ARTHUR RAMBO - Cinéma garantisans3D - Cinéma Utopia
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
a garanti sans 3D Ciném MANUTENTION : Cour Maria Casarès / REPUBLIQUE : 5, rue Figuière 84000 AVIGNON / Tél : 04 90 82 65 36 / www.cinemas-utopia.org ARTHUR RAMBO Laurent CANTET jeure d’un Laurent Cantet qui est déci- amplifie et accentue les emballements, France 2021 1h27 dément l’un de nos cinéastes essen- les sanctifications, les mises au pilo- avec Rabah Naït Oufella, Antoine tiels – est en quelque sorte une relecture ri, plus vite que la lumière. Bienheureux Reinartz, Sofian Khammes, Bilel de Jekyll et Hyde au temps d’internet ceux qui naviguent à l’écart de ces Chegrani, Sarah Henochsberg, Hélène – des jeux de séduction, du désamour mers numériques agitées, dans les re- Alexandridis, Anne Alvaro… et du hasard qui se tricotent sur les ré- mous desquelles croisent évidemment Scénario de Laurent Cantet, seaux sociaux. Miroir déformant, miroir de braves plaisanciers pacifiques, mais Fanny Burdino et Samuel Doux aux alouettes de la célébrité aussi vite qui sont infestées de malveillants pirates acquise qu’immédiatement retirée, c’est et de trolls barbares aux intentions fort Bien qu’inspiré de faits réels, d’une his- la caisse de résonance parfaite, l’am- peu amicales. On peut s’y ébattre sans toire vraie toute fraîche, ce magnifique plificateur instantané des pauvres pas- arrières-pensées, se croyant suffisam- Arthur Rambo – nouvelle réussite ma- sions humaines, du narcissisme, qui ment aguerri pour y faire fortune en en N°414 du 2 février au 8 mars 2022 / Entrée : 7€ / le midi : 4,50€ / Abonnement : 50€ les dix places
La séance du samedi 12 février à 10h30 sera suivie d’une discus- sion avec des membres de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH). ARTHUR RAMBO Il est arrivé à la fin de l’été et s’est installé dans le passage du Verger Urbain V avec ses couvertures et duvets. Certains sans animosité l’appelait le SDF, le clochard… Cet homme vivait dans la rue déjouant les pièges, et y disparaître tout sans doute au sien-même en premier et, comme souvent dans ce cas, de même corps et biens, pris au piège lieu –, la mécanique irrépressible qui du triangle des Bermudes (on aurait tout s’ensuit… Le personnage de Karim D. nous ne savions grand-chose aussi bien pu tisser des liens métapho- est directement inspiré par Mehdi Meklat, de lui, nous avions cependant riques avec la légende du brave Icare, qui fit frémir il y a quelques années le cé- dont les ailes fondirent en se rappro- nacle politique, culturel et médiatique remarqué son accent : chant trop du soleil)… français. Jeune talent remarqué parmi hollandais, allemand, anglais… Ainsi le destin de Karim D., jeune et bril- les contributeurs du Bondy Blog, Mehdi lant journaliste fer de lance d’un mé- quand il nous lançait ses joyeux Meklat, aka le bon docteur Jekyll, était dia alternatif, qui informe avec préci- la coqueluche de la presse culturelle, te- et souriants bonjours. sion et bienveillance sur les banlieues nait une chronique régulière sur France que les médias traditionnels s’efforcent Inter et signait avec son comparse En fait il s’appelait James et de ne pas voir (ou de caricaturer à ou- trance quand ils daignent les évoquer). Badroudine Saïd Abdallah un ouvrage était d’origine anglaise. choc, Burn out. La success story s’ar- Beau gosse, intelligent, vif, écrivant juste rêta brutalement en 2017, quand on dé- Et qui de lui donner la pièce, et d’une rigueur politique irréprochable, couvrit l’existence de son Mr Hyde ma- un café, un sandwich, un verre passant bien à l’image, Karim D. est un léfique, un certain Marcelin Deschamps, « bon client » et une figure médiatique en de vin chaud pour Noël et de qui, des années durant, avait inondé les pleine ascension. Le bouquin qu’il vient réseaux de tweets antisémites et homo- discuter quelques minutes… de publier, mi-témoignage familial, mi- phobes. Pour Mehdi Meklat, au sommet pamphlet, doit le mettre durablement en de sa récente gloire, la descente aux en- Mais ce lundi 17 janvier en orbite. Or, ce même soir de lancement chez son éditrice où Karim est intronisé fers commençait. fin d’après midi et par fort dans le beau monde parisien, une ava- Laurent Cantet ne refait pas un procès Mistral, James Nash est décédé lanche de courts messages (maximum 280 caractères) signés « Arthur Rambo », qui n’a pas eu lieu – sinon dans le tribu- de pauvreté, caché sous tous plus crapuleux, teigneux, racistes, nal médiatique qui n’aime rien tant que ses couvertures. homophobes, antisémites, sexistes les détruire ce qu’il a porté au pinacle. Il ne uns que les autres, ressurgissent des tré- justifie, ni ne condamne. Il déroule fac- fonds d’internet et déferlent sur les ré- tuellement le chemin de croix du jeune seaux. Avec en prime cette révélation : homme, désormais honni, qui va de « Arthur Rambo » n’est autre qu’un pseu- cercle en cercle découvrir l’ampleur des Une fois que tu sais donyme de Karim D. dégâts, d’abord chez son éditeur, épou- vanté, puis chez ceux qu’il croyait être Suite à la projection du En 2001, dans L’Emploi du temps, ses nouveaux amis, enfin chez les gens 20 janvier et la rencontre avec Laurent Cantet décortiquait la vertigi- du quartier qui l’ont vu grandir, jusqu’à neuse histoire de Jean-Claude Romand, sa propre famille. Le film s’avère une différents collectifs de Sauvons ce faux médecin mythomane qui, accu- superbe et indispensable réflexion sur nos terres 84, on se propose, lé par l’engrenage de ses mensonges, notre monde où la futilité tient lieu de assassina sa famille. D’une certaine fa- conscience politique, où l’érosion du sur une prochaine gazette, de çon, 20 ans plus tard, il remet sur le mé- sens moral interroge fatalement le prin- faire une nouvelle projection tier l’ouvrage. On reconnaît le mensonge, cipe même de transgression. On en est pour celles et ceux qui n’ont le secret, l’impossible empathie pour un encore tourneboulé. On ne saurait trop le individu dont les motivations échappent recommander aux profs de lycées – aux pu être présents. Peut-être irrémédiablement à l’entendement – et autres de voir ce film essentiel en famille. aussi l’occasion de faire un point sur l’enquête d’utilité La LDH regroupe des personnes de tous horizons et toutes conditions, qui choisissent publique concernant les digues de s’associer afin de réfléchir, discuter, agir pour la défense des droits et libertés. Pour de la Barthelasse, de l’avancée prendre contact avec la section d’Avignon-Carpentras écrire à : contact@ldh-84.org de la LEO, etc.
