CANNABIS ET COMORBIDITÉS PSYCHIATRIQUES - ALAIN DERVAUX, MD, PHD SERVICE D'ADDICTOLOGIE (DR LAQUEILLE) CH SAINTE-ANNE. PARIS
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CANNABIS ET COMORBIDITÉS
PSYCHIATRIQUES
Alain DERVAUX, MD, PhD
Service d’Addictologie (Dr Laqueille) CH Sainte-Anne. Paris
a.dervaux@ch-sainte-anne.fr
Evreux, 30 mai 2013ASPECTS ÉPIDÉMIOLOGIQUES
NESARC Study: fréquence de l’abus/dépendance à l’alcool chez les
patients dépendants au cannabis [Conway et al. 2006; Stinson et al. 2006]
• National Epidemiologic Survey on Alcohol and Related
Conditions : étude population générale
• 68% dans les 12 mois: [Stinson et al. 2005]
• Abus/dépendance au cannabis chez les alcoolodépendants =
9,9% (OR: 6,8 (IC95% 5,36-8,75) [Stinson et al. 2005]NESARC Study: fréquence de la dépendance tabagique chez les
patients dépendants au cannabis [Conway et al. 2006; Stinson et al. 2006]
• Fréquence de la dépendance nicotinique (DSM-IV) : 69,6% (OR:
9,1 (7,00–11,73)NESARC Study: fréquence des troubles psychiatriques chez les
patients dépendants au cannabis [Conway et al. 2006; Stinson et al. 2006]
Diagnostics DSM-IV 12 mois Vie entière
Troubles dépressifs 18 % 25 %
Troubles de Troubles bipolaires I 23 % 24 %
48,2% 60,5%
l’humeur Troubles bipolaires II 3% 7%
Dysthymie 7% 10 %
Attaques de panique 11 % 22,5 %
Troubles anxieux Phobies sociales 16 % 43,5% 21 % 48,5%
Troubles anxieux généralisés 18 % 21 %
Troubles de la 61%
personnalitéDépendance cannabis: comorbidités psychiatriques
• National Comorbidity Survey:
• Troubles psychiatriques au cours de la vie : 90%
• Contre 55% des sujets sans abus de cannabis [Agosti et al. 2002, Chen et al.
2004]NESARC Study: fréquence de la dépendance au cannabis dans les
troubles psychiatriques [Conway et al. 2006; Stinson et al. 2006]
Diagnostics DSM-IV Vie entière
Troubles dépressifs 3,7 %
Troubles de Manie 9,3 %
4%
l’humeur Hypomanie 5,7 %
Dysthymie 6,1%
Attaques de panique 4,4%
Troubles anxieux Phobies sociales 5,6% 3,9%
Troubles anxieux généralisés 6,5%Cannabis & troubles psychiatriques: sens de
comorbidité
• Troubles psychiatriques peuvent précéder l’addiction, le cannabis
servant « d’automédication »
• Troubles psychiatriques induits par la consommation
• Ou bidirectionnels
• Ou troubles psychiatriques et addiction au cannabis favorisés par
des facteurs communs, notamment troubles de personnalité +++CANNABIS & TROUBLES DEPRESSIFS
Dépendance au cannabis & troubles dépressifs • Cannabis « automédication » de sujets déprimés: parfois • Cannabis le risque de dépression (ECA Study), en particulier dans des populations de sujets jeunes [Bovasso 2001] • En pratique, dans des populations de sujets jeunes → Recherche de troubles dépressifs chez les consommateurs → Intérêt du sevrage +++
Troubles dépressifs et addictions
• → A tous les stades de l'évolution
• Motif fréquent de recours aux soins
• Expression symptomatique de la dépression dans cette population
fréquemment comportementale (patients alexithymiques+++):
- Irritabilité [STAR-D: Davis et al. 2006]
- Conduites de risques [Havard et al. 2006]
- Comportements agressifs
- Conduites suicidaires [STAR-D: Davis et al. 2006]
- TS: 16% [Dervaux et al. 2011]
- Intoxications massives
- Réveil de l'appétence pour les substances
Leventhal AM et al. Agitated depression in substance dependence. Drug Alcohol Depend 2011;116:163-9Troubles dépressifs et addictions
• Signes dépressifs habituels au 2ème plan du tableau clinique :
