White Paper - Black Foundry
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Typographie : écrire la ville du futur 3 Perspectives sur les nouvelles expériences urbaines Introduction 3 Transportez-vous : 9 l’expérience utilisateur dans la mobilité autonome De l’autre côté du 14 miroir : et si les vitrines devenaient des écrans ? Chaque ville raconte 18 une histoire : visualiser les données urbaines à travers la typographie La valeur de la typographie 22 dans le futur À propos des auteurs 24
Grégori Vincens, co-fondateur, Black[Foundry] Jérémie Hornus, co-fondateur, Black[Foundry] L’équipe Black[Foundry] Gilles Betis, fondateur et PDG, OrbiCité Ricardo Alvarez, chercheur, MIT Senseable City Lab Kristen Davis, PDG et fondateur, CinqC Black[Foundry] est une fonderie typographique parisienne, spécialisée dans la création, l’amélioration et la production de fontes dans un monde connecté. Dans ce livre blanc, nous nous interrogeons sur la façon dont la typographie de pointe participe à la diffusion d’information aux citoyens, dans le but d’améliorer la qualité de vie urbaine. Quel rôle jouera la typographie dans les moyens de transports et en particulier dans les véhicules autonomes ? Comment les marques et services s’approprieront-ils les nouvelles technologies d’affichage pour faire passer leurs messages ? Comment les collectivités locales pourront-elles servir le citoyen à l’heure du big-data ? Les fondateurs de Black[Foundry] ont des années d’expérience dans le design de fontes et le développement d’outils informatiques originaux permettant leur création pour les nouveaux médias ainsi que pour les anciennes technologies. Ils ont aussi ouvert la voie à de nouveaux moyen de création collaboratifs, de distribution et de management des fontes. Black[Foundry] Introduction 4
« La ville d’aujourd’hui est la ville postmoderne : sauvage, revêche, capricieuse, en constante évolution. En fait, il ne s’agit pas d’une ville mais plutôt d’un texte ; un texte écrit par des millions d’auteurs inconnus, ignorant eux-mêmes qu’ils sont auteurs, lu par des millions de lecteurs ; chacun d’entre eux lisant sa propre histoire personnelle et subjective dans ce texte chaotique en perpétuelle mutation, qu’ils changent, recréent et compliquent à chaque fois davantage. » Self Organization and the City, (2000) Juval Portugali Les mots — parlés, imprimés, gribouillés sur les murs ou tapés sur un smartphone — définissent une ville aussi bien que son apparence le fait. Ils aident les habitants et les visiteurs à se repérer, dans leur quotidien et dans leur loisirs, et à comprendre les règles et réglementations dont sont faites les interactions commerciales, municipales et sociales. La typographie est l’interface principale entre les citadins et ces informations. Les fondements de cette interface sont les fontes, les caractères d’un style et d’une taille donnée, qui permettent de restituer un texte ou une icône d’une manière lisible et compréhensible. Ils donnent vie aux imprimés, aux écrans et à tout autre type de signalisation. En somme, les fontes constituent l’outil le plus fondamental de la communication visuelle. Dans un monde de plus en plus numérique, nos communications s’articulent autour de la typographie et de la technologie. L’une permet l’autre, et inversement. « La typographie est omniprésente. Elle est essentielle pour communiquer et donner corps à l’information. » Grégori Vincens, co-fondateur de Black[Foundry] Avec la naissance de l’imprimerie au XVe siècle, le dessin de caractères est passé d’un art à une véritable science ; les fontes → La technologie des fontes variables e permet aujourd’hui plus de flexibilité et iss gra ax e peuvent s’adapter à l’environnement, comme la luminosité ou la qualité de l’affichage par exemple. Gerrit Noordzij, un typographe néerlandais, a développé une méthode d’analyse des lettres qui repose sur le contraste entre les traits épais et fins, la graisse et l’axe de l’outil, et non sur le classement des différentes variantes contraste par catégorie. Dans ce modèle, appelé le Cube de Noordzij, les différentes versions d’un caractère forment un continuum le long de trois axes. Une fonte variable peut, elle aussi être décrite en ces termes. Black[Foundry] Introduction 5
