Autres rôles, transversaux, de la biodiversité - ANNEXE C - ECOBIOSE
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CHAPITRE Annexe C Enjeux liés au réchauffement climatique, à la santé humaine et aux matériaux & ressources Le rôle de la biodiversité dans les sociétés humaines et les écosystèmes ne se limite pas aux fonctions exposées dans chacun des chapitres relatifs aux socio-écosystèmes régionaux. La biodiversité contribue en effet à des enjeux transversaux aux socio-éco- systèmes, qui ne relèvent pas forcément directement de l’écologie ou de l’économie territoriale. Sans vouloir être exhaustif, nous avons identifié trois de ces enjeux trans- versaux : le changement climatique, la santé humaine, et les bio ressources ou bio mimétisme. La section 1 présente les processus écologiques liés à la biodiversité per- mettant d’atténuer le réchauffement climatique et d’adapter les sociétés à ses impacts. La section 2 aborde les contributions de la biodiversité dans le domaine de la santé, à la fois négatives et positives. La biodiversité représente enfin un vaste ensemble de ressources matérielles et génétiques et un réservoir d’innovations dont les applica- tions peuvent bénéficier au secteur de la biologie génétique, de l’énergie, ou encore de l’ingénierie, objet de la section 3. Ce chapitre présente de manière non-exhaustive et à titre indicatif les acteurs de recherche et développement pour chacune de ces théma- tiques transversales aux socio-écosystèmes. Cette revue générale se concentre sur des études scientifiques régionales dans la mesure du possible, et le cas échéant présente les principaux travaux d’acteurs régionaux engagés dans le développement de ces rôles de la biodiversité en Nouvelle-Aquitaine. 2
SOMMAIRE Annexe C C.2.2. BIODIVERSITÉ ET BIEN-ÊTRE HUMAIN.......................... 14 C.1 Rôle de la biodiversité pour lutter contre le réchauffement C.2.3. BIODIVERSITÉ ET SÉCURITÉ ALIMENTAIRE................... 15 climatique...................................... 4 C.1.1. ATTÉNUATION DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE C.3 Biodiversité : matériaux et GRÂCE À LA BIODIVERSITÉ....................................................... 5 innovations................................... 16 1• R ôle de la biodiversité dans la réduction des émissions de GES...............................................5 C.3.1. VALORISATION ET CONSERVATION GÉNÉTIQUES EN NOUVELLE-AQUITAINE .................................................... 16 2• R ôle de la biodiversité dans la séquestration et conservation du carbone................................... 6 C.3.2. RÔLE DE LA BIODIVERSITÉ POUR UNE ÉNERGIE VERTE ISSUE DE LA BIOMASSE RÉGIONALE........................... 18 C.1.2. ADAPTATION AUX EFFETS CLIMATIQUES DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE GRÂCE À LA BIODIVERSITÉ...................................... 8 C.3.3. LE POTENTIEL SOCIO-ÉCONOMIQUE 1• R ôle des services de régulation supportés DU BIOMIMÉTISME EN RÉGION NOUVELLE-AQUITAINE.......... 19 par la biodiversité............................................. 8 2• R ôle de la biodiversité comme ressource de substitution...................................................... 9 C.4 Bibliographie............................... 20 C.1.3. ATTÉNUATION ET ADAPTATION AU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE PAR LA BIODIVERSITÉ: QUELLES RELATIONS ENTRE LES DEUX OBJECTIFS................ 10 C.2 La biodiversité et la santé humaine : interactions et enjeux régionaux........................ 11 C.2.1. BIODIVERSITÉ ET ENJEUX MÉDICAUX ET CLINIQUES ..... 11 égétation, pollen, et risque allergique.............. 11 1• V 2• M aladies vectorielles........................................12 Rédacteurs : Théo Rouhette1 & Vincent Bretagnolle2 Remerciements : Olympe Delmas (CEBC - CNRS) 1) theo.rouhette@cebc.cnrs.fr (Centre d’Etudes Biologiques de Chizé (CEBC), CNRS, Villiers-en- Bois) 2) vincent.bretagnolle@cebc.cnrs.fr (Centre d’Etudes Biologiques de Chizé (CEBC), CNRS, Villiers- en-Bois) 3
CHAPITRE Annexe C Rôle de la biodiversité pour lutter C.1 contre le réchauffement climatique Le réchauffement climatique impacte déjà les écosystèmes terrestres et marins en modifiant l’intensité et la fréquence des évènements météorologiques extrêmes. Les effets sur les sociétés humaines sont directs ou in- directs, incluant l’augmentation du niveau de la mer, l’intensité des orages, des feux de forêts, des sécheresses, des inondations et des canicules. Le changement climatique perturbe également les systèmes de production agricole et les réseaux trophiques desquels dépendent les activités économiques. Les conséquences du changement climatique sur la biodiversité intègrent l’augmentation du taux d’extinction des espèces, tel que synthétisé dans le dernier rapport global de l’IPBES, publié en mai 2019 (Diaz et al., 2019). A l’échelle régionale, Acclimaterra, déclinaison régionale du GIEC, a analysé à l’aide de scénarios les impacts du réchauffement climatique sur les territoires et les écosystèmes régionaux de la Région Nouvelle-Aquitaine. De même, le pro- gramme ‘Les Sentinelles du Climat’, coordonné par l’association Cistude Nature, réalise le suivi d’espèces ani- males et végétales indicatrices des effets du changement climatique sur la flore et la faune de la Nouvelle-Aqui- taine. Plus récemment la feuille de route Néoterra, adoptée en plénière en juillet 2019, conjugue des politiques régionales dédiées aux problématiques climatiques et écologiques. Si le changement climatique a un effet sur la biodiversité, l’effet de la biodiversité sur le changement climatique est également avéré, de manière directe et indirecte et à diverses échelles spatiales et temporelles. La biosphère terrestre et marine est une composante majeure du cycle du carbone : elle en représente un stock de plus de 600 Giga tonnes. Les sols et composés organiques constituent quant à eux un stock 4 fois