CHOPIN FESTIVAL GENÈVE du 4 11 octobre 2020 - PROGRAMME
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Message de la Présidente C hers Membres et Amis de la Société Frédéric Chopin, Cher Public, Actuellement, nous vivons une période bien étrange. Qui pouvait imaginer un pa- reil scénario ? Seuls les scénaristes de film de fiction … et pourtant. La crise liée au Covid-19 est bien arrivée et nous affecte tous depuis plusieurs mois ! La situation sanitaire nous a obligé à annuler notre traditionnel Concert du Prin- temps à Collonge-Bellerive ouvrant la nouvelle saison musicale mais l’automne est revenu et le temps du Festival Chopin aussi ! C’est donc avec enthousiasme et un immense plaisir que je vous souhaite la bien- venue. Pour cette édition 2020, les concerts se dérouleront sans entracte et sans récep- tion. Les mesures d’organisation demandent un travail considérable mais restent néanmoins nécessaires et nous espérons qu’elles permettront à tous de profiter des concerts qui nous manquent aujourd’hui particulièrement. La programmation de la 23ème édition s’annonce magnifique. Le Festival Chopin s’ouvre ce soir avec François Dumont, pianiste de grande renommée que vous avez tant apprécié l’an passé et qui nous a fait l’honneur, cette fois encore, d’être parmi nous avec un programme très original. Parmi les Nocturnes, Polonaises et Mazurkas, François accompagnera une sublime soprano, Helen Kearns dans les « Chants polonais », et par la suite il sera rejoint par le Quintette Ephémère pour interpréter la magnifique « Fantaisie sur des airs polonais ». Du 5 au 7 octobre, François Dumont dirigera la Chopin Masterclass dans la Salle de récital de l’Institut Jaques-Dalcroze. Vous trouverez le programme détaillé dans la brochure. L’entrée est libre, mais venez masqués ! Mardi 6 octobre dans la Salle Willy-Buard de la Mairie de Collonge-Bellerive, nous apprécierons Jansen Ryser, jeune talent suisse, déjà bien présent sur la scène internationale. Vendredi 9 octobre, Alberto Nosè, pianiste italien, lauréat du Concours Chopin de Varsovie en 2000 et fidèle au Festival Chopin depuis de nombreuses années, nous proposera un récital de piano solo dans la Salle des Nations du majestueux et his- torique Hôtel des Bergues. Le Festival Chopin se clôturera le Dimanche 11 octobre au Studio Ernest-Ansermet. Christian Chamorel, pianiste suisse, vaudois, qui nous a plus qu’enchanté au Concert du Printemps 2019 sera rejoint au violoncelle par Estelle Revaz puis ce sera au tour de la violoniste Olivia Jacobson de rejoindre ces deux musiciens pour former un trio inédit pour interpréter et clore le Festival sur les notes du grand compositeur polonais. Je ne doute pas que notre programmation sera à votre goût et il ne me reste plus qu’à vous remercier, Chers Membres et Amis, Cher Public, de votre fidélité. Vive la Musique malgré le Covid-19 ! Aldona Budrewicz-Jacobson 1
PROGRAMME TITRE 2020 Dimanche 4 octobre à 17h CONCERT D’OUVERTURE Studio Ernest-Ansermet, Genève FRANÇOIS DUMONT piano HELEN KEARNS soprano QUINTETTE EPHEMERE OLIVIA JACOBSON violon ELSA-CAMILLE SAPIN violon GIUSEPPE RUSSO ROSSI alto FLORESTAN DARBELLAY violoncelle MASSIMO PINCA contrebasse * Mardi 6 octobre à 20h Salle Willy Buard, Collonge – Bellerive RECITAL DE PIANO JANSEN RYSER * 5, 6 et 7 octobre CHOPIN MASTERCLASS Institut Jaques-Dalcroze, Salle de récital, Genève Mercredi 7 octobre à 19h CONCERT DES PARTICIPANTS * Vendredi 9 octobre à 20h Salle des Nations, Hôtel des Bergues, Genève RECITAL DE PIANO ALBERTO NOSÈ * Dimanche 11 octobre à 17h CONCERT DE CLÔTURE Studio Ernest-Ansermet, Genève CHRISTIAN CHAMOREL piano OLIVIA JACOBSON violon ESTELLE REVAZ violoncelle *** 3
Concert d’Ouverture Dimanche 4 octobre à 17h Studio Ernest Ansermet FRANÇOIS DUMONT piano HELEN KEARNS soprano QUINTETTE EPHEMERE OLIVIA JACOBSON violon ELSA-CAMILLE SAPIN violon GIUSEPPE RUSSO ROSSI alto FLORESTAN DARBELLAY violoncelle MASSIMO PINCA contrebasse PROGRAMME FRYDERYK CHOPIN (1810 – 1849) Nocturne en fa dièse mineur op. 48 N°2 Polonaise en fa dièse mineur op. 44 Trois Chants op. 74 « Smutna rzeka » – Un triste fleuve « Moja pieszczotka » – Ma douce Chérie « Piosnka litewska » – Chanson lithuanienne Barcarolle en Fa dièse majeur op. 60 Deux Mazurka op. 63 N°2 et N°3 Grande Fantaisie sur des airs polonais op. 13 avec le Quintette Ephémère 4
François DUMONT piano François Dumont est lauréat des plus grands concours internationaux : Fryderyk Chopin de Varsovie en 2010, Reine-Elisabeth en 2007, Clara Haskil et Piano Mas- ters de Monte-Carlo. Il a été nominé aux Victoires de la musique dans la catégorie « soliste instrumental » et a reçu le Prix de la Révélation de la Critique Musicale Française. François Dumont se produit en récital au festival Piano aux Jacobins à Toulouse, à la Roque d’Anthéron, au Festival Chopin à Paris et à Nohant, au Festival Radio-France Montpellier, au Festival « Chopin and his Europe » à Varsovie, aux Folles Journées de Nantes… Sa discographie en soliste comprend l’intégrale des Sonates de Mozart chez Ani- ma Records, deux albums Bach chez Artalinna, un album Wagner / Liszt chez Piano Classics, un double album « live » du Concours Chopin et l’intégrale de l’œuvre pour piano de Maurice Ravel chez Piano Classics, ainsi que les deux concertos du même compositeur avec l’Orchestre National de Lyon sous la direction de Leonard Slatkin pour Naxos. L’enregistrement de l’intégral des Nocturnes de Chopin lui a valu les éloges du public et de la critique. www.francoisdumont.com 5
