VISIONS DU RÉEL ONLINE - Toutes les premières - Amazon S3
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cinebulletin.ch CB Revue suisse des professionnel.le.s du cinéma 509 | Avril - Mai 2020 Nr. 517 2019 VISIONS DU RÉEL ONLINE Toutes les premières suisses Peter mettler l'explorateur cinebulletin.ch Le cinéaste raconte son travail, sa carrière et un cinéma qu'il compare à la recherche fondamentale le rôle essentiel des fixeur·euse·s Interprètes, assistant·e·s, producteur·trice·s exécutif·ive·s, il·elle·s sont souvent invisibles Le documentaire de munich à nyon Daniel Sponsel, directeur de DOK.fest Munich, salue la manière dont la Suisse soutient les docs cinebulletin.ch
Coming soon! 2 AERER IX EL SCH DE PA ICHA PE PR IX ION: M A VOL LE LISAT PETR RÉA NARIO: SCÉ POUR LE CINÉMA SUISSE
Editorial 3 «About Endlessness» de Roy Andersson est actuellement disponible en streaming – au prix d'un billet de cinéma. #StayHomeWatchMovies Editorial Un nouveau concept est sur toutes les lèvres : le festival l’automne ou l’hiver, quand – du moins il·elle·s l’espèrent – en ligne. L’un après l’autre, les festivals du printemps sont les cinémas (et donc les autres festivals) auront repris leurs contraints d’annuler, de transformer ou de repousser leurs activités. éditions à cause de la crise du coronavirus et cherchent fré- Les distributeur·trice·s sont aussi à la recherche de solu- nétiquement une alternative. Ce n’est guère étonnant que tions en ligne, et testent de nouvelles formules en proposant les solutions viennent du net. des films qui venaient de sortir en salle. On va chercher le Visions du Réel, dont l’édition 2020 devait se dérouler public là où il se trouve : chez lui. Les cinémas eux-mêmes du 24 avril au 2 mai, aura finalement lieu en ligne, et ce à collaborent également avec des portails de streaming : les partir du 17 avril déjà. On n’envie pas le travail des organi- salles zurichoises sont présentes sur Cinefile sous les intitu- sateur·trice·s. Émilie Bujès, la directrice du festival, explique lés Riffraff On Demand ou Houdini On Demand, et les ciné- que les sections compétitives devraient être proposées de mas bâlois Kultkino proposent une sélection de films sur manière aussi exhaustive que possible sur des portails de leur propre portail myfilm.ch (à découvrir aussi: filmingo, streaming. Une sélection de la compétition internationale autre acteur de la petite niche concurrentielle du cinéma sera accessible pour un nombre de spectateur·trice·s limité d’art et d'essai, qui collabore avec le CityClub de Pully). sur Festival Scope, et une partie des films en compétition Il est fort possible que la crise remette en question cer- nationale sur le site de la RTS (voir à ce sujet notre page taines certitudes. On peut, par exemple, imaginer que la double au centre de la revue). Le jury assumera dans tous les collaboration entre cinémas, distributeur·trice·s et plate- cas son rôle et les prix seront décernés, aspect essentiel de formes de streaming demeure plus étroite à la sortie du l’événement pour les cinéastes. confinement, et que la fenêtre de six mois entre la sortie en Le festival cherche aussi des solutions en ligne pour le salle et la diffusion en VoD perde de son statut sacro-saint. versant professionnel de la manifestation. Des programmes Dans tous les cas, on ne peut que se réjouir si un plus grand comme Zoom devront permettre de retransmettre en direct, nombre de spectateur·trice·s s’habitue à regarder en ligne par exemple, les séances de pitching. Émilie Bujès raconte des films d’art et d'essai et si les différent·e·s acteur·trice·s que différentes formes de diffusion et de retransmission de la branche collaborent davantage. sont actuellement testées par différents festivals, de Thes- Pour l'instant, cependant, l'épidémie fait surtout de salonique à Zagreb en passant par Copenhague. Il est fort nombreuses victimes; les effets économiques et sociaux possible que le recours à certains de ces outils survive à sont énormes pour les indépendant·e·s et les industries. La l'épidémie. prochaine édition de Cinébulletin en traitera et les aides que Il sera intéressant de voir à quel point la nouvelle formule le gouvernement fédéral est prêt à fournir seront certaine- digitale sera appréciée de la branche. Un festival en ligne est ment plus claires. D'ici là, nous vous informons à ce sujet presque un non-sens, si l'on considère que ce sont les expé- grâce à notre site. riences partagées et les possibilités de rencontre qui font tout l’intérêt de ces manifestations. En outre, certains pro- ducteur·trice·s et distributeur·trice·s choisissent d’attendre Kathrin Halter Editorial
Derrière chaque création audiovisuelle il y a des femmes et des hommes. Nous protégeons leurs droits d’auteur. 4 Les Fonds de solidarité de la SSA et de SUISSIMAGE aident dans les situations difficiles. Gestion de droits d’auteur Coopérative suisse pour les droits pour la scène et l’audiovisuel d’auteurs d’œuvres audiovisuelles Lausanne | 021 313 44 55 Berne | 031 313 36 36 info@ssa.ch | www.ssa.ch Lausanne | 021 323 59 44 mail@suissimage.ch | www.suissimage.ch
