Bruxelles Patrimoines Printemps 2021 - ET TEXTURES - patrimoine.Brussels
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Dossier ENG The true colours of imitation marble Four examples of imitation La vraie couleur marble in Brabant des faux marbres The article outlines the use of imitation to replicate marble in the Baroque period, drawing on Quatre exemples d’imitation four examples. While the pieces examined differ in form and de marbres en Brabant production date, taken together they illustrate how a tendency to abandon natural materials in favour of reproductions became more widespread in the former ERIKA BENATI RABELO Southern Netherlands. The point RESTAURATRICE À L’ATELIER DES SCULPTURES EN BOIS POLYCHROMÉ of departure is provided by two INSTITUT ROYAL DU PATRIMOINE ARTISTIQUE relatively plain Brussels altars, dating from 1723 and 1724, which can be seen in Notre-Dame de Bon-Secours/Onze-Lieve-Vrouw van Goede Bijstand Church in Brussels. The article then goes on to look at more complex creations in Brussels and further afield: veritable masterpieces that afford an insight into the NDLR Quand couleurs et textures permettent le faux- tastes and colours characterising semblant et l’imitation d’une des matières les the period when they were plus nobles, le marbre. Erika Benati Rabelo made. The pieces studied are St Marcou Chapel in Notre-Dame nous révèle l’excellence des artistes qui travaillaient des Victoires au Sablon/Sint volontairement le faux-marbre, évitant ainsi les Marcoenkapel in Onze-Lieve- imperfection de la matière naturelle, dans plusieurs Vrouw ter Zege op de Zavel ensembles baroques brabançons. Church in Brussels (1690) and two large altars dedicated to St John the Baptist (1699) and St Norbert (1702) as well as two small altars dedicated to Our Lady of Sorrows (1773) and the Holy Cross (1774), all of them to be found in Averbode Abbey. The author takes the view that, far from resulting in a loss of authenticity, the use of imitation techniques represents the development of a new aesthetic. Imitation seems to offer craftspeople and artists a certain degree of freedom in terms of form and colour and is, as such, a device that has also been used at other points in history. Abbaye d’Averbode, détail du stuc-marbre et signature, autel Notre-Dame des Douleurs ,1733 (© KIK-IRPA, Bruxelles, cliché X000610). urban.brussels 129
9 FIG. 1 Étude préparatoire en terre cuite de la statue de saint Joseph et l’enfant Jésus, collection particulière (d’après CARETTE, F.,COEKELBERGHS, D., JACOBS,A.,VAN BINNEBEKE, E., Le baroque dévoilé, Bruxelles : Racine, 2011, p. 129). L’ emploi du marbre véritable est re- manque de matières primaires. Avec l’imitation, 1. PHILIPPOT, P. Le marbre dans marquable à l’époque baroque où les l’artiste représente la matière idéale, surpassant l’histoire de l’art occidental, artistes exploitèrent au maximum ses la nature en se libérant de ses limites et imper- Pénétrer l’art Restaurer l’œuvre. Une vision humaniste, qualités chromatiques1. En Italie, l’in- fections. Relativement bien étudiée en Belgique, Groeninghe EDS (édité par C. térieur de nombreuses églises fut entièrement cette production a fait notamment l’objet d’une Périer-D’Ieteren), 1990, p. 294. recouvert de plaques de marbre colorées, de étude pluridisciplinaire menée à l’IRPA dans le 2. BENATI RABELO, E., Les imitations de marbre dans marqueteries aux compositions sophistiquées et cadre d’un projet européen entre 1999 et 2002, le baroque en Belgique, décoré de statues de marbre blanc. L’influence « Policromia » avec le Portugal et l’Espagne5. Cet Policromia, A escultura Policromada Religiosa dos italienne traversa les frontières et cette mode se article propose un bref regard sur les imitations Séculos XVII e XVIII, Estudo