Biovision - Cultiver lʼégalité ! - Fondation pour un développement écologique - Biovision Foundation
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Magazine n° 65, juin 2021 Biovision Fondation pour un développement écologique Cultiver lʼégalité ! Renforcer le pouvoir d’action des paysannes pour plus de stabilité, d’écologie et une meilleure nutrition.
Chère lectrice, cher lecteur, dans la région du projet, Mvomero, afin d’identifier la meilleure approche. Lors de la Paysan ou paysanne ? En Suisse, les rôles mise en œuvre, elle et son équipe ont sans sont trop souvent encore figés dès la forma- cesse écouté les retours des participant·e·s tion : l’homme apprend à s’occuper du gros pour améliorer le processus et permettre à bétail et à conduire le tracteur, la femme à chacun·e de contribuer de façon construc élever le petit bétail et à s’occuper du foyer. tive. Par exemple, SAT a adopté comme nou Comme l’indique le site de l’Union suisse vel objectif global la transformation du lait, des paysannes et des femmes rurales, qui est traditionnellement une affaire de elles doivent « assumer la responsabilité femmes. Ainsi, l’argent gagné finit dans leur des besoins et attentes des membres de la poche plutôt que dans celle de leur maris. famille, des employé·e·s et des invité·e·s ». Prisca Pfammatter, 25 ans, étudiante en agriculture durable, est interloquée par cette conception, comme elle nous l’a Renforcer les femmes raconté lors de notre rencontre à Mont- Soleil dans le Jura bernois. Cette conver dans les projets Biovision sation sur les rôles des genres dans l’agri- Les droits des femmes sont des droits culture s’est déroulée chez une paysanne humains. Les femmes qui prennent des bio très engagée de 60 ans, Ulrike Minkner responsabilités contribuent largement à – à lire dès la page 8. des communautés fortes. Ainsi, Biovision demande et encourage délibérément Dans les fermes du monde entier, les les initiatives et la participation de fem hommes ont encore souvent le dernier mot. mes dans ses actions de développement. L’analyse de l’experte kenyane Jemimah Chaque projet vise une participation Njuki montre que donner aux femmes Récolte fructueuse : investir dans l’éducation égale des deux sexes. des responsabilités accrues génère des des femmes – comme ici à potentiels énormes pour toutes et tous Towelo, en Tanzanie – Impact et entraîne une meilleure gestion globale est doublement payant. Dans le projet « Abeilles pour les jeunes des exploitations. entreprises » à Dehana, en Éthiopie, une soixantaine d’apicultrices gagnent main Mais quand des femmes prennent le gou tenant leur propre revenu, alors que dans vernail, que se passe-t-il ? Et que faut-il pour que cela arrive ? Loredana Sorg, co-responsable des projets de développe- Tout repose sur elles membres du ménage. Les conclusions pré liminaires montrent cependant que la réalité est complexe. Même si Biovision accorde locale et de rechercher des solutions adé quates en coopération avec les communau tés. Biovision investit donc des ressources l’avant-projet jusqu’en 2017, pratique ment aucune femme ne s’était inscrite à la formation. À Vihiga, au Kenya, dans ment chez Biovision, vous l’explique dans Biovision encourage systématiquement l’inclusion et la participation aux femmes et aux hommes un accès égal financières, des réflexions et du temps pour le cadre du projet de notre partenaire notre article de couverture. Bioversity International soutenu par des femmes dans ses projets. Lorsque leur rôle se renforce, toute la aux formations, ce n’est pas pour autant que planifier, réaliser et évaluer ses interven communauté en profite. ces opportunités sont utilisées de manière tions développées en lien avec les femmes. Biovision, 14 000 femmes ont reçu des Nous vous souhaitons une lecture éclairante. égale. Les femmes travaillent souvent plus Les expériences positives de nos projets conseils pour une alimentation équili Par Loredana Sorg, Biovision (texte) et Peter Lüthi, Biovision (photos) d’heures et gagnent moins. Elles ont moins montrent que c’est payant. brée qui profitent à toute leur famille. de choix, moins de ressources et font face à diverses formes de discrimination. Pendo enseigne désormais à son mari Découvrez d’autres projets Biovision Imaginez : vous êtes une agricultrice tan pour suivre un cours pour la première fois de Pendo