Autres rôles, transversaux, de la biodiversité - ANNEXE C - ECOBIOSE

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Autres rôles, transversaux, de la biodiversité - ANNEXE C - ECOBIOSE
ANNEXE C

   Autres rôles,
  transversaux,
de la biodiversité
Autres rôles, transversaux, de la biodiversité - ANNEXE C - ECOBIOSE
CHAPITRE   Annexe C

Enjeux liés au réchauffement
climatique, à la santé humaine
et aux matériaux & ressources

           Le rôle de la biodiversité dans les sociétés humaines et les écosystèmes ne se limite
           pas aux fonctions exposées dans chacun des chapitres relatifs aux socio-écosystèmes
           régionaux. La biodiversité contribue en effet à des enjeux transversaux aux socio-éco-
           systèmes, qui ne relèvent pas forcément directement de l’écologie ou de l’économie
           territoriale. Sans vouloir être exhaustif, nous avons identifié trois de ces enjeux trans-
           versaux : le changement climatique, la santé humaine, et les bio ressources ou bio
           mimétisme. La section 1 présente les processus écologiques liés à la biodiversité per-
           mettant d’atténuer le réchauffement climatique et d’adapter les sociétés à ses impacts.
           La section 2 aborde les contributions de la biodiversité dans le domaine de la santé, à
           la fois négatives et positives. La biodiversité représente enfin un vaste ensemble de
           ressources matérielles et génétiques et un réservoir d’innovations dont les applica-
           tions peuvent bénéficier au secteur de la biologie génétique, de l’énergie, ou encore de
           l’ingénierie, objet de la section 3. Ce chapitre présente de manière non-exhaustive et à
           titre indicatif les acteurs de recherche et développement pour chacune de ces théma-
           tiques transversales aux socio-écosystèmes. Cette revue générale se concentre sur des
           études scientifiques régionales dans la mesure du possible, et le cas échéant présente
           les principaux travaux d’acteurs régionaux engagés dans le développement de ces rôles
           de la biodiversité en Nouvelle-Aquitaine.

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Autres rôles, transversaux, de la biodiversité - ANNEXE C - ECOBIOSE
SOMMAIRE                 Annexe C

                                                                                       C.2.2. BIODIVERSITÉ ET BIEN-ÊTRE HUMAIN.......................... 14
 C.1 Rôle de la biodiversité pour
          lutter contre le réchauffement                                               C.2.3. BIODIVERSITÉ ET SÉCURITÉ ALIMENTAIRE................... 15

          climatique...................................... 4
C.1.1. ATTÉNUATION DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE
                                                                                        C.3 Biodiversité : matériaux et
GRÂCE À LA BIODIVERSITÉ....................................................... 5
                                                                                                 innovations................................... 16
     1• R
         ôle de la biodiversité dans la réduction des
        émissions de GES...............................................5               C.3.1. VALORISATION ET CONSERVATION GÉNÉTIQUES
                                                                                       EN NOUVELLE-AQUITAINE .................................................... 16
     2• R
         ôle de la biodiversité dans la séquestration et
        conservation du carbone................................... 6                   C.3.2. RÔLE DE LA BIODIVERSITÉ POUR UNE ÉNERGIE
                                                                                       VERTE ISSUE DE LA BIOMASSE RÉGIONALE........................... 18
C.1.2. ADAPTATION AUX EFFETS CLIMATIQUES DU RÉCHAUFFEMENT
CLIMATIQUE GRÂCE À LA BIODIVERSITÉ...................................... 8             C.3.3. LE POTENTIEL SOCIO-ÉCONOMIQUE
     1• R
         ôle des services de régulation supportés                                     DU BIOMIMÉTISME EN RÉGION NOUVELLE-AQUITAINE.......... 19
        par la biodiversité............................................. 8
     2• R
         ôle de la biodiversité comme ressource de
        substitution...................................................... 9            C.4 Bibliographie............................... 20
C.1.3. ATTÉNUATION ET ADAPTATION AU RÉCHAUFFEMENT
CLIMATIQUE PAR LA BIODIVERSITÉ:
QUELLES RELATIONS ENTRE LES DEUX OBJECTIFS................ 10

 C.2 La biodiversité et la santé
          humaine : interactions et
          enjeux régionaux........................ 11
C.2.1. BIODIVERSITÉ ET ENJEUX MÉDICAUX ET CLINIQUES ..... 11

         égétation, pollen, et risque allergique.............. 11
     1• V

     2• M
         aladies vectorielles........................................12

                                   Rédacteurs :
                                   Théo Rouhette1 & Vincent Bretagnolle2

                                   Remerciements :
                                   Olympe Delmas (CEBC - CNRS)
                                   1) theo.rouhette@cebc.cnrs.fr (Centre d’Etudes Biologiques de Chizé (CEBC), CNRS, Villiers-en-
                                       Bois)
                                   2) vincent.bretagnolle@cebc.cnrs.fr (Centre d’Etudes Biologiques de Chizé (CEBC), CNRS, Villiers-
                                       en-Bois)

