. Et donc à partir de là, fiché, casé dans une case    par catégorie. Moi en tant qu’être humain je n’ai pas
spéciale ». (Sylvie, n°15, p4)                                 envie d’être répertoriée ». (Laure, 47 ans)
Géolocalisation                                                Perception d’intrusion dans la vie privée
« Si j’utilise une application, c’est pour faire des           « Déjà que ça m’énerve quand un employé du
recherches rapides sur des produits qu’il y a en magasin.      magasin vient me voir pour me vendre des produits
Ce n’est pas pour être spammé de pub dès que je rentre         alors si c’est pour recevoir de la pub sur mon
dans le magasin ». (Quentin, n°8, p13)                         téléphone quand je rentre dans un magasin ça va du
                                                               tout » (Quentin, n°8, p13)
Retargeting                                                    Perte de liberté
« Moi je sens quand on recherche sur internet qu’on est        « On a l’impression d’être suivi partout, d’être fliqué
quand même suivi. Je prends l’exemple des voyages. Je          […] c’est pas vraiment agréable de savoir qu’on est
fais une recherche une fois et après je reçois plein de        suivi partout ». (Philippe, n°11, p4)
promotions et pourtant je n’ai pas demandé à d’autres
opérateurs. Déjà je sens que je suis espionnée ».
(Véronique, n°14, p4)
Recommandation produits                                         Perception de manipulation
« Franchement je n’accepte pas ces pratiques où on nous        « Ce qui me dérange c’est surtout le fait de me sentir
étudie et on nous envoie des offres. Car on est tous dans      surveillée, contrôlée et de sentir qu’on veut influencer
des cases et hop « vous avez besoin de ça aujourd’hui ».       mes choix ou me pousser à avoir des besoins que je
C’est affreux, ce n’est pas du tout ce qui me fait rêver ».    n’ai pas ». (Laure, 47 ans)
(Karine, n°7, p4)
Mise en avant des avis clients                                 Perte de confiance
« Quand on va voir les conseils des gens, la moitié ou         « Pour moi c’est du blabla, Ils peuvent dire ce qu’ils
même les trois quarts sont mis par les entreprises ou par      veulent, faire ce qu’ils veulent, c’est comme le
des sites qui sont payés pour ça, pour faire de la publicité   gouvernement ». (Philippe, 44 ans)
pour faire croire que c’est de la bonne qualité, c’est tout.
Ça ne me sert à rien, je ne regarde pas ». (Paul, n°3, p7)
Prise de contact initiative entreprise                          Perte de contrôle
« Le programme rêvé ça serait que l’on puisse décider          « Actuellement je supprime tous les messages car ce
lors de l’achat, lorsque l’on passe la commande, j’aimerais    n’est pas moi qui l’ai demandé. Je ne suis pas à
savoir par quel biais je vais être recontacté, qu’est-ce qui   l’origine de tous ces messages […] Au départ je suis
va se passer ensuite […] J’aimerais plus savoir et décider     allée sur ce site c’est pour savoir des choses, après ce
quel est le programme de l’entreprise avec mes données.        n’est pas pour être sollicité en permanence par
(Nicolas, n°6, p9)                                             téléphone. Faut que ça vienne de moi sinon je n’aime
                                                               pas ». (Véronique, n°14, p10)

      Le discours des consommateurs démontre qu’il existe un réel besoin de transparence
      en grande partie car ils ont une impression globale de perte de contrôle dans diverses
      situations de relation client sur les canaux digitaux. L’ensemble de ces perceptions
      négatives sont liées à un manque de transparence des entreprises. L’intensité de ces
      perceptions varie en fonction des pratiques managériales et l’intention de
      comportement sous-jacente peut être plus ou moins forte. Par exemple, une personne
      résignée n’agira pas de la même façon qu’une personne qui perçoit une tentative de
      manipulation de la part de l’entreprise. En cherchant à identifier les situations qui
      posent problème pour le consommateur et qui engendre des perceptions négatives,
      les pratiques transparentes à mettre en place par les entreprises apparaissent comme
      plus évidentes. Nous les identifions dans les entretiens de managers et d’utilisateurs
      et nous les catégorisons en fonction de résultats d’ores et déjà obtenus dans la revue
      de littérature.

