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CAPITAL HUMAIN DES FEMMES ET UTILISATION DE LA BIOMASSE VERTE: ÉVIDENCE DE L'AFRIQUE SUBSAHARIENNE Mémoire Yienouyaba Gaetan Ouoba Maîtrise en économique - avec mémoire Maître ès arts (M.A.) Québec, Canada © Yienouyaba Gaetan Ouoba, 2021
Capital humain des femmes et utilisation de la biomasse verte : Évidence de l’Afrique subsaharienne Mémoire Yienouyaba Gaetan Ouoba Sous la direction de Luca Tiberti
Résumé Ce mémoire analyse les facteurs déterminants de l’utilisation de la biomasse verte en Afrique subsaharienne (ASS), particulièrement en Ouganda et en Éthiopie. Pour ce faire, l’étude se focalise sur l’aspect endogène du capital humain avec comme proxy l’éducation. En effet, la littérature existante occulte le caractère endogène de l’éducation qui pourrait biaiser les résultats. Les données utilisées proviennent des Enquêtes démographiques et sanitaires (EDS) 2015-2016 pour l’Ouganda, et 2008 pour l’Éthiopie. Afin d’éliminer tout biais lié à la non-prise en compte du caractère endogène de l’éducation, nous nous basons sur la variabilité de la participation à l’école introduite par la réforme au niveau du primaire dans ces deux pays. Nos résultats confirment la majorité des études empiriques en montrant que l’éducation a un effet positif sur le choix de la biomasse verte comme source d’énergie. Ces résultats rappellent l’importance de faire de l’éducation des filles un instrument de politique publique pour faire face aux enjeux climatiques en Afrique. Mots clés : Capital humain, Biomasse verte, Afrique subsaharienne iii
Table des matières Résumé ......................................................................................................................................... iii Table des matières ........................................................................................................................ iv Liste des tableaux .......................................................................................................................... v Remerciements ............................................................................................................................. vi Introduction ................................................................................................................................... 1 Chapitre 1 Revue de littérature ....................................................................................................... 7 1.1 Déterminants de l’utilisation de la biomasse verte ................................................................. 7 1.2 Gratuité scolaire en Ouganda et en Éthiopie, et accès des femmes à l’éducation .................. 10 Chapitre 2 Données et Statistiques descriptives ............................................................................ 12 2.1 Données ............................................................................................................................. 12 2.1.1 Mesure de la biomasse verte ........................................................................................ 12 2.1.2 Éducation .................................................................................................................... 12 2.1.3 Variables de contrôle ................................................................................................... 12 2.2 Statistiques descriptives ...................................................................................................... 13 Chapitre 3 Stratégie d'identification.............................................................................................. 19 3.1 L’exposition à la réforme comme source de variation exogène ............................................ 19 3.2 Modèles économétriques .................................................................................................... 21 3.3 Stratégie empirique ............................................................................................................ 22 Chapitre 4 Résultats ..................................................................................................................... 25 Chapitre 5 Discussion .................................................................................................................. 30 Conclusion................................................................................................................................... 32 Annexe ........................................................................................................................................ 33 Bibliographie ............................................................................................................................... 42 iv
Liste des tableaux Tableau 1: Statistiques descriptives, Ouganda .................................................................. 15 Tableau 2: Statistiques descriptives, Éthiopie ................................................................... 17 Tableau 3: Résultats abrégés des effets marginaux et tests, Ouganda ................................ 28 Tableau 4: Résultats abrégés des effets marginaux et tests, Éthiopie ................................. 29 Tableau 5: First stage, Ouganda ....................................................................................... 33 Tableau 6: First stage, Éthiopie ........................................................................................ 36 Tableau 7: Effets marginaux, Ouganda ............................................................................. 38 Tableau 8: Effets marginaux, Éthiopie ............................................................................. 40 v
