Choc septique, hémorragique, cardiogénique, anaphylactique

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Choc septique, hémorragique, cardiogénique, anaphylactique
Dr Jérôme Lacotte
Pr Jean-Luc Dubois-Randé
Fédération de Cardiologie
Hôpital Henri Mondor, Créteil

   Points principaux
    L'état de choc est défini comme une insuffisance circulatoire aboutissant à une
hypoxie tissulaire. D’un point de vue physiopathologique, ce défaut de perfusion
tissulaire peut être du à :
- Une hypovolémie absolue dont le modèle est le choc hémorragique,
- Une hypovolémie relative par vasoplégie telle qu’on peut la constater dans un
    choc anaphylactique,
- Une défaillance initiale de la pompe cardiaque, entraînant une chute du débit
    cardiaque comme c’est le cas lors d’un choc cardiogènique.

     Le choc septique répond à une physiopathologie beaucoup plus complexe,
pouvant associer certains des mécanismes précédents à un trouble majeur de la
microcirculation responsable d'une mauvaise distribution et donc d’une mauvaise
utilisation de l'oxygène à l’étage tissulaire.

    L’état de choc est dans tous les cas une urgence vitale, grevée d’un mauvais
pronostic, justifiant un diagnostic rapide basé sur la constatation d’anomalies de
l'hémodynamique et de signes de vasoconstriction cutanée. Outre les mesures
symptomatiques (oxygénation, remplissage vasculaire, drogues vaso-actives ou
inotropes positives), le traitement devra avant tout être étiologique.

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I – Etiologies et physiopathologie
1. Choc cardiogénique
    Il est caractérisé par la chute du débit cardiaque (index cardiaque
2. Choc septique
   La physiopathologie du choc septique est complexe, associant anomalies
cardiaques et vasculaires avec pour conséquence principale une distribution
anormale du sang dans la microcirculation d'où le terme de choc "distributif".
L'oxygène mal distribué dans les tissus est utilisé de façon hétérogène, ce qui
explique que la différence artério-veineuse en oxygène reste normale (contrairement
aux autres types de chocs).

    Ces troubles de la micro-circulation témoignent d'une réponse inflammatoire
systémique résultant de l'action de substances microbiennes (endotoxine libérée lors
de la destruction bactérienne, exotoxine sécrétée par la bactérie). Celles-ci
provoquent la libération de médiateurs de l'inflammation par le système immunitaire
(cytokines, fractions du complément, kallicréine, histamine, platelet activating factor,
monoxyde d'azote) provoquant une dérégulation des débits sanguins régionaux
(atteinte de la micro-circulation), une vasodilatation artérielle et veineuse (secondaire
à l’atteinte des cellules musculaires lisses vasculaires) et une exsudation
plasmatique (lésions endothélium vasculaire). A ces conséquences vasculaires se
surajoutent un effet inotrope négatif direct, retardé, de mécanisme encore obscur.

   De ce fait, deux phases se succèdent généralement dans un choc septique : l'une
hyperkinétique pendant laquelle l'augmentation du débit cardiaque arrive à
compenser la baisse des résistances vasculaires, l'autre hypokinétique,
correspondant à la chute du débit cardiaque, consécutive à l'action inotrope négative
des médiateurs libérés par l'inflammation.

    Tous les états septiques peuvent se compliquer d’un choc septique :
pneumopathie, pyélonéphrite, cholécystite… Toutefois, les germes les plus souvent
impliqués sont les bacilles gram négatif dont la lyse produit une endotoxine
(lipopolysaccharide) et les cocci gram positif. Plus rarement il s’agit d’anaérobies, de
levures, de mycobactéries, de virus ou de parasites (plasmodium falciparum)

3. Choc hémorragique
  Il s’agit d’une hypovolémie absolue secondaire à une perte brutale et importante
de masse sanguine également responsable d’une anémie aiguë, les deux
mécanismes participant à l’hypoxémie tissulaire.

    Le saignement peut être interne ou extériorisé : hémorragies digestives,
traumatismes avec hémothorax, hémopéritoine, hématome profond (splénique,
hépatique, rétropéritonéal, du psoas).