comparativo das técnicas, répandit en Europe. Plusieurs pays l’adoptèrent de marbres en Belgique à travers quatre cas de alterações e conservação em tout à fait indépendamment de leurs propres figure assez distincts. Ces exemples témoignent Portugal, Espanha e Bélgica, Lisbonne, 2004, p. 96. ressources minéralogiques et de leurs traditions de la coexistence de techniques relativement 3. LEFFTZ, M., Sculpture en artistiques2. Selon Michel Lefftz3, la « baroquisa- simples et d’autres plus sophistiquées. Tous les Belgique 1000-1800, p. 72. tion » des églises gothiques en Belgique au XVIIe cas discutés sont le fruit d’une collaboration di- 4. VAN DIJK, L., Les autels siècle a ouvert de nombreux débouchés aux ate- recte ou indirecte avec l’IRPA. de Pieter 1er (Scheemaecker (1652-1714) à Averbode, œuvres liers de sculpture en Belgique. Cette production tardives du baroque aux Pays- abondante et variée d’autels et de sculptures Bas méridionaux, Policromia, A escultura Policromada Religiosa montre que les artistes de l’époque ont travaillé LES IMITATIONS DE dos Séculos XVIIe XVIII, Estudo à la fois le marbre et le bois4. PIERRE BLANCHE-GRISE : comparativo das técnicas, alterações e conservação em LES MONOCHROMIES Portugal, Espanha e Bélgica, Lisbonne, 2004, p. 257. En ce qui concerne les faux marbres, de nom- 5. Projet soutenu par le breux exemples présents dans les églises té- En 1723 et 1724, Jean-Baptiste Van der Haeghen programme européen moignent de la popularité de cette tendance (1688-1738) réalisa deux sculptures représen- RAPHAEL : Policromia, A escultura Policromada Religiosa dans les Pays-Bas méridionaux. Le recours à l’imi- tant saint Jacques le Majeur et saint Joseph et dos Séculos XVII e XVIII, Estudo tation devient un mode d’expression artistique l’enfant Jésus pour décorer les autels latéraux comparativo das técnicas, alterações e conservação em et pas simplement une façon de combler un de l’église Notre-Dame de Bon-Secours de Portugal, Espanha e Bélgica. 130 Bruxelles Patrimoines 34 Printemps 2021
LA VRAIE COULEUR DES FAUX MARBRES FIG. 2 Gravure de 1729 représentant l’autel d’origine (© AVB). urban.brussels 131
LA VRAIE COULEUR DES FAUX MARBRES FIG. 5 Représentation en aquarelle de la stratigraphique de saint Jacques. Les six premières couches font partie de la monochromie d’origine (© M. Estadella). D’après les restaurateurs, la monochromie blanche-grisâtre originale serait d’aspect mat, uni et lisse. Dans ce cas précis, nous préfé- rons éviter l’expression « imitation marbre de Carrare » car nous n’avons pas observé la pré- sence des veines, caractéristique de ce type de marbre12. Il s’agit d’une supposition car il est difficile de qualifier l’aspect précis d’une surface sur la base d’observation de restes mi- 11. Préparation : enduit blanc à FIG. 6 nuscules au microscope binoculaire. Quant aux base d’une charge et de colle Vue du corps octogonal de la chapelle Saint-Marcou, église matériaux, la craie et le blanc de plomb de diffé- animale, destiné à créer une Notre-Dame des Victoires au Sablon de Bruxelles (© KIK-IRPA, surface lisse sur laquelle la couche Bruxelles). rentes qualités ont été observés. Nous ignorons picturale est ensuite appliquée si cette imitation de pierre de facture relative- (S.O.S. Peintures anciennes, sauvegarde de 20 œuvres sur ment simple a été posée par le sculpteur même panneau, Fondation Roi Baudouin, Bruxelles, 1996, p. 205. à l’origine est constituée comme suit. Sur le ou par un peintre sous-traitant. Cette question 12. Les tonalités de fond du marbre support en bois de tilleul, une fine couche de s’avère complexe car les règles corporatives à de Carrare varient du blanc ivoire, colle animale (encollage) a été badigeonnée l’époque varient d’une région à l’autre13. gris bleuâtre au beige clair. afin de boucher les pores du bois. Ensuite, une 13. Voir à ce sujet : SANYOVA, J., KAIRIS, P.