Remerciements La réalisation de ce mémoire a été possible grâce au concours de plusieurs personnes à qui je voudrais témoigner toute ma gratitude. Je vais avant tout propos remercier solennellement mon directeur de mémoire, Monsieur Luca TIBERTI, pour son sens de l’écoute, sa patience, sa disponibilité et surtout ses judicieux conseils, qui ont contribué à alimenter ma réflexion. Je souhaite adresser mes remerciements les plus sincères au corps professoral et administratif de l’Université Laval, pour la richesse et la qualité de leur enseignement et qui déploient de grands efforts pour assurer à leurs étudiants une formation actualisée. Je voudrais exprimer ma reconnaissance envers les amis et collègues qui m’ont apporté leur soutien moral et intellectuel tout au long de ma démarche. Un merci spécial à Jean Louis BAGO pour son aide et ses conseils concernant le style de mon mémoire. Ma gratitude à Abdel-Hamid BELLO pour sa contribution dans la réalisation de ce mémoire. Aussi à mes parents, je dédie ce mémoire. À ma mère, mon père qui n’ont ménagé aucun effort et ont fait tous les sacrifices du monde pour que je poursuive mes études dans une des meilleures universités au monde, et cela pour un avenir radieux. À tous ceux et celles qui m’ont aidé et encouragé de près ou de loin dans la réalisation de ce travail, par leur patience, leurs compétences et leurs interventions adéquates aux plans technique, économique et moral. Il me serait difficile de les citer tous. Qu’ils trouvent ici, l’expression de ma reconnaissance. vi
Introduction Blanchard (2015) définit la biomasse non verte “traditionnelle” comme l’énergie qui peut être obtenue de la nature, généralement gratuitement, pour une utilisation directe ou une conversion avant utilisation. Ceux-ci comprennent : le bois, le charbon de bois, les déchets animaux ou végétaux séchés, etc. Cette biomasse, quoiqu’elle constitue une source de revenus très importante pour les couches défavorisées des pays en développement, contribue également au changement climatique mondial par la dégradation des forêts et la déforestation (OCDE/AIE 2006 ; World Bank, 2011). En effet, la collecte de la biomasse non verte accélère la déforestation dans le contexte des pays d’Afrique subsaharienne où 0,5 % du couvert forestier diminue chaque année, soit le taux le plus élevé au monde (The Economist, 4 avril 2018). Dans les pays en développement, cette ressource naturelle assure la subsistance de 2,5 milliards de personnes (OCDE/AIE, 2006). Cette dépendance est plus accrue chez les filles et les femmes, car il est coutume en Afrique subsaharienne qu’elles s’occupent de la collecte de la biomasse non verte pour la cuisine (World bank, 2011; The Economist, 4 avril 2018). De ce fait, les filles et les femmes sont beaucoup plus vulnérables aux effets néfastes de cette dépendance. Wan, Colfer et Powel (2011) observent que 39 % des décès dus à des maladies pulmonaires chroniques chez les femmes sont imputables à l’exposition à la fumée de cuisson à l’intérieur de l’habitation contre 12 % chez les hommes, étant donné que les femmes sont traditionnellement chargées de la cuisine. Par ailleurs, Blanchard (2015) indique que la collecte de la biomasse non verte peut nécessiter des heures de marche et de coupe aux femmes et aux jeunes filles. En effet, celles-ci y consacrent en moyenne de 4 à 5 heures en Éthiopie, au Malawi, au Bengladesh, et parfois 8 heures par jour en Tanzanie. Ce laps de temps apparaît dès lors comme un coût d’opportunité, dans la mesure où cette activité de collecte éloigne les filles de l’école, augmentant ainsi les différences d’éducation entre genres et rendant le marché du travail défavorable aux femmes. 1
Face à cette situation, il paraît urgent de connaître les facteurs qui favorisent la dépendance des femmes à l’égard de la biomasse non verte, comme combustible de cuisson. Malheureusement, la littérature existante peine à identifier de manière crédible l’effet des caractéristiques individuelles des femmes sur l’utilisation de la biomasse non verte. Notre intérêt pour le capital humain dans notre proposition de recherche découle du fait que le niveau d’éducation détermine les chances dans la vie à long terme. Pour une femme, en particulier, cela inclut, mais sans s’y limiter, son âge au premier mariage (Field et Ambrus, 2008), le nombre d’enfants qu’elle peut avoir, le degré de sa participation à la population active, son statut d’autonomie au sein du ménage, si elle est mariée. Dans cette étude, nous voulons comprendre dans quelle mesure les caractéristiques individuelles d’une femme la prédisposent à utiliser la biomasse non verte comme combustible de cuisson. De manière plus spécifique : existe-t-il un effet de causalité entre les caractéristiques individuelles des femmes et leur dépendance à l’égard de la biomasse traditionnelle à base de bois ? Comment cet effet peut-il être correctement identifié dans le contexte de l’Afrique subsaharienne (ASS) ? Cette étude contribue à étoffer la littérature existante quant aux facteurs explicatifs du choix d’un mode de cuisson les ménages. En effet, la littérature identifie trois catégories de facteurs : démographiques, économiques et sociaux. En ce qui concerne les facteurs démographiques, la taille du ménage semble jouer un rôle important dans le choix de l’énergie de cuisson, mais son effet est quelque peu ambigu. En se fondant sur des régressions logistiques, Ouedraogo (2006), Pandey et Chauba (2011) et Rahut et al. (2014) constatent que plus la taille du ménage est grande, plus il utilise la biomasse non verte. Cependant, les effets de causalité ne sont pas observés dans toutes les études. Seuls Rahut et al. (2014) tentent d’apporter une évidence de relation causale entre la taille du ménage et le choix de la biomasse en utilisant une méthodologie contrôlant les biais de sélection. À l’inverse, Gupta et Köhlin (2006), Baiyegunhi et Hassan (2014), en employant aussi des régressions logistiques trouvent que les ménages de grande taille ont tendance à utiliser plus la biomasse verte “moderne”, qui pour Blanchard (2015) comprend : l’électricité, les combustibles liquides ou gazeux. L’âge est aussi un facteur démographique important dans le choix du type d’énergie et, comme la taille, son effet est ambigu. Edwards et Langpap (2005), Rahut et al. (2014), dans une étude sur les familles 2
