2003 Rapport d'activités - Iddri
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Rapport d’activités 2003 Les thèmes 2 Une gouvernance en voie d’éclatement 2 Financement du développement 4 Risques, précaution, gestion des crises 6 Changement climatique 10 Ressources naturelles renouvelables 13 Synthèse des résultats 17 Les activités et les produits 38 Les conférences, ateliers, tables rondes 38 Les séminaires 42 Les réunions internationales 44 Les activités en réseau 45 Les autres activités 47 Les stagiaires accueillis 47 Les publications 48 La structure 52 Une structure en réseau 52 Sigles et acronymes 58
Les Synthèse Les activités La thèmes des résultats et les produits structure Les thèmes Une gouvernance en voie d’éclatement L e débat sur la gouvernance l’intérieur des Etats-Unis, débat qui sera l’un des mondiale a changé de nature avec le enjeux de la future campagne électorale. déclenchement de la guerre en Irak. Quelles que soient les évolutions politiques, Les divergences de vues entre les le système de gouvernance actuel est l’objet Etats-Unis, notamment les courants d’un faisceau de critiques, d’origines parfois néoconservateurs, et l’Europe sur la politiquement opposées, mais qui convergent nature du système de gouvernance sur la nécessité d’une réforme. Ces critiques, se sont exprimées en 2003 avec une qui sont le fait des gouvernements, mais aussi virulence particulière. Les Européens, quelles de différentes organisations de la société civile que soient leurs positions à l’égard de l’inter- et d’acteurs privés, portent sur la légitimité, vention en Irak, ont défendu et continuent à l’équité et l’efficacité du système. Aujourd’hui, défendre le cadre multilatéral comme seul à elles ont pour effet de remettre en question non même de préserver un Etat de droit à l’échelle seulement les modalités de négociation des internationale. Au cours du temps, les adminis- règles internationales mais aussi la conception trations américaines ont pris des positions des accords, leur portée globale et leur carac- variées mais souvent plus distantes à l’égard du tère contraignant à l’égard de la souveraineté système onusien. Depuis janvier 2001 toutefois, nationale. C’est une révision du système de l’administration Bush a systématisé sa position gouvernance mondiale qui est en cours, alors de retrait des instances multilatérales dans un que ce système est encore largement incomplet grand nombre de domaines, notamment ceux et que de nombreux problèmes collectifs ne qui touchent à l’environnement et au dévelop- sont pas véritablement traités. pement durable. Pour une grande partie des Les critiques de la légitimité du système pays en développement, qui critiquent pourtant contestent la définition des mandats de ceux la position américaine, le choix d’un engage- qui décident des règles internationales : insti- ment dans le système multilatéral ne va pas sans tutions internationales qui outrepassent leur réserve. La défense des intérêts nationaux, la mandat et qui ne sont pas effectivement préférence pour la souveraineté passe avant contrôlées par les pays membres, gouverne- l’établissement de règles internationales. ments eux-mêmes qui prennent des engage- La conférence que l’Iddri a organisée à la ments internationaux allant bien au-delà de la demande de la présidence de la République délégation de pouvoir qu’ils ont obtenue. La comme une contribution intellectuelle à la plupart des réponses pour corriger ce déficit préparation du G8 d’Evian a permis de prendre de légitimité proposent d’intensifier le la mesure de la profondeur des divergences contrôle des institutions et de créer ou d’élar- mais aussi de comprendre la vigueur du débat à gir un « espace public » où les citoyens et les 2 | Iddri, Rapport d’activités 2003
Les Synthèse Les activités La thèmes des résultats et les produits structure acteurs économiques et sociaux puissent débat- l’application des accords environnementaux ou, tre des principaux choix collectifs. plus globalement, sur la capacité de la commu- Ce débat sur la légitimité s’est illustré avec les nauté internationale à poursuivre la construction négociations commerciales. La montée des de régimes d’application universelle, qu’il faut critiques sur les accords commerciaux et le fonc- analyser les débats sur l’application du principe tionnement de l’OMC ont rendu impossible le de précaution ou sur les régimes pour le climat compromis nécessaire pour aboutir à un accord après la période couverte par le Protocole de à Cancún. L’Union européenne n’a convaincu ni Kyoto. Dans ces domaines où les controverses les opinions publiques des Etats membres ni les entre pays sont vives, de nouvelles propositions pays en développement de la pertinence de son de systèmes se font jour : ce sont des systèmes projet de libéralisation des échanges. En effet, partiels, fragmentés, partant de la reconnais- les nouveaux champs de la négociation sance des normes et des efforts conduits dans les commerciale (les services, les investissements, le pays. L’idée de régimes construits à partir d’une droit de la concurrence) touchent aux compro- démarche ascendante, regroupant les pays ou les mis sociaux noués dans chaque pays. acteurs décidés à aller de l’avant sans attendre un De plus, la question de l’équité dans le hypothétique consensus international – des coali- système multilatéral n’est toujours pas résolue. tions partielles – progresse sans que puisse être Le système actuel est perçu comme inéquitable évalué l’impact de ce mode de coordination. lorsque les objectifs retenus reflètent les intérêts Sur un autre front, les critiques font aussi ou les préférences des groupes ou des pays les valoir