BEETHOVEN Dominique MERLET - Sonates pour piano op. 27 no1 & no2 "Clair de Lune" Sonate pour piano op. 31 no2 "Tempête"

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BEETHOVEN Dominique MERLET - Sonates pour piano op. 27 no1 & no2 "Clair de Lune" Sonate pour piano op. 31 no2 "Tempête"
BEETHOVEN
   Dominique MERLET

Sonates pour piano op. 27 no1 & no2 "Clair de Lune"
     Sonate pour piano op. 31 no2 "Tempête"
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BEETHOVEN Dominique MERLET - Sonates pour piano op. 27 no1 & no2 "Clair de Lune" Sonate pour piano op. 31 no2 "Tempête"
Quelques remarques sur l’interprétation            Notes on the interpretation
Au sujet de la Sonate op. 27 n°2                   Of op. 27 n°2 sonata
Cette « Sonata quasi una fantasia » est,           This « Sonata quasi una fantasia »
hélas, souvent trahie par une lecture              is, unfortunately, often deceived by a
négligente du texte . Son Adagio sostenuto         negligent reading of the text. Deservedly
introductif, célèbre à juste titre, est trop       famous, Its introductive Adagio sostenuto
souvent joué à 4 temps, dans un tempo              is too often performed
démesurément alangui . Or, le manuscrit            This «Sonata quasi una fantasia» is, alas,
est très clairement alla breve, donc à 2           often betrayed by careless reading of the
temps. Cela permet un tempo très calme             text. His rightly famous introductory Adagio
mais fluide . Et nous savons par Carl              sostenuto is too often played as a 4-beats
Czerny, l’élève de Beethoven, que celui-ci         piece, in an inordinately languid tempo.
n’hésitait pas à animer le passage central         However, the manuscript is very clearly
en arpèges, avant de ramener le calme et           alla breve, therefore, a 2-beats piece. This
la sérénité .                                      allows for a very calm but fluid tempo. And
                                                   we know from Carl Czerny, his pupil, that
Au sujet de la Sonate op. 31 n°2 (final)           Beethoven did not hesitate to animate the
Ce 3e mouvement, en forme de chevauchée            central passage with arpeggios, before
haletante, pose un problème particulier            bringing back calm and serenity.
avec la pédale : c’est la main gauche qui          Of the Sonata op. 31 n ° 2 (final)
doit tenir les notes de l’accompagnement
tandis que la main droite chante le thème          This 3rd movement, in the form of a
en diminuant . Pour bien marquer cette             breathless ride, poses a particular problem
particularité, Beethoven lui-même a inscrit        with the pedal: it is the left hand that must
un point sur chaque premier temps de la            hold the notes of the accompaniment
main droite . Ainsi, on évite le fâcheux           while the right hand sings the theme
accent si souvent entendu (et aggravé par          while decreasing. To mark this peculiarity,
une pédale abusive !) …                            Beethoven himself wrote a point on each
                                                   first beat of the right hand. Thus, we avoid
                     Dominique MERLET              the annoying accent so often heard (and
                                                   aggravated by an abusive pedal!) ...
                                                                         Dominique MERLET

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BEETHOVEN Dominique MERLET - Sonates pour piano op. 27 no1 & no2 "Clair de Lune" Sonate pour piano op. 31 no2 "Tempête"
« La musique donne l’idée de l’espace » avec d’autant plus de vigueur que
Mon cœur mis à nu. Journal intime (1887) le pianoforte, qui règne alors sans
Charles Baudelaire.1800-1801.            concurrence, connaît une prodigieuse
                                         révolution de sa facture. La forme
C’est l’époque de la composition du musicale se libère aussi grâce à
ballet les Créatures de Prométhée l’étendue croissante du clavier et de
(op.43), spectacle puisant dans la dynamique de l’instrument. Il n’est
la mythologie, les éléments d’une pourtant qu’un outil au service d’une
revendication        implicite      pour pensée musicale.