devant être non seulement lisibles mais aussi universelles. Avant l’ère numérique, les polices étaient surtout utilisées dans les supports statiques tels que les documents officiels, les livres et affiches publicitaires — que l’on pourrait appeler, dans la terminologie actuelle, des supports avec des « fréquences de rafraîchissement faibles ». → Les éléments de conception d’une police, de gauche à droite dans le sens des aiguilles d’une montre : [A] Un caractère typographique (à gauche) est la représentation effective des glyphes tels qu’on les voit, alors qu’une fonte (à droite) désigne le fichier physique ou numérique d’un caractère typographique. [B] les outils du dessinateur de caractère trouvent leur origine dans la calligraphie et comptent parmi eux (de gauche à droite), le pinceau, la plume à bec large et la plume pointue. [C] Les dessinateurs de caractères travaillent sur les paramètres de glyphes, qui sont des [A] [B] représentations graphiques de caractères. [D] Le dessin de glyphe commence souvent point de contróle par l’esquisse d’un squelette. On applique ensuite un contraste plus ou moins hauteur d’x poignée important pour étoffer la forme et obtenir l’effet typographique désiré. sans contraste ligne de base avec contraste approches [D] [C] Une conséquence du passage de la culture de l’imprimé à celle de l’écran est une demande sans précédent de ce que les fontes doivent fournir. Les fontes dynamiques peuvent s’adapter à leur environnement (taille de l’écran, niveau de luminosité, résolution) en devenant réactives. Elles adaptent alors leurs caractéristiques telles que la graisse, le contraste ou l’espacement des caractères en fonction de l’écran sur lequel elles apparaissent. À l’avenir, les polices les plus performantes devront être lues et comprises par les hommes et les machines, elles devront pouvoir supporter plusieurs langues et systèmes d’écriture, et aller au-delà des simples signes alphabétiques en tenant compte des nouveaux modes de communication tels que les icônes, pictogrammes et emojis. Le monde numérique et connecté d’aujourd’hui a ouvert de nouveaux flux de communication, et permet de travailler non plus seulement de son bureau mais aussi de chez soi. De plus, le fait de pouvoir communiquer à distance accorde davantage d’importance aux relations humaines dans des espaces communs. Face à cette évolution, les quartiers qui jouaient jusque-là un rôle spécifique (quartier d’affaires ou résidentiel) se voient regroupés et intégrés afin de repenser une nouvelle fois la configuration de la ville. Des développements modernes à usage multiple voient le jour, en Black[Foundry] Introduction 6
→ Les polices peuvent être divisées en deux fort contraste grandes catégories. Les polices de titrage, d’une part, visent à transmettre des émotions ou des idées plus larges indépendamment du contenu, et sont donc moins touchées par des problèmes de nature objective. Elles servent à susciter une impression, une émotion chez le lecteur. Les polices de labeur, ou fonctionnelles, visent à transmettre des informations ; dans l’idéal, de telles fontes doivent être Display invisibles aux yeux du lecteur ; la lisibilité et la vitesse de reconnaissance sont primordiales. interlettrage serré Texte faible contraste interlettrage lâche dehors et à l’intérieur de la ville, et combinent appartements, hôtels, bureaux, restaurants, magasins et lieux de divertissement. Comment les résidents de longue date ou visiteurs occasionnels peuvent-ils parcourir la ville postmoderne ? Ce « texte chaotique en perpétuelle mutation » dont parle Juval Portugali. Comment les municipalités, entreprises et prestataires de services peuvent-ils répondre à l’évolution des besoins urbains et améliorer la qualité de vie des citoyens ? La clé du problème réside dans une utilisation de la typographie comme un outil donnant de l’ordre et du sens à la pléthore de données et d’informations qui nous atteignent, les rendant donc utiles et intelligibles. Les fontes peuvent nous aider à accorder nos sens avec les sons, les sensations, et même les odeurs de la ville, et à traduire ces concepts abstraits en des informations qui peuvent être assimilées de façon linéaire. Tout comme la ville moderne, les fontes sont bien plus que leur simple apparence. Une fonte bien choisie peut évoquer une atmosphère qui exprime l’identité d’une ville et les promesses que celle-ci fait à ses résidents, touristes et entreprises. Par exemple, pensez à la police de titrage épurée du métro londonien (Johnston Sans) qui contraste avec celle du métro de Paris au style calligraphique d’Hector Guimard. 1. Département des affaires économiques et D’après les prévisions des Nations Unies, 6,4 milliards de personnes sociales des Nations Unies (DAES) Révision vivront en ville d’ici 2050, 2,5 milliards de plus qu’aujourd’hui, 2014. « Perspective de l’urbanisation de la population mondiale » et 5,65 milliards de plus qu’en 1950, où seulement 746 millions vivaient dans des zones urbaines.[1] L’essor des smartphones et des forfaits de données bon marché attirent les « prochains milliards » d’utilisateurs du numérique vers les villes, notamment dans les pays les plus pauvres : des personnes moins instruites qui ont plus Black[Foundry] Introduction 7
