2003 Rapport d'activités - Iddri

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Rapport d’activités
                                           2003

Les thèmes                                     2
 Une gouvernance en voie d’éclatement          2
 Financement du développement                  4
 Risques, précaution, gestion des crises       6
 Changement climatique                        10
 Ressources naturelles renouvelables          13

Synthèse des résultats                        17

Les activités et les produits                 38
 Les conférences, ateliers, tables rondes     38
 Les séminaires                               42
 Les réunions internationales                 44
 Les activités en réseau                      45
 Les autres activités                         47
 Les stagiaires accueillis                    47
 Les publications                             48
La structure                                  52
 Une structure en réseau                      52
Sigles et acronymes                           58
Les                                   Synthèse        Les activités             La
thèmes                                des résultats   et les produits           structure
Les
thèmes

Une gouvernance
en voie d’éclatement

L
            e débat sur la gouvernance                l’intérieur des Etats-Unis, débat qui sera l’un des
            mondiale a changé de nature avec le       enjeux de la future campagne électorale.
            déclenchement de la guerre en Irak.           Quelles que soient les évolutions politiques,
            Les divergences de vues entre les         le système de gouvernance actuel est l’objet
            Etats-Unis, notamment les courants        d’un faisceau de critiques, d’origines parfois
            néoconservateurs, et l’Europe sur la      politiquement opposées, mais qui convergent
            nature du système de gouvernance          sur la nécessité d’une réforme. Ces critiques,
            se sont exprimées en 2003 avec une        qui sont le fait des gouvernements, mais aussi
virulence particulière. Les Européens, quelles        de différentes organisations de la société civile
que soient leurs positions à l’égard de l’inter-      et d’acteurs privés, portent sur la légitimité,
vention en Irak, ont défendu et continuent à          l’équité et l’efficacité du système. Aujourd’hui,
défendre le cadre multilatéral comme seul à           elles ont pour effet de remettre en question non
même de préserver un Etat de droit à l’échelle        seulement les modalités de négociation des
internationale. Au cours du temps, les adminis-       règles internationales mais aussi la conception
trations américaines ont pris des positions           des accords, leur portée globale et leur carac-
variées mais souvent plus distantes à l’égard du      tère contraignant à l’égard de la souveraineté
système onusien. Depuis janvier 2001 toutefois,       nationale. C’est une révision du système de
l’administration Bush a systématisé sa position       gouvernance mondiale qui est en cours, alors
de retrait des instances multilatérales dans un       que ce système est encore largement incomplet
grand nombre de domaines, notamment ceux              et que de nombreux problèmes collectifs ne
qui touchent à l’environnement et au dévelop-         sont pas véritablement traités.
pement durable. Pour une grande partie des                Les critiques de la légitimité du système
pays en développement, qui critiquent pourtant        contestent la définition des mandats de ceux
la position américaine, le choix d’un engage-         qui décident des règles internationales : insti-
ment dans le système multilatéral ne va pas sans      tutions internationales qui outrepassent leur
réserve. La défense des intérêts nationaux, la        mandat et qui ne sont pas effectivement
préférence pour la souveraineté passe avant           contrôlées par les pays membres, gouverne-
l’établissement de règles internationales.            ments eux-mêmes qui prennent des engage-
    La conférence que l’Iddri a organisée à la        ments internationaux allant bien au-delà de la
demande de la présidence de la République             délégation de pouvoir qu’ils ont obtenue. La
comme une contribution intellectuelle à la            plupart des réponses pour corriger ce déficit
préparation du G8 d’Evian a permis de prendre         de légitimité proposent d’intensifier le
la mesure de la profondeur des divergences            contrôle des institutions et de créer ou d’élar-
mais aussi de comprendre la vigueur du débat à        gir un « espace public » où les citoyens et les

2 | Iddri, Rapport d’activités 2003
Les                          Synthèse                    Les activités              La
thèmes                       des résultats               et les produits            structure