l’avènement d’une Humanité libérée
du despotisme… L’introduction lente La Sonate en mi bémol majeur
et presque mystérieuse de l’ouverture op.27 n°1 appartient à cet univers
du ballet, provoque d’étonnants en métamorphose continuelle. Plus
frottements harmoniques entre les encore, la partition semble portée
cordes et les bois. Curieuse partition par l’esprit de l’improvisation. Celui-ci
d’une curieuse forme, en vérité, au nous paraît, aujourd’hui, inconcevable
service d’un nouveau langage dont la dans le répertoire de la musique
quête obsède Ludwig van Beethoven savante parce que nous en avons
(1770-1927), au point qu’il transpose perdu l’usage, alors que sa pratique
celle-ci dans tous ses ouvrages. Ils était l’un des fondements de l’art
se nourrissent mutuellement. De fait, musical jusqu’à la première moitié du
l’écriture au piano est impensable 19e siècle. Beethoven fut un pianiste
sans les autres répertoires. Et et un improvisateur hors-norme et le
réciproquement.                          sous-titre de sa Treizième Sonate le
                                         suggère implicitement : « Sonata quasi
Cette      expérimentation       sonore una fantasia ». Fantasieren signifie
déroute les oreilles du public improviser et le qualificatif quasi
viennois. Transposée au clavier, modère l’enthousiasme de l’interprète,
une telle « étrangeté » s’impose au point que l’on se demande si le

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BEETHOVEN Dominique MERLET - Sonates pour piano op. 27 no1 & no2 "Clair de Lune" Sonate pour piano op. 31 no2 "Tempête"
titre de « Fantasia quasi una Sonata »       qui ne se reconnaissent pas comme
n’aurait pas été plus approprié…             telles. Un jeu d’équilibriste entre
À l’interprète, par conséquent, de           mouvement et immobilité, affirmation
trouver son propre chemin et renouer         et interrogation se met en place :
avec cette Phantasie – l’imaginaire -        Andante, Allegro, tempo primo
dont on sait ce qu’il adviendra sous         (Andante). Inlassablement, le son du
la plume de Schumann quelques                clavier se porte vers le registre aigu
années plus tard. Ici, les piliers de        de l’instrument.
l’héritage beethovénien se situe non
loin de la Fantaisie en sol mineur           Le mi grave pointé d’un « Attaca »
de Bach et de la Fantaisie en ré             provoque l’enchaînement au bref
mineur de Mozart. L’exploitation             Allegro molto e vivace en ut mineur.
prodigieuse des contrastes, des              Le thème se désagrège dans l’élan de
changements de tempi, la mise en             ce scherzo, jouant tantôt d’arpèges,
scène d’une instabilité harmonique,          tantôt d’une écriture en syncopes aux
tout cela participe à la décomposition       deux mains.
thématique de la sonate selon le
                                             Toujours sur le même principe, le
Viennois. Le thème n’est plus nourri
                                             troisième mouvement débute « Attaca
par une mélodie mais par un tempo
                                             subito l’Adagio ». En troisième
et une tonalité. Le silence même, si
                                             position, ce qui est pour le moins
essentiel chez Beethoven, contribue
                                             audacieux, le mouvement lent s’élance
au théâtre d’un monde sonore
                                             con espressione. Il est presque aussi
nouveau.
                                             bref que le scherzo. Voilà une sorte
Au sein de la Sonate en mi bémol             d’élégie dans une respiration continue
majeur,     l’enchaînement         des       et comme suspendue par le battement
mouvements ajoute à cette perte              rythmique de la main gauche. Le
de repères. L’Andante introductif            chant s’interrompt pianissimo… En
combine, en effet, thème et variations       suspens.
