Le Carnet du Forum des Cooperatives - Comptes rendus des workshops Charleroi 16 novembre Bois du Cazier 2017 - Step Entreprendre

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Le Carnet du Forum des Cooperatives - Comptes rendus des workshops Charleroi 16 novembre Bois du Cazier 2017 - Step Entreprendre
Le Carnet du Forum des Cooperatives
16 novembre                                                           Charleroi
2017          Comptes rendus des workshops                       Bois du Cazier
L E R E N D E Z- V O U S D E L’ E N T R E P R E N E U R I AT C O O P E R AT I F

                                           ÉCONOMIE
                                           SOCIALE,
                                           COOPÉRATIVE
                                           ET SOLIDAIRE
Le Carnet du Forum des Cooperatives - Comptes rendus des workshops Charleroi 16 novembre Bois du Cazier 2017 - Step Entreprendre
TABLE DES MATIÈRES

AVANT-PROPOS                                                                 5
COMMENT CE FORUM A-T-IL ÉTÉ CONSTRUIT ?                                      7

L’ÉCONOMIE SOCIALE ET COOPÉRATIVE, DE QUOI PARLE-T-ON ?                      8

WORKSHOP 1                                                                   10
COMMENT FAVORISER L’ENTREPRENEURIAT SOCIAL ET COOPÉRATIF CHEZ LES JEUNES ?

WORKSHOP 2                                                                   14
Y A-T-IL MATCH ENTRE L‘ÉCONOMIE COLLABORATIVE ET LE MODÈLE COOPÉRATIF ?

WORKSHOP 3                                                                   18
POURQUOI ET COMMENT MOBILISER L’ÉPARGNE CITOYENNE ?

WORKSHOP 4                                                                   22
CRÉATEURS, INTERMITTENTS, TRAVAILLEURS AUTONOMES…
LA COOPÉRATIVE DE TRAVAILLEURS ASSOCIÉS EST-ELLE LA SOLUTION ?

WORKSHOP 5                                                                   26
CIRCUITS COURTS : LE MODÈLE COOPÉRATIF EST-IL UNE OPPORTUNITÉ
POUR RAPPROCHER PRODUCTEURS ET CONSOMMATEURS ?

REMERCIEMENTS                                                                30

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Le Carnet du Forum des Cooperatives - Comptes rendus des workshops Charleroi 16 novembre Bois du Cazier 2017 - Step Entreprendre
AVANT-PROPOS
                                               L’Agence pour l’Entreprise & l’Innovation (AEI) anime un réseau d’opérateurs soutenant la création, le déve-
                                               loppement et la transmission des entreprises, ainsi que l’innovation. Elle favorise également le développement
                                               d’une culture entrepreneuriale et la diffusion des nouveaux modèles économiques.

                                               Fin 2015, le Gouvernement wallon confiait à l’AEI la mission de sensibiliser et de promouvoir les entreprises
                                               sociales et coopératives en s’appuyant sur les Agences-conseil en économie sociale et les autres acteurs spé-
                                               cialisés.

                                               Economie sociale et coopérative, entrepreneuriat social, innovation sociale… Toutes ces caractéristiques re-
                                               couvrent des réalités économiques pour entreprendre autrement :

                                                 Entreprendre de manière collective
                                                 Viser une finalité de services à la communauté
                                                 Partager des aspirations aux enjeux sociétaux et environnementaux
                                                 Proposer une autre répartition des richesses
                                                 Adopter une gouvernance participative

                                               Le modèle coopératif s’est fortement développé en Wallonie, en réponse à certaines impasses économiques
                                               et environnementales.

                                               Pour comprendre, découvrir et partager la connaissance de l’économie coopérative, l’AEI organisait son pre-
                                               mier Forum des Coopératives en 2016, en collaboration avec la SOWECSOM. Lors de cette première édition,
                                               celle-ci fêtait ses 20 ans de financement de ce secteur. Près de 300 participants s’étaient donné rendez-vous
                                               pour entendre des témoignages et assister à la conférence de Cyril DION, producteur et coréalisateur du film
                                               « Demain ». Ce long métrage a initié un véritable mouvement citoyen.

                                               Le succès de cette manifestation a conduit l’AEI à éditer une seconde édition du Forum le 16 novembre 2017.
                                               Avec les Agences-conseil, l’AEI a souhaité susciter une plus forte contribution des participants en organisant
                                               cinq workshops participatifs afin d’échanger et de bâtir les modèles de demain.

                                               L’économie coopérative a été discutée, challengée et coconstruite avec des coopérateurs, des porteurs de
                                               projet, des étudiants, des experts et des financeurs autour de cinq enjeux :

                                                 L’entrepreneuriat coopératif chez les jeunes
                                                 L’économie collaborative
                                                 Le financement coopératif
                                                 Les coopératives de travailleurs
                                                 Les circuits courts
CYRIL DION – FORUM DES COOPÉRATIVES 2016

                                           4                                                         5
Le Carnet du Forum des Cooperatives - Comptes rendus des workshops Charleroi 16 novembre Bois du Cazier 2017 - Step Entreprendre
COMMENT CE FORUM A-T-IL ÉTÉ CONSTRUIT ?
                                                                                                                 L’ensemble du Forum des Coopératives, et plus particulièrement les cinq workshops, ont été préparés avec nos
                                                                                                                 partenaires selon un processus participatif. Le choix des cinq thématiques s’est ainsi fait en concertation. Pour
                                                                                                                 chacune d’elles, un partenaire s’est engagé à en coordonner l’organisation.

                                                                                                                 La méthodologie d’animation, les points de débats et le choix des témoins/intervenants ont été coconstruits
                                                                                                                 avec ce groupe de contributeurs.

                                                                                                                 Lors des workshops, après avoir introduit la thématique, chaque animateur a donné un court temps de parole à
                                                                                                                 cinq ou six intervenants pour qu’ils apportent leur témoignage, soit en tant que coopérateur, soit en tant qu’ex-
                                                                                                                 pert sur le sujet. Ensuite, les participants (entre 40 et 60 personnes par workshop) ont été amenés à échanger
                                                                                                                 et à travailler sur trois aspects : les enjeux, la réponse coopérative et quelques propositions à formuler aux ac-
                                                                                                                 teurs de l’économie coopérative ainsi qu’aux représentants publics/politiques.