                                                                                                               10
2.2.2. Trois dimensions de la transparence
  En réponse aux perceptions négatives relevées dans les entretiens des utilisateurs,
  des pratiques jugées transparentes ont été analysées. L’étude qualitative a permis de
  vérifier l’existence des trois dimensions du concept de transparence, d’identifier les
  sous-dimensions ainsi que les pratiques attendues par les utilisateurs et envisagées
  par les entreprises (tableau 6).
  Tableau 6 – Dimensions de la transparence perçue de la relation client sur les canaux digitaux
                                     Pratiques attendues par les              Pratiques envisagées par les
Dimension       Caractérisation
                                             utilisateurs                               entreprises
                                                                           « Il y a toujours moyen de faire
                                                                           des notices de 500 pages pour
                                    « Expliciter, sans lire 40 000         expliquer ce qui se passe mais il y
                                    lignes et cacher les conditions        a toujours moyen aussi de
                                    d’utilisation dans des conditions      résumer ça en quelques points
                                    d’utilisation car personne ne les      pour que ce soit très clair.
                                    lie. Il faut synthétiser. Par          L’exemple simple qui me vient à
              Caractéristiques
                                    exemple, dans le cas du Play           l’esprit     c’est      quand      vous
              de l’information
                                    Store, quand on télécharge une         choisissez un antivirus. Si vous
              Clarté et concision
                                    application, en trois points il est    regardez, vous avez une matrice
              de la présentation
                                    dit : on récupère votre                avec dix points ou cinq points
                                    localisation, on utilise le wifi, on   avec des cases qui sont cochées
                                    utilise vos contacts puis ça           avec soit des croix soit des check-
                                    s’arrête là. On pourrait très bien     box. Donc je pense qu’il y a
                                    faire la même chose pour un site       toujours une façon sommaire de
                                    internet » (Quentin, 21 ans)           résumer de façon simple et non
                                                                           pas       simpliste »        (Entreprise
Limpidité
                                                                           Cogmetrix)
                                    « Souvent je vais en pied de           « L’idée c’est d’afficher les
                                    page sur un site car il y a des        informations dont il a besoin et de
              Accessibilité de
                                    rubriques       concernant      la     lui laisser la possibilité d’en
              l’information
                                    livraison, concernant la garantie,     consulter d’autres facilement en
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                                    informations » (Nicolas, 29 ans)       (Entreprise Amazon)
                                    « Quand on fait un achat ou une        « Ce qui est important c’est que
                                    manipulation sur un ordinateur         l’information soit contextualisée et
                                    ou un téléphone il faudrait un         cohérente par rapport à l’endroit
              Contextualisation     message « attention, souhaitez-        où se trouve le client dans son
              de l’information      vous conserver l’anonymat ou           parcours d’achat. En fonction de
              Moment de la          vos coordonnées risquent d’être        son avancée dans son achat, à la
              divulgation (temps    utilisées, cochez oui ou non»,         fin il faut qu’il ait pu être exposé à
              réel)                 une mise en garde claire et            toutes          les        informations
                                    évidente. Il ne faut pas que ce        importantes » (Entreprise Célio)
                                    soit dans un tout petit coin
                                    minuscule » (Laure, 47 ans )
                                    « Il n’y a pas très longtemps, je      « Pour moi être objectif en
                                    suis allée sur une plateforme et       diffusant des avis positifs et
                                    il y avait des avis pas super          négatifs c’est être transparent
                                    positifs et publics. J’ai trouvé       sous réserve que les avis soient
              Objectivité des
                                    que c’était bien parce-que             fiables sinon cela fausse tout »
              avis
                                    l’entreprise elle assume. Elle est     (Entreprise Mobirider)
              Assumer ses
                                    comme un être humain, elle
              erreurs
Objectivité                         n’est pas parfaite. Il y a des
                                    erreurs qui sont faites. Mais en
                                    même temps je trouve que c’est
                                    bien d’assumer » (Karine, 36
                                    ans)
              Objectivité des                                              « Target et les autres enseignes
              éléments                                                     ont préféré ne pas mettre de wi-fi
              d’information                                                car    ils   avaient   peur   du
                                                                                                               11
Faciliter la                                                 showrooming.                    C’était
            comparaison                                                  complètement contraire au besoin
                                                                         du consommateur qui voulait
                                                                         comparer les prix. Ils étaient
                                                                         frustrés et donc ils n’achetaient
                                                                         pas mais en plus ils disaient du
                                                                         mal sur Twitter» (Entreprise
                                                                         Weblib)
                                   « Le fait de mettre en relation       « On a un outil qui s’appelle
                                   des clients entre eux. J’aurais       talkie-walkie qui permet aux
                                   une meilleure image car je me         internautes de chatter entre eux.