Sommaire Impressum Sommaire 5 Cinébulletin N° 517 / Avril - Mai 2020 Revue suisse des professionnel·le·s du cinéma et de l’audiovisuel www.cinebulletin.ch #cinebulletin Editeur Association Cinébulletin Responsable de publication Lucie Bader Tél. 079 667 96 37 lucie.bader@cinebulletin.ch Rédaction (Suisse romande) Pascaline Sordet Rue du Général-Dufour 16, 1204 Genève Tél. 079 665 95 22 pascaline.sordet@cinebulletin.ch Sommaire Redaktion (Deutsche Schweiz) Kathrin Halter « Amor Fati » de Cláudia Varejão, coproduction suisse en compétition internationale à Visions du Réel. Dienerstrasse 7, 8004 Zürich Tél. 043 366 89 93 kathrin.halter@cinebulletin.ch Graphisme Éditorial International Ramon Valle #StayHomeWatchMovies / p. 3 Daniel Sponsel, directeur de DOK.fest Munich / p. 12 Traduction Kari Sulc, Arnaud Enderlin, Visions du Réel Nadja Pfeifer, Claudine Kallenberger, Interview avec Peter Mettler, cinéaste Les gens / p. 14 Barbara Sauser de l'association d'idées / p. 6 Correction Le commentaire Mathias Knauer, Virginie Rossier, Sur le terrain La nouvelle Loi sur le droit d'auteur Maryline Sordet Le rôle essentiel et sous-évalué des est en vigueur / p. 15 Régie publicitaire et encartage fixeur·euse·s et des interprètes / p. 8 Brigitte Meier Post-scriptum / p. 16 Tel. 031 313 36 39 (lu, me, je, ve) Scénario inserate@cinebulletin.ch Une expertise légale pour gérer les En ligne Abonnements et changements d’adresse conflits entre coauteur·trice·s / p. 10 Les films suisses sélectionnés Brigitte Meier Tel. 031 313 36 39 (lu, me, je, ve) à Visions du Réel / p. 18 abo@cinebulletin.ch Le portrait Abonnements online : Michele Pennetta, réalisateur / p. 11 www.cinebulletin.ch /fr_CH/abonnements Impression Saint-Paul ISSN 1018-209 Reproduction des textes autorisée uni- quement avec l’accord de l’éditeur et la citation de la source. Soutenu par : NUMÉROS DATES DE PARUTION DÉLAIS PUBLICITÉS En couverture «The End of Time» de Peter 518 Juin 15 mai 24 avril Mettler (2012), coproduit par 519 Juillet 25 juin 5 juin Maximage en Suisse et Grim- 520 Août - Septembre 31 juillet 10 juillet thorpe Film Inc. au Canada. 521 Octobre 24 septembre 4 septembre Sommaire
Visions du Réel « J’ai besoin de filtres qui me guident et d’autres qui me forcent à m’ouvrir » En amont de la masterclass qu’il donnera sur dafilms.com dans le cadre de Visions du Réel, Peter Mettler 6 parle de son processus de travail. Une « démarche exploratoire » qui lui permet de découvrir ce qu’il ignorait chercher, à la manière d’un scientifique. Par Pascaline Sordet m’a donné quelques fonds, je travaille sans pro- ducteur·trice, sans diffuseur·euse. Mon espoir est de construire une ébauche qui fonctionne et de trouver une plateforme pour la dévelop- per, afin d’intégrer d’autres réalisateur·trice·s dans le projet. Si ça ne fonctionne pas, je ferai un long métrage. Comment voyez-vous votre rôle, si d’autres réalisateur·trice·s sont impliqué·e·s dans la série ? Comme celui d’un curateur ou d’un showrunner, j’imagine. Je serai impliqué dans le montage et responsable de la cohérence du tout. Un des rares exemples de plateforme qui serait adaptée à ce projet s’intitule « Field of vision », basée aux États-Unis et menée par Charlotte Cook. Elle finance des cinéastes pour Visions du Réel réaliser des documentaires courts. Il s’agit «Petropolis: Aerial Perspectives on the Alberta Tar Sands», Peter Mettler, 2009. d’une sorte de filmothèque, soutenue par le fondateur d’eBay, Pierre Omidyar. Votre prochain projet est une série. Pourquoi commissions visualisent. Ça a très bien mar- Avez-vous l’impression qu’il est devenu plus ce format vous intéresse-t-il ? ché, aussi parce que mon film précédent, « Pic- difficile de financer ce type de projet « explo- Mon intention originelle pour « Gambling, ture of Light » (1994), avait été réalisé de cette ratoire » ? Gods and LSD » (2002) était de faire une série. manière. J’avais une preuve que mon approche J’aime les possibilités que ce format offre pour fonctionnait. Pour « The End of Time » (2012), rythmer différents sujets et enrichir les person- j’ai opté pour une méthode similaire et fait un nages d’épisode en épisode. Mais le projet a été pitch visuel d’une dizaine de minutes avec une compliqué à financer et au final, nous avons voix off. opté pour le long métrage. Quand tout le maté- riel a été réuni, le premier montage faisait 55 Quel est le pire conseil qu’on vous ait donné heures… C’était une série. pour cette étape du financement ? Quand j’ai proposé « The Top of his Head » Votre logique de travail explique-t-elle cette (1989), le dossier décrivait le film de manière quantité ? rigoureuse, mais absolument pas formatée Quand vous plongez dans le monde pour comme un scénario classique. La réaction, l’explorer, vous cherchez à construire des rela- au Canada, a été de me dire que je ne pouvais tions. C’est une autre démarche que de faire un pas utiliser ce qui s’apparentait à des notes et film à thèse avec un dossier précis. Ce proces- que je devrais lire un manuel de scénario. J’ai sus exploratoire et les découvertes auxquelles trouvé que c’était un très mauvais conseil, qui il mène sont tout à fait imprévisibles. Toute la éliminait toute ma vision du film ; j’ai donc fait différence entre la vraie vie et un dossier écrit à l’inverse. un bureau se trouve là. Et pour la série sur laquelle vous travaillez en Du coup, à quoi le dossier de financement de ce moment, comment avez-vous procédé ? « Gambling, Gods and LSD » ressemblait-il ? Pour « The Greener Grass », nous avons pré- J’avais fait beaucoup de recherches et le paré un premier dossier, présenté à CPH : DOX. dossier décrivait les thèmes qui m’intéres- Il y avait de l’intérêt mais toujours les mêmes saient. Il décrivait également, en termes pra- questions : que se passe-t-il dans l’épisode tiques, le voyage. Et puis, j’ai fait un faux scé- un, dans l’épisode deux, dans le troisième ? nario documentaire, pour la démonstration, Comme je ne voulais pas passer un an à faire en précisant très honnêtement que c’était un des recherches, j’ai simplement commencé à faux. J’ai écrit ce que j’imaginais pour que les tourner. Je possède mon matériel, un mécène «Picture of Light», Peter Mettler, 1994. Visions du Réel
