RE: BEETHOVEN. PRIDE AND PERSISTENCE BEETHOVEN & 8 - Elisabeth Kulman
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Beethoven: The Symphonies 26 & 28.04.19 - BELGIAN NATIONAL ORCHESTRA RE: BEETHOVEN. PRIDE AND PERSISTENCE 29.05.19 - LA MONNAIE SYMPHONY ORCHESTRA BEETHOVEN � & 8 BOZAR, Henry Le Boeuf Hall 0426 28 Beethoven-BNO.indd 1 18/04/19 14:41
Cover © Alberto Polo Iañez 0426 28 Beethoven-BNO.indd 2 18/04/19 14:41
BEETHOVEN: THE SYMPHONIES Un projet des trois institutions culturelles fédérales · Een project van de drie federale culturele instellingen La Monnaie / De Munt, Belgian National Orchestra & BOZAR SOMMAIRE · INHOUDSTAFEL Éditorial · Woord vooraf . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 2 Programme des concerts · Concertprogramma’s . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 4 & 6 Hans-Joachim Hinrichsen musicologue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 8 musicoloog . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 12 Bernard Foccroulle compositeur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 16 componist . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 17 Ger Groot philosophe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 18 filosoof . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 23 Hugh Wolff chef d’orchestre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 28 dirigent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 29 Alain Altinoglu chef d’orchestre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 30 dirigent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 32 Biographies · Biografieën . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 34 Musiciens · Muzikanten . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 46 1 0426 28 Beethoven-BNO.indd 1 18/04/19 14:41
Aux quatre coins du monde, festivals, salles de concert et musiciens s’apprêtent à ÉDI TO R I A L vivre une année pour le moins festive. 2020 verra en effet la commémoration du 250e anniversaire de la naissance de Ludwig van Beethoven. Il est impossible de résumer en quelques lignes les mérites artistiques de Beethoven et son influence sur l’histoire de la musique : en témoignent les innombrables ouvrages consacrés à sa personne et à ses œuvres, qui remplissent des bibliothèques entières. Dans nos contrées, dont Beethoven est originaire, le 250e anniversaire de la naissance de ce compositeur-phare ne passera pas non plus inaperçu. La Monnaie, le Belgian National Orchestra et BOZAR ont décidé de s’unir pour rendre hommage à cette figure légendaire. Dans le cadre de Beethoven: The Symphonies, l’Orchestre symphonique de la Monnaie interprète les neuf symphonies de Beethoven, lors de cinq concerts proposés à BOZAR. La création d’un idéal symphonique et sa mise en exécution représentent sans doute la réalisation majeure de l’artiste. En outre, l’Orchestre présente en première mondiale des œuvres de compositeurs belges et internationaux de premier plan, écrites en réponse à une commande de la Monnaie. Le Belgian National Orchestra célèbre lui aussi Beethoven à travers une série de quatre concerts réunissant des œuvres qui soulignent l’influence déterminante du maître sur l’histoire de la musique. De même que Beethoven dépassa les conventions rythmiques et harmoniques dans sa Troisième symphonie, Stravinsky transcenda le langage musical de son époque grâce à son Sacre du printemps. L’utilisation du chant des oiseaux par Messiaen et l’évocation de l’océan par Ravel sont autant d’échos de la Sixième symphonie de Beethoven et, tout comme son iconique Cinquième symbolise la lutte de l’homme avec le destin, la Cinquième symphonie de Chostakovitch est l’expression poignante d’un homme en butte à un système impitoyable. Enfin, à la Septième de Beethoven, dans laquelle Wagner vit « l’apothéose de la danse », répondent les accents rythmiques de Carmen de Bizet et de L’Oiseau de feu de Stravinsky. Après United Music of Brussels et le succès de ses trois premières éditions, Beethoven: The Symphonies est le deuxième projet commun de grande envergure des trois institutions culturelles fédérales. Peter de Caluwe, Directeur général – Intendant de la Monnaie Hans Waege, Intendant du Belgian National Orchestra 2 Paul Dujardin, Chief Executive Officer – Directeur artistique de BOZAR 0426 28 Beethoven-BNO.indd 2 18/04/19 14:41
Overal ter wereld maken festivals, concerthuizen en muzikanten zich stilaan op W O O R D VO O R A F voor een jaar vol feestgedruis. In 2020 is het immers precies 250 jaar geleden dat Ludwig van Beethoven geboren werd. Het is onmogelijk om de verdiensten van Beethoven en zijn betekenis voor de muziekgeschiedenis te vatten in enkele regels – de talloze boeken over zijn persoon en werken, waarmee hele bibliotheken gevuld worden, zijn het bewijs. Ook hier bij ons, de regio waar de wortels van Beethoven liggen, mag en zal de 250ste verjaardag van een van de allergrootste componisten uit de geschiedenis niet onopgemerkt voorbijgaan. Om Ludwig van Beethoven de gepaste eer te betuigen, slaan de Munt, BOZAR en het Belgian National Orchestra de handen in elkaar. Onder de titel Beethoven: The Symphonies brengt het Symfonisch Orkest van de Munt bij BOZAR de negen symfonieën van Beethoven, verspreid over vijf concerten. Immers, de creatie van een symfonisch ideaal én de technische uitwerking van dat ideaal vormen misschien wel Beethovens allergrootste verwezenlijking. Tegelijk stelt het orkest vier wereldpremières voor van topcomponisten uit binnen- en buitenland, telkens een opdracht van de Munt. Het Belgian National Orchestra dient Beethovens iconische werken van weerwoord in een vierdelig concertprogramma met werken die laten horen hoe de componist reeds de krijtlijnen van de muziekgeschiedenis ná hem had uitgezet. Zoals Beethoven conventies over ritme en harmonie aan zijn laars lapte in zijn Derde symfonie, deed Stravinsky een honderdtal jaar precies hetzelfde in zijn Sacre du printemps. In Messiaens gebruik van vogelzang en Ravels evocatie van de oceaan zien we een weerspiegeling van Beethovens Zesde, en net zoals de iconische Vijfde symfonie een symbool is van de strijd en de kracht van de mens die weigert het hoofd te buigen voor het noodlot, is de Vijfde symfonie van Sjostakovitsj een aangrijpend antwoord op een meedogenloze macht. Ten slotte zijn de ritmische accenten van Bizets Carmen en Stravinsky’s De Vuurvogel een antwoord op Beethovens Zevende symfonie, die Wagner omschreef als ‘de apotheose van de dans’. Na drie succesvolle edities van United Music of Brussels, is Beethoven: The Symphonies het tweede grote gezamenlijke project van de drie federale culturele instellingen. Peter de Caluwe, Algemeen directeur – Intendant van De Munt Hans Waege, Intendant van het Belgian National Orchestra Paul Dujardin, Chief Executive Officer – Artistiek directeur van BOZAR 3 0426 28 Beethoven-BNO.indd 3 18/04/19 14:41