Helen KEARNS soprano Helen Kearns, soprano irlandaise, mène aujourd’hui une carrière internationale qui la conduit à alterner, avec succès, la scène lyrique, les récitals et les concerts avec orchestre. Elle s’est produite avec London Chamber Orchestra, l’Orchestre de chambre de Wallonie, l’Orchestre National de Belgique, l’Orchestre National du Luxembourg, l’Orchestre Philharmonique de Marseille, l’Orchestre Symphonique de Bretagne, l’Orchestre Philharmonique de Cracovie, la Sinfonia Varsovia, le RTE National Sym- phony Orchestra de Dublin. On a pu l’entendre aussi à Paris, à Nohant, aux festivals de Menton, de Pornic ou des Musiques au pays de Pierre Loti ; à Budapest, Bergen, Pise, Sienne, Milan, Berlin, Cologne, Cracovie, au Japon comme au Brésil. Helen Kearns a fait ses études musicales à la Royal Irish Academy of Music de Dublin, dans sa ville natale. Elle a remporté tous les principaux concours d’Irlande, notamment sept Feis Ceoil, mais aussi le Premier Prix des Belfast Classical Bur- saries. A Vienne, elle gagne le Premier Prix du Concours International de Chant Klassik-Mania ainsi que le Prix spécial du jury du Concours de Marmande. Sa voix riche, puissante, aux couleurs infinies, d’une souplesse et d’une délica- tesse rares, lui permet d’aborder un répertoire particulièrement large, des cantates de J. S. Bach aux compositeurs contemporains. Helen Kearns forme, depuis 2002, avec François Dumont un duo particulièrement remarqué pour sa musicalité. 6
Olivia JACOBSON violon Violoniste genevoise d’origine polonaise, Olivia débute le violon à l’âge de quatre ans et étudie auprès de grands maîtres du violon tels que Tibor Varga, Raphael Oleg ou Francesco de Angelis. Elle bénéficie des précieux conseils de Latica Honda-Rosenberg, Mi-Kyung Lee, Valery Gradow et Igor Oïstrakh. Olivia s’est produite en tant que soliste en Suisse avec l’Orchestre de Chambre de Lausanne, l’Orchestre Romand des Jeunes Professionnels, et à l’étranger avec la Philharmonie de Chambre de Pologne Sopot, l’Orchestre Philharmonique de Szczecin, l’Orchestre Symphonique de Torun, la Philharmonie d’Opole, et l’Orchestre Virtuosi de Lvov en Ukraine sous la direction de chefs d’orchestre tels que Philippe Béran, Guillaume Berney, Tomasz Wojciechowski, Serhiy Burko, Jesùs Medina, Miroslaw Jacek Blaszczyk, Wojciech Rajski. Passionnée par la musique de chambre, elle se produit régulièrement en duo violon-piano et en différentes formations. En 2017, elle fonde l’ensemble Ephémère, ensemble de musique de chambre à géométrie variable avec lequel elle joue régulièrement sur les scènes suisses. En 2019, Olivia crée l’association musicale Les Archets du Léman qui débutera sa première saison musicale en 2021. Actuellement, Olivia enseigne le violon au Conservatoire de Musique de Terre- Sainte et Environs ainsi qu’à l’Ecole de Musique de Pully tout en poursuivant paral- lèlement sa carrière de concertiste. www.oliviajacobson.com 7
Elsa-Camille SAPIN violon Née à Paris, Elsa-Camille commence le violon à l’âge de 8 ans. En 2010 elle intègre la Haute école de Musique de Genève. Elle a travaillé avec des professeurs tel que Florin Szigeti, Patrick Genet, Klaidi Sahatci, Alexis Cardenas et Sarah Nemtanu. Elsa-Camille obtient en 2013 son Bachelor, en 2016 un Master Concert puis en 2018 un Master en Pédagogie Instrumentale dans la classe de Sasha Rozhdestvensky. Avec l’orchestre de la « HEM » elle a eu l’occasion de jouer sous la direction de grands chefs d’orchestre tel que : Jesus Lopez-Cobos, Michel Corboz, Nader Ab- bassi, Thierry Fischer et également de bénéficier de cours de quatuor avec Gabor Takacs-Nagy. Passionnée par l’orchestre elle participe à plusieurs Académies d’Orchestre de jeunes tel que l’académie « Musique en Ré » en France, « Animato Academy » en Autriche et également le « Davos Festival » en Suisse. En 2016 elle est sélectionnée pour jouer avec le Gustav Mahler Jugendorches- ter sous la direction notamment de Phillipe Jordan, David Afkham et Christoph Eschenbach. Elle participe la même année à la Mahler Academy sous la direction de Mathias Pintscher. L’année suivante elle devient membre de « l’United Strings Of Europe », « l’Or- chestre Romand des Jeunes Professionels » et de « l’European Philharmonic of Switzerland » sous la direction notamment de Gergely Madaras, Lorenzo Viotti, Charles Dutoit et John Axelrod. 8
Giuseppe RUSSO ROSSI alto A « His command of the viola is really exceptional and the warmth and engagement of his interpretation are absolutely captivating ... he is an accomplished, extremely talented, interesting musician » (Bruno Giuranna). « Giuseppe Russo Rossi è un musicista completo, possiede una musicalità pura, una technica brillantissima et inappuntabile ed un suono caldo potente ed affasci- nante » (Salvatore Accardo). A 17 ans, Giuseppe Russo Rossi obtient des diplômes de violon et d’alto avec les plus hautes notes, félicitations du jury et mention auprès du Conservatoire de Bari, de la Hochschule der Künste de Berne et de l’Académie Sainte-Cécile de Rome, où il reçoit également le Prix Sinopoli des mains du Président de la République Italienne Giorgio Napolitano. Il remporte de nombreux concours, notamment le Concours d’alto du Teatro alla Scala de Milan. Il a collaboré en tant que premier alto avec l’Orchestra da Camera Italiana de Salvatore Accardo et avec les Cameristi della Scala. Il a donné des réci- tals et concerts avec orchestre en Italie, Tchéquie, Irlande, au Japon, en Chine et aux Etats-Unis. Fréquemment il joue en concert de musique de chambre avec Salvatore Accar- do, Bruno Giuranna, Rocco Filippini, Franco Petracchi, Antonio Meneses, Simonide Braconi, Quartetto di Cremona. 9