                                                                                                                 C’est le fruit de cette démarche participative qui est résumé dans ce Carnet.
 © VICTORIEN LORIERS

Près de trente contributeurs ont préparé cette rencontre en coopération avec l’AEI et les Agences-conseil. Des
propositions concrètes pour soutenir, favoriser et pérenniser le modèle coopératif ont été déployées par 300
participants. Elles vous sont résumées dans ce cahier. Gageons qu’elles inspireront chacun là où il peut agir.

Ces workshops se sont clôturés par une conférence exceptionnelle
de l’économiste de renommée internationale, Daniel COHEN. Celui-ci
nous a apporté une autre vision de la croissance : « L’Homme veut être
plus riche, et ça n’est jamais assez. La même frustration se répète, le
progrès matériel n’est jamais suffisant. »

Au nom de l’AEI, je remercie l’ensemble des partenaires et des partici-
pants qui ont œuvré à ce travail collectif et participatif.

Véronique CABIAUX,
Directrice de l’Agence pour l’Entreprise & l’Innovation

                                                                          DANIEL COHEN
                                                                          © VICTORIEN LORIERS                                                                                                                      © VICTORIEN LORIERS

                                                       6                                                                                                                 7
Le Carnet du Forum des Cooperatives - Comptes rendus des workshops Charleroi 16 novembre Bois du Cazier 2017 - Step Entreprendre
L’ÉCONOMIE SOCIALE ET COOPÉRATIVE, DE QUOI PARLE-T-ON ?                                                                             LA COOPÉRATIVE SELON L’ALLIANCE COOPÉRATIVE INTERNATIONALE (ACI)
De plus en plus d’entrepreneurs veulent entreprendre ensemble et autrement. Ils souhaitent mettre l’humain
et le développement durable au cœur de leur activité. Ils visent aussi à mettre en œuvre un mode de gestion                         L’ACI définit la coopérative comme « une association autonome de personnes
alternatif, basé sur la coopération, la gouvernance démocratique et participative, et l’affectation des bénéfices              volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux
à d’autres objectifs que la rémunération du capital.                                                                               et culturels communs au moyen d’une entreprise dont la propriété est collective
                                                                                                                                                     et où le pouvoir est exercé démocratiquement. »
C’est ainsi que l’on observe, depuis quelques années, l’émergence de nouveaux modèles économiques qui
expérimentent des pratiques en rupture avec le modèle de l’entreprise capitaliste. Coopératives citoyennes,                               Selon l’ACI, les coopératives se fondent sur un socle commun de valeurs :
coopératives de travailleurs, coopératives d’artistes, structures mixtes privées/publiques… Ces initiatives réin-
                                                                                                                                         entraide – auto-responsabilité – démocratie – égalité – équité - solidarité
ventent totalement nos modes de consommation, mais aussi les rapports entre consommateurs et produc-
teurs, ou encore entre travailleurs et employeurs.
                                                                                                                             QUELQUES CHIFFRES…
    L’ENTREPRISE COOPÉRATIVE : D’AUTRES LOGIQUES
                                                                                                                        25.405 : sociétés coopératives actives en Belgique au 31 décembre 2015.
Rappelons que les entreprises coopératives sont des sociétés commerciales (presque) comme les autres. Elles
contribuent au développement d’activités économiques productrices de biens et services, et sont soumises                Près d’un millier de coopératives ont opté pour un modèle coopératif respec-
                                                                                                                                                                                                                                      29%                   38%
aux règles du marché.                                                                                                   tant les valeurs de l’Alliance Coopérative Internationale : 513 coopératives sont
                                                                                                                        agréées par le Conseil National de Coopération (CNC) et 464 coopératives, non                                Flandre            Wallonie
Cependant, trois principes les distinguent des entreprises classiques :                                                 agréées au CNC, sont qualifiées à finalité sociale.
                                                                                                                                                                                                                                               33%
 1. Affectation des bénéfices à d’autres fins que la rémunération du capital : l’objectif d’une coopérative             L’emploi au sein de ces coopératives agréées et/ou à FS s’élève à plus de 21.000
    n’est pas la rémunération du capital. Les bénéfices sont principalement réinvestis dans l’entreprise et dans        postes de travail.                                                                                                 Région de
                                                                                                                                                                                                                                       Bruxelles-Capitale
    la poursuite de ses finalités.
 2. Gouvernance démocratique et participative : l’entreprise coopérative implique dans les organes de gou-              Source : Dufays F.& Mertens S. (2017), Belgian Cooperative Monitor, Leuven, Bruxelles : Cera-Febecoop

    vernance, et fait participer aux décisions, l’ensemble des parties prenantes (non seulement les action-                                                                                                                     RÉPARTITION DES SOCIÉTÉS COOPÉRATIVES
    naires, mais aussi les travailleurs, parfois les clients, les fournisseurs…). Ce principe peut aller jusqu’à « un        WALLONIE PIONNIÈRE                                                                                        SELON LEUR SIÈGE SOCIAL
    homme = une voix ».
 3. Finalité de service à la collectivité : les entreprises coopératives ont pour objectifs de mieux prendre en         Le développement de l’économie sociale, coopérative et solidaire fait partie intégrante de la politique écono-
    compte les intérêts de leur communauté et d’y contribuer de manière positive.                                       mique menée en Wallonie depuis plusieurs années.

UN CADRE FÉDÉRAL POUR PROMOUVOIR LE MODÈLE COOPÉRATIF                                                                   Plusieurs objectifs ont été fixés :

En Belgique, les sociétés coopératives qui fonctionnent conformément aux valeurs et principes coopératifs                  Prendre en compte l’entrepreneuriat sous toutes ses formes
peuvent obtenir un agrément auprès du Conseil national de la Coopération (CNC).                                            Contribuer à la relocalisation de l’économie
                                                                                                                           Mobiliser des ressources nouvelles, dont l’épargne citoyenne
Cet agrément implique pour les associés : la libre admission, un dividende limité à 6%, un droit de vote égal aux
assemblées générales…                                                                                                   La Wallonie a d’ailleurs été la première région d’Europe à adopter, en 2008, un décret relatif à l’économie
                                                                                                                        sociale. Celui-ci offre un cadre administratif solide et est un véritable levier pour les entrepreneurs sociaux,
                                                                                                                        notamment grâce au renforcement des moyens de la SOWECSOM.