GREAT FREEDOM toute sa vie d’adulte derrière des bar- reaux, s’est construit une liberté de pen- ser et d’aimer quelles que soient les cir- constances. Car pendant ses différents séjours en prison, comme un pied de nez à ceux qui l’ont enfermé pour le punir de ses Sebastian MEISE gravé pendant la période nazie, et ja- amours interdites, Hans ne va jamais Autriche/Allemagne 2021 1h56 VOSTF mais abrogé jusqu’en 1994 (!!), l’homo- s’arrêter d’aimer, parfois pour le mal- avec Franz Rogowski, Georg Friedrich, sexualité est restée criminelle outre-Rhin heur d’un jeune amant, parfois pour Anton von Lucke, Thomas Prenn… pendant 123 ans et passible de prison construire une histoire durable comme Scénario de Thomas Reider jusqu’en 1969. C’est à partir de cet in- avec Viktor, un détenu emprisonné pour et Sebastian Meise croyable fait historique que le cinéaste meurtre, pourtant caricaturalement ho- autrichien Sebastian Meise a construit le mophobe, avec qui va se nouer finale- Prix du Jury Un Certain Regard, récit de la vie de Hans Hoffman, qui pas- ment une relation d’amitié puis d’amour, Festival de Cannes sera directement des camps de concen- prouvant s’il était besoin que, même Grand Prix, Festival Chéries-Chéris tration libérés en 1945 aux geôles de la si on contraint physiquement un indi- Grand Prix, Festival de Valenciennes nouvelle république où il y fera trois sé- vidu, on ne parvient pas pour autant à jours successifs jusqu’en 1969, 24 ans contraindre ses convictions, ses pas- Hasard des programmations, le plus tard. Mémorial de la Shoah à Paris propose sions et ses désirs. Le film n’en est actuellement et jusqu’à fin mars une for- Le cinéaste a choisi une mise en scène pas moins une charge impitoyable – midable exposition sur la déportation audacieuse, se déroulant exclusivement que n’aurait sans doute pas reniée un homosexuelle, trop longtemps la grande en milieu carcéral, pour évoquer ce quart Fassbinder – sur la continuité des pra- oubliée des opérations commémora- de siècle durant lequel Hans Hoffman va tiques héritées du nazisme dans l’Alle- tives. Un acte fort alors qu’il y a encore rester enfermé tout en vivant et aimant magne fédérale : preuve symbolique s’il peu, certains membres d’associations entre les hauts murs gris. Une mise en en est dans cette scène où les prison- de déportés s’opposaient à que soit cé- scène faite d’ellipses – naissant sou- niers sont missionnés à l’atelier de cou- lébrée, lors de la journée nationale du vent autour de fondus au noirs lors des ture pour découdre des insignes nazis souvenir de la déportation, la mémoire épisodes de mitard – pour aller et venir sur d’anciens uniformes de l’armée alle- des victimes homosexuelles. entre trois périodes, de la fin du nazisme mande qui habilleront leurs matons. Mais ce qui reste encore largement mé- à la fin des années 60 en passant par la Dans cet univers qui pourrait être étouf- connu, et qui demeure une honte dans fin des années 50. Car ce qui est fas- fant mais qui ne l’est miraculeusement l’Histoire de l’Allemagne démocratique cinant et exaltant dans Great Freedom jamais, ce qui donne toute son ampleur de l’après guerre, c’est le sort réservé dont le titre – on le comprendra tout par- au film, c’est son duo d’acteurs extraor- aux homosexuels dans la République ticulièrement à la fin du film – est parti- dinaires : Franz Rogowski, impression- Fédérale Allemande libérée du joug nazi. culièrement ironique, c’est que tout en nant d’intensité, taiseux, tout en rete- En effet, au titre du terrible Paragraphe se déroulant intégralement en prison, nue, et Georg Friedrich, à l’opposé tout 175, édicté à la fin du xixe siècle puis ag- il décrit à quel point Hans, qui a passé en fureur dans le rôle de Viktor.