Florestan DARBELLAY violoncelle Florestan Darbellay a commencé le violoncelle avec son grand-père, François Cour- voisier, avant de rejoindre la classe de Denis Guy au Conservatoire de Genève. En septembre 2004, il entre dans la classe de Marc Jaermann à la Haute Ecole de musique de Lausanne, où il obtient son diplôme d’enseignement avec les Félicita- tions du jury. Par la suite, il suit les cours de Roel Dieltiens à la Haute Ecole de Musique de Zurich et obtient son « Master in art of Music » en juin 2010. Depuis plusieurs années, il bénéficie des conseils de Nicolas Hartmann. Durant l’année 2015-2016, il suit la formation postgrade du Conservatoire du Liceu à Barcelone, dans la classe de Lluis Claret. Au cours de divers masterclasses, il travaille avec François Guye, Jeroen Reuling, Marcio Carneiro et Roel Dieltiens. Passionné par la musique de chambre, il a été membre durant plusieurs années du Quatuor Boreas et du trio Digit Ludi. En 2014, il est co-fondateur de l’ensemble Fecimeo. Depuis plusieurs années, il joue le répertoire baroque et classique sur instruments d’époque. Parallèlement à sa vie de musicien classique, Florestan s’intéresse aussi à la chanson française, collaborant notamment avec le chanteur romand Tomas Grand avec lequel il se produit dans divers saisons de concert ou festival : Voix de fête à Genève, les Anglofolies à Lausanne, les Francomanias à Bulle, etc. www.florestandarbellay.wixsite.com/florestandarbellay 10
Massimo PINCA contrebasse Homme et musicien curieux, le contrebassiste Massimo Pinca est actif sur la scène internationale depuis 1998, en traversant les répertoires de la musique ba- roque, classique, contemporaine, jazz, folk, rock. Sa multiforme activité l’a amené à se produire sur les scènes les plus disparates, allant des plus reculés bistrots des Pouilles, sa région d’origine, à des salles telles que la Philharmonie de Berlin, le Town Hall de New York ou le Dom Musiki de Moscou. Passionné par l’histoire de son instrument, il joue du violone en sol, en ré, du violone viennois, de la basse électrique, afin de s’adapter au mieux au contexte musical, tout en restant conscient des compromis auxquels la pratique moderne nous induit. Installé à Genève depuis 2009, aujourd’hui il enseigne la contrebasse au Conser- vatoire populaire de Genève et est membre du collectif de compositeurs/improvi- sateurs Fanfareduloup Orchestra. Il a été contrebasse solo du Geneva Camerata entre 2013 et 2017 et collabore régulièrement, entre autres, avec l’Orchestre de la Suisse Romande, l’ensemble Cristofori, l’ensemble baroque du Léman. Avec son propre Ensemble Tarka il a publié deux CD, Frères de Voyage (2015) et Owen’s Poems (2017). Son prochain album en solo Canoni & ricercari paraîtra en 2020 pour NBB records. 11
M oins célèbre que son compagnon en do mineur, le Nocturne en fa dièse mineur opus 48 N°2 n’enchante pas moins l’auditeur par sa flui- dité incomparable, obtenue par « l’insensible, l’imperceptible glissement d’une proposition mélodique à une autre », comme le notait avec admira- tion l’écrivain André Gide. Notée Andante, la première partie baigne dans un climat de douce mélancolie. Une simple juxtaposition entre noires et croches à la main droite et triolets de croches à la gauche donne l’illusion d’une mélodie qui s’étire à l’infini, comme libérée du temps. Contraste to- tal avec la section centrale (Più lento), qui rumine la même formule à trois temps avec obstination. La « mélodie infinie » du début revient, toujours aussi insaisissable, avant une coda pimentée de chromatisme, qui se dis- sout dans la tonalité lumineuse de fa dièse majeur. Si le Nocturne opus 48 N°2 semble abolir les repères temporels, la Polo- naise en fa dièse mineur opus 44 reste solidement ancrée au sol. Achevée en 1841 à Nohant, à une époque de grande tension avec George Sand, la partition est une « sorte de fantaisie en forme de Polonaise, mais Polonaise quand même », écrit Chopin à l’un de ses éditeurs. Elle s’élance à grands renforts de doubles octaves, de batteries d’accords et de trilles menaçants, qui introduisent un thème principal volontaire, d’allure martiale. Avec ses étranges gruppettos de triples croches sans cesse répé- tés, qui évoquent les envolées excentriques d’un Charles-Valentin Alkan, la partie centrale semble faire du sur place, comme un régiment de cavalerie attendant de charger. Un épisode plus calme aux allures de Mazurka offre une pause méditative. Deux traits fulgurants en doubles croches traver- sant tout le clavier annoncent le retour du thème initial, dans un traitement sonore encore plus grandiose, prolongé par une coda où le motif principal s’éloigne lentement dans le registre grave. Réunis après sa mort sous le numéro d’opus 74, les 17 Chants Polonais de Chopin ont été composés sur près de vingt ans, entre 1829 et 1847. Chopin, coupé de son pays natal, seul à Vienne et fortement ému par l’In- surrection de Varsovie, compose le chant « Smutna rzeka » Le Fleuve triste (1830) sur le poème de Stefan Witwicki, poète polonais. C’est un récit fu- nèbre d’une mère qui a enterré ces sept filles. Proche du bel canto, « Moja pieszczotka » Ma douce chérie (1841) poème de Adam Mickiewicz, donne à entendre un Chopin plus charnel, le piano colorant par petites touches subtiles les tournures mélodiques enjôleuses du chant. Enfin, dans « Piosnka litewska » Chanson lithuanienne (1830-31) basé sur 12