-Y., Contribution à l’étude couche de préparation blanche11 a été appli- des techniques de monochromie quée en deux phases. La présence d’une fine LES IMITATIONS DE MARBRES blanche des Sculptures Baroques du Pays de Liège, Bulletin Irpa couche de coloration jaunâtre sur cette prépa- PEINTS COLORÉS n° 30, Bruxelles, 2004, p. 245, qui ration suggère qu’une couche de colle animale donne les différentes techniques et recettes présentes dans les a été utilisée comme isolation afin de rendre La chapelle Saint-Marcou, dans l’église Notre- manuels contemporains (Cröcker, Wattin, Stöckel). la surface moins absorbante. Par-dessus vient Dame des Victoires au Sablon de Bruxelles, 14. PATIGNY, G., La chapelle Saint- la couche d’imitation de « pierre blanche-gri- a été construite en 1690 sous le contrôle de Marcou, introduction historique, sâtre » proprement dite, appliquée également Guillaume de Bruyn (1649-1719) architecte et L’église Notre-Dame du Sablon, Ministère de la Région de Bruxelles- en deux phases, une sous-couche blanche sui- contrôleur des travaux de la Ville de Bruxelles14. Capitale, Bruxelles, 2004, p. 202 vie d’une couche finale de tonalité gris bleuâtre. (FIG. 6) (Collection Histoire & Restauration). urban.brussels 133
9 FIG. 7 FIG. 8 Détail du faux marbre vert peint avec des veines dorées (© KIK-IRPA, Bruxelles). Détail du faux marbre peint gris d’Ardennes (© KIK-IRPA, Bruxelles). Malgré la présence de nombreuses lacunes lo- niveaux inférieurs, l’entablement est peint en calisées, cette chapelle peut sans doute être faux marbre rouge à tâches colorées. La frise, appréciée comme le plus bel exemple conser- en faux marbre vert, se poursuit le long des arcs vé de faux marbre peint du pays. D’inspiration en plein cintre de l’avant-corps, de la partie mé- 15. MERCIER, E., La chapelle romaine, elle a été somptueusement décorée diane et de l’autel unissant ainsi les deux parties Saint-Marcou de l’église Notre- d’imitations de marbres variées15 : « Tant les de la chapelle. Le fond des caissons des arcs Dame du Sablon : un décor baroque exceptionnel en péril, parois que les pilastres d’appui sont peints en en plein cintre est aujourd’hui repeint en blanc. L’église Notre-Dame du Sablon, faux marbre vert. Sur les pilastres d’appui, un Chaque caisson est orné d’une fleur sculptée Ministère de la Région de Bruxelles-Capitale, Bruxelles, panneau rectangulaire reproduisant un marbre et dorée. L’entablement soutient une nouvelle 2004, p. 208 (Collection Histoire & Restauration). rouge est posé dans le sens de la longueur. rangée de pilastres courts. Ils portent une large Entre les pilastres, des panneaux décoratifs corniche peinte en imitation de marbre gris qui 16. Construite en 1651 par l’architecte et sculpteur peints en imitation de différents marbres colo- forme un décrochage au-dessus de chaque cha- malinois Fayd’herbe et achevée en 1676, recouverte de marbre rés sont appliqués sur chacune des parties pla- piteau. Les coupoles sont divisées en bandes noir de Dinant d’origine belge nes. La plinthe est noire tandis que la cimaise concentriques reproduisant du marbre gris en contraste avec du marbre blanc de Carrare. est en faux marbre polychrome à dominante mat. Les lanternes sont décorées de trumeaux 17. KNOEPFLI, A. ,Matériaux rouge-brun. Au-dessus du soubassement, les montrant des guirlandes de fleurs dorées. » Cet colorés factices, moyen parois des lambris dits ‘de hauteur’ sont décou- aspect chatoyant l’éloigne définitivement de d’illusion dans l’art, Palette, 34, Bâle, 1970, p. 14. pées par des pilastres à chapiteaux composites son pendant, la chapelle Sainte-Ursule16. 