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U n c a f é
         s p  l a î t !
s'il vou      co  m   m e rc e s collectif
                                          s
                                        ral
    Cafés et         in e e n milieu ru
                il a
    dʼIlle-et-V
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Avant-propos
La réalisation de cet ouvrage participe de
la volonté de positionner l’économie sociale
et solidaire comme un levier pour les territoires
ruraux et d’informer les collectivités et les
porteurs de projet en leur faisant découvrir
la richesse et la capacité d’innovation de
l’économie sociale et solidaire.

De nombreuses initiatives de commerces
fleurissent aujourd’hui portées par des
collectifs, accompagnés par des collectivités,
même dans des toutes petites communes.
Cet engagement commun et la participation des
habitants, dès la réflexion sur les projets, sont
des gages de réussite de ces projets atypiques.

Ce livre a souhaité faire entendre la voix des
porteurs de projet, mais aussi celle des élus,
pour changer les représentations et faire
réfléchir sur les conditions d’émergence et de
réussite de commerces collectifs en milieu rural.

Des soutiens peuvent être apportés à ces
initiatives en Ille-et-Vilaine : des financements,
via les politiques publiques d’économie
sociale et solidaire et de développement
local et des accompagnements, via les pôles
de développement de l’économie sociale
et solidaire, le propulseur d’entreprises
collectives TAg35 et Bruded.

En souhaitant que la lecture de cet ouvrage
inspire d’autres initiatives, pour mailler notre
territoire.

Bonne lecture !

                                  AVANT-PROPOS • 5
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Sommaire
        Intro
 8      Une histoire de bistrots,
        la renaissance des cafés ruraux
 11     Le Champ Commun, les semeurs
        de bonnes graines
14      Bruded, l’expérience en partage

        1 département, 12 projets,
        100 possibilités                                                                                            Val-Couesnon
                                                                 Hédé-Bazouges                                     Graines d’Oasis
16      Engagement, joie et culture au Bardac’
                                                                  Bar’Zouges             Guipel                             p. 35
20      Le Guibra, le bistrot-épicerie qui régale
24      Un Café des possibles réinvente                           & La Boutix          Un Café
        le commerce de proximité                                      p. 28         des possibles        Saint-Aubin-du-Cormier
28      Le Bar’Zouges et La Boutix,                                                        p. 24
        du bar des copains à l’épicerie du coin                    Langouët
                                                                                                          Biocoop du Cormier
                                                                                                                   p. 32
32      Biocoop du Cormier, coopérative                         La Cambuse
        d’intérêts communs                                          p. 48
                                                                                                               Le Bardac’
35      Graines d’Oasis et de solidarité                                               Saint-Sulpice-               p. 16
38      Bistrot Lab’, laboratoire d’expériences                                           la-Forêt
40      L’Elfe, une épicerie pour tous
42      Le Barnadette, le café du village                                     RENNES    Le Guibra
                                                                                            p. 20
45      Le Baranoux, coopérer pour reprendre          Pays de
48      La nouvelle vie d’un vieux bistrot          Brocéliande
        à La Cambuse
                                                       L’Elfe
                                                       p. 40
        Fiches pratiques, premiers outils                                                                Coësmes
        pour monter un projet                                                    Chanteloup
                                                               Saint-Senoux                             Bistrot Lab’
                                                                                 Barnadette                p. 38
52      Faire émerger un projet                                 Baranoux           p. 42
54      La multi-activité                                         p. 45
56      Aspects économiques
59      Accompagnement et financement
62      Gouvernance
67      Le soutien de la Commune
69      Les points de vigilance dans un projet
70      L’emploi
72      Statuts juridiques
76      Réglementation
79      Sigles, abréviations et pictogrammes
80      Carnet d’adresses

6 • UN CAFÉ S’IL VOUS PLAÎT !                                                                                                SOMMAIRE • 7
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UNE HISTOIRE DE BISTROTS

La renaissance
des cafés ruraux

Le bistrot, ce n’est pas que le ballon, l’alcool et          le bruit de la tasse que l’on repose sur la sou-
les piliers de comptoir, c’est avant tout venir frot-        coupe, c’est le brouhaha chaleureux, les voix qui
ter sa solitude à celle des autres, c’est trouver du         se mélangent, les verres qui se choquent, le cré-
réconfort en causant de tout et de rien. Le bis-             pitement du feu dans la cheminée. Le café, c’est
trot, c’est là où l’on se réchauffe le cœur, le « par-       le repaire des solitaires autant que des ami·es,
lement du peuple », comme le disait Balzac, c’est            l’endroit idéal pour lire ou s’amuser, pour boire ou     Hôtel de la Gare, Liffré, début XXe siècle.
le dernier bastion de la convivialité. Le café, c’est        déguster, pour débattre ou se taire.

                                                               Une diminution des bistrots
                                                                Pourtant, en un siècle, quantité de commerces
                                                             de proximité, y compris des bistrots, ont fermé
                                                             leur porte en milieu rural. On estimait le nombre
                                                             de cafés à 500 000 en 1900, à 200 000 en 1960
                                                             et à seulement 40 000 en 2014. La Bretagne est
                                                             particulièrement touchée par ce phénomène.
                                                             En 1987, la région comptait près de 7 000 bars,
                                                             contre moins de 3 500 en 2014, soit une diminu-
                                                             tion de 50 %1.
                                                                En Bretagne, le bistrot est empreint d’un ima-
                                                             ginaire foisonnant, du rade aux murs piqués par le
                                                             sel sur le port d’une petite bourgade finistérienne
                                                             où s’arrêtent les marins à la sortie du bateau, à la
                                                             chaumière fumante d’un bourg de campagne, en
                                                             passant par le zinc humide et collant d’une ville
                                                             ouvrière. Le mythe est fort, ce sont des lieux
                                                             emblématiques qui touchent toutes les généra-
                                                             tions2. Qu’est-ce qui justifie alors cette disparition
                                                             de plus de la moitié des bistrots bretons en moins
Ouvrier granitier à Saint-Méen-le-Grand, début XXe siècle.   de trente ans ?                                          Groupe devant le commerce Friteau débitant, vers 1906.