- tristesse
- ralentissement
- perte de l'élan vital
- auto-dévalorisation
- etc...CANNABIS & TROUBLES ANXIEUX
CANNABIS & TROUBLES ANXIEUX Symptômes de sevrage: 86% des patients (n=167) Sevrage Fréquence Anxiété, irritabilité 75 % Insomnie 73 % Sueurs 39 % Sensations de faiblesse 35 % Tremblements 28 % Tachycardie 20 % Céphalées 18 % Nausées 12% Diarrhées 9% Hallucinations 1%
CANNABIS & TROUBLES DE PERSONNALITÉ
NESARC Study
[Stinson et al. Psychological Medicine 2006; 36: 1447–60]
Diagnostics DSM-IV Vie entière OR (IC95%)
Troubles de la personnalité antisociale 38,0 % 11,4 (8,94–4,58)
Troubles de la personnalité obsessionnelle compulsive 30,2 % 4,7 (3,70–6,01)
Troubles de la personnalité paranoïaque 24,1 % 5,4 (4,07–7,25)
Troubles de la personnalité schizoïde 13,5 % 3,9 (2,90–5,34)
Troubles de la personnalité histrionique 12,8 % 5,3 (3,66–7,69)
Troubles de la personnalité évitante 12,6 % 4,6 (2,98–6,92)
Troubles de la personnalité dépendante 5% 8,4 (4,11–17,00)
Troubles de la personnalité: total 61,5 % 7,3 (5,89–9,14)CANNABIS & TROUBLES BIPOLAIRES
• NESARC Study:
• 24% des sujets dépendants au cannabis ont présenté un épisode
maniaque au cours de leur vie [Conway et al. 2006]
• Fréquence de la dépendance au cannabis chez les patients
bipolaires (n=471) : 29% [Agrawal et al. 2011]Diagnostic du trouble bipolaire : les pièges
Sous diagnostic
• Troubles bipolaires difficiles à diagnostiquer
• Retard au diagnostic entre le début des troubles et confirmation
du diagnostic: 8-10 ans en moyenne
• Difficultés à identifier les épisodes hypomaniaques
• Début d’un épisode (maniaque, dépressif) durant le postpartum
• Début des épisodes dépressifs récurrents < âge de 25 ans
• ATCD familiaux de troubles bipolaires ou de suicide
• Réponse atypique à un traitement antidépresseur:
- Agitation
- Apparition de symptômes d’hypomanieDiagnostic du trouble bipolaire : les pièges
Sur diagnostic
• Diffusion d’informations dans les médias et sur Internet favorisent
l’autodiagnostic de troubles bipolaires
• Campagnes contre le sous diagnostic
• Certaines études : un bon nombre des troubles de l’humeur
étiquetés bipolaires sont en réalité des troubles induits par la
consommation de substances ou par le sevrage [Stewart C, El-Mallakh
2007; Zimmerman et al. 2008]
• → tous les patients déprimés / agités / anxieux / irritables /
tachypsychiques ne sont pas des bipolaires
• Diagnostic difficile +++ chez les patients avec conduites
addictives, en raison du chevauchement symptomatique entre les
2 troubles
► En pratique, seul le sevrage et une période d’abstinence
suffisamment longue peut permettre de faire la part des chosesImpact de l’abus de substances sur le trouble bipolaire: • Nombre total d’épisodes thymiques , + longs, avec rémissions de moins bonne qualité • Virages thymiques + fréquents [Ostacher 2010; Jaffee 2009; Vieta 2009] • Accélération des cycles : fréquence des états mixtes et cycles rapides (> 4 épisodes/an) [Swann 2010] • du risque suicidaire, violence, désinsertion, problèmes médico- légaux [Cerullo 2007; Frye 2006; Fazel et al. 2010; Jaworski 2011; Oquendo 2010; Sonne 2002]
CANNABIS & TROUBLES PSYCHOTIQUES
Troubles psychotiques induits par le cannabis
• Années 1960/70: liens entre consommation de cannabis et troubles
psychotiques :
• Deniker P et al. Comparaison des effets cliniques du delta-9-tétrahydrocannabinol avec les
actions classiques du haschisch. Encéphale 1975;1:33-41.
