RE: BEETHOVEN. PRIDE AND PERSISTENCE BEETHOVEN & 8 - Elisabeth Kulman

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RE: BEETHOVEN. PRIDE AND PERSISTENCE BEETHOVEN & 8 - Elisabeth Kulman
Beethoven: The Symphonies

              26 & 28.04.19 - BELGIAN NATIONAL ORCHESTRA

              RE: BEETHOVEN.
              PRIDE AND PERSISTENCE
              29.05.19 - LA MONNAIE SYMPHONY ORCHESTRA

              BEETHOVEN � & 8

              BOZAR, Henry Le Boeuf Hall

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Cover © Alberto Polo Iañez

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BEETHOVEN: THE SYMPHONIES
                     Un projet des trois institutions culturelles fédérales ·
                    Een project van de drie federale culturele instellingen
                 La Monnaie / De Munt, Belgian National Orchestra & BOZAR

                                                                              SOMMAIRE · INHOUDSTAFEL

                 Éditorial · Woord vooraf  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . p. 2

                 Programme des concerts · Concertprogramma’s .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . p. 4 & 6

                 Hans-Joachim Hinrichsen
                 musicologue .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . p. 8
                 musicoloog .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . p. 12

                 Bernard Foccroulle
                 compositeur .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . p. 16
                 componist .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . p. 17

                 Ger Groot
                 philosophe  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . p. 18
                 filosoof  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . p. 23

                 Hugh Wolff
                 chef d’orchestre  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . p. 28
                 dirigent .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . p. 29

                 Alain Altinoglu
                 chef d’orchestre  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . p. 30
                 dirigent .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . p. 32

                 Biographies · Biografieën .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . p. 34

                 Musiciens · Muzikanten  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . p. 46
                                                                                                                                                                                                                                           1

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Aux quatre coins du monde, festivals, salles de concert et musiciens s’apprêtent à
 ÉDI TO R I A L

                  vivre une année pour le moins festive. 2020 verra en effet la commémoration du
                  250e anniversaire de la naissance de Ludwig van Beethoven. Il est impossible de
                  résumer en quelques lignes les mérites artistiques de Beethoven et son influence
                  sur l’histoire de la musique : en témoignent les innombrables ouvrages consacrés
                  à sa personne et à ses œuvres, qui remplissent des bibliothèques entières.
                       Dans nos contrées, dont Beethoven est originaire, le 250e anniversaire
                  de la naissance de ce compositeur-phare ne passera pas non plus inaperçu.
                  La Monnaie, le Belgian National Orchestra et BOZAR ont décidé de s’unir pour
                  rendre hommage à cette figure légendaire.
                       Dans le cadre de Beethoven: The Symphonies, l’Orchestre symphonique
                  de la Monnaie interprète les neuf symphonies de Beethoven, lors de cinq
                  concerts proposés à BOZAR. La création d’un idéal symphonique et sa mise en
                  exécution représentent sans doute la réalisation majeure de l’artiste. En outre,
                  l’Orchestre présente en première mondiale des œuvres de compositeurs belges
                  et internationaux de premier plan, écrites en réponse à une commande de
                  la Monnaie.
                       Le Belgian National Orchestra célèbre lui aussi Beethoven à travers une série
                  de quatre concerts réunissant des œuvres qui soulignent l’influence déterminante
                  du maître sur l’histoire de la musique. De même que Beethoven dépassa les
                  conventions rythmiques et harmoniques dans sa Troisième symphonie, Stravinsky
                  transcenda le langage musical de son époque grâce à son Sacre du printemps.
                  L’utilisation du chant des oiseaux par Messiaen et l’évocation de l’océan par Ravel
                  sont autant d’échos de la Sixième symphonie de Beethoven et, tout comme son
                  iconique Cinquième symbolise la lutte de l’homme avec le destin, la Cinquième
                  symphonie de Chostakovitch est l’expression poignante d’un homme en butte à
                  un système impitoyable. Enfin, à la Septième de Beethoven, dans laquelle Wagner
                  vit « l’apothéose de la danse », répondent les accents rythmiques de Carmen de
                  Bizet et de L’Oiseau de feu de Stravinsky.
                       Après United Music of Brussels et le succès de ses trois premières éditions,
                  Beethoven: The Symphonies est le deuxième projet commun de grande envergure
                  des trois institutions culturelles fédérales.

                                     Peter de Caluwe, Directeur général – Intendant de la Monnaie
                                             Hans Waege, Intendant du Belgian National Orchestra
   2                         Paul Dujardin, Chief Executive Officer – Directeur artistique de BOZAR

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Overal ter wereld maken festivals, concerthuizen en muzikanten zich stilaan op

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            voor een jaar vol feestgedruis. In 2020 is het immers precies 250 jaar geleden
            dat Ludwig van Beethoven geboren werd. Het is onmogelijk om de verdiensten
            van Beethoven en zijn betekenis voor de muziekgeschiedenis te vatten in enkele
            regels – de talloze boeken over zijn persoon en werken, waarmee hele bibliotheken
            gevuld worden, zijn het bewijs.
                 Ook hier bij ons, de regio waar de wortels van Beethoven liggen, mag en zal de
            250ste verjaardag van een van de allergrootste componisten uit de geschiedenis
            niet onopgemerkt voorbijgaan. Om Ludwig van Beethoven de gepaste eer te
            betuigen, slaan de Munt, BOZAR en het Belgian National Orchestra de handen
            in elkaar.
                 Onder de titel Beethoven: The Symphonies brengt het Symfonisch Orkest
            van de Munt bij BOZAR de negen symfonieën van Beethoven, verspreid over
            vijf concerten. Immers, de creatie van een symfonisch ideaal én de technische
            uitwerking van dat ideaal vormen misschien wel Beethovens allergrootste
            verwezenlijking. Tegelijk stelt het orkest vier wereldpremières voor van
            topcomponisten uit binnen- en buitenland, telkens een opdracht van de Munt.
                 Het Belgian National Orchestra dient Beethovens iconische werken van
            weerwoord in een vierdelig concertprogramma met werken die laten horen
            hoe de componist reeds de krijtlijnen van de muziekgeschiedenis ná hem had
            uitgezet. Zoals Beethoven conventies over ritme en harmonie aan zijn laars lapte
            in zijn Derde symfonie, deed Stravinsky een honderdtal jaar precies hetzelfde in
            zijn Sacre du printemps. In Messiaens gebruik van vogelzang en Ravels evocatie
            van de oceaan zien we een weerspiegeling van Beethovens Zesde, en net zoals
            de iconische Vijfde symfonie een symbool is van de strijd en de kracht van de
            mens die weigert het hoofd te buigen voor het noodlot, is de Vijfde symfonie
            van Sjostakovitsj een aangrijpend antwoord op een meedogenloze macht. Ten
            slotte zijn de ritmische accenten van Bizets Carmen en Stravinsky’s De Vuurvogel
            een antwoord op Beethovens Zevende symfonie, die Wagner omschreef als ‘de
            apotheose van de dans’.
                 Na drie succesvolle edities van United Music of Brussels, is Beethoven:
            The Symphonies het tweede grote gezamenlijke project van de drie federale
            culturele instellingen.