acteurs économiques et sociaux puissent débat-           l’application des accords environnementaux ou,
tre des principaux choix collectifs.                     plus globalement, sur la capacité de la commu-
    Ce débat sur la légitimité s’est illustré avec les   nauté internationale à poursuivre la construction
négociations commerciales. La montée des                 de régimes d’application universelle, qu’il faut
critiques sur les accords commerciaux et le fonc-        analyser les débats sur l’application du principe
tionnement de l’OMC ont rendu impossible le              de précaution ou sur les régimes pour le climat
compromis nécessaire pour aboutir à un accord            après la période couverte par le Protocole de
à Cancún. L’Union européenne n’a convaincu ni            Kyoto. Dans ces domaines où les controverses
les opinions publiques des Etats membres ni les          entre pays sont vives, de nouvelles propositions
pays en développement de la pertinence de son            de systèmes se font jour : ce sont des systèmes
projet de libéralisation des échanges. En effet,         partiels, fragmentés, partant de la reconnais-
les nouveaux champs de la négociation                    sance des normes et des efforts conduits dans les
commerciale (les services, les investissements, le       pays. L’idée de régimes construits à partir d’une
droit de la concurrence) touchent aux compro-            démarche ascendante, regroupant les pays ou les
mis sociaux noués dans chaque pays.                      acteurs décidés à aller de l’avant sans attendre un
    De plus, la question de l’équité dans le             hypothétique consensus international – des coali-
système multilatéral n’est toujours pas résolue.         tions partielles – progresse sans que puisse être
Le système actuel est perçu comme inéquitable            évalué l’impact de ce mode de coordination.
lorsque les objectifs retenus reflètent les intérêts         Sur un autre front, les critiques font aussi
ou les préférences des groupes ou des pays les           valoir que le système multilatéral n’est pas un
plus puissants. Il est aussi inéquitable dans ses        outil efficace pour protéger les intérêts natio-
procédures lorsque l’élaboration des décisions           naux légitimes. Cette analyse est exprimée avec
est réservée à un club de pays qui imposent              force par l’administration américaine, qui s’est
ensuite leurs normes aux autres. A cet égard, les        ainsi exonérée de toute tentative de ratification
négociations de la Convention sur la diversité           du Protocole de Kyoto. Si le système de négo-
biologique montrent l’enjeu que constitue un             ciation intergouvernemental est lent ou parfois
partage juste et équitable des charges et des            paralysé, il faut agir autrement, avec les pays ou
bénéfices de la gestion durable des ressources           les acteurs qui le souhaitent. Les coalitions ad
génétiques. L’émergence de nouveaux groupes              hoc, les alliances entre entreprises et ONG, la
de négociation – les pays « mégadivers » rassem-         création de réseaux d’acteurs publics ou privés
blant plusieurs pays riches en biodiversité ou le        pour traiter les problèmes collectifs internatio-
groupe de pays emmené par le Brésil lors des             naux (le sida, le commerce des bois tropicaux)
négociations de Cancún – témoigne du refus               sont autant de modalités qui sont aujourd’hui
d’un fonctionnement en club restreint dans les           mises en œuvre face à ce qui est jugé comme un
négociations.                                            système impossible à réformer.
    Autre critique, l’inefficacité. Les accords              Quelles sont les conséquences de ces nouvel-
multilatéraux sont critiqués parce que, en l’ab-         les formes de coordination ? Vont-elles pousser
sence d’un pouvoir exécutif mondial pour assu-           le processus nécessaire, mais jamais sérieuse-
rer leur application, bon nombre de normes et            ment entamé, de réforme des Nations unies ?
de règles ne sont pas, ou peu, observées et que          Vont-elles au contraire affaiblir l’intérêt pour la
les moyens manquent. En fait, l’architecture             construction du système multilatéral et renfor-
internationale est incomplète et déséquilibrée.          cer l’idée qu’il n’est pas réformable et qu’il faut
L’efficacité du système ne peut se réduire à l’ef-       le contourner ?
ficience de chaque institution. Les déséquilibres            Les jeux ne sont pas faits et le débat va se
entre les institutions – de moyens, de capacité          poursuivre. Il prend cependant une nouvelle
d’agir et de contraindre – induisent une hiérar-         dimension puisque les questions de gouver-
chie de fait des objectifs de l’action multilatérale.    nance mondiale ont définitivement échappé au
Les droits sociaux, la lutte contre les paradis          monopole des Etats et deviennent des questions
fiscaux, la défense de l’environnement ne béné-          de plus en plus débattues par les sociétés.
ficient pas d’un investissement de la commu-                 Les différents chantiers de l’Iddri témoi-
nauté internationale comparable aux ressources           gnent tous du fractionnement du système inter-
consacrées, par exemple, à la libéralisation des         national, tant dans son organisation que dans la
échanges. C’est dans ce contexte de doute sur            diversité des acteurs impliqués.

                                                                                 Iddri, Rapport d’activités 2003 | 3
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thèmes                                des résultats   et les produits           structure

Financement
du développement
Accès aux services essentiels

C
      es dernières années, le financement du          approche a rapidement mis en exergue la
      développement a pris une dimension parti-       nécessité de mieux comprendre les interdé-
      culière avec l’accent mis sur l’accès aux       pendances entre les questions posées dans les
services essentiels dans plusieurs instances inter-   enceintes internationales et les problèmes
nationales. Avec les objectifs du Millénaire          locaux de développement. C’est pourquoi les
(2000), la Conférence de Monterrey sur le finan-      activités, guidées par le calendrier internatio-
cement du développement (2002), le Plan d’ac-         nal, ont porté sur ces deux dimensions.
tion de Johannesburg (2002), la Déclaration du
Forum de l’eau de Kyoto (2003), la Déclaration        L’organisation locale des services
du G8 d’Evian (2003)..., l’accès à l’eau et à l’as-   essentiels
sainissement, à la santé, à l’éducation, à l’éner-
                                                          En vue du Forum mondial de l’eau organisé
gie est amené au centre des discussions sur le        en mars 2003, à Kyoto, l’Iddri a travaillé, avec
développement. Dans le même temps, les                l’AFD et des économistes spécialistes de l’accès
grands rendez-vous internationaux qui devaient        à l’eau et de la gestion des services publics, sur
traduire cette volonté politique en actions           les défaillances institutionnelles qui limitent le
concrètes n’ont pas répondu aux attentes. A           développement des partenariats public-privé
Cancún, les négociations commerciales ont             dans ce secteur. L’accent a été mis sur le rôle
achoppé essentiellement parce que les pays            des autorités locales, sur la nécessité de couvrir
développés ont refusé de modifier leurs poli-         certains risques encourus par les entreprises et
tiques nationales pour faire du commerce des          sur une nouvelle répartition des responsabili-
biens et services un levier du développement ;        tés comme pendant du partage des risques.
les engagements de Monterrey ne sont pas              Publié dans la collection Les notes de l’Iddri, ce
tenus par les pays développés et les objectifs de     travail propose en conclusion de réfléchir à de
2006 ne seront sans doute pas atteints. A cela, il    nouveaux mécanismes de régulation pour
convient d’ajouter les critiques grandissantes à      assurer le bon fonctionnement des partena-
l’encontre des acteurs privés et les crises finan-    riats.
cières qui ont conduit à un net recul de leurs            Approfondir cette réflexion sur les méca-
interventions dans les pays en développement.         nismes de régulation requiert une connais-
    Dans ce contexte, et suite aux travaux            sance plus approfondie des contingences loca-
menés au cours des deux années précédentes,           les. La tentation est grande d’appliquer les
l’Iddri a recentré son programme de travail sur       modèles occidentaux de fourniture des servi-
le financement du développement autour                ces essentiels aux pays en développement. Or,
d’une problématique plus large et plus                les conditions qui ont prévalu dans les
concrète : l’accès aux services essentiels. Cette     premiers ne se retrouvent pas aujourd’hui dans