CONCERT 1 26 & 28 avril · april 2019 Palais des Beaux-Arts · Paleis voor Schone Kunsten Grande Salle Henry Le Bœuf · Grote Zaal Henry Le Bœuf RE: BEETHOVEN FIERTÉ ET PERSÉVÉRANCE · PRIDE AND PERSISTENCE In antwoord op Beethovens Zevende symfonie En réponse à la Septième symphonie de Beethoven BELGIAN NATIONAL ORCHESTRA HUGH WOLFF, direction musicale · muzikale leiding ELISABETH KULMAN, mezzo-soprano · mezzosopraan JOHN CORIGLIANO (°1938) Fantasia on an Ostinato (1985) GEORGES BIZET (1838-1875) Extraits de · Fragmenten uit Carmen (1875) —— Ouverture —— Habanera: “L’amour est un oiseau rebelle” —— Entracte III —— Seguidilla —— Entracte IV —— Les tringles des sistres tintaient avec · met Elisabeth Kulman, mezzo-soprano · mezzosopraan pause · pauze IGOR STRAVINSKY (1882-1971) L’Oiseau de feu · De Vuurvogel, ballet (1910) —— Introduction · Inleiding —— Tableau 1 · Tafereel 1 -- Le jardin enchanté de Kachtcheï · De betoverde tuin van Kastsjej -- Apparition de l’Oiseau de feu poursuivi par Ivan Tsarévitch · Verschijning 4 van de Vuurvogel, achtervolgd door tsarevitsj Ivan 0426 28 Beethoven-BNO.indd 4 18/04/19 14:41
-- Danse de l’Oiseau de feu · Dans van de Vuurvogel -- Capture de l’Oiseau de feu par Ivan Tsarévitch · Tsarevitsj Ivan vangt de Vuurvogel -- Supplications de l’Oiseau de feu · Smeekbede van de Vuurvogel -- Apparition des treize princesses enchantées · Verschijning van de dertien betoverde prinsessen -- Jeu des princesses avec les pommes d’or · De prinsessen spelen met de gouden appels -- Brusque apparition d’Ivan Tsarévitch · Onverwachte verschijning van tsarevitsj Ivan -- Khorovod (ronde) des princesses · Chorovod (rondedans) van de prinsessen -- Lever du jour · Zonsopgang -- Ivan pénètre dans le palais de Kachtcheï · Ivan dringt binnen in het paleis van Kastsjej -- Carillon féerique · Magisch klokkenspel -- Apparition des monstres-gardiens de Kachtcheï · Verschijning van Kastsjejs monster-lijfwachten -- Capture d’Ivan Tsarévitch · Gevangenneming van Tsarevitsj Ivan -- Intercession des princesses · Tussenkomst van de prinsessen -- Danse de la suite de Kachtcheï, enchantée par l’Oiseau de feu · Dans van Kastsjejs gevolg, betoverd door de Vuurvogel -- Danse infernale de tous les sujets de Kachtcheï · Helse dans van alle onderdanen van Kastsjej -- Berceuse · Slaapliedje -- Réveil de Kachtcheï · Kastsjej wordt wakker -- Mort de Kachtcheï · Dood van Kastsjej -- Profondes ténèbres · Volledige duisternis —— Tableau 2 · Tafereel 2 -- Disparition du palais et des sortilèges de Kachtcheï – Animation des chevaliers pétrifiés – Allégresse générale · Verdwijning van Kastsjejs paleis en betoveringen – De versteende prinsen komen weer tot leven – Algemene feestvreugde 22:00 (26.04) 17:00 (28.04) fin du concert · einde van het concert coproduction · coproductie Belgian National Orchestra, BOZAR 5 0426 28 Beethoven-BNO.indd 5 18/04/19 14:41
CONCERT 2 29 mai · mei 2019 Palais des Beaux-Arts · Paleis voor Schone Kunsten Grande Salle Henry Le Bœuf · Grote Zaal Henry Le Bœuf BEETHOVEN: THE SYMPHONIES BEETHOVEN 7 & 8 ALAIN ALTINOGLU, direction musicale · muzikale leiding SÉBASTIEN WALNIER, violoncelle · cello ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE LA MONNAIE · SYMFONIEORKEST VAN DE MUNT PIERRE FOUCHENNERET, Konzertmeister LUDWIG VAN BEETHOVEN (1770-1827) Symphonie Nr. 8 F-Dur, op. 93 (1812) —— Allegro vivace e con brio —— Allegretto scherzando —— Tempo di Menuetto —— Allegro vivace BERNARD FOCCROULLE (°1953) Climbing-Dancing A Concerto for Cello and Orchestra, for Trisha (2018/2019) —— I. Molto lento —— II. Molto vivo création mondiale · wereldcreatie commande de la Monnaie · opdracht van de Munt SÉBASTIEN WALNIER, violoncelle · cello pause · pauze 6 0426 28 Beethoven-BNO.indd 6 18/04/19 14:41
LUDWIG VAN BEETHOVEN (1770-1827) Symphonie Nr. 7 A-Dur, op. 92 (1811-1812) —— Poco sostenuto - Vivace —— Allegretto —— Presto - Assai meno presto —— Allegro con brio 22:00 fin du concert · einde van het concert production · productie La Monnaie / De Munt coprésentation · copresentatie BOZAR En coproduction avec Shelter Prod et Prospero MM Productions, avec le soutien de taxshelter.be et ING, avec le soutien du tax shelter du Gouvernement fédéral de Belgique · In coproductie met Shelter Prod en Prospero MM Productions, met de steun van de Taxshelter.be en ING, met de steun van de tax shelter van de Belgische federale overheid 7 0426 28 Beethoven-BNO.indd 7 18/04/19 14:41
RE : BEETHOVEN 7 & 8 CLÉ D ’ ÉCO U T E Hans-Joachim Hinrichsen Faut-il rappeler que Richard Wagner a qualifié la Septième symphonie en la majeur (op. 92) de Ludwig van Beethoven d’« apothéose de la danse » ? Ce verdict encore célèbre aujourd’hui constitue le fil conducteur des concerts des 26, 28 avril et 29 mai 2019, qui associeront la symphonie « dansante » de Beethoven à des pièces issues directement de l’univers de la danse (comme le ballet L’Oiseau de feu de Stravinsky) ou ayant intégré ses formes de façon tout à fait novatrice dans un opéra (Carmen de Bizet). Nous entendrons en outre une nouvelle œuvre de Corigliano explicitement inspirée de la Septième de Beethoven et, pour finir, la Huitième symphonie en fa majeur (op. 93), le pendant de cette dernière. Ludwig van Beethoven : Septième symphonie (1811-1812) Beethoven a composé sa Septième symphonie en 1811-1812, alors que ses précédentes œuvres lui avaient déjà valu la solide réputation de plus grand symphoniste de son temps. Le