• Symptômes psychotiques chez des sujets indemnes de pathologie
psychotique [D'Souza et al. 2009; Favrat et al. 2005; Johns 2001; Krebs et al. 2003; Luzi et
al. 2008]
- Idées délirantes de persécution (on lit dans leurs pensées)
- Déréalisation-dépersonnalisation
- Désorganisation de la pensée
• Jusqu’à 15 % des consommateurs [Johns 2001]
• Apparition 1 h à 1 h30 après le début de la consommation
• Peuvent durer 12 à 24 heures, et disparaissent en quelques joursLE CANNABIS, FACTEUR DE RISQUE DE SCHIZOPHRENIE • 9 études longitudinales • Ont montré que le cannabis le risque de troubles psychotiques • En particulier schizophrénie
Augmentation du risque de troubles psychotiques par la consommation de
cannabis: études longitudinales
N Définition Evaluation OR (IC 95%)
Zammit et al. 2002 50053 Usage de cannabis > 50 fois vie Schizophrénie 3,1 (1,7-5,5)
(Suède) entière
Van Os et al. 2002 4045 Usage de cannabis vie entière Symptômes psychotiques 2,8 (1,2-6,5)
(Pays-bas) (BPRS)
Weiser et al. 2002 50413 Usage de cannabis vie entière Schizophrénie 2,0 (1,3-3,1)
(Israël)
Arseneault et al. 2002 759 Usage de cannabis à l’âge de 15 Troubles 3,1 (0,7-13,3)
(Nouvelle Zélande) ans schizophréniformes
Fergusson et al. 2003 1011 Dépendance au cannabis à l’âge Symptômes psychotiques 1,8 (1,2-2,6)
(Nouvelle Zélande) de 18 ans à l’âge de 21 ans
Stefanis et al. 2004 (Grèce) 3500 Usage de cannabis vie entière Symptômes psychotiques 4,3 (1,0-17,9)
positifs et négatifs
Henquet et al. 2005 2437 Usage de cannabis vie entière Symptômes psychotiques 1,7 (1,1-2,5)
(Allemagne)
Ferdinand et al. 2005 1580 Usage de cannabis Symptômes psychotiques 2,8 (1,79-4,43)
(Pays-Bas) (CIDI)
Kuepper et al. 2011 1923 Usage de cannabis Symptômes psychotiques 1,9 (1,1-3,1)
(Allemagne) (M-CIDI)
• Méta-analyse 7 études:OR: 2,1, (IC 95%: 1,7-2,5) [Henquet et al. 2005]
• Méta-analyse 35 études: OR=1,41, CI 95%: 1,20-1,65) [Moore et al. Lancet 2007]Augmentation du risque de troubles schizophréniques par la consommation
de cannabis: études longitudinales
Niveau de preuve
• Relation dose-effet: Etude suédoise, étude Nemesis et méta-
analyse [Moore et al. 2007; Van Os et al. 2002; Zammit et al. 2002]
• Risque spécifique au cannabis: indépendant de la consommation
d’autres substances, en particulier d’amphétamines [Arseneault et al.
2002, Van Os et al. 2002, Zammit et al. 2002]
• Plausibilité biologique: anomalies du système endocannabinoïde
dans la schizophrénie
• Risque +++ chez les sujets prédisposés: antécédents familiaux
de troubles psychotiques [Henquet et al. 2005; Mc Guire et al. 1995; Van Os et al.
2002; Verdoux et al. 2003]
• du risque chez les sujets qui ont débuté leur consommation
avant l’âge de 15 ans [Arseneault et al. 2002. McGrath et al. Arch Gen Psychiatry
2010;67:440-7]• Méta-analyse 35 études (n=5540 patients) [Koskinen et al. 2010] → Taux médian d’abus/dépendance au cannabis: 27% vie entière → 16 % au moment des études
Addictions associées
Polydépendances:
Cannabis + Alcool +
Opiacés
21%
Abus/dépendance
Abus/dépendance Cannabis seul
Cannabis + Sédatifs 42%
3%
Abus/dépendance
Cannabis + Alcool
34%
Patients schizophrènes avec abus ou dépendance (n=30) au cannabis vie entière [Dervaux et al. 2003]• Age de début + précoce: 2,7 ans entre patients schizophrènes consommateurs ou non de cannabis • Début des troubles psychotiques plus précoce surtout • Si début de la consommation de cannabis précoce [Leeson et al. 2011] • En particulier avant l’âge de 14 ans [Schimmelmann et al. 2011] • avec intensité de la consommation [Compton et al. 2009] • FEP: Usage: 7ans + précoce • Abus: 8,5 ans • Dépendance: 12 ans
Symptômes positifs Symptômes négatifs
Hallucinations Emoussement affectif
Idées délirantes Apragmatisme
Troubles du cours Avolition
Abus de substances
de la pensée Retrait social
Anhédonie
Hospitalisations et rechutes
Handicap fonctionnel
Humeur
Symptômes cognitifs
Insight
Mémoire
Suicide
Attention
Fonctions exécutives
AprentissageInfluence de la consommation de cannabis sur les 1ers
épisodes psychotiques
• Conséquences psychosociales dès le 1er épisode psychotique
• Observance aux traitements moins bonne [Linszen et al. 1994; Miller et al.