4 | Iddri, Rapport d’activités 2003
Les                       Synthèse                  Les activités               La
thèmes                    des résultats             et les produits             structure
Financement
du développement

les seconds. D’autres modes de fourniture et        priorités nationales et élaborer les politiques
d’organisation sont à inventer, encore faut-il      pour les satisfaire, notamment en construisant
en avoir fait le diagnostic. C’est pourquoi l’Id-   les systèmes de régulation indispensables à la
dri engage en 2004 une réflexion sur l’organi-      fourniture des services essentiels.
sation et la gestion locales des services essen-        Afin de ne pas s’engager dans un débat
tiels dans le cadre d’un séminaire mensuel.         passionné entre tenants et opposants de la
L’objectif est double : sortir de l’approche        libéralisation du commerce des services, l’Id-
strictement sectorielle pour adopter une vision     dri a travaillé avec l’équipe d’Hélène Ruiz
plus transversale des modes de gestion              Fabri, professeur de droit public à l’université
(analyse historique de la fourniture des servi-     Paris I. L’analyse juridique de l’AGCS a permis
ces, modèles techniques, modèles d’organisa-        de souligner les ambiguïtés persistantes de cet
tion, analyse de la demande, impact sur le          accord, notamment dans la définition de la
développement...) ; comparer les expériences        notion même de service. Les auteurs se sont
des pays développés et celles des pays en déve-     également appuyés sur les solutions élaborées
loppement. Ces premiers éléments de diagnos-        dans le droit européen afin de mieux saisir les
tic ont été affinés et complétés au cours de        enjeux et difficultés auxquels font face les
plusieurs réunions rassemblant les parties          négociations de l’AGCS. En juillet dernier, ce
impliquées, tenues en fin d’année pour définir      travail a fait l’objet d’une conférence publique
un programme de recherche.                          d’Hélène Ruiz Fabri, complétée par une inter-
                                                    vention de François-Charles Laprevote, expert
La cohérence de l’architecture                      français détaché auprès de la Commission
internationale                                      européenne. Il en ressort qu’il est primordial
    Opter pour une diversité de modèles tant        de suivre l’avancée des négociations, dont le
techniques, économiques, financiers qu’institu-     premier cycle doit se terminer à la fin de l’an-
tionnels nécessite un cadre local, national et      née 2004, tout en sachant que l’agenda qui
international compatible avec la mise en            l’accompagne conduit inexorablement à la
œuvre des solutions proposées. Or, certains         poursuite de la libéralisation du commerce des
éléments de l’architecture internationale           services.
semblent aujourd’hui s’y opposer. Tel est le cas        L’AGCS n’est pas le seul accord à peser sur la
notamment de l’Accord général sur le                capacité des acteurs publics et privés à répondre
commerce des services (AGCS) de l’OMC.              aux besoins des populations. D’autres éléments
Dans une conférence prononcée à l’Iddri,            apparaissent déjà comme une contrainte forte à
complétée par une Note de l’Iddri, Scott            la capacité des Etats à définir leurs priorités et à
Vaughan (Carnegie Endowment for Internatio-         la possibilité des acteurs d’y répondre. A ce titre,
nal Peace) a rappelé les questions soulevées        un document de travail a été élaboré afin de
par l’AGCS : en aucun cas la capacité des entre-    synthétiser les déterminants de la faiblesse de
prises privées à lever des capitaux pour réaliser   l’engagement privé dans la fourniture des servi-
les investissements n’est remise en cause ; tout    ces essentiels et de mettre l’accent sur les
comme n’est jamais réfutée la nécessité pour        défaillances institutionnelles de régulation. Ce
les Etats de disposer d’une régulation forte à      document a conduit à identifier les éléments de
l’échelle nationale et d’une politique de la        la gouvernance internationale pouvant limiter
concurrence suffisante pour que l’intervention      les marges de manœuvre des acteurs publics et
privée soit efficace, car privatisation ne signi-   privés (accords bilatéraux, régionaux et multila-
fie pas moins mais plus de régulation. Les          téraux sur l’investissement, Convention de Bâle
gouvernements doivent pouvoir définir les           sur la libéralisation des marchés des capitaux...).

                                                                             Iddri, Rapport d’activités 2003 | 5
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Risques, précaution,
gestion des crises