8 • UN CAFÉ S’IL VOUS PLAÎT !                                                                                                                                                  HISTOIRE • 9
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Depuis quelques années, le sentiment de déca-             Pour qu’un projet de commerce fonctionne
lage s'accentue entre les grandes métropoles et           en milieu rural aujourd’hui, il faut redoubler d’in-
les territoires ruraux. La désertification des cam-       géniosité. Les porteur·euses de projets doivent
pagnes ces dernières décennies et l’installation          veiller à la viabilité économique et pour cela il
de grandes surfaces ont contribué à la disparition        y a de nouvelles formes de bistrots à inventer.
d’une grande partie des commerces de proximité.           Il est culturel, épicerie, restaurant, mais il peut
Des habitant·es ont le sentiment que leurs com-           être solidaire et se construire comme un lieu
munes sont devenues de véritables cités-dortoirs,         d’échange de savoirs, d’entraide. Le bistrot peut
d’autres des plateformes logistiques.                     également être librairie, boulangerie, dépôt de
   L’individualisation des rapports humains et            paniers Amap3, salle d’exposition, de projec-
l’évolution des pratiques de consommation, ces            tion. Bref, il devient polymorphe. Il est le reflet
quarante dernières années, auraient renforcé ce           d’aspirations nouvelles (écologiques, sociales,
phénomène. Sont ainsi couramment évoqués                  solidaires), mais aussi du désir de nombreuses
des changements importants dans les pratiques             personnes de répondre à des besoins sur des
de consommation d’alcool et de convivialité : on          territoires souvent enclavés et isolés, ainsi qu’aux
boit l’apéro à la maison, on reçoit chez soi, on          populations néorurales présentes aujourd’hui
boit seul, parfois. Le bistrot, lieu central de la vie    dans ces communes.
communale, est souvent le dernier commerce à                  Ces dernières années, on constate une légère
survivre et, lorsqu’il disparaît, il est plus difficile   hausse des débits de boissons (de 20 % selon
de maintenir du lien social entre les habitant·es.        l’Insee), puisqu’on comptabilise au 1er janvier 2018           AUGAN
                                                          41 845 établissements dont l’activité principale

                                                                                                                        Le Champ Commun,
  Vers de nouveaux horizons                               correspond à cette catégorie, soit 7 000 de plus
   Le siècle dernier, il pouvait y avoir jusqu’à          qu’en 2013. Une progression modeste, mais qui
30 bistrots dans un petit village de 1 000 âmes.          marque un inversement de la courbe et une évo-
Un phénomène lié à la distribution gratuite de            lution des pratiques.

                                                                                                                        les semeurs
licences IV aux veuves de guerre. Le bar, l’épice-            D’autre part, un amendement adopté en 2019
rie, le coiffeur, le garage, la boulangerie étaient les   permet, jusqu’en 2022, d’obtenir une licence IV
lieux où l’on se rencontrait, où l’on discutait. Les      par simple déclaration auprès du maire, dans les

                                                                                                                        de bonnes graines
commerces avaient souvent leur propre débit de            communes de moins de 3 500 habitant·es, qui
boissons. Les tenanciers ou tenancières étaient           n’en détiennent pas. Ceci afin de revitaliser les
des figures importantes et prêtaient une oreille          bourgs ruraux. Ce n’était pas possible avant.
attentive ou un bras chaleureux à celles et ceux              Des tendances nouvelles se confirment, les
qui en avaient besoin. Le bar d’un village pouvait        bistrots et commerces se réinventent, des « tiers-
faire sa réputation. Sans bar et sans école, un vil-      lieux » éclosent un peu partout. Des jeunes réin-
lage meurt, peut-on entendre un peu partout.              vestissent ces espaces, des collectifs se créent.             Autrefois, en Bretagne, on appelait « communs »          nage, un bar et une cuisine. À l’étage, une auberge
   C’est probablement pour cette raison que le                Les voix qui résonnent derrière les fenêtres              des espaces de landes collectivisées dans                accueille les voyageur·euses dans des chambres
bistrot n’est pas mort. Qu’il se réinvente. Çà et         embuées des cafés ne sont pas près de laisser                 lesquelles chacun·e pouvait faire paître ses bêtes.      individuelles ou collectives. Au sous-sol, une
là, on voit pousser, depuis une dizaine d’années,         place au murmure, moins encore au silence. Et ce              Les communs ont disparu, mais un autre espace            micro-brasserie fabrique six bières différentes
des lieux alternatifs, des cafés, des épiceries           petit guide en est un beau témoignage. •                      partagé est né il y a dix ans à la lisière de la forêt   à partir de malts et de houblons biologiques.
solidaires, des bars-restaurants. Des habitant·es                                                                       de Brocéliande, à Augan : le bien nommé Champ            Dehors, une grande terrasse donne sur un pai-
se mobilisent pour réinvestir leurs villages, leur                                                                      Commun, un commerce aux multiples facettes, a            sible verger. Depuis février 2019, le commerce a
redonner vie, les faire danser et transformer les         1. Vincent Lastennet et Didier Déniel, « Bretagne.            aujourd’hui pignon sur rue dans cette commune            ajouté une nouvelle corde à son arc en ouvrant
cafés en salons de tout le monde. Ces lieux, tra-            Le bistrot est mort, vive le bistrot ! », Le Télégramme,   de 1 500 habitant·es. Un lieu au nom évocateur,          un restaurant, La Cantine, du mardi au samedi.
ditionnellement réservés aux hommes, s’ouvrent               3 juillet 2016. www.letelegramme.fr                        inspiré de l’expérience de la Commune de Paris           Derrière le comptoir de l’épicerie, au bar ou aux
                                                          2. Sylvain Bertrand et Yann Lestréhan, Bistrots, rades et
aux femmes, aux familles. Des communes                       comptoirs, récits d’un tour de Bretagne, Goater, 2015.
                                                                                                                        et ancré dans l’histoire rurale d’Augan. Ici, un         fourneaux, ce sont treize salarié·es qui s’activent
rachètent des bistrots, les rénovent et accueillent       3. Association pour le maintien d’une agriculture             bâtiment de 450 mètres carrés abrite une vaste           toute l’année pour offrir des créneaux horaires
des projets collectifs.                                      paysanne.                                                  épicerie – qui n’a rien d’un commerce de dépan-          adaptés aux besoins des habitant·es du territoire.