                                 Peter de Caluwe, Algemeen directeur – Intendant van De Munt
                                     Hans Waege, Intendant van het Belgian National Orchestra
                           Paul Dujardin, Chief Executive Officer – Artistiek directeur van BOZAR                3

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CONCERT 1

                                               26 & 28 avril · april 2019
                                 Palais des Beaux-Arts · Paleis voor Schone Kunsten
                               Grande Salle Henry Le Bœuf · Grote Zaal Henry Le Bœuf

                                          RE: BEETHOVEN
                         FIERTÉ ET PERSÉVÉRANCE · PRIDE AND PERSISTENCE
                                   In antwoord op Beethovens Zevende symfonie
                                 En réponse à la Septième symphonie de Beethoven

                                         BELGIAN NATIONAL ORCHESTRA
                                  HUGH WOLFF, direction musicale · muzikale leiding
                                 ELISABETH KULMAN, mezzo-soprano · mezzosopraan

                                             JOHN CORIGLIANO (°1938)
                                            Fantasia on an Ostinato (1985)

                                              GEORGES BIZET (1838-1875)
                                      Extraits de · Fragmenten uit Carmen (1875)
                    ——   Ouverture
                    ——   Habanera: “L’amour est un oiseau rebelle”
                    ——   Entracte III
                    ——   Seguidilla
                    ——   Entracte IV
                    ——   Les tringles des sistres tintaient
                           avec · met Elisabeth Kulman, mezzo-soprano · mezzosopraan

                                                    pause · pauze

                                          IGOR STRAVINSKY (1882-1971)
                                    L’Oiseau de feu · De Vuurvogel, ballet (1910)
                    —— Introduction · Inleiding
                    —— Tableau 1 · Tafereel 1
                       -- Le jardin enchanté de Kachtcheï · De betoverde tuin van Kastsjej
                       -- Apparition de l’Oiseau de feu poursuivi par Ivan Tsarévitch · Verschijning
  4                       van de Vuurvogel, achtervolgd door tsarevitsj Ivan

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-- Danse de l’Oiseau de feu · Dans van de Vuurvogel
                       -- Capture de l’Oiseau de feu par Ivan Tsarévitch · Tsarevitsj Ivan vangt de
                          Vuurvogel
                       -- Supplications de l’Oiseau de feu · Smeekbede van de Vuurvogel
                       -- Apparition des treize princesses enchantées · Verschijning van de dertien
                          betoverde prinsessen
                       -- Jeu des princesses avec les pommes d’or · De prinsessen spelen met de
                          gouden appels
                       -- Brusque apparition d’Ivan Tsarévitch · Onverwachte verschijning van
                          tsarevitsj Ivan
                       -- Khorovod (ronde) des princesses · Chorovod (rondedans) van de
                          prinsessen
                       -- Lever du jour · Zonsopgang
                       -- Ivan pénètre dans le palais de Kachtcheï · Ivan dringt binnen in het paleis
                          van Kastsjej
                       -- Carillon féerique · Magisch klokkenspel
                       -- Apparition des monstres-gardiens de Kachtcheï · Verschijning van
                          Kastsjejs monster-lijfwachten
                       -- Capture d’Ivan Tsarévitch · Gevangenneming van Tsarevitsj Ivan
                       -- Intercession des princesses · Tussenkomst van de prinsessen
                       -- Danse de la suite de Kachtcheï, enchantée par l’Oiseau de feu · Dans van
                          Kastsjejs gevolg, betoverd door de Vuurvogel
                       -- Danse infernale de tous les sujets de Kachtcheï · Helse dans van alle
                          onderdanen van Kastsjej
                       -- Berceuse · Slaapliedje
                       -- Réveil de Kachtcheï · Kastsjej wordt wakker
                       -- Mort de Kachtcheï · Dood van Kastsjej
                       -- Profondes ténèbres · Volledige duisternis
                    —— Tableau 2 · Tafereel 2
                       -- Disparition du palais et des sortilèges de Kachtcheï – Animation des
                          chevaliers pétrifiés – Allégresse générale · Verdwijning van Kastsjejs
                          paleis en betoveringen – De versteende prinsen komen weer tot leven –
                          Algemene feestvreugde

                                                 22:00 (26.04)
                                                  17:00 (28.04)
                                      fin du concert · einde van het concert

                                             coproduction · coproductie
                                          Belgian National Orchestra, BOZAR                                     5

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CONCERT 2

                                                 29 mai · mei 2019
                                 Palais des Beaux-Arts · Paleis voor Schone Kunsten
                               Grande Salle Henry Le Bœuf · Grote Zaal Henry Le Bœuf

                           BEETHOVEN: THE SYMPHONIES
                                BEETHOVEN 7 & 8
                                ALAIN ALTINOGLU, direction musicale · muzikale leiding
                                       SÉBASTIEN WALNIER, violoncelle · cello

                                   ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE LA MONNAIE ·
                                        SYMFONIEORKEST VAN DE MUNT
                                     PIERRE FOUCHENNERET, Konzertmeister

                                      LUDWIG VAN BEETHOVEN (1770-1827)
                                        Symphonie Nr. 8 F-Dur, op. 93 (1812)
                    ——   Allegro vivace e con brio
                    ——   Allegretto scherzando
                    ——   Tempo di Menuetto
                    ——   Allegro vivace

                                       BERNARD FOCCROULLE (°1953)
                                               Climbing-Dancing
                           A Concerto for Cello and Orchestra, for Trisha (2018/2019)
                    —— I. Molto lento
                    —— II. Molto vivo
                                       création mondiale · wereldcreatie
                               commande de la Monnaie · opdracht van de Munt

                                       SÉBASTIEN WALNIER, violoncelle · cello

                                                    pause · pauze

  6

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LUDWIG VAN BEETHOVEN (1770-1827)
                               Symphonie Nr. 7 A-Dur, op. 92 (1811-1812)
                —— Poco sostenuto - Vivace
                —— Allegretto
                —— Presto - Assai meno presto
                —— Allegro con brio

                                                         22:00
                                        fin du concert · einde van het concert

                                                   production · productie
                                                   La Monnaie / De Munt

                                               coprésentation · copresentatie
                                                          BOZAR

                En coproduction avec Shelter Prod et Prospero MM Productions, avec le soutien de taxshelter.be
                         et ING, avec le soutien du tax shelter du Gouvernement fédéral de Belgique ·
               In coproductie met Shelter Prod en Prospero MM Productions, met de steun van de Taxshelter.be
                          en ING, met de steun van de tax shelter van de Belgische federale overheid

                                                                                                                         7

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RE : BEETHOVEN 7 & 8
 CLÉ D ’ ÉCO U T E

                                                 Hans-Joachim Hinrichsen

                     Faut-il rappeler que Richard Wagner a qualifié la Septième symphonie en la majeur
                     (op. 92) de Ludwig van Beethoven d’« apothéose de la danse » ? Ce verdict encore
                     célèbre aujourd’hui constitue le fil conducteur des concerts des 26, 28 avril et
                     29 mai 2019, qui associeront la symphonie « dansante » de Beethoven à des pièces
                     issues directement de l’univers de la danse (comme le ballet L’Oiseau de feu de
                     Stravinsky) ou ayant intégré ses formes de façon tout à fait novatrice dans un opéra
                     (Carmen de Bizet). Nous entendrons en outre une nouvelle œuvre de Corigliano
                     explicitement inspirée de la Septième de Beethoven et, pour finir, la Huitième
                     symphonie en fa majeur (op. 93), le pendant de cette dernière.