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Le finale, « Attaca subito Allegro                Ludwig Rellstab (1799-1860). Bien
vivace », le plus imposant des quatre             que Beethoven ait appelé la pièce,
mouvements se déploie avec une                    à nouveau, « Sonata quasi una
liberté réjouissante comme si les trois           Fantasia », les écrivains du 19e siècle
parties précédentes n’avaient été que             s’emparèrent d’un titre si romantique.
l’effort préparatoire à sa révélation. Le         Il s’imposa d’autant plus aisément que
caractère fugué de la structure renvoie           la sonate précédente se nommait
à nouveau à l’esprit de la fantaisie              déjà « Sonata quasi una Fantasia ».
baroque. Les motifs s’imbriquent et
ornementent la structure épurée de                Composée en 1801, la Sonate en
l’édifice. C’est un battement répétitif           ut dièse mineur s’inspire en partie
de doubles croches, obsessionnel,                 de la passion du compositeur pour
qui fait vibrer la cathédrale sonore              la comtesse Giulietta Guicciardi,
lorsque l’Adagio con espressionne                 l’une de ses élèves, liée à la famille
fait une étonnante réapparition. Il               des Brunsvik. Agé de 31 ans,
surgit d’un matériau sobre et se clôt             Beethoven était moins conscient de
par deux accords ff.                              la différence d’âge – la jeune fille
                                                  était de quinze ans sa cadette - que
« On parle toujours de la Sonate en ut            de la différence de milieu. La mère
dièse mineur [n°14] ! En vérité, j’ai écrit       de la jeune femme envoya, bien
des choses bien meilleures comme                  imprudemment, un cadeau au maître
la Sonate en fa dièse majeur [n°24].              – une bourse remplie d’argent – ce
C’est autre chose ! » aurait déclaré le           qui le mit en rage. S’estimant humilié
compositeur à Carl Czerny. La Sonate              [« il me semble que vous cherchez
pour piano en ut dièse mineur op.27               à m’humilier en voulant me montrer
n°2 dite “Clair de lune” ne prit son              que vous préférez me voir votre
surnom (“Mondschein-Sonate”) qu’en                débiteur » écrivit-il à la mère de la
1852 ! Un essai littéraire de Wilhelm             jeune fille], Beethoven rompit aussitôt
von Lenz en attribua l’idée au poète              et dédia toutefois la sonate à la jeune
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comtesse… Afin de lui prouver son de la pédale. L’indication précise
indéfectible attachement  !               sur le manuscrit est révélatrice :
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Si l’on en croit le compositeur, les pezzo delicatissimamente e senza
expressions de la Sonate s’analysent, sordino ». L’ostinato fluide, la nuance
selon Beethoven, de la manière que double piano, l’emploi du registre
l’on veut et « l’on y trouvera le contenu grave du clavier, tout cela évoque le
que l’on y attend ». Sa préoccupation souvenir de quelque prélude de Bach.
était avant tout liée au langage musical
et non pas à la traduction sonore d’une Après cette sorte de marche rêveuse
passion outragée. Cet idéal artistique que notre connaissance indiscrète
se traduit par un premier mouvement de la liaison du compositeur pourrait
lent, ce qui est relativement inhabituel qualifier de « funèbre », l’Allegretto
dans une sonate.                          suivi d’un Trio parait d’autant plus
                                          surprenant, qu’il prend la place d’un
En     découvrant        les   premières mouvement lent. Il est “Attaca subito
mesures du manuscrit, le lecteur est il seguente” et rompt avec l’idée
bouleversé. Non pas tant par l’énergie de solitude amère affirmée dans
de l’écriture si intensément raturée, l’adagio. Cette danse légère qui tient
mais par la puissance du doute à la fois du scherzo et du menuet
qui anime les premières mesures. joue sur de brèves accélérations. Elle
Comment concevoir le principe d’une n’est en rien anodine car le rythme
si longue mélodie ainsi exposée sans essentiellement syncopé dissimule
rupture aucune, sans forme musicale à peine les dissonances d’un pas
précise ? L’Adagio sostenuto en ut claudicant. Elle prépare au finale.
dièse mineur demeure, à juste titre,
l’une des pages les plus célèbres Celui-ci, Presto agitato (sur le
de Beethoven. Son interprétation fait manuscrit, Beethoven souligne le
appel à un dosage des plus délicats terme) est en ut dièse mineur. La
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plume encrée semble percuter le                 l’acte.