plus important encore (2 600 Giga tonnes). La dynamique de la biodiversité végétale a des impacts rétroactifs sur le système atmosphérique et plus particulièrement sur la concentration des GES. La biodiversité revêt donc un rôle de premier plan dans le contexte des changements globaux, étant en mesure d’atténuer le réchauffement climatique. Si les émissions dues à l’agriculture et à la déforestation se sont stabilisées, elles sont toujours responsables de 24% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) : la biodiversité peut aider à réduire ces émissions en capturant le carbone atmosphérique. En outre, la biodiversité a un rôle clé dans l’adaptation aux effets du changement climatique : elle peut améliorer la résilience climatique des socio-écosystèmes de Nouvelle-Aquitaine. Ainsi, la crise climatique et le déclin de la biodiversité peuvent et doivent être considérés conjointement à travers une approche systémique et non sectorielle. Les solutions à ces deux crises environnementales sont fortement liées et les associer permet de bénéficier de synergies nécessaires aux transformations énergétiques et écologiques. Cette section propose de résumer la recherche et les projets scientifiques en Nouvelle-Aquitaine sur le rôle de la biodiversité dans l’atténuation du réchauffement climatique et dans l’adaptation de la société à ses effets. l’ex-région Aquitaine les possibles scénarios d’impact des changements climatiques à venir. A la demande de la Région Nouvelle-Aquitaine, un deuxième tome, intitulé « Anticiper les changements en Nouvelle-Aqui- taine – Pour agir dans les territoires », fût publié en 2016 – 2017, fruit du travail collectif de plus de 240 chercheurs coordonnés par Hervé le Treut. Le rapport Acclimaterra, anticiper les d’Acclimaterra a cherché à estimer pour les milieux régionaux quelles pouvaient être les conséquences changements climatiques en et les réponses à apporter aux effets du changement Nouvelle-Aquitaine climatique, offrant des pistes de réflexion sur l’adap- tation, la gouvernance, la recherche scientifique et les Dès 2013, le rapport « Prévoir pour agir, les impacts du actions nécessaires au sein des différents milieux et changement climatique en Aquitaine » présentait pour secteurs socio-économiques concernés. 4
CHAPITRE Annexe C Principales composantes du changement climatique en agriculture et voies par lesquelles les systèmes de culture FIGURE peuvent influer l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre et l’adaptation au changement climatique (d’après C.1 Debaeke et al., 2017). C.1.1. Atténuation du réchauffement climatique grâce à la biodiversité 1. Rôle de la biodiversité dans la réduction des part importante des émissions de CO2 engendrée par l’agri- émissions de GES culture conventionnelle provient aussi de la combustion de combustibles fossiles pour la fabrication des produits phyto- Premièrement la biodiversité végétale peut être utilisée sanitaires. Comme démontré ailleurs dans ce rapport, la bio- afin de réduire les émissions de GES (CO2, N2O, et CH4), diversité peut remplacer et substituer des fonctions remplies notamment dans les milieux agricoles. L’augmentation des par les pesticides et les fertilisants tout en préservant le sol émissions de ces GES est le principal facteur engendrant le et ses organismes. La biodiversité peut donc remplacer, au changement climatique: la biodiversité, dans ce contexte, moins en partie, le recours aux intrants, et donc contribuer peut atténuer ces changements en agissant sur l’ensemble indirectement à une réduction de l’utilisation des énergies des sources de ces GES. fossiles. De même, la restauration des éléments semi-na- • Le dioxyde de carbone (CO2) turels favorise les réseaux trophiques du sol et augmente le stock de matière organique (notamment carbonée), ainsi que Les émissions de CO2 représentent la principale source le contrôle biologique des ravageurs. Le développement de de l’effet de serre et donc du réchauffement climatique. Il ces pratiques agro-écologiques en Nouvelle-Aquitaine peut existe de nombreuses sources de CO2, notamment la com- ainsi atténuer le réchauffement climatique en réduisant les bustion des énergies fossiles qui engendre la majorité des émissions de CO2 des systèmes productifs par substitution émissions de CO2 de source humaine à travers les secteurs aux produits phytosanitaires. Les travaux quantifiant ces industriels et les transports. Cependant, les systèmes agri- mécanismes et processus demeurent néanmoins limités coles, et plus généralement les modifications de l’utilisation dans la région. des terres, sont aussi des sources d’émissions de CO2. La déforestation et la conversion des forêts en terres agricoles • Le protoxyde d’azote (N2O) ont par exemple dégradé les puits de carbone terrestre, L’épandage d’intrants, notamment les fertilisants (minéraux engendrant un transfert du carbone vers l’atmosphère. De ou organiques) azotés, est une pratique courante dans les so- même, le retournement des prairies permanentes en terres cio-écosystèmes de production. L’application de ces produits arables émet du carbone dans l’atmosphère. Dans la Région est justifiée par ses utilisateurs par le fait que la concentra- Nouvelle-Aquitaine, les écosystèmes de production (plaines tion en azote est un déterminant de la productivité végétale agricoles, vignobles et forêts) engendrent des émissions de et donc des rendements agricoles. Néanmoins, l’utilisation CO2 en fonction leur mode de gestion que l’usage ou le main- de ces produits, particulièrement quand les apports azotés tien de la biodiversité pourrait contribuer à diminuer. Une sont en excès par rapport aux besoins des plantes cultivées, 5