                                                                                   3
Autres rôles, transversaux, de la biodiversité - ANNEXE C - ECOBIOSE
CHAPITRE       Annexe C

     Rôle de la biodiversité pour lutter
 C.1 contre le réchauffement climatique
   Le réchauffement climatique impacte déjà les écosystèmes terrestres et marins en modifiant l’intensité et la
   fréquence des évènements météorologiques extrêmes. Les effets sur les sociétés humaines sont directs ou in-
   directs, incluant l’augmentation du niveau de la mer, l’intensité des orages, des feux de forêts, des sécheresses,
   des inondations et des canicules. Le changement climatique perturbe également les systèmes de production
   agricole et les réseaux trophiques desquels dépendent les activités économiques. Les conséquences du
   changement climatique sur la biodiversité intègrent l’augmentation du taux d’extinction des espèces, tel que
   synthétisé dans le dernier rapport global de l’IPBES, publié en mai 2019 (Diaz et al., 2019). A l’échelle régionale,
   Acclimaterra, déclinaison régionale du GIEC, a analysé à l’aide de scénarios les impacts du réchauffement
   climatique sur les territoires et les écosystèmes régionaux de la Région Nouvelle-Aquitaine. De même, le pro-
   gramme ‘Les Sentinelles du Climat’, coordonné par l’association Cistude Nature, réalise le suivi d’espèces ani-
   males et végétales indicatrices des effets du changement climatique sur la flore et la faune de la Nouvelle-Aqui-
   taine. Plus récemment la feuille de route Néoterra, adoptée en plénière en juillet 2019, conjugue des politiques
   régionales dédiées aux problématiques climatiques et écologiques. Si le changement climatique a un effet sur
   la biodiversité, l’effet de la biodiversité sur le changement climatique est également avéré, de manière directe et
   indirecte et à diverses échelles spatiales et temporelles. La biosphère terrestre et marine est une composante
   majeure du cycle du carbone : elle en représente un stock de plus de 600 Giga tonnes. Les sols et composés
   organiques constituent quant à eux un stock 4 fois plus important encore (2 600 Giga tonnes). La dynamique
   de la biodiversité végétale a des impacts rétroactifs sur le système atmosphérique et plus particulièrement sur
   la concentration des GES. La biodiversité revêt donc un rôle de premier plan dans le contexte des changements
   globaux, étant en mesure d’atténuer le réchauffement climatique. Si les émissions dues à l’agriculture et à la
   déforestation se sont stabilisées, elles sont toujours responsables de 24% des émissions mondiales de gaz à
   effet de serre (GES) : la biodiversité peut aider à réduire ces émissions en capturant le carbone atmosphérique.
   En outre, la biodiversité a un rôle clé dans l’adaptation aux effets du changement climatique : elle peut améliorer
   la résilience climatique des socio-écosystèmes de Nouvelle-Aquitaine. Ainsi, la crise climatique et le déclin de
   la biodiversité peuvent et doivent être considérés conjointement à travers une approche systémique et non
   sectorielle. Les solutions à ces deux crises environnementales sont fortement liées et les associer permet de
   bénéficier de synergies nécessaires aux transformations énergétiques et écologiques. Cette section propose
   de résumer la recherche et les projets scientifiques en Nouvelle-Aquitaine sur le rôle de la biodiversité dans
   l’atténuation du réchauffement climatique et dans l’adaptation de la société à ses effets.

                                                                 l’ex-région Aquitaine les possibles scénarios d’impact
                                                                 des changements climatiques à venir. A la demande
                                                                 de la Région Nouvelle-Aquitaine, un deuxième tome,
                                                                 intitulé « Anticiper les changements en Nouvelle-Aqui-
                                                                 taine – Pour agir dans les territoires », fût publié en
                                                                 2016 – 2017, fruit du travail collectif de plus de 240
                                                                 chercheurs coordonnés par Hervé le Treut. Le rapport
  Acclimaterra, anticiper les                                    d’Acclimaterra a cherché à estimer pour les milieux
                                                                 régionaux quelles pouvaient être les conséquences
  changements climatiques en                                     et les réponses à apporter aux effets du changement
  Nouvelle-Aquitaine                                             climatique, offrant des pistes de réflexion sur l’adap-
                                                                 tation, la gouvernance, la recherche scientifique et les
  Dès 2013, le rapport « Prévoir pour agir, les impacts du       actions nécessaires au sein des différents milieux et
  changement climatique en Aquitaine » présentait pour           secteurs socio-économiques concernés.

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Autres rôles, transversaux, de la biodiversité - ANNEXE C - ECOBIOSE
CHAPITRE           Annexe C

            Principales composantes du changement climatique en agriculture et voies par lesquelles les systèmes de culture
 FIGURE     peuvent influer l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre et l’adaptation au changement climatique (d’après
   C.1      Debaeke et al., 2017).

          C.1.1.   Atténuation
                              du réchauffement climatique grâce à la biodiversité
1. Rôle de la biodiversité dans la réduction des                    part importante des émissions de CO2 engendrée par l’agri-
   émissions de GES                                                  culture conventionnelle provient aussi de la combustion de
                                                                     combustibles fossiles pour la fabrication des produits phyto-
Premièrement la biodiversité végétale peut être utilisée             sanitaires. Comme démontré ailleurs dans ce rapport, la bio-
afin de réduire les émissions de GES (CO2, N2O, et CH4),             diversité peut remplacer et substituer des fonctions remplies
notamment dans les milieux agricoles. L’augmentation des             par les pesticides et les fertilisants tout en préservant le sol
émissions de ces GES est le principal facteur engendrant le          et ses organismes. La biodiversité peut donc remplacer, au
changement climatique: la biodiversité, dans ce contexte,            moins en partie, le recours aux intrants, et donc contribuer
peut atténuer ces changements en agissant sur l’ensemble             indirectement à une réduction de l’utilisation des énergies
des sources de ces GES.                                              fossiles. De même, la restauration des éléments semi-na-
• Le dioxyde de carbone (CO2)                                        turels favorise les réseaux trophiques du sol et augmente le
                                                                     stock de matière organique (notamment carbonée), ainsi que
Les émissions de CO2 représentent la principale source               le contrôle biologique des ravageurs. Le développement de
de l’effet de serre et donc du réchauffement climatique. Il          ces pratiques agro-écologiques en Nouvelle-Aquitaine peut
existe de nombreuses sources de CO2, notamment la com-               ainsi atténuer le réchauffement climatique en réduisant les
bustion des énergies fossiles qui engendre la majorité des           émissions de CO2 des systèmes productifs par substitution
émissions de CO2 de source humaine à travers les secteurs            aux produits phytosanitaires. Les travaux quantifiant ces
industriels et les transports. Cependant, les systèmes agri-         mécanismes et processus demeurent néanmoins limités
coles, et plus généralement les modifications de l’utilisation       dans la région.
des terres, sont aussi des sources d’émissions de CO2. La
déforestation et la conversion des forêts en terres agricoles        • Le protoxyde d’azote (N2O)
ont par exemple dégradé les puits de carbone terrestre,              L’épandage d’intrants, notamment les fertilisants (minéraux
engendrant un transfert du carbone vers l’atmosphère. De             ou organiques) azotés, est une pratique courante dans les so-
même, le retournement des prairies permanentes en terres             cio-écosystèmes de production. L’application de ces produits
arables émet du carbone dans l’atmosphère. Dans la Région            est justifiée par ses utilisateurs par le fait que la concentra-
Nouvelle-Aquitaine, les écosystèmes de production (plaines           tion en azote est un déterminant de la productivité végétale
agricoles, vignobles et forêts) engendrent des émissions de          et donc des rendements agricoles. Néanmoins, l’utilisation
CO2 en fonction leur mode de gestion que l’usage ou le main-         de ces produits, particulièrement quand les apports azotés
tien de la biodiversité pourrait contribuer à diminuer. Une          sont en excès par rapport aux besoins des plantes cultivées,