papier avec une rage jubilatoire tant les
notes sont à peine reconnaissables !            Les trois sonates pour piano qui
La durée du mouvement est égale                 composent l’opus 31 appartiennent à
aux deux parties précédentes.                   la période de la Deuxième Symphonie
L’emploi rigoureux de la pédale                 et du Troisième Concerto pour piano.
assure une ampleur considérable                 L’éditeur Suisse Nägeli fut à l’origine
aux traits ascendants ponctués                  de cette série de partitions destinées
d’accords sforzando. Pour autant,               à valoriser son catalogue intitulé “Le
le flot du premier des trois thèmes             Répertoire des clavecinistes”. Les
est contenu par l’agitation d’une               pièces que l’éditeur présente sont
seconde idée musicale d’une veine               dédiées à la pédagogie. Il prend
lyrique. Le troisième thème possède             d’ailleurs des libertés avec les auteurs
un caractère d’urgence encore plus              au point qu’il réalise des modifications
marqué. Il s’exprime par les motifs             dans les sonates que Beethoven lui
répétés à l’envi et un chant concentré          envoie, ce qui provoque une réaction
dans les parties hautes du clavier.             violente du compositeur.

Au cours de l’année 1802, Beethoven             Les trois opus sont liés entre
évoque dans plusieurs lettres, une              eux par une volonté d’explorer le
surdité - due à une forme de syphilis           matériau de la sonate, mais aussi les
doublée d’une otosclérose - qui se              capacités dynamiques et expressives
développe de façon rapide. Les                  de l’instrument, le pianoforte. La
premiers symptômes sont apparus en              virtuosité de la Première Sonate et
1796. Au cours de l’été 1802, il rédige         sa puissance lyrique font penser à
à Heiligenstadt, non loin de Vienne,            l’univers de l’opéra ou de l’orchestre.
un testament. L’idée du suicide le
                                                La Seconde Sonate en ré mineur
hante et seule sa production musicale
                                                est parfois dénommée « Recitativ-
incessante l’empêche de passer à
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Sonate » en raison de son accord              Le mouvement lent, Adagio s’ouvre
arpégé qui est une sorte de clin d’œil        sur le même principe de l’accord
à l’accompagnement d’un récitatif             arpégé. Là encore, ce sont les phrases
d’opéra. Plus souvent encore, elle            antagonistes qui s’attirent. De brèves
est appelée « La Tempête », surnom            formules rythmiques s’opposent à la
qui lui fut donné par Anton Schindler,        délicatesse d’une mélodie qui s’étire.
chroniqueur du compositeur. Le                La sérénité et l’angoisse se combinent
premier mouvement Largo puis                  de la manière la plus originale qui soit.
Allegro s’ouvre dans un climat
étrange. Le développement est si              Le final, un Allegretto au tempo
habilement construit qu’il provoque un        contenu se construit sur un petit motif
sentiment d’inquiétude entre la basse         modulé et travaillé en tous sens. Carl
qui ne cesse de “questionner” et la           Czerny évoqua l’image d’un cheval
violence expressive et “affirmatoire”         au galop passant sous la fenêtre de
de la main droite. Toute la tension de        la maison de Beethoven. L’impression
l’œuvre repose sur ce conflit “question       d’un perpetuum mobile domine de
/ réponse” - une « question demeurée          bout en bout, comme pressentant le
sans réponse » pour reprendre le titre        fameux lied Gretchen am Spinnrade
de l’œuvre de l’Américain Charles             (Marguerite au rouet) que Schubert
Ives, The Unanswered Question – et            composa en 1814. L’humour n’est pas
sur le principe de l’opposition et de         absent de cette page qui révèle une
la complémentarité, entre explosions          volonté irréductible, l’un des traits de
“orchestrales”    et   silences.     Le       caractère du compositeur.
mouvement mérite d’autant plus une
                                                               Stéphane Friédérich
interprétation d’une parfaite clarté -
pour ne pas dire « diction » - jusque
dans l’accord conclusif pianissimo, en
ré mineur.