que le système multilatéral n’est pas un plus puissants. Il est aussi inéquitable dans ses outil efficace pour protéger les intérêts natio- procédures lorsque l’élaboration des décisions naux légitimes. Cette analyse est exprimée avec est réservée à un club de pays qui imposent force par l’administration américaine, qui s’est ensuite leurs normes aux autres. A cet égard, les ainsi exonérée de toute tentative de ratification négociations de la Convention sur la diversité du Protocole de Kyoto. Si le système de négo- biologique montrent l’enjeu que constitue un ciation intergouvernemental est lent ou parfois partage juste et équitable des charges et des paralysé, il faut agir autrement, avec les pays ou bénéfices de la gestion durable des ressources les acteurs qui le souhaitent. Les coalitions ad génétiques. L’émergence de nouveaux groupes hoc, les alliances entre entreprises et ONG, la de négociation – les pays « mégadivers » rassem- création de réseaux d’acteurs publics ou privés blant plusieurs pays riches en biodiversité ou le pour traiter les problèmes collectifs internatio- groupe de pays emmené par le Brésil lors des naux (le sida, le commerce des bois tropicaux) négociations de Cancún – témoigne du refus sont autant de modalités qui sont aujourd’hui d’un fonctionnement en club restreint dans les mises en œuvre face à ce qui est jugé comme un négociations. système impossible à réformer. Autre critique, l’inefficacité. Les accords Quelles sont les conséquences de ces nouvel- multilatéraux sont critiqués parce que, en l’ab- les formes de coordination ? Vont-elles pousser sence d’un pouvoir exécutif mondial pour assu- le processus nécessaire, mais jamais sérieuse- rer leur application, bon nombre de normes et ment entamé, de réforme des Nations unies ? de règles ne sont pas, ou peu, observées et que Vont-elles au contraire affaiblir l’intérêt pour la les moyens manquent. En fait, l’architecture construction du système multilatéral et renfor- internationale est incomplète et déséquilibrée. cer l’idée qu’il n’est pas réformable et qu’il faut L’efficacité du système ne peut se réduire à l’ef- le contourner ? ficience de chaque institution. Les déséquilibres Les jeux ne sont pas faits et le débat va se entre les institutions – de moyens, de capacité poursuivre. Il prend cependant une nouvelle d’agir et de contraindre – induisent une hiérar- dimension puisque les questions de gouver- chie de fait des objectifs de l’action multilatérale. nance mondiale ont définitivement échappé au Les droits sociaux, la lutte contre les paradis monopole des Etats et deviennent des questions fiscaux, la défense de l’environnement ne béné- de plus en plus débattues par les sociétés. ficient pas d’un investissement de la commu- Les différents chantiers de l’Iddri témoi- nauté internationale comparable aux ressources gnent tous du fractionnement du système inter- consacrées, par exemple, à la libéralisation des national, tant dans son organisation que dans la échanges. C’est dans ce contexte de doute sur diversité des acteurs impliqués. Iddri, Rapport d’activités 2003 | 3
Les Synthèse Les activités La thèmes des résultats et les produits structure Financement du développement Accès aux services essentiels C es dernières années, le financement du approche a rapidement mis en exergue la développement a pris une dimension parti- nécessité de mieux comprendre les interdé- culière avec l’accent mis sur l’accès aux pendances entre les questions posées dans les services essentiels dans plusieurs instances inter- enceintes internationales et les problèmes nationales. Avec les objectifs du Millénaire locaux de développement. C’est pourquoi les (2000), la Conférence de Monterrey sur le finan- activités, guidées par le calendrier internatio- cement du développement (2002), le Plan d’ac- nal, ont porté sur ces deux dimensions. tion de Johannesburg (2002), la Déclaration du Forum de l’eau de Kyoto (2003), la Déclaration L’organisation locale des services du G8 d’Evian (2003)..., l’accès à l’eau et à l’as- essentiels sainissement, à la santé, à l’éducation, à l’éner- En vue du Forum mondial de l’eau organisé gie est amené au centre des discussions sur le en mars 2003, à Kyoto, l’Iddri a travaillé, avec développement. Dans le même temps, les l’AFD et des économistes spécialistes de l’accès grands rendez-vous internationaux qui devaient à l’eau et de la gestion des services publics, sur traduire cette volonté politique en actions les défaillances institutionnelles qui limitent le concrètes n’ont pas répondu aux attentes. A développement des partenariats public-privé Cancún, les négociations commerciales ont dans ce secteur. L’accent a été mis sur le rôle achoppé essentiellement parce que les pays des autorités locales, sur la nécessité de couvrir développés ont refusé de modifier leurs poli- certains risques encourus par les entreprises et tiques nationales pour faire du commerce des sur une nouvelle répartition des responsabili- biens et services un levier du développement ; tés comme pendant du partage des risques. les engagements de Monterrey ne sont pas Publié dans la collection Les notes de l’Iddri, ce tenus par les pays développés et les objectifs de travail propose en conclusion de réfléchir à de 2006 ne seront sans doute pas atteints. A cela, il nouveaux mécanismes de régulation pour convient d’ajouter les critiques grandissantes à assurer le bon fonctionnement des partena- l’encontre des acteurs privés et les crises finan- riats. cières qui ont conduit à un net recul de leurs Approfondir cette réflexion sur les méca- interventions dans les pays en développement. nismes de régulation requiert une connais- Dans ce contexte, et suite aux travaux sance plus approfondie des contingences loca- menés au cours des deux années précédentes, les. La tentation est grande d’appliquer les l’Iddri a recentré son programme de travail sur modèles occidentaux de fourniture des servi- le financement du développement autour ces essentiels aux pays en développement. Or, d’une problématique plus large et plus les conditions qui ont prévalu dans les concrète : l’accès aux services essentiels. Cette premiers ne se retrouvent pas aujourd’hui dans 4 | Iddri, Rapport d’activités 2003