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Autres rôles, transversaux, de la biodiversité - ANNEXE C - ECOBIOSE
CHAPITRE            Annexe C

engendre des émissions de GES tel que le protoxyde d’azote              • Le méthane (CH4)
(N2O). Ce gaz au pouvoir de réchauffement global équiva-
                                                                        Le secteur agricole, et plus particulièrement l’élevage, est respon-
lent à 298 fois celui du CO2 est produit lors des processus
                                                                        sable de plus de la moitié des émissions de GES sous la forme
biochimiques de dénitrification et nitrification dans le sol,
                                                                        de méthane (CH4). Les ruminants et autres bovins émettent
avec des taux augmentant avec la concentration de nitrate et
                                                                        en effet une quantité importante de ce GES au fort potentiel de
d’ammonium. Dans la Région Nouvelle-Aquitaine, on estime
                                                                        réchauffement (pouvoir de réchauffement global (PRG) 25 fois
le montant des émissions de N2O à plus de 16 349 tonnes/
                                                                        plus important que le CO2). Dans ce contexte, et en parallèle de
an en 2014 dont 89% proviennent de l’agriculture (Atmo-NA,
                                                                        la promotion de régimes alimentaires à bas apports de sources
2019a). La biodiversité végétale peut être utilisée comme
                                                                        carnées, il est urgent de trouver des solutions permettant de
une alternative aux intrants chimiques azotés : les légumi-
                                                                        diminuer les émissions de CH4 par les élevages. Un déterminant
neuses possèdent la capacité de fixer l’azote atmosphérique
                                                                        majeur du taux d’émission de CH4 par les ruminants est leur
qui est sous forme de diazote (N2). Une fois fixé chimique-
                                                                        régime alimentaire. Par exemple, dans le Massif Central, une
ment dans le sol, l’azote devient « biodisponible » pour les vé-
                                                                        équipe de chercheurs a étudié les différents taux de fermentation
gétaux. Les légumineuses agissent donc comme une source
                                                                        de 156 espèces de plantes lors de la digestion et les ont compa-
d’azote pour les sols sans nécessité d’apport chimique
                                                                        ré aux rejets de méthane pour le ray-grass vivace, une graminée
extérieur, et limitent donc les émissions de protoxyde d’azote
                                                                        utilisée pour nourrir les bovins. Les résultats ont permis d’iden-
dans l’atmosphère. En outre, leur culture comporte d’autres
                                                                        tifier 16 plantes qui ont démontré une réduction simultanée de
avantages agro-environnementaux tels que la rupture des
                                                                        plus de 80% de production de N-NH3 (azote ammoniacal) et de
cycles parasitaires et des adventices, l’augmentation de
                                                                        30% d’émission de CH4 par unité de matière organique digérée
la qualité de l’eau (moins de lessivage de nitrate) et de l’air
                                                                        (Macheboeuf et al., 2014). Les familles réduisant les émissions
(moins de volatilisation d’ammonium) ou encore des avan-
                                                                        le plus efficacement sont les Rosaceae, les Onagraceae, les
tages en termes d’adaptation des pratiques culturales aux
                                                                        Polygonaceae et les Dipsacaceae. Ainsi, la diversité végétale
effets des changements climatiques (voir section 1.2). La
                                                                        régionale peut potentiellement permettre de réduire les émis-
Chambre Régionale d’Agriculture Poitou-Charentes, en par-
                                                                        sions de CH4 provenant de l’élevage (sans considération ici pour
tenariat avec l’INRA Les Verrines, a réalisé des travaux sur la
                                                                        diverses variables économiques pouvant limiter l’applicabilité de
gestion de l’interculture avec des légumineuses pour limiter
                                                                        ces travaux).
les transferts d’azote, maximiser la production de biomasse
pour capitaliser la quantité d’azote, et optimiser les disponi-         2. Rôle de la biodiversité dans la séquestration et
bilités de l’azote pour le rendement de l’année suivante. Ils
démontrent que les couverts de légumineuses diminuent la
                                                                           la conservation du carbone
quantité de nitrates lessivables du sol par rapport à un sol            Deuxièmement, la biodiversité peut être utilisée pour aug-
laissé nu (Vericel & Minette, 2010). Développer les cultures            menter les stocks de carbone dans les écosystèmes régio-
de légumineuses fait partie des mesures agro-environne-                 naux par la séquestration du CO2 atmosphérique et conser-
mentales et climatiques (MAEC), et des projets associatifs              vation des stocks de carbone existants. L’augmentation de
nationaux et régionaux promeuvent leur mise en culture, tant            la concentration atmosphérique du CO2 et ses effets directs
pour les effets bénéfiques sur la fertilité des sols que sur leur       et indirects, peuvent en effet être atténués non seulement par
potentiel de substitution aux fertilisants azotés responsables          une réduction des émissions de GES mais aussi par une aug-
des émissions de protoxyde d’azote (voir Luzco sur les légu-            mentation et une préservation des stocks de carbone non-at-
mineuses : http://luzco.fr/le-projet-luzco/).                           mosphérique. Le cycle du carbone est constitué de plusieurs
                                                                        stocks, dont l’atmosphère, le sol, la végétation et les océans.

             Schéma du rôle de la
             biomasse ligneuse                          Forêt gérée              1. Séquestration
 FIGURE
                                                      (photosynthèse)                en forêt
   C.2       dans l’atténuation
             du réchauffement                                                                                               Stock en
             c l i m a t i q u e ( d ’a p r è s                                                                             carbone
             Forêt Privée Française).

                                                                                 2. Stock dans les
                                                                                   produits bois

                                                                                                                          Économie
                                                                                                                        d’émission de
                                                                                                                      gaz à effet de serre
                                                                               3. Substitution à des
                                                  Usage du bois               énergies fossiles et des
                                                                               matériaux énergivores