2. Bellman, Eric. 2017. « The End of Typing : de facilité à communiquer avec les images et les icônes sur écran The Next Billion Internet Users Will Rely qu’avec du texte sur papier, mais pour qui la typographie revêt tout on Voice and Video. » The Wall Street Journal. (7 août) autant d’importance. [2] Chez Black[Foundry], nous explorons cette vision et proposons de futures applications de typographie destinées à trois types d’utilisation : mobilité autonome, vitrines connectées et visualisation des données urbaines. Black[Foundry] Introduction 8
Le conducteur d’un véhicule doit avoir accès à un flux d’informations clair et lisible. Chez Black[Foundry], nous avons collaboré avec de grands constructeurs automobiles, dont PSA Peugeot Citroën et le Groupe Renault, afin de concevoir des fontes et icônes adaptées au poste de conduite pour plus de sécurité et une meilleure expérience utilisateur. Le challenge pour Renault : créer une fonte en phase avec l’esprit des trois marques (Renault, Dacia et Alpine), performante et adaptée à une utilisation dans 127 pays. → Un tableau de bord du Groupe Renault avec des textes et pictogrammes dans la police Read conçue par Black[Foundry]. La police multi-script de l’interface homme-machine (IHM) est utilisée dans les scripts des 127 pays dans lesquels le Groupe est implanté et comprend tout un ensemble de pictogrammes et d’icônes. Elle permet de renforcer l’image des trois marques (Renault, Dacia et Alpine), et est optimisée pour les écrans. La police Read est aussi prévue pour d’autres applications et médias en dehors de l’habitacle automobile. Nous avons alors créé la fonte « Read » (REnault/ Alpine/ Dacia) : 59 437 glyphes individuels dans plusieurs systèmes d’écriture, dont l’arabe, le chinois, le cyrillique, le grec, le japonais et le coréen. Cette nouvelle fonte Read reflète l’héritage latin de Renault, et puise son vocabulaire de formes dans l’écriture et la calligraphie française. Elle est optimisée pour fonctionner à l’intérieur comme à l’extérieur du véhicule. Pour ce projet, nous avons développé des programmes et outils sur- mesure afin d’assurer une cohérence, une précision et une vitesse optimales du développement des fontes, tel que l’interlettrage, le positionnement des accents, l’optimisation d’affichage écran et le codage des scripts complexes. Conscients du coût unitaire des véhicules et du rendement de la chaîne d’approvisionnement du groupe Renault, les designers et développeurs de Black[Foundry] ont pu réduire de façon considérable la taille moyenne d’une fonte de 20 à 6 mégaoctets. Aujourd’hui, nous étudions comment la typographie peut participer à une mobilité urbaine autonome, connectée et partagée, qui sera non plus axée sur une interaction conducteur-véhicule mais sur une communication entre les passagers et leur environnement intérieur et extérieur. La plupart de ces interactions auront lieu sur des écrans, hors des postes de conduite et tableaux de bord conventionnels, et permettront une expérience plus immersive, avec des affichages tête haute ou des projections en 3D. Dépourvu de toute commande et du besoin d’intervention du conducteur, l’intérieur du véhicule autonome devient un espace Black[Foundry] Transportez-vous : l’expérience utilisateur dans la mobilité autonome 10
offrant une infinité de possibilités. Une conception avancée de la typographie permettra de définir la façon dont l’espace est utilisé. Avant le voyage, elle invite les passagers à choisir leur destination ; sur la route, elle peut fournir des informations relatives aux événements et conditions extérieurs, et créer une atmosphère agréable au sein du véhicule afin de faciliter les différentes interactions et expériences, qu’elles soient pragmatiques, informelles, ludiques ou même romantiques. → En typographie, le hinting désigne les instructions accompagnant les fontes sans hinting numériques permettant l’optimisation de leur affichage sur des grilles de pixels. Un bon hinting est nécessaire pour une meilleure lisibilité, notamment lorsque les glyphes sont petits ou affichés sur des mauvais auto-hinting écrans à basse résolution. Il peut être effectué de façon automatique à l’aide d’algorithmes ou manuellement ; le hinting manuel peut corriger des problèmes du hinting manuel hinting automatique. Un système de transport fiable, adaptatif et intuitif offre davantage