le folklore lithuanien, Chopin met en scène un dialogue entre une mère et sa fille avec un curieux mélange de gravité (la mère) et de tendre ironie (la fille). L’extrême soin apporté à la composition de cette chanson lithua- nienne, avec notamment sa palette si riche de tounures expressives, laisse à penser que son compositeur aurait pu devenir un maître du genre s’il avait poursuivi dans cette voie. La Barcarolle opus 60 (1845-46) s’écoule comme un songe mystérieux et chatoyant. Loin de tout pittoresque d’opéra, loin des charmantes pièces de caractère romantiques (Chanson de gondolier vénitien extraite des Romances sans paroles de Mendelssohn, par exemple), les flots de Chopin appartiennent au domaine de l’imagination pure. Ses figures ondoyantes de tierces et de sixtes, aux éclats de plus en plus dramatiques jusqu’à l’apothéose, évoquent les jeux d’ombre et de lumière, les miroitements de l’impressionnisme à venir, et laissent l’auditeur flotter sur les rivages impalpables du rêve. Les tardives (1846) Mazurkas opus 63 appartiennent à la veine d’inspira- tion la plus personnelle de Chopin, compositeur éternellement nostalgique de sa chère Pologne. Si la première possède le charme rustique d’une danse paysanne aux rythmes puissamment scandés, les deux suivantes débordent de mélancolie languide et de tristesse résignée, réminiscences fuyantes d’un temps qui n’est plus. « Je me souviens à peine de la façon dont on chante dans mon pays natal », regrettait Chopin peu avant sa mort. Enfin, la Grande Fantaisie sur des airs polonais opus 13 reprend la forme typique des « pots-pourris » si populaires au début du XIXe siècle, mais avec une inventivité et un raffinement d’écriture qui n’appartiennent qu’à Chopin. Jouée ici avec un quintette à cordes en lieu et place de l’orchestre, comme lors de sa première exécution par le compositeur et ses amis, en mars 1830 dans le salon familial des Chopin à Varsovie, la Grande Fantaisie s’ouvre sur une Introduction expressive aux allures de Nocturne frémissant. Basé sur la chanson polonaise La Lune est déjà descendue, le premier des trois « airs » prolonge cette atmosphère de douceur soyeuse au gré d’arabesques mystérieuses et délicates. Le deuxième « air », une fou- gueuse Krakowiak attribuée au compositeur Karol Kurpinski, est l’occasion d’une spectaculaire péroraison dans le style brillant en vogue à l’époque. Une superbe transition amène à la Kujawiak finale, danse vigoureuse et sautillante comme il se doit. Entre traits perlés, arpèges fulgurants et sauts périlleux, elle offre au pianiste l’occasion d’affirmer sa virtuosité avec un panache irrésistible. ■ 13
Portrait de Chopin par Maria Wodzinska – Août 1936
Masterclass CHOPIN MASTERCLASS Dirigée par FRANÇOIS DUMONT piano * Lundi 5 octobre 2020 14h –18h Suivi à 18h30 par la projection du film « Le Cœur de Chopin » * Mardi 6 octobre 2020 14h –18h * Mercredi 7 octobre 2020 10h –13h * Mercredi 7 octobre 2020 à 19h CONCERT des PARTICIPANTS *** Institut Jaques-Dalcroze Salle de récital Genève, rue de la Terrassière 44 ENTREE LIBRE 15
Récital de Piano Mardi 6 octobre à 20h Mairie de Collonge-Bellerive Salle Willy Buard JANSEN RYSER PROGRAMME FRYDERYK CHOPIN (1810 – 1849) Etude en do dièse mineur op. 25 N°7 Scherzo en do dièse mineur op. 39 Nocturne en Si majeur op. 9 N°3 Polonaise en do dièse mineur op. 26 N°1 Vingt-quatre Préludes op. 28 Do majeur-la mineur, Sol majeur-mi mineur, Ré majeur-si mineur, La majeur-fa dièse mineur, Mi-majeur-do dièse mineur, Si majeur-sol dièse mineur, Fa dièse majeur-mi bémol mineur, Ré bémol majeur-si bémol mineur, La bémol majeur-fa mineur, Mi bémol majeur-do mineur, Si bémol majeur-sol mineur, Fa majeur-ré mineur 16
Jansen RYSER pianiste Lauréat du Kiefer Hablitzel Göhner Music Prize 2019, Jansen Ryser s’est produit à travers l’Europe ainsi qu’aux Etats-Unis. Loué pour sa musicalité, son jeu a été décrit comme «combinant un pianisme naturel, une sensibilité musicale et une éloquence poétique». Invité par de nombreux festivals, il s’est produit en soliste et en musique de chambre au Verbier Festival, Gstaad Menuhin Festival, Lavaux Classic Festival, Plovdiv International Chamber Music Festival, Les Jardins Musi- caux de Cernier, Vienna Young Pianist, Art et Musique de Sierre, Opera Festival de Montperreux. Dès son plus jeune âge, Jansen Ryser obtient de nombreux prix nationaux et in- ternationaux aussi bien en solo qu’en musique de chambre : 1er Prix au Concours suisse des jeunesses musicales, deux 1ers Prix au concours organisé par le Conser- vatoire de Genève, le Prix Heinrich Gattermeyer à Vienne. Il est également le réci- piendaire de la Bourse Culturelle de la Fondation Leenaards 2017. Né en 1994 à Lausanne, Jansen Ryser débute le piano à l’âge de 5 ans. Diplômé de la Haute Ecole de Musique de Genève ainsi que de la Juilliard School de New York grâce à la générosité de la Theodora J. Nicolas Piano Scholarship, il a suivi l’enseignement de Matti Raekallio, Sylviane Deferne et Adrian Kreda. Il reçoit le Prix Filipinetti 2017 récompensant le meilleur master soliste. Il s’est perfectionné auprès de grands maîtres tels que Paul Badura-Skoda, Ferenc Rados, Eberhard Feltz, Andreas Staier, Franz Helmerson, Nelson Goerner, Bjoern Lehmann, Jeffrey Swann, Krzysztof Jablonski, Jean-Marc Luisada. Actuellement, il poursuit ses études à la Hochschule für Musik und Tanz de Co- logne dans la classe de Claudio Martinez-Mehner et Nina Tichman. 17
C omposée vers 1835, l’Etude Op. 25 N°7 illustre à merveille ses ambitions de compositeur et ses exigences d’enseignant. Rien de mécanique bien sûr dans l’écriture pianistique, mais un désir de transcender les limites de l’instrument, de créer une métaphysique du son, pour ainsi dire. L’Etude en do dièse mineur prend des allures de grand Nocturne triste, de « rêve sombre et mystérieux », selon l’ex- pression du compositeur Stephen Heller, contemporain de Chopin, qui ne se las- sait pas de la jouer. Sa mélodie, introduite par un récitatif à la main gauche, évoque irrésistiblement le timbre d’un violoncelle, auquel répond un écho plaintif dans l’ai- gu, expression d’un désespoir poignant. Le Scherzo en do dièse mineur op. 39 (1839) joue sur les contrastes extrêmes, entre élans passionnés et pauses méditatives au caractère quasi religieux. Le plus bref des quatre Scherzos de Chopin, il s’ouvre sur un motif hésitant et presque menaçant dans le grave, qui cède la place à un vigoureux martèlement d’octaves. Le tempo ralentit, et voici que descend du ciel un chant intense, hymne ou choral, auréolé à chacun de ses versets par une pluie d’accords brisés joués leggierissimo dans l’aigu – effet magique s’il en est. Le choral progresse avec une