                                                                    6
Autres rôles, transversaux, de la biodiversité - ANNEXE C - ECOBIOSE
CHAPITRE            Annexe C

Afin d’éviter les émissions, deux priorités apparaissent :
1. protéger et retenir les stocks de carbone existants dans les
écosystèmes, par des aires protégées et des programmes de                      Le potentiel de l’agrofores-
conservation dans tous les socio-écosystèmes ;
                                                                               terie pour la gestion des
2. restaurer les stocks de carbone épuisés par une meilleure ges-
tion environnementale et la restauration écologique des milieux                stocks de carbone
dégradés. Dans ce contexte, la biodiversité peut être utilisée afin
d’agir sur les quantités des flux de carbone entre les différents              L’agroforesterie pourrait permettre d’augmenter
compartiments du cycle du carbone.                                             le stockage de carbone dans la biomasse sans
                                                                               réduire les rendements (Debaeke et al., 2017).
• La séquestration du carbone par la végétation
                                                                               L’agroforesterie est un système agricole asso-
La photosynthèse est le processus biologique par lequel le                     ciant les arbres et les cultures ou l’élevage. A ce
carbone atmosphérique, sous forme de CO2, est absorbé chimi-                   titre, ce mode d’exploitation peut aussi augmenter
quement par la végétation sous forme organique (glucide). La                   le carbone stocké dans le sol en augmentant le
photosynthèse est, encore aujourd’hui, le seul moyen dont nous
                                                                               carbone entrant par les arbres (feuilles et racines)
disposons pour capturer du carbone dans l’atmosphère. La végé-
tation représente un puits de carbone, c’est-à-dire, dans certaines            avec une densité faible d’arbres et des haies en-
conditions écologiques, un compartiment qui absorbe plus de                    tourant les parcelles agricoles. De nombreuses
carbone de l’atmosphère qu’il n’en émet. La séquestration du                   études se sont intéressées au potentiel de l’agro-
carbone correspond au stockage à long-terme du CO2 hors de                     foresterie dans la gestion du carbone et une étude
l’atmosphère : la végétation et plus particulièrement les arbres               française a démontré ce fort potentiel à des coûts
peuvent donc être mobilisés pour atténuer le réchauffement cli-                modérés (les coûts ajoutés étant partiellement
matique par absorption du carbone atmosphérique. Par ailleurs,                 compensés par les bénéfices des autres produits
il a été démontré que les forêts et les écosystèmes séquestrant                comme le bois ou la récolte fruitière) (Pellerin
le plus de carbone sont également les plus diversifiés, malgré
                                                                               et al., 2014). L’agroforesterie peut par ailleurs
de fortes variations régionales (Liang et al., 2016). En Région
Nouvelle-Aquitaine (cf. chapitre « Forêts et bois »), peu ou pas               contribuer à l’adaptation au réchauffement de
d’études régionales ont étudié le rôle de la biodiversité forestière           manière indirecte en maximisant l’utilisation des
sur les stocks de carbone en Nouvelle-Aquitaine et a fortiori son              ressources en eau souterraine (Abildtrup et al.,
potentiel rôle d’atténuation du réchauffement par séquestration                2006). Les arbres et les haies peuvent également
du carbone. Néanmoins, les forêts régionales font tout de même                 générer des habitats pour la faune sauvage et
partie de programmes et de projets ayant pour objectif de valori-              encourager le contrôle biologique des ravageurs,
ser le puits de carbone forestier.                                             permettant de réduire l’usage de produits phyto-
• Le stockage et la conservation du carbone dans le sol                        sanitaires. En Région Nouvelle-Aquitaine, l’agro-
                                                                               foresterie est une mesure incluse dans le Plan de
Dans le sol, les processus biochimiques impliqués dans les
transferts de carbone entre la végétation et l’atmosphère sont
                                                                               Compétitivité et d’Adaptation des Exploitations
également un levier important pour lutter contre le réchauffe-                 agricoles (PCAE). Une étude menée sur 6 sites en
ment climatique, car les stocks de carbone dans le sol sont le                 France incluant 2 sites de Poitou-Charentes (Saint
deuxième plus grand réservoir actif de carbone après les océans.               Jean d’Angély et Melle) a par ailleurs démontré
Ainsi, conserver ces stocks, et même augmenter le puits de car-                que le couvert végétal des arbres favorise le stoc-
bone qu’ils représentent, contribue directement à l’atténuation                kage du carbone du sol : le stock de C souterrain
du réchauffement climatique. Cependant, le rôle du sol dans le                 augmente jusqu’à 50% en moyenne à une profon-
stockage du carbone est fortement dépendant des modes de                       deur de 30 centimètres sous les rangs d’arbres
gestion du sol. La modification de l’usage des terres et la dégra-
                                                                               par rapport aux champs de céréales cultivés sans
dation des sols (pollution, dégradation physique…) diminuent
en effet le potentiel de stockage du carbone (Rattan, 2004).
                                                                               arbres (Cardinael et al., 2017).
Les transferts de carbone entre atmosphère ou végétation et
sol dépendent d’une grande variété d’organismes qui forment
                                                                           Nouvelle-Aquitaine, optimiser le potentiel de stockage du sol
des réseaux trophiques complexes. Ces organismes sont des
                                                                           grâce à la diversité édaphique et végétale implique la mise en
bactéries, des champignons mycorhizens, des décomposeurs
                                                                           place de pratiques agro-écologiques pour la gestion du sol.
divers (comme les espèces saproxyliques ou les vers de terre).
                                                                           Les sols régionaux contiennent 0.435 109 (milliards) de tonnes
Ils participent au stockage et à la conservation du carbone
                                                                           de carbone, ce qui représente 38 fois les émissions annuelles
dans le sol par plusieurs mécanismes : limitation de l’érosion,
                                                                           de GES de la région. On observe une grande variabilité dans la
association symbiotique avec la végétation, formation du sol et
                                                                           répartition de ce stock en fonction du pédoclimat mais aussi de
recyclage des nutriments. La minéralisation est un processus
                                                                           l’usage des sols. Ainsi, les teneurs les plus faibles sont obser-
augmentant le taux de matière organique dans le sol et donc
                                                                           vées en zones de grandes cultures ou de vignobles tandis que
leur stock de carbone, qui est proportionnel à la diversité biolo-
                                                                           les prairies permanentes et les forêts stockent jusqu’à 1,5 fois
gique. Des mesures concrètes incluent la restauration des sols
                                                                           plus de carbone que les zones agricoles ou viticoles (Meers-
dégradés, la couverture du sol, la plantation d’espèces végétales,
                                                                           mans et al., 2012).
l’usage de compost et de fumier pour nourrir le sol. En Région

                                                                       7
Autres rôles, transversaux, de la biodiversité - ANNEXE C - ECOBIOSE
CHAPITRE          Annexe C

    La Biodiversité comme
    moyen de substitution
    des énergies fossiles
    Finalement, à la séquestration et à la conser-
    vation du carbone par l’usage de la biodiver-
    sité, s’ajoutent toutes les possibles substi-
    tutions matérielles qu’offrent les ressources
    naturelles. Le secteur industriel représente en
    effet une source majeure d’émission de CO2,
    notamment dans la construction, mais aussi
    dans le secteur énergétique. Ces secteurs
    sont donc des leviers importants pour réduire
    les émissions et atténuer le réchauffement cli-
    matique : la biodiversité peut ici aussi jouer un
    rôle important en fournissant des matériaux
    durables et avec un coût écologique moindre.
    Le rôle de la biodiversité dans la production
    d’énergie verte est développé dans la section
    suivante de ce chapitre.