Ndemo, une bergère masaï, osait à renforçant le rôle des femmes : zanienne avec 1,5 hectare de terrain, cinq votre vie ? Et même si vous osez… qui veil Et pourtant, notre expérience des projets peine dire un mot lors de la première réu www.biovision.ch/fr/femmesenfocus enfants, quelques poulets, un homme qui lera sur vos trois bambins, cuisinera pour complétée par des études scientifiques ne nion de son mouvement Nameloki (« Bonne travaille la semaine en ville, une belle-mère tout le monde le soir, ira chercher l’eau et le cessent de démontrer que le renforcement chance »). Depuis lors, après avoir participé Objectifs de développement malade à la maison et aucune économie. bois, s’occupera de la belle-mère et du pota et l’autonomisation des femmes ont un effet à nos projets et avec le soutien de notre durable de l’ONU Vous parvenez à lire les choses importantes, ger pendant la journée ? favorable sur la santé des familles et des partenaire Sustainable Agriculture Tanza En s’engageant pour l’égalité des droits Florian Blumer mais vous avez du mal à écrire. Et main communautés – avant tout en matière de nia (SAT), elle a fondé son propre groupe et des chances pour tous les genres, Rédacteur, Biovision tenant, vous entendez parler chez votre voi Elles travaillent plus longtemps nutrition et, au sens figuré, en matière de dans lequel, entre autres, elle explique à son Biovision contribue aux objectifs sui sine d’un cours gratuit sur l’apiculture mo et gagnent moins stabilité et de résilience des familles. In mari la gestion durable des pâturages. Et vants de l’Agenda 2030 des Nations derne, qui aura lieu la semaine prochaine. Biovision s’engage pour l’égalité des chances vestir dans les femmes est le moyen le plus dans le village voisin, elle donne des cours Unies : La vente de produits à base de miel et de et l’amélioration des conditions de vie des efficace d’améliorer la vie de chacun·e. de maraîchage à un groupe masaï. cire est clairement destinée à fournir un familles paysannes. Dans nos projets, nous revenu supplémentaire à chacun·e. nous efforçons d’obtenir la participation la Ceci dit, il n’y a évidemment pas qu’un seul Un tel succès ne tombe pas du ciel. Janet plus égalitaire possible des femmes et des type de paysanne africaine, ni de recette Maro, l’infatigable directrice de SAT, a passé Vous y allez ? Auriez-vous le courage de re filles, ainsi qu’une alimentation plus saine universelle pour parvenir à l’égalité. Il est de longs moments à échanger des idées avec joindre un groupe d’hommes mieux formés et des hausses de revenus pour tous les indispensable de s’imprégner de la situation tous les membres de la communauté masaï 2 3
Chercher – et trouver – des solutions Désormais, nombre de paysannes ont leur non conventionnelles propre budget ménage, alors qu’auparavant, À Dehana, en Éthiopie, Biovision et l’équipe elles étaient complètement dépendantes de de projet de notre partenaire icipe pour l’argent de leur mari. suivent depuis le début un objectif : former au moins la moitié des jeunes femmes parmi Directrices et chercheuses : des modèles les jeunes entrepreneur·euses en apiculture. Des hommes émancipés et des femmes in Mais au début les défis étaient de taille. trépides apportent beaucoup aux commu Les femmes ne reçoivent pratiquement au nautés villageoises, mais aussi au niveau cun microcrédit et ne sont pas autorisées de la gestion des projets. La directrice de à garder les ruches la nuit à l’extérieur des SAT, Janet Maro, inspire nombre de jeunes habitations. Parfois, lorsqu’elles se marient, femmes occupant toutes sortes de posi « Grâce à une coopéra elles quittent du jour au lendemain leur vil tions à prendre leur destin en main et à tion quotidienne, lage et donc le groupe apicole. se développer professionnellement. Des universitaires comme la chercheuse nutri les femmes ont développé Mais cela peut fonctionner, comme le prouve tionniste belge Céline Termote, qui a contri leur confiance en elles- l’histoire de Birhanie Asmamaw. Mère d’un bué à mettre en place à Vihiga le projet de mêmes – aujourd’hui, garçon et d’une petite fille, elle est tréso Bioversity International Kenya, sont aussi rière de la start-up « Azmeraw Debesaw & des modèles et des pionnières inspirantes elles travaillent comme Friends » fondée en 2017. Les jeunes femmes de l’égalité des chances entre