public l’attendait donc avec impatience, et elle connut un succès retentissant. Celui-ci ne tient cependant pas au seul trait de caractère relevé par Richard Wagner : si l’énergie rythmique qui traverse l’ensemble des mouvements de la symphonie n’apparaît pas nécessairement « dansante », sa force est telle que personne ne peut s’y soustraire. La symphonie semble en effet se concentrer sur la présentation musicale du pur plaisir que procure le mouvement sous toutes ses formes. S’il semble peu certain que Beethoven ait adhéré à la description de Wagner, il convient néanmoins de s’intéresser à ce qui l’a motivée. Wagner, grand dramaturge musical, était un farouche opposant au concept esthétique d’« absolu » : il rejetait l’idée d’une musique instrumentale pure, centrée sur elle-même sans se référer à quoi que ce soit d’extérieur. Il a ainsi supposé que chacune des symphonies de Beethoven répondait à une motivation implicite – précisément l’« apothéose de la danse » pour la Septième. On peut certes la considérer comme une célébration du rythme, mais c’est aussi et surtout une étude particulièrement poussée des obsessions rythmiques. Cette caractéristique était jusqu’alors la norme pour le troisième mouvement, le scherzo – le terme scherzo désignant toujours, indépendamment de l’œuvre, un mouvement de danse stylisé. La nouveauté réside dans le fait que Beethoven l’étend désormais à l’entièreté d’une œuvre symphonique. On observe ce phénomène dès le premier mouvement : de l’ample introduction lente jaillit de façon tout à fait inattendue le petit motif pointé à partir duquel se déploie l’ensemble du mouvement. De façon toute paradoxale, cette dimension rythmique obsessionnelle contribue précisément à ce que l’œuvre, loin de paraître monotone, produise un effet divertissant et entraînant. Et 8 le caractère impulsif communicatif du dernier mouvement est pour ainsi dire à couper 0426 28 Beethoven-BNO.indd 8 18/04/19 14:41
le souffle. Curieusement, il en va de même du mouvement lent, une sorte de marche CLÉ D ’ ÉCO U T E funèbre dans le ton de la mineur ; il fit une telle impression lors de la création de l’œuvre que le public demanda spontanément qu’il soit rejoué. Ce mouvement est animé d’une même obsession rythmique : il est parcouru de bout en bout par un ostinato, qui prend la forme d’une marche lente présentant un rythme dactylique (longue-brève-brève). John Corigliano : Fantasia on an Ostinato (1986) Cet ostinato a inspiré au compositeur new-yorkais John Corigliano une de ses expériences les plus intéressantes. Peu avant son cinquantième anniversaire, il compose ainsi une fantaisie sur ce mouvement, dans laquelle il se confronte à la musique minimaliste alors en vogue aux États-Unis. Cette confrontation laisse une part égale à l’imitation fascinée et à la critique engagée. Tandis que la musique minimaliste, avec ses structures brèves et souvent répétitives – du moins du point de vue de Corigliano – tend à la monotonie et à la stérilité émotionnelle, la Fantasia on an Ostinato, d’abord composée pour piano en 1985, est un hommage à l’obsession rythmique de Beethoven ; de ce matériau de départ infime, elle tire un véritable feu d’artifice en termes de diversité, de couleurs et de progressions émotionnelles. Enrichie et orchestrée en 1986, la pièce prend alors une forme qui la rapproche du modèle beethovénien (en dépit d’un instrumentarium beaucoup plus fourni). Elle improvise simultanément ou successivement, dans un grand arc dramaturgique, sur deux caractéritiques du deuxième mouvement de la Septième symphonie de Beethoven : le petit noyau rythmique en dactyle et le saisissant changement harmonique entre mineur et majeur. Georges Bizet : Carmen En 1875, Georges Bizet livre avec l’opéra Carmen une des œuvres dramatiques les plus applaudies de l’histoire de la musique. Fait tragique, il n’assistera cependant pas à ce succès en raison de sa mort prématurée. L’œuvre, dont la protagoniste espagnole fière et assoiffée de liberté vit pleinement son amour sans craindre la mort, doit avant tout sa popularité à la géniale élaboration d’une couleur locale en musique. Bizet est en effet parvenu à produire une « couleur musicale » espagnole dans un langage qui, tout en lui étant entièrement propre, laisse toujours transparaître son modèle stylisé. Ses éditeurs ont ultérieurement réuni en diverses suites les meilleurs numéros de l’œuvre – dont se distinguent ceux qui adaptent cet « espagnolisme » factice à la musique vocale. Bizet, stimulé entre autres par le recueil Fleurs d’Espagne de Sebastián de Yradier, utilise à ces fins des types de danse connus, qui semblent à la fois exotiques et familiers au public. Le Prélude très énergique est suivi de l’air – presque programmatique – sur lequel Carmen fait son entrée, « L’amour est un oiseau rebelle », probablement le plus connu de l’opéra. Il s’agit d’une habanera hispano-cubaine, immédiatement reconnaissable à son rythme en ostinato ; elle donne d’emblée une expression vivante au personnage de Carmen et à sa conception de la vie. Les autres numéros vocaux de la suite reposent eux aussi sur des formes dansées. L’allusion de Carmen à l’auberge située à l’extérieur de la ville (« Près des remparts de Séville ») 9 0426 28 Beethoven-BNO.indd 9 18/04/19 14:41