Les Synthèse Les activités La thèmes des résultats et les produits structure Financement du développement les seconds. D’autres modes de fourniture et priorités nationales et élaborer les politiques d’organisation sont à inventer, encore faut-il pour les satisfaire, notamment en construisant en avoir fait le diagnostic. C’est pourquoi l’Id- les systèmes de régulation indispensables à la dri engage en 2004 une réflexion sur l’organi- fourniture des services essentiels. sation et la gestion locales des services essen- Afin de ne pas s’engager dans un débat tiels dans le cadre d’un séminaire mensuel. passionné entre tenants et opposants de la L’objectif est double : sortir de l’approche libéralisation du commerce des services, l’Id- strictement sectorielle pour adopter une vision dri a travaillé avec l’équipe d’Hélène Ruiz plus transversale des modes de gestion Fabri, professeur de droit public à l’université (analyse historique de la fourniture des servi- Paris I. L’analyse juridique de l’AGCS a permis ces, modèles techniques, modèles d’organisa- de souligner les ambiguïtés persistantes de cet tion, analyse de la demande, impact sur le accord, notamment dans la définition de la développement...) ; comparer les expériences notion même de service. Les auteurs se sont des pays développés et celles des pays en déve- également appuyés sur les solutions élaborées loppement. Ces premiers éléments de diagnos- dans le droit européen afin de mieux saisir les tic ont été affinés et complétés au cours de enjeux et difficultés auxquels font face les plusieurs réunions rassemblant les parties négociations de l’AGCS. En juillet dernier, ce impliquées, tenues en fin d’année pour définir travail a fait l’objet d’une conférence publique un programme de recherche. d’Hélène Ruiz Fabri, complétée par une inter- vention de François-Charles Laprevote, expert La cohérence de l’architecture français détaché auprès de la Commission internationale européenne. Il en ressort qu’il est primordial Opter pour une diversité de modèles tant de suivre l’avancée des négociations, dont le techniques, économiques, financiers qu’institu- premier cycle doit se terminer à la fin de l’an- tionnels nécessite un cadre local, national et née 2004, tout en sachant que l’agenda qui international compatible avec la mise en l’accompagne conduit inexorablement à la œuvre des solutions proposées. Or, certains poursuite de la libéralisation du commerce des éléments de l’architecture internationale services. semblent aujourd’hui s’y opposer. Tel est le cas L’AGCS n’est pas le seul accord à peser sur la notamment de l’Accord général sur le capacité des acteurs publics et privés à répondre commerce des services (AGCS) de l’OMC. aux besoins des populations. D’autres éléments Dans une conférence prononcée à l’Iddri, apparaissent déjà comme une contrainte forte à complétée par une Note de l’Iddri, Scott la capacité des Etats à définir leurs priorités et à Vaughan (Carnegie Endowment for Internatio- la possibilité des acteurs d’y répondre. A ce titre, nal Peace) a rappelé les questions soulevées un document de travail a été élaboré afin de par l’AGCS : en aucun cas la capacité des entre- synthétiser les déterminants de la faiblesse de prises privées à lever des capitaux pour réaliser l’engagement privé dans la fourniture des servi- les investissements n’est remise en cause ; tout ces essentiels et de mettre l’accent sur les comme n’est jamais réfutée la nécessité pour défaillances institutionnelles de régulation. Ce les Etats de disposer d’une régulation forte à document a conduit à identifier les éléments de l’échelle nationale et d’une politique de la la gouvernance internationale pouvant limiter concurrence suffisante pour que l’intervention les marges de manœuvre des acteurs publics et privée soit efficace, car privatisation ne signi- privés (accords bilatéraux, régionaux et multila- fie pas moins mais plus de régulation. Les téraux sur l’investissement, Convention de Bâle gouvernements doivent pouvoir définir les sur la libéralisation des marchés des capitaux...). Iddri, Rapport d’activités 2003 | 5
Les Synthèse Les activités La thèmes des résultats et les produits structure Risques, précaution, gestion des crises L’ année 2003 a été porteuse d’un nouveau Aux Etats Unis, les innovations en matière lot de crises, catastrophes, événements de protection de l’environnement ont lieu climatiques extrêmes, qui mettent à essentiellement à l’échelle des Etats. C’est le l’épreuve nos systèmes de gestion des risques cas aussi pour la précaution, le débat progres- et des crises, en raison soit de leur ampleur et sant notamment dans le Massachusetts et en de leur caractère soudain, soit de l’accumula- Californie. En outre, les Etats-Unis ont tou- tion des dommages. Certains de ces événe- jours souscrit à la précaution dans le domaine ments sont caractérisés par une forte relation de la pêche, en adhérant en particulier à des entre les activités humaines et climatiques accords internationaux qui ont recours au (canicule en Europe et pannes électriques principe de précaution. massives en Amérique du Nord durant l’été...), Dans