hommes et formatrices et sont Le plus de l’aloe vera : de son village ne peuvent pas passer la nuit loin de chez elles, notamment à cause de femmes. des modèles pour leur la culture de cette plante médicinale augmente risques pour leur sécurité. Elle a donc dû Autre exemple, la Kenyane Lilian Aluso, communauté. » le revenu des femmes dans trouver avec ses collègues et l’équipe du collaboratrice de Bioversity International, Lilian Aluso les collines de Shimba projet une solution créative pour installer qui a mené des efforts inlassables durant Collaboratrice de projet chez Bioversity au Kenya. ses ruches. Généralement, celles-ci sont l’épreuve de la pandémie pour créer une International Kenya situées loin du village à proximité d’une banque publique de semences. Dans ce pro source. L’apicultrice de 31 ans a placé, elle, jet, femmes et hommes travaillent ensemble ses abeilles juste derrière sa hutte de pisé – pour reproduire et stocker des graines à mais elle doit prendre un soin particulier haut rendement, adaptées localement, afin des colonies pour ne pas déranger les fa de réduire la dépendance aux entreprises milles voisines. agro-industrielles. Dans un autre contexte, les villageoises Bien entendu, le fait que l’accent soit mis d’Itumbu ont pour leur part été rapidement sur les femmes ne signifie pas que les impliquées dans notre projet semencier du hommes sont laissés pour compte. Ils béné comté de Vihiga, au Kenya. La collaboration ficient également du renforcement des rôles entre notre partenaire « Alliance of Biover des femmes, car les sociétés fonctionnent sity International and CIAT » et les com mieux avec des femmes capables de partici munautés locales s’est constituée autour per pleinement aux activités économiques. de conseils nutritionnels pour les jeunes La clé d’une agriculture plus durable, d’une mères. Les femmes ont ainsi constitué dès sécurité alimentaire accrue et de meilleures le départ la majorité des participant·es aux conditions de vie passe par l’inclusion de « Le fait que je puisse cours reproduire comment cultiver de ma toutes les personnes de tous les âges et acheter des chèvres avec nière rentable une plus grande diversité de de tous les sexes. Biovision s’engage ainsi légumes traditionnels. Elles ont ainsi acquis à faire en sorte qu’à l’avenir, une paysanne mes économies a motivé une meilleure position dans la communauté, tanzanienne mère célibataire puisse égale mes voisines à faire ce qui leur donne aussi une voix plus forte ment participer aux cours d’apiculture. de même. Elles m’ont sur d’autres questions, comme le budget du ménage. Découvrez d’autres projets Biovision renfor demandé de partager çant le rôle des femmes : les connaissances Un grand nombre de femmes impliquées ont raconté après la première phase projet de www.biovision.ch/fr/femmesenfocus acquises en formation. Le lait rend plus fort : trois ans qu’elles ont non seulement obtenu J’ai donc fondé mon Son propre argent ! la promotion de l’élevage de meilleurs rendements avec leurs pota propre groupe masaï. » Mary Kameun avec son premier laitier à Lubungo-Mingo, gers, mais qu’elles sont surtout aussi mieux revenu de la production de miel. Tanzanie, bénéficie aux respectées par leurs maris, frères et pères. Pendo Ndemo Lomut, Kenya. femmes. Masaï de Tanzanie Cela s’est traduit souvent par une réparti tion plus égalitaire des rôles à la maison. 4 5
Les femmes sont la clé d’un système alimentaire durable Les travaux de recherche confirment cette évidence : pour réellement vaincre la faim et la pauvreté, la division rigide des rôles entre hommes et femmes doit être abattue. De la ferme à la salle à manger, en passant par la chaîne de transformation. Par Jemimah Njuki, IFPRI (texte) et Peter Lüthi, Biovision (photo) Que ce soit dans le domaine de la santé, de que les hommes. On a démontré que la ré Les systèmes alimentaires équitables entre la formation, de la participation ou sur le duction de cet écart conduisait à l’inverse les sexes requièrent une combinaison de marché du travail, les filles et les femmes à une hausse du produit intérieur brut, à mesures : diffusion des connaissances, cadre restent victimes de discrimination au niveau de meilleures récoltes et à une baisse de la politique approprié et investissement dans mondial. L’inégalité des sexes est à la fois pauvreté. l’autonomisation