CHAPITRE Annexe C engendre des émissions de GES tel que le protoxyde d’azote • Le méthane (CH4) (N2O). Ce gaz au pouvoir de réchauffement global équiva- Le secteur agricole, et plus particulièrement l’élevage, est respon- lent à 298 fois celui du CO2 est produit lors des processus sable de plus de la moitié des émissions de GES sous la forme biochimiques de dénitrification et nitrification dans le sol, de méthane (CH4). Les ruminants et autres bovins émettent avec des taux augmentant avec la concentration de nitrate et en effet une quantité importante de ce GES au fort potentiel de d’ammonium. Dans la Région Nouvelle-Aquitaine, on estime réchauffement (pouvoir de réchauffement global (PRG) 25 fois le montant des émissions de N2O à plus de 16 349 tonnes/ plus important que le CO2). Dans ce contexte, et en parallèle de an en 2014 dont 89% proviennent de l’agriculture (Atmo-NA, la promotion de régimes alimentaires à bas apports de sources 2019a). La biodiversité végétale peut être utilisée comme carnées, il est urgent de trouver des solutions permettant de une alternative aux intrants chimiques azotés : les légumi- diminuer les émissions de CH4 par les élevages. Un déterminant neuses possèdent la capacité de fixer l’azote atmosphérique majeur du taux d’émission de CH4 par les ruminants est leur qui est sous forme de diazote (N2). Une fois fixé chimique- régime alimentaire. Par exemple, dans le Massif Central, une ment dans le sol, l’azote devient « biodisponible » pour les vé- équipe de chercheurs a étudié les différents taux de fermentation gétaux. Les légumineuses agissent donc comme une source de 156 espèces de plantes lors de la digestion et les ont compa- d’azote pour les sols sans nécessité d’apport chimique ré aux rejets de méthane pour le ray-grass vivace, une graminée extérieur, et limitent donc les émissions de protoxyde d’azote utilisée pour nourrir les bovins. Les résultats ont permis d’iden- dans l’atmosphère. En outre, leur culture comporte d’autres tifier 16 plantes qui ont démontré une réduction simultanée de avantages agro-environnementaux tels que la rupture des plus de 80% de production de N-NH3 (azote ammoniacal) et de cycles parasitaires et des adventices, l’augmentation de 30% d’émission de CH4 par unité de matière organique digérée la qualité de l’eau (moins de lessivage de nitrate) et de l’air (Macheboeuf et al., 2014). Les familles réduisant les émissions (moins de volatilisation d’ammonium) ou encore des avan- le plus efficacement sont les Rosaceae, les Onagraceae, les tages en termes d’adaptation des pratiques culturales aux Polygonaceae et les Dipsacaceae. Ainsi, la diversité végétale effets des changements climatiques (voir section 1.2). La régionale peut potentiellement permettre de réduire les émis- Chambre Régionale d’Agriculture Poitou-Charentes, en par- sions de CH4 provenant de l’élevage (sans considération ici pour tenariat avec l’INRA Les Verrines, a réalisé des travaux sur la diverses variables économiques pouvant limiter l’applicabilité de gestion de l’interculture avec des légumineuses pour limiter ces travaux). les transferts d’azote, maximiser la production de biomasse pour capitaliser la quantité d’azote, et optimiser les disponi- 2. Rôle de la biodiversité dans la séquestration et bilités de l’azote pour le rendement de l’année suivante. Ils démontrent que les couverts de légumineuses diminuent la la conservation du carbone quantité de nitrates lessivables du sol par rapport à un sol Deuxièmement, la biodiversité peut être utilisée pour aug- laissé nu (Vericel & Minette, 2010). Développer les cultures menter les stocks de carbone dans les écosystèmes régio- de légumineuses fait partie des mesures agro-environne- naux par la séquestration du CO2 atmosphérique et conser- mentales et climatiques (MAEC), et des projets associatifs vation des stocks de carbone existants. L’augmentation de nationaux et régionaux promeuvent leur mise en culture, tant la concentration atmosphérique du CO2 et ses effets directs pour les effets bénéfiques sur la fertilité des sols que sur leur et indirects, peuvent en effet être atténués non seulement par potentiel de substitution aux fertilisants azotés responsables une réduction des émissions de GES mais aussi par une aug- des émissions de protoxyde d’azote (voir Luzco sur les légu- mentation et une préservation des stocks de carbone non-at- mineuses : http://luzco.fr/le-projet-luzco/). mosphérique. Le cycle du carbone est constitué de plusieurs stocks, dont l’atmosphère, le sol, la végétation et les océans. Schéma du rôle de la biomasse ligneuse Forêt gérée 1. Séquestration FIGURE (photosynthèse) en forêt C.2 dans l’atténuation du réchauffement Stock en c l i m a t i q u e ( d ’a p r è s carbone Forêt Privée Française). 2. Stock dans les produits bois Économie d’émission de gaz à effet de serre 3. Substitution à des Usage du bois énergies fossiles et des matériaux énergivores 6
CHAPITRE Annexe C Afin d’éviter les émissions, deux priorités apparaissent : 1. protéger et retenir les stocks de carbone existants dans les écosystèmes, par des aires protégées et des programmes de Le potentiel de l’agrofores- conservation dans tous les socio-écosystèmes ; terie pour la gestion des 2. restaurer les stocks de carbone épuisés par une meilleure ges- tion environnementale et la restauration écologique des milieux stocks de carbone dégradés. Dans ce contexte, la biodiversité peut être utilisée afin d’agir sur les quantités des flux de carbone entre les différents L’agroforesterie pourrait permettre d’augmenter compartiments du cycle du carbone. le stockage de carbone dans la biomasse sans réduire les rendements (Debaeke et al., 2017). • La séquestration du carbone par la végétation L’agroforesterie est un système agricole asso- La photosynthèse est le processus biologique par lequel le ciant les arbres et les cultures ou l’élevage. A ce carbone atmosphérique, sous forme de CO2, est absorbé chimi- titre, ce mode d’exploitation peut aussi augmenter quement par la végétation sous forme organique (glucide). La le carbone stocké dans le sol en augmentant le photosynthèse est, encore