Visions du Réel Quand vous avez un projet que vous pou- comme une métaphore de la séparation. Pour vez décrire dans un scénario, c’est déjà difficile. « The Greener Grass », tout est parti d’une ren- Mais dans le cas d’une approche exploratoire, il contre avec un jeune garçon. Il m’a emmené n’y a pas d’institution qui soutienne ce travail dans son village dans une jungle qui me sem- de recherche et qui ait confiance dans le fait blait être un paradis et a déclaré : « Regarde que vous allez effectivement trouver quelque comme c’est horrible de vivre ici ! » « Petro- chose. Je pense pourtant que ces œuvres qui polis » (2009) est un tout autre exemple : il 7 ne s’intéressent pas aux problématiques d’ac- n’y avait même pas de concept. Ce film est le tualité doivent être faites. résultat d’une série d’incidents. Greenpeace cherchait quelqu’un pour réaliser des images Avez-vous déjà essayé de financer vos films institutionnelles et j’ai proposé de le faire parce dans le milieu de l’art plutôt que dans celui que je faisais des recherches sur l’atmosphère. du cinéma ? Une fois dans l’hélicoptère, j’ai insisté pour Non, mais si vous avez des idées, je suis que l’opérateur ne coupe pas la caméra, qu’il preneur. suive l’image comme une musique et qu’on Peter Mettler. © DR construise une chorégraphie par le vol. Quand Vous êtes comme un·e scientifique qui ne j’ai vu les rushs, j’ai su que je pouvais en faire un sait à l’avance quels seront les résultats. film et Greenpeace a accepté. dans « Petropolis » où le son direct semble Vous reconnaissez-vous dans cette descrip- quasiment absent. tion ? A vous écouter, tout – et donc n’importe C’est un exemple intéressant. J’ai tra- Absolument. Lorsque je filmais au CERN quoi – peut devenir un sujet. Comment vous vaillé à partir des sons réels des camions et à Genève, un scientifique m’a dit que la orientez-vous ? des forages. Mais la vaste majorité des sons recherche fondamentale est composée de Sans filtres, tout est intéressant, je peux viennent de ma cuisine : l’eau qui bout, la tout ce qu’on trouve en plus de son but princi- filmer n’importe quoi. Les filtres sont une arti- machine à café, tout ce qui s’approche des pal. Si la recherche du boson de Higgs est au culation des thématiques, qui seront ensuite bruits d’une industrie. Il y a une part de nar- centre de son travail, toutes les autres décou- renforcées au montage. Dans « Gambling, ration sonore qui passe par l’hélicoptère, la vertes faites en cours de recherche sont d’égale Gods and LSD », mes filtres étaient la transcen- radio, la vapeur, les feux. L’effet général est importance pour la science. Je me reconnais dance, la peur de la mort ou encore l’illusion de celui d’une hallucination qui prendrait racine dans cette approche associative. la sécurité. Ces filtres conceptuels m’aident à dans la réalité. Visions du Réel reconnaître ce qui apparaît devant moi. Cela Comment reconnaissez-vous une idée qui dit, j’aime aussi dépasser mes frontières, ce qui ▶ Texte original: français puisse vous servir de boson de Higgs ? ne veut pas dire que je vais toujours trouver des Pour « Picture of Light », un sujet très merveilles. En avançant dans la vie et dans une concret – filmer les aurores boréales – m’a carrière artistique, on se rend compte qu’on a permis de musarder en chemin. Pour « Tecto- des tropes et des habitudes qu’on reproduit Peter Mettler est né à Toronto en 1958 nic Plates » (1992), j’ai exploré ce phénomène sans le vouloir. J’essaie donc d’avoir des filtres de parents suisses. Il étudie le cinéma au qui me guident et d’autres qui m’ouvrent. Ryerson Polytechnical Institute et tra- vaille comme chef opérateur pour Atom Quelle est la part d’intuition dans ce proces- Egoyan, Patricia Rozema et Bruce McDo- sus ? nald. Il réalise son premier long métrage, L’intuition est une chose curieuse. « The un film expérimental intituté « Scissere », Top of his Head » (1989) mettait en scène une en 1982. Son œuvre la plus célèbre est division claire entre l’intellect et l’intuition. Le la trilogie de documentaires en forme premier se trouvait dans le storytelling, la pré- de journal de voyage métaphysique : méditation, et la seconde dans les sensations, « Picture of Light » (1994), « Gambling, l’expérience. Le personnage allait et venait de Gods and LSD » (2002) et « The End of l’un à l’autre de manière très binaire. Je ne Time » (2012). Son dernier film, « Beco- vois plus les choses de cette manière. L’intui- ming Animal » (2018), prolonge sa colla- tion est informée par l’expérience, ce n’est pas boration avec la société de production de la magie, mais un lent développement de zurichoise Maximage. tropes artistiques et de réactions. L’improvisation tient une place impor- tante, notamment dans vos performances. Qu’est-ce qui vous intéresse dans cette forme ? J’ai commencé le piano à 16 ans, et faire Studio pour casting de la musique contenait cette dualité entre beni.ch l’improvisation et les pièces écrites. J’ai tou- Heinrichstr. 177 8005 Zürich jours envié les musicien·ne·s et leur capacité à beni@beni.ch | 044 271 20 77 improviser qui est si difficile à mettre en place Prix de location demi-journée CHF 300.- dans le cinéma. toute la journée CHF 400.- 7 jours CHF 2'000.- Tout les prix exkl. TVA Le son est d’ailleurs un espace d’expérimen- tation important dans votre travail, comme Visions du Réel