des femmes de la produc une cause et une conséquence de systèmes tion à la consommation. Tout est à repenser. alimentaires non durables avec un accès Rôles multiples, pouvoirs réduits Nous ne devrions pas nous demander quelle inégal à la nourriture et aux ressources. Il existe aujourd’hui un consensus scien est la contribution des femmes dans l’agri Lutter contre les disparités et renforcer les tifique sur le fait que les systèmes alimen culture, mais plutôt : comment les systèmes femmes est donc une condition pour trans taires doivent être transformés. Ils ne sont alimentaires doivent-ils changer pour qu’ils former le système alimentaire. L’égalité doit pas durables et ne parviennent pas à nour contribuent à renforcer les femmes ? être l’un des objectifs de ce changement. rir l’humanité. La dernière estimation pour 2019 indique qu’avant la crise du Covid-19, La discrimination fondée sur le sexe et le près de 690 millions d’êtres humains (8,9 % Sources non-respect des droits des femmes font de la population mondiale) souffraient de CARE, 2020, Gender Equality and Women’s partie des causes principales de pauvreté sous-alimentation chronique, auxquels se Empowerment in Food Security and et d’insécurité alimentaire dans le monde. sont rajoutées entre 83 et 132 millions de Nutrition – Scoping Paper for the Committee Selon les derniers chiffres de 2019, l’insécu personnes durant la pandémie. on Food Security rité alimentaire était en moyenne plus forte ONU Femmes, Banque mondiale, PNUE et PNUD, chez les femmes que chez les hommes, et Les femmes sont des actrices clés du sys 2015, The Cost of the Gender Gap in Agricultural ceci sur tous les continents. tème alimentaire, tout au long du cycle : en Productivity in Malawi, Tanzania, and Uganda travaillant à la transformation, en vendant Les femmes s’occupent de la nourriture… sur les marchés, en préparant la nourriture FAO, FIDA, PAM, OMS, UNICEF, 2020. L’état de et ont faim des foyers. Mais elles ont aussi des fonc la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde, 2020 Conséquence directe des systèmes patriar tions essentielles comme productrices, en caux, les femmes et les filles sont souvent trepreneuses, gestionnaires et consomma servies en dernier lorsque la nourriture est trices. Pourtant, leur rôle est généralement rare. Selon la répartition traditionnelle des sous-évalué et restreint par l’accès limité tâches au sein du ménage, c’est pourtant aux ressources – pâturages, eau, semences, souvent elles qui doivent cultiver, acheter engrais, ainsi qu’aux financements et ser et préparer les aliments. Cette division du vices. travail fait peser un lourd fardeau sur elles, ce qui à son tour affecte leur santé et leur Changer les normes, ensemble participation aux activités économiques. avec les hommes Jemimah Njuki Les modèles traditionnels empêchent les Si nous voulons renforcer efficacement les Directrice Afrique à l’Institut hommes de participer aux tâches ménagères femmes, nous devons les soutenir dans leur international de recherche sur les non rémunérées – il a été démontré qu’un rôle de décideuses et leur donner plus de politiques alimentaires (IFPRI), assouplissement de ces normes conduit à ressources. Les normes sexistes discrimi experte africaine de premier plan en matière d’égalité et d’agriculture. une meilleure nutrition pour toute la famille. natoires doivent être abordées, en concer tation avec les hommes et les garçons, à L’inégalité entre les sexes limite et inhibe la tous les niveaux du système alimentaire. productivité et l’efficacité des exploitations, Il s’agit d’examiner le problème de l’inter ce qui entrave le développement. En règle sectionnalité, c’est-à-dire que les femmes Une affaire de femmes ? générale, les femmes consacrent une plus peuvent d iscriminées sur plusieurs plans, Si les tâches étaient mieux grande partie de leurs moyens à l’alimenta par exemple en raison de leur sexe et de leur réparties dans les foyers, tion des enfants, à la santé et à l’éducation identité autochtone. plus équitablement, tout le monde en bénéficierait. 6