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Anne Le Bozec (Directrice Artistique) et Dominique Merlet
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"Music gives the idea of space"                 the fortepiano, which reigned without
My Heart Laid Bare. Intimate Journals (1887)    competition at that time, undergoes
Charles Baudelaire.                             a prodigious revolution. The musical
                                                form is also freed by increasing
1800-1801. It is the time that saw              the scope of the keyboard and the
the composition of the ballet The               dynamics of the instrument. Yet it is
Creatures of Prometheus (op.43),                only a tool at the service of musical
a spectacle drawing on mythology,               thought.
with elements implicitly demanding
the advent of a Humanity freed from             Sonata in E flat major op.27 no. 1
despotism. The slow and almost                  belongs to this universe in continual
mysterious introduction of the ballet’s         metamorphosis.         Moreover,      the
overture     provokes      astonishing          score seems carried by the spirit
harmonic friction between the strings           of improvisation. Today, it seems
and the woodwinds. A curious score              inconceivable within the repertoire
in a curious form, in truth it serves           of learned music because we have
Ludwig van Beethoven’s (1770-1927)              lost the use of it, yet it was one of the
obsessive quest for a new language,             foundations of musical art until the
to the point that he transposes it in           first half of the nineteenth century.
all his works. They feed into each              Beethoven was an extraordinary
one another. In fact, writing on the            pianist and improviser, as implicitly
piano is unthinkable without other the          suggested by the subtitle of his
repertoires. And vice versa.                    Thirteenth Sonata: «Sonata quasi
                                                una fantasia». Fantasieren means
This sound experiment confuses                  to improvise and the qualifier quasi
the ears of the Viennese public.                (almost) moderates the enthusiasm
Transposed to the piano keys, this              of the performer, to the point that one
«strangeness» asserts itself with all           wonders whether the title «Fantasia
the more vigour as the construction of          quasi una Sonata» would not have
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been more appropriate. It is up to the        primo (Andante). Tirelessly, the sound
performer, therefore, to find their own       of the keys moves towards the higher
path and reconnect with this Phantasie        register of the instrument.
- the imaginary - and indeed we all
know what went on to happen to it with        The low E signalled by an “Attaca”
Schumann’s quill a few years later.           triggers the sequence linking to the
Here, the pillars of the Beethovenian         brief Allegro molto e vivace in C
heritage are found not far from Bach’s        minor. The theme disintegrates in the
Fantasia in G minor and Mozart’s              momentum of this scherzo, sometimes
Fantasia in D minor . The prodigious          playing arpeggios, sometimes with
exploitation of contrasts, changes            writing in syncopation for both hands.
of tempi, the staging of harmonic
                                       Continuing the same principle, the
instability: all of this contributes to the
                                       third movement begins “Attaca subito
thematic decomposition of the sonata
                                       l’Adagio”. In third position, which
according to the Viennese. The theme
                                       is daring to say the least, the slow
is no longer nourished by a melody but
                                       movement sets off con espressione.
by a tempo and a key. Silence itself,
                                       It is almost as short as the scherzo.
so essential in Beethoven, contributes
                                       There is a kind of elegy in a
to the theatre of a new world of sound.
                                       continuous breath, as if suspended by
Within the Sonata in E flat major, the rhythmic beating of the left hand.
the sequence of movements adds to The singing breaks off pianissimo... It
this loss of reference points. Indeed, is up in the air.
the introductoryAndante combines
                                       The finale, “Attaca subito Allegro
a theme and variations that are not
                                       vivace”, the most imposing of the
recognised as such. A balancing
                                       four movements, unfolds with joyful
act takes place between movement
                                       freedom, as if the three preceding
and immobility, affirmation and
                                       parts had only been the preparatory
questioning: Andante , Allegro, tempo
                                          14
effort for its revelation. The fugitive   took hold all the more easily as the
character of the structure returns        previous sonata had already been
once again to the spirit of baroque       called “Sonata quasi una Fantasia”.