les institutions et les pays européens, confirmant la tendance de l’émergence de un double mouvement se fait jour pour les risques « plus endogènes qu’exogènes, plus risques ayant trait à l’environnement, la santé, progressifs, plus durables, plus interdépen- l’alimentation : l’émergence de nouveaux dants » (Jean-Marc Lamère, délégué général de outils d’expertise, d’assurance, de délibération, la Fédération française des sociétés d’assu- d’une part, et des évolutions législatives et rance, Le Monde, 11 juin 2003. Supplément.). réglementaires, d’autre part. Ces évolutions Parallèlement, après une quinzaine d’années témoignent de réelles avancées politiques, de vive opposition entre les Etats-Unis et l’Eu- mais posent des questions de mise œuvre. Il est rope dans le cadre de l’OMC sur le principe de donc nécessaire d’évaluer la pertinence et la précaution, la mise en pratique de la précaution pérennité des solutions proposées, par exem- progresse dans le monde industrialisé, même si ple les premières agences d’expertise des certains conflits demeurent, notamment dans le risques expérimentées dans l’Union euro- domaine des biotechnologies (plainte déposée à péenne, les nouveaux outils assurantiels pour l’OMC en mai 2003 par plusieurs pays, dont les faire face à des risques de nature et d’ampleur Etats-Unis, le Canada et l’Argentine, contre le nouvelles, ou les procédures utilisées pour moratoire européen sur les importations décider des risques socialement acceptables d’OGM). Si la gestion du risque diffère de part pour un Etat ou pour l’Union. et d’autre de l’Atlantique, aucun des systèmes ne Toutefois, les solutions proposées dépen- marque une aversion plus forte que l’autre pour dront de la répartition des responsabilités les risques, comme l’a illustré David Vogel (uni- entre acteurs publics et privés en cas de versité de Californie), lors du séminaire Déve- dommage. Il faudra donc analyser si les régi- loppement durable et économie de l’environne- mes de responsabilité existants sont satisfai- ment, en janvier 2003 (lire page 43). sants ou s’ils méritent d’être modifiés. Le juge- 6 | Iddri, Rapport d’activités 2003
Les Synthèse Les activités La thèmes des résultats et les produits structure Risques, précaution, gestion des crises ment en la matière relève de la responsabilité du dance à l’égard du pouvoir politique et du politique et constitue sans doute sa tâche pouvoir économique, d’autre part. Après première pour toute politique de précaution. plusieurs années de fonctionnement de ces Le rôle et la place de la responsabilité poli- nouvelles autorités, s’ajoute la question de l’ef- tique et des régimes juridiques de responsabi- ficacité du système au regard de ses missions. lité, agissant comme clés de voûte et moteurs Prenons le cas de la sécurité sanitaire des de toute politique de précaution, ont été mis aliments. Par nature, les questions posées par en évidence lors de l’atelier « Pratiques euro- les décideurs aux experts nécessitent de traiter péennes de la précaution » organisé par l’Id- simultanément des données nombreuses et dri, les 3 et 4 décembre 2002, à Paris. Cet hétérogènes : données scientifiques, mais aussi atelier était surtout centré sur le rôle et la informations liées à l’histoire des produits et nature de l’expertise scientifique pour fonder des process (élaboration, transport...). La une politique de précaution. qualité des avis dépend donc de la capacité à conduire deux démarches simultanées : mobi- Science, expertise et précaution liser les compétences scientifiques requises et accéder aux informations nécessaires prove- La précaution intervient lorsqu’il n’est pas nant de certaines filières ou structures de possible de prouver l’innocuité ou, à l’inverse, production. La pertinence des avis dépend l’existence d’un risque, de fortes incertitudes également de la bonne connaissance des outils demeurant sur la nature, l’ampleur ou l’occur- de gestion, de contrôle, et aussi de l’adminis- rence de ce risque. De telles situations sont tration qui va recevoir les avis, du contexte associées à des controverses socio-techniques économique, politique, diplomatique et des parfois très vives (OGM, téléphones mobi- médias. Comment regrouper cet ensemble de les...). Les décisions politiques se doivent compétences ? d’être alors fondées sur des expertises et sur Autre défi, comment passer d’un modèle des consultations organisées selon des procé- séquentiel d’expertise des risques – plusieurs dures claires et transparentes, comme le déve- avis sont émis successivement à la demande loppe Claire Weill dans une Note de l’Iddri, des autorités de tutelle lorsque les questions se « L’expertise dans les champs du principe de font pressantes – à une anticipation des crises précaution ». systémiques ? Cette démarche nécessite des En réponse aux crises sanitaires graves qui compétences variées et peut-être la promotion les ont ébranlés depuis les années 80, les Etats de nouvelles disciplines et fonctions plus européens et l’Union européenne ont créé des transversales et prospectives. agences dédiées pour tout ou partie à l’évalua- tion des risques (santé, alimentation, environ- L’organisation de l’expertise nement...). Parmi les principaux défis ayant à l’échelle internationale trait à l’expertise pour la décision publique en Le Groupe intergouvernemental d’experts situation de précaution, figure l’organisation sur le climat (GIEC) constitue sans doute le institutionnelle de l’expertise : statut des modèle le plus abouti d’élaboration internatio- experts – qu’ils soient membres ou non des nale de l’expertise sur un sujet donné. Le agences chargées de l’évaluation des risques –, GIEC doit