10 • UN CAFÉ S’IL VOUS PLAÎT !                                                                                                                                                                                           AUGAN • 11
Vous plaît s ' - Département d'Ille-et-Vilaine
culturelle est l’un des maillons de la chaîne.          habitant·es sont aussi impliqué·es au quotidien,
                                                                                                           Du débat au concert rock, du théâtre à la musique       pour épauler les salariés. « Je me suis investie
                                                                                                           de chambre, du concours de belote au bistrot            dans beaucoup d’instances et, là, je tiens le bar
                                                                                                           mémoire, il y en a pour tous les goûts. « Main-         bénévolement le dimanche matin pour soulager
                                                                                                           tenir le bar au quotidien, ce n’est pas suffisam-       les salariés, m’impliquer, voir du monde. J’ai un
                                                                                                           ment rentable, explique Henry-George. Avec les          important passé associatif, ça fait partie de mes
                                                                                                           concerts, c’est un cercle vertueux. Les concerts        choix », précise Armelle Lameul. Avec 205 socié-
                                                                                                           attirent du monde. Même si c’est gratuit, ça per-       taires et un chiffre d’affaires conséquent, Le
                                                                                                           met de compenser les moments creux. » L’au-             Champ Commun envisage l’avenir avec sérénité.
                                                                                                           berge de 25 couchages fait également venir un           « La question de la taille critique se pose. L’idée,
                                                                                                           nouveau public.                                         ce n’est pas de créer des franchises du Champ
                                                                                                                                                                   Commun ! insiste Henry-George Madelaine. On
                                                                                                             Taille critique…                                      veut surtout partager notre expérience et que ce
                                                                                                              Rapidement, des associé·es de tout poil ont          travail soit reconnu par un travail d’essaimage. »
                                                                                                           rejoint Le Champ Commun, comme Benoît                   En quête de bons conseils, les porteur·euses de
                                                                                                           Colléaux, producteur de lait bio à Guer. « Quand        projets sont en effet nombreux·euses à pousser la
                                                                                                           je me suis installé sur la ferme avec mon associé,      porte du Champ Commun, qui leur propose une
                                                                                                           j’étais en recherche de débouchés. On ne voulait        réunion d’information une fois par mois. Le lieu
                                                                                                           pas travailler avec les grandes surfaces. Le fait       est aussi devenu un centre de formation reconnu,
                                                                                                           de pouvoir travailler avec une épicerie locale m’a      notamment pour former des entrepreneur·euses
                                                                                                           intéressé : on souhaitait soutenir l’activité dans      de l’économie solidaire et du développement
                                                                                                           les bourgs ruraux », raconte-t-il. Armelle Lameul,      durable. Pour Armelle Lameulle, « aujourd’hui, le
                                                                                                           habitante d’Augan et associée depuis dix ans,           souhait de beaucoup d’associés, c’est de stabili-
« Nous sommes devenus les premiers employeurs
de la commune ! » sourit Henry-George Madelaine,
                                                     « Nous sommes devenus                                 s’est elle aussi investie dans de nombreuses ins-
                                                                                                           tances : « C’était un projet innovant, mais c’était
                                                                                                                                                                   ser et de garder une vitesse de croisière. Tout le
                                                                                                                                                                   monde a envie de se poser après l’ouverture de
l’un des fondateurs du Champ Commun. Ici, pas        les premiers employeurs                               pas gagné d’avance ! Un véritable pari sur l’ave-       l’auberge l’an dernier. La partie essaimage fait
d’échelle de salaires, tout le monde est payé au
Smic. « On veut limiter le poids d’amplitudes
                                                     de la commune ! »                                     nir. » Monté d’abord dans le cadre d’une SARL
                                                                                                           classique, puis transformé en Scic (Société coo-
                                                                                                                                                                   son petit bonhomme de chemin également. Il
                                                                                                                                                                   faut s’accrocher ! » •
horaires importantes en ayant plus de personnel,                                                           pérative d’intérêt collectif), Le Champ Commun
explique Henry-George. Mais attention, c’est un          Henry-George Madelaine, l’un des                  a rapidement trouvé sa vitesse de croisière. La
vrai métier. Ici, on ne joue pas à la marchande. »       fondateurs du Champ Commun                        structure, qui ne fonctionne que sur ses recettes
                                                                                                           propres, a été bénéficiaire ou à l’équilibre dès
  « Un commerce normal »                                                                                   sa troisième année d’existence et n’a jamais
                                                                                                                                                                   Le Champ Commun
   Le Champ Commun a été fondé en juillet 2010       revenu par habitant·e est ici en dessous de la        bénéficié de soutien public. Chacun s’investit
                                                                                                                                                                   > Lancé en janvier 2010        9 h - 20 h le samedi
par deux chercheurs en sociologie arrivés par        moyenne nationale. « Un lieu autour de l’alimen-      à la mesure de ses moyens. Benoît Colléaux, le          > Augan : 1 500 habitant·es    et 9 h - 13 h le dimanche
les hasards de la vie dans cette petite commune      tation exclusivement bio aurait raté sa cible,        paysan laitier, siège à la commission épicerie :        > CA (chiffres 2018) :         > L’Estaminet :
                                                                                                                                                                   758 000 € (dont 547 000 €      du lundi au dimanche inclus,
rurale de l’est du Morbihan. « Nous ne sommes        raconte Henry-George Madelaine. Ici, il y a une       « On arrive à s’impliquer même si ce n’est pas tou-     pour l’épicerie)               ferme à 1 h le week-end
pas les sauveurs du village, comme on veut par-      logique d’ouverture large avec une proposition à      jours simple : moi, j’ai la traite matin et soir, par   > Une Scic de 205 associé·es   > La Cantine :
fois nous présenter. Au contraire, nous ne vou-      mi-chemin entre une alimentation de campagne          exemple. Mais c’est stimulant intellectuellement,       > 60 producteur·rices          le midi, du mardi au
                                                                                                                                                                   locaux·ales                    vendredi, et le soir,
lions pas concurrencer les autres commerces de       et un magasin style Biocoop. » Pour s’y retrouver,    on comprend en profondeur comment fonctionne            > 3 associations partenaires   vendredi et samedi
la commune. Le Champ Commun a une voca-              un système d’étiquettes guide le·a client·e :         la structure. On doit par exemple savoir ce qu’est      > 13 ETP
tion toute simple : être un commerce “normal” »,     blanche pour les produits de l’agro-industrie,        une marge pour parvenir à maintenir une activité                                       Adresse & contact
                                                                                                                                                                   Horaires                       1 rue du Clos Bily
raconte Henry-George Madelaine. À l’épicerie,        verte pour les produits bio et bleue pour les         comme celle-là. C’est différent d’un magasin de         > Le Garde-manger :            56800 Augan
les produits conventionnels et bio se trouvent       produits locaux. Les transitions sont également       producteurs : ça permet de partager davantage           8 h - 20 h en semaine          02 97 93 48 51
                                                                                                                                                                   (fermé le jeudi),              www.lechampcommun.fr
sur les mêmes étagères. Le Champ Commun a            à l’œuvre, au gré des nouvelles habitudes : à la      les points de vue, de prendre en compte les inté-
d’ailleurs décidé de faire une marge plus réduite    lessive classique s’est aussi ajoutée de la lessive   rêts de tous. Les épiciers comme les consom-
sur les produits bio et locaux. Et pour cause : le   bio et en vrac, par exemple. La programmation         mateurs ont leur mot à dire », explique-t-il. Des