4. Choc anaphylactique
   Il est consécutif à une réaction anaphylactique importante et brutale (type 1 de la
classification de Gell et Coombs) survenant après contact avec un allergène auquel

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le sujet aura été préalablement sensibilisé. Le choc est secondaire à la libération par
dégranulation des cellules effectrices (mastocytes et polynucléaires basophiles)
après un contact allergène-IgE de puissants médiateurs vasoplégiants (histamine,
produits dérivés de l'acide arachidonique, prostaglandines, leucotriènes, sérotonine,
bradykinines).

   La libération de ces substances vasodilatatrices engendre une chute brutale des
résistances vasculaires systémiques (d'ou hypovolémie relative) et une augmentation
de la perméabilité capillaire (hypovolémie absolue et œdèmes) entraînant un
exsudat. Dans un premier temps, la pression artérielle reste stable sous l'effet d'une
augmentation du débit cardiaque par tachycardie. Rapidement se constitue le choc,
par baisse des pressions de remplissage et chute du débit cardiaque.

   Les allergènes à l’origine de cette réaction sont d’origine venimeuse
(hyménoptères) ou médicamenteuse : antibiotiques (béta-lactamines, sulfamides),
curares.

   Le choc anaphylactoïde est assez proche du choc anaphylactique puisqu’il est
également consécutif à la libération des mêmes substances vasodilatatrices.
Cependant cette libération ne se fait pas par le biais d’un contact allergène-anticorps
mais par l’action directe d’un toxique (ex : produit de contraste iodés).

III – Diagnostic
1. Clinique
    Le diagnostic d'état de choc sera porté sur l’association de signes :
-   d’insuffisance circulatoire aiguë se traduisant par une hypotension artérielle
    (classiquement pression artérielle systolique
-   cardiogénique : signes d'insuffisance cardiaque gauche et/ou droite, anomalie
    auscultatoire (souffle, galop), phlébite, pouls paradoxal,
-   anaphylactique : rash cutané (urticaire), oedème de Quincke, bronchospasme,
    dyspnée laryngée, douleurs abdominales, nausées, vomissements.

2. Paraclinique
   Le diagnostic d'état de choc étant avant tout clinique, les examens paracliniques
permettront surtout d'apprécier le retentissement du choc et l'efficacité du traitement,
de dépister les complications (défaillance d'organes) et de confirmer les hypothèses
diagnostiques.
   Le bilan classique comprend :
- gaz du sang : acidose métabolique (alcalose respiratoire possible à la phase
   précoce) avec hyperlactactémie (lactates > 2 mmol/l),
- ionogrammes sanguin et urinaire : insuffisance rénale fonctionnelle ou organique
   (nécrose tubulaire) en rapport avec un « rein de choc »,
- cytolyse, cholestase hépatique dans le cadre d’un « foie de choc »,
- NFS-plaquettes : anémie (hémorragie, hémolyse), hyperleucocytose, neutropénie
   ou thrombopénie (septique, allergique),
- TP-INR, TCA, fibrinogène : recherche d'une CIVD (choc septique ou
   anaphylactique surtout),
- enzymes cardiaques (CPK, Myoglobine, Troponine),
- dosage de la CRP et prélèvements bactériologiques (hémocultures réalisées
   rapidement au rythme de 2 ou 3 à une heure d’intervalle, ECBU, prélèvements
   locaux),
- ECG et RP systématiques.

3. Exploration hémodynamique
   Une exploration hémodynamique sera réalisée sauf choc hémorragique ou
anaphylactique évident, surtout s’il existe des arguments pour une cardiopathie sous-
jacente     (antécédents      cardio-vasculaires,     anomalies      cliniques     ou
électrocardiographiques, élévation enzymatique) ou lorsque la nature et les
mécanismes du choc sont incertains.

    Elle se fait de plus en plus souvent en première intention par l’écho-doppler
cardiaque transthoracique ou transoesophagien qui permet de préciser la taille et la
morphologie des cavités cardiaques (notamment celle du VG), les fonctions
diastolique et systolique (globale et segmentaire) du VG, les pressions artérielles
pulmonaires, l’état du péricarde, des valves et de l'aorte initiale. De plus, elle permet
d’apprécier l’index cardiaque et les pressions de remplissage droites. Il s’agit donc
d’un examen simple, non invasif, souvent disponible, renouvelable si besoin, capable
d’effectuer un bilan étiologique et hémodynamique quasiment exhaustif puisque
seule la pression capillaire pulmonaire ne peut être calculée.