L’
      année 2003 a été porteuse d’un nouveau              Aux Etats Unis, les innovations en matière
      lot de crises, catastrophes, événements         de protection de l’environnement ont lieu
      climatiques extrêmes, qui mettent à             essentiellement à l’échelle des Etats. C’est le
l’épreuve nos systèmes de gestion des risques         cas aussi pour la précaution, le débat progres-
et des crises, en raison soit de leur ampleur et      sant notamment dans le Massachusetts et en
de leur caractère soudain, soit de l’accumula-        Californie. En outre, les Etats-Unis ont tou-
tion des dommages. Certains de ces événe-             jours souscrit à la précaution dans le domaine
ments sont caractérisés par une forte relation        de la pêche, en adhérant en particulier à des
entre les activités humaines et climatiques           accords internationaux qui ont recours au
(canicule en Europe et pannes électriques             principe de précaution.
massives en Amérique du Nord durant l’été...),            Dans les institutions et les pays européens,
confirmant la tendance de l’émergence de              un double mouvement se fait jour pour les
risques « plus endogènes qu’exogènes, plus            risques ayant trait à l’environnement, la santé,
progressifs, plus durables, plus interdépen-          l’alimentation : l’émergence de nouveaux
dants » (Jean-Marc Lamère, délégué général de         outils d’expertise, d’assurance, de délibération,
la Fédération française des sociétés d’assu-          d’une part, et des évolutions législatives et
rance, Le Monde, 11 juin 2003. Supplément.).          réglementaires, d’autre part. Ces évolutions
    Parallèlement, après une quinzaine d’années       témoignent de réelles avancées politiques,
de vive opposition entre les Etats-Unis et l’Eu-      mais posent des questions de mise œuvre. Il est
rope dans le cadre de l’OMC sur le principe de        donc nécessaire d’évaluer la pertinence et la
précaution, la mise en pratique de la précaution      pérennité des solutions proposées, par exem-
progresse dans le monde industrialisé, même si        ple les premières agences d’expertise des
certains conflits demeurent, notamment dans le        risques expérimentées dans l’Union euro-
domaine des biotechnologies (plainte déposée à        péenne, les nouveaux outils assurantiels pour
l’OMC en mai 2003 par plusieurs pays, dont les        faire face à des risques de nature et d’ampleur
Etats-Unis, le Canada et l’Argentine, contre le       nouvelles, ou les procédures utilisées pour
moratoire européen sur les importations               décider des risques socialement acceptables
d’OGM). Si la gestion du risque diffère de part       pour un Etat ou pour l’Union.
et d’autre de l’Atlantique, aucun des systèmes ne         Toutefois, les solutions proposées dépen-
marque une aversion plus forte que l’autre pour       dront de la répartition des responsabilités
les risques, comme l’a illustré David Vogel (uni-     entre acteurs publics et privés en cas de
versité de Californie), lors du séminaire Déve-       dommage. Il faudra donc analyser si les régi-
loppement durable et économie de l’environne-         mes de responsabilité existants sont satisfai-
ment, en janvier 2003 (lire page 43).                 sants ou s’ils méritent d’être modifiés. Le juge-

6 | Iddri, Rapport d’activités 2003
Les                        Synthèse                   Les activités              La
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Risques, précaution,
gestion des crises

ment en la matière relève de la responsabilité du     dance à l’égard du pouvoir politique et du
politique et constitue sans doute sa tâche            pouvoir économique, d’autre part. Après
première pour toute politique de précaution.          plusieurs années de fonctionnement de ces
    Le rôle et la place de la responsabilité poli-    nouvelles autorités, s’ajoute la question de l’ef-
tique et des régimes juridiques de responsabi-        ficacité du système au regard de ses missions.
lité, agissant comme clés de voûte et moteurs             Prenons le cas de la sécurité sanitaire des
de toute politique de précaution, ont été mis         aliments. Par nature, les questions posées par
en évidence lors de l’atelier « Pratiques euro-       les décideurs aux experts nécessitent de traiter
péennes de la précaution » organisé par l’Id-         simultanément des données nombreuses et
dri, les 3 et 4 décembre 2002, à Paris. Cet           hétérogènes : données scientifiques, mais aussi
atelier était surtout centré sur le rôle et la        informations liées à l’histoire des produits et
nature de l’expertise scientifique pour fonder        des process (élaboration, transport...). La
une politique de précaution.                          qualité des avis dépend donc de la capacité à
                                                      conduire deux démarches simultanées : mobi-
Science, expertise et précaution                      liser les compétences scientifiques requises et
                                                      accéder aux informations nécessaires prove-
    La précaution intervient lorsqu’il n’est pas      nant de certaines filières ou structures de
possible de prouver l’innocuité ou, à l’inverse,      production. La pertinence des avis dépend
l’existence d’un risque, de fortes incertitudes       également de la bonne connaissance des outils
demeurant sur la nature, l’ampleur ou l’occur-        de gestion, de contrôle, et aussi de l’adminis-
rence de ce risque. De telles situations sont         tration qui va recevoir les avis, du contexte
associées à des controverses socio-techniques         économique, politique, diplomatique et des
parfois très vives (OGM, téléphones mobi-             médias. Comment regrouper cet ensemble de
les...). Les décisions politiques se doivent          compétences ?
d’être alors fondées sur des expertises et sur            Autre défi, comment passer d’un modèle
des consultations organisées selon des procé-         séquentiel d’expertise des risques – plusieurs
dures claires et transparentes, comme le déve-        avis sont émis successivement à la demande
loppe Claire Weill dans une Note de l’Iddri,          des autorités de tutelle lorsque les questions se
« L’expertise dans les champs du principe de          font pressantes – à une anticipation des crises
précaution ».                                         systémiques ? Cette démarche nécessite des
    En réponse aux crises sanitaires graves qui       compétences variées et peut-être la promotion
les ont ébranlés depuis les années 80, les Etats      de nouvelles disciplines et fonctions plus
européens et l’Union européenne ont créé des          transversales et prospectives.
agences dédiées pour tout ou partie à l’évalua-
tion des risques (santé, alimentation, environ-       L’organisation de l’expertise
nement...). Parmi les principaux défis ayant          à l’échelle internationale
trait à l’expertise pour la décision publique en
                                                          Le Groupe intergouvernemental d’experts
situation de précaution, figure l’organisation
                                                      sur le climat (GIEC) constitue sans doute le
institutionnelle de l’expertise : statut des
                                                      modèle le plus abouti d’élaboration internatio-
experts – qu’ils soient membres ou non des
                                                      nale de l’expertise sur un sujet donné. Le
agences chargées de l’évaluation des risques –,
                                                      GIEC doit son existence puis son succès à
missions des agences, organisation de l’exper-
                                                      plusieurs causes. Tout d’abord, il existe un
tise à l’échelon international.
                                                      corpus de données scientifiques indiscutables
                                                      qui met en évidence la croissance de la concen-
Les agences chargées de l’évaluation                  tration de gaz à effet de serre dans l’at-
des risques                                           mosphère, depuis le début de l’ère indus-
    Du fait des particularités institutionnelles et   trielle. En outre, le changement climatique est
administratives des Etats européens, l’organi-        un problème global pour lequel il est difficile
sation de chaque agence chargée de l’évalua-          d’évaluer les futurs gagnants et perdants, ce
tion des risques est spécifique quant à la            qui facilite la participation d’experts venant de
nature des relations organisationnelles et insti-     pays différents, mais issus d’une communauté
tutionnelles entre évaluation et gestion du           préalablement bien structurée. Enfin, les
risque, d’une part ; et au degré d’indépen-           mandats conférés au GIEC par l’Organisation