aujourd’hui, le seul moyen dont nous carbone entrant par les arbres (feuilles et racines) disposons pour capturer du carbone dans l’atmosphère. La végé- tation représente un puits de carbone, c’est-à-dire, dans certaines avec une densité faible d’arbres et des haies en- conditions écologiques, un compartiment qui absorbe plus de tourant les parcelles agricoles. De nombreuses carbone de l’atmosphère qu’il n’en émet. La séquestration du études se sont intéressées au potentiel de l’agro- carbone correspond au stockage à long-terme du CO2 hors de foresterie dans la gestion du carbone et une étude l’atmosphère : la végétation et plus particulièrement les arbres française a démontré ce fort potentiel à des coûts peuvent donc être mobilisés pour atténuer le réchauffement cli- modérés (les coûts ajoutés étant partiellement matique par absorption du carbone atmosphérique. Par ailleurs, compensés par les bénéfices des autres produits il a été démontré que les forêts et les écosystèmes séquestrant comme le bois ou la récolte fruitière) (Pellerin le plus de carbone sont également les plus diversifiés, malgré et al., 2014). L’agroforesterie peut par ailleurs de fortes variations régionales (Liang et al., 2016). En Région Nouvelle-Aquitaine (cf. chapitre « Forêts et bois »), peu ou pas contribuer à l’adaptation au réchauffement de d’études régionales ont étudié le rôle de la biodiversité forestière manière indirecte en maximisant l’utilisation des sur les stocks de carbone en Nouvelle-Aquitaine et a fortiori son ressources en eau souterraine (Abildtrup et al., potentiel rôle d’atténuation du réchauffement par séquestration 2006). Les arbres et les haies peuvent également du carbone. Néanmoins, les forêts régionales font tout de même générer des habitats pour la faune sauvage et partie de programmes et de projets ayant pour objectif de valori- encourager le contrôle biologique des ravageurs, ser le puits de carbone forestier. permettant de réduire l’usage de produits phyto- • Le stockage et la conservation du carbone dans le sol sanitaires. En Région Nouvelle-Aquitaine, l’agro- foresterie est une mesure incluse dans le Plan de Dans le sol, les processus biochimiques impliqués dans les transferts de carbone entre la végétation et l’atmosphère sont Compétitivité et d’Adaptation des Exploitations également un levier important pour lutter contre le réchauffe- agricoles (PCAE). Une étude menée sur 6 sites en ment climatique, car les stocks de carbone dans le sol sont le France incluant 2 sites de Poitou-Charentes (Saint deuxième plus grand réservoir actif de carbone après les océans. Jean d’Angély et Melle) a par ailleurs démontré Ainsi, conserver ces stocks, et même augmenter le puits de car- que le couvert végétal des arbres favorise le stoc- bone qu’ils représentent, contribue directement à l’atténuation kage du carbone du sol : le stock de C souterrain du réchauffement climatique. Cependant, le rôle du sol dans le augmente jusqu’à 50% en moyenne à une profon- stockage du carbone est fortement dépendant des modes de deur de 30 centimètres sous les rangs d’arbres gestion du sol. La modification de l’usage des terres et la dégra- par rapport aux champs de céréales cultivés sans dation des sols (pollution, dégradation physique…) diminuent en effet le potentiel de stockage du carbone (Rattan, 2004). arbres (Cardinael et al., 2017). Les transferts de carbone entre atmosphère ou végétation et sol dépendent d’une grande variété d’organismes qui forment Nouvelle-Aquitaine, optimiser le potentiel de stockage du sol des réseaux trophiques complexes. Ces organismes sont des grâce à la diversité édaphique et végétale implique la mise en bactéries, des champignons mycorhizens, des décomposeurs place de pratiques agro-écologiques pour la gestion du sol. divers (comme les espèces saproxyliques ou les vers de terre). Les sols régionaux contiennent 0.435 109 (milliards) de tonnes Ils participent au stockage et à la conservation du carbone de carbone, ce qui représente 38 fois les émissions annuelles dans le sol par plusieurs mécanismes : limitation de l’érosion, de GES de la région. On observe une grande variabilité dans la association symbiotique avec la végétation, formation du sol et répartition de ce stock en fonction du pédoclimat mais aussi de recyclage des nutriments. La minéralisation est un processus l’usage des sols. Ainsi, les teneurs les plus faibles sont obser- augmentant le taux de matière organique dans le sol et donc vées en zones de grandes cultures ou de vignobles tandis que leur stock de carbone, qui est proportionnel à la diversité biolo- les prairies permanentes et les forêts stockent jusqu’à 1,5 fois gique. Des mesures concrètes incluent la restauration des sols plus de carbone que les zones agricoles ou viticoles (Meers- dégradés, la couverture du sol, la plantation d’espèces végétales, mans et al., 2012). l’usage de compost et de fumier pour nourrir le sol. En Région 7
CHAPITRE Annexe C La Biodiversité comme moyen de substitution des énergies fossiles Finalement, à la séquestration et à la conser- vation du carbone par l’usage de la biodiver- sité, s’ajoutent toutes les possibles substi- tutions matérielles qu’offrent les ressources naturelles. Le secteur industriel représente en effet une source majeure d’émission de CO2, notamment dans la construction, mais aussi dans le secteur énergétique. Ces secteurs sont donc des leviers importants pour réduire les émissions et atténuer le réchauffement cli- matique : la biodiversité peut ici aussi jouer un rôle important en fournissant des matériaux durables et avec un coût écologique moindre. Le rôle de la biodiversité dans la production d’énergie verte est développé dans la section suivante de ce chapitre. © Pixabay C.1.2. Adaptation aux effets du réchauffement climatique grâce à la biodiversité La biodiversité peut aussi servir de support pour adapter les notamment le contrôle de l’érosion, des