son existence puis son succès à missions des agences, organisation de l’exper- plusieurs causes. Tout d’abord, il existe un tise à l’échelon international. corpus de données scientifiques indiscutables qui met en évidence la croissance de la concen- Les agences chargées de l’évaluation tration de gaz à effet de serre dans l’at- des risques mosphère, depuis le début de l’ère indus- Du fait des particularités institutionnelles et trielle. En outre, le changement climatique est administratives des Etats européens, l’organi- un problème global pour lequel il est difficile sation de chaque agence chargée de l’évalua- d’évaluer les futurs gagnants et perdants, ce tion des risques est spécifique quant à la qui facilite la participation d’experts venant de nature des relations organisationnelles et insti- pays différents, mais issus d’une communauté tutionnelles entre évaluation et gestion du préalablement bien structurée. Enfin, les risque, d’une part ; et au degré d’indépen- mandats conférés au GIEC par l’Organisation Iddri, Rapport d’activités 2003 | 7
Les Synthèse Les activités La thèmes des résultats et les produits structure Risques, précaution, gestion des crises météorologique mondiale et le Programme risque. Par exemple, suite à une proposition des Nations unies pour l’environnement sont du gouvernement de Haute-Autriche de clairs : le GIEC doit régulièrement faire état présenter un projet de loi instaurant, pour une des résultats scientifiques publiés, mais n’est durée de trois ans, une zone sans OGM dans pas appelé à conduire des recherches ou à ce Land, l’Autorité européenne de sécurité des participer aux négociations. aliments, consultée par la Commission, a Est-il possible de transposer le modèle du conclu qu’aucune nouvelle preuve scientifique GIEC à d’autres sujets pour lesquels une justifiait l’interdiction de certains OGM en expertise internationale est souhaitable ? Les Haute-Autriche. De même, en laissant subsis- principaux obstacles résident-ils dans la nature ter des clauses dont la transposition dans le des sujets à traiter (relation entre le « local » et droit national pourra varier selon les pays, la le « global » et les enjeux associés (écono- directive sur la responsabilité environnemen- miques, sociaux, politiques), dans la structure tale risque de provoquer une situation non des communautés scientifiques concernées ou conforme au principe communautaire de encore dans l’état d’avancement des connais- libre-échange. sances scientifiques (définition de la biodiver- Parallèlement, les arguments économiques sité...) ? d’une part et les arguments sanitaires et envi- ronnementaux d’autre part continuent à être Précaution et responsabilité opposés et à structurer les débats. Ceci est En Europe, l’année 2003 a été marquée par frappant pour le projet REACH : bien que de les travaux d’élaboration de la Constitution nouveaux outils existent pour identifier les européenne, dans la perspective de l’élargisse- produits chimiques pouvant causer des ment. Si ceux-ci se sont concentrés presque dommages environnementaux irréversibles à essentiellement sur les questions institution- grande échelle, il n’est pas envisagé de les utili- nelles, laissant de côté les débats sur les poli- ser dans le cadre réglementaire proposé. Au tiques sectorielles intégrant le développement sein des communautés scientifiques, les débats durable, ces débats ont resurgi à la fin du sur la pertinence et l’efficacité de l’évaluation processus : les acquis communautaires en ex post ou ex ante restent soutenus (Ulrich matière d’environnement ont été intégrés dans Müller-Herold in Actes de l’atelier « European la version finale du projet de texte. Simultané- precaucionary practice », (à paraître) et ment, la commissaire chargée de l’environne- mettent en lumière la difficulté de modifier ment, Margot Wallström, a proposé qu’un des pratiques ancrées. Par ailleurs, la défini- protocole sur le développement durable soit tion de certains dommages environnementaux adossé à la future constitution. Ce processus, reste encore imprécise dans les textes, par qui s’est soldé par un échec des négociations exemple les atteintes portées aux écosystèmes. entre les Etats de l’Union, a été analysé et La complexité des procédures pour décider commenté lors d’un séminaire organisé par des risques acceptables à l’échelle européenne, Ecologic et l’Iddri, le 19 juin 2003, à Paris. la difficulté à caractériser des risques encore Cette même année a vu se conclure des mal connus, à préciser la nature ou l’ampleur accords sur des textes et émerger des projets de certains dommages, certaines relations de de textes législatifs et réglementaires euro- causalité entre les dommages et leurs origines péens importants pour la mise en pratique de supposées soulignent le rôle majeur de la la précaution. Il s’agit de deux règlements sur responsabilité dans la problématique de la les OGM, de la directive sur la responsabilité précaution, notamment de la responsabilité environnementale et du projet réglementaire politique. Le politique doit tout mettre en de nouveau système d’évaluation des produits œuvre pour appliquer au mieux le principe de chimiques, baptisé REACH (Registration, précaution, ce qui soulève la question des Evaluation and Authorization of Chemicals). outils : outils réglementaires et incitatifs, bien Si la volonté européenne d’appliquer le sûr, mais aussi outils d’expertise, pour évaluer principe de précaution s’affirme, une diffi- les risques, préciser la nature des dommages et culté demeure : la prise en compte à l’échelle des relations de causalité ; outils assurantiels, européenne de la diversité des préférences pour que les victimes puissent être indemni- nationales, voire infranationales à l’égard d’un sées quand les dommages surviennent. 8 | Iddri, Rapport d’activités 2003