Réunion intergénérationnelle : Prisca Pfammatter (à gauche) rencontre Ulrike Minkner (à droite) dans sa ferme sur le Mont-Soleil dans le Jura bernois. UM : Depuis la mort de mon mari il y a quatre Par où faut-il commencer pour aller Commentaire ans, j’ai tout fait. À l’intérieur comme à vers plus d’égalité et plus d’écologie l’extérieur. Cela m’a valu beaucoup d’estime dans l’agriculture ? Patriarcat tenace de la part de mes voisin·es. En revanche, Biovision renforce consciemment le rôle lorsqu’un homme travaille non seulement PP : Manger a toujours joué un rôle central des femmes dans ses projets en Afrique – dehors mais aussi dans la maison, il ne dans la société. Le monde et nous-mêmes car bien souvent, elles sont la clé d’une sent pas tellement valorisé, car ce travail sommes façonnés par la nourriture. Mais alimentation plus sûre et plus saine pour est moins visible et ne rapporte rien finan aujourd’hui, ça ne nous appartient plus. toute la communauté. Cela vaut égale- cièrement. C’est l’affaire des grandes firmes. Il faut ment en Suisse. Dans ce pays également, donc avoir plus de terres appartenant à des une plus grande participation féminine PP : Ça commence déjà à la formation. associations ou communautés – et cogérées mènerait à des entreprises plus stables Encore aujourd’hui, dans l’apprentissage par des femmes aussi. économiquement, à plus d’innovation, du paysan, on enseigne les activités dans les à plus de proximité avec les client·e·s. champs et dans l’étable, et dans l’appren UM : Pour moi, il n’y a pas UNE solution. Elle mènerait aussi, comme le montre tissage de paysanne, on met l’accent sur la Il devrait y avoir des coopératives et des l’inspiration féminine de l’agriculture conduite du ménage agricole. collectifs qui cultivent la terre, mais aussi biologique, à plus d’écologie. des petites et des grandes exploitations de UM : Pour moi, ça a toujours été clair. Seul paysannes et de paysans. Heureusement, de plus en plus de jeunes un partenaire qui sait cuisiner et participer femmes prennent des responsabilités au ménage peut entrer en ligne de compte. PP : Et aussi des fermes traditionnelles, et exigent leur propre salaire ou un statut En fait, nous sommes arrivés ici très naïve des entreprises familiales… de co-directrice. C’est urgent : 94 % des ment depuis la ville. Mais je dois dire qu’à la exploitations suisses sont toujours fin, j’ai fait plus de travaux ménagers et que UM : … oui, on est toujours dans le classique. détenues par des hommes ; les deux tiers Kurt a plus conduit le tracteur ! (rires) Et c’est un beau mode de vie. Pour moi, la des agricultrices ne reçoivent aucun « À la ferme, j’ai cultivé une diversité est importante. Mais surtout en salaire et donc aucune sécurité sociale. Pourquoi ? temps de crise comme maintenant, on voit clairement qu’il vaut mieux construire un De telles conditions seraient un scandale identité masculine » UM : J’ai remarqué que conduire un tracteur réseau et ne pas rester seul dans une petite dans n’importe quelle autre branche. n’est pas si génial. Alors que j’ai adoré unité père-mère-enfants. Mais dans la politique agricole suisse, les m’occuper des vaches. J’ai aussi fait du structures patriarcales ne sont évoquées fromage un certain temps. Couper du bois qu’avec hésitation. La politique agricole Deux femmes, deux générations, deux mondes. Ulrike Minkner est agricultrice bio à Mont-Soleil dans n’était pas mon truc non plus. Mais en réali Prisca Pfammatter (25 ans) 22+, qui aurait renforcé la position des le Jura bernois depuis 20 ans. Prisca Pfammatter rédige actuellement son mémoire de master en té, c’est plutôt un luxe de pouvoir parler de Originaire de Lugano et de Bâle, elle a étudié paysannes, vient d’être mise en veilleuse agriculture durable. Leur discussion animée chez Ulrike Minkner aboutit à une conclusion commune : ce que vous aimez faire et de ce que vous l’agriculture durable à l’Université de Wageningen, par le Parlement. l’agriculture suisse doit devenir plus féminine. aimez moins. De nombreux couples paysans aux Pays-Bas. Elle a rédigé son mémoire de master marchent sur un tapis roulant dont ils ne sur la répartition des rôles dans les exploitations Interview : Florian Blumer, Biovision (texte et photo) Il est urgent que le thème de l’égalité soit peuvent pas sortir : ils ont des dettes jusqu’au qui ne sont pas codirigées par un couple. inclus dans la formation et que le profil plafond, mais ils continuent comme avant Elle a suivi un stage pratique chez Pro Natura dans le domaine de la politique agricole et professionnel des agricultrices soit revu parce qu’ils arrivent encore