12 • LE CHAMP COMMUN                                                                                                                                                                                             AUGAN • 13
Vous plaît s ' - Département d'Ille-et-Vilaine
Bruded, l’expérience
en partage
Bruded est une association réunissant plus            Mikael Laurent. Pour certains élus,
de 180 communes et intercommunalités                  le commerce devient alors un véritable enjeu
engagées dans des démarches                           de service public. Un commerce crée aussi
d’aménagement et de développement local               de l’emploi : au sein même de la structure,
durable en Bretagne et Loire-Atlantique.              mais également, indirectement, par les liens
Le maintien ou la création de commerces               créés avec des producteurs locaux ou
de proximité en centre-bourg est l’un                 d’autres commerçants.                               Visite d'élus organisée par Bruded et le Département.
de leurs chevaux de bataille. Décryptage
avec Murielle Douté-Bouton, maire                     Sur le terrain, quelles sont les bonnes recettes
de Plélan-le-Grand et administratrice                 pour faire aboutir un projet ?
de Bruded, et Mikael Laurent, chargé                  MD-B. En tant qu’élue, je pense qu’il faut          « Grâce au réseau, nous                                 vigilance et de mettre les élus en relation avec
de développement pour l’Ille-et-Vilaine.              être interventionniste. Il faut aller chercher du
                                                      foncier, récupérer des cellules commerciales        pouvons capitaliser sur                                 d’autres élus ayant mené des projets similaires,
                                                                                                                                                                  ou avec des structures d’accompagnement. Le
                                                      si besoin, etc. Il faut savoir négocier, ce qui     nos expériences mutuelles »                             réseau peut nous informer sur des financements
                                                      n’est pas toujours simple, et surtout expliquer                                                             possibles ou nous alerter sur la sortie d’un
En quoi consiste Bruded ?                             ce que l’on fait : dans un bourg où il n’y a plus   Murielle Douté-Bouton, administratrice                  appel à projets. Grâce au réseau, nous pouvons
Murielle Douté-Bouton. Notre réseau base              de commerces, c’est plus facile, mais dans une      de Bruded et maire de Plélan-le-Grand                   capitaliser sur nos expériences mutuelles.
son travail sur des échanges entre élus               commune où d’autres commerçants sont déjà                                                                   ML. La dimension collective est un élément
de collectivités adhérentes afin qu’elles             présents, certains peuvent craindre une forme                                                               clé de la réussite d’un commerce en milieu
mutualisent et partagent leurs expériences.           de concurrence. Le second élément important,        MD-B. La question des circuits courts prend             rural. Elle peut se traduire sous plusieurs
Pour cela, des visites, des fiches de retours         c’est de trouver des porteurs de projets fiables.   aussi toute son importance aujourd’hui, qu’il           formes : dans un fonctionnement impliquant les
d’expériences ou des journées thématiques sont        Il faut qu’ils soient bien accompagnés – d’où       s’agisse d’un bar, d’une épicerie ou d’un               habitants (Scic, association), mais également
proposées tout au long de l’année. C’est avant        l’importance d’avoir un élu dédié et des            magasin de producteurs. Il y a une demande              dans la relation avec les autres commerçants,
tout un échange de bonnes pratiques entre             acteurs pour les soutenir – et que leur modèle      sociétale forte d’une partie de la population qui       avec des associations culturelles, sportives
élus, en zones rurales, périurbaines ou littorales.   économique soit solide. Parfois, il est possible    souhaite relocaliser son acte d’achat.                  ou avec des producteurs locaux. Les porteurs
                                                      de mettre à disposition une cellule commerciale                                                             de projets doivent également oser aller à la
Pourquoi les commerces de proximité sont-ils          pour leur permettre de tester leur activité.        Élus et porteurs de projets doivent-ils donc            rencontre des élus ! Il est tout à fait possible de
si importants dans ces territoires ?                  ML. Il n’y a pas de politique commerciale           travailler de concert ?                                 trouver une conjonction d’intérêts, entre l’intérêt
MD-B. Bistrots, boulangeries ou épiceries sont        efficace sans politique d’urbanisme cohérente       MD-B. Le rôle de l’élu, c’est de soutenir et            général et l’intérêt privé. Et il existe de multiples
des lieux de rencontre et de convivialité. Ils        ni réflexion sur la mobilité. Développer du         d’accompagner le porteur de projet. Ce sont des         manières pour une collectivité de soutenir un
proposent des produits de première nécessité          logement en centre-bourg plutôt qu’en               démarches sur le long terme, qui peuvent être           projet : cela peut se faire sous la forme de prise
et répondent à un besoin social, notamment            extension urbaine, aménager un bourg en             source de débats. Dans des petites communes             de parts dans une Scic, de travaux d’isolation
pour ceux qui sont moins mobiles, ou plus             prévoyant l’extension d’une terrasse, avec          aux budgets non extensibles, ce sont toujours           d’un local dont elle serait propriétaire, d’achat
fragiles. De plus, quand un commerce existe           un emplacement où l’on peut garer un vélo           des choix difficiles : je repousse des travaux de       de denrées pour la cantine de l’école, ou d’une
dans un centre-bourg, cela crée un flux               ou une poussette, créer des jeux pour enfants       voiries pour acheter une cellule commerciale,           communication dans le bulletin municipal.
et peut inciter d’autres commerces à s’installer.     à proximité… : tout cela contribue à la vitalité    par exemple. Et le réseau Bruded est utile pour         Les possibilités sont multiples.
C’est un cercle vertueux.                             d’un commerce.                                      tout cela : il permet de signaler des points de         www.bruded.fr

14 • UN CAFÉ S’IL VOUS PLAÎT !                                                                                                                                                                            BRUDED • 15
Vous plaît s ' - Département d'Ille-et-Vilaine
Le mot du maire                               sont les boissons qui autofinancent la vie du

                                                                                                            « C’est un véritable                          Bardac’, explique-t-il. Pendant longtemps, nous
                                                                                                                                                          n’avons pas perçu de subventions. Par choix. Les
                                                                                                            agitateur culturel,                           choses changent. Demain, peut-être aurons-
                                                                                                                                                          nous un soutien financier de la Commune pour
                                                                                                            qui apporte une                               notre programmation musicale. » À son tour,

                                                                                                            véritable vitalité
                                                                                                                                                          Cédric évoque son plaisir à être barman à ses
                                                                                                                                                          heures. Geoffroy s’occupe de la programmation

                                                                                                            au bourg »                                    des concerts. Chaque été, les bonnes volontés
                                                                                                                                                          se retrouvent aussi autour d’un grand chantier de
                                                                                                            Jérôme Bégasse,                               bricolage et de ménage pour réaménager les ter-
                                                                                                            maire de Saint-Aubin-du-Cormier               rasses, donner un coup de brillant au parquet ou
                                                                                                                                                          un coup de jeune à la peinture des murs.