                                   dirais « tiens cette entreprise       Quand vous êtes sur le site et
                                   elle n’a pas peur de mettre en        qu’il y a des problèmes, ça nous
            Objectivité de la      relation ses clients entre eux ».     permet d’agir et de réagir plus vite
            mise en relation       Si elle ne le fait pas ça veut dire   si notre promesse de service est
            Faciliter le partage   qu’elle a peur que le client soit     rompue. […] Ça évite aussi que
            d’informations         au courant de choses dont il          l’entreprise soit au milieu de tout
                                   aurait pas été satisfait » (Laure,    ça et qu’on lui reproche qu’elle ait
                                   47 ans)                               un avis orienté. Ça nous permet
                                                                         en tout cas de monitorer et de ne
                                                                         pas     briser     la     promesse »
                                                                         (Entreprise Célio)
                                   « Pour moi la transparence c’est      « En fait, je pense qu’il faut mettre
                                   aussi avoir un contact. Souvent,      de plus en plus de solutions
                                   et j’évite ce genre de boîtes,        disponibles quasi en temps réel,
                                   quand on va voir dans les «           24h/24 si on peut avec les
                                   nous connaitre », les contacts        consommateurs. Où que l’on soit,
                                   ne peuvent se faire que par           un consommateur doit pouvoir
                                   courriel. La transparence c’est       joindre la marque. Dès qu’il a un
            Ecoute utilisateur
                                   plus de proximité, c’est un           problème        il    doit    pouvoir
            à 360°
                                   contact,     pouvoir    contacter     communiquer avec le community
                                   l’entreprise quand on veut et         manager de la marque pour qu’il
                                   comme on veut » (Daniel, 62           l’aide à résoudre ce problème.
                                   ans)                                  Quel que soit le canal, les clients
                                                                         devraient pouvoir toucher les
                                                                         entreprises »              (Entreprise
                                                                         Mobirider)
                                                                         « Je dirais que la plus grande
                                   « La marque doit s’engager pour
                                                                         transparence c’est la bonne prise
                                   répondre. Par exemple des fois,
                                                                         en compte du besoin client et la
                                   on voit que quelqu’un se plaint
                                                                         réponse. Ça a été un peu le
                                   sur un aspect et trois mois après
                                                                         prisme des médias sociaux.
Ouverture                          il y a une plainte sur la même
            Réponse en temps                                             Aujourd’hui quand je ne suis pas
                                   chose. L’entreprise n’a pas pris
            réel / Réactivité                                            content d’une entreprise je le dis
                                   en compte la remarque, n’a pas
                                                                         plus vite sur les médias sociaux
                                   écouté. Il faut écouter et
                                                                         pour faire réagir l’entreprise que
                                   répondre. Dans un délai imparti,
                                                                         quand j’appelle son service
                                   il faut régler les problèmes »
                                                                         consommateur         »     (Entreprise
                                   (Quentin, 21 ans)
                                                                         Cibleweb)
                                   « Je trouve que les gens              « Il va falloir éduquer nos clients
                                   demandent beaucoup plus de            et leur dire « grâce à l’application
                                   transparence dans leurs achats,       Célio, vous pourrez bénéficier