18. Se dit de la façon placés en correspondance des pilastres d’ap- de débiter, scier de la pierre ou pui. Ils copient un marbre vert auquel ont été Les tons dominants sont les verts, les rouges, du marbre perpendiculairement à son lit de carrière, donc ajoutées des veines dorées et sont encadrés de les blancs et les gris, couleurs à la mode au dans le sens de son délit, et du type de parement ainsi listels imitant un marbre rouge. La plinthe de la XVIIe siècle17. Les marbrures ornent l’entièreté obtenu. Les tranches débitées base des pilastres et l’astragale des chapiteaux de la surface de la chapelle, couverte de lam- ainsi auront un aspect moucheté ou nuagé. se poursuivent sur les parois par une fine mou- bris en bois résineux. On peut y observer des A contrario, une tranche lure reproduisant également un marbre rouge. imitations de marbres colorés veinés, tachetés, sciée à passe sera lignée et ses stratifications seront De même que les moulures horizontales des coupés à contre-passe18… ainsi que des imita- visibles. 134 Bruxelles Patrimoines 34 Printemps 2021
LA VRAIE COULEUR DES FAUX MARBRES LES IMITATIONS DE MARBRE NOIR ET BLANC Le patrimoine de l’abbaye d’Averbode, de l’ordre des Prémontrés, en Brabant flamand, mérite un regard car il est exceptionnel. La réalisation de grands autels reflète le pouvoir des ordres religieux et ses commandes artistiques impor- tantes au début du XVIIIe siècle. Ainsi, à l’inté- rieur de l’église, deux autels en bois peint dédiés à saint Jean-Baptiste et saint Norbert, ont été ré- alisés par Pieter 1er Scheemaekers entre 1699 et 1702. Assez imposants, ils mesurent à peu près quinze mètres de haut et cinq mètres de large. « Au-dessus de la table d’autel se dressent quatre colonnes torsadées qui soutiennent sur une large corniche une superstructure ornée de différents groupes de sculptures, qui se trouvent devant et sur un élément architectural en forme de niche ronde avec des volutes sur les côtés. Entre les colonnes de chaque autel se trouvent deux scènes qui sont traitées de manière plus picturale : une peinture en forme de tondo et un bas-relief. Des guirlandes de fleurs et des fruits, portées par des putti ornent les contours de la structure »20. Pieter 1er Scheemaekers, l’artiste en chef, était un sculp- FIG. 9 teur déjà confirmé dans la province d’Anvers et Détail du faux marbre peint type Cerfontaine (© KIK-IRPA, Bruxelles) habitué à sculpter à la fois le marbre et le bois. Pour les autels d’Averbode, l’artiste a choisi de tions de marqueteries de marbres d’influence travailler le bois et de collaborer avec le peintre italienne. Le décor de la chapelle est enrichi Jean-Baptiste Neckers pour les finitions en imi- d’éléments sculptés dorés : médaillons, reli- tation de marbre noir et blanc, et la dorure de quaires, cadres, bustes, têtes d’angelots et guir- certains éléments décoratifs. landes de fleurs, appliqués sur les lambris. On note encore la présence de quatre sculptures Lors de leur restauration en 2001 et 2003, en bois peintes en imitation de pierre blanche- l’équipe des restaurateurs ainsi que les labora- grise (saint Sébastien, saint Antoine l’Ermite, toires de l’IRPA ont pu se pencher sur la tech- sainte Hélène et saint Jean-Baptiste) placées nique d’imitation des marbres d’origine. Les dans des niches. D’après l’étude préalable de techniques décoratives ont été particulière- l’IRPA, douze faux marbres ont été répertoriés. Il ment appréhendées grâce à de nombreuses s’agit d’une interprétation très libre de marbres observations in situ associées à des analyses existant dans la nature dont il est possible de scientifiques et à la confrontation des résultats trouver la correspondance approximative : le avec les sources historiques contemporaines21. marbre rouge de Rance, le Cerfontaine, les gris d’Ardennes… Selon Emmanuelle Mercier, la cha- Tous les faux marbres présents sont réalisés 19. MERCIER, E., op. cit., p. 204. pelle est « …un exemple remarquable d’adéqua- à la détrempe, aucune technique à l’huile n’a 20. VAN DIJK, L., op. cit., p. 256. tion entre couleurs et formes. Ainsi, deux sortes été identifiée. Les faux marbres noirs sont à la 21. SANYOVA, J., RABELO, de faux marbres peuvent être distingués. Un détrempe vernie tandis que les monochromies E., AUGUSTYNIAK, A.