Documentaire Interprètes et fixeur·euse·s, le travail de l’ombre Les fixeur·euse·s sont des maillons essentiels du journalisme et du documentaire, mais que fixent-il·elle·s ? 8 Assistant·e réalisateur, guide, interprète, facilitateur·trice, il·elle porte plusieurs casquettes, pas toujours évidentes à identifier. Par Pascaline Sordet Documentaire Une image tirée de «Tinselwood», un film que Marie Voignier a réalisé au Cameroun, avec l'aide d'un assistant réalisateur du pays, Noël Pial. A la question de savoir ce qui fait les qualités Alors que 80% des fixeur·euse·s, quand La division entre documentaire de créa- d’un·e bon·ne fixeur·euse, Marie Voignier, il·elle·s travaillent avec des journalistes, rap- tion et télévision mainstream est certes artiste et cinéaste dont le dernier film « Na portent avoir corrigé des angles éditoriaux*, un peu caricaturale, mais elle souligne China » (2020) est présenté online à Visions comment leur apport créatif est-il compris et les problèmes concrets : fixeur·euse n’est du Réel via FestivalScope.com, répond en valorisé ? Comment sont-il·elle·s crédité·e·s ? pas une profession structurée. Beaucoup soulignant les différences culturelles entre La réponse varie en fonction de la démarche. d’entre eux·elles sont journalistes ou réalisa- le·a réalisateur·trice et son terrain. Lorsqu’on teur·trice·s eux·elle-mêmes et travaillent en filme dans un pays étranger, il est nécessaire Apport créatif ou pure logistique ? parallèle pour des productions étrangères. d’avoir avec soi « quelqu’un qui connaisse Dans un documentaire de création comme Eric Tassel milite pour la création « d’une bien la région, les langues et qui en même ceux de Marie Voignier, au temps long et sou- ligue internationale qui permettrait à des temps, ait déjà travaillé avec des Blanc·he·s. vent lent, « sa présence et sa personnalité, sa fixeur·euse·s talentueux·euses et éthiques de Quelqu’un qui puisse anticiper nos manques manière de s’approprier le projet, prennent se regrouper autour de valeurs communes et et nos incompétences. Quelqu’un, par une place importante dans le film ». Collabo- à des journalistes qui ont le goût d’un travail exemple, qui sait qu’il faut prévenir le chef de rateur essentiel, Noël Pial est crédité comme juste et équilibré de faire leur travail en étant gendarmerie en arrivant dans un village alors assistant réalisateur et pour les traductions sûr·e·s d’avoir un fixeur·euse qui réponde à qu’on l’ignore. » Ce personnage-clé, souvent des dialectes bakwélé, bamango et baka. leurs attentes. Des règles et des standards dans l’ombre, est à la fois une béquille et un Dans les productions télévisuelles dédiées internationaux permettraient de profession- guide aux tâches aussi variées que floues. aux médias mainstream, produites beau- naliser cette activité et de revendiquer une Plus qu’un·e simple interprète, donc, et coup plus vite, la situation est plus compli- expérience et un apport. » Ce type de clari- pour la réalisatrice, plus qu’un·e fixeur·euse quée. Eric Tassel est un Français basé entre fication permettrait aussi de définir ce que : « Au Cameroun, pour « Tinselwood » (2017), l’Espagne et la Bolivie, producteur et coordi- font et ne font pas les fixeur·euse·s : « Moi par j’avais un assistant réalisateur du coin, Noël nateur d’un réseau de fixeur·euse·s, Brama exemple, je ne suis pas très bon en traduc- Pial, qui maîtrisait trois des langues locales Production. Il travaille principalement pour tion simultanée, ce qui m’a parfois valu de parlées. C’était vraiment un assistant, il était la télévision française : « Le·a fixeur·euse a un me faire engueuler. Je ne suis pas l’interprète avec moi pour les repérages, on discutait des rôle fondamental puisqu’il·elle détient toute parfait ! » questions liées au projet pour qu’il puisse l’information. Les journalistes sont complète- l’expliquer au mieux. Il connaissait très bien le ment incapables de se débrouiller et il·elle·s La langue, enjeu de pouvoir projet. Après le tournage, il m’a aidée pour le dépendent énormément d’eux·elles. A ce La question de la langue est une des sous-titrage. C’est la personne qui est restée titre, j’ai eu parfois un rôle prépondérant dans problématiques les plus visibles – même si le plus longtemps avec moi. » Un collabora- l’écriture, or je n’apparais même pas dans le ce n’est pas la seule – parce qu’elle influe teur essentiel dont le regard compte. générique, je n’ai aucun droit. » sur la relation entre les protagonistes et le·a Documentaire
Documentaire cinéaste. L’intimité se construit en triangle et non en duo. Marie Voignier a travaillé dans 9 différents contextes : en Chine avec des immi- grées Africaines avec qui l’anglais permettait de communiquer, en Corée du Nord pour « Tourisme international » (2014), où le contact même avec la population est impossible, ou encore au Cameroun où le français est une langue chargée politiquement. « C’est tou- jours beaucoup mieux de pouvoir s’adresser directement aux gens, même si c’est mal maî- «Na China» (2020) de Marie Voignier, en compétition dans la section Burning Lights de Visions du Réel. trisé, explique la documentariste. Au Came- roun, les gens comprenaient mon français, même s’il·elle·s n’étaient pas forcément à l’aise. Je parlais et le traducteur réexpliquait la discussion. » Cela demande aux cinéastes ont souvent déjà couverts et que les médias et précisait. » Lorsque la communication est de faire un pas de côté pendant le tournage, pourraient leur acheter directement. La rela- compliquée, cela ne veut pas dire que le docu- puisqu’ils·elles ne comprennent pas ce qui se tion entre le·a fixeur·euse et le journaliste mentaire n’est pas possible. Il faut alors être dit pendant la séquence, « mais on en a parlé – et dans une certaine mesure, entre le·a attentif à la relation qui s’instaure entre le avant et on débriefe ensuite », explique sim- fixeur·euse et le·a documentariste – rejoue le sujet filmé et le·a cinéaste : « Pour moi, il n’y a plement Marie Voignier. rapport de pouvoir présent dans la langue : pas de règles, il faut veiller à ce que les condi- Dans le milieu du journalisme, le débat qui raconte des histoires et depuis quel point tions de traduction et d’explication ne ren- sur le rôle des fixeur·use·s est principalement de vue ? forcent pas une asymétrie