LES PROMESSES Reda Kateb), rien n’est jamais gagné et progressivement l’intrigue monte en ten- sion. On sent le poids qui s’accumule sur les épaules des personnages, à la fois très entourés et très seuls dans leur impossibilité de partager leurs doutes, leurs failles, ce qui reviendrait à tendre Thomas KRUITHOF au cours d’une réunion publique avec le flanc à l’ennemi. Dans l’exercice du France 2021 1h38 les habitants copropriétaires de la ci- pouvoir, ses rapports de force perma- avec Isabelle Huppert, Reda Kateb, té des Bernardins, incapables d’assu- nents, il n’y a pas de place pour les états Naidra Ayadi, Jean-Paul Bordes, mer la charge de gros travaux collectifs d’âme personnels, pas de place pour les Soufiane Guerrab, Laurent Poitrenaux… nécessaires pour qu’elle reste habi- hésitations. Tout va vite, très vite, et tous Scénario de Jean-Baptiste Delafon table. Réhabiliter ces lieux devenus in- et Thomas Kruithof salubres, les mettre aux normes, tel est agissent un peu comme s’ils avaient un le rêve de la mairesse, une ambition à 63 don d’ubiquité, que nul pourtant ne pos- Les promesses du titre ne sont pas de millions d’euros : pas une somme que sède. Et alors que Clémence était bien celles que l’on se fait amoureusement l’on trouve dans les caisses d’une pe- décidée à rendre son tablier et avait dans le creux de l'oreille. Que nenni ! tite commune où la population en voie même préparé sa succession, tout va Thomas Kruithof et son co-scénariste de paupérisation n’est même plus as- basculer et faire vaciller ses convictions Jean-Baptiste Delafon (un des auteurs sujettie aux impôts locaux. Voilà douze le jour où le gouvernement va lui propo- de la série Baron noir) s’intéressent au années que Clémence se bat avec fer- ser d’être ministre… Est-ce une fonction dessous des cartes, aux zones nébu- veur pour redonner aux 3000 personnes qui se refuse ? « Il n’y a pas de plus beau leuses inexplorées, aux rapport des in- concernées un logement décent, un peu mandat que celui de maire » disait-elle dividus avec le « système ». Les pro- de bien-être et de dignité. Si la ville de pourtant, un des rares positionnements messes dont il est question, purement la Seine-Saint-Denis n’est pas expres- sur l’échiquier législatif qui reste à taille électorales, sont probablement plus sément nommée, on se doute qu’elles humaine, en contact direct avec les ci- faites pour être trahies que pour être sont des myriades à avoir ce genre de toyens, leurs préoccupations, assurant respectées. Ne pas les tenir, est-ce dé- barres d’immeubles qui se dégradent la jonction entre le niveau local et l’État. jà une forme de mensonge à la popula- et se desquament, servant progressive- tion ? Sujet d’autant plus brûlant avec ment de repaires aux petits dealers et Le récit, mené sur un rythme enlevé, les présidentielles qui nous pendent au aux marchands de sommeil. Le scéna- nous propulse au cœur de l’action po- nez. rio, très précis et renseigné, est le fruit litique de terrain, rarement représentée de longues et méticuleuses enquêtes, à l’écran, plus encore que dans les ar- « Je ne suis pas là pour vous dire qu’on un condensé d’une réalité de terrain. canes du pouvoir. Et par ces temps de va se battre, je suis là pour vous dire Même si toute l’équipe municipale est délitement de la confiance des citoyens qu’on va gagner ! » Tels sont les pro- tendue vers le but fixé par l’élue, son envers ceux qui les représentent, c’est pos de Clémence (Isabelle Huppert) Directeur de Cabinet en tête (excellent fichtrement passionnant.
UNE JEUNE FILLE QUI VA BIEN Écrit et réalisé par piste, sans jamais se départir d’un hu- pable de planquer des papiers quitte à Sandrine KIBERLAIN mour combatif qui incite en toute élé- faire tourner en bourrique son fils et de France 2021 1h38 gance à toujours voir la vie en rose, quoi le menacer, espiègle : « Si tu fais ça, si avec Rebecca Marder, André Marcon, qu’il arrive. tu vas à la mairie, je me jette par la fe- Anthony Bajon, Françoise Widhoff, nêtre. » Quant à son frère Igor, on ou- India Hair… Irène se joue de ses étourdissements blierait presque qu’il est l’aîné sous ses comme elle se joue de tout. Et si son dehors de tendre Cupidon poupin (le Des dialogues gouleyants, une palan- père, un brin inquiet comme se doit de toujours génial Anthony Bajon). Si sou- quée de personnages hauts en couleur, l’être un père, lui suggère de se ména- vent il l’asticote, contrarié et contrariant, une histoire d’une légèreté tragique… ger, elle s’indigne, l’œil pétillant de ma- il sera un jour le premier, après qu’Irène Voilà un premier film qui ne manque lice : « Mais ! Je ne vais tout de même soit rentrée à point d’heure, à calmer la pas de cœur, au double sens du terme. pas me reposer à mon âge ! » Son âge, colère de leur père avec un sourire en Quand Sandrine Kiberlain, qui connait c’est celui de tous les rêves, de tous les coin : « J’aurais dû préparer le terrain à sur le bout des doigts les devants de la possibles. Quand on a dix-huit ans… ma sœur et découcher plus souvent. Je caméra, passe derrière, ça dépote ! On Elle deviendra comédienne, elle y tra- vous ai mal habitués ! » Rebelle, belle et y retrouve toute sa grâce subtile, son re- vaille d’arrache-pied. Elle connaîtra éternelle semble leur complicité fami- gard facétieux. Elle magnifie son propos le grand amour, elle le guette à cœur liale, hors du temps. Alors, si parfois le sans emphase ni grandiloquence, il de- grand ouvert. Irène (Rebecca Marder, monde semble s’assombrir tout autour, vient ode aux jeux, ceux de la vie, ceux époustouflante dans son premier grand si de sombres pensées tentent de se de l’amour, ceux des acteurs ! Elle offre rôle au cinéma, elle qui est entrée à la faufiler entre deux rayons de gaité, Irène à ces derniers des rôles ciselés au cor- Comédie Française à 20 ans !) sourit à la les chasse tôt fait d’un revers de pen- deau, de beaux mots, le temps de les vie comme elle veut que cette dernière sée… poser, de les incarner pleinement. Elle lui sourie. Joyeusement virevoltante du manie à ravir l’art de l’ellipse sans ja- matin au soir, elle excelle à embarquer Mais quand se déroule l’action ? Pendant mais nous perdre en route. La distribu- son monde – que dis-je, le monde en- l’été 1942. Si elle nous parle d’un temps tion est à tomber, juste de bout en bout, tier ! – dans ses humeurs. Gracile, elle que les moins de vingt ans ne peuvent comme cette jeune fille qui va bien, un cultive avec insistance son jardin d’in- pas connaître, elle reste pourtant telle- peu le double de Sandrine Kiberlain tout souciance comme d’autres sèment le ment d’actualité… Grâce au choix ra- en étant le passé d’une autre, de tant vent. Il faut dire qu’elle a de qui tenir ! dical de ne pas coller à la reconstitu- d’autres… Car avec une infinie pudeur, Marceline, sa grand-mère, qu’elle sus- tion historique, de dépoussiérer l’arrière l’auteure-réalisatrice brouille les indices, pecte d’avoir un jardin secret inavoué, plan, tout nous devient familier, contem- invite les spectateurs à un subtil jeu de est une réjouissante tête de mule, ca- porain…