   D’autres moyens existent mais nécessitent la pose d’un cathéter veineux central.
On peut dans un premier temps se contenter de monitorer la pression veineuse
centrale (PVC) sur un cathéter simple, notamment pour initier ou surveiller un
remplissage vasculaire que l’on proscrira en cas de pressions élevées. Pour un bilan
hémodynamique complet on aura recours à un cathétérisme cardiaque droit type

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Swan-Ganz nécessitant l’introduction d’un cathéter spécifique dans les cavités
cardiaques droites et dans l’artère pulmonaire. Celui-ci permet la mesure de la PVC,
des pressions artérielles pulmonaires (PAP), de la pression capillaire (Pcap ou
PAPO), de l’index cardiaque (IC), de la saturation veineuse en oxygène et de la
température centrale. Ses indications sont de plus en plus restreintes depuis
l’utilisation large de l’échographie cardiaque et sont réservées au diagnostic et à la
surveillance thérapeutique des états de choc complexes, mixtes (choc septique sur
cardiopathie dilatée par exemple) ou rebelles au traitement afin d’orienter au mieux
la thérapeutique (remplissage, drogues inotropes…).

   Le tableau n°1 reprend les caractéristiques hémodynamiques des différents types
de choc.

IV – Traitement
   1. Prise en charge initiale
    Outre l’admission en réanimation, elle comprend la pose de une ou deux voies
veineuses périphériques ainsi que d’une voie veineuse centrale (sauf choc
anaphylactique simple) indispensable pour assurer un bon débit de perfusion
(nécessaire lors d’un remplissage) et parfois requise pour un cathétérisme cardiaque
droit. Le sondage urinaire est indispensable dès lors que la diurèse ne peut être
quantifiée de façon fiable et permet par ailleurs de pouvoir l’apprécier heure par
heure. Plus rarement, on met en place un cathéter artériel (« artère sanglante ») en
position radiale, sinon fémorale. Cela est tout particulièrement indiqué en cas
d’instabilité tensionnelle (choc septique ou cardiogénique) nécessitant une
adaptation très fréquente des posologies de drogues inotropes ou vasopressives.

   La correction de l’hypoxémie se fera, selon l’importance et la nature du choc,
tantôt par une oxygénothérapie nasale, tantôt par une ventilation assistée (invasive
ou non). Dans l’hypothèse d’une intubation, le patient sera bien sûr laissé à jeun à la
phase initiale de la prise en charge.

   Parallèlement sera réalisé un bilan sanguin classique (NFS-plaquettes,
ionogramme sanguin, INR-TCA, enzymes cardiaques et hépatiques, détermination
du groupe sanguin, recherche d'agglutinines irrégulières, gaz du sang, lactates), des
prélèvements bactériologiques si l’on suspecte un choc septique, un
électrocardiogramme et un cliché thoracique au lit.

   Les mesures diagnostiques et thérapeutiques spécifiques à chaque type de choc
seront menées simultanément.

   2. Traitement du choc cardiogénique
  Il est avant tout étiologique : angioplastie à la phase aiguë d’un infarctus du
myocarde, fibrinolyse voire embolectomie chirurgicale pour une embolie pulmonaire
mal tolérée, ponction ou drainage péricardique d’une tamponnade.

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Il faudra de plus systématiquement corriger d’éventuels facteurs aggravants :
arrêt des traitements inotropes négatifs, bradycardisants ou hypotenseurs, mise en
place d'une sonde d'entraînement électro-systolique pour corriger une bradycardie,
réduction d'un trouble du rythme rapide par cardioversion électrique ou
médicamenteuse.

     A l’inverse, il est inutile de corriger une acidose, qui n’est que le reflet de
l’inefficacité circulatoire, sauf en cas d’hyperkaliémie symptomatique. De la même
façon, il n’est pas recommandé d’effectuer un remplissage vasculaire plus souvent
délétère (aggravation ou révélation d’un œdème pulmonaire) qu’utile. Il ne se fera
qu’en l'absence de signes congestifs pulmonaires, sous surveillance très rapprochée
(auscultation pulmonaire, saturation, pression capillaire pulmonaire si besoin), très
prudemment (100 à 200 ml de colloïdes sur 20 minutes) uniquement lorsqu’on
suspecte une hypovolémie (par exemple consécutive à un traitement diurétique ou
vasodilatateur préalable), ce qui est très rare à la phase initiale d’un choc
cardiogénique. Les seuls cas où le remplissage s’envisage de manière abondante et
rapide sont les chocs cardiogéniques par défaillance ventriculaire droite (embolie
pulmonaire, tamponnade, infarctus du ventricule droit).