                                                                              Iddri, Rapport d’activités 2003 | 7
Les                                   Synthèse         Les activités             La
thèmes                                des résultats    et les produits           structure
Risques, précaution,
gestion des crises

météorologique mondiale et le Programme                risque. Par exemple, suite à une proposition
des Nations unies pour l’environnement sont            du gouvernement de Haute-Autriche de
clairs : le GIEC doit régulièrement faire état         présenter un projet de loi instaurant, pour une
des résultats scientifiques publiés, mais n’est        durée de trois ans, une zone sans OGM dans
pas appelé à conduire des recherches ou à              ce Land, l’Autorité européenne de sécurité des
participer aux négociations.                           aliments, consultée par la Commission, a
    Est-il possible de transposer le modèle du         conclu qu’aucune nouvelle preuve scientifique
GIEC à d’autres sujets pour lesquels une               justifiait l’interdiction de certains OGM en
expertise internationale est souhaitable ? Les         Haute-Autriche. De même, en laissant subsis-
principaux obstacles résident-ils dans la nature       ter des clauses dont la transposition dans le
des sujets à traiter (relation entre le « local » et   droit national pourra varier selon les pays, la
le « global » et les enjeux associés (écono-           directive sur la responsabilité environnemen-
miques, sociaux, politiques), dans la structure        tale risque de provoquer une situation non
des communautés scientifiques concernées ou            conforme au principe communautaire de
encore dans l’état d’avancement des connais-           libre-échange.
sances scientifiques (définition de la biodiver-           Parallèlement, les arguments économiques
sité...) ?                                             d’une part et les arguments sanitaires et envi-
                                                       ronnementaux d’autre part continuent à être
Précaution et responsabilité                           opposés et à structurer les débats. Ceci est
    En Europe, l’année 2003 a été marquée par          frappant pour le projet REACH : bien que de
les travaux d’élaboration de la Constitution           nouveaux outils existent pour identifier les
européenne, dans la perspective de l’élargisse-        produits chimiques pouvant causer des
ment. Si ceux-ci se sont concentrés presque            dommages environnementaux irréversibles à
essentiellement sur les questions institution-         grande échelle, il n’est pas envisagé de les utili-
nelles, laissant de côté les débats sur les poli-      ser dans le cadre réglementaire proposé. Au
tiques sectorielles intégrant le développement         sein des communautés scientifiques, les débats
durable, ces débats ont resurgi à la fin du            sur la pertinence et l’efficacité de l’évaluation
processus : les acquis communautaires en               ex post ou ex ante restent soutenus (Ulrich
matière d’environnement ont été intégrés dans          Müller-Herold in Actes de l’atelier « European
la version finale du projet de texte. Simultané-       precaucionary practice », (à paraître) et
ment, la commissaire chargée de l’environne-           mettent en lumière la difficulté de modifier
ment, Margot Wallström, a proposé qu’un                des pratiques ancrées. Par ailleurs, la défini-
protocole sur le développement durable soit            tion de certains dommages environnementaux
adossé à la future constitution. Ce processus,         reste encore imprécise dans les textes, par
qui s’est soldé par un échec des négociations          exemple les atteintes portées aux écosystèmes.
entre les Etats de l’Union, a été analysé et               La complexité des procédures pour décider
commenté lors d’un séminaire organisé par              des risques acceptables à l’échelle européenne,
Ecologic et l’Iddri, le 19 juin 2003, à Paris.         la difficulté à caractériser des risques encore
    Cette même année a vu se conclure des              mal connus, à préciser la nature ou l’ampleur
accords sur des textes et émerger des projets          de certains dommages, certaines relations de
de textes législatifs et réglementaires euro-          causalité entre les dommages et leurs origines
péens importants pour la mise en pratique de           supposées soulignent le rôle majeur de la
la précaution. Il s’agit de deux règlements sur        responsabilité dans la problématique de la
les OGM, de la directive sur la responsabilité         précaution, notamment de la responsabilité
environnementale et du projet réglementaire            politique. Le politique doit tout mettre en
de nouveau système d’évaluation des produits           œuvre pour appliquer au mieux le principe de
chimiques, baptisé REACH (Registration,                précaution, ce qui soulève la question des
Evaluation and Authorization of Chemicals).            outils : outils réglementaires et incitatifs, bien
    Si la volonté européenne d’appliquer le            sûr, mais aussi outils d’expertise, pour évaluer
principe de précaution s’affirme, une diffi-           les risques, préciser la nature des dommages et
culté demeure : la prise en compte à l’échelle         des relations de causalité ; outils assurantiels,
européenne de la diversité des préférences             pour que les victimes puissent être indemni-
nationales, voire infranationales à l’égard d’un       sées quand les dommages surviennent.