-S., premier imite des marbres d’aspect uniforme, blanches présentent au moins quatre structures GLATIGNY, J.A., Les retables de saint Jean-Baptiste (1701) tant au niveau de la couleur que de la structure. différentes, selon chaque zone distincte. Les et de saint-Norbert (1702) à l’abbaye d’Averbode (Belgique), Ces faux marbres homogènes soulignent et subtilités des imitations d’origine ne peuvent Retables in situ, Conservation participent à la structure intérieure de la cha- plus être observées car les retables ont été et Restauration, 11es journées d’études de la Section française pelle. Parallèlement, des panneaux présentent malheureusement repeints. Les effets de tex- de l’Institut international de des marbres complexes qui créent des compo- ture d’origine, aujourd’hui cachés, variaient du Conservation, Roubaix, 2004, p. 135. sitions variées… »19. (FIG. 7-9) mat (sculptures en ronde-bosse) au brillant (co- urban.brussels 135
9 FIG. 10 Abbaye d’Averbode, retable de saint Norbert, Pieter I Scheemaekers, 1702 (© KIK-IRPA, Bruxelles, cliché Z008246). FIG. 11 Abbaye d’Averbode, détail de l’entablement du retable lonnes torsadées), en passant par le semi-mat de saint Jean-Baptiste, (ornements végétaux décoratifs des colonnes). Pieter 1er Scheemaekers, 1699 (© KIK-IRPA, Bruxelles, cliché Les parties architecturales noires présentant X000873). une imitation de marbre noir uni (et veiné) et verni se trouvaient au second plan, ce qui faisait ressortir davantage les parties blanches22. L’étude a révélé l’étroite et singulière collabora- tion entre le sculpteur Pieter 1er Scheemaekers et le polychromeur Jean Baptiste Neckers, dont nous avons découvert le contrat pour la pein- ture23 : le peintre a peint la structure du retable, le bas-relief, les colonnes et les décors dorés, tandis que Pieter I Scheemaekers, le sculpteur, FIG. 12 Abbaye d’Averbode, autel Notre-Dame des Douleurs, Franz a sans doute blanchi lui-même les sculptures en 22. Idem, p. 143. Xaver Bader, 1733 (© KIK-IRPA, Bruxelles, cliché X000832). ronde-bosse. (FIG. 10-11) 23. Idem, p. 137. 136 Bruxelles Patrimoines 34 Printemps 2021
LA VRAIE COULEUR DES FAUX MARBRES FIG. 13 FIG. 14 Abbaye d’Averbode, détail du stuc-marbre, autel Notre-Dame des Abbaye d’Averbode, détail du stuc-marbre et signature, autel Notre-Dame des Douleurs, 1733 (© KIK-IRPA, Bruxelles). Douleurs ,1733 (© KIK-IRPA, Bruxelles). LES IMITATIONS EN STUC-MARBRE toriés jusqu’à présent, les autels d’Averbode et le pavillon chinois du château d’Enghien daté Toujours dans l’église de l’abbaye d’Averbode, de 1743 et réalisé par le stucateur Jean Ris28. on trouve également les autels en stuc-marbre Il semble donc très novateur de la part des d’un très grand raffinement, réalisés par le stu- moines norbertins d’Averbode d’avoir comman- cateur allemand résidant aux Pays-Bas, Franz dé des autels dont la technique peu répandue 24. JANSEN, J., JANSENS, Xaver Bader en 1773 (autel de Notre-Dame des nécessitait des artisans si spécialisés venus H., BeeldhoutKunst in de Premonstratenzerabdij van Douleurs signé) et en 1774 (autel de la Sainte- d’ailleurs. (FIG. 12-14) Averbode, 1999, p. 137. Croix). Ils sont décorés de sculptures en bois 25. Le gesso (du grec gypsos peintes en imitation de pierre blanche réalisées signifiant gypse