   © Pixabay

         C.1.2.    Adaptation
                             aux effets du réchauffement climatique grâce à la biodiversité
La biodiversité peut aussi servir de support pour adapter les       notamment le contrôle de l’érosion, des inondations, des
socio-écosystèmes régionaux aux effets divers du réchauffe-         tempêtes, des incendies, ou encore des pathogènes et mala-
ment climatique. Traditionnellement, l’adaptation au réchauf-       dies pouvant bénéficier de l’augmentation moyenne des tem-
fement climatique ouvre le débat entre deux approches : les         pératures. En Région Nouvelle-Aquitaine, plusieurs services
solutions fondées sur la technologie et les solutions fondées       de régulation soutenus par la biodiversité remplissent ce rôle
sur la nature. La biodiversité et les services écosystémiques       d’adaptation. Les changements climatiques engendrent par
sont mis en avant et encouragés par la seconde approche,            exemple un aléa de submersion marine sur le littoral, notam-
proche de l’approche écosystémique de gestion des so-               ment à cause de la présence de vastes territoires à basse
cio-écosystèmes (cf chapitre « Gouvernance »). De manière           altitude. La tempête Xynthia de 2010 est le dernier épisode
spécifique ou transversale, et en complément de son rôle            majeur de submersion marine ayant causé de nombreux
dans l’atténuation du réchauffement, la biodiversité peut           dégâts, y compris humains, sur les côtes du Pertuis-Charen-
servir de fondation pour l’adaptation des socio-écosystèmes         tais. Adapter le littoral est donc un enjeu sociétal primordial.
régionaux au changement climatique.                                 Dans ce contexte, des projets de restauration écologique de
                                                                    zones humides peuvent participer à la protection des côtes
1.Rôle des services de régulation supportés par                    qui verront une augmentation de la fréquence et de l’intensité
  la biodiversité                                                   d’évènements météorologiques extrêmes. Des études se
                                                                    concentrant sur le Pertuis-Charentais suggèrent que des
La biodiversité, notamment paysagère, fournit une base
                                                                    mesures d’adaptation naturelle peuvent non seulement être
d’adaptation aux aléas climatiques par les multiples services
                                                                    moins coûteuses que les digues de premier ordre pour la pro-
de régulation qu’elle soutient. Plusieurs services écosys-
                                                                    tection des côtes, mais aussi être bénéfiques aux zones de
témiques d’origine biotique sont ainsi impliqués dans des
                                                                    nourriceries des poissons et d’habitats d’oiseaux migrateurs,
processus de régulation, de protection et de maintenance
                                                                    en plus de créer une épuration naturelle des eaux profondes
de structures et fonctions écologiques réduisant l’intensité
                                                                    et de surface (Bertin et al., 2014; Chaumillon et al., 2017).
des conséquences du réchauffement climatique. Ceci inclut

                                                                8
Autres rôles, transversaux, de la biodiversité - ANNEXE C - ECOBIOSE
CHAPITRE            Annexe C

2.Rôle de la biodiversité comme ressource de
  substitution
La biodiversité peut agir comme ressource de substitution
et d’assurance face aux effets du changement climatique,
notamment dans les agroécosystèmes régionaux. En plus de
fournir des services, la biodiversité est en effet un réservoir de
ressources génétiques, spécifiques et fonctionnelles, qui peut
servir de substitut à des organismes utilisés et produits dans
les socio-écosystèmes mais peu adaptés ou vulnérables aux
changements climatiques. Pour les systèmes agricoles, le chan-
gement des dates de semis des cultures est l’adaptation la plus
simple et la moins coûteuse, mais elle reste limitée comparée
aux méthodes basées sur la diversité végétale et paysagère.
Une des principales stratégies d’adaptation basée sur la diver-
sité consiste ainsi à choisir de nouvelles espèces. La diversité
spécifique et génétique des semences permet un choix de nou-
velles variétés négligées jusqu’ici mais qui pourraient être mieux
adaptées aux conditions climatiques actuelles et futures. Par
exemple, utiliser des semences plus précoces et à cycle court,
ou bien des cultures moins gourmandes en eau, permet d’éviter
le stress hydrique, de résister à la sécheresse et d’utiliser moins
d’eau. Ces cultures sont actuellement peu développées en Nou-
velle-Aquitaine. Le maïs pourra par exemple être remplacé par
des cultures ne nécessitant pas d’irrigation, comme le tournesol
ou surtout le sorgho. Par ailleurs, la diversification des types de
production et des cultures peut aussi être un levier d’adaptation            © Laurent Mignaux
important sur l’échelle temporelle avec la modification et l’élar-
gissement des choix variétaux dans les systèmes en rotations,
ainsi que l’introduction de végétation non-cultivée comme dans              ragères plus résistantes à la sécheresse comme le sorgho (No-
les inter-rangs de vignes. Finalement, la diversité et plasticité           vak et al., 2015). Ce dispositif est soumis à une évaluation multi-
génétique des cultures pourront être utilisées pour la sélection            critère qui va étudier le système sur le long-terme, pour quantifier
végétale de certains traits spécifiquement adaptés aux aléas                comment la diversification des éléments et des fonctions d’un
climatiques (résistance aux chocs thermiques, à la sécheresse,              système agricole permet d’adapter les agroécosystèmes aux
aux surplus d’eau). Cette stratégie s’inscrit dans le long-terme            aléas climatiques tout en maintenant un niveau de production et
par rapport à la diversification intra et inter-espèces à différentes       de performances environnementales élevées.
échelles spatio-temporelles, et doit donc être anticipée pour four-
                                                                            Un autre projet également coordonné par l’INRA, LACCAVE
nir des variétés adaptées à temps.
                                                                            (www6.inra.fr/laccave), développe une approche pluridiscipli-
En Région Nouvelle-Aquitaine, le dispositif expérimental OasYs              naire afin d’étudier à la fois l’impact du réchauffement climatique
(INRA, Lusignan, Vienne) mène des travaux de recherche sur un               sur la filière vigne et vin mais aussi les stratégies d’adaptation.
système bovin laitier innovant, diversifié et durable. Le dispo-            Ce projet mène plusieurs études afin de prévoir les réponses des
sitif comprend 90 hectares de prairies et cultures et 72 vaches             vignes à la sécheresse et la variabilité spatiale du climat. Parmi
laitières. Reposant sur une approche agroécologique globale à               les thématiques de recherche, les chercheurs se sont intéressés
l’échelle de l’exploitation, les fonctions du système sont multi-           aux usages potentiels de la diversité génétique des scions et
pliées par la diversification des éléments : espèces, variétés et           des porte-greffes dans l’adaptation. Ils ont identifié trois facteurs
mélanges végétaux (avec un recours accru aux légumineuses),                 génétiques sur lesquels elle peut agir : la phénologie, en utilisant
races laitières (Holstein, Rouge scandinave et Jersiaise en croi-           des clones et variétés arrivant à maturité plus tard ; l’usage de
sement), périodes de vêlage (printemps et automne). Ainsi ce                l’eau, pour contrer l’effet des étés plus secs attendus et la qualité
dispositif étudie les synergies possibles entre différents types de         du raisin, afin de prévoir des réactions dans la variabilité aroma-
production, avec des prairies multi-espèces, et des cultures four-          tique sous des hautes températures (Duchêne, 2016).