                                                         8                                                                                                                                      9
Le Carnet du Forum des Cooperatives - Comptes rendus des workshops Charleroi 16 novembre Bois du Cazier 2017 - Step Entreprendre
workshop 1

    COMMENT FAVORISER L’ENTREPRENEURIAT SOCIAL ET COOPÉRATIF                                                                     Pistes pour les acteurs de terrain                            Pistes pour les pouvoirs publics

    CHEZ LES JEUNES ?                                                                                                   1. Favoriser les interactions entre l’économie sociale
                                                                                                                           et l’enseignement
                                                                                                                                                                                      1. Donner les moyens aux acteurs de l’enseignement
                                                                                                                                                                                         pour adapter les programmes aux nouveaux mo-
                                                                                                                                                                                         dèles de l’économie sociale
 Depuis plusieurs années, les jeunes se montrent de plus en plus ouverts à l’entrepreneuriat. Parallèlement, suite
 à certaines dérives du modèle économique classique, incapable de répondre à une série de défis de notre pla-           2. Utiliser l’intelligence collective dans l’enseigne-
                                                                                                                                                                                      2. Introduire le modèle coopératif dans les disposi-
 nète, ils aspirent à entreprendre autrement.                                                                              ment pour prouver que le collectif est une force
                                                                                                                                                                                         tifs favorisant l’entrepreneuriat
                                                                                                                        3. Améliorer la communication des entreprises so-
 Face à ce double constat, l’entrepreneuriat social et coopératif apparaît comme une réponse aux enjeux socié-                                                                        3. Promouvoir et apporter un soutien financier à la
                                                                                                                           ciales
 taux actuels. Mais avant de passer à l’action, les jeunes rencontrent une série de freins, dont les préjugés vis-à-                                                                     création d’entreprises sociales
 vis de l’acte d’entreprendre de manière générale, et de la notion d’entreprise sociale plus spécifiquement, ou
 encore le fait qu’ils ont peu (ou pas du tout) été confrontés au modèle coopératif.

 L’enseignement a certainement un rôle à jouer dans le développement de cet entrepreneuriat plus responsable.
                                                                                                                           QUATRE INITIATIVES POUR INSPIRER LES JEUNES À L’ENTREPRENEURIAT SOCIAL ET COOPÉRATIF
 Les initiatives visant à inspirer et stimuler l’entrepreneuriat social et coopératif en témoignent.
                                                                                                                       KU Leuven | Depuis 2011, KU Leuven propose aux ingénieurs diplômés un Post-Master en Entrepreneuriat
          Plus de neuf jeunes sur dix de moins de 30 ans ont une attitude favorable vis-à-vis de l’entrepreneuriat.    innovant. Dans le cadre du stage/projet à réaliser, une coopérative à finalité sociale a été créée, soutenue entre
  93%                                                                                                                  autres par plusieurs acteurs de l’économie sociale et solidaire. Cette coopérative fonctionne de façon auto-
          (source : VentureLab)
                                                                                                                       nome et permet aux étudiants de mettre en pratique les principes coopératifs.
  82,2%   Plus de 80% des Belges francophones veulent changer les choses autour d’eux.
          (source : Déclic en PespectivES)                                                                             Déclic en PerspectivES | La création de Déclic en PerspectivES est partie de divers constats : les jeunes
                                                                                                                       ont envie de plus de sens, voire de lancer un projet à finalité positive. Mais très souvent, ils ne savent pas par où
                                                                                                                       commencer. Au travers de différents programmes de formation et de sensibilisation, comme la « Tournée des
     TROIS FREINS À L’ENTREPRENEURIAT SOCIAL ET COOPÉRATIF CHEZ LES JEUNES                                             Possibles », cette ASBL s’est donné pour mission d’aider ceux-ci à passer à l’action vers l’entrepreneuriat social.

   1. Inadéquation des méthodes d’enseignement et des objectifs pédagogiques.                                          VentureLab | Le VentureLab est un éco-système de soutien à l’entrepreneuriat à
   2. Méconnaissance de l’écosystème des entreprises sociales et coopératives ainsi que des enjeux sociétaux           destination de tous les étudiants et des jeunes diplômés des institutions de l’Ensei-
      auxquels celles-ci veulent répondre.                                                                             gnement supérieur du pôle académique Liège-Luxembourg. Il a développé le pôle
   3. Manque de confiance dans la dimension collective et dans le fait d’entreprendre à plusieurs.                     BeeLab destiné à accompagner « les acteurs de changement ». Un des objectifs
                                                                                                                       est d’éveiller l’entrepreneur et le porteur de projet à l’impact qu’ils peuvent avoir
                                                                                                                       sur la société et son environnement.

      LA RÉPONSE COOPÉRATIVE : DÉCLOISONNER ET COOPÉRER À TOUS LES NIVEAUX                                             AEI | Via le programme Générations Entreprenantes (#Génération-E), l’Agence
                                                                                                                       pour l’Entreprise & l’Innovation mène depuis plusieurs années différentes actions
                                                                                                                       pour éveiller l’esprit d’entreprendre chez les jeunes. Depuis 2015, des actions spé-
                                                                                                                       cifiques autour de l’économie sociale, coopérative et solidaire sont menées. L’AEI
                                                                                                                       contribue ainsi à sensibiliser les étudiants des écoles secondaires et supérieures
                                                                                                                       de Wallonie aux nouveaux modèles coopératifs alternatifs.

                                                         10                                                                                                                      11
Le Carnet du Forum des Cooperatives - Comptes rendus des workshops Charleroi 16 novembre Bois du Cazier 2017 - Step Entreprendre
HEC LIÈGE : L’UNIVERSITÉ A BESOIN DE CONNEXION AU TERRAIN.
HEC Liège est la première école en Belgique à avoir mis sur pied un Master complet en Management des
Entreprises sociales. Parmi les objectifs de ce programme : revisiter les différentes disciplines de la gestion
en lien avec les grands défis sociétaux de notre époque et encourager le développement de nouveaux
projets d’entrepreneuriat social.

« Au fil des années, nous avons modifié le programme pédagogique de ce Master de manière à rendre les
étudiants plus proactifs. En effet, nous gardons le socle théorique, mais nous estimons que la recherche
doit rester connectée à ce qui se passe sur le terrain », explique Maxime Bouchat, coordinateur au Centre
d’Economie Sociale de HEC Liège.

Toucher les jeunes en leur parlant de valeurs

Pour Maxime Bouchat, l’économie sociale et solidaire est plutôt complexe à appréhender avec des théo-
ries. « Par contre, ce qui touche les jeunes aujourd’hui, ce sont les valeurs, le sens des choses… Stimuler
l’entrepreneuriat social et coopératif chez les
jeunes passe par l’inspiration, et donc par la ren-
contre avec des entrepreneurs, des entreprises. »
Ainsi, sur toute la durée du programme de forma-
tion, visites d’entreprises, moments de réseautage,
field trip à l’étranger et conférences thématiques
sont au menu.