LICORICE PIZZA Écrit et réalisé par Paul Thomas ANDERSON USA 2021 2h13 VOSTF avec Alana Haïm, Cooper Hoffman, Sean Penn, Bradley Cooper, Benny Safdie, Tom Waits… Flash back en 1973 dans la San Fernando Valley, le cœur du rêve californien. Nous sommes dans un lycée américain typique et on découvre au fil d’un superbe plan séquence le long rang d’oignons des élèves mâles sur leur 31 pour la pho- clarant être un jeune acteur prodige, lui to annuelle de classe. Et là, remontant faisant un baratin éhonté tandis que le la file, s’avance une fille plus âgée qui génial travelling se poursuit… LES GAZETTES fait s’écarquiller les yeux et se clouer les becs. Alana est l’assistante (à qui on ne On est constamment sous le charme de ce boy meets girl qui nous fait croire EN INTRAMUROS la fait pas) du photographe. C’est alors qu’un des élèves, Gary, pourtant pas for- que c’est la première fois qu’une histoire d’amour est racontée au cinéma comme Vous pouvez les retrouver cément le dragueur attendu (il est rouquin ça, sous le charme des deux person- et un peu rondouillard) sort du rang et en- nages et de leurs interprètes : la musi- dans plus de 90 points et treprend la belle pour l’inviter au restau- cienne Alana Haïm et Cooper Hoffman, entre autres : rant, lui le morveux de quinze ans alors fils du regretté Philip Seymour. C’est leur qu’elle déclare en avoir 25, avec une premier rôle au cinéma et ils sont à tom- assurance complètement décalée, dé- ber. Aux Halles d’Avignon, un marché couvert situé au THE CHEF centre-ville, lieu de rencontre en temps réel, plein de suspense, tendu et de convivialité, quarante de bout en bout jusqu’à la chute, sont restitués le stress, l’exaltation de tout un commerçants sont à votre microcosme dans le feu de l’action. Nous service. De 6h à 14h, sauf le voilà en immersion, plongés dans une (BOILING POINT) véritable cocotte minute à retardement. lundi, vous pourrez faire vos Ce soir-là, avant même que le service courses mais également vous Philip BARANTINI ne débute, on sent que la mécanique GB 2021 1h34 VOSTF se grippe, que quelque chose s’est déjà restaurer sur place. avec Stephen Graham, déglingué. C’est d’abord un sévère in- L’accès au parking de Vinette Robinson, Alice May specteur de l’hygiène qui vient balader Feetham, Hannah Walters… son nez inquisiteur dans les moindres 556 places se fait par la Scénario de Philip Barantini recoins de la cuisine et promet un rap- rue Thiers et vous vous port salé… Et le Chef étoilé, Andy Jones et James Cummings (formidable Stephen Graham) qui n’est retrouvez directement au- toujours pas là, puis qui parlera de partir C’est l’heure du coup de feu dans ce à peine arrivé… dessus du marché. restaurant gastronomique de Londres. Si elle est criante de vérité, c’est que Une heure de parking est Nous voilà sur le grill, tandis que la bri- cette fiction est le fruit du regard lucide gade s’active frénétiquement derrière ses et sans concession d’un réalisateur qui offerte par les commerçants fourneaux et que les barmen agitent leurs fut lui-même chef cuisinier durant 12 an- des Halles aux clients. shakers. Au fil d’un long plan séquence nées.
UN AUTRE MONDE tertiarisation à outrance bat son plein tandis qu’une partie industrieuse de la population se paupérise. Se met en branle une immense machine à broyer, dont Philippe est censé actionner le le- vier, une fois encore, une fois de trop… Stéphane BRIZÉ pour qu’elle et lui en arrivent là. Elle, Car derrière chaque fiche de paie, il ne France 2021 1h37 Anne, incarnée par Sandrine Kiberlain et peut plus se voiler la face, se cache une avec Vincent Lindon, Sandrine lui, Philippe, par Vincent Lindon, sublime existence, une famille comme la sienne, Kiberlain, Anthony Bajon, Marie couple d’acteurs à l’écran, comme ils le moins riche que la sienne. Dans son Drucker… Scénario d’Olivier Gorce furent dans la vie, ce qui confère à leurs usine au bord de l’implosion, à l’instar et Stéphane Brizé personnages une véracité supplémen- de sa vie, où tous travaillent en flux ten- taire. du avec une véritable implication, ce qui Un autre monde… titre ô combien subtil Il faut à Anne un sacré courage pour quit- n’aurait dû n’être qu’une simple opé- et ambigu qui laisse le champ à de mul- ter ce confort matériel douillet que tant ration de routine se transformera bien- tiples interprétations, d’autant plus dans pourraient lui envier, la grande maison tôt en un plombant cas de conscience. chaleureuse qu’à deux ils avaient amé- Voilà Philippe bien déterminé à changer le contexte actuel. S’agit-il d’un monde la donne face aux autres dirigeants eu- révolu qu’on laisse derrière soi ou de ce- nagée. Mais quoi faire d’autre alors que ropéens, arrivant avec une idée simple lui vers lequel on va, ou encore d’un autre la vie lui semble être devenue un enfer. et grandiose… Une idée que jamais ne rêvé qu’il faudra s’atteler à construire ? Un enfer !? C’est le terme que Philippe devrait avoir un patron… En tout cas cela pourrait bien être le der- ne semble pas pouvoir entendre, le pre- nier volet d’une trilogie entamée avec La mier électrochoc qui fera vaciller ce On ne vous en dira pas plus, pour ne pas Loi du marché qui mettait déjà en scène cadre expérimenté, d’une compétence altérer l’incroyable tension qui vous tien- le monde du travail, de l’entreprise, plus rare, perpétuellement phagocyté par dra en haleine pendant tout le film, mais que jamais En guerre (titre du précédent son travail. La seconde secousse pro- il est indispensable de saluer la perfor- film du réalisateur). viendra du énième plan social que de- mance d’Anthony Bajon dans le rôle du mande d’opérer le PDG américain de sa fils Lemesle, qui est décidément en train Pour Philippe Lemesle, cela semble son- boîte, Elsonn – un nom fictif aux conso- de devenir un acteur majeur du cinéma ner la fin d’un cycle, d’un pan de vie qui nances familières, tout comme le cou- français. s’effondre. Dans les yeux de celle qui plet qui accompagne cette décision : Stéphane Brizé nous livre ici une ana- s’apprête à devenir son ex-compagne, « Sacrifier quelques dizaines d’em- lyse tout aussi poignante que glaçante qui réclame divorce et réparation, sous la plois pour en sauver des centaines d’un système cynique en bout de course couche de colère et d’angoisse mêlées, d’autres…». Pourtant nul n’ignore que dont les maillons humains, y compris les transperce toujours une incommensu- le groupe est largement bénéficiaire, cadres supérieurs, ne semblent pas va- rable tendresse. Sans doute aura-t-il fal- les actionnaires grassement rétribués, loir plus que de simples fusibles inter- lu beaucoup d’usure et de déceptions les ouvriers largement pressurisés. La changeables.