inondations, des socio-écosystèmes régionaux aux effets divers du réchauffe- tempêtes, des incendies, ou encore des pathogènes et mala- ment climatique. Traditionnellement, l’adaptation au réchauf- dies pouvant bénéficier de l’augmentation moyenne des tem- fement climatique ouvre le débat entre deux approches : les pératures. En Région Nouvelle-Aquitaine, plusieurs services solutions fondées sur la technologie et les solutions fondées de régulation soutenus par la biodiversité remplissent ce rôle sur la nature. La biodiversité et les services écosystémiques d’adaptation. Les changements climatiques engendrent par sont mis en avant et encouragés par la seconde approche, exemple un aléa de submersion marine sur le littoral, notam- proche de l’approche écosystémique de gestion des so- ment à cause de la présence de vastes territoires à basse cio-écosystèmes (cf chapitre « Gouvernance »). De manière altitude. La tempête Xynthia de 2010 est le dernier épisode spécifique ou transversale, et en complément de son rôle majeur de submersion marine ayant causé de nombreux dans l’atténuation du réchauffement, la biodiversité peut dégâts, y compris humains, sur les côtes du Pertuis-Charen- servir de fondation pour l’adaptation des socio-écosystèmes tais. Adapter le littoral est donc un enjeu sociétal primordial. régionaux au changement climatique. Dans ce contexte, des projets de restauration écologique de zones humides peuvent participer à la protection des côtes 1.Rôle des services de régulation supportés par qui verront une augmentation de la fréquence et de l’intensité la biodiversité d’évènements météorologiques extrêmes. Des études se concentrant sur le Pertuis-Charentais suggèrent que des La biodiversité, notamment paysagère, fournit une base mesures d’adaptation naturelle peuvent non seulement être d’adaptation aux aléas climatiques par les multiples services moins coûteuses que les digues de premier ordre pour la pro- de régulation qu’elle soutient. Plusieurs services écosys- tection des côtes, mais aussi être bénéfiques aux zones de témiques d’origine biotique sont ainsi impliqués dans des nourriceries des poissons et d’habitats d’oiseaux migrateurs, processus de régulation, de protection et de maintenance en plus de créer une épuration naturelle des eaux profondes de structures et fonctions écologiques réduisant l’intensité et de surface (Bertin et al., 2014; Chaumillon et al., 2017). des conséquences du réchauffement climatique. Ceci inclut 8
CHAPITRE Annexe C 2.Rôle de la biodiversité comme ressource de substitution La biodiversité peut agir comme ressource de substitution et d’assurance face aux effets du changement climatique, notamment dans les agroécosystèmes régionaux. En plus de fournir des services, la biodiversité est en effet un réservoir de ressources génétiques, spécifiques et fonctionnelles, qui peut servir de substitut à des organismes utilisés et produits dans les socio-écosystèmes mais peu adaptés ou vulnérables aux changements climatiques. Pour les systèmes agricoles, le chan- gement des dates de semis des cultures est l’adaptation la plus simple et la moins coûteuse, mais elle reste limitée comparée aux méthodes basées sur la diversité végétale et paysagère. Une des principales stratégies d’adaptation basée sur la diver- sité consiste ainsi à choisir de nouvelles espèces. La diversité spécifique et génétique des semences permet un choix de nou- velles variétés négligées jusqu’ici mais qui pourraient être mieux adaptées aux conditions climatiques actuelles et futures. Par exemple, utiliser des semences plus précoces et à cycle court, ou bien des cultures moins gourmandes en eau, permet d’éviter le stress hydrique, de résister à la sécheresse et d’utiliser moins d’eau. Ces cultures sont actuellement peu développées en Nou- velle-Aquitaine. Le maïs pourra par exemple être remplacé par des cultures ne nécessitant pas d’irrigation, comme le tournesol ou surtout le sorgho. Par ailleurs, la diversification des types de production et des cultures peut aussi être un levier d’adaptation © Laurent Mignaux important sur l’échelle temporelle avec la modification et l’élar- gissement des choix variétaux dans les systèmes en rotations, ainsi que l’introduction de végétation non-cultivée comme dans ragères plus résistantes à la sécheresse comme le sorgho (No- les inter-rangs de vignes. Finalement, la diversité et plasticité vak et al., 2015). Ce dispositif est soumis à une évaluation multi- génétique des cultures pourront être utilisées pour la sélection critère qui va étudier le système sur le long-terme, pour quantifier végétale de certains traits spécifiquement adaptés aux aléas comment la diversification des éléments et des fonctions d’un climatiques (résistance aux chocs thermiques, à la sécheresse, système agricole permet d’adapter les agroécosystèmes aux aux surplus d’eau). Cette stratégie s’inscrit dans le long-terme aléas climatiques tout en maintenant un niveau de production et par rapport à la diversification intra et inter-espèces à différentes de performances environnementales élevées. échelles spatio-temporelles, et doit donc être anticipée pour four- Un autre projet également coordonné par l’INRA, LACCAVE nir des variétés adaptées à temps. (www6.inra.fr/laccave), développe une approche pluridiscipli- En Région Nouvelle-Aquitaine, le dispositif expérimental OasYs naire afin d’étudier à la fois l’impact du réchauffement climatique (INRA, Lusignan, Vienne) mène des travaux de recherche sur un sur la filière vigne et vin mais aussi les stratégies d’adaptation. système bovin laitier innovant, diversifié et durable. Le dispo- Ce projet mène plusieurs études afin de prévoir les réponses des sitif comprend 90 hectares de prairies et cultures et 72 vaches vignes à la sécheresse et la variabilité spatiale du climat. Parmi laitières. Reposant sur une approche agroécologique globale à les thématiques de recherche, les