                     Ludwig van Beethoven : Septième symphonie (1811-1812)
                     Beethoven a composé sa Septième symphonie en 1811-1812, alors que ses précédentes
                     œuvres lui avaient déjà valu la solide réputation de plus grand symphoniste de
                     son temps. Le public l’attendait donc avec impatience, et elle connut un succès
                     retentissant. Celui-ci ne tient cependant pas au seul trait de caractère relevé par
                     Richard Wagner : si l’énergie rythmique qui traverse l’ensemble des mouvements
                     de la symphonie n’apparaît pas nécessairement « dansante », sa force est telle que
                     personne ne peut s’y soustraire. La symphonie semble en effet se concentrer sur
                     la présentation musicale du pur plaisir que procure le mouvement sous toutes ses
                     formes. S’il semble peu certain que Beethoven ait adhéré à la description de Wagner,
                     il convient néanmoins de s’intéresser à ce qui l’a motivée. Wagner, grand dramaturge
                     musical, était un farouche opposant au concept esthétique d’« absolu » : il rejetait l’idée
                     d’une musique instrumentale pure, centrée sur elle-même sans se référer à quoi que
                     ce soit d’extérieur. Il a ainsi supposé que chacune des symphonies de Beethoven
                     répondait à une motivation implicite – précisément l’« apothéose de la danse » pour la
                     Septième. On peut certes la considérer comme une célébration du rythme, mais c’est
                     aussi et surtout une étude particulièrement poussée des obsessions rythmiques. Cette
                     caractéristique était jusqu’alors la norme pour le troisième mouvement, le scherzo
                     – le terme scherzo désignant toujours, indépendamment de l’œuvre, un mouvement
                     de danse stylisé. La nouveauté réside dans le fait que Beethoven l’étend désormais
                     à l’entièreté d’une œuvre symphonique. On observe ce phénomène dès le premier
                     mouvement : de l’ample introduction lente jaillit de façon tout à fait inattendue le petit
                     motif pointé à partir duquel se déploie l’ensemble du mouvement. De façon toute
                     paradoxale, cette dimension rythmique obsessionnelle contribue précisément à ce
                     que l’œuvre, loin de paraître monotone, produise un effet divertissant et entraînant. Et
   8                 le caractère impulsif communicatif du dernier mouvement est pour ainsi dire à couper

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le souffle. Curieusement, il en va de même du mouvement lent, une sorte de marche

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            funèbre dans le ton de la mineur ; il fit une telle impression lors de la création de l’œuvre
            que le public demanda spontanément qu’il soit rejoué. Ce mouvement est animé d’une
            même obsession rythmique : il est parcouru de bout en bout par un ostinato, qui prend
            la forme d’une marche lente présentant un rythme dactylique (longue-brève-brève).

            John Corigliano : Fantasia on an Ostinato (1986)
            Cet ostinato a inspiré au compositeur new-yorkais John Corigliano une de ses expériences
            les plus intéressantes. Peu avant son cinquantième anniversaire, il compose ainsi une
            fantaisie sur ce mouvement, dans laquelle il se confronte à la musique minimaliste alors
            en vogue aux États-Unis. Cette confrontation laisse une part égale à l’imitation fascinée
            et à la critique engagée. Tandis que la musique minimaliste, avec ses structures brèves
            et souvent répétitives – du moins du point de vue de Corigliano – tend à la monotonie
            et à la stérilité émotionnelle, la Fantasia on an Ostinato, d’abord composée pour piano
            en 1985, est un hommage à l’obsession rythmique de Beethoven ; de ce matériau de
            départ infime, elle tire un véritable feu d’artifice en termes de diversité, de couleurs
            et de progressions émotionnelles. Enrichie et orchestrée en 1986, la pièce prend alors
            une forme qui la rapproche du modèle beethovénien (en dépit d’un instrumentarium
            beaucoup plus fourni). Elle improvise simultanément ou successivement, dans un
            grand arc dramaturgique, sur deux caractéritiques du deuxième mouvement de
            la Septième symphonie de Beethoven : le petit noyau rythmique en dactyle et le
            saisissant changement harmonique entre mineur et majeur.

            Georges Bizet : Carmen
            En 1875, Georges Bizet livre avec l’opéra Carmen une des œuvres dramatiques les
            plus applaudies de l’histoire de la musique. Fait tragique, il n’assistera cependant pas à
            ce succès en raison de sa mort prématurée. L’œuvre, dont la protagoniste espagnole
            fière et assoiffée de liberté vit pleinement son amour sans craindre la mort, doit avant
            tout sa popularité à la géniale élaboration d’une couleur locale en musique. Bizet
            est en effet parvenu à produire une « couleur musicale » espagnole dans un langage
            qui, tout en lui étant entièrement propre, laisse toujours transparaître son modèle
            stylisé. Ses éditeurs ont ultérieurement réuni en diverses suites les meilleurs numéros
            de l’œuvre – dont se distinguent ceux qui adaptent cet « espagnolisme » factice à
            la musique vocale. Bizet, stimulé entre autres par le recueil Fleurs d’Espagne de
            Sebastián de Yradier, utilise à ces fins des types de danse connus, qui semblent à la fois
            exotiques et familiers au public. Le Prélude très énergique est suivi de l’air – presque
            programmatique – sur lequel Carmen fait son entrée, « L’amour est un oiseau rebelle »,
            probablement le plus connu de l’opéra. Il s’agit d’une habanera hispano-cubaine,
            immédiatement reconnaissable à son rythme en ostinato ; elle donne d’emblée une
            expression vivante au personnage de Carmen et à sa conception de la vie. Les autres
            numéros vocaux de la suite reposent eux aussi sur des formes dansées. L’allusion de
            Carmen à l’auberge située à l’extérieur de la ville (« Près des remparts de Séville »)                      9

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est une séguedille (précisons toutefois que cette désignation n’est pas de Bizet, mais
 CLÉ D ’ ÉCO U T E

                     a été ajoutée postérieurement par ses éditeurs). Enfin, la « chanson bohème » qui
                     ouvre le deuxième acte et évolue vers une danse orgiaque, rappelle le flamenco. Bizet
                     s’approprie de façon remarquable cette couleur locale « espagnole » pour créer une
                     œuvre originale. Parmi les nombreuses anecdotes expliquant que l’opéra n’a connu le
                     succès qu’après la mort du compositeur, on avance souvent le fait qu’il avait pour fervent
                     admirateur Friedrich Nietzsche, décrié par Wagner. Le philosophe, qui affirmait avoir
                     entendu l’œuvre plus de vingt fois, en opposait sous forme de propagande efficace
                     la fougue méridionale, mise en scène avec grand art, à la lourdeur septentrionale et
                     l’obscurité nébuleuse du Ring des Nibelungen de Wagner. Si cette polémique est
                     aujourd’hui caduque, il faut cependant reconnaître à Nietzsche sa sensibilité pour
                     l’incommensurable qualité de la musique de Bizet, qui rend avec finesse les accents
                     « du sud de l’Espagne ». À sa suite, les compositeurs Claude Debussy et Maurice Ravel
                     adapteront à leur tour l’exotisme espagnol en musique.