tout juste à s’en de fond en comble. La voie vers une participe au projet de Parlement de l’alimentation, Ulrike Minkner, est-ce que « paysan » va surtout, on garde l’image de l’homme fort UM : J’ai constaté que la production d evient sortir au quotidien. agriculture écologique, sociale et donc dans lequel Biovision est également impliquée. rester un travail d’homme en 2021 ? qui domine la nature avec son gros tracteur. plus écologique quand il y a plus de gens qui durable passe par l’émancipation des Dans le mouvement du développement du ont leur mot à dire : dans des fermes coopé femmes. En Suisse comme en Afrique. Ulrike Minkner (UM) : Oui. L’accès à une rable, je vois plus de féminité, même au ratives ou des fermes multigénérationnelles. Ulrike Minkner (60 ans) exploitation est encore difficile pour une sein du modèle typique : en tant que femme, Ça rend les choses plus compliquées, mais est agricultrice biologique depuis 2000 sur femme. La plupart du temps, elle se « marie je prends soin de la nature, je travaille avec on discute davantage sur la manière de pro une ferme de 11 hectares avec élevage de bétail à la ferme » d’un homme. Mais aujourd’hui, elle, pas contre elle. céder : comment produire meilleur marché, ces femmes se posent des questions : quelles plus efficacement, plus écologiquement. Pour l’égalité des chances : à Mont-Soleil (Jura bernois). Elle a conduit l’exploitation avec son mari pendant 17 ans – tâches est-ce que j’assume, quelle est ma Avec la nature plutôt que contre la passez à l’action ! tous deux sont originaires de Bâle. Depuis la mort responsabilité, est-ce que je serai coproprié nature, c’est aussi un principe de base Quelles sont vos expériences de son mari, elle la dirige seule. À côté de ses taire ? Pour ma génération, c’était encore un chez Biovision. Diriez-vous que si personnelles de femmes à la ferme ? Vous souhaitez vous engager pour plus activités agricoles, cette enseignante de formation tabou. davantage de fermes étaient dirigées d’égalité entre les sexes ? Notre spécia a été plusieurs années vice-présidente et membre par des femmes, nous aurions une agri- PP : Quand je travaillais dans une ferme, liste des questions de genre Loredana de la direction du syndicat paysan Uniterre, Maya Graf Prisca Pfammatter, « paysan » est-ce culture plus durable ? j’ai développé assez rapidement une sorte Sorg, co-responsable des projets de dé pour lequel elle travaille maintenant comme Conseillère aux États BL, veloppement, a rassemblé des conseils secrétaire. active en politique agricole, un travail d’homme ? d’identité masculine, je m’habillais plu membre du Conseil de PP : Je pense que ce sont les attributs men tôt comme un homme pour moins attirer et des suggestions applicables dans la fondation de Biovision. Prisca Pfammatter (PP) : Oui et non. Les tionnés, qualifiés de féminins, qui mènent à l’attention sur moi. Si j’étais arrivée avec un vie quotidienne, ainsi que d’autres liens. femmes ont toujours travaillé dans l’agri une agriculture plus durable. Il serait sou pantalon rose, je n’aurais pas trop été prise Consultez cette interview en format plus culture, à l’intérieur comme à l’extérieur. haitable que cette image change pour que au sérieux. www.biovision.ch/egalite long et avec plus de photographies : Mais dans l’agriculture conventionnelle les hommes les adoptent de plus en plus. www.biovision.ch/mont-soleil-fr 8 9
Actualités Biovision Sommet sur les systèmes alimentaires de l’ONU Dernières nouvelles de nos projets de sensibilisation, de développement et de plaidoyer, en Suisse et à l’international. Les systèmes alimentaires doivent de toute urgence devenir plus sains, plus durables et plus équitables pour ac croître la résilience au changement climatique, protéger la biodiversité et maintenir notre santé. Au Sommet sur les systèmes alimentaires de l’ONU, Julia Sackers en septembre prochain, de nouvelles Développeuse de produits chez « The Green Mountain » mesures courageuses pour atteindre ces objectifs seront discutées. Malgré les controverses autour de ce Sommet, Bio « Dans la mesure du vision envisage sa participation comme possible, nous utilisons des une excellente occasion d’influencer les schémas de pensée, les stratégies, produits bio régionaux » les investissements et les pratiques de production alimentaire. Dans son rôle de conseiller, Frank