de choix aux utilisateurs quant à l’endroit et au mode de vie qu’ils choisissent ; il est plus attrayant pour les visiteurs et touristes et ouvre la voie à une croissance durable. Aujourd’hui, les modes de transport urbain sont redéfinis et agrégés pour créer la « mobilité ». Dans les années à venir, les réseaux connectés de véhicules autonomes circuleront dans la rue, sur l’eau et dans les airs, transporteront des passagers, livreront des biens et fourniront des services. Ces systèmes de mobilité avancés s’appuient sur une grande quantité de données pour créer des systèmes intelligents de gestion de trafic et permettre aux véhicules autonomes d’interpréter leur environnement pour se déplacer de façon efficace et en toute sécurité face aux dangers quotidiens de la ville. Les véhicules → Les véhicules devenant de plus en plus autonomes, de nouveaux intérieurs commencent à voir le jour, dans lesquels les passagers se font face ou sont positionnés vers l’extérieur pour regarder le paysage. Le divertissement et la communication personnelle prendront progressivement place sur les écrans, qui seront plus nombreux et placés à de nouveaux endroits, sous de nouvelles formes, sans jamais distraire le conducteur. Black[Foundry] Transportez-vous : l’expérience utilisateur dans la mobilité autonome 11
3. McKinsey & Company, 2014. « Connected autonomes « apprennent » leur environnement et anticipent leur Car, Value Chain Unbound. » (Septembre) comportement grâce à la collecte et le traitement de données liées à l’environnement intérieur et extérieur de l’habitacle. Ces opérations s’effectuent à travers un vaste réseau d’ordinateurs, caméras et capteurs (radar et lidar), et connexions sans fil. Un seul véhicule connecté est censé produire 25 gigabytes de données par heure.[3] En comparaison, une vidéo HD en streaming utilise, dans le même temps, 1 seul gigabyte. Il est désormais essentiel pour les conducteurs d’avoir accès à ces informations à des fins opérationnelles. Dans les voitures autonomes, elles peuvent permettre d’autres types de conversations avec les passagers. — Par leur design, les polices et fontes peuvent rassurer ou réconforter des passagers qui feraient face à des informations sur des conditions climatiques difficiles ou sur une circulation très dense. Par exemple, Frutiger, une fonte développée dans les années 1970 pour l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle, affiche peu de contraste, des formes simples et propose un rendu optimisé et agréable. Elle procure une sensation de confort et de calme aux lecteurs. larges proportions simple étage faible contraste grande hauteur d’x terminaisons verticales courtes descendantes — Les polices, fontes et symboles, y compris les icônes et émojis, devront pouvoir être adaptés parfaitement à toutes les langues afin de faciliter la mobilité des clients dans une ville multiculturelle. Dans ce cas, la conception des fontes implique bien plus que le design d’un nouvel ensemble de caractères (même un très vaste ensemble comme le coréen, avec plus de 10 000 glyphes). La fonte devient en effet une véritable interface de connexion et d’engagement pour des passagers issus de cultures différentes : les fontes personnalisent alors la façon d’interagir avec la ville et créent un environnement accueillant. → Les moteurs de texte peuvent créer des fontes lisibles en deux et trois dimensions ainsi que sous des angles et perspectives différents, afin de répondre aux exigences de la mobilité autonome. Les caractères doivent être lisibles sur différents supports d’affichage, dont les smartphones, les systèmes de réalité augmentée, les affichages heads-up, les hologrammes ou encore les écrans transparents, alors que les mouvements du véhicule compliquent la perception de la profondeur et la capacité à discerner les détails. Black[Foundry] Transportez-vous : l’expérience utilisateur dans la mobilité autonome 12
— Les caractères doivent également s’adapter à plusieurs technologies d’affichage, notamment les smartphones, les affichages head-up, les hologrammes en 3D, et même les écrans transparents qui pourraient, à terme, remplacer les vitrines classiques. Le mouvement doit également être pris en compte, car lorsqu’un véhicule se déplace dans l’espace, notre capacité à discerner les détails à la limite de notre champ de vision réduit considérablement. Dans un exemple, une liste de services essentiels, de restaurants ou d’adresses pourrait être diffusée sur les vitrines sous la forme d’écrans transparents avec des fontes intégrées. — Compte tenu des exigences en termes de stockage de données dans les véhicules électriques et autonomes, la taille des fontes peut être divisée par quatre pour consacrer davantage d’espace à d’autres supports tels que les graphiques et les vidéos. Black[Foundry] Transportez-vous : l’expérience utilisateur dans la mobilité autonome 13