de pouvoir, qu’il n’y anglo-saxon. Souvent journalistes eux·elles- ait pas de malentendus, alors que c’est déjà mêmes, dans des pays sous-documentés * Nieman Reports, «Fixing» the Journalist-Fixer un problème dans beaucoup de situations le reste de l’année, il·elle·s sont engagé·e·s Documentaire Relationship, 15 novembre 2017. quand on est une personne filmante. Cela par des médias étrangers en soutien d’un·e demande énormément de temps et de sensi- envoyé·e spécial·e, sur des sujets qu’il·elles·s ▶ Texte original: français bilité, mais ce n’est pas a priori impossible. » Ce que pointe la cinéaste, c’est que la langue est un enjeu politique. Elle expose qui peut et sait parler, elle renforce les rap- ports de pouvoir entre cultures subalternes et cultures coloniales, elle souligne qui vient pour prendre et qui est mis en posi- tion de donner. A travers la maîtrise de la langue, se rejoue l’équilibre fragile entre le·a filmeur·euse et le·a filmé·e : « Au Cameroun, le français est la langue du colon, la langue imposée, je voulais donc tourner au maxi- mum en langue locale. Tout le monde parle français, mais on travaille en dialecte. D’ail- leurs, si je n’étais pas là, les protagonistes par- leraient cette langue entre eux·elles. C’est une manière de leur laisser un champ libre dans The Wedding Banquet von Ang Lee Kostprobe A L I V E seit 1973 gefällig? FILMPROMOTION Jetzt Schnupperabo bestellen. Das grösste Schweizer www.filmbulletin.ch Kultur-Werbe-Netzwerk Zeitschrift Plakataushang Kulturplakatstellen Flyerverteilung Werbeaktionen für Film und Kino Alive Media AG 044 270 80 90 www.alive.ch Documentaire
Scénario Quand les coauteur·trice·s se déchirent Il existe depuis peu un conseil de médiation pour les conflits entre coauteur·trice·s de scénarios. Celui-ci intervient en cas de contentieux sur les droits d’auteur. 10 Par Kathrin Halter Il arrive souvent que des auteur·trice·s tra- tion n’y sont pas les mêmes que pour une rio a des conséquences et amène à d’autres vaillent conjointement à un scénario. Parfois, fiction. Christa Capaul n’a, par ailleurs, jamais ajustements, Christa Capaul estime possible les producteur·trice·s font appel à un·e coau- entendu parler d’un cas conflictuel dans ce de quantifier l’effet de toute nouvelle inter- teur·trice lorsqu’il·elle·s ne sont pas entiè- domaine. Ce qui est certainement dû à la qua- vention sur le script. Cela oblige à prendre rement satisfait·e·s du traitement ou d’une si-absence de travail en groupe sur ces pro- en compte les modifications de l’intrigue version de scénario. Parfois aussi, les réali- jets, dont scénario et réalisation sont souvent plus fortement que celles apportées aux sateur·trice·s livrent une version remaniée l’œuvre d’une seule et même personne. dialogues, car « les bonnes histoires ne sont du scénario, et exigent de ce fait une part des en général pas portées par les dialogues », droits d’auteur. Système de pourcentage mais sont avant tout le fruit des actions des Ces dernières années, l’ARF/FDS, la SSA et Comment les différentes versions du scé- personnages. Dans la même logique, un nou- Suissimage font face à une multiplication des nario sont-elles analysées ? Christa Capaul veau rôle principal à plus de conséquences conflits entre auteur·trice·s n’arrivant pas à et la scénariste et réalisatrice Eva Vitija ont sur l’entier de l’œuvre que l’introduction d’un se mettre d’accord sur leur apport respectif. travaillé à une série de critères, complétée personnage secondaire, et ainsi de suite. Les enjeux portent évidemment sur les hono- par les organisations faîtières. Ces critères, La pondération des critères est laissée à raires, mais aussi sur la mention et le place- sous forme de questions, servent de base l’appréciation des expert·e·s, neuf conseil- ment des noms aux génériques de début et au travail des expert·e·s : la constitution des ler·ère·s en écriture scénaristique parlant de fin. Ces associations ont reçu jusqu’à six personnages et leurs interactions sont-elles français ou allemand, pour certain·e·s aussi interpellations par année. modifiées de façon décisive ? L’intrigue ou italien et anglais. Les parties en conflit ont le Pour y répondre, les trois organisations la narration sont-elles profondément rema- droit de demander l’exclusion d’un·e expert·e ont mis en place, en collaboration avec la niées ? L’articulation de l’histoire est-elle dia- pour partialité mais pas de savoir qui jugera SSR, un service d’expertise chargé d’apporter métralement changée ? Le ton et le style du la demande. Un·e avocat·e de l’étude Fuhrer des clarifications et d’arbitrer les conflits. Des film et de l’écriture diffèrent-ils ? Marbach & Partner s’assure de la bonne Scénario expert·e·s indépendant·e·s lisent les versions La chose se complique quand on en vient marche formelle. Et oui, les coûts de la anonymisées des scénarios et rédigent un aux chiffres, car le règlement prévoit bien démarche sont réduits : 300 CHF par partie, rapport d’expertise qui servira de base lors que les expert·e·s « définissent clairement, les frais généraux étant pris en charge par les d’éventuelles négociations. Le traitement des en pourcentage » la participation à l’œuvre organisations faîtières. demandes et des expertises est assuré par le de chacune des parties. Comment faire pour bureau d’avocats Fuhrer Marbach & Partner mettre des chiffres sur l’apport créatif des dif- à Berne, ce qui doit permettre une procédure férents éléments d’un collectif ? Étant donné aussi impartiale que possible. A quoi res- que chaque changement apporté au scéna- ▶ Texte original: allemand semble cette expertise ? Les procédés créatifs sont-ils mesurables avec exactitude ? Nous avons posé la question à Christa Capaul, scé- nariste et vice-présidente