ESPOIR VEN 4 MARS 20h30 OPÉRA GRAND AVIGNON LES JEUNES AMANTS 04 90 14 26 40 www.orchestre-avignon.com Carine TARDIEU pieds. Elle a vécu, elle a aimé, tendre- France 2021 1h52 ment et passionnément peut-être, mais avec Fanny Ardant, Melvil Poupaud, malgré l’apparente assurance que lui Cécile de France, Florence Loiret-Caille, confère sa maturité, c’est une femme qui Sharif Andoura… doute, fragile et à fleur de peau. Libre, in- Scénario d' Agnès de Sacy, Carine dépendante, solitaire et lucide, elle a mis Tardieu, Sólveig Anspach et Raphaële sa vie amoureuse en jachère, comme Moussafir, d’après une idée originale le font parfois les femmes de son âge, de Sólveig Anspach veuves comme elle, ou pas. Mais Pierre va voir en elle non pas une C’est un film né sous une très belle étoile : femme « d’un certain âge », mais une celle de Sólveig Anspach, qui avait com- femme belle, intelligente, mystérieuse et mencé à travailler sur le scénario avant désirable. Shauna sait bien que c’est le d’être rattrapée par la maladie. Une his- genre d’histoire qui peut la fracasser, à la toire qui lui tenait tout particulièrement à fois impossible à vivre sereinement et im- cœur car elle évoque un épisode de la possible à fuir. Une histoire d’amour pure vie de sa propre mère, tombée amou- et mélancolique. reuse d’un homme beaucoup plus jeune C’est un film profondément émouvant qui qu’elle… Une histoire qui montre que rien parle avec délicatesse de la façon dont ne résiste à l’amour. Ni les préjugés, ni les l’amour peut faire irruption à tout âge. différences, ni les conventions. Il porte l’idée que l’on peut naître à soi- Quand Pierre, médecin dans un grand même jusqu’à la fin de sa vie, qu’il reste hôpital lyonnais, croise à nouveau toujours des rencontres à faire, des sen- Shauna (Fanny Ardant et Melvil Poupaud sations à éprouver, des croyances à dé- sont merveilleux), bien des années après passer. Sans caricaturer la situation, l’avoir brièvement rencontrée à l’hôpi- sans gommer non plus toutes les fis- tal, il ne peut encore imaginer le chaos sures que cette différence d’âge laisse émotionnel dans lequel elle va le plon- apparaître au grand jour. La caméra de ger. Il ne sait pas encore qu’il va tomber Carine Tardieu aime ses personnages et amoureux, comme un ado, et n’ose nom- ils le lui rendent bien : tous les quatre (sa- mer le sentiment puissant qui l’envahit, luons aussi la performance de Cécile de quand tout converge irrésistiblement vers France et Florence Loiret-Caille) portent l’autre, quand plus rien n’a d’importance. avec tendresse l’évidence de cette his- Shauna, c’est une femme flamboyante toire… « Ma plus belle histoire d’amour », qui traverse l’existence sur la pointe des comme le chantait Barbara.
VOUS NE DÉSIREZ QUE MOI Écrit et réalisé par Claire SIMON le fond, une phrase à double détente. cet œil qui écoute, cette empathie né- France 2021 1h35 Elle pourrait tout aussi bien être pronon- cessaire sans laquelle la parole n’a pas avec Swann Arlaud, Emmanuelle cée par Yann, le compagnon de Duras de lieu. Leurs hésitations, leurs frémisse- Devos, Christophe Paou, Philippe et de Marguerite, sans jamais bien sa- ments nous captivent. On sent le désar- Minyana et l’ombre de Marguerite D… voir où s’arrête l’une, où débute l’autre, roi noble de Yann face à la corde sen- D’après Je voudrais parler de l’amante, le mythe de la littérature. Pas sible qui enserre son cou, son urgence Duras, entretiens de Yann Andréa plus qu’on ne saurait réduire Yann au d’avoir une confidente qui réponde à avec Michèle Manceaux (Editions seul rôle d’amant, de secrétaire, de je ne l’appel, le tact de cette dernière, son ab- Pauvert / Fayard) sais quoi d’autre, de dominé. On perçoit, sence de jugement. malgré ses mots de soumission consen- « Vous ne désirez que moi ». Une af- tie, que lui aussi, à sa manière, domine Sans même apercevoir son ombre, l’em- firmation qui constate tranquillement dans le fond cette relation et que Duras prise de Duras plane sur son entourage. ou qui cache une forme de supplica- Marguerite ne peut plus se passer de sa L’emprise de cette relation fusionnelle, tion ? Le saurons-nous ? Malgré le té- présence. Il est l’homme absolu. Partis passionnelle rôdera le soir encore sous moignage de Yann, son dernier com- ensemble à la conquête d’un amour ab- les draps de Michèle quand elle rejoin- pagnon, Marguerite Duras restera ce solu, peut-être, d’une écriture absolue, dra son propre compagnon. Duras se li- mystère. Complexe, cachotière tout en surtout. Deux quêtes qui ne peuvent al- vrant à des ébats troublants pas du tout montrant tout. Capable de commander ler sans heurts et qui posent la ques- asexués avec ce « disciple » de 38 ans au lieu de quémander. Tout est contra- tion de la place de l’autre, de la notion son cadet, tous deux abolissant l’âge, diction. Jusqu’à son phrasé aussi per- de domination. Et ça c’est passionnant, les conventions. Un goût de liberté et cutant qu’haché, presque claudiquant. extrêmement inoxydable et contem- de sensualité torride, communicative, En rupture perpétuelle, elle attaque pour porain. Claire Simon ne se trompe pas magnifiquement incarné par les des- ne pas se dévoiler. Une énigme qui en quand elle décide de redonner corps et sins de Judith Fraggi qui prennent sou- avançant s’opacifie vers un dénoue- vie aux entretiens entre Yann Andréa et dain la relève de nos imaginaires. Tout ment