fantasy. The motifs overlap and adorn
the refined structure of the building.    Composed in 1801, the Sonata in C
It is a repetitive, obsessive beating     sharp minor was inspired in part by
of sixteenth notes, causing the           the composer’s passion for Countess
sonorous cathedral vibrate when the       Giulietta Guicciardi, one of his pupils,
Adagio con espressionne makes an          connected to the Brunsvik family.
astonishing reappearance. It emerges      Aged 31, Beethoven was less aware
from a sober material and concludes       of the difference in age - the young
with two ffchords.                        girl was fifteen years his junior - than
                                          of their differences in background.
“We are still talking about the Sonata    The mother of the young woman very
in C sharp minor [no. 14]! In truth, I    recklessly sent a gift to the maestro
wrote much better things, such as the     - a purse full of money - which
Sonata in F sharp major [no. 24]. It is   infuriated him. Considering himself
something else! “ the composer would      humiliated [“it seems to me that you
have declared to Carl Czerny. The         are trying to humiliate me by wanting
Piano Sonata in C sharp minor, Op.27      to show me that you prefer to see me
no. 2 known as “Clair de lune” only       as your debtor” he wrote to the young
acquired its nickname (“Mondschein-       girl’s mother], Beethoven immediately
Sonate”) in 1852! A literary essay by     broke it off but nonetheless dedicated
Wilhelm von Lenz attributed the idea      the sonata to the young countess... as
to the poet Ludwig Rellstab (1799-        proof of his unwavering attachment to
1860). Although Beethoven also            her!
called this piece “Sonata quasi una
Fantasia”, nineteenth century writers If we are to believe the composer,
seized upon the romantic title. It according       to   Beethoven   the
                                      15
expressions of the Sonata can be              senza sordino”. The fluid ostinato, the
analysed however anyone wants,                double piano nuance, the use of the
and “one will find the content that one       low register of the keyboard: all this
expects there”. His preoccupation             evokes the memory of a prelude by
was above all linked to musical               Bach.
language and not to the translation
of an outraged passion into sound.            After this sort of dreamy walk
This artistic ideal results in a slow first   that our indiscreet knowledge of
movement, which is relatively unusual         the composer’s connection could
in a sonata.                                  qualify as “funereal”, theAllegretto
                                              followed by a Trio seems all the
Upon discovering the first bars               more surprising, as it takes the place
of the manuscript, the reader is              of a slow movement. It is “Attaca
overwhelmed, not so much by the               subito il seguente” and breaks with
energy of the writing, which is so            the idea of bitter solitude affirmed in
intensely crossed out, but by the             the adagio. This light dance, which
power of the doubt that animates              is both scherzo and minuet, plays
the first bars. How can we conceive           on brief accelerations. It is by no
of the principle of such a long               means insignificant as the essentially
melody laid out in this way without           syncopated rhythm barely conceals
any break, without precise musical            the dissonances with a limping step. It
form? Adagio sostenuto in C sharp             sets the stage for the finale.
minor remains one of Beethoven’s
most famous sheets, and rightly               This one, Presto agitato (Beethoven
so. Its interpretation calls for a            underlines    the   term    on    the
very delicate use of the pedal. The           manuscript), is in C sharp minor.
precise indication in the manuscript          The inked nib seems to strike the
is revealing : “Si deve Suonare tutto         paper with jubilant rage, the notes
questo pezzo delicatissimamente e             are barely recognisable! The duration
                                          16
of the movement is equal to the two        Nägeli was at the origin of this series
previous parts. The rigorous use of the    of scores intended to enhance his
pedal ensures considerable breadth,        catalogue entitled «Le Répertoire
with ascending lines punctuated            des clavecinistes» (The Repertoire of
by sforzando chords.However, the           Harpsichordists). The pieces that the
flow of the first of the three themes      publisher presented were dedicated
is contained by the agitation of a         to pedagogy. He also took liberties
second musical idea with a lyrical         with the authors to the point that he
vein. The third theme has an even          made changes to the sonatas that
more marked urgency. It is expressed       Beethoven sent him, provoking a
by the repeated patterns and a song        violent reaction from the composer.
concentrated in the upper parts of the
keyboard.                                  The three opuses are linked by a desire
                                           to explore the material of the sonata,
During the year 1802, in several letters   but also the dynamic and expressive
Beethoven mentioned his deafness -         capacities of the instrument, the
due to a form of syphilis coupled with     fortepiano. The virtuosity of the First
otosclerosis - which developed rapidly.    Sonata and its lyrical power evoke the
The first symptoms appeared in 1796.       world of opera or orchestras.