Ces rencontres de terrain permettent aux étu-
diants de développer leur réseau, mais aussi de
développer leurs soft skills. Apprendre à tisser des
liens est d’autant plus important dans un modèle
d’entrepreneuriat coopératif…

Maxime Bouchat constate que beaucoup d’étu-
diants n’ont jamais entendu parler du fait que l’en-
treprise peut être abordée d’une autre manière.
Mais les choses bougent et une dynamique s’est
enclenchée. « Nous avons la chance que les entre-
prises sociales et l’éthique des affaires font désor-
mais partie des pôles d’excellence de HEC Liège,                                              MAXIME BOUCHAT
signe d’une réelle préoccupation de l’école pour ce                                            © VICTORIEN LORIERS
domaine. »                                                                                                           FIELD TRIP MAROC 2017
                                                                                                                     VISITE DE 7AY (RABAT) PAR 17 ÉTUDIANTS DU MASTER EN MANAGEMENT DES ENTREPRISES SOCIALES (HEC LIÈGE)

                                                        12                                                                                                                     13
Le Carnet du Forum des Cooperatives - Comptes rendus des workshops Charleroi 16 novembre Bois du Cazier 2017 - Step Entreprendre
workshop 2

    Y A-T-IL MATCH ENTRE L‘ÉCONOMIE COLLABORATIVE ET LE MODÈLE COOPÉRATIF ?                                                                       LA RÉPONSE COOPÉRATIVE : ÉVOLUTION ET COHÉRENCE
 Pas une semaine ne passe sans que soit annoncé le lancement, en Wallonie ou à Bruxelles, d’une nouvelle plate-                « La réponse coopérative est une solution à l’émergence des plateformes collaboratives si et
 forme numérique créant des raccourcis entre propriétaires et locataires, restaurants et livreurs à vélo, ménages
                                                                                                                               seulement si le mouvement coopératif parvient à s’approprier la révolution numérique, tout
 et aide-ménagères…
                                                                                                                               en conservant les valeurs coopératives et sociales. »
 L’économie collaborative séduit de plus en plus d’usagers. Mais elle a ses limites et n’est pas exempte de dé-
 rives, notamment en modifiant fondamentalement notre perception de la valeur réelle des biens et des ser-
 vices. Les conditions des travailleurs dépendant de ces plateformes peuvent aussi être considérées comme                     ILS ONT DIT ...
 préoccupantes.

 Dans ce contexte, des entrepreneurs coopératifs se mobilisent pour proposer des initiatives économiques ins-
 pirées de l’économie collaborative, visant à développer une activité plus humaine, plus solidaire et durable. Mais
                                                                                                                                  Quand on lance une entreprise alternative, on manque de repères.
 pour qu’ils constituent de véritables alternatives, il faut les amener à être au centre du jeu.                             Jean-Philippe Lens, co-fondateur de Topino
                                                                                                                             « L’entrepreneuriat classique est un univers bien construit, où il existe une sémantique, des structures d’accom-
     QUATRE ENJEUX POUR QUE LE MODÈLE COOPÉRATIF TROUVE SA PLACE DANS L’ÉCONOMIE COLLABORATIVE                               pagnement et de nombreux mécanismes de soutien. Mais quand on lance une entreprise alternative, on manque
                                                                                                                             de repères, et nous appeler des ‘start-up’ n’est pas adapté. »
   1. Conditions de travail : Comment faire pour développer des conditions de travail de qualité ?
   2. Fiscalité juste : Comment repenser la redistribution du capital et des ressources ?                                                                                   Nous sommes dans un secteur extrêmement compétitif.
   3. Mentalités : Comment renforcer un changement de mentalité pour redonner du sens aux actes d’achat et
                                                                                                                                                                                                      Benoît Renard, co-fondateur de Rayon 9
      de consommation ?
   4. Finalité : Comment répondre à quels besoins et à quelle finalité ? Se poser la question est essentiel.                 « Nous sommes dans un secteur extrêmement compétitif où la vision que la livraison doit être gratuite est très forte. »

           Pistes pour les acteurs de terrain                                  Pistes pour les pouvoirs publics                   Je travaille souvent la peur au ventre.
                                                                                                                             Alain, chauffeur Uber
  1. Diffuser une image positive et claire de l’entrepre-             1. Clarifier, et plus ambitieusement harmoniser, les   « Pour avoir 1.000 euros/semaine, je dois prester environ 72 heures/semaine. Par contre, je travaille souvent la
     neuriat coopératif et de ses impacts (au niveau des                 statuts des travailleurs concernés par l’économie   peur au ventre car nous sommes harcelés par les chauffeurs de taxi, voire la police. »
     coopératives ET des fédérations)                                    collaborative pour éviter la concurrence déloyale
                                                                         entre travailleurs dits autonomes et les autres                                                                    Les coursiers sont une variable d’ajustement.
  2. Secteur concret à développer : créer une plateforme
     dédiée aux services à la personne afin de rendre ce              2. Clarifier et harmoniser le statut des entreprises                                            Arnaud, ancien coursier pour Take it Easy et coursier pour Deliveroo
     secteur moins fragile et y maintenir la valeur « emploi »           qui hébergent ces plateformes collaboratives        « Personnellement, je n’ai pas de problème et j’ai des missions en suffisance, mais il est clair que chez Deliveroo, les
                                                                                                                                                                                                  coursiers ne sont qu’une variable d’ajustement. »

                                                                                                                                  Axer toute notre communication sur nos valeurs était une erreur.
                                                                                                                             Jean-Philippe Lens, Topino
                                                                                                                             « Nous avons démarré avec un idéal assez fort, axant toute notre communication sur les valeurs. Mais c’était une
                                                                                                                             erreur car nous sommes tous des ‘homo consumens’. Cela nous a poussés à nous recentrer sur les besoins des
                                                                                                                             clients et à proposer des services qui y répondent. »

                                                                 14                                                                                                                    15
Le Carnet du Forum des Cooperatives - Comptes rendus des workshops Charleroi 16 novembre Bois du Cazier 2017 - Step Entreprendre
WISHARE-WIBEE : LES GENS VEULENT PARTAGER, À CONDITION QUE ÇA SOIT FACILE ET FIABLE.
A la base du projet Wishare, une vision : « Pour sortir du chaos de la mobilité, nous pouvons fonctionner
comme tout le monde et nous procurer par exemple des applications qui servent à contourner ou éviter
les bouchons. Ou alors changer de comportement, chacun dans son cadre, et inviter nos voisins à suivre le
mouvement. »

Pierre Oldenhove a commencé avec la plateforme de partage de véhicules wibee.be, qui tourne bien
depuis 2015. Puis est venue l’envie d’aller plus loin en proposant au public un nouveau mode de consom-
mation, coopératif, basé sur le principe d’autonomie. « Avec la coopérative Wishare, les gens deviennent
co-propriétaires de véhicules partagés. Ces véhicules peuvent aussi être mis en location sur la plateforme
wibee.be. »

Le projet Wishare est sur les rails depuis septembre 2017. Il est complémentaire à la plateforme wibee.be.
« Wishare part de l’idée que l’achat a peu de sens. Nous voulons aussi créer de la valeur pour nos coopéra-
teurs », explique Pierre Oldenhove.