résidant respectivement au Guatemala et au Bhoutan, observent que les familles dirigées par de personnes âgées ont tendance à utiliser davantage la biomasse non verte. Gupta et Köhlin (2006) en Inde et Guta (2012) en Éthiopie notent, quant à eux que les familles dont les chefs de ménage sont âgés se servent de la biomasse verte. Concernant les facteurs économiques, la littérature empirique montre que le prix des sources d’énergie propre et les revenus du ménage sont des déterminants importants du choix du type d’énergie. Ainsi Farsi et al. (2007) en Inde constatent que l’augmentation des prix des gaz de pétrole liquéfié (GPL) entraîne une réduction importante de la probabilité de son choix. Jingchao et Kotani (2012) quant à eux trouvent que cette augmentation de prix réduit sa consommation. Dans une étude menée au Zimbabwé, Hosier et Dowd (1987) notent qu’une augmentation des revenus des familles urbaines réduit la consommation de bois comme source d’énergie au profit du kérosène et de l’électricité. Au Burkina Faso, Ouedraogo (2006) observe que des revenus élevés amènent les familles urbaines à préférer le gaz naturel au kérosène. Les disparités géographiques existant dans les pays en développement peuvent aussi expliquer le choix des femmes. Ainsi, d’après certaines études la zone de résidence constitue également un facteur explicatif (Bensch et Peters, 2013 ; Gould et Urpelainen, 2018). Un nombre croissant, d’études, analysent les facteurs sociaux expliquant le fait que les femmes utilisent ou non la biomasse verte comme énergie de cuisson. Il en ressort que le niveau d’éducation détermine les choix que feront les femmes. Bien que l’éducation soit un facteur clé dans le choix du type d’énergie d’après la littérature, Blanchard (2015) a constaté que ce sont les filles qui en bénéficiaient le moins dans les pays en développement. Cependant, ce sont elles qui constituent la main-d’œuvre collectant la biomasse traditionnelle dans les zones rurales. Le temps dédié au ramassage du bois pourrait leur permettre d’aller à l’école si elles utilisaient les énergies modernes pour la cuisine. De même, lorsque les femmes n’ont plus besoin de faire le travail traditionnel de collecte de la biomasse non verte, elles peuvent consacrer leur temps à d’autres activités qui vont concourir sans doute à leur autonomie. 3
L’autonomisation a été définie par Dyson et Moore (1983) comme la capacité technique, sociale et psychologique d’obtenir de l’information et de l’utiliser comme base de décision au sujet de ses préoccupations privées. Jejeebhoy (1995) a identifié cinq aspects interdépendants de l’autonomie des femmes qui sont importants dans le lien éducation- autonomie : l’autonomie des connaissances (les femmes instruites ont une vision du monde plus large), l’autonomie de prise de décision (l’éducation renforce le statut des femmes dans les décisions qui affectent leur propre vie), l’autonomie physique (les femmes instruites ont plus de contacts avec le monde extérieur), l’autonomie émotionnelle et l’autonomie économique et sociale et la confiance en soi (l’éducation accroît la confiance en soi de la femme en matière économique et sa capacité à compter sur elle-même plutôt que sur ses enfants ou son mari pour le statut social). Dans le même ordre d’idée, Kishor (1995), dans un article qui portait sur la participation des femmes aux prises de décision au sein du ménage et sur l’emploi dans la population active en Égypte, estime que l’éducation est le facteur le plus important lié à l’autonomie des femmes. Riyami et al. (2004) avancent dans leur étude sur Oman que l’éducation est l’un des principaux indicateurs permettant de déterminer le statut de la femme. Ainsi, nous utilisons l’éducation des femmes comme proxy du capital humain, supposant que l’éducation des femmes capte leur autonomisation afin d’en distinguer l’effet sur l’utilisation de la biomasse verte. Comptant au nombre des auteurs qui ont montré l’importante incidence qu’avait l’éducation sur le choix du type d’énergie, Abebaw (2007) relève une relation négative entre le niveau d’éducation et l’utilisation du bois comme source d’énergie. Gupta et Köhlin (2006) observent qu’en Inde, un niveau d’éducation élevé amène les ménages à abandonner le bois comme source d’énergie au profit du kérosène. Cependant, ces résultats ne peuvent pas être attribués à une relation causale entre capital humain et choix des femmes. Le défi méthodologique que pose l’identification de la relation entre le capital humain et les choix individuels ou des ménages est l’endogénéité du capital humain (Angrist et Krueger, 1991). Pour identifier de manière crédible cet effet, il faudra trouver une source de variation exogène dans le capital humain. 4