8 | Iddri, Rapport d’activités 2003
Les                        Synthèse                  Les activités              La
thèmes                     des résultats             et les produits            structure
Risques, précaution,
gestion des crises

    En 2004, l’Iddri lance un groupe de travail,     ◗ En situation d’incertitude, de nouveaux méca-
« Incertitude, responsabilité, assurance », qui      nismes assurantiels apparaissent : mécanismes
traitera des questions suivantes.                    mutualistes qui comportent un impératif de
◗ Quelles doivent être la nature et la qualité des   solidarité, outils financiers... Peuvent-ils inflé-
données scientifiques qui, bien qu’incertaines,      chir le comportement des acteurs ? En quoi
peuvent asseoir les décisions d’acteurs publics      sont-ils innovants, limités ?
ou privés ? Cette question a été analysée par        ◗ Quels sont les domaines et les situations de
Claude Henry lors du séminaire Développe-            risque avéré ou potentiel pouvant causer des
ment durable et économie de l’environnement          dommages importants dans lesquels la respon-
en septembre. Elle est également traitée dans        sabilité des acteurs est mal définie ? En parti-
un des volets du séminaire Evaluation des            culier, quelles sont les conséquences à priori
dommages climatiques, ainsi que dans l’ou-           d’une modification du partage des responsabi-
vrage à paraître sur le troisième rapport du         lités entre acteurs publics et privés dans
GIEC « Science du changement climatique,             certains domaines – produits chimiques,
acquis et controverses ».                            responsabilité environnementale... ?

                                                                             Iddri, Rapport d’activités 2003 | 9
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thèmes                             des résultats      et les produits           structure

Changement climatique

L’
      année 2003 a été marquée par des                L’Iddri a participé à ce débat d’idées en orga-
      signaux politiques paradoxaux dans le           nisant une discussion sur les liens entre poli-
      domaine de la lutte contre le changement        tique énergétique, développement et climat, et
climatique. La communauté internationale a            lors d’événements organisés par le Pew Center
abandonné tout espoir de retour à brève               on Global Climate Change (Etats-Unis) et la
échéance des Etats-Unis dans un mécanisme de          Fundazione Eni Enrico Mattei (Italie), qui trai-
coordination internationale, même si une              taient des options pour une future coordina-
proposition de loi pour l’instauration d’un           tion internationale. Aucune option ne semble
système de quotas d’émissions de CO2 négo-            s’imposer comme moyen d’élargir la coordina-
ciables a reçu un soutien inattendu dans ce           tion, à supposer que toutes les parties en aient
pays, sans pour autant obtenir la majorité            la volonté politique. A chaque explication des
nécessaire. La Fédération de Russie a soufflé le      raisons de l’impasse actuelle (par exemple, la
chaud et le froid sur le Protocole de Kyoto, en       difficulté de s’engager en l’absence de certi-
annonçant tantôt un processus de consultation         tude sur les futurs coûts de réduction)
interne en vue de la ratification, tantôt un rejet    correspond certes une solution, mais les expli-
du protocole justifié par une remise en cause         cations sont nombreuses, parcellaires et parfois
de la science du changement climatique et le          divergentes. Le moment venu, la négociation
caractère inéquitable du protocole pour... les        pourrait bien recourir à une panoplie d’outils
pays en développement (PED). La neuvième              adaptés aux situations des différents pays. Les
Conférence des parties (COP), qui s’est tenue à       observateurs reconnaissent en revanche qu’il
Milan, en décembre 2003, a été marquée par            faudrait étendre la politique climatique à des
l’incertitude qui règne sur le devenir du Proto-      champs plus opérationnels que le processus
cole de Kyoto, mais a tout de même abouti à           diplomatique, par ailleurs essentiel.
plusieurs décisions qui doivent permettre de              Nous en revenons au constat banal que,
mettre en œuvre le protocole, en particulier          quelle que soit la répartition des efforts
sur le traitement des crédits provenant des acti-     globaux de réduction, ces réductions incombe-
vités forestières dans le mécanisme de dévelop-       ront à des activités économiques et sociales
pement propre.                                        correspondant à des réalités diverses selon les
    Si la COP n’avait pas pour objectif de lancer     pays. La discussion des objectifs futurs de la
une négociation sur les engagements futurs, les       Convention cadre sur le changement clima-
événements en marge de la conférence se sont,         tique ne peut donc pas se limiter à une exper-
eux, focalisés sur l’avenir du régime et les diffé-   tise des options possibles de coordination
rentes options en vue de la réduction globale         internationale (il faudrait déjà qu’existent, dans
des émissions de gaz à effet de serre (GES).          les pays qui ne se sont pas engagés à réduire

10 | Iddri, Rapport d’activités 2003
Les                        Synthèse                   Les activités               La
thèmes                     des résultats              et les produits             structure
Changement
climatique