majesté et une tristesse grandissante, en alternance avec les octaves martelées du début. De vibrants arpèges et une fougueuse transition amènent à la dramatique coda. Le Nocturne opus 9 No. 3 emmène plutôt l’auditeur au bal, avec un premier thème aux allures de valse tendrement mélancolique. La partie centrale apporte un violent contraste, comme si un brusque orage venait soudain séparer les couples tour- noyants, avant de disparaître aussi vite qu’il était arrivé, presque sans transition. La reprise du premier thème se voit écourtée mais enrichie d’une petite cadence ornementale dans l’aigu, comme une ultime révérence avant la fin du bal. A partir du diptyque de l’opus 26, la forme de la Polonaise n’est plus une simple danse de salon qui teste avec élégance et un clin d’œil au folklore la souplesse de cheville de l’aristocratie : transfigurée par le génie de Chopin, la Polonaise devient poème héroïque, fresque grandiose, chant épique. Dès son introduction, avec ses quatre mesures en octaves fortissimo, l’opus 26 N°1 descend dans le champ de bataille. Si le sinueux premier thème hésite entre ardeur juvénile et douceur mé- lancolique, un motif secondaire au rythme syncopé et aux fulgurants arpèges as- cendants semble évoquer le sifflement de la mitraille. La section centrale, basée sur le premier thème, se pare de couleurs élégiaques. Le retour des octaves de l’introduction annonce la reprise de la première partie, l’œuvre s’achevant dans un apaisement énigmatique. Composés entre 1838 et 1839, en grande partie lors du désastreux séjour de Chopin et George Sand à Majorque, les 24 Préludes opus 28 rendent hommage au Clavier bien tempéré de Bach, dont Chopin avait emporté les deux livres dans ses bagages. Comme son modèle, le recueil du compositeur polonais explore toutes les tonalités, alternant modes majeur et mineur, mais en suivant le cycle des quintes (Do majeur, puis la mineur, suivi de Sol majeur, mi mineur, etc.), alors que chez Bach la succession est chromatique. Autant ce dernier attribuait un carac- tère particulier à chaque tonalité, autant Chopin trouve un geste expressif unique pour chacun des 24 Préludes, créant un extraordinaire kaléidoscope de couleurs, de rythmes et de textures. 18
Un flot d’arpèges aux décalages subtils confère au 1er Prélude une texture riche et complexe, à l’instar d’une vague qui s’élève et retombe. Le 2e Prélude pose un décor d’une tristesse désolée, renforcé par des harmonies aux dissonances dou- loureuses. Le 3e Prélude s’élance joyeusement, soutenu par les arpèges vivaces et fluides de la main gauche. Le célèbre 4e Prélude, en mi mineur, donne à entendre une plainte désolée sur deux notes, à l’intensité tragique. Le 5 e Prélude retrouve une sonorité lumineuse, alors que le 6 e entonne un chant pensif à la main gauche. Mazurka miniature, le 7e brille par sa simplicité enrobée de mélancolie. Pour l’extraordinaire 8 e Prélude, Chopin invente une écriture dramatique et foisonnante, qui nimbe le thème conquérant dans un halo d’arpèges chaotiques. Le Mi ma- jeur du 9 e Prélude prend un caractère de procession grandiose grâce à une mélo- die puissamment sculptée, aux harmonies riches et sonores. Nouvelles audaces d’écriture dans le 10 e Prélude : des cascades de notes rapides se précipitent de l’aigu vers le grave, comme une interrogation à l’inquiétude croissante. Le 11e Pré- lude déroule des trésors d’élégance avec un charme irrésistible, alors que le 12 e libère une énergie opiniâtre, presque héroïque. Retour au calme contemplatif avec le 13 e Prélude, aux lignes mélodiques sen- suelles et miroitantes. Une sérénité vite brisée par le 14e Prélude et sa violente tempête dans le registre grave. Le 15e Prélude, surnommé Goutte d’eau à une époque où l’on aimait attribuer un programme à la musique, assombrit encore l’atmosphère : après une première section à la tristesse résignée, un motif en notes répétées dans le registre grave crée un climat de plus en plus fantoma- tique et angoissant. Aucune consolation avec le 16e Prélude, dont les tourbillons de doubles croches de la main droite et les sauts haletants de la main gauche évoquent une course vers l’abîme. L’élégant 17e Prélude ramène un semblant de calme, vite brisé par les ruptures brutales, les accords grinçants et les soubresauts diaboliques du 18 e. Le lyrisme est de retour avec le pépiement dans l’aigu du 19 e Prélude. Le 20 e Prélude, en do mineur, inspire à Chopin une marche funèbre sobre et poi- gnante, qui servira plus tard de thème à Busoni et à Rachmaninov pour des cycles de variations. Il est suivi (21e Prélude) d’un superbe chant sans paroles aux sono- rités raffinées. Sorte d’étude pour les octaves de la main gauche, le 22e Prélude déploie une violence qui prend à la gorge. Par contraste, le 23 e Prélude, dans la lumineuse tonalité de Fa majeur, ressemble à un fragile îlot de paix entre deux gouffres. Car le dernier prélude conclut le cycle dans un climat d’apocalypse : sa sombre mélodie chante avec véhémence, bravant les vagues fiévreuses de la main gauche et les traits aveuglants de la main droite. Gammes, arpèges, tierces chro- matiques zèbrent en effet tout le clavier, de l’aigu au grave, comme les éclairs du Jugement Dernier. La conclusion s’abat brutalement : le ré le plus grave du piano résonne trois fois, comme trois coups de canon ou trois coups de feu mortels qui achèvent Varsovie ! Dans ce saisissant poème, Chopin le patriote se souvient sans doute du sort tra- gique de Varsovie, dont le soulèvement contre le tsar avait été brutalement écrasé par l’armée russe en 1831. Rarement la musique aura-t-elle atteint pareil sentiment de révolte. ■ 19