                                   dans ce qu’ils achètent. Je           d’un certain nombre de services
                                   pense que si toutes les               supplémentaires»           (Entreprise
                                   entreprises jouaient le jeu, si       Célio)
            Education du
                                   elles étaient beaucoup plus
            client
                                   transparentes,       si      elles
                                   expliquaient tout ça serait
                                   mieux, car là on ne les
                                   comprend pas, on ne comprend
                                   même      pas    les    étiquettes
                                   parfois» (Véronique, 47 ans)
                                                                                                            12
Ces trois dimensions identifiées dans l’étude qualitative regroupent l’ensemble des
facettes issues de la revue de littérature. Toutefois, l’étude qualitative a permis de
préciser un certain nombre d’éléments. Tout d’abord, la contextualisation de
l’information, qui est une sous-dimension de la limpidité, est particulièrement
importante pour les utilisateurs, ce qui n’est pas abordé dans la littérature. L’objectivité
est axée non pas seulement sur le fait que l’entreprise diffuse de l’information neutre
mais c’est aussi le fait que l’entreprise permette la mise en relation entre utilisateurs,
qu’elle n’ait pas « peur » des discussions. Enfin, l’étude qualitative a permis de
préciser la dimension « ouverture » qui était caractérisée par la littérature comme une
disposition de l’entreprise. L’ouverture, c’est plus précisément avoir une écoute totale
de l’utilisateur sur les canaux qu’il préfère. C’est aussi lui répondre en temps réel et
aller à sa rencontre afin de le guider pas à pas, c’est-à-dire avoir une démarche
proactive et surtout très pédagogique dans l’explication des programmes de fidélité en
ligne par exemple.
D’autres part, en confrontant les points de vue des utilisateurs et des entreprises, nous
constatons que les utilisateurs désirent une transparence totale que les entreprises ne
peuvent leur donner. Par exemple, en ce qui concerne l’objectivité, le fait
« d’assumer » est très important pour les utilisateurs. D’après eux, cela prouve que
l’entreprise n’a rien à cacher. Pour les entreprises, proposer la mise en avant d’avis et
faciliter la comparaison ainsi que le partage d’informations permet surtout de monitorer
et de garder un contrôle sur ce qui se dit sur elle. Cela permet aussi de réduire les
frais de service client puisque ces derniers se répondent mutuellement sans
intervention du community manager. Les entreprises auraient donc tendance à utiliser
ces pratiques afin de servir leurs propres intérêts au lieu de servir en premier lieux les
intérêts des utilisateurs. Concernant la dimension « ouverture », pour les utilisateurs,
c’est le fait de pouvoir toucher l’entreprise rapidement, quand ils le veulent et par le
canal désiré. C’est la liberté qu’ils peuvent obtenir afin de contacter une entreprise.
C’est aussi le fait que l’entreprise soit disposée à toujours répondre aux demandes
rapidement et disposée à être pédagogue dans ses explications. Du point de vue des
entreprises, l’ouverture c’est entre autres « éduquer » les utilisateurs afin de leur
montrer quels sont les bénéfices qui peuvent être obtenus sans que ces derniers
n’aient de la suspicion à cet égard. L’approche est axée sur une intention sous-jacente
d’éviter d’éveiller des soupçons sur les pratiques de relation client instaurées.
L’apport de notre recherche réside dans le fait que nous étayons le discours sur la
transparence et que nous l’envisageons très précisément sur les pratiques digitales de
relation client. Nous interrogeons deux types de population : des utilisateurs pour
obtenir des perceptions liées à leur expérience, et des entreprises afin de recueillir des
pratiques transparentes applicables. Cela nous permet de percevoir des
convergences et des divergences dans les points de vue. Il apparaît clairement que
les entreprises mettent en place des pratiques si et seulement si cela va dans leur
propre intérêt à court terme. La réflexion à plus long terme concernant l’impact de la
transparence perçue sur l’engagement des utilisateurs à son égard n’est clairement
pas prise en compte. Dans notre définition de la transparence, nous intégrons
particulièrement le point de vue utilisateur ce qui n’a jamais été fait jusque-là : « Pour
un acteur du marché, être transparent c’est divulguer au bon moment des informations
claires et concises, facilement accessibles et objectives en facilitant les contacts entre
utilisateurs. C’est être ouvert à la discussion en permettant aux utilisateurs de
contacter simplement, par n’importe quel canal, l’entreprise. C’est faire sentir aux
utilisateurs qu’ils sont écoutés et qu’ils vont obtenir des réponses satisfaisantes
rapidement ».

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