impénétrable. La vérité qu’on croit la journaliste Michèle Manceaux, res- est ainsi dans ce film respectueux des un instant avoir saisie l’instant d’après pectivement incarnés par Swann Arlaud personnages, chastement subversif, loin vacille, percutée par une autre vérité. et Emmanuelle Devos : quel meilleur de la bien-pensance stérile, quelle que Duras, c’est un monument fragile autant choix ? Le duo est d’une puissance soit son camp. C’est une rencontre im- qu’une femme, un de ces châteaux de rare, immédiate ! Swann Arlaud jouant probable et jubilatoire. Duras à jamais sable qui s’effondrent alors qu’on pen- sur la partition infiniment ténue d’un être insoumise, même dans ses moments sait leurs fondations fortifiées. d’une douce lucidité désarmante, tandis de soumission, Yann à jamais insoumis, qu’Emmanuelle Devos, dont la camé- même dans ses moments de soumis- « Vous ne désirez que moi » est, dans ra capte les moindres pensées, devient sion. À jamais amoureux.
OUISTREHAM er à Ouistreham, près de Caen, où elle va chercher un travail, n’importe lequel… La voilà à l’essai dans une société de nettoy- age… Combien de temps tiendra-t-elle ? Combien de temps durera l’imposture ? Emmanuel CARRÈRE Un suspens qu’introduit le réalisateur et France 2021 1h46 qui n’était pas dans le bouquin. Car en- avec Juliette Binoche, Hélène Lambert, fin, quoi qu’il arrive, nous savons qu’une Léa Carne, Didier Pupin… porte de sortie existe pour Marianne, Scénario d’Emmanuel Carrère et contrairement à ses compagnes de bal- Hélène Devynck, librement adapté ais, qui ne peuvent pas rendre leur tablier du récit Le Quai de Ouistreham, de pour retourner à une vie confortable. Florence Aubenas (Editions de l’Olivier) Mais cela n’empêchera pas l’amitié et surtout ça n’empêche pas ces person- Quand l’écrivaine Marianne Winckler (Ju- nages d’exister. Car la plupart des pro- liette Binoche) décide d’écrire un roman tagonistes du film ne sont pas des comé- sur le travail des précaires, sur les invis- diens professionnels, mais jouent devant ibles, elle se rend bien compte qu’il lui la caméra leur propre rôle : Christelle, faut s’approcher de son sujet, partager Cédric, Marie Lou… Jamais l’actrice ve- l’expérience des travailleuses qu’elle veut dette, ni l’œil de la caméra ne les écrasent. évoquer dans son livre. Elle décide donc Chacun de leurs coups de gueule ré- de s’exiler loin de chez elle et de s’install- sonne dès lors comme un cri du cœur. LA PLACE que les vêtements et les papiers, Nélie devenue Rose, tremblant de peur d’être démasquée, vient demander humble- ment assistance à ladite Éléonore, dont D’UNE AUTRE elle va devenir la lectrice particulière… Jusqu’à quand Nélie parviendra-t-elle a donner le change ? Quel est le détail qui la trahira ? Surviendra-t-il un jour ? Nélie est excellemment interprétée par la décidément très talentueuse Lyna Khou- Aurélia GEORGES dri, Éléonore est incarnée par la grande France 2021 1h52 Sabine Azéma. avec Lyna Khoudri, Sabine Azéma, Maud Wyler, Laurent Poitrenaux… Scénario d’Aurélia Georges et Maud Ameline, librement adapté du roman de Wilkie Collins Passion et repentir (The New Magdalen, 1873), Éditions Phébus C’est l’histoire d’une imposture, qui prend racine dans la période terrible du début de la guerre en 1914. Nélie, qui a arraché un poste d’aide-soignante dans une unité de soins retranchée, voit arriver avec terreur la fin des combats et son re- tour au triste sort qui était le sien avant la guerre… Profitant de la pagaille générale, elle endosse les vêtements et l’identité d’une autre femme, venue mourir dans l’hôpital de fortune. Elle sera dorénavant Rose Juillet, fille d’un diplomate suisse, un pays neutre, en partance pour aller se réfugier chez Eléonore de Lengwil, une amie chère à son père décédé. N’ayant rien à perdre, usant de la lettre de recom- mandation récupérée en même temps
ILS SONT VIVANTS sans passion, une vie qui manque de sens, dans un milieu où toutes les pen- sées s’articulent autour de la xénopho- bie, du racisme. Est-ce ce drôle de deuil, la chape d’une domination masculine soudain levée qui vont faire vaciller les Écrit et réalisé par Jérémie ELKAÏM nos campagnes, elle ne veut pas avoir convictions immuables de Béatrice ? France 2021 1h52 à s’en soucier ! C’est tout d’abord presque par hasard avec Marina Foïs, Seear Kohi, qu’elle va franchir la ligne de démarca- Laetitia Dosch, Antoine Chappey… L’action, vous l’aurez compris, se passe tion invisible entre son microcosme bien D’après le livre Calais mon amour à Calais, haut lieu de transition qui ac- rangé et la jungle, la terrible jungle peu- de Béatrice Huret avec Catherine cueille toutes les misères du monde. Et plée de sauvages migrants. Tout dès Siguret (Editions Kero) de cette engeance-là, chez beaucoup lors bascule et Béatrice va chavirer dans de gens, on n’en veut pas. Béatrice le regard d’un autre… Une attirance Ne vous fiez pas à son apparence svelte baigne dans un entourage où tous pré- charnelle, sexuelle, puissante que ni la et rangée. C’est une bombe ! Ou plutôt fèrent ignorer que sous les tentes, sous bienséance, ni les vieilles convictions ne un bulldozer… Oui vraiment, Béatrice la crasse désignée, se cache une huma- pourront entraver. (Marina Foïs, magnétique) est un bull- nité vraie, et qu’elle est aussi la leur. Pas angélique, ni manichéenne, c’est dozer, comme toutes ces femmes qui Son foyer ? Béatrice réside