est une séguedille (précisons toutefois que cette désignation n’est pas de Bizet, mais CLÉ D ’ ÉCO U T E a été ajoutée postérieurement par ses éditeurs). Enfin, la « chanson bohème » qui ouvre le deuxième acte et évolue vers une danse orgiaque, rappelle le flamenco. Bizet s’approprie de façon remarquable cette couleur locale « espagnole » pour créer une œuvre originale. Parmi les nombreuses anecdotes expliquant que l’opéra n’a connu le succès qu’après la mort du compositeur, on avance souvent le fait qu’il avait pour fervent admirateur Friedrich Nietzsche, décrié par Wagner. Le philosophe, qui affirmait avoir entendu l’œuvre plus de vingt fois, en opposait sous forme de propagande efficace la fougue méridionale, mise en scène avec grand art, à la lourdeur septentrionale et l’obscurité nébuleuse du Ring des Nibelungen de Wagner. Si cette polémique est aujourd’hui caduque, il faut cependant reconnaître à Nietzsche sa sensibilité pour l’incommensurable qualité de la musique de Bizet, qui rend avec finesse les accents « du sud de l’Espagne ». À sa suite, les compositeurs Claude Debussy et Maurice Ravel adapteront à leur tour l’exotisme espagnol en musique. Igor Stravinsky : L’Oiseau de feu (1909-1910) Avec L’Oiseau de feu, Igor Stravinsky propose tout à la fois le premier de ses grands ballets et la première de ses nombreuses compositions pour les Ballets russes à Paris. L’idée d’une saison russe qui ferait découvrir aux Parisiens la musique slave encore relativement peu connue avait été concrétisée une première fois en 1909 par le Russe Serge de Diaghilev en collaboration avec son compatriote le chorégraphe Michel Fokine. Pour la deuxième saison, il passa commande au jeune Igor Stravinsky, dont il avait entendu Feu d’artifice à Paris. Fokine, qui allait créer le rôle principal lors de la première du ballet en juin 1910, en avait imaginé l’argument d’après des motifs récurrents de contes russes : le méchant magicien Kachtcheï retient dans son palais treize princesses ensorcelées ; le jeune Ivan Tsarévitch parvient à les libérer avec l’aide d’un oiseau de feu, qu’il a d’abord capturé, puis relâché à force de l’entendre l’en supplier. Le magicien déchaîne alors toutes sortes de monstres contre Ivan, qui s’était épris de la belle Tsarévna au premier regard. Mais les princesses sont bel et bien libérées, Kachtcheï perd son immortalité, Ivan Tsarévitch épouse la belle Tsarévna et reçoit la couronne en grande pompe. Après quelques hésitations, Stravinsky, qui vit encore à Saint-Pétersbourg, livre très rapidement une musique fascinante, dont les couleurs rappellent l’art de l’orchestration de son professeur, Nikolaï Rimski-Korsakov. L’intrigue offre quantité de prétextes au déploiement de cet art : les jardins enchantés de Kachtcheï, l’apparition du mystérieux oiseau de feu, le jeu des princesses avec les pommes d’or, la danse infernale des monstres et la déchéance du magicien sont autant d’occasions de décliner une vaste palette de situations oniriques, finalement couronnée par un hymne solennel. Le succès phénoménal du ballet, avec lequel Fokine et Stravinsky inaugurent par ailleurs une toute nouvelle synthèse entre chorégraphie, décors, costumes et musique, propulse le compositeur à la tête de l’avant-garde européenne et marque le début de sa renommée mondiale. Tel le dieu 10 Janus à deux têtes, le langage tonal de ce ballet est tourné tant vers le passé que vers 0426 28 Beethoven-BNO.indd 10 18/04/19 14:41
l’avenir : il renvoie aux expériences sonores de la fin du romantisme et de la musique CLÉ D ’ ÉCO U T E impressionniste tout en préfigurant le modernisme bruitiste du Sacre du Printemps qui verra le jour seulement trois ans plus tard. Ludwig van Beethoven : Huitième symphonie (1812) En 1812, Beethoven compose avec la Huitième symphonie un pendant à la Septième symphonie écrite un an plus tôt, dans un caractère toutefois totalement différent ; le contraste entre les deux œuvres est aussi marqué que celui qui oppose les Cinquième et Sixième symphonies. Contrairement à la Septième symphonie qui captive d’emblée, la Huitième symphonie semble s’exprimer d’une voix méconnaissable – comme si, en l’écrivant, Beethoven s’était foncièrement interrogé sur la composition d’une symphonie. Le seul fait que les deux mouvements centraux, sans être les usuels mouvement lent et scherzo, en reproduisent néanmoins le caractère dans une étrange distanciation (le scherzo « in tempo d’un Menuetto ») donne matière à réfléchir. Dans cette œuvre, plus rien ne semble aller de soi. Les premier et dernier mouvements, par exemple, jouent ironiquement avec les conventions de la forme sonate (ou plus exactement, proposent une réflexion à leur sujet). Il convient ainsi, dans le premier mouvement, d’être attentif à la transition vers le second thème, qui commence dans une tonalité « erronée » ; la musique ralentit alors brusquement dans un ritardando méditatif, et la tonalité est immédiatement remplacée par celle, « correcte », d’ut majeur. De même, dans le finale, le second thème fait son entrée à la faveur d’une cadence rompue, de nouveau dans une « mauvaise » tonalité, à savoir la bémol majeur, et ne reprend le « bon » ton d’ut majeur qu’après une correction presque tonitruante. Dès la création de l’œuvre, le public n’apprécie guère cette réflexion de la musique sur elle-même, ainsi détaillée dans la composition. Il trouve la pièce trop intellectuelle, et peu à même de susciter l’émotion. La symphonie en fa majeur restera ainsi toujours un peu dans l’ombre de sa sœur en la majeur, et les contemporains de Beethoven trouveront même logique qu’il ne compose plus de symphonie par la suite : selon eux, il est visiblement arrivé aux limites du genre. Rien ne laisse prévoir le coup d’éclat, plus d’une décennie plus tard, de la Neuvième symphonie, qui intégrera précisément tous les enseignements tirés de la réflexion menée durant la composition de la Huitième symphonie (par exemple l’emploi d’une tonalité à la tierce, et non plus du ton de la dominante, pour le second thème). On a donc tout lieu de supposer qu’avec la Huitième symphonie, qui paraît si anodine du fait de la stylisation de ses mouvements centraux et qui s’exprime dans un langage si étrange, Beethoven a en réalité composé un de ses chefs-d’œuvre, imaginant et organisant de façon radicalement novatrice les prémices d’un genre symphonique moderne. Pour découvrir toute la saveur de cet opus, l’auditeur doit accepter de se laisser gagner par son humour et sa profondeur d’esprit. Traduction : Émilie Syssau Le musicologue allemand Hans-Joachim Hinrichsen (°1952) est professeur au département de musi- cologie de l’Université de Zurich. Il a publié des monographies consacrées à Bach, Schubert, Brahms, Bruckner et Beethoven, et a collaboré au Beethoven Handbuch (Bärenreiter/Metzler, 2009). 11 0426 28 Beethoven-BNO.indd 11 18/04/19 14:41