                     Igor Stravinsky : L’Oiseau de feu (1909-1910)
                     Avec L’Oiseau de feu, Igor Stravinsky propose tout à la fois le premier de ses grands
                     ballets et la première de ses nombreuses compositions pour les Ballets russes à Paris.
                     L’idée d’une saison russe qui ferait découvrir aux Parisiens la musique slave encore
                     relativement peu connue avait été concrétisée une première fois en 1909 par le Russe
                     Serge de Diaghilev en collaboration avec son compatriote le chorégraphe Michel
                     Fokine. Pour la deuxième saison, il passa commande au jeune Igor Stravinsky, dont
                     il avait entendu Feu d’artifice à Paris. Fokine, qui allait créer le rôle principal lors de
                     la première du ballet en juin 1910, en avait imaginé l’argument d’après des motifs
                     récurrents de contes russes : le méchant magicien Kachtcheï retient dans son palais
                     treize princesses ensorcelées ; le jeune Ivan Tsarévitch parvient à les libérer avec
                     l’aide d’un oiseau de feu, qu’il a d’abord capturé, puis relâché à force de l’entendre
                     l’en supplier. Le magicien déchaîne alors toutes sortes de monstres contre Ivan, qui
                     s’était épris de la belle Tsarévna au premier regard. Mais les princesses sont bel et bien
                     libérées, Kachtcheï perd son immortalité, Ivan Tsarévitch épouse la belle Tsarévna et
                     reçoit la couronne en grande pompe. Après quelques hésitations, Stravinsky, qui vit
                     encore à Saint-Pétersbourg, livre très rapidement une musique fascinante, dont les
                     couleurs rappellent l’art de l’orchestration de son professeur, Nikolaï Rimski-Korsakov.
                     L’intrigue offre quantité de prétextes au déploiement de cet art : les jardins enchantés
                     de Kachtcheï, l’apparition du mystérieux oiseau de feu, le jeu des princesses avec
                     les pommes d’or, la danse infernale des monstres et la déchéance du magicien sont
                     autant d’occasions de décliner une vaste palette de situations oniriques, finalement
                     couronnée par un hymne solennel. Le succès phénoménal du ballet, avec lequel
                     Fokine et Stravinsky inaugurent par ailleurs une toute nouvelle synthèse entre
                     chorégraphie, décors, costumes et musique, propulse le compositeur à la tête de
                     l’avant-garde européenne et marque le début de sa renommée mondiale. Tel le dieu
   10                Janus à deux têtes, le langage tonal de ce ballet est tourné tant vers le passé que vers

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l’avenir : il renvoie aux expériences sonores de la fin du romantisme et de la musique

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            impressionniste tout en préfigurant le modernisme bruitiste du Sacre du Printemps
            qui verra le jour seulement trois ans plus tard.

            Ludwig van Beethoven : Huitième symphonie (1812)
            En 1812, Beethoven compose avec la Huitième symphonie un pendant à la Septième
            symphonie écrite un an plus tôt, dans un caractère toutefois totalement différent ; le
            contraste entre les deux œuvres est aussi marqué que celui qui oppose les Cinquième et
            Sixième symphonies. Contrairement à la Septième symphonie qui captive d’emblée, la
            Huitième symphonie semble s’exprimer d’une voix méconnaissable – comme si, en l’écrivant,
            Beethoven s’était foncièrement interrogé sur la composition d’une symphonie. Le seul fait
            que les deux mouvements centraux, sans être les usuels mouvement lent et scherzo, en
            reproduisent néanmoins le caractère dans une étrange distanciation (le scherzo « in tempo
            d’un Menuetto ») donne matière à réfléchir. Dans cette œuvre, plus rien ne semble aller de soi.
            Les premier et dernier mouvements, par exemple, jouent ironiquement avec les conventions
            de la forme sonate (ou plus exactement, proposent une réflexion à leur sujet). Il convient
            ainsi, dans le premier mouvement, d’être attentif à la transition vers le second thème, qui
            commence dans une tonalité « erronée » ; la musique ralentit alors brusquement dans un
            ritardando méditatif, et la tonalité est immédiatement remplacée par celle, « correcte »,
            d’ut majeur. De même, dans le finale, le second thème fait son entrée à la faveur d’une
            cadence rompue, de nouveau dans une « mauvaise » tonalité, à savoir la bémol majeur, et
            ne reprend le « bon » ton d’ut majeur qu’après une correction presque tonitruante. Dès la
            création de l’œuvre, le public n’apprécie guère cette réflexion de la musique sur elle-même,
            ainsi détaillée dans la composition. Il trouve la pièce trop intellectuelle, et peu à même de
            susciter l’émotion. La symphonie en fa majeur restera ainsi toujours un peu dans l’ombre de
            sa sœur en la majeur, et les contemporains de Beethoven trouveront même logique qu’il ne
            compose plus de symphonie par la suite : selon eux, il est visiblement arrivé aux limites du
            genre. Rien ne laisse prévoir le coup d’éclat, plus d’une décennie plus tard, de la Neuvième
            symphonie, qui intégrera précisément tous les enseignements tirés de la réflexion menée
            durant la composition de la Huitième symphonie (par exemple l’emploi d’une tonalité à la
            tierce, et non plus du ton de la dominante, pour le second thème). On a donc tout lieu de
            supposer qu’avec la Huitième symphonie, qui paraît si anodine du fait de la stylisation de ses
            mouvements centraux et qui s’exprime dans un langage si étrange, Beethoven a en réalité
            composé un de ses chefs-d’œuvre, imaginant et organisant de façon radicalement novatrice
            les prémices d’un genre symphonique moderne. Pour découvrir toute la saveur de cet opus,
            l’auditeur doit accepter de se laisser gagner par son humour et sa profondeur d’esprit.