                                                                                                            « Nous avons 70 commerces en centre-            Un engagement bénévole de toujours
                                                                                                            ville pour 4 000 habitants. Mais nous            Aux origines du Bardac’, l’idée phare était de
                                                                                                            attirons près de 25 000 habitants et          proposer des activités variées telles que des
                                                                                                            cela se traduit par une belle dynamique.      débats, des films, des concerts, des ateliers, des
                                                                                                            Avec le Scot du Pays de Rennes, il n’est      jeux, etc. Pour y parvenir, au moins vingt béné-
 SAINT-AUBIN-DU-CORMIER                                                                                     plus possible d’installer des commerces
                                                                                                            alimentaires du quotidien en dehors du
                                                                                                                                                          voles actif·ives devaient assurer en binôme cinq
                                                                                                                                                          heures successives de présence pour la tenue
                                                                                                            bourg. Pour encourager les circuits courts,   du bar. Huit ans plus tard, le pari a été gagné. Au

Engagement, joie
                                                                                                            et la vitalité de nos petits commerces        total, L’Assaut du Bardac’ compte 110 sympathi-
                                                                                                            locaux, comme le Bardac’, il nous arrive      sant·es, dont 80 adhérent·es à jour de cotisation
                                                                                                            de piétonniser le centre-ville. Nous y        et une dizaine de membres actif·ives.

et culture au Bardac’
                                                                                                            organisons du théâtre, des randonnées
                                                                                                            pédestres, des bals éphémères. Nous
                                                                                                            avons déjà la chance d’avoir le Bardac’.
                                                                                                            C’est un véritable agitateur culturel,
                                                                                                            qui apporte une véritable vitalité au
                                                                                                            bourg. C’est pourquoi nous le soutenons
Une terrasse de bois au bout de la ruelle qui mène        Car, au Bardac’, le travail est avant tout une    financièrement dans le cadre de notre
à l’église de Saint-Aubin-du-Cormier. Au-delà du       question d’engagement et d’envie. Pas de sala-       soutien aux associations sur la partie
seuil, une salle au parquet travaillé par les pas de   rié·e dans cet établissement autrefois commer-       animation. C’est important dans les
danse irlandaise et les concerts. Derrière le bar de   cial, qui a été repris en 2012 par l’association     communes qui sont, comme nous,
bois sculpté, Cédric vérifie les stocks de boissons    L’Assaut du Bardac’. Du mercredi au vendredi         petites cités de caractère. »
avant de soulever une trappe qui ouvre sur le sous-    soir et un dimanche par mois, les activités s’y
sol. À ses côtés, Françoise prépare deux expres-       enchaînent et sont gérées par les bénévoles. En
sos pour des clientes tandis que Sophie enfile son     cette fin de marché, une dizaine d’entre eux·elles
tablier et se rend en cuisine. « Aujourd’hui jeudi,    se sont retrouvé·es pour un déjeuner convivial
il est possible de manger au Bardac’ », sourit-        avant de remettre ça le soir même pour un conseil
elle. Une pause gourmande proposée au gré des          d’administration de l’association. Autour de la
disponibilités de cette nouvelle entrepreneuse         table, Bérengère évoque la dernière kid jam, une
cuisinière, également bénévole de ce bar pas           session de musique destinée aux enfants, qu’elle
banal. Le lendemain soir, un bœuf musical ani-         anime une fois par mois. Francis, lui, revient
mera le lieu. Et, derrière le zinc, une autre béné-    sur les questions de trésorerie, dont il s’occupe
vole prendra la place de Françoise.                    depuis le lancement du bar associatif. « Ici, ce

16 • BARDAC’                                                                                                                                                                    SAINT-AUBIN-DU-CORMIER • 17
Vous plaît s ' - Département d'Ille-et-Vilaine
Pour faire tourner le lieu, le travail est réparti   les bienvenues. « La première richesse de l’asso-
               dans huit commissions qui scannent les ques-            ciation, ce sont ses humains », s’accordent les
               tions juridiques, celles de trésorerie, les stocks,     bénévoles présent·es. « Nous aimerions avoir plus
               les plannings, le culturel, la régie – pour le bri-     de bénévoles et rajeunir aussi nos membres »,
               colage –, la communication – pour annoncer les          souffle gaiement Ghislaine. À ce jour, les béné-
               événements – et la commission Tavernière –              voles actif·ives ont entre 30 et 60 ans. Ainsi que
               pour former ceux et celles qui veillent derrière le     l’expliquent tour à tour les participant·es, une
               comptoir. Soit environ 35 tavernier·ères. « Cette       association a toujours la couleur des personnes
               formation est importante, souligne Ghislaine.           qui la font vivre. Pour l’heure, celle du Bardac’ est
               Quand tu arrives, tu ouvres le lieu, tu regardes la     comme le lieu : joyeuse et engagée. •
               caisse, les stocks, tu mets de la musique, tu t’ha-
               billes de ton sourire. Et c’est important aussi de
               savoir comment réagir face à une personne qui a
               trop bu. Nous devons harmoniser nos réponses et
               être prêts à gérer ce genre de situation. »

                 Bien plus qu’un bar
                  « Attention ! prévient néanmoins Éric Sourdès,
               le nouveau président de L’Assaut du Bardac’. Ici, ce
               n’est pas seulement un bar, c’est avant tout un lieu
               culturel avec des activités et des événements. »                 Saint-Aubin-
               Cuisine, guitare, sessions irlandaises, couture,                 du-Cormier
               bœuf blues, concerts, rencontres littéraires avec                3 837 habitant·es
               un·e auteur·rice ou un·e éditeur·rice, soirée jeux,
               plusieurs rendez-vous reviennent une fois par
               mois. Et ils attirent du monde. En général, la
               clientèle arrive d’un rayon d’une vingtaine de kilo-
               mètres autour de Saint-Aubin-du-Cormier.
                  Attaché à la vie sociale du coin, le Bardac’
               cultive aussi des relations avec les acteur·rices
                                                                       Bardac’
               locaux·ales : l’association Appel d’Eire, qui diffuse                                      > Commune : 200 € annuels
                                                                       > Géré par l’association
               la culture irlandaise, OFF\ON, qui organise des         L’Assaut du Bardac’ :              pour le fonctionnement
                                                                                                          associatif
               concerts, Cormier ludique, pour la partie jeux, le      80 adhérent·es
                                                                       > Surface du local : 40 m2,
               Smictom, qui assure la gestion des déchets sur le                                          Adresse & contact
                                                                       19 places assises, ainsi que
               territoire et propose des ateliers de fabrication       40 m2 de friperie à l’étage        33 rue Porte Carrée
                                                                                                          35140 Saint-Aubin-
               de produits ménagers sains et avec peu d’embal-         > Restauration ponctuelle
                                                                                                          du-Cormier
                                                                       faite sur place avec des
               lages, le lycée agricole, pour des soirées à thème,     produits locaux                    09 84 51 62 31
               ou encore l’école de musique. Pour ses membres                                             www.bardac.blogspot.com

               comme pour les habitant·es de la commune et             Financement
                                                                       > Soutien financier de l’État      Horaires
               des environs, avoir un lieu qui propose des acti-       et de la Région sur la partie      mercredi : 18 h - 23 h
               vités culturelles originales est un plus. « Que         concert avec le GIP Cafés          jeudi : 9 h 30 - 14 h
                                                                       Cultures qui cofinance la          et 18 h - 23 h
               je tienne ou non un créneau de tavernier, lance
                                                                       rémunération des artistes          vendredi : 17 h - 1 h
               Françoise, je viens tous les jeudis matin. Je m’as-     > Eau, électricité, loyers,        le premier dimanche
               sieds, je prends mon café et je lis mon journal. »      assurance, achat : 50 000 €        du mois : 10 h - 12 h
                                                                       de charges annuelles               et 15 h - 18 h
                  Malgré un engagement volontaire et solide,
               l’équilibre reste pourtant fragile. Les bonnes
               volontés et les ardentes ambitions sont toujours