leurs émissions, une volonté politique et une         de compétitivité et un accroissement des émis-
capacité institutionnelle et administrative de        sions dans les pays émergents ? Selon les modè-
contrôle de celles-ci). Par ailleurs, l’engage-       les macro-économiques globaux, la mise en
ment futur des grands pays émetteurs ne               œuvre du Protocole de Kyoto, incluant les
dépend pas uniquement des possibilités qui leur       Etats-Unis, entraînerait des fuites de carbone
seront offertes lors de la négociation (objectifs     comprises entre 5 et 20 % des réductions dans
d’émissions liés à la croissance ou exprimés en       les pays industrialisés (ces estimations devraient
termes absolus, soupape de sécurité sur le prix       être réduites en l’absence des Etats-Unis,
du carbone, etc.), mais bien plus des choix éner-     compte tenu de l’effet baissier sur le coût du
gétiques qu’ils s’apprêtent à faire et des trajec-    carbone). Pour partie, ces fuites ne viendraient
toires d’émissions qui en résulteront dans les        pas de la délocalisation d’industries intensives
décennies à venir. C’est sur cet axe que l’Iddri      en énergie mais d’une augmentation de la
souhaite avancer dans le cadre d’un programme         consommation de combustibles fossiles dans
de recherche en collaboration avec ses membres        les pays en développement causée par une
et partenaires. Il s’agira de faire un diagnostic     baisse des prix mondiaux. En témoignent les
sur les tendances d’émissions des PED et leurs        recherches en économie sur les effets observés
irréversibilités potentielles, d’inventorier les      de la réglementation environnementale sur les
problèmes économiques et sociaux soulevés par         échanges commerciaux qui peinent à détecter
différents choix politiques dans les secteurs         la délocalisation des industries fortement
fortement émetteurs et d’examiner dans quelle         polluantes vers les pays moins exigeants (voir
mesure certains de ces choix permettraient d’ac-      Baron & Riedinger, 2004, page 51).
céder à des trajectoires d’émissions plus basses          Les enjeux de la politique climatique en
que celles projetées à ce jour. Enfin, il faudra      termes de compétitivité ont acquis une tout
s’interroger sur les moyens de la coopération         autre dimension au cours de l’année 2003,
internationale qui permettraient d’encourager         alors que les gouvernements de l’ensemble des
les PED dans cette direction, le Mécanisme de         pays européens doivent mettre en œuvre la
développement propre créé par le Protocole de         directive de quotas échangeables d’émissions
Kyoto paraissant sous-dimensionné pour cette          de gaz à effet de serre. Au départ, l’intérêt de
tâche.                                                cet instrument était de minimiser les coûts de
    En contraste avec les atermoiements qui           réduction pour les émetteurs, et donc de
entachent le processus de Kyoto, l’Union euro-        réduire les impacts négatifs sur leur compétiti-
péenne (UE) fournit un effort significatif pour       vité internationale. Mais la mise en œuvre de la
réduire ses émissions en avançant vers la mise        directive est une première dans le portefeuille
en œuvre de la directive sur les quotas échan-        des mesures prises par les gouvernements
geables d’émissions de gaz à effet de serre. En       pour réduire les émissions de GES : à travers
2003, l’Iddri a animé un séminaire pour               l’Europe des vingt-cinq, des milliers d’installa-
débroussailler le sujet épineux des effets de la      tions se verront attribuer des quotas et devront,
politique climatique européenne sur la compé-         à compter de janvier 2005, payer pour l’autori-
titivité et pour clarifier les enjeux de la direc-    sation d’émettre au dessus de leur quota initial.
tive sur les quotas, qui est en cours de transpo-     Celles qui réduiront leurs émissions seront en
sition dans l’ensemble des pays membres.              mesure de vendre les quotas excédentaires. Dès
    Si les pays industrialisés reconnaissent qu’ils   lors, le prix du carbone fera partie intégrante
doivent jouer un rôle moteur pour réduire les         des décisions d’investissement et représentera
émissions de gaz à effet de serre, ils craignent      un coût additionnel. Aux entreprises incombera
les effets d’une politique largement unilatérale      la charge de refléter celui-ci dans les prix prati-
sur les activités fortement émettrices et soumi-      qués sur les marchés internationaux. Nous assis-
ses à la concurrence internationale. Ils crai-        tons à l’introduction d’un changement, qui se
gnent notamment des « fuites de carbone » :           veut durable, des conditions de l’activité indus-
une hausse des émissions des pays en dévelop-         trielle européenne, même s’il est très difficile de
pement (qui ne participent pas à l’effort global      prévoir son ampleur.
de réduction) annihilant partiellement les                Quelles sont les incertitudes clé de ce
efforts des pays industrialisés. Pourquoi             débat ? Tout d’abord, les effets sur les condi-
réduire nos émissions si cela signifie une perte      tions de la concurrence internationale vont

                                                                              Iddri, Rapport d’activités 2003 | 11
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thèmes                             des résultats       et les produits            structure
Changement
climatique