Récital de Piano Vendredi 9 octobre à 20h Salle des Nations – Hôtel des Bergues ALBERTO NOSÈ PROGRAMME FRYDERYK CHOPIN (1810 – 1849) Polonaise en do dièse mineur op. 26 N°1 Barcarolle e Fa dièse majeur op. 60 Trois Mazurkas op. 56 En Si majeur – en Do majeur – en do mineur Ballade en sol mineur op. 23 Nocturne en Mi bémol majeur op. 55 N°2 Valse en La bémol majeur op. 69 N°1 Nocturne en do mineur op. 48 N°1 Valse en Ré bémol majeur op. 70 N°3 Scherzo en si bémol mineur op. 31 20
Alberto NOSÉ piano Né en 1979 à Villafranca di Verona, diplômé à l’âge de 17 ans au Conservatoire de Musique de Vérone, Alberto Nosè suit les cours de perfectionnement de Franco Scala, Boris Petrushansky, Antonio Ballista et Leonid Margarius à l’Académie Inter- nationale de Piano d’Imola. Il a participé aux masterclasses de Paul Badura-Skoda, Murray Perahia, Fou Ts’ong et d’autres. Lauréat du concours «Jeunesse pour Mozart» à Salzbourg en 1991, du Concours International Chopin de Varsovie en 2000, il obtient encore de très nombreux pre- miers prix (Prix Venise 1998, Prix Vendôme, Paris 2000, World Piano Competition, Londres 2002, International Maj Lind Piano Competition, Helsinki 2002). Alberto Nosè se produit avec orchestre et en récital dans la plupart des pays d’Eu- rope, aux Etats-Unis, au Brésil et au Japon. Il a enregistré plusieurs CD et DVD pour TAU Records, Domovideo ou encore Naxos. 21
T out en conservant l’élégance d’écriture des Polonaises de jeunesse, celle en do dièse mineur opus 26 N°1, exprime une gamme d’émotions bien plus vaste. Dès l’introduction, avec ses quatre mesures assénées fortissimo, le ton se veut dramatique, voire révolté. Si le premier thème regorge de fierté juvénile, un mo- tif secondaire au rythme syncopé et aux fulgurants arpèges ascendants introduit un ton d’inquiétude nerveuse. La section centrale, basée en partie sur le premier thème, baigne au contraire dans un lyrisme intense. Le retour des octaves dra- matiques annonce la reprise de la première partie, qui s’achève dans une douceur énigmatique. La Barcarolle op. 60 (1845-46) s’écoule comme un songe, dans une fluidité incom- parable. Loin de tout pittoresque, les flots de Chopin appartiennent au domaine de l’imagination pure. Ses figures chatoyantes de tierces et de sixtes, à l’ondoiement de plus en plus dramatique, évoquent les jeux d’ombre et de lumière, les miroi- tements de l’impressionnisme à venir, et laissent l’auditeur flotter sur les rivages impalpables du rêve. S’il y a une forme qui traduit plus que toute autre l’attachement de Chopin à sa Pologne natale, c’est bien la Mazurka. Les trois exemples de l’opus 56 (1843) comptent parmi les plus fascinantes compositions dans ce genre si particulier. La première s’ouvre sur un dialogue d’abord hésitant, qui gagne peu à peu en vi- gueur, et s’achève dans une atmosphère de légende. La deuxième séduit par son caractère rustique et gaillard, souligné par des quintes à vide, avant un épisode en canon aux surprenantes dissonances. La dernière, la plus développée, confine au tragique, puis s’adoucit, avant de d’évader sur des chemins mélodiques et harmo- niques audacieux, jusqu’à une coda richement développée. La Ballade en sol mineur appartient à la période surnommée par le musicologue Mieczyslaw Tomaszewski le « Sturm und Drang » de Chopin : « un monde dominé par l’extraordinaire, l’inexplicable, le mystérieux, le fantastique et l’irrationnel ». A l’instar du dramatique 1er Scherzo, la 1re Ballade introduit une forme d’hyper-ex- pressivité dans la musique du compositeur polonais, jusque-là encore largement tributaire du classicisme viennois. Les contrastes de textures, de dynamique, de tempo, deviennent extrêmes et complètement imprévisibles. Dès l’introduction, lente et indécise, répétitive et hypnotique, la Ballade en sol mineur fait exploser toutes les conventions formelles. La musique s’emporte soudain, chante avec un lyrisme désabusé, repart de plus belle, capricieuse comme une valse, s’interrompt aux retours sans cesse transfigurés du thème initial. L’oeuvre trouve son apogée dans une péroraison épique, ponctuée par une avalanche d’octaves flamboyantes. Le Nocturne opus 55 N°2 fait partie de ces compositions de Chopin fluides et insai- sissables, où les mélodies s’écoulent avec un naturel confondant, comme si elles ne devaient jamais s’arrêter, et qui inspirèrent à Wagner le concept de unendliche Melodie, la « mélodie infinie ». Spontané comme une improvisation, le Nocturne en Mi bémol majeur s’étire et gonfle comme un nuage bercé par les vents, dans un mi- roitement magique et scintillant, un long souffle généré à la fois par la mesure à 12/8 et l’accompagnement riche et détaillé. L’effet de continuité est tel, que l’on perçoit à peine les deux parties de l’œuvre, la seconde étant le miroir varié de la première. 22
Les deux Valses opus 69 ont acquis une notoriété démesurée grâce à la première, connue sous le titre apocryphe de L’adieu. Chopin la copia en 1835 dans l’album de Maria Wodzinska, une jeune Polonaise qu’il avait rencontrée à Dresde, et qui était alors sa fiancée secrète… Le compositeur s’apprêtait à quitter Dresde et Ma- ria ajouta de sa main le titre qui rendit la valse célèbre. Son expression fragile et gracieuse, égrenée au fil de trois thèmes délicats, évoque à merveille le souvenir d’un amour perdu. Composée six ans plus tôt, la Valse en ré bémol majeur opus 70 N°3, contient-elle aussi un message secret. Dans une lettre du 3 octobre 1829 à son ami Tytus Woy- ciechowski, Chopin note que la « petite valse que je t’ai envoyée », lui a été inspirée par son « idéal », Konstancja Gładkowska, jeune cantatrice, l’élève du Conserva- toire de Varsovie… Encadré par un thème de valse à la grâce discrète, la partie centrale (Trio) fait entendre à la main gauche une mélodie élégante, qui chante à la manière d’un violoncelle : tel est le portrait fugace de la jeune et jolie Konstancja, noté d’une croix dans le manuscrit. Avec sa tristesse désolée et ses emportements tragiques, le