Pas de solution bancale

Mais celui-ci insiste : les entreprises coopératives doivent utiliser les mêmes armes que les plateformes
classiques, tout en utilisant un mode de gouvernance qui fera la différence.

« Les valeurs ne doivent pas passer au-dessus de l’efficacité. Pour amener les
gens à changer, il faut que l’offre proposée soit parfaite d’un point de vue tech-
nologique. Tout le monde est prêt à partager sa voiture, mais il faut que ça soit
confortable et efficace. Pour créer Wishare, nous avons travaillé sur toutes les
contraintes et les freins au partage, tout en ayant en tête que nous devions nous
intégrer dans un marché. »

                                                     16                                                       17
Le Carnet du Forum des Cooperatives - Comptes rendus des workshops Charleroi 16 novembre Bois du Cazier 2017 - Step Entreprendre
workshop 3

        POURQUOI ET COMMENT MOBILISER L’ÉPARGNE CITOYENNE ?                                                                                   ELLES ONT DIT ...
 En 2014, le Baromètre des Investisseurs1 a révélé que 51% des investisseurs belges envisagent qu’au moins
 une partie de leur épargne soit investie en considération de l’impact social et environnemental des activités
 financées. Une autre enquête de 20162 a permis de considérer que près d’1% de la population adulte belge                                        L’investisseur est prêt à investir dans des projets solidaires.
 a déjà souscrit à un ou plusieurs produits financiers labellisés Financité & FairFin.
                                                                                                                                            Isabelle Philippe, directrice de Crédal
 Pour les coopératives, il existe donc aujourd’hui un contexte favorable à la mobilisation de l’épargne ci-                                 « L’investisseur aime investir en direct dans quelque chose de tangible. Crédal est né
 toyenne. Proposer au grand public d’investir dans son entreprise constitue une réelle opportunité : la coo-                                il y a une trentaine d’années suite à une prise de conscience de citoyens : à quoi était
 pérative crée, fidélise ou élargit une communauté autour de son projet, tout en diversifiant ses sources de                                utilisé leur argent placé sur les comptes d’épargne ? Cela manquait de transparence.
 financement.                                                                                                                               Ils ont donc décidé de créer une coopérative et d’investir dans des projets sociaux,
                                                                                                                                            environnementaux … »
         TROIS ENJEUX POUR MOBILISER L’ÉPARGNE CITOYENNE                                                                                                                                                                                Le label s’est imposé.
      1. Renforcer les soutiens publics, notamment au travers d’incitants fiscaux et d’une couverture de risques                                                                                             Sophie des Mazery, directrice de Finansol (France)
         favorisant l’investissement privé.                                                                                                 « Pour favoriser l’investissement des particuliers dans les placements solidaires, l’idée de labelliser les produits soli-
      2. Mettre davantage en valeur la plus-value sociale via une communication efficace et positive.                                       daires s’est imposée. L’objectif de Finansol est que 1% de l’épargne soit investi en solidaire. L’attribution du label est
      3. Mettre en place un label qui promeut les projets solidaires et garantit un investissement solidaire.                               sévère. Un comité d’experts indépendants vérifie trois critères : la solidarité, la transparence et l’action commerciale. »

                 Pistes pour les acteurs de terrain                                          Pistes pour les pouvoirs publics                    Un soutien à la dynamique coopérative et citoyenne.
                                                                                                                                            Flora Kocovski, directrice de la Sowecsom
                                                                                  1. Créer une certification des produits financiers
      1. Se fédérer via une vitrine/plateforme commune                                                                                      « Depuis 2010, de nouveaux types de projets, coopératifs, se mettent en place avec une dynamique citoyenne.
                                                                                     solidaires ainsi qu’un cadre fiscal pour les coopé-
                                                                                     ratives (exemples : un Tax Shelter spécifique aux      Le Gouvernement wallon a souhaité donner une impulsion à ce mouvement coopératif grâce notamment à la
      2. Créer ou amplifier des outils et des méthodologies
                                                                                     coopératives, ou des incitants fiscaux pour les pro-   mesure Brasero, qui permet d’investir dans le capital des coopératives aux côtés d’autres investisseurs.»
         pour mesurer l’impact sociétal des activités coo-
         pératives                                                                   duits financiers solidaires)

      3. Recourir à la consultance et l’accompagnement                            2. Mettre en place un Guichet unique pour les entre-
         pour améliorer la communication et la gestion fi-                           preneurs coopératifs et les investisseurs citoyens
         nancière
                                                                                  3. Prévoir une clause sociale dans les marchés publics

 1

 2
     Etabli par TNS à la demande d’ING en collaboration avec l’Université de Gand et les quotidiens L’Echo et De Tijd
     Baromètre 2016 du label Financité & FairFin
                                                                                                                                             ANIMATION DU WORKSHOP 3 PAR BERNARD BAYOT – DIRECTEUR FINANCITÉ

                                                                             18                                                                                                                         19
VIN DE LIÈGE : AGIR CONJOINTEMENT.
Domaine viticole de 15 hectares, Vin de Liège veut produire du vin bio, de qualité et respectueux des per-
sonnes. Pour faire face à ses besoins d’investissements importants, l’appel à épargne citoyenne était à la
fois nécessaire et cohérent. Cette coopérative liégeoise figurait alors parmi les pionniers du crowfunding
en Belgique et a dû développer ses propres outils.

Les débuts ont été un peu lents… Vin de Liège n’avait au départ qu’un plan financier pour convaincre. Mais
très vite, la coopérative a fait le pari de la mobilisation citoyenne et a multiplié les occasions d’impliquer ses
coopérateurs et bénévoles : présentations à des foires commerciales, présence au marché de Noël, planta-
tion d’un premier vignoble expérimental, recrutement de nouveaux coopérateurs, soirées « Tupperwine »,
vendanges…

Cette mobilisation très concrète a fini par payer. Lors de son premier appel de fonds, Vin de Liège a récolté
400.000 euros en un an. En juin 2017, elle a réussi à drainer 1 million d’euros en un seul week-end !