À la différence de Duflo (2001) qui a utilisé la construction de nouvelles écoles en Indonésie pour examiner les conséquences de la scolarité sur le marché du travail, nous exploitons dans notre étude la gratuité des frais de scolarité liée aux politiques d’éducation primaire universelle (EPU) (Behrman, 2015 ; Makate, 2016 et Keats, 2018) en Ouganda et en Éthiopie dans les années 1990 pour analyser les effets de scolarisation des femmes sur le choix du type d’énergie. Pour cela, nous utilisons pour nos estimations quatre modèles, dont trois tiennent compte de l’endogénéité de la variable éducation. Il s’agit d’un estimateur de fonction de contrôle, d’un modèle de probit linéaire, d’un estimateur de maximum de vraisemblance et du modèle probit qui lui ne tient pas compte de l’endogénéité de la variable éducation. Aussi nous utilisons la méthode du régresseur spécial qui fait office de modèle qui servira du test de robustesse. L’échantillon sur lequel s’appuient les régressions de notre étude sera construit avec les données des EDS de 2015/2016 pour l’Ouganda et de 2008 pour l’Éthiopie. Ces pays présentent un intérêt particulier du fait des réformes sur l’éducation opérées en 1997 en Ouganda et en 1995 en Éthiopie qui ont rendu l’école gratuite pour les enfants qui en avaient l’âge. À l’occasion de notre étude, nous constatons, comme d’autres auteurs (Berhman, 2015 ; Andriano et Monden, 2017), qu’en ne tenant pas compte de l’endogénéité de l’éducation, nos résultats sont biaisés. En effet, en utilisant le probit, nous ne trouvons pas d’effet significatif (celui-ci semble sous-estimé) en Ouganda et notons que l’effet est surestimé en Éthiopie. Nous trouvons en outre qu’en n’utilisant pas la bonne spécification, on n’aboutit pas à des résultats cohérents. De là, nous utilisons le probit bivarié, qui est un modèle adéquat à la structure de nos variables dépendante et endogène, et aboutissons à des résultats probants. Nous trouvons, en utilisant un instrument valide à travers les tests, que la complétion du primaire accroît significativement, de 1,55 % en Ouganda et 1,91 % en Éthiopie, la probabilité d’utiliser la biomasse verte. De nos conclusions, il ressort que l’éducation des femmes est un facteur capital du choix de la biomasse. Par conséquent, pour la promotion de l’utilisation d’énergie verte, les décideurs publics devraient miser davantage sur les politiques d’éducation des femmes. En effet, l’éducation permettra aux femmes d’être plus indépendantes, plus autonomes. Il a été 5
montré qu’un niveau d’éducation plus élevé des femmes jouait positivement sur la position de celles-ci dans le ménage (Jejeebhoy, 1995). Cela leur permet de disposer d’un pouvoir de décision conséquent dans le ménage, notamment en matière de choix du type d’énergie pour la cuisine. Pour Behrman (2015), l’éducation a un impact positif sur la participation des femmes aux prises de décisions des ménages. Puisqu’elles sont généralement responsables de la cuisine, leurs autonomies leur permettront de prendre des décisions qui s’orientent plus vers les énergies vertes. Cela joue sans doute positivement sur leur santé et contribue par ailleurs à la protection de l’environnement. 6
Chapitre 1 Revue de littérature 1.1 Déterminants de l’utilisation de la biomasse verte Bien que la littérature sur la question ne soit pas abondante, nombre d’auteurs se sont intéressés à ce qui pouvait entraver la transition des ménages vers des pratiques de cuisson plus efficaces, en tant que comportement d’adaptation au changement climatique. Pour Ahmad et Puppim de Oliveira (2015), le revenu est un des facteurs explicatifs importants. Pour aboutir à cette conclusion, ils utilisent une enquête sur les ménages urbains afin d’analyser les déterminants des choix énergétiques à l’aide d’un modèle logit multinomial. Sur la même lancée, Nlom et Karimov (2015) explorent dans leur étude les facteurs économiques et sociodémographiques qui influencent la probabilité qu’un ménage passe du bois de chauffage à des combustibles plus propres (kérosène et GPL) dans le nord du Cameroun. Ils emploient cette fin un modèle probit ordonné pour construire des modèles de cuisson et des choix de combustibles et parviennent à la conclusion que les prix du bois de chauffage et du kérosène ont un impact statistiquement significatif sur les décisions de changement de combustible. Cependant, si ces facteurs étaient effectivement les seuls ou les plus importants en jeu, les interventions financières de l’État, telles que les subventions accordées en faveur de l’utilisation de technologies de cuisson plus efficaces suffiraient à encourager l’abandon des combustibles de cuisson traditionnels issus de la biomasse. Or, les données disponibles en Afrique subsaharienne indiquent que ce n’est peut-être pas le cas. Brouwer et Falcão (2004) remarquent ainsi que les familles pauvres comme les ménages à revenus élevés ont tendance à utiliser le charbon de bois en combinaison avec des combustibles non ligneux. Pour parvenir à ce résultat, ils se basent sur un échantillon de 168 consommateurs non domestiques et 240 consommateurs domestiques de Maputo, capitale du Mozambique. Il faut noter que ce résultat est en contradiction avec « l’échelle des combustibles » de la FAO (1993). Toujours, dans le même giron Hiemstra-van der Horst et Hovorka (2008) démontrent que les ménages de tous niveaux de revenus utilisent le combustible 7
traditionnel à base de biomasse ligneuse. Leur article examine la pertinence pratique de la théorie de la transition énergétique en utilisant une étude de cas récente que les auteurs ont menée à Maun, au Botswana, et des résultats précédemment rapportés dans la littérature. De plus Campbell et al. (2003) ont montré qu’une transition énergétique, du bois au kérosène et de ce dernier vers l’électricité, s’est produite avec l’augmentation des revenus des ménages, avec l’augmentation du statut d’électrification des villes et, au fil du temps, des petites villes. Leur étude se fonde sur deux enquêtes par questionnaire sur l’utilisation de combustible par les ménages à faibles revenus au Zimbabwé, menées dans ses quatre plus petites villes en 1994, et dans ses quatre plus grandes villes en 1999. Davis (1998) en Afrique du Sud, et Brouwer et Falcão (2004) au Mozambique trouvent aussi des preuves de l’utilisation de l’électricité et du gaz à pétrole liquéfié (GPL) pour la cuisine par les ménages à faibles revenus. Ces résultats incitent fortement à explorer le rôle joué par les facteurs sociaux, en particulier par les caractéristiques individuelles des femmes. Notre étude n’est pas la première à avancer l’idée que les caractéristiques individuelles des femmes sont un facteur d’une importance significative dans le choix des pratiques culinaires des ménages. En effet dans une étude sur le Kenya rural (Kisumu), Pundo et Fraser (2006) utilisent un modèle logit multinomial pour identifier les facteurs déterminants le choix du combustible de cuisson au sein des familles. Leurs résultats empiriques indiquent que les niveaux d’éducation de la femme et du mari font partie des facteurs importants. De même, dans une étude sur l’Inde rurale, Pandey et Chaubal (2011) mettent en évidence que le nombre de femmes instruites entre 10 et 50 ans et le niveau d’éducation moyen des ménages ont une corrélation positive et significative avec la probabilité d’utilisation des combustibles de cuissons propres. Pour parvenir à ce résultat, ils analysent les informations sur les ménages dans le cadre de la 61e enquête nationale par sondage pour les régions rurales de l’Inde en utilisant un modèle de régression logistique. D’après les études de Gebreegziabher et al. (2012), sur l’Éthiopie, plus le niveau d’éducation est élevé, moins le ménage choisira le bois comme énergie de combustion. Pour Mekonnen et Köhlin (2008), l’éducation permet aux filles de comprendre les effets de l’utilisation de la biomasse traditionnelle sur la santé et son impact potentiel sur l’environnement. 8
Ce qui distingue essentiellement les recherches que nous menons de la littérature existante est notre stratégie visant à identifier l’effet du capital humain d’une femme, tel que mesuré par l’éducation, sur son choix de combustible de cuisson. Cette utilisation du capital humain comme variable explicative des choix individuels ou du ménage fait face aux problèmes d’endogénéité bien documentés (Angrist et Krueger, 1991). Ce problème d’endogénéité peut résulter du fait que certaines variables, entre autres le revenu du ménage, son indice de richesse, sa taille, son milieu de résidence, qui sont des variables importantes dans le choix du type d’énergie sont aussi fortement corrélées à la scolarisation d’une personne. En effet, Durand (2006) a constaté dans une étude portant sur sept capitales d’Afrique de l’Ouest que la pauvreté réduit considérablement la possibilité d’aller à l’école. Allant dans le même sens Glick et Sahn (2000) ont montré que l’augmentation du revenu des membres de la famille entraînait une augmentation de la durée de la scolarité des filles en Guinée mais qu’elle n’avait aucun impact sur la durée de la scolarité des garçons. Concernant l’effet de la taille des ménages, la plupart des études trouvent que la taille des ménages est positivement corrélée avec la scolarisation. À cet effet, Piamale, Kouamé, et Loka (2004) trouvent, dans une étude sur la République centrafricaine, que l’abandon des études est moindre dans les familles de grande taille, mais la performance scolaire des enfants issus de telles familles est moins bonne que celle des autres enfants. Chabi et Attanasso (2015) constatent aussi que dans une étude sur le Bénin que les enfants vivant dans une famille nombreuse avec leurs parents sont plus susceptibles d’être éduqués et d’atteindre un niveau d’éducation plus élevé. Les différences qui existent entre zones géographiques font que le milieu de résidence est aussi un facteur qui explique le niveau d’éducation des enfants. C’est la raison pour laquelle Ersado (2005) a relevé un impact négatif sur l’éducation des enfants dans les zones rurales du Népal et dans les zones urbaines du Zimbabwe. La littérature montre bien que plusieurs facteurs importants pour le choix d’un type d’énergie expliquent aussi le niveau d’éducation. En plus de cela, l’éducation est un facteur clé du choix du type d’énergie (Gebreegziabher et al., 2012 ; Gupta et Köhlin, 2006) et le manque d’éducation se trouve aussi être expliqué par ce dernier. En effet, le temps alloué 9
par les jeunes filles à la collecte de bois en tant que source d’énergie a un impact négatif sur leur éducation (Blanchard, 2015). Il apparaît donc évident que le facteur éducation est endogène dans l’explication du choix du type d’énergie. Ainsi, il est primordial de traiter ces questions d’endogénéité pour assurer une identification cohérente. Par conséquent, contrairement à la littérature existante, la recherche proposée se concentre sur la conception d’une stratégie empirique qui fournit une estimation conséquente de l’effet du capital humain des femmes, en traitant les problèmes potentiels d’endogénéité. Pour cela, nous utilisons des méthodes par variables instrumentales. 1.2 Gratuité scolaire en Ouganda et en Éthiopie, et accès des femmes à l’éducation Nous utilisons les politiques d’éducation primaire universelle (EPU) mises en œuvre en Ouganda et en Éthiopie pour évaluer l’impact de l’éducation scolaire sur le choix du type de biomasse. L’Ouganda, en 1997, et l’Éthiopie, en 1995, à l’instar de nombreux pays d’Afrique subsaharienne dans les années 1990, ont refondé leurs systèmes d’éducation à travers des réformes. La principale caractéristique de la politique de l’EPU dans ces deux pays était l’exonération des frais de scolarité. Ce programme avait pour but d’améliorer le niveau de scolarisation, mais a connu des difficultés à ses débuts en Ouganda. En effet, il prévoyait la gratuité de l’éducation pour quatre enfants par famille, ce qui posait problème, car la majeure partie des familles Ougandaises avaient plus d’enfants. Celles-ci ont ainsi commencé à envoyer les enfants à l’école, augmentant le nombre d’inscrit tandis que les infrastructures ainsi que les effectifs du personnel enseignant demeuraient insuffisants. Ainsi, le taux de scolarisation au primaire est passé de 62 % en 1992, avant la réforme, à 84 % en 1999 (Deininger, 2003). Quant à l’Éthiopie, les frais de scolarité ont été supprimés pour l’école primaire et les deux premières années du secondaire en 1994 (Method et al., 2010). En outre, il a fallu environ un an pour que la suppression des taxes soit transmise aux zones rurales (World bank, 2009). Ainsi, elle a vu son taux d’inscriptions au primaire plus que doubler ; allant de 29,22 % en 1995 à 60,58 % 10