De l’autre côté du miroir : et si les vitrines devenaient des écrans ? 14
Malgré des avancées technologiques spectaculaires, peu de choses ont changé depuis le XIXe siècle en termes d’affichage commercial. L’environnement urbain moderne regorge de panneaux publicitaires et informatifs, où les couleurs, la lumière, les images, les animations et les sons sont en concurrence pour capter l’attention des clients. Les affichages placés à hauteur d’yeux ont tendance à être plus petits, compacts et purement informatifs. Ils promeuvent des services, renseignent les horaires d’ouverture, affichent les menus d’un restaurant, ou encore annoncent les offres promotionnelles de magasins. D’autres supports sont plus imposants, recouvrant la façade d’immeubles, voire s’étendant sur plusieurs étages. Ces derniers sont le plus souvent destinés à promouvoir une marque selon les techniques publicitaires traditionnelles. → La technologie d’affichage sur écran transparent implique la conception de différents logiciels, matériels et polices. Prenant la forme de vitrines numériques, indépendants ou connectés à un magasin, ces écrans seraient un moyen d’intégrer l’expérience du e-commerce au monde réel. Malgré leur importance, l’écran vidéo ou le panneau d’affichage tridimensionnel le plus sophistiqué reste un support d’affichage physique fixe. Les informations circulent, de manière aléatoire et impersonnelle, dans un seul sens, de la marque vers le consommateur. Chez Black[Foundry] nous avons une autre vision, qui serait celle d’une communication allant dans les deux sens, grâce à des polices performantes dans un monde digitalisé. En tirant profit d’une société numérique connectée grâce à des techniques et à des algorithmes sophistiqués de collecte de données, les entreprises parviennent souvent à mieux connaître les habitudes et préférences de leurs clients que ces derniers. En ayant recours à des systèmes CRM (gestion de la relation client), elles peuvent adapter leurs messages à une cible spécifique, et les transmettre directement, à travers des canaux numériques, sur un écran de smartphone. La publicité et le marketing en viennent alors à varier en fonction de l’endroit et du moment. Le comportement des consommateurs a également subi un changement radical. Les achats se font de plus en plus en ligne, où les prix ont tendance à se tasser et le choix à s’élargir. Les acheteurs peuvent comparer les produits en quelques secondes sur leur ordinateur portable, tablette ou smartphone, lire des avis et rechercher les prix les plus bas. Les recommandations d’amis via les réseaux sociaux agissent comme un puissant moteur de décisions d’achat. Black[Foundry] De l’autre côté du miroir : et si les vitrines devenaient des écrans ? 15
Incarnant ces transformations, les boutiques — souvent situées dans des quartiers huppés — servent également à véhiculer l’identité et l’image d’une marque, à mi-chemin entre un espace publicitaire et un grand magasin. Les flagships, instagrammables et autre pop-up store réinventent les marques en tentant de créer un lien émotionnel avec le client à travers l’expérientiel. Les QR codes et les transactions ouvertes facilitent les achats, et les systèmes de livraison du « dernier kilomètre » éliminent tous les tracas liés à la livraison de courses et autres marchandises à domicile. Dans ce contexte, le point d’entrée initial pour les clients — la vitrine de magasin — est un peu anachronique. Les avancées dans le domaine de la typographie et des écrans d’affichage peuvent créer une interaction dynamique et souple entre le client et le vendeur. Ces « vitrines connectées » allient matériel informatique, logiciels et typographie afin de permettre aux entreprises de s’adresser directement aux consommateurs, tout en améliorant l’expérience d’achats en magasin. À leur tour, les clients seront habilités à participer et à partager leurs expériences, préférences et conseils. — Lorsque le temps et la luminosité changent, le contraste de l’écran s’ajustera automatiquement pour une lisibilité optimale, grâce à des capteurs situés dans le cadre de la fenêtre. De la même façon, les fontes pourront varier selon que l’on soit un piéton ou un cycliste roulant à pleine vitesse, les capteurs détectant le mouvement et ajustant la taille de la police en conséquence, pour une meilleure lisibilité. Une police apaisante pourrait s’afficher lors des heures de pointe, remplacée par une fonte plus insistante lorsque la circulation piétonne est faible. Les moments de loisir du week-end, eux, nécessiteraient, quant à eux, un affichage plus ludique. → La combinaison de différents logiciels, matériels informatiques et police de caractères permet d’afficher un menu sur un écran transparent, dans lequel un moteur de texte crée des fontes d’affichage. Normal Les plats pourraient facilement être ajoutés, déplacés ou supprimés, selon les stocks et les plats Ligatures du jour disponibles. (Fonte : Bello par Underware). Initial & final Black[Foundry] De l’autre côté du miroir : et si les vitrines devenaient des écrans ? 16