Fabrice Collignon, président de la SCRL Vin de Liège : « Fondamentalement, les gens ont envie de s’im-
pliquer dans la mise en place de solutions pour un avenir meilleur. Nous avons donc compris qu’il faut
leur proposer la possibilité de faire autre chose que de mettre de l’argent à disposition, et que du côté de la
coopérative, nous devions être sérieux et respecter nos engagements. »

Pour lui, le Forum des Coopératives 2017 a mis en avant cette prise de conscience des acteurs : il est
nécessaire d’agir conjointement. « Maintenant, il est temps de rassembler nos forces pour une meilleure
reconnaissance de nos spécificités. »

Ses deux conseils pour mobiliser l’épargne citoyenne :

   Pour convaincre les investisseurs, n’hésitez pas à jouer sur tous les sens et pas uniquement sur le
   côté intellectuel
   « Lors de nos premières présentations, nous n’avions qu’un document financier à présenter. Alors nous
   avons fait goûter du vin belge, qui n’était pas le nôtre, pour montrer que c’était possible ! »

   Assurez un suivi professionnel
   « Ce n’est pas tout d’avoir un message convaincant et un beau site internet, il faut aussi assurer un suivi
   professionnel des citoyens qui ont, à un moment ou à un autre, manifesté leur intérêt pour le projet. Chez
   Vin de Liège, dès que quelqu’un se montrait intéressé, ses coordonnées étaient encodées dans la base
   de données. Chaque personne était ensuite relancée jusqu’à ce qu’elle prenne une part, ou qu’elle refuse
   de façon définitive. »
                                                                                                                     DE NOMBREUX COOPÉRATEURS PARTICIPENT AUX VENDANGES
                                                                                                                     © VIN DE LIÈGE

                                                       20                                                                                                                 21
workshop 4

    CRÉATEURS, INTERMITTENTS, TRAVAILLEURS AUTONOMES…                                                                            Pistes pour les acteurs de terrain                          Pistes pour les pouvoirs publics

    LA COOPÉRATIVE DE TRAVAILLEURS ASSOCIÉS EST-ELLE LA SOLUTION ?                                                      1. Le mouvement coopératif devrait se structurer
                                                                                                                           pour dégager des moyens humains et financiers
                                                                                                                                                                                    1. Créer un statut social et fiscal qui corresponde à
                                                                                                                                                                                       la réalité de bon nombre de travailleurs.
                                                                                                                           destinés à mieux communiquer vers les entre-
 La plupart des créateurs, artisans, intermittents, artistes et travailleurs autonomes combinent des rythmes de                                                                     2. Développer un statut « projet » en marge des
                                                                                                                           prises classiques et le grand public.
 travail et de vente atypiques, liés à la nature de leur activité. Une forme d’autonomie les caractérise, mais aussi                                                                   diverses dispositions législatives existantes, une
 d’exclusion des circuits d’emploi classiques. La frontière entre salariés et indépendants est de moins en moins        2. Ce mouvement pourrait aussi produire des conte-             sorte de « statut-test » reconnu, afin d’instituer le
 nette.                                                                                                                    nus pédagogiques afin d’éduquer les enfants et              droit à l’expérimentation. Et pouvoir s’en inspirer
                                                                                                                           les adultes à la coopération.                               pour adapter, le cas échéant, les lois et réglemen-
 Face à cette évolution, des coopératives de travailleurs associés ont apporté des solutions innovantes en termes                                                                      tations.
 de modalités et d’organisation du travail. Elles ont ainsi contribué à la sécurisation de parcours atypiques. Le       3. Le secteur coopératif devrait mettre sur la table
 modèle SMart est bien connu, mais d’autres formes d’organisations existent. Aujourd’hui, ces coopératives de              des pouvoirs publics des propositions pour la re-        3. Intégrer dans les programmes scolaires des
 travailleurs constituent de véritables laboratoires de transformation des modèles d’entreprises et des formes             connaissance de statuts en phase avec l’évolution           contenus pédagogiques permettant de découvrir
 d’emploi.                                                                                                                 des formes d’emploi.                                        la coopération.

  +16%    Entre 2004 et 2016, la part de la population occupée ayant un deuxième emploi en Belgique
          a augmenté de 16%.
                                                                                                                       DiES | DiES est une coopérative d’emploi. Elle rassemble un ensemble de travailleurs autonomes dans une
                                                                                                                       structure commune : des entrepreneurs solidaires, indépendants ou salariés. DiES donne la possibilité à des
                                                                                                                       travailleurs autonomes d’intégrer une structure juridique au sein de laquelle ils pourront acquérir le statut
  +120% Evolution entre 2010 et 2015 (en Belgique) du nombre d’indépendants dont les revenus dépendent
        à plus de 75% du client principal.                                                                             salarié, tout en gardant leur autonomie dans la gestion de leur activité. Ils vont ainsi bénéficier de services ad-
                                                                                                                       ministratifs et comptables mutualisés. Par ailleurs, en fonction de leur revenu moyen annuel, ils obtiennent un
  +15%    En Wallonie, 15% des indépendants ont opté pour ce statut faute d’alternative.                               salaire mensuel lissé.

                                                                                                                       SMart | Initialement créée sous forme d’ASBL, SMart est une coopérative d’emploi qui permet aux intermit-
                                                                                                                       tents et travailleurs autonomes de bénéficier d’un contrat de travail intérimaire lorsqu’ils travaillent pour un
     TROIS ENJEUX POUR PERMETTRE AUX COOPÉRATIVES DE TRAVAILLEURS DE RÉPONDRE AUX MUTATIONS DE                         donneur d’ordre. SMart devient ainsi, en tant qu’agence Interim, l’employeur de ses membres pour la durée de
                                                                                                                       leur mission et prend en charge la conversion de la facture du client en contrat de travail.
     L’EMPLOI                                                                                                          En janvier 2017, SMart est devenue une coopérative avec quelque 13.000 coopérateurs-utilisateurs de ses services.