de l’ARF/FDS. Pour quels cas? Le service d’expertise n’est disponible qu’en cas de conflits concernant des scéna- rios sur lesquels les auteur·trice·s ont travaillé séparément ou à la suite les un·e·s des autres, soit les cas de figure qui permettent une réelle comparaison entre deux versions. Le procédé n’est pas adapté lorsque le texte est le fruit d’un travail de groupe, ou rédigé en ping- pong par retouches alternées. Ce dernier cas de figure concerne souvent les séries, où ce mode de collaboration est courant, à moins que les auteur·rice·s ne travaillent les un·e·s après les autres. Christa Capaul se souvient d’un cas en Romandie, une série élaborée en équipe avait été expertisée sur la question des droits d’auteur. Ce travail monstre avait pris un mois entier à l’autrice principale, en qui ses collègues avaient placé leur confiance. L’expertise n’a pas vocation à se pencher sur les documentaires, les critères d’évalua- La pondération des critères est laissée à l’appréciation des expert·e·s. © Julia Joppien / unsplash Scénario
Da spettatore ad autore Di Muriel Del Don © Olga Cafiero Q uando Michele Pennetta arriva 11 alla stazione di Nyon è una giornata piovosa e capricciosa ma lui sembra non accor- gersene. Sorriso contagioso e sfavillante sciarpa colorata, il giovane regista italiano ma losannese d’adozione ci accoglie con entusiasmo nel suo mondo. Malgrado sia tornato da poco in Svizzera dopo un’intensa fase di postprodu- zione a Roma dove ha ultimato «Il mio corpo», l’energia di Pennetta sembra intatta. «Questo film rappresenta una sorta di rottura rispetto al passato, un’evoluzione tecnica ma anche un cambio per quanto riguarda la troupe che mi ha accompagnato durante le riprese» ci spiega pacatamente. In effetti, rispetto ai suoi film precedenti («‘A iucata» e «Pescatore di corpi»), il numero di collaboratori è aumentato e questo lo ha aiutato a gestire con maggiore consapevolezza gli inevitabili imprevisti ma anche il rapporto con i protagonisti che da stretto è diventato intimo e profondo. Per Michele Pennetta il cinema non esis- Michele Pennetta terebbe senza umanità. Non quella di paccot- Regista tiglia fatta di sentimenti edulcorati ma piut- tosto quella dimenticata, intensa e fragile dei suoi protagonisti. «Penso che il fatto di riuscire a penetrare in ambienti “difficili” sia un pregio che mi accompagna da sempre», ammette decisivo per la sua carriera, permettendogli di a raccontare delle storie con un minimo di dia- come se ci riflettesse per la prima volta. Il suo incontrare altri due pezzi grossi del cinema del loghi, privilegiando l’immagine rispetto alla ultimo film «Il mio corpo», ne è un’ulteriore reale: Claudio Pazienza e Jean Louis Comolli parola. Una difficoltà che si è trasformata in conferma. che lo seguiranno durante l’ultimo anno per il forza e che l’ha obbligato a percorrere strade suo film di diploma «I cani abbaiano». Grazie ai meno battute. Dalla SUPSI all’ECAL loro atelier Pennetta ammette di aver scoperto Joëlle Bertossa della ginevrina Close Up La toccante fragilità e complessità dei suoi cos’è il «vero documentario», l’importanza fon- Films, produttrice di tutti i suoi film a partire protagonisti si riflette anche nel percorso di damentale del punto di vista. da «‘A iucata», sottolinea questa sua indole formazione cinematografica di Pennetta, fatto umana e la potenza estetica dei suoi lavori: di incontri fortuiti ma decisivi, di errori che si La sensibilità dei silenzi «è sempre un piacere lavorare con Michele. È trasformano in occasioni e di viaggi in luoghi Pennetta non si accontenta di filmare i preciso nelle sue intenzioni e molto rispettoso ancora sconosciuti. Sebbene nato vicino a protagonisti dei suoi film, quello che cerca è della sua équipe e delle persone che filma. Il Luino, in un mondo decisamente lontano dagli una connessione, un contatto diretto e umano suo lavoro è delicato e sottile e una bellezza sfarzi di Cinecittà, il cinema fa comunque parte prima delle riprese. «Passo molto tempo con i fragile si sprigiona dai suoi film». del suo DNA e questo lo spinge a intraprendere protagonisti prima di girare. Nel caso di «Il mio Quali sono i suoi progetti per il futuro? degli studi prima all’Accademia di Brera dove corpo» sono stati parecchi mesi. Sto con loro Indubbiamente la selezione del suo ultimo rimane però solo sei mesi, e successivamente al quotidiano senza tirare fuori la cinepresa. lungometraggio «Il mio corpo» a Visions du réel alla SUPSI e all’ECAL. Per arrivare al grado di naturalezza che voglio rappresenta un ottimo inizio e un’occasione La SUPSI è apparsa nella sua vita come per ottenere ci lavoro molto, è molto faticoso» d’oro per far conoscere il suo lavoro. La realtà magia, mentre sfogliava uno storico giornale ci confessa, come a voler sottolineare il fatto è e rimarrà sempre il punto di partenza dei suoi di annunci di Varese. La pubblicità per le porte che il cinema del reale è fatto anche (e forse film anche se ammette di star scrivendo una aperte della scuola lo attira e spinge a tentare soprattutto) di imprevisti e perenni rimesse in finzione che si svolgerà tra l’Italia e i Balcani. la fortuna. «È stata un’esperienza bellissima, discussione. «Il mio corpo» marca la fine della sua parentesi in tre anni ho imparato molto. Era un’annata Nei film di Pennetta i personaggi sembrano siciliana ma l’Italia non ha ancora smesso di particolare la mia, anche perché capitanata da aver dimenticato completamente la cinepresa affascinarlo. Gregory Catella», ci spiega Pennetta. Gregory concedendosi allo sguardo dello spettatore Catella è stato un personaggio chiave nel suo come se non esistessero intermediari. Forse, percorso artistico, un nume tutelare che gli come ci spiega lui stesso, le difficoltà linguis- ha permesso di «capire veramente come fare tiche (arrivato a Losanna per il Master non cinema». Il Master all’ECAL è stato altrettanto parlava una parola di francese) l’hanno spinto ▶ Testo originale: italiano