— Les menus de restaurants pourraient s’afficher sous la forme d’une fenêtre transparente ou d’un « panneau sandwich ». Les plats pourraient facilement être ajoutés, déplacés ou supprimés, selon les stocks disponibles. — Le type d’information diffusée déterminerait le choix de la police ; les fontes utilisées dans les messages visant à établir une connexion émotionnelle avec une marque se distingueraient de celles employées dans les messages à caractère plus pratique. → Les émojis de marque peuvent parfaitement s’intégrer aux messages SMS. Les smartphones et réseaux sociaux ont donné davantage de pouvoir aux consommateurs dans le processus d’achat, tout en permettant aux entreprises de mieux comprendre les habitudes et préférences de ces derniers. — Les vitrines connectées pourraient également parfaitement fournir des services publics, affichant des messages légaux ou prévenant de conditions climatiques extrêmes, par exemple. Elles pourraient s’adapter aux règles et réglementations liées au changement de signalisation. — La vitrine connectée peut également servir de plateforme de E-commerce en temps réel, en intégrant l’expérience d’achats en ligne dans la sphère publique. Partant du principe que la conception de l’écran doit assurer une certaine confidentialité, des capteurs pourront accéder à l’historique et aux préférences des consommateurs sur leur smartphone afin de personnaliser l’affichage. Les consommateurs nécessitant davantage d’informations ou d’assistance verraient apparaître une fenêtre de dialogue sur leur smartphone. Les technologies biométriques telles que le système de reconnaissance faciale pourront identifier les clients et accéder à leurs préférences et réseaux sociaux afin de personnaliser l’affichage. Black[Foundry] De l’autre côté du miroir : et si les vitrines devenaient des écrans ? 17
Chaque ville raconte une histoire : visualiser les données urbaines à travers la typographie 18
« L’élément le plus important dans l’imprimerie, c’est de communiquer des pensées, des idées, des images, d’un esprit à l’autre. » The Crystal Goblet, or Why Printing Should be Invisible, Beatrice Warde. (1932) Imaginez un voyageur allant à Paris pour la première fois, par exemple pour les Jeux Olympiques de 2024. Avant de visiter une ville étrangère, il peut se poser plusieurs questions. Comment vais-je me déplacer ? Que vais-je pouvoir faire pendant mon temps libre en plus des sites répertoriés dans les guides de voyage ? Serai-je capable de communiquer avec les locaux ? En bref : Comment puis-je créer une connexion avec la ville et en profiter au maximum ? → Les données générées par les utilisateurs et les objets peuvent être visualisées en réalité augmentée, permettant ainsi aux citadins et visiteurs de naviguer dans leur environnement. La typographie est l’interface qui donne de la valeur et de l’utilité à ces données. La typographie peut créer cette connexion, en tant qu’interface entre les hommes et l’environnement urbain. Imaginez ce même voyageur qui prépare son voyage en téléchargeant un kit digital qui le plonge directement dans un ensemble de datavisions de Paris et des Jeux Olympiques. Il est accueilli par une fonte unique qui reflète la typographie traditionnelle de la ville et de la culture graphique. La police de caractères parle au lecteur avec une voix distincte et accueillante, comme si elle lui disait « voilà Paris ». Elle s’adapte rapidement à la langue du visiteur, aux écrans des différents dispositifs et au degré d’acuité visuelle. → Certaines fontes ont fini par être totalement identifiées à leur environnement. De haut en bas, la police des stations de métro de Paris a vu le jour à l’époque de l’Art Nouveau, le logo du métro londonien utilise, quant à lui, la police Johnston Sans ; et la signalisation du métro new-yorkais opte pour une police sans Serif (d’abord Standard puis Helvetica) sur un fond noir avec de nombreux ronds de couleur. Black[Foundry] Chaque ville raconte une histoire : données urbaines à travers la typographie 19