chercheurs se sont intéressés l’échelle de l’exploitation, les fonctions du système sont multi- aux usages potentiels de la diversité génétique des scions et pliées par la diversification des éléments : espèces, variétés et des porte-greffes dans l’adaptation. Ils ont identifié trois facteurs mélanges végétaux (avec un recours accru aux légumineuses), génétiques sur lesquels elle peut agir : la phénologie, en utilisant races laitières (Holstein, Rouge scandinave et Jersiaise en croi- des clones et variétés arrivant à maturité plus tard ; l’usage de sement), périodes de vêlage (printemps et automne). Ainsi ce l’eau, pour contrer l’effet des étés plus secs attendus et la qualité dispositif étudie les synergies possibles entre différents types de du raisin, afin de prévoir des réactions dans la variabilité aroma- production, avec des prairies multi-espèces, et des cultures four- tique sous des hautes températures (Duchêne, 2016). © Jean Weber 9
CHAPITRE Annexe C C.1.3. Atténuation et adaptation au réchauffement climatique par la biodiversité: quelles relations entre les deux objectifs? Les rôles de la biodiversité dans l’atténuation et l’adapta- d’adaptation devraient avoir des impacts positifs sur l’atté- tion au réchauffement climatique peuvent être conciliés et nuation du changement climatique en améliorant l’efficacité appliqués conjointement afin de maximiser les synergies de l’utilisation de l’azote et du stockage du carbone dans le et minimiser les antagonismes possibles. Les agroécosys- sol. Néanmoins, le facteur principal d’antagonisme entre ces tèmes devront en effet répondre à trois objectifs (en plus de deux stratégies est le coût potentiellement élevé en eau des la conservation de la biodiversité): réduire les émissions de leviers d’atténuation pouvant engendrer des stress hydriques GES, s’adapter aux changements et fluctuations du climat, et néfastes. En effet, la culture de légumineuses et d’herbes en sécuriser une production alimentaire durable. Les compro- vignes, bien que contribuant à la séquestration du carbone, mis entre les options de transformations des systèmes de peut également entrer en compétition avec les espèces culti- production doivent donc être identifiés et anticipés dans une vées déjà menacées par la raréfaction de l’eau. Le tableau perspective globale d’optimisation de la production alimen- suivant, adapté du rapport Acclimaterra, identifie les syner- taire. D’après Smith & Olesen (2010), la plupart des stratégies gies et antagonismes possibles entre les deux objectifs : Principaux leviers pour l’adaptation et l’atténuation du réchauffement climatique grâce à la TA B L E A U C.1 biodiversité, adapté du rapport Acclimaterra (+++ : levier très important ; ++ levier important ; + levier modérément important ; = levier sans effet ; - levier ayant un effet antagoniste). Rôle de la biodiversité Adaptation Atténuation Synergies & antagonismes possibles Maintien/développement de la prairie +/- +++ Permet le stockage de C, mais production permanente limitée en été du fait du déficit hydrique Diversification des cultures. Choix +++ = Levier important d’adaptation. Pas d’effet sur d’espèces et de variétés adaptées l’atténuation sauf si cela modifie la fertilisa- tion azotée ou le retour de carbone au sol Légumineuses (soja, =/- +++ Antagonisme possible car certaines pois…) légumineuses sont sensibles au manque d’eau Cultures intermédiaires +/- ++ Permet un stockage accru de C dans le (dont légumineuses), sol, une réduction des pertes d’azote par enherbement des vignes lixiviation, une limitation de l’érosion, une et vergers réduction d’usage des engrais N si la culture intermédiaire est une légumineuse. Mais risque de compétition pour l’eau Agroforesterie et haies +/- +++ Permet un stockage de C, un microclimat plus favorable, mais risque de compétition pour l’eau en sol à faible réserve utile Ainsi, il apparait qu’optimiser les rôles de la biodiversité contre le réchauffement climatique exige d’appliquer une approche écosystémique afin de tirer parti de tout le po- tentiel synergétique et éviter les antagonismes. Restaurer les écosystèmes tout en réduisant les impacts du change- ment climatique sur la société est possible en utilisant des approches d’adaptation basées sur la biodiversité. Elles peuvent apporter à la fois des réponses aux défis du change- ment climatique et préserver les fonctions des écosystèmes à long terme, apportant de multiples avantages à un coût relativement bas. © Damico 10
CHAPITRE Annexe C La biodiversité et la santé humaine : C.2 interactions et enjeux régionaux Loin de se limiter à l’absence de maladie ou d’infirmité, la santé est définie par l’Organisation Mondiale de la Santé dans la charte d’Ottawa de 1986 comme un état de bien-être physique, mental et social qui constitue un droit humain fondamental de chaque individu (Organisation mondiale de la santé, 1986). La santé est perçue comme une ressource de la vie quotidienne, comme un processus global, et non comme un but ou une finalité en soi. La biodiversité est un déterminant majeur de la santé humaine, puisqu’elle supporte le bon fonctionnement des écosystèmes, et donc influence l’alimentation, l’eau potable, la régulation des maladies, et le bien-être psychologique. Elle contribue également directe- ment et indirectement aux médecines traditionnelles et modernes (Pongsiri & Roman, 2007). Ainsi, la santé humaine est dépendante de la biodiversité et des services écosystémiques qui en découlent : la compréhension de ces liens, partiellement illustrés par le modèle en cascade des services écosys- témiques (cf Annexe A), nécessite une recherche interdisciplinaire. Cette compréhension est d’autant plus nécessaire que l’effondrement de la biodiversité engendre de lourdes conséquences sur les enjeux de développement tels que la pauvreté et la malnutrition, particulièrement chez les catégories sociales les plus vulnérables. Ces