   1. Expliquer le modèle des coopératives de travailleurs associés et les solutions qu’elles mettent en place afin    Le Comptoir des Ressources Créatives | L’ASBL Le Comptoir des Ressources Créatives (CRC) fonc-
      d’inspirer d’autres secteurs de la société.                                                                      tionne selon une dynamique coopérative. Son leitmotiv est « pour les créateurs et par les créateurs ». L’objet
   2. Mettre en place une organisation interne, au sein de la coopérative, en adéquation avec ses missions.            social est la création de services matériels et immatériels mutualisés pour les artistes et créateurs. Elle les
   3. Interroger, adapter et dépasser les statuts sociaux et fiscaux existants afin d’aller vers des statuts en        oriente, elle part de leurs besoins, elle influence les opérateurs pour qu’ils répondent aux attentes de son
      phase avec la réalité des nouvelles formes d’emploi.                                                             public, et si les services n’existent pas, elle soutient les créateurs dans la création de solutions mutualisées
                                                                                                                       innovantes, comme c’est le cas avec la coopérative Dynamo Coop, que le CRC a contribué à créer.

               LA RÉPONSE COOPÉRATIVE : RÉINVENTONS LE MONDE DE L’EMPLOI
   « Le modèle coopératif s’adapte bien à la réalité des statuts autonomes, c’est donc un choix in-
   téressant, mais il faut éviter que cela soit interprété comme une normalisation de la flexibilité ! »

                                                         22                                                                                                                    23
DYNAMO COOP : ACHATS GROUPÉS DE BÂTIMENTS, UNE SOLUTION AUDACIEUSE POUR LES CRÉATEURS.
Basée à Liège, Dynamo Coop est une coopérative immobilière à finalité artistique. En quelques mots, elle
propose aux artistes, artisans et créateurs de devenir co-propriétaires de bâtiments culturels mutualisés
en rejoignant la coopérative. « L’idée est partie d’un constat : le secteur créatif est sous-équipé en termes
d’infrastructures et d’équipements », explique Marc Moura, co-fondateur de Dynamo Coop. Créée en 2015,
cette coopérative s’est donc donné pour mission de combler ces besoins criants des créateurs en ache-
tant, rénovant et louant des ateliers à bas prix.

Actuellement, deux projets sont déjà sur pieds : les Espaces Mutualisés Dony, un hangar de 1.400 m2 si-
tué dans le quartier Saint-Léonard, et le KulturA, en Outremeuse, qui propose entre autres deux salles de
concerts, une galerie d’art, des bureaux…

Permettre aux gens de se renforcer les uns les autres

« Nous démarrons un projet non pas parce que nous avons détecté une opportunité de faire du business
comme le font les promoteurs immobiliers, mais parce que des besoins collectifs sont exprimés par des
porteurs de projet à caractère coopératif », poursuit Marc Moura.

Dès le départ, les choses se font en co-construction. « Nous demandons aux porteurs de projet quel prix
ils sont prêts à payer pour louer leur espace, et à partir de là, nous réfléchissons ensemble à la manière
d’atteindre cet objectif. Cela demande donc l’implication de chacun. » Celle-ci va de la participation aux tra-
vaux, à la mobilisation de son propre réseau dans le cadre d’un appel à épargne
citoyenne… Plus l’implication est importante, plus le loyer pourra être bas.

Marc Moura souligne : « Notre modèle promeut la collaboration alors que la
société pousse à la compétition et à l’individualisme. Nous ne proposons pas
que des ateliers à louer, mais de véritables lieux de connexion où les créateurs
peuvent se rencontrer, les poussant ainsi à sortir de l’isolement auxquels ils sont
souvent confrontés. »

                                                                                                                  © DYNAMO COOP

                                                      24                                                                          25
workshop 5

    CIRCUITS COURTS : LE MODÈLE COOPÉRATIF EST-IL UNE OPPORTUNITÉ                                                                          LA RÉPONSE COOPÉRATIVE : RASSEMBLER ET ENCOURAGER
    POUR RAPPROCHER PRODUCTEURS ET CONSOMMATEURS ?                                                                         « Le mouvement coopératif permet de rassembler et d’encourager la coopération entre tous
                                                                                                                           les acteurs d’une filière autour de valeurs communes. »
 Diverses initiatives autour des circuits courts se développent un peu partout en Wallonie, plus particulièrement pour
 renforcer un modèle de production et de consommation locales. Des citoyens/consommateurs et des producteurs
 trouvent des intérêts communs à faire émerger des alternatives basées sur un système alimentaire de proximité.

 Le modèle coopératif n’est pas la seule réponse, mais il présente de nombreux atouts pour rendre viables et
 pérennes des initiatives entrepreneuriales impliquant les différents acteurs de la chaine alimentaire. Une de ses
 forces réside notamment dans les principes de gouvernance qui permettent de faire émerger des processus                  ILS ONT DIT ...
 décisionnels participatifs.

                         Valoriser la production                       Connaître la provenance
                              au prix juste                           de ce qui est dans l’assiette                           La force du modèle coopératif est la proximité.
                                                                                                                         Stéphan Vincent, CEO d’Ethiquable et Administrateur de Coopéco
                                                                                                                         « La coopérative n’est pas LA solution mais une alternative possible. Aujourd’hui, il existe
                    AGRICULTEURS                     CIRCUITS COURTS             CONSOMMATEURS                           une multitude de producteurs et de consommateurs. Et malheureusement, aussi un
                                                                                                                         goulot d’étranglement contrôlé par un nombre limité d’acteurs. La force du modèle
                                                                                                                         coopératif est la proximité. Cela permet de récréer un dialogue, de personne à per-
     TROIS ENJEUX POUR PÉRENNISER D’AUTRES MODÈLES D’AGRICULTURE                                                         sonne, et un rapport de force équilibré. »

   1. Rééquilibrer les rapports de force entre tous les maillons de la chaine alimentaire.
   2. Faciliter l’accès à une nourriture de qualité au plus grand nombre de consommateurs.
   3. Eduquer les consommateurs aux circuits courts afin que ceux-ci constituent une réelle alternative à la                       Le modèle coopératif permet de travailler sur base d’un modèle et d’objectifs communs.
      grande distribution.                                                                                                                                         Francis Bebronne, porte-parole de la filière Marguerite Happy Cow
                                                                                                                         « L’avantage du modèle coopératif réside dans la réduction de la distance entre les agriculteurs et les consom-
            Pistes pour les acteurs de terrain                          Pistes pour les pouvoirs publics
                                                                                                                         mateurs. Par essence, le lait est une matière première difficile à commercialiser en direct, ce qui éloigne la rela-
                                                                                                                         tion producteur-consommateur. Le modèle coopératif a pour but de rassembler ces différents acteurs afin de
                                                               1. Adapter le cadre réglementaire pour faciliter le       travailler ensemble, agriculteurs et consommateurs. Il permet de travailler sur base d’un modèle et d’objectifs
   1. Assurer la transparence de chaque maillon sur les
                                                                  recours aux produits locaux (AFSCA et marchés                                                                                                                 communs. »
      prix tout au long de la chaine alimentaire, ainsi que
                                                                  publics)
      sur les conditions de travail