    Le traitement symptomatique fera appel à un sympathomimétique à effet β1+
dominant (dobutamine, dopamine, isoprénaline, adrénaline). La dobutamine
(dobutrex) est le plus souvent utilisée en raison d'un effet inotrope positif plus
puissant et d'effets délétères moindres, c'est à dire (cf. tableau n°2) : tachycardie
minime ou modérée, arythmogénicité faible, baisse des pressions artérielles
pulmonaires et capillaires avec globalement une faible augmentation de la
consommation en oxygène du myocarde. La dobutamine est généralement débutée
à faibles doses (5µg/kg/mn en intraveineux continu), augmentée progressivement
par paliers de 2.5 à 5µg/kg/mn, jusqu'à obtention d'une réponse hémodynamique
correcte (PAM >70 mmHg, disparition des marbrures, diurèse > 60ml/h), sous
surveillance continue de la tension artérielle et du rythme cardiaque au cardioscope.
Certains l’associent à la dopamine à dose « rénale » (5 µg/kg/mn) afin d’obtenir un
effet diurétique. L’intérêt de cette association n’a jamais été démontré cliniquement.

    Les inhibiteurs des phosphodiestérases (énoximone, milrinone), ne sont
quasiment plus utilisés de même que les digitaliques qui sont peu maniables (index
thérapeutique faible, effets arythmogènes aggravés par l'hypoxie) et beaucoup moins
efficaces que les sympathomimétiques.

    Une assistance circulatoire sera proposée lorsque l'état de choc est rebelle à un
traitement bien conduit sous réserve de l’absence de tare ou d’un âge physiologique
avancé. Les solutions actuellement proposées sont :
- la contre-pulsion intra-aortique : ballon positionné par voie artérielle rétrograde
    dans l'aorte descendante (abord fémoral au Scarpa), en aval de l'émergence de
    la sous-clavière gauche, relié à une pompe externe, synchronisé au cycle
    cardiaque (par ECG ou pression intra-aortique), qui se gonfle en diastole
    (améliore la perfusion cérébrale et coronaire) et se dégonfle en systole (chute
    brutale de la post-charge) d'où augmentation du débit et diminution du travail
    cardiaque,
- le cœur artificiel externe sous différentes formes (assistance uni ou
    biventriculaire),

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-   la greffe cardiaque.

    3. Traitement du choc septique
   Il a fait l'objet de nombreuses conférences de consensus récentes (cf.
recommandations de la SRLF 1998). Sa gravité justifie un traitement agressif et
rapide comprenant avant tout un traitement anti-infectieux (antibiothérapie, exclusion
du foyer septique et traitement de la porte d'entrée) associé à un remplissage
vasculaire « systématique » ainsi qu’à un traitement vasopresseur et parfois inotrope
positif.

     L’antibiothérapie sera débutée après réalisation des prélèvements
bactériologiques (deux ou trois hémocultures réalisées à une heure d’intervalle,
ECBU, prélèvements d’une porte d’entrée), par voie parentérale. Elle sera double ou
triple, synergique et bactéricide sur les germes suspectés et sera secondairement
adaptée aux résultats des prélèvements bactériologiques. Le plus souvent, elle
comprend un aminoside associé à une béta-lactamine ou à une céphalosporine.

    Le remplissage vasculaire est l’étape initiale et obligatoire à la restauration d'une
volémie et d'une pression de perfusion efficace. Classiquement on préfère un
colloïde à un cristalloïde, du fait d’un pouvoir d’expansion volémique plus important
plus prolongé et plus stable dans le temps, par exemple : plasmion ou équivalent,
500 ml/20 minutes, à répéter selon la tolérance et réponse hémodynamique obtenue
en ne dépassant par la dose quotidienne de 30 ml/kg. Une transfusion érythrocytaire
sera envisagée si l’hématocrite chute en dessous de 30% (voir de 25% chez un sujet
cardiaque).