RE: BEETHOVEN 7 & 8 TO EL ICH T IN G Hans-Joachim Hinrichsen Over Ludwig van Beethovens Zevende symfonie in A groot op. 92 is bekend dat Richard Wagner haar beschreef als de “apotheose van de dans”. Deze tot op heden geciteerde uitspraak vormt de rode draad van de drie concerten op 26/28 april en 29 mei 2019: Beethovens “dansachtige” symfonie wordt gecombineerd met muziek die eigenlijk uit de danswereld afkomstig is (Stravinsky’s ballet L’Oiseau de feu) of die dansvormen op een heel nieuwe wijze in een opera integreert (Bizets Carmen). Verder is er een hedendaagse compositie van Corigliano te horen die expliciet naar Beethovens Zevende verwijst en, tot slot, is er uiteraard haar ‘zusterwerk’, de Achtste symfonie in F groot op. 93. Ludwig van Beethoven: Zevende symfonie (1811-1812) Beethoven componeerde zijn Zevende symfonie in 1811 en 1812, nadat hij met zijn vorige werken al een duurzame reputatie had opgebouwd als de grootste componist van symfonieën van zijn tijd. De verwachting van het publiek was dan ook hooggespannen en het werk was een groot succes. Dit is niet in het minst te danken aan net die eigenschap waarop Richard Wagner de vinger legde in zijn geciteerde beschrijving: door alle delen van het werk stroomt een ritmische energie die men niet noodzakelijk (met Wagner) als louter “dansant” hoeft te ervaren, maar ze is in haar geheel van zo’n overweldigende kracht dat niemand eraan kan ontsnappen. In feite lijkt het werk een soort muzikaal betoog over zuivere bewegingsdrang in al zijn facetten. Of Beethoven het met Wagners beschrijving eens was geweest, daar valt aan te twijfelen; maar men moet zonder vooroordeel over haar motivatie kunnen nadenken. Als voorvechter van het muziekdrama was Wagner een uitgesproken tegenstander van het esthetische concept van de ‘absolute’ instrumentale muziek, m.a.w. die louter op zichzelf staat en geen enkele externe referentie heeft. Daarom veronderstelde hij voor al Beethovens symfonieën een verholen verband met de werkelijkheid. Voor de Zevende moest het de “apotheose van de dans” zijn. Nu kan men er inderdaad een feest van het ritme in horen, maar vooral ook een diepgravende studie van ritmische obsessies. Voor het derde deel, een scherzo, was dat bij wijze van spreken de normale situatie, omdat het scherzo altijd en in elk werk een gestileerde dans is. Nieuw was echter dat Beethoven dat dansaspect nu uitbreidde over een heel symfonisch werk. Dat geldt al voor het eerste deel: na de grote, langzame introductie barst onverwacht heftig een klein, ritmisch scherp gepunteerd motief los, waaruit het hele deel zich verder ontwikkelt. Paradoxaal genoeg zorgt die ritmische obsessie ervoor dat het werk niet eentonig overkomt. Integendeel, men ervaart het ook als vermakelijk en opwindend. En de energieke impulsiviteit van het laatste deel kan men dan alleen maar ademloos blijven volgen. Merkwaardig genoeg geldt dit zelfs voor het 12 als een treurmars klinkende langzame deel in de toonaard a klein, dat tijdens de première 0426 28 Beethoven-BNO.indd 12 18/04/19 14:41
zozeer aansloeg dat het publiek spontaan om een herhaling ervan vroeg. Dit langzame deel TO EL ICH T IN G jaagt evenzeer een ritmische obsessie achterna: een ostinato, dat als een langzaam dactylisch ritme (lang-kort-kort) het hele deel doordringt. John Corigliano: Fantasia on an Ostinato (1986) Dit ostinato-aspect van Beethovens Zevende inspireerde de New Yorkse componist John Corigliano tot een van zijn interessantste experimenten. Kort voor hij 50 werd, componeerde hij een fantasie op basis van dit deel, waarin hij persoonlijk afrekende met het concept van de minimal music, dat kort daarvoor in de VS in de mode was geraakt. In die confrontatie houden gefascineerde nabootsing en betrokken kritiek elkaar in evenwicht. Terwijl de minimal music – volgens Corigliano – met haar korte, vaak eindeloos herhaalde structuren naar verveling en emotionele steriliteit neigt, is zijn in 1985 voor de piano gecomponeerde Fantasia on an Ostinato een ware hommage aan Beethovens ritmische obsessie, maar dan op een manier die uit een minimaal basismateriaal een waar vuurwerk van afwisseling, kleurenrijkdom en kippenvel weet te halen. Het werk werd in 1986 uitgebreid en georkestreerd voor groot orkest, waardoor het een vorm kreeg die nauwer bij Beethovens voorbeeld aanleunt (hoewel het instrumentarium veel breder is). In dit werk wordt tegelijkertijd en achtereenvolgens in één grote dramaturgische boog gefantaseerd over twee kenmerken van Beethovens tweede deel: de kleine kern van het dactylische ritme en de indrukwekkende harmonische afwisseling tussen kleine en grote terts. Georges Bizet: Carmen Georges Bizet creëerde in 1875 met zijn opera Carmen een van de meest succesvolle muzikale toneelwerken uit de muziekgeschiedenis. Het is tragisch dat hij dit succes, door zijn vroegtijdige dood, zelf niet meer mocht meemaken. De populariteit van het werk over de trotse en op vrijheid beluste Spaanse hoofdfiguur, die compromisloos en onbevreesd voor de dood haar liefde beleeft, is in de eerste plaats te danken aan Bizets geniaal geconstrueerde muzikale ‘couleur locale’. Hij slaagt erin een Spaanse muzikale kleur te creëren in een idioom dat hem helemaal eigen is, maar waarin het gestileerde model toch overal doorklinkt. De beste van deze nummers zijn later door zijn uitgevers verzameld in diverse suites. In dat aanbod vallen vooral de muziekstukken op waarin Bizet zijn zelfbedachte ‘Spaanse stijl’ een vocale invulling geeft. Als model daarvoor gebruikte hij bekende dansmodellen die het publiek tegelijk exotisch en vertrouwd in de oren klonken en waarvoor hij onder meer inspiratie vond in de collectie Fleurs d’Espagne van Sébastien de Yradier. Na de temperamentvolle Prélude is Carmens programmatische aria “L’amour est un oiseau rebelle” wellicht het bekendste nummer uit de hele opera. Het betreft hier een Spaans-Cubaanse habanera, die men ogenblikkelijk herkent aan haar ostinatoritme. Het nummer zet meteen Carmens karakter en houding op beeldende wijze neer. Ook de andere zangnummers in de suite zijn gebaseerd op dansvormen. Carmens verwijzing naar de kroeg buiten de stadsmuren (“Près des ramparts de Séville”) is een seguidilla (deze rake omschrijving van het nummer is niet van Bizet zelf, maar werd pas door latere uitgevers toegevoegd). En het “Chanson bohème” aan het begin van het 13 0426 28 Beethoven-BNO.indd 13 18/04/19 14:41