In the summer of 1802, he wrote a will
in Heiligenstadt, not far from Vienna.     The Second Sonata in D minor
The idea of suicide haunted him and        is sometimes called «Recitativ-
only his incessant musical production      Sonate» because of its arpeggiated
prevented him from acting on it.           chord, which is a kind of nod to
                                           the accompaniment of an operatic
The three piano sonatas that comprise      recitative. More often still, it is called
Opus 31 belong to the period of the        «The Tempest», a nickname given to
Second Symphony and the Third              it by Anton Schindler, the composer’s
Piano Concerto. The Swiss publisher        chronicler. The first Largo then Allegro
                                       17
movement opens up into a strange          contained tempo, is built on a small
atmosphere. The development is so         modulated motif and worked in all
skilfully constructed that it causes      directions. Carl Czerny conjured up
a feeling of uneasiness between           the image of a galloping horse passing
the bass, which never ceases to           under the window of Beethoven’s
«question», and the expressive and        house. The impression of a perpetuum
«affirmative» violence of the right       mobile dominates from start to finish,
hand. All the tension of the work rests   as if foreshadowing the famous lied
on this «question/answer» conflict -      Gretchen am Spinnrade (Marguerite
The Unanswered Question, to use           au rouet) that Schubert composed in
the title of the work by the American     1814. Humour is not absent from this
Charles Ives, - and on the principle of   page, which reveals an indomitable
the opposition and complementarity,       will,   one    of      the composer’s
between «orchestral» explosions and       characteristic traits.
silences. The movement deserves a
performance of perfect clarity - not to                   Stéphane Friédérich
say «diction» - up to the concluding
pianissimochord in D minor.

The slow Adagio movement opens on
the same principle of the arpeggiated
chord. Here again, antagonistic
phrases attract one another. Short
rhythmic formulas oppose the delicacy
of a melody that stretches. Serenity
and anxiety are combined in the most
original way possible.

The finale, an Allegretto with a
                                      18
19
BEETHOVEN                                                                 Dominique MERLET
Sonate en mi bémol majeur op. 27 n°1, quasi una fantasia
 1.    1 - Andante – Allegro – Tempo I .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  05:23
 2.    2 - Allegro molto e vivace .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 02:17
 3.    3 - Adagio con espressione .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  03:02
 4.    4 - Allegro vivace – Tempo I – Presto .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 06:06
Sonate en ut dièse mineur op. 27 n°2, quasi una fantasia (“Clair de lune”)
 5. 1 - Adagio sostenuto .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  04:55
 6. 2 - Allegretto .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  02:13
 7. 3 - Presto agitato .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 08:12
Sonate en ré mineur op. 31 n°2 (“Tempête”)
 8. 1 - Largo – Allegro – Largo – Allegro – Largo – Allegro – Largo – Allegro .  .  .  .  .  .  08:53
 9. 2 - Adagio .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 07:56
 10. 3 - Allegretto .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  06:32
                                                                                                                Durée totale 53:29

Enregistré les 10 et 11 octobre 2016 à Ivry sur Seine, au Studio 4’33’’
Direction Artistique : Anne Le Bozec
Prise de son : Alain Gandolfi
Préparation du piano : Pierre Malbos
Texte du livret : Stéphane Friédérich
Tableau de couverture, «L’Épure» : Korin - www.korin.ovipart.fr
Production : Eric Rouyer / Le Palais des Dégustateurs
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