    Le choix du traitement vasopresseur ou inotrope a été longtemps sujet à
discussion. Son objectif est de corriger la vasoplégie (effet α+) et le défaut
d'inotropisme (effet β+). Les trois molécules les plus utilisées (cf. tableau n°2), seules
ou en association, sont la noradrénaline (α+), la dopamine (dopa+, α+, β+) et la
dobutamine (β+). Le choix dépend de la situation hémodynamique, en sachant que la
situation est mixte le plus souvent : noradrénaline ou dopamine en phase
hyperkinétique, associées à la dobutamine en phase hypokinétique.

   Une exploration hémodynamique est souvent utile pour optimiser le traitement
(remplissage, catécholamines) lorsque le choc n’évolue pas rapidement de façon
favorable.

    D’autres traitements ont été proposés : les corticoïdes à faibles doses (en cours
d'évaluation), les inhibiteurs de la NO synthétase (en cours d'évaluation), le bleu de
méthylène (efficacité non prouvée), les anticorps anti-interleukine ou TNF (pas
d’efficacité démontrée).

    4. Traitement du choc hémorragique
   L’urgence est avant tout de rétablir une volémie efficace et d’assurer une
oxygénation satisfaisante, l’objectif étant de maintenir un hématocrite supérieur à

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25%. Les schémas thérapeutiques sont basés sur l’estimation de la masse sanguine
perdue, souvent très difficile à estimer.
    Dans le cas d'un polytraumatisme, il faudra veiller à disposer d'un accès veineux
de gros calibre dans le territoire cave supérieur et inférieur (en cas de rupture d'un
tronc veineux).

    Pour une perte de sang inférieure à 25% de la masse sanguine totale, on se
contente de rétablir la volémie par administration de colloïdes (plasmion ou
équivalent) ou cristalloïdes (Ringer lactate) à hauteur de 500 ml sur 20 mn (à
renouveler selon l’effet obtenu). Entre 25 et 50% de masse sanguine totale perdue,
le remplissage proposé ci-dessus sera associé à une transfusion érythrocytaire, dont
le volume (en ml) sera calculé selon une des formules suivantes : (hématocrite
souhaité - hématocrite observé) * poids (kg) ou (hémoglobine souhaitée –
hémoglobine observée) * poids (kg) * 3.5, en sachant qu’un culot érythrocytaire de
250 ml augmente de 1.2 point l’hémoglobinémie et de 3% l’hématocrite chez un
adulte de 60 kg.

   Au delà de 50% de masse sanguine totale perdue, il faudra bien sûr rétablir la
volémie et l’oxygénation selon les mêmes principes mais aussi corriger les troubles
de la coagulation induits par la transfusion grâce à des apports de facteurs de
coagulation par plasma viro inactivé (anciennement plasma frais congelé).

   La prise en charge comprendra également le traitement de la lésion
hémorragique, la correction d'un trouble de la coagulation (AVK, héparine,
hémophilie) ou de l'hémostase (transfusion plaquettaire) et le dépistage des
complications potentielles d’une transfusion érythrocytaire massive : hypocalcémie,
hyperkaliémie, coagulopathie de dilution, hémolyse, œdème pulmonaire.

   5. Traitement du choc anaphylactique
     Le traitement du choc anaphlyactique est basé sur l’administration précoce
d’adrénaline parallèlement à la suppression du contact avec l’allergène. L’adrénaline
qui corrige la vasoplégie (effet α+), la bronchoconstriction (effet β2+) et renforce
l'inotropisme par l'effet β1+ , sera d'autant plus efficace qu'administré tôt. On
préconise de diluer 0.5 à 1 mg d’adrénaline dans 10 ml de sérum physiologique à
titrer ml par ml en intraveineux direct, sinon en sous-cutané ou en intramusculaire
(agit moins vite avec risque de nécrose cutanée au point d'injection) à l'aide d'un kit
auto-injecteur (anakit anahelp). Cette dose sera répétée au besoin toutes les 5
minutes voire relayée en intraveineux continu en cas de choc anaphylactique sévère.

    Un remplissage vasculaire rapide (500 ml de colloïdes sur 10 mn) sera très
souvent adjoint à l’adrénaline. Par contre il est inutile d’administrer des corticoïdes à
la phase aiguë, étant donné leur délai d'action. Ils sont parfois prescrits pour éviter
les réactions œdémateuses survenant ultérieurement.