dans un petit une belle histoire d’amour qui fait du se sont forgées une carapace face à pavillon impersonnel, une existence en bien à nos neurones. Un Roméo et l’adversité du quotidien, vivant à cent à train de se vider de son encombrant ma- l’heure pour raccourcir d’un coup de ba- ri (à en juger par la taille du cercueil) qui Juliette des temps modernes, où ce ne gnole nerveuse les distances entre leur quitte le bercail les pieds devant. Tous sont plus les familles qui se dressent boulot et leur foyer. ses collègues flics et leurs épouses pro- entre les amants, mais des États entiers, Son boulot ? Elle fait partie de celles prettes assistent à la cérémonie, qui des frontières idiotes. qu’on appelle les invisibles, qui ne le semble procurer à Béatrice plus d’aga- sont pourtant jamais pour ceux qu’elles cement que de tristesse. Peut-être Il aura fallu la détermination de Marina épaulent. Aide soignante, elle porte, une façon de ne pas dévoiler ses sen- Foïs – décidément avisée et auda- lave, écoute, rapide, professionnelle. timents ou autre chose de plus diffus. cieuse dans le choix de ses rôles – pour Dans l’univers frénétique, de plus en Cela sonne-t-il la rupture avec un passé convaincre l’acteur Jérémie Elkaïm (ren- plus pressuré, du monde médical, nul(le) qui l’engluait et dans lequel celui qu’on contré lors du tournage de Polisse…) de n’a le temps de s’appesantir. Quand enterre n’était pas l’ange décrit par les se lancer dans la réalisation avec ce pre- on essaie de refourguer dans son ser- éloges funèbres standardisés qui ont un mier film efficace et touchant dont elle vice un patient étranger, la réaction affreux goût de réchauffé ? Quelques est l’héroïne. Un pari plus que réussi. On de Béatrice claque, sèche et décom- miettes de repas funéraire plus tard, ne parle pas ici de Seear Kohi qui inter- plexée : priorité aux Français qui ont malgré la présence de son fils ado- prète le rôle central de Mokhtar, pour cotisé ! Ces migrants qui arpentent les lescent, de sa mère qui l’épaule, c’est vous laisser le découvrir, car lui aussi rues, qui viennent souiller nos plages, un quotidien d’amertume qui reprend, transperce l’écran.
En collaboration avec Contraluz, séance unique du film le jeudi 24 février à 20h30 suivie d’une rencontre avec Bernard Bessière, professeur à l’Université d’Aix-Marseille, spécialiste de la société espagnole contemporaine et de son cinéma. Vente des places à partir du jeudi 17 février. En collaboration avec Miradas Hispanas, séance unique le jeudi 3 février à 20h00 suivie d’une rencontre avec Cédric Lépine, critique de cinéma LAS NIÑAS Écrit et réalisé par Pilar PALOMERO Espagne 2020 1h37 VOSTF - avec Andrea Fandos, latino–américain, collaborateur des festivals Natalia de Molina, Zoé Arnao, Julia Sierra… Cinelatino, Viva Mexico et du Festival de Biarritz. Nous sommes en 1992 et l’heure espagnole parait avoir pris CANCIÓN une décennie de retard par rapport à la modernité sociale qui règne dans les autres pays d’Europe. Dans les écoles catho- liques, la mixité est toujours prohibée. À l’extérieur, on com- mence à parler du sida, de l’utilité des préservatifs, tandis que l’on continue d’apprendre aux écolières que la sexualité SIN NOMBRE ne doit être qu’un outil au service du mariage et de la pro- création… La discrète Célia, au sourire réservé, que la caméra ne lâchera pas, ne dit pas grand chose de tout cela. Elle accepte sans broncher les balivernes qu’on lui raconte et le cocon de miè- vrerie dans lequel on l’emprisonne. Jusqu’à l’arrivée dans la Melina LEON Pérou 2019 1h37 VOSTF Noir & blanc classe d’une nouvelle élève atypique : l’apparition de Brisa, avec Pamela Mendoza, Tommy Parraga, entre deux cours soporifiques, fera l’effet d’une petite bombe Lucio Rojas, Maykol Hernandez… dépoussiérante. Célia est d’emblée captivée, impressionnée Scénario de Melina Leon et Michael J. White par cette grande gigue au regard insoumis. Les religieuses la percevront d’emblée comme un danger, un fruit trop mûr prêt Cette « chanson sans nom » se met au service de ceux qui à en contaminer d’autres dans le panier. Une forme de rivali- n’ont pas de voix, ou plutôt pas les mots pour la défendre, té jalouse se distille dans la classe, dans les bandes d’amies. comme Georgina et son époux Léo. Ils vivent dans un petit Rapidement les filles oscillent entre l’envie d’intégrer Brisa et village, agrippé au flanc d’une montagne péruvienne. celle de la mettre au ban. En tout cas sa présence sera pour Leo doit quitter sa petite maison pour suivre un groupe ar- Célia une véritable respiration, l’ouverture d’une brèche initia- mé dans lequel il est embrigadé. Par choix ? De force ? On tique dans laquelle elle va s’engouffrer et qui lui permettra de n’en saura pas plus, comme si cela n’avait guère d’impor- poser enfin à sa mère les questions qui lui brûlent les lèvres. tance. Pas plus que ne sera révélé le nom de son organisa- Si le film n’est pas autobiographique, il est néanmoins inspiré tion, même si fatalement on pense au Sentier Lumineux. De de l’enfance de la réalisatrice, quand les cahiers de religion re- son côté, Georgina, laissée seule une fois de plus avec son vêtaient la même importance que ceux de français ou de ma- gros ventre de femme enceinte, partira vers le bourg pour thématiques. Une absence de laïcité qui s’imprègnera dans aller vendre quelques pauvres légumes au marché. Il est la société