Vu d'ailleurs Le point de vue de 12 Daniel Sponsel © DOK.fest München Allemagne Vous qui connaissez bien le documentaire la part d’un pays qui produit un petit volume total de films de ne pas suisse avez déclaré que les conditions de tout miser sur la fiction. Le documentaire reste, dans l’ensemble, un production helvétiques sont « paradisiaques ». genre beaucoup plus économique. Quand on est fort en documentaire, Que voulez-vous dire par là ? on peut s’imposer sur la scène internationale. J’admire depuis longtemps la valeur qu’on accorde en Suisse au cinéma documentaire. On le voit notamment au niveau des sections On se pose néanmoins régulièrement la compétitives des festivals suisses : cette année, par exemple, neuf des question en Suisse de savoir si on ne produit douze films dans la compétition principale des Journées de Soleure pas trop de films*. Faut-il faire attention à la étaient des documentaires. Pour les médias suisses, la fiction et le surproduction ? documentaire sont des genres égaux. Cette haute considération se C’est aussi un grand sujet en Allemagne. On devrait objectivement traduit par le financement généreux dont jouit le documentaire. Il est parler d’une surproduction parce que trop de films sortent dans un bien meilleur qu’en Allemagne pour des films de même catégorie – il se temps restreint, avec pour conséquence qu’ils perdent en visibilité. situe plutôt au niveau de la production allemande de pointe. Cela se Pour favoriser le succès des films, il faudrait disposer de plus de fonds reflète bien entendu sur les salaires, nettement plus élevés en Suisse pour leur promotion. Quand le marché est saturé, il se règle tout seul. qu’en Allemagne. Mais l’industrie du cinéma n’est pas excessivement subventionnée, ni en Suisse ni en Allemagne. Faites-vous allusion aux honoraires pour la réalisation ? Distinguez-vous certains penchants En Allemagne, la rémunération pour la caméra, le son ou le montage thématiques ou esthétiques dans les est fixée par des conventions. Les honoraires pour les auteur·trice·s et documentaires suisses ? les réalisateur·trice·s de longs métrages sont beaucoup plus bas que Je vois deux tendances. On trouve d’un côté des documentaires à ceux pratiqués en Suisse. Pour le formuler autrement, en Allemagne, le caractère régional, dans lesquels on parle le suisse-allemand. Ces films travail sur les documentaires est trop peu rémunéré. Notre pays croit ne sont généralement pas prévus pour une distribution internationale. pouvoir jouer dans la cour des grands dans le domaine de la fiction, Puis il y a un groupe de réalisateur·trice·s suisses comme Heidi Speco- et oublie du coup l’importance du cinéma documentaire. La presse gna, Christian Frei ou Kaspar Kasics qui s’intéressent à de grands sujets allemande ne s’intéresse aux documentaires que du moment qu’ils internationaux et qui sont connu·e·s à l’étranger. traitent d’un sujet pertinent, pas parce que ce sont des films impor- tants qui fonctionnent en salle. À quoi reconnaît-on le bon financement des Si vous comparez les documentaires suisses documentaires suisses ? Est-ce visible au avec les films allemands ou européens, quelles niveau technique, artistique ou au niveau de la sont vos observations ? production ? La Suisse met chaque année sur le marché de nombreuses grosses Ce sont des films ambitieux. En Suisse, on peut, par exemple, se productions documentaires, bien plus que l’Allemagne ou la France. permettre plus de jours de tournage. Il y a aussi plus d’argent à dis- C’est frappant notamment parce qu’au niveau de l’Europe, la Suisse position pour le développement des documentaires, pour l’écriture, est un petit producteur. On peut comparer la Suisse avec le Danemark dont on a tendance à sous-estimer l’importance. En Allemagne, on ou la Norvège, qui ont une politique similaire. C’est très intelligent de aurait besoin d’investir beaucoup plus de ce côté-là. Au moins, depuis
Vu d'ailleurs 13 quatre, ans le BKM, l’organe fédéral pour la promotion du cinéma, pré- Daniel Sponsel est le directeur artistique et admi- voit une aide au développement, même si elle est encore relativement nistratif de DOK.fest Munich. Il est né à Hambourg en 1964. Il modeste. a étudié la photographie à la Haute Ecole d’art de Hambourg (HfbK) ainsi que la réalisation de films documentaires à l’Ecole Les documentaires suisses ne sont-ils pas supérieure de cinéma et de télévision de Munich. Il est auteur, trop conventionnels du point de vue formel, réalisateur et caméraman et a signé de nombreux films docu- malgré leur excellent niveau technique ? mentaires (« Der letzte Dokumentarfilm »). Il a travaillé pour le Non (il hésite). Un documentaire doit être cohérent du point de vue département du cinéma documentaire et du journalisme télé- de son contenu et de sa forme, et il se trouve que la meilleure forme visuel de la HFF de Munich entre 2002 et 2009. Daniel Sponsel pour aborder de nombreux sujets est plutôt conventionnelle. Je trou- enseigne à la ZHdK, à la HFF Munich ainsi qu’au Drehbuchwerks- verais par exemple déplacé de vouloir que les films de Heidi Specogna, tatt München (formation d’écriture de scénarios). Il est membre tournés dans des régions en crise, présentent une forme esthétisante. de nombreux jurys. Daniel Sponsel dirige le DOK.fest Munich Mais la Suisse produit aussi des films formellement courageux, comme depuis 2009. Il a enrichi le festival des nouvelles catégories DOK. « Saudi Runaway » de Susanne Regina Meures, pour citer un exemple deutsch, DOK.guest, Retrospektive