en 2001 (World Bank, 2009). En Ouganda, l’âge légal pour aller à l’école est de 6 ans pour 7 ans de primaire et 6 ans de secondaire ; en Éthiopie, il est de 7 ans, avec 6 ans de primaire et 6 ans de secondaire. De ces statistiques, nous voyons, comme on pouvait s’y attendre, que la gratuité de l’école a entraîné un accroissement du nombre d’inscriptions au primaire aussi bien Ouganda, qu’en Éthiopie. Cependant, force est de constater que ces taux de scolarisation élevés ont entraîné une diminution de la qualité de l’enseignement (Deininger, 2003). Dans notre étude, nous nous focalisons seulement sur l’accessibilité de l’école grâce à la suppression des frais de scolarité. Malgré ces réformes, en Ouganda, un énorme écart existe toujours entre le taux de scolarisation dans l’enseignement primaire et celui du secondaire. Les données du recensement de 2004 indiquent que pour dix élèves inscrits dans les écoles primaires, un seul est scolarisé dans un établissement secondaire. Ce constat est encore plus marqué lorsqu'on compare les taux de scolarisation entre les garçons et les filles. La fréquentation scolaire des filles à tous les niveaux de la société, aussi bien en Ouganda qu’en Éthiopie, est inférieure à celle des garçons, et cela peut être attribué à plusieurs facteurs dont les travaux ménagers, la collecte de bois pour la cuisine, etc. Ce manque de scolarisation des femmes influencera leurs choix quotidiens tout au long de leur vie. 11
Chapitre 2 Données et Statistiques descriptives 2.1 Données Pour notre étude, nous utilisons les données de l’enquête démographique et de santé de l’Ouganda 2015-2016 et de l’Éthiopie 2008. Ces enquêtes recueillent des informations détaillées sur des femmes âgées de 15 à 49 ans et leurs enfants et les échantillons sur lesquels nous travaillons sont constitués de 17 853 individus en Ouganda et de 15 317 individus pour l’Éthiopie. 2.1.1 Mesure de la biomasse verte Pour mesurer la biomasse verte, nous avons construit une variable binaire. Si les femmes utilisent l’électricité, le gaz, le kérosène (appelé biomasse verte) pour cuisiner, la valeur est 1 ; pour les autres énergies (appelées biomasse non verte), la valeur est 0. 2.1.2 Éducation Pour mesurer le niveau d'éducation atteint, nous utilisons le fait qu’une personne ait au moins complété son primaire et pour cela nous adoptons comme instrument les réformes d’éducation opérées à travers les politiques d’éducation primaire universelle (EPU) en 1997 en Ouganda et 1995 en Éthiopie (Berhman, 2015 ; Makate, 2016, et Keats, 2018). Ainsi, pour les personnes qui n’ont pas été à l’école ou qui n’ont pas terminé leurs études primaires, nous attribuons la valeur 0, la valeur 1 est attribuée aux personnes qui ont au moins complété leurs primaires. 2.1.3 Variables de contrôle De la littérature, plusieurs variables sont censées influencer le choix d’utiliser ou pas la biomasse verte. Beaucoup de ces variables expliquent aussi la corrélation entre la biomasse verte et l’éducation des femmes. Ainsi, la prise en compte de ces variables augmente la crédibilité des résultats économétriques. De ces variables nous retenons pour notre étude 12
l’indice de richesse, le fait que la femme travaille, l’accès à l’électricité, le fait d’avoir un compte bancaire pour la femme, le sexe du chef de ménage, la zone de résidence, la région de résidence, la taille du ménage et la religion de la femme. 2.2 Statistiques descriptives Les statistiques descriptives de nos échantillons sont présentées dans les tableaux (1) et (2). La structure de nos bases de données nous montre que 99,8 % de ceux qui utilisent la biomasse verte ont complété leur primaire contre 88,7 % pour ceux qui n’utilisent pas la biomasse verte en Ouganda. En Éthiopie 92,4 % de ceux qui utilisent la biomasse verte ont complété leur primaire contre seulement 50 % pour ceux qui n’utilisent pas la biomasse verte. Ces chiffres montrent une variabilité de la corrélation de la complétion du primaire et l’utilisation ou non de la biomasse verte. Dans les deux bases de données, la population est assez équitablement répartie en matière de richesse pour ceux qui n’utilisent pas la biomasse verte tandis que pour ceux qui utilisent la biomasse verte, les plus riches représentent 86,5 % de cette population en Ouganda et 98,4 % en Éthiopie. En Ouganda, 87,6 % de ceux qui utilisent la biomasse verte ont l’électricité tandis que 27,9 % seulement de ceux qui n’utilisent pas la biomasse verte ont l’électricité. Ces chiffres sont respectivement de 97,9 % et de 30,4 % pour l’Éthiopie. De même, on perçoit cette différence statistique à travers la zone de résidence. En effet, en Ouganda 19,1 % de ceux qui utilisent la biomasse verte habitent en zone rurale contre seulement 3,2 % en Éthiopie. Pour la population qui n’utilise pas la biomasse verte, 76,9 % habitent en zone rurale en Ouganda tandis qu’en Éthiopie elle est de 74,6 %. En Ouganda 45.5 %, des ménages qui utilisent la biomasse verte sont dirigés par des femmes contre 40,7 % en Éthiopie ; pour les ménages qui utilisent la biomasse non verte, 33,1 % sont dirigés par des femmes pour l’Ouganda et 29,4 % en Éthiopie. En Ouganda, la moyenne du nombre de personnes dans un ménage est de 4,146 avec une variance de 2,982 pour ceux qui utilisent la biomasse verte ; en ce qui concerne ceux qui utilisent la biomasse non verte, cette moyenne est de 6,020 pour une variance de 2,977. Pour l’Éthiopie, le nombre moyen de personnes dans un ménage est de 4,837 avec une variance de 2,259 pour 13