  © Jean Weber                                                          9
Autres rôles, transversaux, de la biodiversité - ANNEXE C - ECOBIOSE
CHAPITRE             Annexe C

            C.1.3.    Atténuation
                                   et adaptation au réchauffement climatique par la
                      biodiversité: quelles relations entre les deux objectifs?
Les rôles de la biodiversité dans l’atténuation et l’adapta-            d’adaptation devraient avoir des impacts positifs sur l’atté-
tion au réchauffement climatique peuvent être conciliés et              nuation du changement climatique en améliorant l’efficacité
appliqués conjointement afin de maximiser les synergies                 de l’utilisation de l’azote et du stockage du carbone dans le
et minimiser les antagonismes possibles. Les agroécosys-                sol. Néanmoins, le facteur principal d’antagonisme entre ces
tèmes devront en effet répondre à trois objectifs (en plus de           deux stratégies est le coût potentiellement élevé en eau des
la conservation de la biodiversité): réduire les émissions de           leviers d’atténuation pouvant engendrer des stress hydriques
GES, s’adapter aux changements et fluctuations du climat, et            néfastes. En effet, la culture de légumineuses et d’herbes en
sécuriser une production alimentaire durable. Les compro-               vignes, bien que contribuant à la séquestration du carbone,
mis entre les options de transformations des systèmes de                peut également entrer en compétition avec les espèces culti-
production doivent donc être identifiés et anticipés dans une           vées déjà menacées par la raréfaction de l’eau. Le tableau
perspective globale d’optimisation de la production alimen-             suivant, adapté du rapport Acclimaterra, identifie les syner-
taire. D’après Smith & Olesen (2010), la plupart des stratégies         gies et antagonismes possibles entre les deux objectifs :

                Principaux leviers pour l’adaptation et l’atténuation du réchauffement climatique grâce à la
 TA B L E A U
    C.1         biodiversité, adapté du rapport Acclimaterra (+++ : levier très important ; ++ levier important ;
                + levier modérément important ; = levier sans effet ; - levier ayant un effet antagoniste).

 Rôle de la biodiversité                        Adaptation        Atténuation         Synergies & antagonismes possibles
 Maintien/développement de la prairie           +/-                +++                Permet le stockage de C, mais production
 permanente                                                                           limitée en été du fait du déficit hydrique

 Diversification des cultures. Choix            +++                =                  Levier important d’adaptation. Pas d’effet sur
 d’espèces et de variétés adaptées                                                    l’atténuation sauf si cela modifie la fertilisa-
                                                                                      tion azotée ou le retour de carbone au sol

 Légumineuses (soja,                            =/-                +++                Antagonisme possible car certaines
 pois…)                                                                               légumineuses sont sensibles au manque
                                                                                      d’eau

 Cultures intermédiaires                        +/-                ++                 Permet un stockage accru de C dans le
 (dont légumineuses),                                                                 sol, une réduction des pertes d’azote par
 enherbement des vignes                                                               lixiviation, une limitation de l’érosion, une
 et vergers                                                                           réduction d’usage des engrais N si la
                                                                                      culture intermédiaire est une légumineuse.
                                                                                      Mais risque de compétition pour l’eau

 Agroforesterie et haies                        +/-                +++                Permet un stockage de C, un microclimat
                                                                                      plus favorable, mais risque de compétition
                                                                                      pour l’eau en sol à faible réserve utile

Ainsi, il apparait qu’optimiser les rôles de la biodiversité
contre le réchauffement climatique exige d’appliquer une
approche écosystémique afin de tirer parti de tout le po-
tentiel synergétique et éviter les antagonismes. Restaurer
les écosystèmes tout en réduisant les impacts du change-
ment climatique sur la société est possible en utilisant des
approches d’adaptation basées sur la biodiversité. Elles
peuvent apporter à la fois des réponses aux défis du change-
ment climatique et préserver les fonctions des écosystèmes
à long terme, apportant de multiples avantages à un coût
relativement bas.

                                                                          © Damico

                                                                  10
CHAPITRE           Annexe C

     La biodiversité et la santé humaine :
 C.2 interactions et enjeux régionaux

      Loin de se limiter à l’absence de maladie ou d’infirmité, la santé est définie par l’Organisation Mondiale
      de la Santé dans la charte d’Ottawa de 1986 comme un état de bien-être physique, mental et social qui
      constitue un droit humain fondamental de chaque individu (Organisation mondiale de la santé, 1986).
      La santé est perçue comme une ressource de la vie quotidienne, comme un processus global, et non
      comme un but ou une finalité en soi. La biodiversité est un déterminant majeur de la santé humaine,
      puisqu’elle supporte le bon fonctionnement des écosystèmes, et donc influence l’alimentation, l’eau
      potable, la régulation des maladies, et le bien-être psychologique. Elle contribue également directe-
      ment et indirectement aux médecines traditionnelles et modernes (Pongsiri & Roman, 2007). Ainsi, la
      santé humaine est dépendante de la biodiversité et des services écosystémiques qui en découlent :
      la compréhension de ces liens, partiellement illustrés par le modèle en cascade des services écosys-
      témiques (cf Annexe A), nécessite une recherche interdisciplinaire. Cette compréhension est d’autant
      plus nécessaire que l’effondrement de la biodiversité engendre de lourdes conséquences sur les enjeux
      de développement tels que la pauvreté et la malnutrition, particulièrement chez les catégories sociales
      les plus vulnérables. Ces sujets d’intérêt public liés à la biodiversité sont un des enjeux de la santé
      environnementale (ECOHealth, ONE Health), une discipline émergente qui englobe également les im-
      pacts sur la santé d’éléments tels que les gaz naturels nocifs, comme le radon, ou les micropolluants
      en suspension. Ces problématiques constituent donc un véritable sujet social et politique, notamment
      en Nouvelle-Aquitaine où un sondage récent a montré que 91% des habitants sont intéressés par la
      thématique de la santé environnementale (Agence Régionale Santé, 2016). La santé environnementale
      et les pressions la menaçant peuvent être utilisées pour identifier des intérêts sociétaux communs et
      impulser une dynamique vertueuse. Cette section traite des liens principaux entre biodiversité et santé
      en Région Nouvelle-Aquitaine transversaux aux socio-écosystèmes régionaux, en se concentrant sur
      les acteurs scientifiques actifs dans la région.