Les Synthèse Les activités La thèmes des résultats et les produits structure Risques, précaution, gestion des crises En 2004, l’Iddri lance un groupe de travail, ◗ En situation d’incertitude, de nouveaux méca- « Incertitude, responsabilité, assurance », qui nismes assurantiels apparaissent : mécanismes traitera des questions suivantes. mutualistes qui comportent un impératif de ◗ Quelles doivent être la nature et la qualité des solidarité, outils financiers... Peuvent-ils inflé- données scientifiques qui, bien qu’incertaines, chir le comportement des acteurs ? En quoi peuvent asseoir les décisions d’acteurs publics sont-ils innovants, limités ? ou privés ? Cette question a été analysée par ◗ Quels sont les domaines et les situations de Claude Henry lors du séminaire Développe- risque avéré ou potentiel pouvant causer des ment durable et économie de l’environnement dommages importants dans lesquels la respon- en septembre. Elle est également traitée dans sabilité des acteurs est mal définie ? En parti- un des volets du séminaire Evaluation des culier, quelles sont les conséquences à priori dommages climatiques, ainsi que dans l’ou- d’une modification du partage des responsabi- vrage à paraître sur le troisième rapport du lités entre acteurs publics et privés dans GIEC « Science du changement climatique, certains domaines – produits chimiques, acquis et controverses ». responsabilité environnementale... ? Iddri, Rapport d’activités 2003 | 9
Les Synthèse Les activités La thèmes des résultats et les produits structure Changement climatique L’ année 2003 a été marquée par des L’Iddri a participé à ce débat d’idées en orga- signaux politiques paradoxaux dans le nisant une discussion sur les liens entre poli- domaine de la lutte contre le changement tique énergétique, développement et climat, et climatique. La communauté internationale a lors d’événements organisés par le Pew Center abandonné tout espoir de retour à brève on Global Climate Change (Etats-Unis) et la échéance des Etats-Unis dans un mécanisme de Fundazione Eni Enrico Mattei (Italie), qui trai- coordination internationale, même si une taient des options pour une future coordina- proposition de loi pour l’instauration d’un tion internationale. Aucune option ne semble système de quotas d’émissions de CO2 négo- s’imposer comme moyen d’élargir la coordina- ciables a reçu un soutien inattendu dans ce tion, à supposer que toutes les parties en aient pays, sans pour autant obtenir la majorité la volonté politique. A chaque explication des nécessaire. La Fédération de Russie a soufflé le raisons de l’impasse actuelle (par exemple, la chaud et le froid sur le Protocole de Kyoto, en difficulté de s’engager en l’absence de certi- annonçant tantôt un processus de consultation tude sur les futurs coûts de réduction) interne en vue de la ratification, tantôt un rejet correspond certes une solution, mais les expli- du protocole justifié par une remise en cause cations sont nombreuses, parcellaires et parfois de la science du changement climatique et le divergentes. Le moment venu, la négociation caractère inéquitable du protocole pour... les pourrait bien recourir à une panoplie d’outils pays en développement (PED). La neuvième adaptés aux situations des différents pays. Les Conférence des parties (COP), qui s’est tenue à observateurs reconnaissent en revanche qu’il Milan, en décembre 2003, a été marquée par faudrait étendre la politique climatique à des l’incertitude qui règne sur le devenir du Proto- champs plus opérationnels que le processus cole de Kyoto, mais a tout de même abouti à diplomatique, par ailleurs essentiel. plusieurs décisions qui doivent permettre de Nous en revenons au constat banal que, mettre en œuvre le protocole, en particulier quelle que soit la répartition des efforts sur le traitement des crédits provenant des acti- globaux de réduction, ces réductions incombe- vités forestières dans le mécanisme de dévelop- ront à des activités économiques et sociales pement propre. correspondant à des réalités diverses selon les Si la COP n’avait pas pour objectif de lancer pays. La discussion des objectifs futurs de la une négociation sur les engagements futurs, les Convention cadre sur le changement clima- événements en marge de la conférence se sont, tique ne peut donc pas se limiter à une exper- eux, focalisés sur l’avenir du régime et les diffé- tise des options possibles de coordination rentes options en vue de la réduction globale internationale (il faudrait déjà qu’existent, dans des émissions de gaz à effet de serre (GES). les pays qui ne se sont pas engagés à réduire 10 | Iddri, Rapport d’activités 2003
Les Synthèse Les activités La thèmes des résultats et les produits structure Changement climatique leurs émissions, une volonté politique et une de compétitivité et un accroissement des émis- capacité institutionnelle et administrative de sions dans les pays émergents ? Selon les modè- contrôle de celles-ci). Par ailleurs, l’engage- les macro-économiques globaux, la mise en ment futur des grands pays émetteurs ne œuvre du Protocole de Kyoto, incluant les dépend pas uniquement des possibilités qui leur Etats-Unis, entraînerait des fuites de carbone seront offertes lors de la négociation (objectifs comprises entre 5 et 20 % des réductions dans d’émissions liés à la croissance ou exprimés en les pays industrialisés (ces estimations devraient termes absolus, soupape de sécurité sur le prix être réduites en l’absence des Etats-Unis, du carbone, etc.), mais bien plus des choix éner- compte