ceux qui utilisent la biomasse verte ; en ce qui concerne ceux qui utilisent la biomasse non verte, la moyenne est de 5,540 avec une variance de 2,475. Les échantillons utilisés pour les deux pays sont diversifiés. Cela nous permettra d’estimer les effets marginaux des différentes variables et plus précisément du nombre d’années d’études ôtées de l’endogénéité sur le choix de la biomasse. 14
Tableau 1: Statistiques descriptives, Ouganda BIOMASSE NON VERTE BIOMASSE VERTE N (18328) N (178) Freq (99.04%) Freq (0.96%) VARIABLES mean sd mean sd VARIABLE ENDOGÈNE PRIMAIRE COMPLÉTÉ Oui 0.887 0.316 0.983 0.129 INSTRUMENT NOMBRE D’ANNÉES EXPOSÉES À LA RÉFORME 0 an 0.337 0.473 0.247 0.433 1 an 0.024 0.152 0.028 0.166 2 ans 0.042 0.200 0.045 0.208 3 ans 0.029 0.169 0.034 0.181 4 ans 0.033 0.179 0.045 0.208 5 ans 0.032 0.177 0.045 0.208 6 ans 0.032 0.177 0.045 0.208 7 ans 0.471 0.499 0.511 0.501 VARIABLES DE CONTRÔLE INDICE DE RICHESSE Pauvres 0.198 0.399 0.011 0.106 Moyens 0.19 0.392 0.062 0.241 Riches 0.188 0.391 0.062 0.241 Plus Riches 0.212 0.409 0.865 0.343 ÉLECTRICITÉ Oui 0.279 0.448 0.876 0.330 TRAVAIL Oui 0.739 0.439 0.730 0.445 SEXE DU CHEF DE MÉNAGE Féminin 0.331 0.471 0.455 0.499 ZONE DE RÉSIDENCE Rural 0.769 0.422 0.191 0.394 15
RÉGION DE RÉSIDENCE Central1 0.066 0.248 0.500 0.501 Central2 0.086 0.281 0.197 0.399 Busoga 0.077 0.266 0.034 0.181 Bukedi 0.083 0.276 0.056 0.231 Bugishu 0.066 0.248 0.011 0.106 Teso 0.052 0.222 0.006 0.075 Lango 0.073 0.261 0.023 0.149 Acholi 0.067 0.25 0.023 0.149 West Nile 0.061 0.238 0.006 0.075 Bunyoro 0.07 0.255 0.023 0.149 Tooro 0.066 0.248 0.017 0.129 Ankole 0.071 0.256 0.039 0.195 Kigezi 0.07 0.256 0.056 0.231 Central1 0.052 0.222 0.011 0.106 TAILLE DU MÉNAGE 6.020 2.977 4.146 2.982 RELIGION Musulmans 0.117 0.321 0.169 0.375 Chrétiens 0.873 0.333 0.826 0.380 COMPTE BANCAIRE Oui 0.120 0.325 0.500 0.501 Source des données d’analyse : Enquêtes démographiques et sanitaires (EDS), Ouganda 2015-2016. NOTE : Notre échantillon de base est constitué des femmes de 15 à 45 ans. Nous subdivisons cet échantillon en deux sous échantillons, ceux qui utilisent la biomasse verte qui constituent 0,96% de l’échantillon de base et ceux qui ne l’utilisent pas qui en représentent 99,04%. Nous regardons la composition statistique de chaque sous échantillon. La moyenne (mean) et les écarts types (sd) sont reportés dans le tableau. 16
Tableau 2: Statistiques descriptives, Éthiopie BIOMASSE NON VERTE BIOMASSE VERTE N (13773) N (1910) Freq (87.82%) Freq (12.18%) VARIABLES mean Sd mean sd VARIABLE ENDOGÈNE PRIMAIRE COMPLÉTÉ Oui 0.500 0.500 0.924 0.266 INSTRUMENT NOMBRE D’ANNÉES EXPOSÉES À LA RÉFORME 0 an 0.539 0.498 0.525 0.499 1 an 0.057 0.231 0.040 0.197 2 ans 0.032 0.176 0.042 0.200 3 ans 0.029 0.168 0.040 0.196 4 ans 0.038 0.190 0.030 0.170 5 ans 0.028 0.165 0.030 0.170 6 ans 0.278 0.448 0.293 0.455 VARIABLES DE CONTRÔLE INDICE DE RICHESSE Pauvres 0.148 0.355 0.002 0.040 Moyens 0.145 0.352 0.005 0.069 Riches 0.147 0.354 0.007 0.085 Plus Riches 0.277 0.448 0.984 0.124 ÉLECTRICITÉ Oui 0.304 0.46 0.979 0.145 TRAVAIL Oui 0.334 0.472 0.558 0.497 SEXE DU CHEF DE MÉNAGE Féminin 0.294 0.456 0.407 0.491 17
ZONE DE RÉSIDENCE Rural 0.746 0.435 0.0325 0.177 RÉGION DE RÉSIDENCE Afar 0.08 0.272 0.012 0.107 Amhara 0.123 0.328 0.016 0.124 Oromia 0.132 0.338 0.042 0.200 Somali 0.100 0.300 0.007 0.082 Benishangul 0.081 0.273 0.006 0.079 Snnpr 0.133 0.339 0.011 0.104 Gambela 0.074 0.262 0.006 0.079 Harari 0.05 0.218 0.113 0.316 Addis Adaba 0.048 0.214 0.607 0.489 Dire Dawa 0.067 0.25 0.11 0.313 TAILLE DU MÉNAGE 5.54 2.475 4.837 2.259 RELIGION Musulmans 0.421 0.494 0.216 0.412 Chrétiens 0.569 0.495 0.779 0.415 Source des données d’analyse : Enquêtes démographiques et sanitaires (EDS), Éthiopie 2008. NOTE : Notre échantillon de base est constitué des femmes de 15 à 45 ans. Nous subdivisons cet échantillon en deux sous échantillons, ceux qui utilisent la biomasse verte qui constituent 12,18% de l’échantillon de base et ceux qui ne l’utilisent pas qui en représentent 87, 82%. Nous regardons la composition statistique de chaque sous échantillon. La moyenne (mean) et les écarts types (sd) sont reportés dans le tableau. 18
Chapitre 3 Stratégie d'identification 3.1 L’exposition à la réforme comme source de variation exogène Le défi principal lié à l’estimation de l’effet du capital humain sur le choix de combustible par les femmes réside dans l’endogénéité du capital humain. Les réformes du primaire en Ouganda et en Éthiopie nous offrent une variation exogène du capital humain qui nous permettra d’estimer l’effet de ce dernier sur les choix des femmes. En effet, les réformes ont eu lieu en 1997 et en 1995 respectivement en Ouganda et en Éthiopie. L’exposition à la réforme sera déterminée par l’année de naissance de chaque femme. En général, en Ouganda, les enfants commencent le primaire à 6 ans et le complètent en 7 années. En Éthiopie, l’âge moyen d’entrée au primaire est de 7 ans et la durée de ce cycle est de 6 années. De là, nous faisons l’hypothèse que les femmes ayant plus de 13 ans en 1997 en Ouganda et en 1995 en Éthiopie n’ont pas été exposées à la réforme. Par ailleurs, nous supposons que celles qui ont été exposées ne l’ont pas été de la même manière. Pour cela, nous faisons l’hypothèse additionnelle que l’effet de la réforme va croître avec l’intensité de l’exposition à la réforme. L’intensité de l’exposition sera déterminée par le nombre d’années de primaire à faire à partir de la