d’alors, laissant des stigmates difficiles à effacer. évident que le peu gagné ainsi n’est pas suffisant pour faire naître son enfant dans de bonnes conditions. Car à n’en pas douter, Georgina est bien gironde (magnifique performance de l’actrice principale qui a pris 17 kilos pour interpréter le rôle). C’est alors qu’elle désespère d’avoir accès aux soins pour accoucher en toute sécurité qu’une réclame à la radio va attirer son attention : une clinique privée propose d’aider gratuitement les parturientes. Elle n’hésite pas longtemps et se met en route, direction Lima. Arrivée dans la capitale, rien ne se passera comme elle l’aurait rêvé… C’est le parcours poignant d’une combattante anonyme, semblable à celui de tant d’autres femmes. Le parcours éga- lement d’un journaliste indépendant, un des rares à écou- ter ses cris, ses larmes. Une étrange complicité va se nouer entre eux, malgré la distance sociale qui sépare la paysanne de l’homme cultivé. On comprendra que lui aussi subit l’op- pression de cette société patriarcale qui rejette avec virulence l’homosexualité… Stage intensif d’espagnol du 14 au 18 Miradas Hispanas vous propose février, à Avignon. Durée : 20h, 5 jours un autre regard sur les cinémas (4 heures/jour), 200€. Conférence sur la du monde hispanique : projections transition démocratique espagnole par de films, soirées thématiques, conférences et expositions en B. Bessière, mardi 24 février, 18h30, Hôtel de Ville. Voyages : prolongement des projections : miradashispanas.free.fr balade littéraire à Barcelone 26, 27, 28 et 29 mai ; Fête des À noter que l’association fête ses 10 ans le 23 janvier Fleurs, Gérone et Catalogne, 06, 07 et 08 mai. Toutes ces in- (17h00-22h00) au Delirium à Avignon. formations et bien d’autres sur contraluz.fr
H6 nels qui vont suivre, d’abord celui d’une sur les membres de ses patients, les gare, ensuite celui d’un hôpital, le se- gronde quand ils arrivent couronnés de cond semblant le prolongement intermi- gousses d’ail comme si ces dernières nable du premier. étaient la plus puissante des méde- Bienvenue donc à H6, l’hôpital du Peuple cines ? Défile sous nos yeux une véri- n°6 de Shanghai, véritable fourmilière table cour des miracles contemporaine humaine, deux millions de visiteurs par composée d’une humanité métissée, an, des files d’attente si denses qu’on ne rurale ou urbaine, riche ou pauvre, in- sait plus où poser le regard. La caméra croyablement attachante, drôle, émou- s’installe dans nos têtes, nous met dans vante, parfois désespérante, à laquelle Film de YE YE un état de réceptivité maximale, glisse rien n’est épargné et qui pourtant aborde Chine 2021 1h54 VOSTF d’un détail à l’autre, avant de se faire to- son sort avec une jovialité communica- talement oublier. Dès lors elle nous en- tive et une sérénité stoïque. Chacun au- H6, un titre aussi court qu’intrigant pour traîne d’une situation à une autre, dans ra-t-il les moyens de se payer les soins un film magistral ! Il vous cueille à la la vie de six protagonistes principaux nécessaires ? Ici tout se monnaye, gorge sans crier gare, immédiatement qui sont comme autant de facettes de la jusqu’aux services de l’aide soignante. captivant. À jamais ses personnages Chine, un condensé de continent à eux Ici tout se sait, point de chambre indi- resteront gravés dans les mémoires tout seuls. Les pièces du puzzle s’im- viduelle, encore moins d’intimité. C’est telles d’ineffables rencontres. La toute briquent peu à peu, inexorablement. De une leçon de vie assez terrible quand la tragi-comédie humaine qui se joue on vient d’une société où la moindre jeune réalisatrice Ye Ye réussit pour sa devant nos yeux, on ne perdra pas la bosse dans la carrosserie d’une bagnole première œuvre à retranscrire à l’écran moindre goutte, brûlant de connaître la donne parfois lieu à de véritables mé- tout ce qui fait la singularité de son im- suite de chaque histoire comme les épi- lodrames. H6 nous invite à relativiser ! mense pays d’origine, elle nous donne sodes d’un captivant feuilleton. Que de- à ressentir les pulsations de son cœur, viendra cette vieille femme à laquelle L’envie d’aller croquer son pays origi- nous propulse dans ses secrets des- son homme donne amoureusement la nel sous cet angle si particulier est née sous, ses fragilités. Dépaysement total becquée comme on le ferait pour un chez la réalisatrice après un séjour dans garanti qui tend pourtant vers une uni- oisillon loin de son nid ? Et ce paysan un hôpital français. Le rapport à la vie, versalité bénéfique, réveillant en nous tombé d’un arbre ? Et encore ce père à la mort était perçu de manière si dia- des désirs d’entraide et l’envie de dé- qui ne cesse de chanter (faux, certes !) métralement opposée à la conception fendre notre magnifique système public pour que son adolescente de fille et les chinoise qu’elle a réalisé que là résidait de santé et de solidarité. autres malades se rétablissent bientôt, la clé pour comprendre les différences les exhortant tous à rire, le meilleur des entre ces deux peuples qui battent dans Le contraste est saisissant entre le remèdes ? Est-ce un vrai médecin, ce son cœur à l’unisson et de fait, elle nous calme olympien de l’arrière pays rural et bonhomme hilarant et dégingandé, qui tend un miroir dans lequel il est salutaire le bouillonnement des halls imperson- fait sa gymnastique sous nos yeux, tire de se regarder.
Vous pouvez aussi lire