A GALA JEAN-PIERRE KELLER

La page est créée Jean-Francois Leger
 
CONTINUER À LIRE
A GALA JEAN-PIERRE KELLER
JEAN-PIERRE KELLER

   A GALA

         EDITIONS

          ZOE
       Extrait de la publication
A GALA JEAN-PIERRE KELLER
LA GALAXIE COCA-COLA

     Extrait de la publication
A GALA JEAN-PIERRE KELLER
D U MÊME AUTEUR

         C H E Z LE MÊME ÉDITEUR

      La Nostalgie des avant-gardes
       coédition L'Aube, 1991

Tinguely et le mystère de la roue manquante
        coédition L'Aube, 1992

          Sur le pont du Titanic
                   1994

         Meurtre au musée, 1995

        C H E Z D'AUTRES ÉDITEURS

    Pop Art et évidence du quotidien
  Lausanne, L'Age d ' H o m m e , 1979

             Extrait de la publication
A GALA JEAN-PIERRE KELLER
JEAN-PIERRE KELLER

LA GALAXIE COCA-COLA
          Nouvelle édition revue
      et augmentée d'une postface :

 Les enfants de Marx et de Coca-Cola

        ÉDITIONS ZOÉ

             Extrait de la publication
La publication de cet ouvrage a bénéficié
             du soutien de l'Université de Lausanne

       Dans ses grandes lignes, ce livre reprend le texte
        de la première édition (Genève, Noir, 1980),
                  épuisée depuis longtemps.
             De n o m b r e u x remaniements lui ont
                 cependant été apportés dont
                     une nouvelle postface

              © Editions Zoé, 11 rue des Moraines
               CH - 1227 Carouge-Genève, 1999
           Maquette de couverture : Evelyne Decroux
Illustration: Nizzo De Curtis, Monna Cola, huile sur toile, 1991
(Avec l'aimable autorisation cle la Galleria Bianca Pilât, Milan)
               Photo de l'auteur: Yvonne Bôhler
                      ISBN 2-88182-368-8

                       Extrait de la publication
La serveuse s'amène négligemment. Aussitôt
 Zazie esprime son désir:
      — Un cacocalo, qu 'elle demande.
      — Y en a pas, qu 'on répond.
      — Ça alors, s'esclame Zazie, c'est un monde.

                        R. Q u e n e a u , Zazie dans le métro

      Je suis un enfant de l'Amérike.
       Si un jour ils me collent au poteau pour mes
 « crimes » révolutionnaires, je veux un hamburger-
frites avant de mourir, et un Coca.

                                            T. Rubin, Do It

     Ce qui est magnifique, dans ce pays, c'est que
l'Amérique a commencé la tradition selon laquelle,
les consommateurs les plus riches achètent essentiel-
lement les mêmes choses que les plus pauvres. Tu
peux regarder la TV et voir Coca-Cola, et tu peux
savoir que le Président boit du Coca, que Liz Taylor
boit du Coca, et te dire que, toi aussi, tu peux boire
du Coca. Un Coca est un Coca et aucune somme
d'argent ne peut t'en procurer un meilleur que celui
qu 'est en train de boire le clochard au coin de la
rue.

          A. Warhol, The Philosophy of Andy Warhol

Extrait de la publication
Extrait de la publication
P E U I M P O R T E L'IVRESSE

   Un j o u r les peuples chanteront l'épopée de Coca-Cola.
   Mais y aura-t-il encore des peuples?
   Ne se seront-ils pas dissous dans l'universalité que nous
annoncent la technique envahissante et ses produits ano-
nymes, briquets à jeter, montres à quartz, calculatrices de
poche ?
   Le citoyen des vieilles nations n'aura-t-il pas cédé la
place à Everyman, l'homme du commun parti de l'Amé-
rique pour rallier le monde à la cause du hot dog et de la
limonade en boîte ?
   La boisson barbare ne l'aura-t-elle pas emporté sur la
finesse des peuples ?
   Ce jour-là, étonnamment, le Coca-Cola apparaîtra pour
ce qu'il est: le produit le plus typiquement contemporain,
qui charrie dans ses flots sans répit les scories du vieux
monde, déracinant nos coutumes, brisant dans sa fougue
nos attaches les plus chères, emportant les débris de notre
mémoire collective, mais dont le parcours inéluctable trace
pourtant de la modernité une image qui nous émeut,