ou plâtre) est un enduit traditionnel de par Cornelis de Smet (1742-1815)24. CONCLUSION couleur claire, utilisé en apprêt pour préparer les panneaux de bois destinés à être peints et La technique d’imitation appelée « stuc- Ce petit parcours à travers quatre exemples les toiles tendues sur châssis. Cet enduit naturel à base de marbre » procède plutôt du domaine des stuca- brabançons a permis d’entrevoir quelques colle animale permet de rendre teurs que des peintres. « Le mot stuc provient techniques différentes d’imitation des pierres les supports plus lisses et de diminuer l’absorption de la du lombard stuhhi et désigne en général un blanches (marbres) et marbres colorés : du peinture. mortier de gesso25 avec divers additifs donnant simple blanc mat, au semi-mat, au brillant, au 26. SANYOVA, J. « La technique une pâte plastique qui se transforme lentement translucide ou encore l’imitation colorée peinte du stuc-marbre. L’autel de Notre-Dame des Douleurs de en une masse dure que l’on peut polir. Le stuc ou teintée dans la masse. Malheureusement, l’église Saint-Jean-Baptiste est donc une technique d’imitation de la pierre les textures et les subtilités d’origine des mono- à Averbode : un exemple de stuc-marbre en Belgique » utilisée pour les revêtements des surfaces ar- chromies et des imitations de marbres colorés in Policromia, a Escultura Policromada Religiosa dos chitecturales, des bas et hauts reliefs ou autres baroques sont généralement cachées par des Séculos XVII e XVIII, Estudo éléments décoratifs architecturaux tels les co- surpeints complets ou partiels, appliqués au fil comparativo das técnicas, alterações e conservação em lonnes ou pilastres, ou encore comme support des siècles dans le but d’un « rafraîchissement ». Portugal, Espanha e Bélgica, de peintures murales. »26. Seuls les autels en stuc-marbre de l’abbaye p. 103-112. d’Averbode font figures d’exception ; les inten- 27. KNOEPFLI, A., Matériaux colorés factices, moyen En Allemagne, l’emploi du stuc-marbre est anté- tions sophistiquées d’origine y sont toujours d’illusion dans l’art, Palette, 34, rieur au XVIIe siècle. En Suisse, son introduction bien lisibles. La réalité artistique du patrimoine Bâle, 1970, p. 16. remonte à 1676, avec le maître-autel de l’église baroque belge est donc sans doute plus riche 28. BENATI RABELO, E., « Les imitations de marbre dans des jésuites de Lucerne27. À cette époque, des qu’on l’imagine et de nombreux ensembles sont le baroque en Belgique » in Policromia, a Escultura artistes furent envoyés à Rome pour y apprendre encore à découvrir et à conserver. Policromada Religiosa dos la technique. Elle est également largement uti- Séculos XVII e XVIII, Estudo comparativo das técnicas, lisée en Autriche, en Pologne, en Tchéquie, en alterações e conservação em Slovaquie, en France. En Belgique, seuls deux Portugal, Espanha e Bélgica, p. 99. exemples de la période baroque ont été réper- urban.brussels 137
Rédacteur en chef Graphisme Déjà paru dans Bruxelles Patrimoines Stéphane Demeter Polygraph’ 001 - Novembre 2011 Comité de rédaction Création de la maquette Rentrée des classes 002 - Juin 2012 Okke Bogaerts, Paula Dumont, Polygraph’ Porte de Hal Valérie Orban et Cecilia Paredes Impression 003-004 - Septembre 2012 Coordination du dossier L’art de construire db Group.be Valérie Orban 005 - Décembre 2012 Diffusion et gestion L’hôtel Dewez Coordination de l’iconographie des abonnements Hors série 2013 Le patrimoine écrit notre histoire Valérie Orban, Cecilia Paredes Cindy De Brandt, Brigitte Vander Brugghen 006-007 - Septembre 2013 Auteurs / collaboration bpeb@urban.brussels Bruxelles, m’as-tu vu ? rédactionnelle Remerciements 008 - Novembre 2013 Archistory, Erika Benati Rabelo, Architectures industrielles Odile De Bruyn, Marjolein