Eyhorn, directeur Jus de betterave plutôt « The Green Mountain » produit ses burgers végétaux à Landquart (GR). Elle que sang de bœuf déclare transformer autant que possible de Biovision, montrera avec nos alliés des matières premières suisses issues de que le changement est possible si on l’agriculture biologique. Cependant, leurs tient compte des intérêts de la société hamburgers n’ont pas le label bio, car le civile, des consommateurs·trices, de la Le boom des hamburgers génère aussi un grand choix de versions processus de fabrication des protéines science et des entreprises durables. Le végétales. C’est clairement une alternative plus durable. végétales texturées n’est pas certifié par sommet sera-t-il une étape historique Bio Suisse. vers le changement de cap tant atten Par Maggie Haab, Biovision du ? Suivez-nous en ligne pour en savoir Partenaire de Biovision, accompagnés dès le départ. Aujourd’hui, plus. (tca) SAT reçoit le One World leur organisation, Sustainable Agriculture Aujourd’hui, 6 % de la population suisse ne consomme plus du tout de viande. Faits et chiffres Climat Tanzania (SAT), dirige l’un des principaux Award. centres de formation en agroécologie et Et une personne sur cinq veut y renon- En Suisse, 43 % des terres arables Conditions cer progressivement. Ces flexitarien·nes de vie satis- en commercialisation de produits bio servent à cultiver du fourrage, faisantes Pollution Nos félicitations ! d’Afrique de l’Est. « Leur passion et leur Impressum sont le groupe ciblé par les fabricants de contre 33 % au niveau mondial. Magazine Biovision nº 65, juin 2021, 22 e année produits à base de végétaux. En 2019, travail politique ont marqué la façon dont Janet Maro (au centre, en robe colorée) et l’agriculture biologique est perçue par le Le magazine est publié 5 fois par an. Dès 5 CHF le lancement sur le marché du « Beyond Plus de 50 % du fourrage concentré Alex Wostry (au centre à gauche, veste gris Burger » a déclenché un boom, que les utilisé en Suisse est importé de gouvernement et la population en Tanza de don, il est inclus sous forme d'abonnement. foncé) se réjouissent de la reconnaissance nie ». (fer) Tirage 31 500 exemplaires (français et allemand) grossistes ont suivi. On trouve maintenant l’étranger (env. 300 000 tonnes de leur travail. Leur chemin vers cette en Suisse plus d’une douzaine de burgers de soja par an), et la tendance est à la belle réussite sans précédent a débuté © Fondation Biovision, Ch. de Balexert 7, végétaux différents. « The Green Mountain hausse. 1219 Châtelaine (GE) Impact social Consommation il y a 13 ans. Biovision les a soutenus et Burger », produit en Suisse, peut à notre et bien-être des ressources Rédaction (résponsable) Florian Blumer avis rivaliser avec le bœuf en matière de En Suisse, la consommation de viande animal Rédaction/Photos Peter Lüthi goût et de texture. par personne s’élève à 51,25 kg Biodiversité Traduction Daniel Wermus par an, soit trois fois la quantité Corrections Text Control AG Aucun animal ne souffre pour produire ce recommandée par l’Office Fédéral de la Burger végétal « The Green Mountain » CLEVER à votre rencontre Crédit photos Couverture – Semi-nomade à hamburger. Mais globalement, est-il plus Santé Publique (OFSP). Hamburger de bœuf « Bonvalle » durable aussi ? La réponse est oui, et de Un stand CLEVER consommer durable sera Bulsea, Kenya. Toutes les photos : Peter Lüthi / Chaque année, environ 6 millions Plus la surface couverte par la forme est Biovision sauf page 5, en haut à droite : Bioversity loin (voir la comparaison avec un burger au Port à Fribourg le samedi 28 août de de francs de nos impôts servent grande, plus le résultat est durable. International, Kenya ; en bas : Hannes Müller, de viande dans le diagramme en toile 11h à 17h et, dans le contexte du Festival à promouvoir la viande suisse. SAT ; page 8 : Florian Blumer / Biovision ; page 9 : d’araignée). Une étude de l’Université du Alternatiba Léman, à Genève le samedi D. Thommen ; page 10 en haut : SAT ; page 11 : Michigan est également arrivée à cette 4 septembre. Le mini supermarché fictif Hilcona conclusion : en moyenne, un hamburger et interactif en containers est dans le parc Mise en page Binkert Partnerinnen, Zurich végétal émet 90 % de gaz à effet de serre Comparaison entre burger de pois et burger de viande de la ville d’Uster