                                                                                   Traduction : Émilie Syssau

            Le musicologue allemand Hans-Joachim Hinrichsen (°1952) est professeur au département de musi-
            cologie de l’Université de Zurich. Il a publié des monographies consacrées à Bach, Schubert, Brahms,
            Bruckner et Beethoven, et a collaboré au Beethoven Handbuch (Bärenreiter/Metzler, 2009).                          11

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RE: BEETHOVEN 7 & 8
 TO EL ICH T IN G

                                                Hans-Joachim Hinrichsen

                    Over Ludwig van Beethovens Zevende symfonie in A groot op. 92 is bekend dat Richard
                    Wagner haar beschreef als de “apotheose van de dans”. Deze tot op heden geciteerde
                    uitspraak vormt de rode draad van de drie concerten op 26/28 april en 29 mei 2019:
                    Beethovens “dansachtige” symfonie wordt gecombineerd met muziek die eigenlijk uit
                    de danswereld afkomstig is (Stravinsky’s ballet L’Oiseau de feu) of die dansvormen
                    op een heel nieuwe wijze in een opera integreert (Bizets Carmen). Verder is er een
                    hedendaagse compositie van Corigliano te horen die expliciet naar Beethovens
                    Zevende verwijst en, tot slot, is er uiteraard haar ‘zusterwerk’, de Achtste symfonie in F
                    groot op. 93.

                    Ludwig van Beethoven: Zevende symfonie (1811-1812)
                    Beethoven componeerde zijn Zevende symfonie in 1811 en 1812, nadat hij met zijn vorige
                    werken al een duurzame reputatie had opgebouwd als de grootste componist van
                    symfonieën van zijn tijd. De verwachting van het publiek was dan ook hooggespannen en
                    het werk was een groot succes. Dit is niet in het minst te danken aan net die eigenschap
                    waarop Richard Wagner de vinger legde in zijn geciteerde beschrijving: door alle delen van
                    het werk stroomt een ritmische energie die men niet noodzakelijk (met Wagner) als louter
                    “dansant” hoeft te ervaren, maar ze is in haar geheel van zo’n overweldigende kracht dat
                    niemand eraan kan ontsnappen. In feite lijkt het werk een soort muzikaal betoog over zuivere
                    bewegingsdrang in al zijn facetten. Of Beethoven het met Wagners beschrijving eens was
                    geweest, daar valt aan te twijfelen; maar men moet zonder vooroordeel over haar motivatie
                    kunnen nadenken. Als voorvechter van het muziekdrama was Wagner een uitgesproken
                    tegenstander van het esthetische concept van de ‘absolute’ instrumentale muziek, m.a.w.
                    die louter op zichzelf staat en geen enkele externe referentie heeft. Daarom veronderstelde
                    hij voor al Beethovens symfonieën een verholen verband met de werkelijkheid. Voor de
                    Zevende moest het de “apotheose van de dans” zijn. Nu kan men er inderdaad een feest
                    van het ritme in horen, maar vooral ook een diepgravende studie van ritmische obsessies.
                    Voor het derde deel, een scherzo, was dat bij wijze van spreken de normale situatie, omdat
                    het scherzo altijd en in elk werk een gestileerde dans is. Nieuw was echter dat Beethoven
                    dat dansaspect nu uitbreidde over een heel symfonisch werk. Dat geldt al voor het eerste
                    deel: na de grote, langzame introductie barst onverwacht heftig een klein, ritmisch scherp
                    gepunteerd motief los, waaruit het hele deel zich verder ontwikkelt. Paradoxaal genoeg zorgt
                    die ritmische obsessie ervoor dat het werk niet eentonig overkomt. Integendeel, men ervaart
                    het ook als vermakelijk en opwindend. En de energieke impulsiviteit van het laatste deel kan
                    men dan alleen maar ademloos blijven volgen. Merkwaardig genoeg geldt dit zelfs voor het
   12               als een treurmars klinkende langzame deel in de toonaard a klein, dat tijdens de première

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zozeer aansloeg dat het publiek spontaan om een herhaling ervan vroeg. Dit langzame deel

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            jaagt evenzeer een ritmische obsessie achterna: een ostinato, dat als een langzaam
            dactylisch ritme (lang-kort-kort) het hele deel doordringt.

            John Corigliano: Fantasia on an Ostinato (1986)
            Dit ostinato-aspect van Beethovens Zevende inspireerde de New Yorkse componist
            John Corigliano tot een van zijn interessantste experimenten. Kort voor hij 50 werd,
            componeerde hij een fantasie op basis van dit deel, waarin hij persoonlijk afrekende met
            het concept van de minimal music, dat kort daarvoor in de VS in de mode was geraakt.
            In die confrontatie houden gefascineerde nabootsing en betrokken kritiek elkaar in
            evenwicht. Terwijl de minimal music – volgens Corigliano – met haar korte, vaak eindeloos
            herhaalde structuren naar verveling en emotionele steriliteit neigt, is zijn in 1985 voor de
            piano gecomponeerde Fantasia on an Ostinato een ware hommage aan Beethovens
            ritmische obsessie, maar dan op een manier die uit een minimaal basismateriaal een waar
            vuurwerk van afwisseling, kleurenrijkdom en kippenvel weet te halen. Het werk werd in 1986
            uitgebreid en georkestreerd voor groot orkest, waardoor het een vorm kreeg die nauwer
            bij Beethovens voorbeeld aanleunt (hoewel het instrumentarium veel breder is). In dit werk
            wordt tegelijkertijd en achtereenvolgens in één grote dramaturgische boog gefantaseerd
            over twee kenmerken van Beethovens tweede deel: de kleine kern van het dactylische
            ritme en de indrukwekkende harmonische afwisseling tussen kleine en grote terts.

            Georges Bizet: Carmen
            Georges Bizet creëerde in 1875 met zijn opera Carmen een van de meest succesvolle
            muzikale toneelwerken uit de muziekgeschiedenis. Het is tragisch dat hij dit succes,
            door zijn vroegtijdige dood, zelf niet meer mocht meemaken. De populariteit van het
            werk over de trotse en op vrijheid beluste Spaanse hoofdfiguur, die compromisloos en
            onbevreesd voor de dood haar liefde beleeft, is in de eerste plaats te danken aan Bizets
            geniaal geconstrueerde muzikale ‘couleur locale’. Hij slaagt erin een Spaanse muzikale
            kleur te creëren in een idioom dat hem helemaal eigen is, maar waarin het gestileerde
            model toch overal doorklinkt. De beste van deze nummers zijn later door zijn uitgevers
            verzameld in diverse suites. In dat aanbod vallen vooral de muziekstukken op waarin Bizet
            zijn zelfbedachte ‘Spaanse stijl’ een vocale invulling geeft. Als model daarvoor gebruikte
            hij bekende dansmodellen die het publiek tegelijk exotisch en vertrouwd in de oren
            klonken en waarvoor hij onder meer inspiratie vond in de collectie Fleurs d’Espagne van
            Sébastien de Yradier. Na de temperamentvolle Prélude is Carmens programmatische aria
            “L’amour est un oiseau rebelle” wellicht het bekendste nummer uit de hele opera. Het
            betreft hier een Spaans-Cubaanse habanera, die men ogenblikkelijk herkent aan haar
            ostinatoritme. Het nummer zet meteen Carmens karakter en houding op beeldende wijze
            neer. Ook de andere zangnummers in de suite zijn gebaseerd op dansvormen. Carmens
            verwijzing naar de kroeg buiten de stadsmuren (“Près des ramparts de Séville”) is een
            seguidilla (deze rake omschrijving van het nummer is niet van Bizet zelf, maar werd pas
            door latere uitgevers toegevoegd). En het “Chanson bohème” aan het begin van het                       13