2009]
• Durée de la psychose non traitée plus grande [Green et al. 2004]
• le risque de rechutes [Hides et al. 2006; Linszen et al. 1994]
• le risque suicidaire [Verdoux et al. 1999]
• les passages à l’acte agressifs [Milton et al. 2001]
• les problèmes médico-légaux [Archie et al. 2007 ; Fazel al. 2009]
• la fréquence des hospitalisations sous contrainte [Archie et al. 2007;
Mazzoncini et al. 2009]
• la fréquence des réhospitalisations [Grech et al. 2005; Sorbara et al. 2003;
Wade et al. 2006]• Etude en milieu naturel: à aucun moment la consommation de cannabis n’est survenue après la survenue de symptômes psychotiques [Henquet et al. Br J Psychiatry. 2010;196:447-53; Swendsen et al. Am J Psychiatry. 2010] • Effets euphorisants et anxiolytiques, recherchés par les sujets, surviennent dans un 1er temps • Effets psychotomimétiques dans un 2ème temps
Caractéristiques des patients avec comorbidités
addictions + troubles psychiatriques
► Impulsivité [Swann 2010]
► Désorganisation du comportement
► Observance aux traitements – bonne
► du risque suicidaire, de la violence, la désinsertion sociale,
problèmes médico-légaux [Cerullo 007; Fazel 2010; Frye 2006; Jaworski 2011;
Oquendo 2010; Ostacher 2010; Sonne 2002; van Rossum 2009; Swann 2010 ; Vornik 2006]
► Recours fréquent aux structures d’urgence la fréquence des
réhospitalisations
► Difficultés à s’inscrire dans les schémas classiques de soins:
sectorisation…PRISE EN CHARGE • Beaucoup de patients à double diagnostic traités dans des services de psychiatrie, au risque d’une méconnaissance de la dimension addictologique • Ou dans des services d’addictologie au risque d’une méconnaissance de la dimension psychiatrique • C’est pourquoi certains auteurs ont insisté sur l’intérêt de traiter simultanément les troubles psychiatriques et les addictions, en associant étroitement les équipes psychiatriques + addictologiques. • La prise en charge globale a pour effet une amélioration symptomatique
Aspects thérapeutiques • Etudes préliminaires: • Les patients schizophrènes réduisent + leur consommation de substances avec les antipsychotiques atypiques [Buckley 2001, Green et al. 2005, Green et al. 2007, Wobrock & Soyka 2008] • En particulier la clozapine [Brunette et al. 2006, Drake et al. 2006] • Cependant, cette efficacité reste à démontrer par des études portant sur de grands nombres de patients [Hjorthøj et al. 2009]
Modèle transthéorique de changement (Prochaska & Diclemente)
Stades de changement
1) Précontemplation (indétermination) : pas d'intention d'arrêter,
2) Contemplation (Intention) : envisage d'arrêter la consommation
3) Préparation : a décidé d'arrêter
4) Action : a arrêté
5) Consolidation (maintenance)Urgences psy + Intra hospitalier
psy de liaison • Sevrage
• Crises, troubles du • Comorbidités psychiatriques:
comportement, IEA troubles dépressifs,
• Demande de sevrage • troubles psychotiques
• TS
• Dépression
• Accidents de sevrage
(DT)
Patients avec
addictions
CMP Réhabilitation
• Suivi au long cours
• Accompagnement social
• Structures spécialisées: • Logement (appartements
CSST, CSAPA thérapeutiques, CHRS…)
• Post cures
• Suivi somatique (HVC, HIV) • Foyers thérapeutiquesConclusions ► Comorbidités fréquentes +++ chez les sujets dépendants au cannabis ► Seulement 10% des sujets sans diagnostic psychiatrique associé ► Pas de traitement d’un trouble sans traiter l’autre [Farren & Mc Elroy 2008] ► Observance faible +++ [Perlis et al. 2010; van Rossum et al. 2009]
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