tweede bedrijf, dat uitmondt in een orgiastische dans, doet denken aan een flamenco. TO EL ICH T IN G Het is bewonderenswaardig hoe Bizet erin slaagt om elementen van de ‘Spaanse’ stijl om te smeden tot iets wat hem onmiskenbaar eigen is. Er bestaan veel anekdotes waarom deze opera pas succesvol werd na de dood van de componist. Een ervan is dat Friedrich Nietzsche een van de ferventste bewonderaars ervan was. De filosoof, die Wagner inmiddels de rug had toegekeerd, beweerde het werk meer dan 20 keer te hebben gehoord en speelde – als volleerd propagandist – het kunstzinnig geënsceneerde, zuidelijke vuur van Carmen uit tegen de zware, mistige noordse duisternis van de Ring des Nibelungen. Hoewel die polemiek tot het verleden behoort, moet men niettemin Nietzsche zijn verfijnde gevoel voor de onmetelijke muzikale kwaliteit van Bizets geraffineerde ‘Zuiders- Spaans’ klinkende compositie nageven. Latere componisten zoals Claude Debussy of Maurice Ravel volgden Bizet in diens omarming van het Spaanse exotisme in de muziek. Igor Stravinsky: L’Oiseau de feu (1909-1910) L’Oiseau de feu was Igor Stravinsky’s eerste grote ballet en tevens de eerste van zijn talrijke composities voor de Parijse Ballets Russes. De uit Rusland afkomstige Sergej Diaghilev vatte in 1909 het idee op van een ‘Russisch seizoen’, waarmee hij de Parijzenaars bekend wilde maken met de hun nog grotendeels onbekende Slavische muziek. Samen met de eveneens Russische choreograaf Mikhail Fokin stampte hij dat initiatief met groot succes uit de grond. Voor het tweede seizoen gaf hij de jonge Igor Stravinsky een compositieopdracht, nadat hij in Parijs diens Feu d’artifice had gehoord. Fokin, die op de première van L’Oiseau de feu in juni 1910 ook de hoofdrol danste, stelde een verhaallijn samen op basis van Russische sprookjesmotieven. Stravinsky, die toen nog in Sint-Petersburg woonde, leverde na een eerste aarzeling opvallend snel de partituur. Het verhaal vertelt hoe de kwade tovenaar Kosjtsjej in zijn paleis een groep betoverde prinsessen gevangenhoudt en hoe zij uiteindelijk door Ivan Tsarevitsj worden bevrijd. Daarbij krijgt deze jonge prins de hulp van de Vuurvogel, die hij eerder had gevangen maar die hij na diens smeekbeden vrijliet. De tovenaar stuurt al zijn monsters op prins Ivan af, die holderdebolder verliefd wordt op de mooie prinses Tsarévna. Uiteindelijk is de bevrijding een succes: Kosjtsjej verliest zijn onsterfelijkheid en Ivan Tsarevitsj wordt met Tsarévna verenigd en tijdens een feestelijke ceremonie tot tsaar gekroond. Stravinsky bedacht voor dit werk een fascinerende muziek, waarvan de kleurenrijkdom doet denken aan de instrumentatiekunst van Nikolaj Rimski- Korsakov, wiens leerling hij in Sint-Petersburg was geweest. Het verhaal biedt een overvloed aan mogelijkheden om met instrumentatietechnieken uit te pakken. Met de tovertuin van Kosjtsjej, de verschijning van de raadselachtige Vuurvogel, het spel met de gouden appels van de prinsessen, de diverse dansen, of nog de helse dans van de monsters en de ondergang van Kosjtsjej ontvouwt zich een breed panorama aan sprookjesachtige situaties, dat aan het einde een bijna hymnische muzikale bekroning krijgt. Het ballet kende een sensationeel succes: Fokin en Stravinsky realiseerden in een slag een volledig nieuwe synthese van choreografie, kostumering en muziek; en Stravinsky trad meteen op de voorgrond van de Europese muzikale avant-garde. L’Oiseau de feu was zijn eerste 14 pan-Europese kaskraker en het begin van zijn wereldfaam. Vanuit puur muzikaal oogpunt 0426 28 Beethoven-BNO.indd 14 18/04/19 14:41
heeft dit ballet enigszins een Januskop: het grijpt terug naar de klankexperimenten van TO EL ICH T IN G de laatromantiek en het impressionisme en blikt tegelijkertijd vooruit op de bruïtistische moderniteit van Le Sacre du Printemps, dat slechts drie jaar later uitkwam. Ludwig van Beethoven: Achtste symfonie (1812) In 1812 creëerde Beethoven met zijn Achtste symfonie het ‘zusterwerk’ van zijn Zevende symfonie, die hij een jaar eerder componeerde. Dit nieuwe werk heeft echter een heel verschillend karakter – de Vijfde en de Zesde zijn een ander voorbeeld van zo’n scherp contrast tussen twee met elkaar verbonden symfonieën. Anders dan de direct aangrijpende Zevende spreekt de Achtste symfonie bij wijze van spreken met een verdraaide stem. Het lijkt alsof bij de uitvoering van deze compositie tegelijkertijd op hoog niveau wordt geflecteerd over wat het betekent een symfonie te componeren. Eén opvallend kenmerk stemt al meteen tot nadenken: ditmaal zijn geen van de twee middelste delen, zoals gebruikelijk, een langzaam deel of een Scherzo, hoewel ze die karakteristieken toch via een eigenaardige omweg reproduceren (het Scherzo enigszins “in tempo d’un Menuetto”). In dit werk lijkt niets meer vanzelfsprekend. In de twee hoekdelen bijvoorbeeld wordt de draak gestoken met de conventies van de sonatevorm (of eerder: er wordt over nagedacht). Let in het eerste deel maar op de overgang naar het neventhema: het verschijnt eerst in de ‘verkeerde’ toonaard, dan vertraagt de muziek plots in een mediterend ritardando en meteen daarna wordt de toonaard gecorrigeerd in de ‘juiste’ C groot. Hetzelfde geldt voor de finale: hier verschijnt het neventhema zelfs gewoonweg via een misvatting – en weer zit het ‘ernaast’, namelijk in A groot. Pas daarna vindt er een quasi gewelddadig klinkende correctie van de toonaard plaats naar de ‘correcte’ C groot. Het publiek van de première kon zo’n uiterst uitgewerkte en diepzinnige muziek, die ook over zichzelf reflecteerde, echter niet waarderen. Men oordeelde dat ze te intellectueel, te weinig emotioneel was. Daardoor bleef de symfonie in F groot, in vergelijking met haar ‘zusterwerk’ in A groot, altijd een beetje in de schaduw. Het scheen Beethovens tijdgenoten dan ook logisch toe dat hij daarna helemaal geen symfonie meer componeerde. Hij had kennelijk alle mogelijkheden van het genre uitgeput. Het was dan ook niet te voorzien dat hij meer dan tien jaar later, plotsklaps en verrassenderwijs, met de Negende zou aankomen. Maar net dat werk trok alle