dépendre du niveau général du prix du                  terroger très vite sur les efforts de réduction à
carbone, déterminé par l’effort de réduction           fournir dans des secteurs tels que les
demandé aux différents secteurs, de leur capa-         transports, l’habitat, les services et l’agricul-
cité technique à effectuer ces réductions et de la     ture. Les travaux menés à l’Iddri sur les
possibilité d’en reporter le coût vers le consom-      tendances d’émissions au sein de l’Europe
mateur, qu’il soit européen ou non. Les plans          montrent que si l’Union s’approche de son
nationaux d’allocation des quotas, publiés             objectif de Kyoto, ce sera en grande partie
courant 2004, apporteront un premier élément           grâce à des changements structurels de grande
de réponse. Deuxièmement, les tendances                ampleur au Royaume-Uni (le passage du char-
d’émissions de l’industrie varient beaucoup d’un       bon au gaz dans la production d’électricité) et
pays de l’Union à l’autre : une même activité sera     en Allemagne (la fermeture des usines polluan-
différemment affectée par la directive selon que       tes de l’Est, suite à la réunification). En effet, si
son allocation sera en rupture avec la tendance        l’économie européenne se « tertiarise » de plus
ou qu’elle représentera un ajustement marginal         en plus, ce n’est pas toujours synonyme de
par rapport à celle-ci. Troisièmement, les moda-       baisse des émissions, puisque les services ont
lités d’attribution et de retrait des quotas lors de   des besoins croissants d’électricité. De plus,
l’installation ou de la fermeture d’établissements     l’évolution des transports est préoccupante.
pourraient, si elles ne sont pas un tant soit peu      Les enjeux économiques, sociaux et environ-
harmonisées, créer des distorsions de compéti-         nementaux de ce secteur empêchent d’avoir
tion au sein même de l’Union. Il s’agit là de          recours à un instrument unique, comme une
thèmes récurrents du séminaire organisé par            taxe sur les carburants ou un système de
l’Iddri, « Compétitivité et politique climatique ».    permis d’émissions, difficile à mettre en œuvre
    Si l’Europe prend les devants indépendam-          en raison de la multitude de consommateurs
ment de ses partenaires du Protocole de Kyoto,         individuels. C’est sur les deux fronts de la tech-
l’incertitude sur l’entrée en vigueur du protocole     nologie et de la gestion des transports que
exacerbe la question de la compétitivité, de           doivent porter les efforts pour limiter la crois-
manière directe et indirecte. Directement, le          sance des émissions de GES, si les gouverne-
Canada, le Japon, la Russie et l’Ukraine ne            ments veulent parvenir à préserver le climat
seraient plus contraints à aucun effort de réduc-      global.
tion. Indirectement, la possibilité de recourir            Au cœur de la directive, l’industrie a égale-
aux mécanismes de projets du protocole pour            ment un rôle à jouer en tant que fournisseur
atteindre les objectifs de la directive pourrait       potentiel de nouveaux matériaux et de techno-
disparaître avec celui-ci, d’où un renchérisse-        logies innovantes permettant de réduire signi-
ment du carbone pour l’industrie européenne.           ficativement les émissions à long terme. Le
    Les gouvernements européens et les indus-          rôle précurseur de l’Europe dans ce domaine
tries émettrices ont entamé une négociation            générera peut-être des avantages compétitifs
sans précédent pour fixer les objectifs d’émis-        futurs, lorsque d’autres pays décideront de
sions de CO2 dans le cadre de la directive, négo-      contribuer à l’effort global de réduction. Cette
ciation dans laquelle le risque de perdre des          possibilité devrait également être envisagée
avantages compétitifs pèse de manière substan-         dans le cadre d’une recherche de l’Iddri visant
tielle. S’agissant d’un tout premier pas vers les      à clarifier les dimensions sectorielles et d’in-
objectifs annoncés de division par quatre des          vestissement de différents scénarios de réduc-
émissions des pays industrialisés, il faudra s’in-     tion à long terme.

12 | Iddri, Rapport d’activités 2003
Les                        Synthèse                   Les activités               La
thèmes                     des résultats              et les produits             structure

Ressources naturelles
renouvelables

L
     es discussions internationales sur les           profits élevés, ont conduit à privilégier le
     ressources naturelles s’intéressent toutes aux   marché comme mécanisme de régulation. La
     modes de gestion d’une multiplicité de situa-    CDB a ainsi considéré que les éléments de la
tions locales. Sur les ressources génétiques, la      biodiversité n’étant plus préservés par un méca-
discussion bute sur l’inefficacité des mécanismes     nisme collectif, ils acquerraient une valeur
mis en place pour répondre à une pluralité d’ob-      marchande et pouvaient être exploités dans le
jectifs – conservation de la biodiversité, équité,    respect des règles du marché. Parallèlement,
développement, préservation de l’identité cultu-      ayant pris conscience des risques d’érosion des
relle. La question des savoirs naturalistes locaux    ressources génétiques, la communauté interna-
met en lumière ces insuffisances, en obligeant à      tionale a tenté de combiner la valorisation
penser le lien entre accès aux ressources et usage    privée avec l’intérêt général (conservation de la
de ces ressources à l’échelle locale.                 diversité biologique et équité), en proposant le
    Cette articulation entre les différents éche-     mécanisme d’accès aux ressources génétiques et
lons de gouvernance explique aussi l’incapacité       de partage des avantages liés à l’exploitation de
de la communauté internationale à instaurer une       ces ressources.
coordination pour la gestion durable des forêts.          Vingt ans après, si le marché des technolo-
                                                      gies du vivant reste encore incertain, les droits
Ressources génétiques et biologiques                  de propriété intellectuelle se sont imposés
Gouvernance internationale                            comme une composante des politiques d’inno-
    La discussion internationale sur la biodiver-     vation sur le vivant. Quant au marché de la
sité connaît des inflexions qui marquent sans         biodiversité, notamment celui des ressources
aucun doute une évolution dans la perception          génétiques, il reste encore peu développé, mis à
de cette question. Dix ans après la signature de      part quelques expériences originales. Mais
la Convention sur la diversité biologique (CDB),      surtout, il est contesté aux deux bouts de la
beaucoup de présupposés qui avaient présidé           chaîne de la valorisation, par les communautés
aux discussions et aux solutions élaborées à          locales et par les entreprises. Enfin, les pays four-
l’époque sont remis en cause.                         nisseurs de ressources génétiques continuent
    Lors des négociations qui ont abouti à la         d’exprimer leurs préoccupations : les utilisateurs
CDB en 1992, la notion de patrimoine commun           ne respectent pas les conditions d’accès et,
de l’humanité a été abandonnée au profit de           surtout, les objectifs visés par la CDB sont loin
celle de responsabilité commune, plaçant ainsi        d’être atteints, notamment le partage juste et
les Etats au cœur des dispositifs de régulation.      équitable des avantages et le transfert de tech-
Les progrès des biotechnologies de la fin des         nologies pour la conservation et l’utilisation
années 70, qui ouvraient des perspectives de          durable des ressources génétiques.

                                                                              Iddri, Rapport d’activités 2003 | 13
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