et DOK.education. En 2011, il actuel. a créé la plateforme professionnelle DOK.forum. Visions du Réel revendique la notion de DOK.fest München@Home 2020 DOK.fest Munich, rebaptisé DOK.fest München@Home 2020 « vision », soit un regard personnel ou pour l’occasion, aura lui aussi lieu exclusivement en ligne cette artistique sur la réalité. En quoi DOK.fest année pour raison de pandémie. Le festival est en pourparlers Munich se distingue-t-il de Nyon ? avec les détenteur·trice·s de droits des 159 films sélectionnés, Les différences entre nous ne sont pas énormes. Les films forts du dont beaucoup ont déjà donné leur accord pour la mise en ligne point de vue de la forme et du contenu s’imposent partout, ils passent de leur films. Mais le festival veut être plus qu’un service de dans les deux festivals. Nous leur envions un peu leur nom, même si streaming : il s’agit, en plus de films, de proposer une structure « Visions du Réel » ne fonctionne vraiment qu’en français. Nous avons et un programme cadre dans l’idée de créer une «ambiance vir- un peu de mal avec le terme « film documentaire », parce que les gens tuelle de festival», comme l'explique le directeur Daniel Sponsel. pensent plus à de la « documentation » qu’à quelque chose de narratif Il prévoit notamment des discussions avec les réalisateur·trice·s ou d’esthétique. Cela étant, les limites de ce qui est documentaire et de de tous les films ainsi qu’une cérémonie d’ouverture virtuelle. ce qui ne l’est pas sont constamment redéfinies. Un film documentaire Les compétitions sont maintenues, les membres du jury vision- est une forme esthétique de représentation de la réalité. Il peut et doit neront les films en ligne et en débattront par vidéoconférence. oser davantage que simplement documenter. Les spectateur·trice·s, eux·elles, devront voter en ligne pour élire le film qui recevra le Prix du public. DOK Leipzig est le festival documentaire le plus important en Allemagne. Comment vous définissez-vous par rapport à lui ? L’année dernière, nous avons dépassé Leipzig en nombre de spec- tateur·trice·s. Nous en avons eu plus de 52'000, contrairement à Leipzig qui en a compté 48'000 comme les années précédentes. Il y a dix ans, nous n’en avions que 12'000. Leipzig est plus proche du cinéma issu de l’Est de l’Europe, alors qu’à Munich, nous sommes davantage orientés sur l’Ouest et le Sud. C’est pourquoi nous tendons à montrer plus de films en provenance d’Autriche ou de Suisse. Mais il y a évidemment toute une série de films qui nous intéressent tous. *D’après les statistiques, en 2018, sur 129 films, 77 étaient des documen- taires, en 2019, c’était 69 sur 111. Propos recueillis par Kathrin Halter ▶ Texte original: allemand
Les gens 14 © Katalin Déer © DR © DR Duscha Kistler a repris au 1er mars la direction Robert Richter, programmateur, journaliste Karl Saurer, scénariste et réalisateur de du domaine de l'encouragement des arts et directeur de Cinélibre, est décédé le documentaires, est mort le 12 mars dernier. visuels du Service de la culture du Canton de 28 janvier. Il dirigeait l’Association suisse des Il était l'auteur entre autres de « Ahimsa - die Zurich. Elle y succède à Nela Bunjevac. Après ciné-clubs et des cinémas à but non lucratif Stärke von Gewaltfreiheit » (2012)», « Rajas des études en histoire de l’art, théorie du depuis 2001. Robert Richter est né en 1957 à Reise » (2007) ou encore «Kaiseraugst» cinéma et littérature allemande à l’Université Berne, où il a vécu jusqu’à sa mort. Il a réalisé les (1975). Saurer est né en 1943 à Einsiedeln. de Zurich, Duscha Kistler a dirigé le Festival courts métrages «Die Alternative» et «Vor dem Après des études d'écriture scénaristique international du film d’animation Fantoche à Gesetz», ainsi que le documentaire «Moirés et de réalisation à Zurich, Munich, Cologne Baden de 2002 à 2011. Suite à cela, elle a été - Bewegung - Licht». Il siégeait au comité et Osnabrück, il travaille comme critique de responsable du projet Sound Development directeur de la FICC (Fédération Internationale films en Suisse et en Allemagne. De 1980 à City à l’initiative de l’entrepreneur culturel des Ciné-Clubs), qu’il a présidée pendant dix 1984, il enseigne la dramaturgie à l'Académie Martin Heller. Elle a aussi dirigé la fondation ans. Il a programmé, entre autres, des cycles allemande du film et de la télévision (Deutsche Sitterwerk. Elle a travaillé comme curatrice de cinéma italien pour Cinélibre. Journaliste Film- und Fernsehakademie) de Berlin et pour différents festivals de cinéma et a siégé indépendant, il écrivait pour le Bund et la NZZ. travaille comme collaborateur de direction. Au dans la Commission du cinéma de l’Office Vous pouvez lire un hommage plus détaillé sur cours de sa carrière, il a également enseigné en fédéral de la culture. notre site. Allemagne, en Italie et en Suisse. Les gens Que pensez-vous Cosa ne pensate de Cinébulletin ? di Cinébulletin ? Votre avis nous est indispensable! L’équipe de La vostra opinione è per noi indispensabile! CB souhaite votre opinion sur la revue, dans le L’équipe di CB vorrebbe sapere cosa ne pen- but de continuer à l'améliorer, la développer et sate della rivista con lo scopo di continuare répondre au mieux à vos attentes et préoccupa- a migliorarla, svilupparla e rispondere al tions. meglio alle vostre aspettative. Un questionnaire est en ligne sur la page d’ac- Un questionario è online sulla home page cueil de notre site internet, nous vous serions del nostro sito, vi saremmo davvero grati se très reconnaissants si vous pouviez prendre poteste dedicarci una decina di minuti per une dizaine de minutes pour y répondre. rispondere alle seguenti domande. www.cinebulletin.ch Les gens
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