consequenties van het denkproces dat begon met de Achtste (zoals een neventhema in een relatieve toonaard en niet meer in de dominant). Het valt dus goed te beargumenteren dat Beethoven met de Achtste symfonie, waarvan de gestileerde middendelen zo pretentieloos lijken en die puur idiomatisch zo anachronistisch klinkt, in feite een van zijn belangrijkste werken componeerde, omdat hij daarin de premissen voor een modern symfonisch genre van de grond af aan en op radicale wijze helemaal reorganiseerde. Om de ware esprit ervan te ontdekken, moet men zijn oren willen openen voor de humor en diepgang die erin vervat zitten. Vertaling: Maxime Schouppe De Duitse musicoloog Hans-Joachim Hinrichsen (°1952) is hoogleraar aan de afdeling Muziekweten- schap van de Universität Zürich. Hij publiceerde monografieën over Bach, Schubert, Brahms, Bruckner en Beethoven, en werkte o.m. mee aan het Beethoven Handbuch (Bärenreiter/Metzler, 2009). 15 0426 28 Beethoven-BNO.indd 15 18/04/19 14:41
BERNARD FOCCROULLE CLÉ D ’ ÉCO U T E Climbing-Dancing, concerto pour violoncelle et orchestre, ‘For Trisha’ Note de programme du compositeur Quand Peter de Caluwe et Alain Altinoglu m’ont proposé d’écrire une œuvre pour violoncelle et orchestre en résonance avec la Septième symphonie de Beethoven, j’ai tout de suite pensé à la danse, et l’image de Trisha Brown, récemment décédée, s’est imposée avec force, suscitant ma vive émotion. Depuis 1996, Trisha a signé quelques-unes de ses plus belles créations à la Monnaie : après avoir chorégraphié, dans MO, l’Offrande Musicale de Bach, elle a mis en scène L’Orfeo de Monteverdi, une production qui a voyagé dans toute l’Europe et aux États-Unis ; ensuite, ce fut le Winterreise de Schubert avec Simon Keenlyside, puis Luci mie traditrici de Salvatore Sciarrino. Ce sont ces moments magiques qui me reviennent à la mémoire et qui seront la source d’inspiration de cette création pour violoncelle et orchestre, que nourriront également les élans et les échos de la Septième de Beethoven. 16 0426 28 Beethoven-BNO.indd 16 18/04/19 14:41
BERNARD FOCCROULLE TO EL ICH T IN G Climbing-Dancing, A Concerto for Cello and Orchestra, ‘For Trisha’ Programmatische nota van de componist Toen Peter de Caluwe en Alain Altinoglu me vroegen een werk voor cello en orkest te schrijven dat resoneerde met Beethovens Zevende symfonie, maakte ik meteen de associatie met dans en verscheen de figuur van de onlangs overleden Trisha Brown op dwingende en gevoelige manier op mijn netvlies. Trisha realiseerde sinds 1996 enkele van haar mooiste creaties in de Munt: na MO, haar choreografie van Bachs Musikalisches Opfer, regisseerde ze Monteverdi’s Orfeo, een productie die door heel Europa en de Verenigde Staten toerde; vervolgens kwam Schuberts Winterreise met Simon Keenlyside, en daarna nog Luci mie traditrici van Salvatore Sciarrino. Ik denk aan al deze magische momenten terug. Zij vormen de inspiratiebron van deze creatie voor cello en orkest, waarin ook echo’s van Beethovens bevlogen Zevende zullen doorklinken. Vertaling: Maxime Schouppe 17 0426 28 Beethoven-BNO.indd 17 18/04/19 14:41
LA SUBLIME VIOLENCE DE « LUDWIG VAN » ESSAI Ger Groot Une anecdote raconte qu’un jour où il se promenait à Vienne, Beethoven eut une altercation avec un de ses mécènes, un aristocrate, devant qui tout le monde s’écartait pour lui céder le passage. À l’époque, l’aristocratie était une classe sociale à part. Beethoven, qui refusa de se mettre sur le côté de la route, obligea donc son bienfaiteur à faire un écart pour l’éviter. La réponse fut incroyable : « Des princes, il y en a et il y en aura encore des milliers, déclara le compositeur, mais il n’y a qu’un seul Beethoven. » Et pendant plus d’un siècle et demi, il a eu raison. Beethoven était le compositeur par excellence, adulé de tous et représentant un idéal inaccessible. Richard Wagner considérait la Neuvième symphonie comme l’« aboutissement mystique de toutes [ses] idées et de tous [ses] désirs musicaux », tandis que le philosophe (et compositeur à ses heures) Theodor W. Adorno a œuvré toute sa vie à un livre dédié à Beethoven, qui allait toutefois rester inachevé. Jusque tard dans les années 1960, chaque année, les cycles Beethoven avec ses symphonies étaient systématiquement joués à bureaux fermés. Pourquoi cela a-t-il changé dans la décennie qui a suivi ? La silhouette massive de Beethoven s’est retrouvée dans l’ombre de celle toute frêle d’un Mozart qui était jusqu’alors principalement considéré comme l’incarnation louable quoiqu’un peu frivole des ronds de jambes rococos. Le réalisateur suédois Ingmar Bergman a filmé sa Zauberflöte de manière si poignante qu’au-delà de Mozart, c’est aussi tout son opéra – jusque-là plutôt vivotant – qui, d’un coup, fut réhabilité. Le tournage par Milos Forman de la pièce de théâtre Amadeus, aussi fascinante qu’historiquement douteuse, de Peter Schaffer allait faire le reste quelques années plus tard. Quant à ceux qui trouvaient Mozart encore trop superficiel, ils ont préféré se tourner vers le sérieux de Bach, au sujet de qui l’auteur d’aphorismes franco-roumain Emil Cioran écrivait que Dieu devait lui être éternellement reconnaissant : tant que la musique de Bach retentirait, l’existence de Dieu serait tout à fait plausible. Aux Pays- Bas, qui sont par excellence le pays de la Passion, celle « selon saint Matthieu » de Bach représente un rendez-vous annuel incontournable où il est de bon ton que les responsables politiques, les intellectuels et les entrepreneurs – qu’ils soient croyants ou, de plus en plus, non croyants – aillent montrer le bout de leur nez pour soigner leur notoriété. Et c’est Beethoven qui en a fait les frais. Soudain, face à ces grands représentants de la mesure, de l’équilibre et de la retenue, son exubérance semblait devenue trop immodérée, trop sauvage et presque trop grossière. Il allait une fois encore être 18 0426 28 Beethoven-BNO.indd 18 18/04/19 14:41