jusqu’au 8 juillet (lundi- Impression Koprint AG, Alpnach en moins, tout en consommant 93 % de vendredi 12h–18h, samedi 10h–17h). Nos Sur tous les critères de durabilité, le Green beaucoup moins d’eau, de terres et d’éner Papier Nautilus Classic (100 % recyclé) terres et 99 % d’eau en moins par rapport expert·es vous montrent comment faire Mountain Burger (Coop) surpasse le ham gie. Pour le burger de bœuf, le concentré à son équivalent à base de bœuf. des achats plus durables. L’installation burger de bœuf Bonvalle (Lidl), de produc importé (soja) pour nourrir les animaux CLEVER se déplacera ensuite à Glaris (du Biovision est un partenaire officiel de la Direction tion conventionnelle. Notamment parce est gourmand en énergie et en eau. Les du développement et de la coopération (DDC), Informations complémentaires : 25 août au 20 septembre). (aro/asc) qu’il contient des protéines de pois et de émissions de méthane des animaux ont Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). www.clever-consommerdurable.ch blé européens, ingrédients qui nécessitent également un impact négatif sur le climat. Les projets internationaux de Biovision sont soutenus financièrement par la DDC. 10 11
« Ce que je change à laissés pour compte à l’école, décrochent, dissimulent leur vrai « moi » ou se révoltent. petite échelle, Biovision Le jardinage comme deuxième passion Sara Rohner a une deuxième passion après le fait à grande échelle » l’art : « Je dois cultiver un brin de terre par tout où je vis. » Derrière sa maison pousse une merveilleuse variété de fleurs et de lé gumes, dont elle prend soin avec beaucoup Par Peter Lüthi, Biovision (texte et photo) d’amour selon des principes écologiques. Dans la commune, elle est le moteur du Une œuvre de Sara Rohner, c’est comme si Sara Rohner a trouvé sa vocation artistique « Jardin communautaire 2520 », un potager on découvrait des formes au télescope… ou en Chine. Après avoir terminé des études associatif en permaculture. bien au microscope. Pour l’artiste, l’inspi théologiques, elle a fait une pause pour se ration vient du petit : « Je voulais présenter réorienter. Elle en a profité pour partir à Suite à une conférence de Hans Rudolf l’esthétique du microcosme – aujourd’hui l’aventure dans l’Empire du Milieu. Là-bas, Herren sur l’agroécologie, elle s’est rappro connotée négativement – de manière posi elle se retrouvait parfois avec un groupe chée de Biovision. Aujourd’hui, Sara fait tive ». Maintenant que sa série est terminée, d’étudiant·e·s en art. En l’absence de lan partie des fidèles mécènes de la fondation. les images accrochées dans son atelier de La gage commun, ils communiquaient par des « Je suis convaincue par cette approche où Neuveville près du lac de Bienne évoquent à dessins. Un déclic décisif pour elle : « Tout à on transmet des connaissances aux gens la fois l’infiniment petit et l’infiniment grand. coup, j’ai su comment les choses pouvaient pour qu’ils puissent améliorer leur vie », continuer pour moi ! » affirme-t-elle. L’engagement de la fondation Expérience déterminante en Chine au niveau mondial et au niveau politique À l’origine de ses créations, il y a souvent De retour en Suisse, elle devient enseignante est très important pour elle. De même que des rêves nocturnes ou diurnes, que son et trouve un poste au collège de Brugg, où les conseils sur la consommation durable pinceau explore à fond. C’est en approchant elle donne un cours intitulé « Œuvres », et en Suisse. « Ce que je peux changer à petite l’essence de ces révélations que les images enseigne plus tard le design artistique. « Le échelle, Biovision le fait bouger à grande et les séries émergent. « Mon travail est un plus important pour moi, c’est d’aider les échelle. Cela me donne un sentiment fort processus de découverte éclairant, dit-elle. jeunes à se rendre compte qu’ils sont eux- d’être comme une petite particule connec Je crée une connexion entre mon monde in mêmes précieux », affirme cette pédagogue tée à quelque chose de grand. » térieur et le monde extérieur. » engagée. Trop souvent, les élèves se sentent Stiftung für ökologische Entwicklung www.biovision.ch, www.facebook.com/biovision.francais Fondation pour un développement écologique Pour vos dons : compte postal PC 87-193093-4 Foundation for ecological development
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