0426 28 Beethoven-BNO.indd 13                                                                              18/04/19 14:41
tweede bedrijf, dat uitmondt in een orgiastische dans, doet denken aan een flamenco.
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                    Het is bewonderenswaardig hoe Bizet erin slaagt om elementen van de ‘Spaanse’ stijl
                    om te smeden tot iets wat hem onmiskenbaar eigen is. Er bestaan veel anekdotes waarom
                    deze opera pas succesvol werd na de dood van de componist. Een ervan is dat Friedrich
                    Nietzsche een van de ferventste bewonderaars ervan was. De filosoof, die Wagner
                    inmiddels de rug had toegekeerd, beweerde het werk meer dan 20 keer te hebben gehoord
                    en speelde – als volleerd propagandist – het kunstzinnig geënsceneerde, zuidelijke vuur
                    van Carmen uit tegen de zware, mistige noordse duisternis van de Ring des Nibelungen.
                    Hoewel die polemiek tot het verleden behoort, moet men niettemin Nietzsche zijn
                    verfijnde gevoel voor de onmetelijke muzikale kwaliteit van Bizets geraffineerde ‘Zuiders-
                    Spaans’ klinkende compositie nageven. Latere componisten zoals Claude Debussy of
                    Maurice Ravel volgden Bizet in diens omarming van het Spaanse exotisme in de muziek.

                    Igor Stravinsky: L’Oiseau de feu (1909-1910)
                    L’Oiseau de feu was Igor Stravinsky’s eerste grote ballet en tevens de eerste van zijn talrijke
                    composities voor de Parijse Ballets Russes. De uit Rusland afkomstige Sergej Diaghilev vatte
                    in 1909 het idee op van een ‘Russisch seizoen’, waarmee hij de Parijzenaars bekend wilde
                    maken met de hun nog grotendeels onbekende Slavische muziek. Samen met de eveneens
                    Russische choreograaf Mikhail Fokin stampte hij dat initiatief met groot succes uit de
                    grond. Voor het tweede seizoen gaf hij de jonge Igor Stravinsky een compositieopdracht,
                    nadat hij in Parijs diens Feu d’artifice had gehoord. Fokin, die op de première van L’Oiseau
                    de feu in juni 1910 ook de hoofdrol danste, stelde een verhaallijn samen op basis van
                    Russische sprookjesmotieven. Stravinsky, die toen nog in Sint-Petersburg woonde, leverde
                    na een eerste aarzeling opvallend snel de partituur. Het verhaal vertelt hoe de kwade
                    tovenaar Kosjtsjej in zijn paleis een groep betoverde prinsessen gevangenhoudt en hoe
                    zij uiteindelijk door Ivan Tsarevitsj worden bevrijd. Daarbij krijgt deze jonge prins de hulp
                    van de Vuurvogel, die hij eerder had gevangen maar die hij na diens smeekbeden vrijliet.
                    De tovenaar stuurt al zijn monsters op prins Ivan af, die holderdebolder verliefd wordt op
                    de mooie prinses Tsarévna. Uiteindelijk is de bevrijding een succes: Kosjtsjej verliest zijn
                    onsterfelijkheid en Ivan Tsarevitsj wordt met Tsarévna verenigd en tijdens een feestelijke
                    ceremonie tot tsaar gekroond. Stravinsky bedacht voor dit werk een fascinerende muziek,
                    waarvan de kleurenrijkdom doet denken aan de instrumentatiekunst van Nikolaj Rimski-
                    Korsakov, wiens leerling hij in Sint-Petersburg was geweest. Het verhaal biedt een overvloed
                    aan mogelijkheden om met instrumentatietechnieken uit te pakken. Met de tovertuin
                    van Kosjtsjej, de verschijning van de raadselachtige Vuurvogel, het spel met de gouden
                    appels van de prinsessen, de diverse dansen, of nog de helse dans van de monsters en
                    de ondergang van Kosjtsjej ontvouwt zich een breed panorama aan sprookjesachtige
                    situaties, dat aan het einde een bijna hymnische muzikale bekroning krijgt. Het ballet
                    kende een sensationeel succes: Fokin en Stravinsky realiseerden in een slag een volledig
                    nieuwe synthese van choreografie, kostumering en muziek; en Stravinsky trad meteen
                    op de voorgrond van de Europese muzikale avant-garde. L’Oiseau de feu was zijn eerste
   14               pan-Europese kaskraker en het begin van zijn wereldfaam. Vanuit puur muzikaal oogpunt

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heeft dit ballet enigszins een Januskop: het grijpt terug naar de klankexperimenten van

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            de laatromantiek en het impressionisme en blikt tegelijkertijd vooruit op de bruïtistische
            moderniteit van Le Sacre du Printemps, dat slechts drie jaar later uitkwam.

            Ludwig van Beethoven: Achtste symfonie (1812)
            In 1812 creëerde Beethoven met zijn Achtste symfonie het ‘zusterwerk’ van zijn Zevende
            symfonie, die hij een jaar eerder componeerde. Dit nieuwe werk heeft echter een heel
            verschillend karakter – de Vijfde en de Zesde zijn een ander voorbeeld van zo’n scherp
            contrast tussen twee met elkaar verbonden symfonieën. Anders dan de direct aangrijpende
            Zevende spreekt de Achtste symfonie bij wijze van spreken met een verdraaide stem. Het lijkt
            alsof bij de uitvoering van deze compositie tegelijkertijd op hoog niveau wordt geflecteerd
            over wat het betekent een symfonie te componeren. Eén opvallend kenmerk stemt al
            meteen tot nadenken: ditmaal zijn geen van de twee middelste delen, zoals gebruikelijk,
            een langzaam deel of een Scherzo, hoewel ze die karakteristieken toch via een eigenaardige
            omweg reproduceren (het Scherzo enigszins “in tempo d’un Menuetto”). In dit werk lijkt niets
            meer vanzelfsprekend. In de twee hoekdelen bijvoorbeeld wordt de draak gestoken met de
            conventies van de sonatevorm (of eerder: er wordt over nagedacht). Let in het eerste deel
            maar op de overgang naar het neventhema: het verschijnt eerst in de ‘verkeerde’ toonaard,
            dan vertraagt de muziek plots in een mediterend ritardando en meteen daarna wordt de
            toonaard gecorrigeerd in de ‘juiste’ C groot. Hetzelfde geldt voor de finale: hier verschijnt
            het neventhema zelfs gewoonweg via een misvatting – en weer zit het ‘ernaast’, namelijk
            in A groot. Pas daarna vindt er een quasi gewelddadig klinkende correctie van de toonaard
            plaats naar de ‘correcte’ C groot. Het publiek van de première kon zo’n uiterst uitgewerkte en
            diepzinnige muziek, die ook over zichzelf reflecteerde, echter niet waarderen. Men oordeelde
            dat ze te intellectueel, te weinig emotioneel was. Daardoor bleef de symfonie in F groot, in
            vergelijking met haar ‘zusterwerk’ in A groot, altijd een beetje in de schaduw. Het scheen
            Beethovens tijdgenoten dan ook logisch toe dat hij daarna helemaal geen symfonie meer
            componeerde. Hij had kennelijk alle mogelijkheden van het genre uitgeput. Het was dan
            ook niet te voorzien dat hij meer dan tien jaar later, plotsklaps en verrassenderwijs, met de
            Negende zou aankomen. Maar net dat werk trok alle consequenties van het denkproces dat
            begon met de Achtste (zoals een neventhema in een relatieve toonaard en niet meer in de
            dominant). Het valt dus goed te beargumenteren dat Beethoven met de Achtste symfonie,
            waarvan de gestileerde middendelen zo pretentieloos lijken en die puur idiomatisch zo
            anachronistisch klinkt, in feite een van zijn belangrijkste werken componeerde, omdat hij
            daarin de premissen voor een modern symfonisch genre van de grond af aan en op radicale
            wijze helemaal reorganiseerde. Om de ware esprit ervan te ontdekken, moet men zijn oren
            willen openen voor de humor en diepgang die erin vervat zitten.