mis sous les feux des projecteurs, mais de manière un peu louche. Au début des ESSAI années 1970, dans A Clockwork Orange [Orange mécanique] de Stanley Kubrick, Alex, le violent personnage principal du film, sombre dans un hooliganisme toujours plus sordide sur les accords de Beethoven, son compositeur favori. Cet épisode allait être le sublime accord final de la popularité de « Ludwig van », comme l’appelait déjà Anthony Burgess dans son roman éponyme de 1962. « Sublime » est peut-être un mot étrange pour un spectacle d’une telle « ultraviolence », comme dit Alex. Parce que les actes qu’il commet sur la musique de « Ludwig van » ne peuvent pas vraiment être qualifiés de « joli-joli » ! Sublime est toutefois un mot équivoque. Initialement, il signifiait le plus souvent le contraire de la notion de beauté infinie que nous y mettons aujourd’hui. Il désignait une chose sortant de tous les cadres humains. C’était le sublime qui nous dépasse et sur lequel nous n’avons aucune prise, précisément parce que – pour citer le philosophe français Jean-François Lyotard – cette grandeur lui confère quelque chose d’inhumain. À la seconde moitié du XVIIIe siècle, le sublime acquiert petit à petit droit de cité dans l’esthétique philosophique. Le penseur britannique Edmund Burke décrivait ses effets comme une délicieuse horreur (« delightful horror »), tandis que pour le Prussien Immanuel Kant, le sublime déclenchait un sentiment d’impuissance et de sidération. Quelques exemples : les tempêtes, la haute montagne et l’infini des océans. Ce n’est pas un hasard si l’une des premières formes de tourisme avait pour destination le littoral et les contrées sauvages de régions telles que le Lake District en Angleterre ou la chaîne des Alpes. Les poètes et artistes qu’on allait ultérieurement appeler les Romantiques s’y rendaient pour y ressentir toute l’insignifiance de l’homme face au sublime de la nature. Quand on écoute la scène de la tempête de la Sixième symphonie de Beethoven, on se rend compte à quel point, à l’époque, ce sentiment de delightful horror a dû envahir la salle de concert. Dans ce mouvement, la musique se déchaîne comme jamais auparavant, comme si tous les éléments du cosmos avaient été lâchés et que l’homme, pour reprendre les termes de Lucebert, prenait conscience de n’être qu’une miette sur la robe de l’univers, une goutte de sueur sous l’aisselle de la nuit. En Allemagne, c’est sur toile que Caspar David Friedrich allait peindre ce ressenti. Assis à l’ombre quelque part dans les Alpes, le poète anglais Shelley a écrit : « Far, far above, piercing the infinite sky, / Mont Blanc appears,— still, snowy, and serene — / Its subject mountains their unearthly forms / Pile around it, ice and rock ; broad vales between / Of frozen floods, unfathomable deeps, / Blue as the overhanging heaven. » [Loin, bien loin au-dessus, perçant le ciel infini, le mont Blanc apparaît, calme, neigeux et serein. Ses montagnes inférieures amoncellent autour de lui leurs formes qui ne sont pas de la terre, glace et roc ; de larges vallées traversées par des courants glacés, profondeurs insondables, bleues comme le ciel suspendu sur elles.] 19 0426 28 Beethoven-BNO.indd 19 18/04/19 14:41
Dix ans après l’achèvement par Beethoven de sa Sixième symphonie, cette notion ESSAI allait trouver sa formulation philosophique dans l’œuvre d’Arthur Schopenhauer intitulée Die Welt als Wille und Vorstellung [Le Monde comme volonté et représentation]. L’ordre que nous percevons dans le monde n’est rien de plus qu’une illusion, constatait Schopenhauer. Dans la réalité « sub-liminale », tout n’est que chaos et violence. Tout y est « en devenir » : un processus sauvage de naissance et d’anéantissement totalement dépourvu d’harmonie et de durabilité. Et où il est par ailleurs inimaginable qu’une chose comme un être humain (une « âme ») puisse survivre aux aléas de la « Volonté du Monde ». Pour Schopenhauer, mieux valait faire une croix sur la réconciliation et la rédemption. La réalité est « sublime » simplement parce qu’elle est réelle (c’est ainsi que Lyotard allait radicaliser cette idée près d’un siècle et demi plus tard) et que, tôt ou tard, elle écrase l’homme. S’il a fallu attendre la moitié du XIXe siècle pour que Schopenhauer soit réellement lu et écouté, une fois le mouvement lancé, plus rien n’allait l’arrêter. Face au messianisme technologique de cette époque charnière, son message faisait figure de dénonciation d’une malédiction s’insinuant partout dans la culture. Il allait constituer la trame du Ring des Nibelungen de Wagner, héritier de Beethoven, dans le Gesamtkunstwerk duquel le philosophe Friedrich Nietzsche avait perçu une résurrection de la tragédie grecque. Selon Nietzsche, face aux fausses promesses de salut de la chrétienté, ce message devait réconcilier l’homme avec son inéluctable déchéance. Un autre demi- siècle plus tard, l’analyse de la psyché humaine par Sigmund Freud allait déboucher sur la découverte d’une pulsion de mort côtoyant les pulsions d’autoconservation et sexuelles. La culture, loin d’incarner la réconciliation de l’homme avec lui-même comme on l’avait espéré au Siècle des Lumières, devenait le théâtre d’un « mal-être » insoluble où l’agression humaine/inhumaine semblait invincible. Freud aurait dû combattre cette idée par son propre optimisme. Au départ, il avait cru qu’il serait possible de maîtriser et de civiliser l’« inconscient » sub-liminal, comme quelque chose « pouvant être asséché comme le Zuyderzee ». Pour Beethoven et ses contemporains également, l’homme ne partait pas vaincu d’avance face à la sublime violence de la réalité dans laquelle il se trouvait jeté. Il pouvait défier le destin et les dieux : voler le feu et l’utiliser à son profit, à l’instar de Prométhée. Beethoven a composé de la musique de ballet sur ce personnage mythique, Shelley en a fait l’objet d’un drame lyrique, et son épouse Mary a donné à son roman Frankenstein le sous- titre A Modern Prometheus. Mais là aussi, la malédiction s’est déjà insinuée. Toutes les promesses que l’homme porte en lui – la connaissance qui lui procure du pouvoir, la science qui épaule la technique et lui permet d’asservir le monde – sont également les dénonciations d’une déchéance par sa propre faute. C’était la vengeance de l’orgueil que, depuis le 20 0426 28 Beethoven-BNO.indd 20 18/04/19 14:41
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