sujets d’intérêt public liés à la biodiversité sont un des enjeux de la santé environnementale (ECOHealth, ONE Health), une discipline émergente qui englobe également les im- pacts sur la santé d’éléments tels que les gaz naturels nocifs, comme le radon, ou les micropolluants en suspension. Ces problématiques constituent donc un véritable sujet social et politique, notamment en Nouvelle-Aquitaine où un sondage récent a montré que 91% des habitants sont intéressés par la thématique de la santé environnementale (Agence Régionale Santé, 2016). La santé environnementale et les pressions la menaçant peuvent être utilisées pour identifier des intérêts sociétaux communs et impulser une dynamique vertueuse. Cette section traite des liens principaux entre biodiversité et santé en Région Nouvelle-Aquitaine transversaux aux socio-écosystèmes régionaux, en se concentrant sur les acteurs scientifiques actifs dans la région. C.2.1. Biodiversité et enjeux médicaux et cliniques 1. V égétation, pollen, et risque allergique collaboration avec de nombreuses organisations régionales et aboutit à la publication d’un rapport annuel sur les aller- La diversité végétale n’est pas toujours bénéfique, et cer- gies aux pollens (Atmo-NA, 2019b). Ces suivis démontrent tains organismes peuvent être nocifs et représentent donc que la tendance d’évolution de l’index pollinique annuel un enjeu de santé publique. C’est notamment le cas des moyen est à la hausse depuis une dizaine d’années. pollens très allergisants qui, chaque année, entrainent des risques allergiques chez une partie grandissante de la po- L’ambroisie à feuilles d’armoise (Ambrosia artemisiifolia L.) est pulation. L’air contient des pollens qui renferment des aller- une des plantes particulièrement présente et allergène dans gènes : ces petites particules microscopiques engendrent la région : plante opportuniste et envahissante originaire des allergies respiratoires chez les personnes sensibles. d’Amérique du nord, elle est capable de se développer ra- Certaines essences ont un taux pollinique particulièrement pidement dans de nombreux milieux, comme les parcelles fort comme les cyprès, le bouleau et les graminées. En Nou- agricoles (en particulier, tournesol), les bords de route, les velle-Aquitaine, l’ATMO Nouvelle-Aquitaine, l’observatoire chantiers ou les friches. Elle peut donc atteindre des popu- régional de l’air, évalue en continu la qualité de l’air avec des lations vivant dans divers socio-écosystèmes régionaux, sous-thématiques incluant les épisodes de pollution et les bien que Mareuil (Dordogne), Angoulême (Charente) et épisodes polliniques. Chaque semaine, l’ATMO actualise Périgueux (Dordogne) soient les trois villes les plus impac- le risque allergique d’exposition aux pollens et transmet tées (Dessaint & Chauvel, 2005; Atmo-NA, 2019b). Chez l’information afin d’anticiper les premiers symptômes et les populations sensibles, le pollen de l’Ambroise, émis en prévenir le corps médical. Cette surveillance est menée en fin d’été, provoque de fortes réactions allergiques (rhinite 11
CHAPITRE Annexe C Schéma du rôle de la biomasse ligneuse dans l’atténuation du réchauffement FIGURE climatique (d’après Forêt Privée Française). C.3 Index polinique Risque allergique 8000 5 7000 Index pollinique hebdomadaire moyen Risque allergique hebdomadaire moyen 4 6000 5000 3 4000 2 3000 2000 1 1000 0 0 ier ier ar s ril ai in ille t ût br e re anv évr M Av M Ju Ju Ao em tob J F c pt O Se associant écoulement nasal, conjonctivite, symptômes bien qu’il existe de nombreux exemples de zoonoses et de respiratoires tels que trachéite, toux, et parfois urticaire ou pathologies aigües présents en Nouvelle-Aquitaine (comme eczéma). C’est également une menace pour l’agriculture la leptospirose ou la légionellose), nous nous concentre- (pertes de rendement dans certaines cultures) et pour la rons ici sur les deux cas les plus répandus : la borréliose biodiversité native de la région, par effet de concurrence de Lyme (aussi appelée maladie de Lyme) et les maladies avec certains végétaux en bords de cours d’eau (Chauvel infectieuses transmises par les moustiques. & Cadet, 2011). Bien que majoritairement présente dans la • La maladie de Lyme vallée du Rhône, son aire de répartition augmente d’année en année sur le territoire national : les départements les La borréliose de Lyme est une maladie infectieuse causée plus impactés de l’ouest de la France se situent ainsi en par une bactérie du complexe Borrelia burgdorferi trans- Nouvelle-Aquitaine (Gironde, Dordogne, Lot-et-Garonne ; mise à l’homme par piqures de tiques dures du genre Ixodes Observatoire des Ambroisies & FREDON France, 2019). Ce- qui sont infectées par cette bactérie. Cette zoonose (non pendant, aucune recherche n’est menée en Nouvelle-Aqui- contagieuse) peut toucher plusieurs organes et systèmes taine, la majeure partie des travaux étant réalisée en Région comme la peau mais aussi les articulations et le système Rhône-Alpes (Chauvel & Cadet, 2011), mais des actions nerveux. Non traitée, elle évolue sur plusieurs années ou dé- sont menées dans les territoires par les Conservatoires cennies en trois stades de plus en plus graves. Il existe une d’Espaces Naturels pour lutter contre les plantes invasives grande disparité des incidences estimées en fonction des et allergisantes comme l’ambroisie. régions : le Limousin est de loin la région la plus touchée de France avec un taux de 516 cas/100 000 habitants, suivie 2. Maladies vectorielles par l’Alsace avec un taux de 183 cas (Réseau Sentinelles, Des bactéries, virus, champignons ou parasites, ont égale- 2015). Les instituts nationaux sont les principaux acteurs ment des impacts négatifs sur la santé humaine. Les mala- travaillant sur la maladie de Lyme. La surveillance est assu- dies vectorielles sont des maladies infectieuses transmises rée par deux structures, le Réseau Sentinelles et le Centre