Nocturne en do mineur opus 48 No. 1, dissimule peut-être, lui aussi, un message secret. Il s’ouvre sur un chant désolé, une plainte douloureuse, marche funèbre qui ne dit pas son nom. Lui succède une partie centrale en Do majeur au caractère de choral. La tension s’accumule peu à peu et des batteries d’octaves chromatiques en triolets finissent par « dévorer » le choral sous la violence de leurs assauts. Après ce déluge d’octaves, le thème initial fait un retour soudain et inattendu dans un tempo dou- blé (doppio movimento), revêtant cette fois un caractère d’agitation désespérée, voire angoissée. En guise d’apaisement final, trois accords prolongés, lugubres et poignants. Achevé en 1837, le Scherzo Op. 31 offre un paysage tout aussi contrasté. Un étrange motif, sorte de sautillement de feu follet écartelé entre silences béants et batteries d’accords dans l’aigu, bondit d’un registre à l’autre du clavier avec une surprenante énergie. Après cette entrée en matière théâtrale, un thème chantant, noté Con anima, introduit un épisode à l’expression élégante. La partie centrale semble hésiter entre une mazurka mélancolique et une valse tournoyante. Le mo- tif de mazurka triomphe dans un élan dramatique saisissant. Le retour du sautil- lant motif initial annonce une récapitulation toujours furieusement énergique mais condensée, suivie d’une brillante coda. ■ 23
Concert de Clôture Dimanche 11 octobre à 17h STUDIO ERNEST-ANSERMET CHRISTIAN CHAMOREL piano OLIVIA JACOBSON violon ESTELLE REVAZ violoncelle PROGRAMME FRYDERYK CHOPIN (1810 – 1849) Deux Nocturnes op. 55 En fa mineur - en Mi bémol majeur Nocturne en do mineur op. 48 N°1 Sonate op. 65 pour piano et violoncelle Allegro moderato Scherzo Largo Finale Trio en sol mineur op. 8 pour violon, violoncelle et piano Allegro con fuoco Scherzo. Vivace Adagio sostenuto Finale. Allegretto 24
Christian CHAMOREL piano Musicien « vif et éloquent » (Diapason), « parfait styliste » au jeu « jubilatoire et orchestral » (Classica), Christian Chamorel est l’un des rares pianistes suisses romands dont le rayonnement dépasse les frontières du pays. Son engagement pour le lied et la musique de chambre en fait un partenaire artistique très recherché, avec en prime un sens aigu du partage et de la communication salué par tous les publics. Invité de festivals prestigieux (Menuhin Festival, Sommets Musicaux de Gstaad en Suisse, Festspiele Mecklenburg-Vorpommern, Klavierfestival Ruhr, Schloss Elmau en Allemagne, Musicales du Golfe, Lisztomanias, Festival de Musique de Menton en France, Istituzione Universitaria dei Concerti à Rome), il se produit également aux Etats-Unis, au Canada, au NCPA de Pékin, aux Musashino Hall et Kioi Hall de Tokyo, au Konzerthaus de Berlin, au Prinzregententheater de Munich, à la Tonhalle de Zurich, au Wigmore Hall de Londres et au Victoria Hall de Genève. Lauréat de plusieurs concours internationaux (Gian Battista Viotti à Vercelli, Beethoven de Vienne, Société des Arts de Genève), il joue avec des phalanges telles que l’Orchestre de Chambre Fribourgeois, l’Orchestre Symphonique de Berne, les Menuhin Academy Soloists ou les Frankfurter Solisten. Ses enregistrements dédiés à Liszt, Mendelssohn, Franck ou récemment Mozart ont été salués par la presse internationale, avec notamment deux nominations comme meilleur CD de l’année aux « International Classical Music Awards ». 25
Estelle REVAZ violoncelle Après avoir débuté le violoncelle au Conservatoire de Sion, Estelle Revaz poursuit ses études au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris dans la classe de Jérôme Pernoo et continue à la Musikhochschule de Cologne où elle obtient dans la classe de Maria Kliegel un Master de soliste et un Master en musique contemporaine avec les plus hautes distinctions. Comme soliste, elle s’est produite avec la Camerata Armin Jordan, l’Orchestre Musique des Lumières, l’Orchestre des Pays de Savoie, l’Orchestre Romand des Jeunes Professionnels, la Sinfonietta Genève ou encore l’Orchestre national du Paraguay. Elle a participé au Gstaad Menuhin Festival, à la Schubertiade d’Espace 2, aux Sommets du Classique, Luna Classics, Cully Classique, Sion Festival, Festival Pa- blo Casals, Festival International de Colmar, aux Variations musicales de Tannay et au Festival Internazionale dei Duchi d’Acquaviva en Italie. On la retrouve avec des partenaires musicaux tels que Gautier Capuçon, Renaud Capuçon, Pavel Vernikov, Sergey Ostrovsky, Alessio Nebiolo, Finghin Collins, Fran- çois Dumont, Christian Chamorel et le quatuor Sine Nomine. Depuis trois ans, elle est « Artiste en résidence » à l’Orchestre de Chambre de Genève. Le disque Cantique (NEOS 2015), dans lequel elle interprète le concerto Shlomo d’Ernest Bloch et du concerto Pitture écrit pour elle par Andreas Pflüger, ainsi que son dernier disque Bach & Friends pour violoncelle solo (Solo Musica/Sony 2017) ont été accueillis avec enthousiasme par la presse internationale. www.estellerevaz.com 26
Olivia JACOBSON Biographie page 7 27