         C.2.1.     Biodiversité
                                et enjeux médicaux et cliniques
1. V
    égétation, pollen, et risque allergique                             collaboration avec de nombreuses organisations régionales
                                                                         et aboutit à la publication d’un rapport annuel sur les aller-
La diversité végétale n’est pas toujours bénéfique, et cer-              gies aux pollens (Atmo-NA, 2019b). Ces suivis démontrent
tains organismes peuvent être nocifs et représentent donc                que la tendance d’évolution de l’index pollinique annuel
un enjeu de santé publique. C’est notamment le cas des                   moyen est à la hausse depuis une dizaine d’années.
pollens très allergisants qui, chaque année, entrainent des
risques allergiques chez une partie grandissante de la po-               L’ambroisie à feuilles d’armoise (Ambrosia artemisiifolia L.) est
pulation. L’air contient des pollens qui renferment des aller-           une des plantes particulièrement présente et allergène dans
gènes : ces petites particules microscopiques engendrent                 la région : plante opportuniste et envahissante originaire
des allergies respiratoires chez les personnes sensibles.                d’Amérique du nord, elle est capable de se développer ra-
Certaines essences ont un taux pollinique particulièrement               pidement dans de nombreux milieux, comme les parcelles
fort comme les cyprès, le bouleau et les graminées. En Nou-              agricoles (en particulier, tournesol), les bords de route, les
velle-Aquitaine, l’ATMO Nouvelle-Aquitaine, l’observatoire               chantiers ou les friches. Elle peut donc atteindre des popu-
régional de l’air, évalue en continu la qualité de l’air avec des        lations vivant dans divers socio-écosystèmes régionaux,
sous-thématiques incluant les épisodes de pollution et les               bien que Mareuil (Dordogne), Angoulême (Charente) et
épisodes polliniques. Chaque semaine, l’ATMO actualise                   Périgueux (Dordogne) soient les trois villes les plus impac-
le risque allergique d’exposition aux pollens et transmet                tées (Dessaint & Chauvel, 2005; Atmo-NA, 2019b). Chez
l’information afin d’anticiper les premiers symptômes et                 les populations sensibles, le pollen de l’Ambroise, émis en
prévenir le corps médical. Cette surveillance est menée en               fin d’été, provoque de fortes réactions allergiques (rhinite

                                                                    11
CHAPITRE                                    Annexe C

                                                      Schéma du rôle de la biomasse ligneuse dans l’atténuation du réchauffement
          FIGURE                                      climatique (d’après Forêt Privée Française).
            C.3

                                                                                          Index polinique             Risque allergique
                                                      8000                                                                                     5

                                                      7000
                Index pollinique hebdomadaire moyen

                                                                                                                                                   Risque allergique hebdomadaire moyen
                                                                                                                                               4
                                                      6000

                                                      5000                                                                                     3

                                                      4000

                                                                                                                                               2
                                                      3000

                                                      2000
                                                                                                                                               1
                                                      1000

                                                         0                                                                                     0
                                                             ier     ier    ar
                                                                              s     ril     ai      in        ille
                                                                                                                  t       ût     br
                                                                                                                                   e      re
                                                          anv     évr      M      Av       M      Ju        Ju          Ao     em      tob
                                                         J       F                                                                    c
                                                                                                                             pt      O
                                                                                                                           Se

associant écoulement nasal, conjonctivite, symptômes                                                     bien qu’il existe de nombreux exemples de zoonoses et de
respiratoires tels que trachéite, toux, et parfois urticaire ou                                          pathologies aigües présents en Nouvelle-Aquitaine (comme
eczéma). C’est également une menace pour l’agriculture                                                   la leptospirose ou la légionellose), nous nous concentre-
(pertes de rendement dans certaines cultures) et pour la                                                 rons ici sur les deux cas les plus répandus : la borréliose
biodiversité native de la région, par effet de concurrence                                               de Lyme (aussi appelée maladie de Lyme) et les maladies
avec certains végétaux en bords de cours d’eau (Chauvel                                                  infectieuses transmises par les moustiques.
& Cadet, 2011). Bien que majoritairement présente dans la
                                                                                                         • La maladie de Lyme
vallée du Rhône, son aire de répartition augmente d’année
en année sur le territoire national : les départements les                                               La borréliose de Lyme est une maladie infectieuse causée
plus impactés de l’ouest de la France se situent ainsi en                                                par une bactérie du complexe Borrelia burgdorferi trans-
Nouvelle-Aquitaine (Gironde, Dordogne, Lot-et-Garonne ;                                                  mise à l’homme par piqures de tiques dures du genre Ixodes
Observatoire des Ambroisies & FREDON France, 2019). Ce-                                                  qui sont infectées par cette bactérie. Cette zoonose (non
pendant, aucune recherche n’est menée en Nouvelle-Aqui-                                                  contagieuse) peut toucher plusieurs organes et systèmes
taine, la majeure partie des travaux étant réalisée en Région                                            comme la peau mais aussi les articulations et le système
Rhône-Alpes (Chauvel & Cadet, 2011), mais des actions                                                    nerveux. Non traitée, elle évolue sur plusieurs années ou dé-
sont menées dans les territoires par les Conservatoires                                                  cennies en trois stades de plus en plus graves. Il existe une
d’Espaces Naturels pour lutter contre les plantes invasives                                              grande disparité des incidences estimées en fonction des
et allergisantes comme l’ambroisie.                                                                      régions : le Limousin est de loin la région la plus touchée de
                                                                                                         France avec un taux de 516 cas/100 000 habitants, suivie
2. Maladies vectorielles                                                                                par l’Alsace avec un taux de 183 cas (Réseau Sentinelles,
Des bactéries, virus, champignons ou parasites, ont égale-                                               2015). Les instituts nationaux sont les principaux acteurs
ment des impacts négatifs sur la santé humaine. Les mala-                                                travaillant sur la maladie de Lyme. La surveillance est assu-
dies vectorielles sont des maladies infectieuses transmises                                              rée par deux structures, le Réseau Sentinelles et le Centre
par un vecteur vivant. Ces vecteurs sont principalement                                                  national de référence (CNR) des Borrelia. Ces deux instituts
des insectes et acariens hématophages, c’est-à-dire se                                                   nationaux appuyés par « Santé publique France/Cire » et la
nourrissant de sang, comme les moustiques, phlébotomes                                                   cellule régionale de l’Institut de veille sanitaire (InVS) en ex-
(moucherons), poux, punaises et tiques. Ils transmettent                                                 Limousin et ex-Poitou-Charentes ont estimé les incidences
des maladies parasitaires, bactériennes ou virales. Quand                                                régionales ou départementales de la borréliose de Lyme.
ces maladies se transfèrent naturellement des animaux                                                    Les études menées dans la Région Nouvelle-Aquitaine ont
vertébrés à l’homme (et vice-versa), on parle de zoonose.                                                eu pour objectif de décrire la maladie, d’estimer son inci-
Aujourd’hui, la croissance et l’expansion des maladies à                                                 dence et de déterminer les zones géographiques les plus à
transmission vectorielle sont engendrées par l’intensifica-                                              risque. Schmitt et al. (2006) ont ainsi comparé l’incidence
tion et la mondialisation des échanges de biens et des mou-                                              de la maladie dans trois régions, incluant le Limousin :
vements de personnes. Les interactions avec l’environne-                                                 l’étude a permis de déterminer les caractéristiques démo-
ment, ainsi que les changements climatiques, représentent                                                graphiques, cliniques et biologiques des cas observés dans
également des facteurs de propagation de ces maladies.                                                   le Limousin. Le taux d’incidence, compris entre 65 et 105
Ces parasites et leurs vecteurs sont de nature diverse, et                                               cas pour 100 000 habitants, plaçait déjà en 2006 l’ex-région