18 • BARDAC’                                                                                          SAINT-AUBIN-DU-CORMIER • 19
Vous plaît s ' - Département d'Ille-et-Vilaine
Le mot du maire

                                                                                                                « C’est un lieu central
                                                                                                                pour se rencontrer,
                                                                                                                pour manger »
                                                                                                                Yann Huaumé,
                                                                                                                maire de Saint-Sulpice-la-Forêt

                                                                                                                « Le Guibra a connu deux dépôts de bilan
                                                                                                                ces quinze dernières années. Nous ne
                                                                                                                voulions plus revivre cela. Il est l’unique
                                                                                                                commerce de proximité dans le bourg
                                                                                                                de Saint-Sulpice. En 2014, nous avons
                                                                                                                imaginé un changement de modèle pour
                                                                                                                assurer une reprise, car l’activité bar n’est
                                                                                                                pas suffisante économiquement. Nous
                                                                                                                avons lancé un appel à projets avec
                                                                                                                restauration et épicerie. Une activité
                                                                                                                culturelle était aussi vue d’un bon œil. Pour
SAINT-SULPICE-LA-FORÊT                                                                                          éviter que le bar ne devienne un logement,
                                                                                                                la commune a acquis les murs. Le collectif

Le Guibra,
                                                                                                                du Guibra nous a très vite séduits. Nous
                                                      commenté leur dernier bœuf musical, donné le              avons fait 25 000 euros de travaux pour            le cap à travers une collégiale créée en 2019.
                                                      vendredi précédent, les deux compères et ama-             faire une nouvelle cuisine et aménager la          « Nous expérimentons une organisation horizon-
                                                      teurs de musique commandent leurs plats à                 terrasse extérieure. Nous avons appuyé la          tale, explique Pierre-Yves, membre de la collé-

le bistrot-
                                                      François, le responsable de la restauration du            dynamique du collectif en défendant leur           giale depuis un an. Nous voulons impliquer encore
                                                      midi. En cuisine, Clovis fait chauffer les plaques.       dossier quand il est arrivé à la Région ou au      davantage la population de la commune. »
                                                      À la carte, comme tous les midis, du mardi au             Département, notamment pour les aides à               Lui, c’est à travers la musique et les sessions

épicerie
                                                      vendredi, c’est poisson, viande ou galette végé-          l’ouverture de commerces de proximité en           musicales régulières qu’il a trouvé sa place ici.
                                                      tarienne, le tout accompagné de légumes du                milieu rural. Pour nous, Le Guibra n’est pas       « Nous avons une responsabilité envers ce lieu.
                                                      coin préparés aux petits oignons. En terrasse,            seulement un bar. Nous l’avons vu pendant          Nous avons connu les distributeurs de pain dans
                                                      une dizaine de personnes se sont installées pour          le confinement : l’épicerie est aussi un           des caisses en métal et l’absence de revues. Nous

qui régale
                                                      profiter de ce menu. Une famille, des ouvriers du         volet important du projet. C’est un lieu           ne voulons plus revivre ça », lâche ce passionné de
                                                      bâtiment, des copines et des copains de passage.          central pour se rencontrer, pour manger,           banjo et de lien social. Au-delà de l’aspect « ser-
                                                      « Nous avons trouvé une clientèle. Nous faisons           même si tous les habitants de la commune           vice », c’est aussi l’animation que les habitant·es
                                                      une moyenne de 15 couverts par jour, avec des pics        n’y viennent pas. »                                souhaitent proposer. Les cafés philo d’Yves, les
                                                      à 25 ou des creux à 5 couverts », détaille François                                                          expositions qui se renouvellent tous les deux mois
                                                      Marlier, l’un des tout premiers salariés du lieu.                                                            sur les murs, l’anglo-apéro avec Allison, le café
Un vendredi midi de juillet au Guibra. Pierre-Yves                                                                                                                 breton avec Bertrand, le café tricot avec Marie-
et Christian se retrouvent pour déjeuner. Dans le       Ancrage local                                        repris en 2016 par une association pleine d’en-       France et Jocelyne. Sans oublier la douzaine de
sac de Christian, des légumes de saison cultivés à       Le signe d’une implantation réussie et atten-       vies et de projets. À sa tête, des bénévoles sou-     concerts, pro ou non, pour lesquels le montant
trois kilomètres de là et du pain cuit le jour même   due. Et pour cause. Dans la commune, hors              cieux·euses d’insuffler un élan culturel et tourné    de l’entrée est libre, c’est-à-dire « au chapeau ».
par Élise Guillard, boulangère paysanne locale,       de question de voir l’adage « jamais deux sans         vers l’agriculture locale. Aux manettes du bistrot,   « Cette idée de lieu intergénérationnel, à la fois
proviennent directement de l’épicerie située dans     trois » s’appliquer à l’avenir du Guibra. Après deux   cinq salarié·es tiennent la barre au quotidien. En    festif et animé par, pour et avec les habitants reste
l’arrière-salle surélevée du bistrot. Après avoir     dépôts de bilan, l’unique bistrot du village a été     coulisses, une douzaine de bénévoles lui donnent      au cœur du projet », sourit Matthieu.

20 • LE GUIBRA                                                                                                                                                                             SAINT-SULPICE-LA-FORÊT • 21
quelques producteur·rices locaux·ales. En matière
                                                                                                                                                                   d’approvisionnements, la plupart des légumes,
                                                                                                                                                                   pain, fromage et viande proviennent d’un rayon
                                                                                                                                                                   de moins de 50 kilomètres.
                                                                                                                                                                      Pour demain, Le Guibra réfléchit à se transfor-
                                                                                                                                                                   mer en coopérative. Une démarche dont la créa-
                                                                                                                                                                   tion de la collégiale, qui remplace les traditionnels
                                                                                                                                                                   bureau et conseil d’administration d’une associa-
                                                                                                                                                                   tion classique, constitue une étape. « Maintenant
                                                                                                                                                                   que nous avons fait nos preuves, les habitants
                                                                                                                                                                   peuvent davantage reprendre la main sur le lieu
                                                                                                                                                                   et s’y investir bénévolement grâce à l’organisation
                                                                                                                                                                   en commissions », espère Matthieu. •

                                                                                                                                                                                   Saint-Sulpice-
                                                                                                                                                                                   la-Forêt
                                                                                                                                                                                   1 332 habitant·es