tenu de l’effet baissier sur le coût du gétiques qu’ils s’apprêtent à faire et des trajec- carbone). Pour partie, ces fuites ne viendraient toires d’émissions qui en résulteront dans les pas de la délocalisation d’industries intensives décennies à venir. C’est sur cet axe que l’Iddri en énergie mais d’une augmentation de la souhaite avancer dans le cadre d’un programme consommation de combustibles fossiles dans de recherche en collaboration avec ses membres les pays en développement causée par une et partenaires. Il s’agira de faire un diagnostic baisse des prix mondiaux. En témoignent les sur les tendances d’émissions des PED et leurs recherches en économie sur les effets observés irréversibilités potentielles, d’inventorier les de la réglementation environnementale sur les problèmes économiques et sociaux soulevés par échanges commerciaux qui peinent à détecter différents choix politiques dans les secteurs la délocalisation des industries fortement fortement émetteurs et d’examiner dans quelle polluantes vers les pays moins exigeants (voir mesure certains de ces choix permettraient d’ac- Baron & Riedinger, 2004, page 51). céder à des trajectoires d’émissions plus basses Les enjeux de la politique climatique en que celles projetées à ce jour. Enfin, il faudra termes de compétitivité ont acquis une tout s’interroger sur les moyens de la coopération autre dimension au cours de l’année 2003, internationale qui permettraient d’encourager alors que les gouvernements de l’ensemble des les PED dans cette direction, le Mécanisme de pays européens doivent mettre en œuvre la développement propre créé par le Protocole de directive de quotas échangeables d’émissions Kyoto paraissant sous-dimensionné pour cette de gaz à effet de serre. Au départ, l’intérêt de tâche. cet instrument était de minimiser les coûts de En contraste avec les atermoiements qui réduction pour les émetteurs, et donc de entachent le processus de Kyoto, l’Union euro- réduire les impacts négatifs sur leur compétiti- péenne (UE) fournit un effort significatif pour vité internationale. Mais la mise en œuvre de la réduire ses émissions en avançant vers la mise directive est une première dans le portefeuille en œuvre de la directive sur les quotas échan- des mesures prises par les gouvernements geables d’émissions de gaz à effet de serre. En pour réduire les émissions de GES : à travers 2003, l’Iddri a animé un séminaire pour l’Europe des vingt-cinq, des milliers d’installa- débroussailler le sujet épineux des effets de la tions se verront attribuer des quotas et devront, politique climatique européenne sur la compé- à compter de janvier 2005, payer pour l’autori- titivité et pour clarifier les enjeux de la direc- sation d’émettre au dessus de leur quota initial. tive sur les quotas, qui est en cours de transpo- Celles qui réduiront leurs émissions seront en sition dans l’ensemble des pays membres. mesure de vendre les quotas excédentaires. Dès Si les pays industrialisés reconnaissent qu’ils lors, le prix du carbone fera partie intégrante doivent jouer un rôle moteur pour réduire les des décisions d’investissement et représentera émissions de gaz à effet de serre, ils craignent un coût additionnel. Aux entreprises incombera les effets d’une politique largement unilatérale la charge de refléter celui-ci dans les prix prati- sur les activités fortement émettrices et soumi- qués sur les marchés internationaux. Nous assis- ses à la concurrence internationale. Ils crai- tons à l’introduction d’un changement, qui se gnent notamment des « fuites de carbone » : veut durable, des conditions de l’activité indus- une hausse des émissions des pays en dévelop- trielle européenne, même s’il est très difficile de pement (qui ne participent pas à l’effort global prévoir son ampleur. de réduction) annihilant partiellement les Quelles sont les incertitudes clé de ce efforts des pays industrialisés. Pourquoi débat ? Tout d’abord, les effets sur les condi- réduire nos émissions si cela signifie une perte tions de la concurrence internationale vont Iddri, Rapport d’activités 2003 | 11
Les Synthèse Les activités La thèmes des résultats et les produits structure Changement climatique dépendre du niveau général du prix du terroger très vite sur les efforts de réduction à carbone, déterminé par l’effort de réduction fournir dans des secteurs tels que les demandé aux différents secteurs, de leur capa- transports, l’habitat, les services et l’agricul- cité technique à effectuer ces réductions et de la ture. Les travaux menés à l’Iddri sur les possibilité d’en reporter le coût vers le consom- tendances d’émissions au sein de l’Europe mateur, qu’il soit européen ou non. Les plans montrent que si l’Union s’approche de son nationaux d’allocation des quotas, publiés objectif de Kyoto, ce sera en grande partie courant 2004, apporteront un premier élément grâce à des changements structurels de grande de réponse. Deuxièmement, les tendances ampleur au Royaume-Uni (le passage du char- d’émissions de l’industrie varient beaucoup d’un bon au gaz dans la production d’électricité) et pays de l’Union à l’autre : une même activité sera en Allemagne (la fermeture des usines polluan- différemment affectée par la directive selon que tes de l’Est, suite à la réunification). En effet, si son allocation sera en rupture avec la tendance l’économie européenne se « tertiarise » de plus ou qu’elle représentera un ajustement marginal en plus, ce n’est pas toujours synonyme de par rapport à celle-ci. Troisièmement, les moda- baisse des émissions, puisque les services ont lités d’attribution et de retrait des quotas lors de des besoins croissants d’électricité. De plus, l’installation ou de la