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            De Duitse musicoloog Hans-Joachim Hinrichsen (°1952) is hoogleraar aan de afdeling Muziekweten-
            schap van de Universität Zürich. Hij publiceerde monografieën over Bach, Schubert, Brahms, Bruckner
            en Beethoven, en werkte o.m. mee aan het Beethoven Handbuch (Bärenreiter/Metzler, 2009).                      15

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BERNARD FOCCROULLE
 CLÉ D ’ ÉCO U T E

                                              Climbing-Dancing,
                               concerto pour violoncelle et orchestre, ‘For Trisha’
                                            Note de programme du compositeur

                     Quand Peter de Caluwe et Alain Altinoglu m’ont proposé d’écrire une œuvre pour
                     violoncelle et orchestre en résonance avec la Septième symphonie de Beethoven, j’ai
                     tout de suite pensé à la danse, et l’image de Trisha Brown, récemment décédée, s’est
                     imposée avec force, suscitant ma vive émotion.
                         Depuis 1996, Trisha a signé quelques-unes de ses plus belles créations à la
                     Monnaie : après avoir chorégraphié, dans MO, l’Offrande Musicale de Bach, elle a
                     mis en scène L’Orfeo de Monteverdi, une production qui a voyagé dans toute l’Europe
                     et aux États-Unis ; ensuite, ce fut le Winterreise de Schubert avec Simon Keenlyside,
                     puis Luci mie traditrici de Salvatore Sciarrino.
                         Ce sont ces moments magiques qui me reviennent à la mémoire et qui seront la
                     source d’inspiration de cette création pour violoncelle et orchestre, que nourriront
                     également les élans et les échos de la Septième de Beethoven.

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BERNARD FOCCROULLE

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                                        Climbing-Dancing,
                           A Concerto for Cello and Orchestra, ‘For Trisha’
                                  Programmatische nota van de componist

            Toen Peter de Caluwe en Alain Altinoglu me vroegen een werk voor cello en orkest
            te schrijven dat resoneerde met Beethovens Zevende symfonie, maakte ik meteen de
            associatie met dans en verscheen de figuur van de onlangs overleden Trisha Brown op
            dwingende en gevoelige manier op mijn netvlies.
                Trisha realiseerde sinds 1996 enkele van haar mooiste creaties in de Munt: na MO,
            haar choreografie van Bachs Musikalisches Opfer, regisseerde ze Monteverdi’s Orfeo,
            een productie die door heel Europa en de Verenigde Staten toerde; vervolgens kwam
            Schuberts Winterreise met Simon Keenlyside, en daarna nog Luci mie traditrici van
            Salvatore Sciarrino.
                Ik denk aan al deze magische momenten terug. Zij vormen de inspiratiebron
            van deze creatie voor cello en orkest, waarin ook echo’s van Beethovens bevlogen
            Zevende zullen doorklinken.

                                                                   Vertaling: Maxime Schouppe

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LA SUBLIME VIOLENCE DE « LUDWIG VAN »
 ESSAI

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            Une anecdote raconte qu’un jour où il se promenait à Vienne, Beethoven eut une
            altercation avec un de ses mécènes, un aristocrate, devant qui tout le monde s’écartait
            pour lui céder le passage. À l’époque, l’aristocratie était une classe sociale à part.
            Beethoven, qui refusa de se mettre sur le côté de la route, obligea donc son bienfaiteur
            à faire un écart pour l’éviter. La réponse fut incroyable : « Des princes, il y en a et il y en
            aura encore des milliers, déclara le compositeur, mais il n’y a qu’un seul Beethoven. »
                 Et pendant plus d’un siècle et demi, il a eu raison. Beethoven était le compositeur
            par excellence, adulé de tous et représentant un idéal inaccessible. Richard Wagner
            considérait la Neuvième symphonie comme l’« aboutissement mystique de toutes
            [ses] idées et de tous [ses] désirs musicaux », tandis que le philosophe (et compositeur
            à ses heures) Theodor W. Adorno a œuvré toute sa vie à un livre dédié à Beethoven,
            qui allait toutefois rester inachevé. Jusque tard dans les années 1960, chaque année,
            les cycles Beethoven avec ses symphonies étaient systématiquement joués à
            bureaux fermés.
                 Pourquoi cela a-t-il changé dans la décennie qui a suivi ? La silhouette massive
            de Beethoven s’est retrouvée dans l’ombre de celle toute frêle d’un Mozart qui était
            jusqu’alors principalement considéré comme l’incarnation louable quoiqu’un peu
            frivole des ronds de jambes rococos. Le réalisateur suédois Ingmar Bergman a filmé
            sa Zauberflöte de manière si poignante qu’au-delà de Mozart, c’est aussi tout son
            opéra – jusque-là plutôt vivotant – qui, d’un coup, fut réhabilité. Le tournage par
            Milos Forman de la pièce de théâtre Amadeus, aussi fascinante qu’historiquement
            douteuse, de Peter Schaffer allait faire le reste quelques années plus tard.
                 Quant à ceux qui trouvaient Mozart encore trop superficiel, ils ont préféré se
            tourner vers le sérieux de Bach, au sujet de qui l’auteur d’aphorismes franco-roumain
            Emil Cioran écrivait que Dieu devait lui être éternellement reconnaissant : tant que la
            musique de Bach retentirait, l’existence de Dieu serait tout à fait plausible. Aux Pays-
            Bas, qui sont par excellence le pays de la Passion, celle « selon saint Matthieu » de
            Bach représente un rendez-vous annuel incontournable où il est de bon ton que les
            responsables politiques, les intellectuels et les entrepreneurs – qu’ils soient croyants
            ou, de plus en plus, non croyants – aillent montrer le bout de leur nez pour soigner
            leur notoriété.
                 Et c’est Beethoven qui en a fait les frais. Soudain, face à ces grands représentants
            de la mesure, de l’équilibre et de la retenue, son exubérance semblait devenue trop
            immodérée, trop sauvage et presque trop grossière. Il allait une fois encore être
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mis sous les feux des projecteurs, mais de manière un peu louche. Au début des

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            années 1970, dans A Clockwork Orange [Orange mécanique] de Stanley Kubrick,
            Alex, le violent personnage principal du film, sombre dans un hooliganisme toujours
            plus sordide sur les accords de Beethoven, son compositeur favori. Cet épisode allait
            être le sublime accord final de la popularité de « Ludwig van », comme l’appelait déjà
            Anthony Burgess dans son roman éponyme de 1962.