   2. Eveiller les consommateurs aux bienfaits
                                                               2. Former et conscientiser les enfants à l’alimenta-
                                                                  tion durable et locale
                                                                                                                              La collaboration est très positive pour les agriculteurs.
      d’une nourriture de qualité, y compris dans les
                                                                                                                         Aurélie Noiret, conseillère au service Étude de la FWA (Fédération Wallonne de l’Agriculture)
      écoles                                                   3. Mettre en place un système où les produits sont        « La collaboration est très positive pour les agriculteurs. De plus, ceux-ci sont réellement demandeurs d’un rap-
                                                                  vendus au prix juste, c’est-à-dire un prix qui tient   prochement avec les consommateurs. Mais la coopérative n’est qu’une forme de collaboration. Elle demande
   3. Créer des espaces démocratiques de concerta-
                                                                  compte du coût environnemental et social réel du       une réflexion et une formation sur le fonctionnement interne du mouvement. »
      tion avec les acteurs d’une chaine
                                                                  produit

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RÉSEAU SOLIDAIREMENT : LES CIRCUITS COURTS ONT BESOIN DE LOGISTIQUE.
Le point de départ du Réseau Solidairement est la mobilisation de citoyens, aidés par les autorités d’une
petite commune près de Virton, pour reprendre l’épicerie du village. Depuis 10 ans, cette coopérative
tourne grâce à la motivation citoyenne. Au fil du temps, elle a donné naissance à une série d’initiatives
favorisant les circuits courts dans la région.

Ainsi, la part des produits locaux dans l’assortiment de l’épicerie croît d’année en année. Dans la foulée
ont été lancés des paniers de légumes saisonniers. De 4 maraichers au départ, ils sont aujourd’hui 24 à
fournir des légumes localement. Ce mouvement a aussi impulsé la création de l’Epi lorrain, une monnaie
locale destinée à favoriser les échanges économiques locaux.

Organiser l’acheminement des producteurs aux consommateurs
Mais pour que ces produits locaux arrivent jusque dans les épiceries, les GAC (Groupes d’Achats en Com-
mun) ou les restaurants, il a fallu régler un problème de taille : la logistique. Centraliser les commandes, ra-
tionaliser l’acheminement… C’est ce qu’ont fait les fondateurs du Réseau Solidairement. Très vite, ce réseau
est devenu le lien manquant indispensable entre consommateurs et producteurs de la région.

En 2017, le Réseau Solidairement a franchi une nouvelle étape : afin de trouver les moyens de financer
ses besoins en locaux et en matériel, il s’est constitué en coopérative. Quasi tous les acteurs de la filière,
producteurs, épiceries et restaurateurs, sont ainsi devenus coopérateurs, aux côtés des nombreux ci-
toyens qui rejoindront l’aventure - c’est ce qu’espèrent les fondateurs - dans le futur.

Un changement de fond
Selon Pascal Van Bever, administrateur du Réseau Solidairement et membre-fondateur, tout ce travail
mené depuis 2007 a changé pas mal de choses dans le Sud de la Province du Luxembourg. « Nous
avons permis à certains maraîchers de s’installer puisqu’ils étaient assurés d’écouler une bonne partie de
leur production. Nous avons aussi permis à certains agriculteurs de se diversifier. Quant aux consomma-
teurs, nous les avons sensibilisés et leur avons donné accès aux produits de leur territoire. »

Une des preuves est que le chiffre d’affaires de l’épicerie et du Réseau Solidairement est en constante
hausse depuis des années, et que l’expérience a inspiré la création de nouvelles épiceries du même
genre dans la région. Aussi, face à ce bilan, Pascal Van Bever appelle les pouvoirs publics à s’appuyer sur
les initiatives citoyennes et à les soutenir.

« Les personnes qui créent des coopératives citoyennes sont suffisamment motivées pour porter
les valeurs coopératives et faire les choses bien. La réponse coopérative n’est bien sûr pas la seule aux
dérives de l’industrie agro-alimentaire, mais nous avons pu constater que lorsque l’initiative part des ci-
toyens, cela permet de s’accorder sur les valeurs à défendre et permet à chacun de s’approprier le projet.
Cela mobilise les énergies. »

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REMERCIEMENTS
Le Forum des Coopératives est organisé par l’Agence pour l’Entreprise & l’Innovation en coopération avec ses
partenaires de l’économie sociale et coopérative :

  Les Agences-conseil en économie sociale qui accompagnent les porteurs de projets et les entrepreneurs
  sociaux : Crédal Conseil, Febecoop, Progress, Propage-s, SAW-B, Step Entreprendre et Syneco
  ConcertEs, chargé de la concertation des acteurs wallons de l’économie sociale
  La SOWECSOM, partenaire financier wallon des entreprises sociales et coopératives
  Le Centre d’Economie Sociale de HEC Liège                                                                           Ce carnet est téléchargeable sur :
  Le réseau Financité, qui réunit citoyens et organisations pour des financements éthiques et solidaires
                                                                                                                       www.forum-cooperatives.be
  Et aussi les écoles pilotes qui ont mené des projets entrepreneuriaux coopératifs : Haute École Provinciale
  Condorcet (Ath), Haute École Provinciale de Namur, IPEPS–La Samaritaine (Charleroi) et la Haute École
  Albert Jacquard (Namur)

Nous les remercions vivement pour leur apport et remercions la trentaine de contributeurs (témoins et experts)
qui ont participé à ce processus.
                                                                                                                                   CONTACT
L’Agence pour l’Entreprise & l’Innovation
                                                                                                                 Agence pour l’Entreprise & l’Innovation (AEI)
                                                                                                                           rue du Vertbois, 13b
                                                                                                                               B-4000 Liège
                                                                                                                      Téléphone : +32 (0)4/220.51.00
                                                                                                                             Mail : info@aei.be

                                                                                                                             EDITEUR RESPONSABLE
                                                                                                                          Véronique CABIAUX,
                                                                                                                   Agence pour l’Entreprise & l’Innovation

                                                     30
ÉCONOMIE
SOCIALE,
COOPÉRATIVE
ET SOLIDAIRE
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