fermeture d’établissements l’évolution des transports est préoccupante. pourraient, si elles ne sont pas un tant soit peu Les enjeux économiques, sociaux et environ- harmonisées, créer des distorsions de compéti- nementaux de ce secteur empêchent d’avoir tion au sein même de l’Union. Il s’agit là de recours à un instrument unique, comme une thèmes récurrents du séminaire organisé par taxe sur les carburants ou un système de l’Iddri, « Compétitivité et politique climatique ». permis d’émissions, difficile à mettre en œuvre Si l’Europe prend les devants indépendam- en raison de la multitude de consommateurs ment de ses partenaires du Protocole de Kyoto, individuels. C’est sur les deux fronts de la tech- l’incertitude sur l’entrée en vigueur du protocole nologie et de la gestion des transports que exacerbe la question de la compétitivité, de doivent porter les efforts pour limiter la crois- manière directe et indirecte. Directement, le sance des émissions de GES, si les gouverne- Canada, le Japon, la Russie et l’Ukraine ne ments veulent parvenir à préserver le climat seraient plus contraints à aucun effort de réduc- global. tion. Indirectement, la possibilité de recourir Au cœur de la directive, l’industrie a égale- aux mécanismes de projets du protocole pour ment un rôle à jouer en tant que fournisseur atteindre les objectifs de la directive pourrait potentiel de nouveaux matériaux et de techno- disparaître avec celui-ci, d’où un renchérisse- logies innovantes permettant de réduire signi- ment du carbone pour l’industrie européenne. ficativement les émissions à long terme. Le Les gouvernements européens et les indus- rôle précurseur de l’Europe dans ce domaine tries émettrices ont entamé une négociation générera peut-être des avantages compétitifs sans précédent pour fixer les objectifs d’émis- futurs, lorsque d’autres pays décideront de sions de CO2 dans le cadre de la directive, négo- contribuer à l’effort global de réduction. Cette ciation dans laquelle le risque de perdre des possibilité devrait également être envisagée avantages compétitifs pèse de manière substan- dans le cadre d’une recherche de l’Iddri visant tielle. S’agissant d’un tout premier pas vers les à clarifier les dimensions sectorielles et d’in- objectifs annoncés de division par quatre des vestissement de différents scénarios de réduc- émissions des pays industrialisés, il faudra s’in- tion à long terme. 12 | Iddri, Rapport d’activités 2003
Les Synthèse Les activités La thèmes des résultats et les produits structure Ressources naturelles renouvelables L es discussions internationales sur les profits élevés, ont conduit à privilégier le ressources naturelles s’intéressent toutes aux marché comme mécanisme de régulation. La modes de gestion d’une multiplicité de situa- CDB a ainsi considéré que les éléments de la tions locales. Sur les ressources génétiques, la biodiversité n’étant plus préservés par un méca- discussion bute sur l’inefficacité des mécanismes nisme collectif, ils acquerraient une valeur mis en place pour répondre à une pluralité d’ob- marchande et pouvaient être exploités dans le jectifs – conservation de la biodiversité, équité, respect des règles du marché. Parallèlement, développement, préservation de l’identité cultu- ayant pris conscience des risques d’érosion des relle. La question des savoirs naturalistes locaux ressources génétiques, la communauté interna- met en lumière ces insuffisances, en obligeant à tionale a tenté de combiner la valorisation penser le lien entre accès aux ressources et usage privée avec l’intérêt général (conservation de la de ces ressources à l’échelle locale. diversité biologique et équité), en proposant le Cette articulation entre les différents éche- mécanisme d’accès aux ressources génétiques et lons de gouvernance explique aussi l’incapacité de partage des avantages liés à l’exploitation de de la communauté internationale à instaurer une ces ressources. coordination pour la gestion durable des forêts. Vingt ans après, si le marché des technolo- gies du vivant reste encore incertain, les droits Ressources génétiques et biologiques de propriété intellectuelle se sont imposés Gouvernance internationale comme une composante des politiques d’inno- La discussion internationale sur la biodiver- vation sur le vivant. Quant au marché de la sité connaît des inflexions qui marquent sans biodiversité, notamment celui des ressources aucun doute une évolution dans la perception génétiques, il reste encore peu développé, mis à de cette question. Dix ans après la signature de part quelques expériences originales. Mais la Convention sur la diversité biologique (CDB), surtout, il est contesté aux deux bouts de la beaucoup de présupposés qui avaient présidé chaîne de la valorisation, par les communautés aux discussions et aux solutions élaborées à locales et par les entreprises. Enfin, les pays four- l’époque sont remis en cause. nisseurs de ressources génétiques continuent Lors des négociations qui ont abouti à la d’exprimer leurs préoccupations : les utilisateurs CDB en 1992, la notion de patrimoine commun ne respectent pas les conditions d’accès et, de l’humanité a été abandonnée au profit de surtout, les objectifs visés par la CDB sont loin celle de responsabilité commune, plaçant ainsi d’être atteints, notamment le partage juste et les Etats au cœur des dispositifs de régulation. équitable des avantages et le transfert de tech- Les progrès des biotechnologies de la fin des nologies pour la conservation et l’utilisation années 70, qui ouvraient des perspectives de durable des ressources génétiques. Iddri, Rapport d’activités 2003 | 13
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