                                                                                                 12
CHAPITRE          Annexe C

            au-dessus de la moyenne nationale, et permet de mesurer
            l’augmentation du nombre de personnes atteintes annuel-
            lement (Schmitt et al., 2006). La fréquentation des forêts
            régionales où des tiques infectées se développent consti-
                                                                                       Le Plan Régional Santé
            tue donc un risque sanitaire potentiel pour les habitants et
            usagers. En effet, c’est la biodiversité du couvert végétal
                                                                                       Environnement (PRSE)
            dans les zones boisées humides qui est la plus propice à la                Un Plan Régional Santé Environnement (PRSE)
            prolifération des tiques porteuses. Une étude à long terme                 2017 – 2021 a été signé par 156 acteurs de la
            est par ailleurs menée en Forêt de Chizé, qui est également                santé environnementale. Déclinaison régionale
            un site régional où la maladie de Lyme est très présente,                  du Plan National Santé Environnement (PNSE),
            véhiculée par les chevreuils et les micro-mammifères                       il favorise la recherche et les actions en pre-
            (Kempf et al., 2011; Agoulon et al., 2019). L’étendue du                   nant en compte les spécificités du territoire
            milieu forestier dans la région et les résultats de ces études
                                                                                       néo-aquitain pour répondre à ces enjeux intri-
            confirment donc l’importance de cette maladie dans la ré-
            gion comparée au reste de la France et fait de cette maladie               qués que sont les risques allergiques liés aux
            bactérienne un enjeu de santé publique, particulièrement                   pollens, l’invasion de l’ambroisie à feuilles d’ar-
            dans le Limousin.                                                          moise, et la prolifération du moustique tigre.
            • Les moustiques
            Dès la seconde moitié du XXè siècle, de nombreuses es-                 (06). Suite à la croissance de son aire de répartition, il est
            pèces de moustiques de genre Aedes ont été introduites                 maintenant présent dans 51 départements de métropole,
            en Europe. La prolifération des moustiques est devenue                 dont les 5 départements aquitains (Gironde, Landes,
            un enjeu de santé publique dans divers départements du                 Pyrénées-Atlantiques, Dordogne, et Lot-et-Garonne) et
            littoral néo-aquitain, à commencer par la Gironde. Avec la             la Charente-Maritime (Ministère des Solidarités et de la
            Charente-Maritime, c’est l’un des deux départements de                 Santé, 2019). Cette espèce fait l’objet d’une surveillance
            la région à être membre de l’EID, l’Etablissement Interdé-             attentive et renforcée en Nouvelle-Aquitaine. La recherche
            partemental pour la Démoustication du littoral Atlantique.             et le développement d’outils par l’EID Atlantique ont permis
            L’EID est l’opérateur public habilité par un arrêté préfectoral        d’élaborer et d’analyser des suivis et des études d’impacts
            annuel qui détermine la zone de lutte contre les moustiques            des mesures de démoustication. Des travaux sur le littoral
            et les modalités d’opération.                                          (mais hors région – Rennes et Morbihan) ont porté sur
                                                                                   l’impact des sprays anti-moustiques sur la communauté
            L’EID participe à une forte mobilisation de l’ensemble
                                                                                   d’invertébrés aquatiques (Caquet et al., 2011; Lagadic et
            des moyens disponibles pour réduire la prolifération
                                                                                   al., 2014). Des travaux en Gironde et Charente-Maritime
            d’espèces de moustiques de milieux doux tels que Aedes
                                                                                   ont étudié l’impact du traitement de l’EID sur les abeilles
            annulipes, Aedes cantans, et Aedes rusticus. Le moustique
                                                                                   domestiques (Aletru, 2012). L’EID Atlantique conduit depuis
            tigre, Aedes albopictus, qui peut être vecteur des virus
                                                                                   plusieurs années des expérimentations pour diminuer les
            chikungunya, de la dengue et du Zika, a été repéré en France
                                                                                   concentrations de biocide en les adaptant notamment
            pour la première fois en 2004 dans les Alpes-Maritimes
                                                                                   aux conditions extérieures de température. L’utilisation
                                                                                                           sur le terrain du VectoBac®
                                                                                                           WG est aujourd’hui largement
                                                                                                           inférieure aux doses homologuées
                                                                                                           (moyenne appliquée à 400g/ha
                                                                                                           pour une homologation à 1kg/
                                                                                                           ha). Les résultats des derniers
                                                                                                           tests permettent d’envisager une
                                                                                                           réduction des dosages sur les
                                                                                                           premiers stades larvaires lorsque
                                                                                                           les eaux atteignent une certaine
                                                                                                           température (température > 15°C).
                                                                                                           Dans certaines conditions, des
                                                                                                           doses de 200 g/ha sont appliquées.
                                                                                                           Ces résultats, qui font de l’EID
                                                                                                           Atlantique un pionnier dans ce
                                                                                                           domaine au niveau européen, ont
                                                                                                           fait l’objet d’une communication
                                                                                                           scientifique à l’occasion du 6 ème
                                                                                                           congrès de l’EMCA à Budapest en
                                                                                                           septembre 2011 (Chouin et al.,
                                                                                                           2011).

© Benoit Laurensac

                                                                              13
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