Les sujets de discussion des parisiens et des visiteurs des Jeux Olympiques, consultables et triés par thème, apparaissent à l’écran. Un onglet affiche des données instantanées sur la qualité de l’air, les données météorologiques locales ou encore les transports en commun, sous forme d’images et de texte. D’autres onglets peuvent informer sur d’éventuelles promotions dans le cadre des Jeux ou de lieux de rencontres pour les fans d’un certain sport. Une fois dans Paris, un réseau de caméras et de capteurs commencent à alimenter le smartphone du visiteur, complétés par les pictos et émojis propres à la ville. La quantité d’informations est importante, mais pas écrasante, et le visiteur peut personnaliser les différents flux à tout moment. Alors qu’il se promène dans la ville, qu’il publie des commentaires et prend des photos géolocalisées, le voyageur reçoit des alertes sur les transports et les monuments. Il peut également recevoir des recommandations d’adresses, grâce à des repères numériques qui diffusent un flux d’informations ciblé sur l’endroit où il se trouve. Il a alors la possibilité de s’y géolocaliser ou de publier un avis. Toutes ces informations sont ajoutées au flux afin d’améliorer la compréhension du comportement des touristes, des résidents, des entreprises et des pouvoirs publiques. L’histoire du voyageur devient partie intégrante de l’histoire de Paris, enrichissant ainsi l’esprit collectif de la ville. 4. Cisco Internet Business Solutions Group, Les données urbaines ouvrent la voie à une infinité de possibilités 2011. « The Internet of Things : How the Next à mesure que nous nous y sensibilisons ainsi que notre Evolution of the Internet Is Changing Everything. » (Avril) environnement. Selon l’entreprise informatique américaine Cisco, 50 milliards d’appareils seront connectés à Internet d’ici 2020, huit pour chaque femme, homme et enfant sur la planète.[4] Un grand nombre de ces appareils sont des capteurs mobiles nichés dans les smartphones ou ordinateurs personnels qui communiquent entre eux et génèrent des données au travers des réseaux sociaux, informatiques et de communication. La grande majorité de ces appareils connectés sont des objets du quotidien présents dans des villes aussi variées que Buenos Aires, Paris ou Singapour : véhicules, machines industrielles, caméras, mobilier urbain et appareils électroménagers dotés de capteurs et d’actionneurs. C’est ce que l’on appelle les objets connectés. Les données générées par ces objets sont souvent redirigées vers des silos spécialisés, propres à une tâche. Chez Black[Foundry], nous croyons qu’une histoire complète, riche et pertinente de la ville — quelle qu’elle soit — ne peut exister que par la mise en commun des informations prélevées de manière systématique et des données générées par les utilisateurs, puis visualisées à travers un design typographique adéquat. Notre processus de création pour une fonte urbaine personnalisée va au-delà de la simple conception de caractères. Nous commençons par un balayage complet du paysage, en travaillant avec des personnes dont c’est la langue maternelle, et des dessinateurs de caractères typographiques. Le but est de comprendre le Black[Foundry] Chaque ville raconte une histoire : données urbaines à travers la typographie 20
contexte dans lequel la fonte sera vue, ainsi que le degré possible de personnalité que l’on peut donner aux caractères sans compromettre leur longévité dans le temps ni leur lisibilité. Les images de la ville et les impressions qui en découlent sont disposées sur un moodboard. Les urbanistes et équipes de communication sont intégrés au processus afin de déterminer l’investissement actuel et futur dans les technologies d’affichage. → Le processus de conception d’une fonte propre à une ville débute par un balayage complet du paysage afin d’en déterminer le contexte et l’utilisation prévue, et la création d’un moodboard (en haut à gauche). Les dessinateurs de caractères typographiques dessinent ensuite plusieurs caractères, qui sont testés pour leur lisibilité et compatibilité avec les affichages multimédia numériques et analogiques. Plusieurs caractères sont conçus pour chaque fonte et ils sont ensuite testés pour s’assurer qu’ils peuvent s’adapter de façon dynamique aux différents types d’affichage selon la langue, le contenu et le format, grâce à tout un ensemble de configurations techniques. Il peut s’agir de grands panneaux publicitaires ou de panneaux de signalisation numériques, de petits écrans sur smartphones et autres objets portables et de dispositifs de réalité augmentée qui utilisent des technologies d’affichage volumétriques. Pour que la composition typographique d’une ville soit complète et performante, elle doit inclure une fonte de signalisation, une fonte de texte, des flèches et autres symboles, des pictogrammes, voire même des émojis. L’objectif est toujours de créer une connexion et de s’adapter à différentes cultures. Black[Foundry] Chaque ville raconte une histoire : données urbaines à travers la typographie 21