                       Extrait de la publication
comme quelque chose qui va déjà disparaître, rongé par un
futur qui n'attend pas son tour.
    Et alors nous nous précipitons sur les vieux calendriers
Coca-Cola, les plateaux, les enseignes, les miroirs de notre
passé-présent, nous les recueillons amoureusement, nous
les mettons au musée pour que notre époque, comme celle
des amphores et des cariatides, comme celle des cottes de
mailles et des vitraux, survive dans la mémoire des
hommes. Pour que dans les siècles à venir ils sachent qu'au-
trefois, il y a fort longtemps, après Aphrodite et le nectar,
après Iseult et le philtre, il y eut le temps de Marilyn et du
Coca-Cola.
    Aurait-il pu prévoir, le modeste apothicaire d'Atlanta,
lorsqu'un jour de 1886, dans l'arrière-cour de son officine,
il découvrait la formule de son sirop, que de la cuve où il
réalisa l'étonnant mélange partirait le grand fleuve
Amazone des temps modernes, l'impétueuse liqueur qui
inonderait les continents, abreuvant le mythe contempo-
rain, colorant les façades de la Metropolis, pervertissant la
place du village andin, symbole d ' u n e américanité triom-
phante auquel les pays révolutionnaires eux-mêmes ren-
draient hommage ?
    Aurait-il imaginé, l'obscur alchimiste, que l'irrépressible
marée b r u n e entraînerait le bateau ivre vers des rivages où
n'avait jamais abordé le poète et que, moins d'un siècle
plus tard, intégrée à des œuvres prestigieuses, la marque
pénétrerait dans les temples de la haute culture?
    Aurait-il pu croire, J o h n Styth Pemberton, qui avait
vendu la première année à peine plus de cent litres de son
élixir, que viendrait le temps où chaque jour, dans pour
ainsi dire tous les pays du monde, il serait demandé des
centaines de millions de fois?
    Faut-il alors reconnaître, par souci de balancer les
mérites, que le voisinage de Coca-Cola, à l'étalage de la

                        Extrait de la publication
mythologie post-industrielle, avec la soupe Campbell, la
côtelette surgelée ou le hamburger de chez McDonald,
n'est pas fait pour magnifier son image, qui s'apparente à
celle du cauchemar climatisé? Faut-il rappeler que sa com-
position partiellement chimique - sans parler de sa réputa-
tion de décapant - conforte aux yeux de beaucoup cette
image négative ?
    En vérité, pour voir le Coca-Cola ainsi, il faut déjà avoir
commis l'acte de décapsuler la bouteille afin d'en extraire
le contenu. Il faut présupposer que le Coca-Cola est une
boisson.
    Hypothèse nullement démontrée.
    Cela ne revient-il pas en effet à méconnaître sa particu-
larité culturelle, qui ne saurait se réduire à des qualités ou à
des défauts analysables chimiquement?
    Car le Coca-Cola n'est pas seulement un liquide ayant
un certain goût, une couleur, une odeur. Il a une forme:
celle de la fameuse bouteille, qu'il vient emplir, colorer, jus-
tifier, mais à laquelle il se subordonne visuellement et sym-
boliquement.
    Si la firme veille avec intransigeance à l'homogénéité et
à la permanence de la boisson, imposant partout dans le
monde une composition absolument identique à partir du
même concentré, il est une autre permanence qui la préoc-
cupe : celle de la petite bouteille, pratiquement inchangée
depuis le début du siècle même si elle est acculée par l'évo-
lution des mœurs à céder du terrain.
    Sa richesse décorative, sa puissance symbolique, font en
effet de celle-ci plus qu'un emballage : un objet au sens fort
du terme, ayant sa personnalité propre, contribuant à
l'identité du produit plus que l'inverse et, sans doute, plus
que dans le cas de toute autre boisson.
    Aussi aurons-nous l'occasion de nous demander si cette
boisson chaude au regard, d ' u n e saveur inimitable, désalté-

                         Extrait de la publication
rante et suscitant pourtant le désir de boire, n'a pas
conquis la planète sur un déni d'identité: se faisant passer
pour Coca-Cola avec la complicité des consommateurs,
reléguant au second plan la bouteille, lui réservant le rôle
d ' u n simple contenant au service du produit.
     Et si le Coca-Cola n'était pas une boisson, ou seulement
accessoirement, par surcroît? S'il était un objet?
      S'il convenait en somme d'inverser le dicton: peu
importe l'ivresse pourvu qu'on ait le flacon?

                        Extrait de la publication
Vous pouvez aussi lire