mise en place de la réforme. Ainsi, nous distinguons les femmes ayant été exposées à la réforme pendant 7 années, 6 années, 5 années, 4 années, 3 années, 2 années, une année et des femmes n’ayant pas du tout été exposées en Ouganda. En Éthiopie le nombre d’années d’exposition va de 6 années à 0. En Ouganda, les femmes nées en 1991 ou après ont subi la réforme pendant 7 ans, celles qui sont nées en 1990 ont subi la réforme pendant 6 ans, celles qui sont nées en 1989 ont été exposées pendant 5 ans, celles qui sont nées en 1988 ont été exposées pendant 4 ans, celles qui sont nées en 1987 ont été exposées pendant 3 ans, celles qui sont nées en 1986 ont été exposées pendant 2 ans et celles qui sont nées en 1985 ont été exposées pendant 1 an. Le groupe de contrôle est constitué des femmes nées avant 1985. En Éthiopie, le groupe de traitement a été choisi de manière similaire. Les filles entrent en primaire à l’âge de 7 ans et 19
y restent pendant 6 ans. Pour cela, les femmes nées en 1989 ou après sont supposées avoir été exposées à la réforme pendant 6 ans, celles nées en 1988 pendant 5 ans, celles nées en 1987 pendant 4 ans, celles nées en 1986 pendant 3 ans, celles nées en 1985 pendant 2 ans et celles nées en 1984 pendant 1 an. Les femmes nées avant 1984 représentent le groupe de contrôle. Cette approche suppose qu’il n’y ait pas eu de redoublements ou de retard d’entrée au primaire. Ce postulat est nécessaire, car nous ne connaissons pas le niveau exact d’étude de chaque personne au moment de (et après) la réforme. La validité de cet instrument sera déterminée par sa capacité à expliquer les variations dans la variable indiquant si la personne a terminé au moins l’éducation primaire ou pas. Nous testons formellement cette hypothèse en menant une régression probit, dont les résultats se trouvent dans les tableaux 5 et 6, de l’exposition à la réforme sur la variable indiquant si le primaire a été complété. Nous trouvons en Ouganda et en Éthiopie que l’exposition explique de manière significative la complétion du primaire. De plus, l’effet de l’exposition augmente avec l’intensité comme nous l’avons prédit. L’approche que nous adoptons pour l’analyse de l’effet du capital humain des femmes sur la probabilité que leur ménage utilise des technologies de cuisson inefficaces et non durables est une approche par variable instrumentale. Conformément à la définition de l'OCDE (voir OCDE, 2011), nous évaluons notamment le capital humain aux résultats scolaires. Il est reconnu que ce résultat détermine le niveau et la qualité des connaissances, aptitudes, capacités, compétences et autres attributs d’un individu, qui participe de façon importante à l’activité économique, ainsi qu’à d’autres activités sociales et politiques dans la société dans laquelle il vit. Afin d’analyser l’effet du capital humain d’une femme sur la probabilité que son ménage utilise des combustibles de biomasse inefficaces et non durables, nous proposons de nous appuyer sur la dernière version des enquêtes démographiques et sanitaires (EDS). Ce sont des enquêtes sur les ménages, standardisées et représentatives au niveau national dans les pays en développement. Dans les EDS, nous extrairons le fait qu’une femme ait complété son primaire ou non. Dans ce cas, la cohérence de l’estimation du paramètre de cet important régresseur dépend d’une question : celle de 20
savoir si, en tant que régresseur, le fait qu’une femme ait complété son primaire est intrinsèquement exogène à son choix de technologie de cuisson. Toutefois, en raison de l’autodéclaration, ce régresseur d’intérêt est susceptible de souffrir d’une erreur de mesure. Un autre problème potentiel lié à l’utilisation du niveau d’étude d’une femme en tant que régresseur est son éventuelle codétermination avec son choix de technologie de cuisson. Par exemple, il est tout à fait plausible dans les pays en développement que ces deux variables soient déterminées conjointement par un facteur de confusion non mesuré. Pour Muller et Yan (2018), l’éducation entraîne généralement un revenu élevé, et de là il se peut que son effet estimé ne soit qu’un effet de revenu mal observé, étant donné que le revenu aussi est un facteur important de l’utilisation d’un type d’énergie donné. En outre, l’augmentation des coûts d’opportunité du temps de collecte de la biomasse non verte peut justifier la relation négative du niveau d’éducation avec consommation de bois de chauffage. Ainsi comme notre variable d’intérêt (éducation) est potentiellement endogène, notre stratégie empirique reposera sur un choix approprié d’instrument. 3.2 Modèles économétriques Par souci de comparaison, nous utilisons quatre méthodes pour estimer l'effet de l'éducation sur le choix du type d'énergie. La première des méthodes que nous utilisons est la méthode probit qui est un modèle de régression binomiale; elle tient seulement compte du caractère binaire de la variable dépendante. Ensuite, comme deuxième méthode, nous utilisons un estimateur de fonction de contrôle (EFC). Cette méthode a pour limite ici le fait qu'elle exige que la variable endogène soit continue. Comme troisième méthode nous utilisons la méthode des moindres carrés en deux étapes, qui est une approche qui ne tient pas compte de la structure binaire de la variable dépendante. Enfin, la quatrième méthode que nous utilisons et considérons comme la plus appropriée est un modèle probit bivarié qui fait des estimations du maximum de vraisemblance. Ce modèle tient compte des structures binaires de notre variable dépendante et endogène. Pour contrôler la robustesse de nos résultats, nous utilisons une méthode alternative qui est celle du régresseur spécial. Cette approche a été proposée pour la première fois par Lewbel 21
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