Jean-Marc Basyn, Françoise 009 - Décembre 2013 Deceuninck, Félix A. D’Haeseleer, Cordier, Julie Coppens, Murielle Parcs et jardins Florence Doneux, Cécile Dubois, Lesecque, Griet Meyfroots, Eric Hennaut, Ann Heylen, Ursula Wieser, et toute l’équipe 010 - Avril 2014 Emmanuelle Job, Françoise du Centre de Documentation Jean-Baptiste Dewin Lombaers, Cristina Marchi, 011-012 - Septembre 2014 Massimo Minneci Luan Nguyen, Éditeur responsable Histoire et mémoire Christian Spapens, Michelle Bety Waknine, directrice 013 - Décembre 2014 Van Meerhaeghe, Ann Verdonck, générale, urban.brussels Lieux de culte Pierre-Yves Villette, Wivine Waillez (Service public régional Bruxelles 014 - Avril 2015 Relecture Urbanisme & Patrimoine) La forêt de Soignes Mont des Arts 10-13, Farba Diop, Martine Maillard, 1000 Bruxelles 015-016 - Septembre 2015 Brigitte Vander Brugghen et les Ateliers, usines et bureaux membres du comité de rédaction Les articles sont publiés sous 017 - Décembre 2015 la responsabilité de leur auteur. Archéologie urbaine Traduction Tout droit de reproduction, traduction et adaptation réservé. 018 - Avril 2016 Linguanet Les hôtels communaux Contact 019-020 - Septembre 2016 Rédaction finale en français Recyclage des styles urban.brussels Stéphane Demeter, Valérie Orban Direction & Communication 021 - Décembre 2016 Mont des Arts 10-13, Victor Besme Rédaction finale en néerlandais 1000 Bruxelles 022 - Avril 2017 Okke Bogaerts, Paula Dumont www.patrimoine.brussels Art nouveau bpeb@urban.brussels 023-024 - Septembre 2017 Crédits photographiques Nature en ville 025 - Décembre 2017 Malgré tout le soin apporté à la Conservation en chantier recherche des ayants droit, les éventuels bénéficiaires n’ayant 026-027 - Avril 2018 pas été contactés sont priés Les ateliers d’artistes de se manifester auprès de la 028 - Septembre 2018 Direction Patrimoine culturel de Le Patrimoine c’est nous ! la Région de Bruxelles-Capitale. Hors-série - 2018 La restauration d’un décor d’exception 029 - Décembre 2018 Les intérieurs historiques 030 - Avril 2019 Bétons Liste des abréviations 031 - Septembre 2019 Un lieu pour l’art AAM – Archives d’architecture moderne APEB (Archistory) – Association pour l’étude du bâti 032 - Décembre 2019 ARA – Archives du Royaume Voir la rue autrement AVB – Archives de la Ville de Bruxelles 033 - Printemps 2020 CIDEP Centre d’information, de documentation et d’étude du patrimoine Air, chaleur, lumière CIVA – Centre international pour la ville, l’architecture et le paysage KBR Koninklijke Bibliotheek/ Bibliothèque royale 034 - Printemps 2021 KIK-IRPA – Koninklijk Instituut voor het Kunstpatrimonium / Institut royal du Couleurs et textures Patrimoine artistique 035 - Printemps 2021 MRBAB – Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique Georges Houtstont et la fièvre ornemaniste MRAH – Musée Art & Histoire de la Belle Époque SOFAM – Société des auteurs – photographes, fotoauteurs - maatschappij Retrouvez tous les articles sur ISSN www.patrimoine.brussels 2034-578X Dépôt légal D/2021/6860/008 Dit tijdschrift verschijnt ook in het Nederlands onder de titel “Erfgoed Brussel”.
Résolument engagé dans la société de la connaissance, Urban souhaite partager avec ses publics, un moment d’introspection et d’expertise sur les thématiques urbaines actuelles. Les pages de Bruxelles Patrimoines offrent aux patrimoines urbains multiples et polymorphes un espace de réflexion ouvert et pluraliste. Couleurs et textures explore comment la couleur nous entoure partout, modulée par chaque nuance de la texture qui la reflète, et illustre parfaitement la pertinence de prendre soin de l’apparence des objets urbains. Bety Waknine, Directrice générale 15 € ISBN 978-2-87584-197-1
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