            « Sublime » est peut-être un mot étrange pour un spectacle d’une telle « ultraviolence »,
            comme dit Alex. Parce que les actes qu’il commet sur la musique de « Ludwig van »
            ne peuvent pas vraiment être qualifiés de « joli-joli » ! Sublime est toutefois un mot
            équivoque. Initialement, il signifiait le plus souvent le contraire de la notion de beauté
            infinie que nous y mettons aujourd’hui. Il désignait une chose sortant de tous les
            cadres humains. C’était le sublime qui nous dépasse et sur lequel nous n’avons
            aucune prise, précisément parce que – pour citer le philosophe français Jean-François
            Lyotard – cette grandeur lui confère quelque chose d’inhumain.
                 À la seconde moitié du XVIIIe siècle, le sublime acquiert petit à petit droit de cité
            dans l’esthétique philosophique. Le penseur britannique Edmund Burke décrivait ses
            effets comme une délicieuse horreur (« delightful horror »), tandis que pour le Prussien
            Immanuel Kant, le sublime déclenchait un sentiment d’impuissance et de sidération.
            Quelques exemples : les tempêtes, la haute montagne et l’infini des océans. Ce n’est
            pas un hasard si l’une des premières formes de tourisme avait pour destination le
            littoral et les contrées sauvages de régions telles que le Lake District en Angleterre
            ou la chaîne des Alpes. Les poètes et artistes qu’on allait ultérieurement appeler les
            Romantiques s’y rendaient pour y ressentir toute l’insignifiance de l’homme face au
            sublime de la nature.
                 Quand on écoute la scène de la tempête de la Sixième symphonie de Beethoven,
            on se rend compte à quel point, à l’époque, ce sentiment de delightful horror a dû
            envahir la salle de concert. Dans ce mouvement, la musique se déchaîne comme
            jamais auparavant, comme si tous les éléments du cosmos avaient été lâchés et
            que l’homme, pour reprendre les termes de Lucebert, prenait conscience de n’être
            qu’une miette sur la robe de l’univers, une goutte de sueur sous l’aisselle de la nuit. En
            Allemagne, c’est sur toile que Caspar David Friedrich allait peindre ce ressenti. Assis à
            l’ombre quelque part dans les Alpes, le poète anglais Shelley a écrit : « Far, far above,
            piercing the infinite sky, / Mont Blanc appears,— still, snowy, and serene — / Its subject
            mountains their unearthly forms / Pile around it, ice and rock ; broad vales between /
            Of frozen floods, unfathomable deeps, / Blue as the overhanging heaven. » [Loin, bien
            loin au-dessus, perçant le ciel infini, le mont Blanc apparaît, calme, neigeux et serein.
            Ses montagnes inférieures amoncellent autour de lui leurs formes qui ne sont pas de
            la terre, glace et roc ; de larges vallées traversées par des courants glacés, profondeurs
            insondables, bleues comme le ciel suspendu sur elles.]
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Dix ans après l’achèvement par Beethoven de sa Sixième symphonie, cette notion
 ESSAI

            allait trouver sa formulation philosophique dans l’œuvre d’Arthur Schopenhauer
            intitulée Die Welt als Wille und Vorstellung [Le Monde comme volonté et
            représentation]. L’ordre que nous percevons dans le monde n’est rien de plus qu’une
            illusion, constatait Schopenhauer. Dans la réalité « sub-liminale », tout n’est que
            chaos et violence. Tout y est « en devenir » : un processus sauvage de naissance et
            d’anéantissement totalement dépourvu d’harmonie et de durabilité. Et où il est par
            ailleurs inimaginable qu’une chose comme un être humain (une « âme ») puisse
            survivre aux aléas de la « Volonté du Monde ». Pour Schopenhauer, mieux valait faire
            une croix sur la réconciliation et la rédemption. La réalité est « sublime » simplement
            parce qu’elle est réelle (c’est ainsi que Lyotard allait radicaliser cette idée près d’un
            siècle et demi plus tard) et que, tôt ou tard, elle écrase l’homme.

            S’il a fallu attendre la moitié du XIXe siècle pour que Schopenhauer soit réellement lu
            et écouté, une fois le mouvement lancé, plus rien n’allait l’arrêter. Face au messianisme
            technologique de cette époque charnière, son message faisait figure de dénonciation
            d’une malédiction s’insinuant partout dans la culture. Il allait constituer la trame du
            Ring des Nibelungen de Wagner, héritier de Beethoven, dans le Gesamtkunstwerk
            duquel le philosophe Friedrich Nietzsche avait perçu une résurrection de la tragédie
            grecque. Selon Nietzsche, face aux fausses promesses de salut de la chrétienté, ce
            message devait réconcilier l’homme avec son inéluctable déchéance. Un autre demi-
            siècle plus tard, l’analyse de la psyché humaine par Sigmund Freud allait déboucher
            sur la découverte d’une pulsion de mort côtoyant les pulsions d’autoconservation
            et sexuelles. La culture, loin d’incarner la réconciliation de l’homme avec lui-même
            comme on l’avait espéré au Siècle des Lumières, devenait le théâtre d’un « mal-être »
            insoluble où l’agression humaine/inhumaine semblait invincible.
                 Freud aurait dû combattre cette idée par son propre optimisme. Au départ, il avait
            cru qu’il serait possible de maîtriser et de civiliser l’« inconscient » sub-liminal, comme
            quelque chose « pouvant être asséché comme le Zuyderzee ». Pour Beethoven et ses
            contemporains également, l’homme ne partait pas vaincu d’avance face à la sublime
            violence de la réalité dans laquelle il se trouvait jeté. Il pouvait défier le destin et
            les dieux : voler le feu et l’utiliser à son profit, à l’instar de Prométhée. Beethoven a
            composé de la musique de ballet sur ce personnage mythique, Shelley en a fait l’objet
            d’un drame lyrique, et son épouse Mary a donné à son roman Frankenstein le sous-
            titre A Modern Prometheus.
                 Mais là aussi, la malédiction s’est déjà insinuée. Toutes les promesses que l’homme
            porte en lui – la connaissance qui lui procure du pouvoir, la science qui épaule la
            technique et lui permet d’asservir le monde – sont également les dénonciations
            d’une déchéance par sa propre faute. C’était la vengeance de l’orgueil que, depuis le

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