    Une attention que partage l’équipe municipale                                                          quatre années, nous pouvons dire que ce modèle
de Saint-Sulpice-la-Forêt. Pendant le confine-                                                             tient la route », assure François. Reste à le conso-
ment de mars 2020, le loyer du Guibra a été sus-                                                           lider, notamment auprès de la population de
pendu. Sur le marché du vendredi soir, en face                                                             Saint-Sulpice-la-Forêt. « Le bar reste ouvert tous
du bistrot, il a été décidé de ne pas installer de                                                         les vendredis soir, même pendant la période des         Le Guibra                           > 1 500 € du Département
stands de légumes bio pour en laisser l’exclusivité                                                        vacances d’été. C’est important que le lieu vive en     > Créé en 2016                      sur le contrat de territoire
à l’épicerie du Guibra.                                                                                    permanence, pour être identifié par ceux qui ne         > Géré par l’association            en 2019-2020
                                                                                                           le connaissent pas encore bien », illustre François.    Le Guibra : 40 adhérent·es          > 2 300 € de la Commune
                                                                                                                                                                   > Surface : un bar, salle           au titre des activités
  Bar, épicerie, resto :                                                                                   Autre objectif : attirer davantage la jeunesse en       de restauration (50 m2) et          culturelles et vie associative
  une multi-activité ambitieuse                                                                            trouvant la bonne formule.                              terrasse (50 places assises),       en 2019-2020
                                                                                                                                                                   une épicerie de 40 m2
   Pour assurer un modèle économique, Le                                                                                                                           > Une trentaine de                  Adresse & contact
Guibra s’est construit sur une triple activité : la                                                          Le lien avec les associations                         fournisseur·euses                   18 rue de la Grange
restauration en semaine, l’épicerie garnie de                                                                et le territoire                                      locaux·ales                         35250 Saint-Sulpice-la-Forêt
                                                                                                                                                                   > 5 salarié·es en 2020              Tél : 09 83 60 54 44
produits locaux, le plus souvent biologiques, et                                                              Pour ancrer sa présence sur le territoire, le lieu   pour 3,1 ETP                        www.leguibra.fr
le bar, qui propose aussi un dépôt de pain fabri-                                                          s’ouvre aussi à la vie associative locale. « Avec
qué à quelques kilomètres. L’activité permet                                                               l’association socioculturelle de Saint-Sulpice-         Financement                         Horaires
                                                                                                                                                                   > 7 000 € de Rennes                 fermé le lundi
d’employer cinq personnes, sur trois équivalents                                                           la-Forêt, l’ASC, nous échangeons du matériel.           Métropole pour                      mardi, mercredi, jeudi :
temps plein. Et les tâches, même très organisées,         À l’avenir, Le Guibra souhaite embaucher une     En 2019, nous avons préparé 250 repas pour le           l’investissement                    10 h - 14 h, 16 h 30 - 20 h
                                                                                                                                                                   de lancement                        vendredi : 10 h - 14 h,
restent variées. François au service, à la program-    seconde personne en cuisine, pour compléter         comice agricole et nous participons aussi à la          > 15 000 € du Département           16 h 30 - 1 h
mation culturelle et à la communication, Clovis à      les créneaux de Clovis et lui donner un coup de     fête de la Guibra, qui est une vieille tradition de     au titre de la redynamisation       samedi et dimanche :
la cuisine, Constance à la comptabilité, la gestion    main. « Deux de nos emplois sont aidés par Pôle     brocante sur la commune », poursuit François. La        centre-bourg en 2018-2019           8 h - 13 h
et la taverne, Betty à l’épicerie et la taverne éga-   emploi compétences. Pour le reste, tout est 100 %   foire Agriculturelle a également lieu tous les ans
lement, et Simon à la comptabilité et l’épicerie.      autofinancé par les différentes activités. Après    avec des exposant·es artisan·es, des concerts et

22 • LE GUIBRA                                                                                                                                                                                     SAINT-SULPICE-LA-FORÊT • 23
avec des produits bio et locaux. Un petit espace
                                                                                                               a même été aménagé pour les enfants. Côté épi-
                                                                                                               cerie, qui occupe avec le bar un large espace de
                                                                                                               70 mètres carrés, les étagères sont bien garnies :
                                                                                                               des produits en vrac, des fruits et des légumes
                                                                                                               bio, du fromage à la coupe, et même des produits
                                                                                                               d’entretien. « On fait des marges réduites sur les
                                                                                                               produits locaux (de 5 % à 10 %). Et pour le reste,
                                                                                                               niveau rapport qualité-prix, on est plutôt compé-
                                                                                                               titifs », précise l’épicier. Des vins naturels et des
                                                                                                               bières artisanales locales complètent la gamme.
                                                                                                               La programmation culturelle est tout aussi allé-
                                                                                                               chante, avec des concerts, des projections de
                                                                                                               films, des débats. Une véritable offre culturelle
                                                                                                               en milieu rural. Les artistes se pressent d’ailleurs
                                                                                                               pour intégrer la programmation du Café des pos-
                                                                                                               sibles. « Comme on a une licence d’entrepreneur
                                                                                                               de spectacles, on est très sollicités. On a une ou
                                                                                                               deux demandes par jour. »

                                                                                                                 Un accompagnement à la création
 GUIPEL                                                                                                          d'entreprise en ESS
                                                                                                                   Trois salariés font tourner ce lieu atypique. Le

Un Café des possibles
                                                                                                                                                                        « On ne voulait pas être en
                                                                                                               résultat d’un travail de fond. « On avait cherché
                                                                                                               un territoire, en dressant une carte de ce qui exis-
                                                                                                               tait déjà, et identifié les endroits où il y avait des   concurrence avec d’autres