par un vecteur vivant. Ces vecteurs sont principalement national de référence (CNR) des Borrelia. Ces deux instituts des insectes et acariens hématophages, c’est-à-dire se nationaux appuyés par « Santé publique France/Cire » et la nourrissant de sang, comme les moustiques, phlébotomes cellule régionale de l’Institut de veille sanitaire (InVS) en ex- (moucherons), poux, punaises et tiques. Ils transmettent Limousin et ex-Poitou-Charentes ont estimé les incidences des maladies parasitaires, bactériennes ou virales. Quand régionales ou départementales de la borréliose de Lyme. ces maladies se transfèrent naturellement des animaux Les études menées dans la Région Nouvelle-Aquitaine ont vertébrés à l’homme (et vice-versa), on parle de zoonose. eu pour objectif de décrire la maladie, d’estimer son inci- Aujourd’hui, la croissance et l’expansion des maladies à dence et de déterminer les zones géographiques les plus à transmission vectorielle sont engendrées par l’intensifica- risque. Schmitt et al. (2006) ont ainsi comparé l’incidence tion et la mondialisation des échanges de biens et des mou- de la maladie dans trois régions, incluant le Limousin : vements de personnes. Les interactions avec l’environne- l’étude a permis de déterminer les caractéristiques démo- ment, ainsi que les changements climatiques, représentent graphiques, cliniques et biologiques des cas observés dans également des facteurs de propagation de ces maladies. le Limousin. Le taux d’incidence, compris entre 65 et 105 Ces parasites et leurs vecteurs sont de nature diverse, et cas pour 100 000 habitants, plaçait déjà en 2006 l’ex-région 12
CHAPITRE Annexe C au-dessus de la moyenne nationale, et permet de mesurer l’augmentation du nombre de personnes atteintes annuel- lement (Schmitt et al., 2006). La fréquentation des forêts régionales où des tiques infectées se développent consti- Le Plan Régional Santé tue donc un risque sanitaire potentiel pour les habitants et usagers. En effet, c’est la biodiversité du couvert végétal Environnement (PRSE) dans les zones boisées humides qui est la plus propice à la Un Plan Régional Santé Environnement (PRSE) prolifération des tiques porteuses. Une étude à long terme 2017 – 2021 a été signé par 156 acteurs de la est par ailleurs menée en Forêt de Chizé, qui est également santé environnementale. Déclinaison régionale un site régional où la maladie de Lyme est très présente, du Plan National Santé Environnement (PNSE), véhiculée par les chevreuils et les micro-mammifères il favorise la recherche et les actions en pre- (Kempf et al., 2011; Agoulon et al., 2019). L’étendue du nant en compte les spécificités du territoire milieu forestier dans la région et les résultats de ces études néo-aquitain pour répondre à ces enjeux intri- confirment donc l’importance de cette maladie dans la ré- gion comparée au reste de la France et fait de cette maladie qués que sont les risques allergiques liés aux bactérienne un enjeu de santé publique, particulièrement pollens, l’invasion de l’ambroisie à feuilles d’ar- dans le Limousin. moise, et la prolifération du moustique tigre. • Les moustiques Dès la seconde moitié du XXè siècle, de nombreuses es- (06). Suite à la croissance de son aire de répartition, il est pèces de moustiques de genre Aedes ont été introduites maintenant présent dans 51 départements de métropole, en Europe. La prolifération des moustiques est devenue dont les 5 départements aquitains (Gironde, Landes, un enjeu de santé publique dans divers départements du Pyrénées-Atlantiques, Dordogne, et Lot-et-Garonne) et littoral néo-aquitain, à commencer par la Gironde. Avec la la Charente-Maritime (Ministère des Solidarités et de la Charente-Maritime, c’est l’un des deux départements de Santé, 2019). Cette espèce fait l’objet d’une surveillance la région à être membre de l’EID, l’Etablissement Interdé- attentive et renforcée en Nouvelle-Aquitaine. La recherche partemental pour la Démoustication du littoral Atlantique. et le développement d’outils par l’EID Atlantique ont permis L’EID est l’opérateur public habilité par un arrêté préfectoral d’élaborer et d’analyser des suivis et des études d’impacts annuel qui détermine la zone de lutte contre les moustiques des mesures de démoustication. Des travaux sur le littoral et les modalités d’opération. (mais hors région – Rennes et Morbihan) ont porté sur l’impact des sprays anti-moustiques sur la communauté L’EID participe à une forte mobilisation de l’ensemble d’invertébrés aquatiques (Caquet et al., 2011; Lagadic et des moyens disponibles pour réduire la prolifération al., 2014). Des travaux en Gironde et Charente-Maritime d’espèces de moustiques de milieux doux tels que Aedes ont étudié l’impact du traitement de l’EID sur les abeilles annulipes, Aedes cantans, et Aedes rusticus. Le moustique domestiques (Aletru, 2012). L’EID Atlantique conduit depuis tigre, Aedes albopictus, qui peut être vecteur des virus plusieurs années des expérimentations pour diminuer les chikungunya, de la dengue et du Zika, a été repéré en France concentrations de biocide en les adaptant notamment pour la première fois en 2004 dans les Alpes-Maritimes aux conditions extérieures de température. L’utilisation sur le terrain du VectoBac® WG est aujourd’hui largement inférieure aux doses homologuées (moyenne appliquée à 400g/ha pour une homologation à 1kg/ ha). Les résultats des derniers tests permettent d’envisager une réduction des dosages sur les premiers stades larvaires lorsque les eaux atteignent une certaine température (température > 15°C). Dans certaines conditions, des doses de 200 g/ha sont appliquées. Ces résultats, qui font de l’EID Atlantique un pionnier dans ce domaine au niveau européen, ont fait l’objet d’une communication scientifique à l’occasion du 6 ème congrès de l’EMCA à Budapest en septembre 2011 (Chouin et al., 2011). © Benoit Laurensac 13
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