La valeur de la typographie dans le futur 22
« Le XIXe siècle a été le siècle des empires, le XXe siècle celui des États Nations. Le XXIe siècle sera celui des villes. » Wellington Webb, ancien maire de Denver, Colorado La ville du futur sera un lieu d’invention et de réinvention perpétuelle, où sera créée la plus grande partie des richesses du monde, où des idées nouvelles, des innovations politiques et sociales verront le jour, alimentées par une évolution technologique rapide. Elle aura beaucoup plus à dire, racontant une histoire de plus en plus complexe, contextualisée par une multitude de données générées par les objets et individus. La typographie — pierre angulaire de la communication et principale interface entre les hommes et leur environnement — renforcera ces idées, concepts et actions. Elle évoluera et s’adaptera à la ville technologique de demain, permettant aux citoyens de réaliser pleinement leurs espoirs et leurs rêves. Mobilité, commerce, culture, gouvernement constituent les fils qui forment le tissu de la ville. Les exprimer au travers d’une identité typographique cohérente peut véhiculer un sentiment de communauté, d’appartenance et de fierté. Elle doit traduire l’idée que la ville est attractive et accueillante pour ses visiteurs. Une ville développe son identité en pensant à l’histoire qu’elle veut raconter au monde entier, et c’est ainsi qu’elle détermine les innovations culturelles, sociétales et technologiques qui la propulseront vers l’avenir. « Une fonte est un logiciel, une série de tables de données et de métadonnées, qui interagissent avec d’autres logiciels : les moteurs de texte et de rendu. La ville sera constituée petit à petit d’une multitude de surfaces sur lesquelles auront lieu ces interactions. » Jérémie Hornus, co-fondateur de Black[Foundry] Qu’est-ce qui rend une histoire mémorable, ou une marque facilement identifiable ? C’est l’interaction entre le contenu et la voix : chacun complète l’autre sans jamais prendre le dessus. Les fontes de Black[Foundry] constituent un capital-design qui permettent aux villes d’exprimer leur singularité, leurs valeurs, leur culture, leur histoire, et les promesses qu’elles font aux résidents, aux visiteurs et aux entreprises. Elles représentent aussi des actifs technologiques qui renforcent l’expression cohérente de cette identité et donnent lieu à des expériences utilisateur homogènes et transparentes. C’est ce que l’on appelle Type+Tech. Black[Foundry] donne la parole aux textes qui écrivent la ville. Black[Foundry] La valeur de la typographie dans le futur 23
Pour plus d’informations sur Black[Foundry] : www.black-foundry.com email : hello@black-foundry.com téléphone : + 33 (0)1 46 27 67 56. Gregori Vincens, co-fondateur de Black[Foundry], est un serial entrepreneur français. Dessinateur de caractères typographiques, designer et professeur, il est passionné par les marques. Jérémie Hornus, co-fondateur de Black[Foundry], est un dessinateur de caractères typographiques au profil d’ingénieur, et enseigne la conception typographique à l’Atelier national de recherche typographique (ANRT) de Nancy. Gilles Betis est un expert international en matière de Smart cities, Mobilité, Innovation et Entrepreneuriat. Il a fondé l’initiative « IEEE Smart Cities » et créé OrbiCité, une agence de conseil dédiée au développement global des villes intelligentes. Ricardo Alvarez est candidat au doctorat du Massachusetts Institute of Technology et chercheur au MIT Senseable City Lab, où il étudie la manière dont les technologies numériques transformeront les villes de demain. Kristen Davis, coordinatrice du projet et fondatrice de CinqC.co est experte international en disruption. Elle est spécialisée dans les business models des médias et a travaillé en tant que directrice IT pour le New York Times et comme auditrice pour le Digital News Initiative Innovation Fund (DNI) de Google. Peter Sigal, rédacteur, est un journaliste indépendant basé à Paris. Composition : Drive Prop Regular Vesterbro Regular Extrabold/Poster Black[Foundry] À propos des auteurs 24
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