réinvente le commerce
                                                                                                               besoins. On ne voulait pas être en concurrence
                                                                                                               avec d’autres commerces et on voulait fédérer            commerces et on voulait
                                                                                                               des initiatives déjà existantes. Nous avons fina-
                                                                                                               lement choisi Guipel. On a été très bien accueil-
                                                                                                                                                                        fédérer des initiatives déjà
                                                                                                                                                                        existantes »
de proximité
                                                                                                               lis », raconte Yves de Montgolfier, l’un des trois
                                                                                                               fondateurs du Café des possibles. Pour préparer
                                                                                                               l’ouverture du lieu, le trio a bénéficié à Rennes            Yves de Montgolfier, l’un des fondateurs
                                                                                                               d’un accompagnement dans l’incubateur d’entre-               du Café des possibles
                                                                                                               prises TAg35, spécialisé dans l’économie sociale
                                                                                                               et solidaire : « La structure nous a proposé des
Il est seulement 10 heures du matin, mais, au           nouveau commerce de proximité se construit pas         bureaux partagés avec d’autres porteurs de pro-
Café des possibles, tout le monde est déjà à pied       à pas. Ouvert en avril 2018 par trois porteurs de      jets. Durant quatre mois, nous avons aussi suivi         « On a d’abord ouvert le bar et l’épicerie, puis la
d’œuvre. Tandis qu’en cuisine, Martin prépare des       projets, Un Café des possibles base son activité       des journées de formation hebdomadaires sur              cuisine dans un second temps. » Les initiateurs du
frites maison pour le menu du jour, Yves, l’épicier,    sur quatre piliers : une épicerie, un restaurant, un   la création d’entreprise en ESS », raconte Yves.         Café des possibles sont animés par des ambitions
sert ses client·es. Au fond de la boutique, Virginie,   bar et une programmation culturelle. Comme un          Les jeunes entrepreneurs ont aussi bénéficié             communes : « L’idée, c’est de créer un lieu de vie
bénévole, se concentre pour étiqueter des pro-          juste retour aux sources, ce commerce est installé     d’un accompagnement personnalisé avec les                en milieu rural pour lutter contre le phénomène de
duits. « Le jus d’orange bio en 75 centilitres, tu      aujourd’hui dans les locaux d’une ancienne épice-      salarié·es de l’incubateur, avec des rendez-vous         “dortoirisation” de la campagne. Nous travaillons
l’as ? Et le Earl Grey en vrac aussi ? » lui demande    rie, au cœur du bourg de Guipel. Une salle de res-     réguliers au fil de l’avancée du projet. « À la fin      en circuits courts au maximum », raconte Yves. Au
l’épicier. Non loin du comptoir, sur un coin d’un       taurant adaptée aux concerts jouxte une réserve        de la période d’incubation, nous devions rédiger         quotidien, les trois salariés sont épaulés par une
grand tableau noir, est écrit : « La vie du café ».     et la cuisine. Chaque midi, les client·es peuvent      un business plan social à présenter à un jury »,         petite équipe d’habitant·es, impliqué·es dans le
Une petite phrase qui en dit long : ici, à Guipel, un   venir déguster des petits plats confectionnés          ajoute Yves. Sur le terrain, la mayonnaise prend.        projet depuis son lancement. Tous et toutes sont

24 • UN CAFÉ DES POSSIBLES                                                                                                                                                                                     GUIPEL • 25
Le mot du maire                                      objectif principal ? Atteindre l’équilibre écono-

                                                     « Il faut une                                        mique ! » explique Yves de Montgolfier. La crise
                                                                                                          liée à la Covid-19 a en outre drainé une nouvelle
                                                     dynamique                                            clientèle. Les volumes vendus à l’épicerie ont
                                                                                                          été multipliés par trois durant cette période et
                                                     humaine ! »                                          la restauration à emporter a connu un joli suc-
                                                                                                          cès. « On a été très contents de jouer ce rôle-là.
                                                     Christian Roger, ancien maire de Guipel              Beaucoup de gens ont franchi la porte pour la
                                                                                                          première fois. D’ailleurs, le CA a bien progressé
                                                     « La commune a longtemps connu une                   sur le premier trimestre 2020, notamment sur
                                                     épicerie qui ne cessait de péricliter. C’était       l’activité épicerie », se réjouit Yves. Il est midi. Au
                                                     une épicerie conventionnelle, qui ne                 pied de l’église, la terrasse ensoleillée se remplit
                                                     parvenait pas à concurrencer les produits            peu à peu. •
                                                     que l’on pouvait trouver en grandes
                                                     surfaces. Trois jeunes gens sont venus
                                                     frapper à la porte de la Communauté de
                                                     communes, où j’étais en charge de l’ESS. Ils
                                                     m’ont proposé un projet sérieux, mature. Ça
                                                     me parlait ! On a diffusé leur projet auprès
                                                     des autres Communes. Ils ont finalement
                                                     décidé de jeter l’ancre à Guipel. L’aide
                                                     financière de la Commune a consisté à                          Guipel
                                                     prendre 50 parts sociales, soit 5 000 euros,                   1 700 habitant·es
                                                     au sein de la Scic. La revitalisation de notre
                                                     territoire passe par ce type de projet. Guipel
                                                     est devenue de plus en plus attractive ces
intégré·es à une Scic, qui compte aujourd’hui        dernières années : de nouveaux habitants
95 sociétaires. « Le conseil coopératif se réunit    viennent s’installer ici, non par contrainte
une fois par mois. On peut discuter d’orientations   mais par choix. Ce type de commerce
politiques, mais aussi des horaires d’ouverture.     correspond à leurs attentes. Le commerce
On parle aussi des finances ou de projets à moyen    privé, au sens traditionnel du terme, ne
terme, comme le réagencement des locaux »,           fonctionne plus en milieu rural : là, c’est un       Un Café des possibles         la Région, le Département
                                                                                                          > Créé en avril 2018          d’Ille-et-Vilaine et Rennes
explique Virginie Basile, membre de l’associa-       commerce qui apporte des services avec                                             Métropole
                                                                                                          > CA : 222 000 € TTC
tion La Luciole et représentante des personnes       des règles redistributrices, c’est tout autre        (bilan 2019)
morales et privées au sein du conseil coopératif.    chose. À mon sens, la partie commerce                > Plus de                     Adresse & contact
                                                                                                          40 fournisseur·euses          9 place François Duine
L’engagement des particulier·ères prend plusieurs    et restauration n’est pas la marche la                                             35440 Guipel
                                                                                                          locaux·ales
formes : assurer notamment une permanence            plus difficile : le plus dur, c’était de savoir      > 95 sociétaires (dont        09 72 80 91 61
                                                                                                                                        www.ucdp.bzh
physique le dimanche matin pour le service du        s’intégrer dans un territoire. Il faut s’installer   5 associations)
                                                                                                          > 3 salariés (2,8 ETP)
brunch dominical. Les bénévoles peuvent égale-       dans le temps, il faut essuyer les plâtres. Et
                                                                                                                                        Horaires
ment participer à des commissions ou s’investir      ils semblent très bien y parvenir. Les trois         Financement                   mardi, mercredi, jeudi :
ponctuellement dans des groupes de travail.          porteurs de projet habitent la commune,              > 5 000 € de parts sociales   10 h - 14 h, 17 h - 19 h30
                                                                                                          acquises par la Commune       vendredi et samedi :
                                                     leurs enfants y sont scolarisés. Un Café des         de Guipel                     10 h - 14 h, 17 h - 20 h
  Atteindre l’équilibre économique                   possibles a aussi noué des relations avec            > 6 mois au sein de           (jusqu’à minuit si
   Comme la marmite sur le fourneau du Café,         des fournisseurs locaux et des associations          l’incubateur TAg35            programmation culturelle)
                                                                                                          cofinancés par l’État,        dimanche : 10 h - 13 h
l’activité est en ébullition, mais les fondateurs    qui peuvent utiliser le lieu. Car on ne fait
gardent la tête froide. « Le chiffre d’affaires      pas un commerce seulement avec des
progresse, mais c’est encore insuffisant. Notre      murs, il faut une dynamique humaine ! »

26 • UN CAFÉ DES POSSIBLES                                                                                                                              GUIPEL • 27
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