   Au décours de l’épisode aigu, on n’omettra pas de remettre au patient une liste
des substances ou médicaments auxquels il est allergique, de programmer une
désensibilisation si elle est possible et de lui recommander le port d'un kit
d'adrénaline auto-injectable.

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6. Surveillance et dépistage des complications
   L’insuffisance circulatoire est susceptible d’entraîner, dès lors qu’elle se prolonge,
de nombreuses défaillances d’organe (insuffisance rénale, hépato-cellulaire, CIVD…)
et peut même aboutir à un syndrome de défaillance multiviscéral (SDMV), de
pronostic extrêmement péjoratif. Les autres complications sont essentiellement liées
au décubitus et aux traitements entrepris (escarres, thrombose veineuse,
complications en rapport avec les cathéters et les sondes).

    Au plan clinique, on surveillera (toutes les heures initialement) :
-   L’état de conscience,
-   les paramètres hémodynamiques : fréquence cardiaque (cardioscope), pression
    artérielle (idéalement PAM >70 ou PAS > 90 mmHg), diurèse (>60 ml/ml), signes
    d'insuffisance cardiaque gauche ou droite (surtout en cas de remplissage),
-   les paramètres respiratoires : fréquence respiratoire et SaO2 (oxymètre de
    pouls),
-   la régression des signes cutanés de vasoconstriction (marbrures),
-   la température, de façon plus espacée.

   La surveillance paraclinique dépend surtout de la nature et de l’évolution de l’état
de choc. Les principaux paramètres à surveiller sont :
- la correction acidose et de l’hypoxie, la normalisation des lactates,
- le dépistage biologique des défaillances d'organes (rein, foie, cœur),
- la stérilisation des prélèvements bactériologiques (choc septique),
- la radiographie thoracique (OAP, position sondes et cathéter),
- l’ECG.

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Tableau n°1 : Caractéristiques hémodynamiques des états de choc
                    PVC          PCap          IC         RVS         DAVO2
Normales             0-8          4-12      2,8 - 4,2   800-1200    4-6 ml d'O2/l
                   mmHg          mmHg      ml/mn/m2 dynes/s/cm5
Septique phase basse          basse       élévé       basses       diminuée
hyperkinétique
Septique phase basse          basse    ou bas         basses       diminuée
hypokinétique                 normale
Hémorragique     effondrée basse          bas         élevées      augmentée
Cardiogénique elevée          élevée      bas         élevées      augmentée
Anaphylactique basse          basse       élevé       basses       augmentée
PVC = pression veineuse centrale ou auriculaire droite, PCap = pression capillaire
pulmonaire, IC = Index cardiaque = Débit cardiaque / surface corporelle, RVS =
Résistances vasculaires systémiques = (PAM-PVC)/IC*80, DAV02 = Différence de
contenu artério-veineux en oxygène (Contenu artériel en oxygène =
(Sa02*Hb*1,34)+PaO2*0,003).

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Tableau n°2 : effets hémodynamiques des sympathomimétiques

                   Inotropisme      FC       Bathmotropisme       PA     PCap RVS
Dobutamine             +++           +             +               =       -   -
β1+++/β2+
Dopamine                  ++          ++              ++            +       +      +
dopa puis β++
puis α++
Noradrénaline              +           +             +++           +++      =     +++
β1++/α+++
Adrénaline               +++           +             +++            +       +      +
β1+++/β2+/α+++
FC : fréquence cardiaque, PA : pression artérielle, Pcap : pression capillaire, RVS :
résistances vasculaires systémiques. En résumé : la dobutamine est l'inotrope le plus
"pur", augmentant peu la consommation en oxygène du myocarde (car jouant
faiblement sur la pression artérielle et sur la fréquence cardiaque) et présentant
moins d'effets arythmogènes. C'est le traitement de choix du choc cardiogénique (5 à
20 µg/kg/mn). La dopamine, dont les propriétés sont très variables selon la dose, est
surtout utilisée dans le choc septique à doses α et β stimulantes (10 à 30 µg/kg/mn),
afin de corriger la chute tensionelle et la baisse du débit cardiaque. La noradrénaline
a elle aussi des effets mixtes cardiaques et vasculaires, surtout intéressants dans le
choc septique en phase hyperkinétique.

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