L e Nocturne en fa mineur op. 55 N°1, exprime sa mélancolie au fil d’un thème simple mais obstiné, à la tristesse désolée, sans cesse répété et varié. Il pourrait promener son humeur chagrine encore longtemps, s’il n’était soudain interrompu par un récitatif fiévreux, presque brutal. La mu- sique s’emporte avec douleur, avant de retomber dans sa complainte ini- tiale. Mais voilà qu’une série d’arpèges parsemés de chromatisme laissent filtrer la lumière dans la tonalité de Fa majeur. Avec son raffinement inouï, ses couleurs prismatiques et sensuelles, le Nocturne op. 55 N°2 crée un sentiment de fascination quasi-hypnotique. Les arpèges sinueux de la main gauche, les ornements sans cesse variés, la mélodie d’une fluidité incomparable forment une étonnante polyphonie à trois voix, à la fois insaisissable et travaillée dans le moindre détail. L’un des seuls Nocturnes à ne pas avoir de section centrale contrastante, il baigne l’auditeur dans une atmosphère onirique et merveilleuse. « Parmi tous les nocturnes de Chopin, celui en do mineur op. 48 N° 1 est peut-être l’un des plus beaux et, sans contredit, l’un des plus puissants », estimait le pianiste polonais Raoul Koczalski (1885-1948), l’un des inter- prètes « historiques » de Chopin. Il s’ouvre sur une mélodie grave, dépouil- lée, tragique, comme un vestige de marche funèbre. Celle-ci cède la place à un majestueux choral qui s’amplifie peu à peu, accumulant lentement la tension jusqu’à exploser en une formidable cascade d’octaves. Le motif ini- tial revient soudain, sa désolation tragique complètement transfigurée par un élan passionné qui est l’une des plus géniales inspirations de Chopin. Achevée en 1847, la Sonate pour violoncelle et piano op. 65 a longtemps été incomprise. Destinée au violoncelliste virtuose Auguste Franchomme, fidèle ami de Chopin depuis 1832, elle se découpe de manière classique en quatre mouvements. Le ton y est à l’introspection, comme si Chopin cher- chait au plus profond de lui-même le chemin vers des horizons nouveaux. Lors de la création à Paris en février 1848, Franchomme et Chopin ne jouèrent pas l’Allegro moderato initial, craignant peut-être une réaction né- gative des auditeurs face à son caractère grave, sa richesse thématique et son intensité prenante. Le Scherzo déploie des accents fiers et ténébreux, presque « brahmsiens » avant la lettre, tandis que son sinueux trio central pourrait être signé Dvo- rak ! 28
Avec sa mélodie simple mais incroyablement envoûtante, le Largo crée un moment de pure contemplation au-delà du temps et de l’espace. L’Allegro final conjugue à nouveau fougue et emportements, développe- ment complexe et textures claires-obscures aux merveilleux reflets soyeux. Contrairement à ses contemporains Mendelssohn et Schumann, Chopin ne s’est que trop rarement intéressé à la musique de chambre. Outre la crépusculaire Sonate pour violoncelle et piano opus 65, sa seule œuvre majeure dans ce domaine reste le juvénile Trio opus 8. Publié en 1833, il est le fruit de plusieurs années d’effort, témoignage d’un compositeur en plein développement artistique. L’atmosphère du premier mouvement, Allegro con fuoco, se rapproche du lyrisme ardent des Concertos pour piano et orchestre opus 11 et 21. Si le piano domine le discours avec ses sonorités naturellement opulentes, le violon et le violoncelle ne restent pas dans son ombre et rajoutent une teinte mélancolique aux élans soutenus du clavier. D’une élégance toute classique, le solide Scherzo reste d’humeur plutôt sage, même si quelques traits chromatiques viennent pimenter son dérou- lement. L’Adagio sostenuto déploie quant à lui l’une de ces larges cantilènes au ly- risme ravageur, dont Chopin avait seul le secret. Exposée par le piano, elle est reprise avec une expression croissante par le violon, puis le violoncelle, qui la peignent de couleurs sans cesse changeantes. L’Allegretto final évoque avec grâce un rythme de krakowiak, une dans polo- naise de la région de Cracovie. Son déroulement fluide est dynamité en bout de course par une brillante accélération, qui amène une digne conclusion à cette partition pleine de charme. ■ © Luca Sabbatini, Août 2020 29
La courte vie de Chopin L a personnalité de Fryderyk Chopin s’est forgée dans le contexte historique de la lutte de la Pologne pour sa survie nationale au début du XIXe siècle. Sa musique n’est pas une abstraction détachée de la réalité tragique ou heureuse de la vie du compositeur. La musique de Fryderyk Chopin est évidement inséparable de sa per- sonnalité et fortement influencée par son vécu. La courte vie de Fryderyk Chopin (1810-1849) se situe dans une période politique- ment mouvementée en Europe. La Pologne, depuis 1772 est progressivement dé- vorée par la féroce volonté de ses voisins russes, prussiens et autrichiens, pour être définitivement rayée de la carte de l’Europe de 1795 à 1918, c’est-à-dire jusqu’à la fin de la Première Guerre Mondiale ! Géographiquement, la Pologne cesse d’exister ! Mais la nation polonaise résiste tant bien que mal à la russification, la germani- sation et aux repressions. La langue, la religion, la culture et la musique sont ses références sans failles. Varsovie, sans avoir la taille de Paris ou de Vienne, est pourtant le centre principal culturel. Fryderyk Chopin puise le meilleur de son inspiration dans le folklore de son pays et garde cette signature jusqu’à la fin de ses jours. A Varsovie, il suit des cours à l’Université. Il travaille la composition avec Józef Elsner au Conservatoire de musique et découvre un grand nombre d’artistes et de savants qui fréquentent la maison parentale. Les discussions littéraires et patriotiques se poursuivent chaque jeudi soir. Des poètes, des musiciens, des amis sont là : Mau- rycy Mochnacki, Ignacy Dobrzyński, Stefan Witwicki, Bohdan Zalewski, Stanisław Koźmian et d’autres. Le sentiment d’une haine acharnée contre le régime tsariste ne le quittera jamais. Au moment du déclenchement de l’Insurrection contre les russes de novembre 1830, Chopin se trouve à Vienne. Il est profondément bouleversé. Son premier ré- flexe est de rentrer immédiatement au pays. Mais après une longue discussion noc- turne avec Tytus Woyciechowski, ils décident que Tytus rentrera seul et Fryderyk restera à Vienne. En Pologne, on attend de lui autre chose que de le voir rejoindre les rangs des insurgés. Resté à Vienne, il passe son premier Noël en solitaire et se plaint plus que jamais d’être orphelin. C’est au moment de ce premier Noël passé loin de chez lui, en dé- cembre 1830, que naquit l’idée du son célèbre Scherzo en si mineur sur la mélodie d’un cantique de noël polonais Lulajże, Jezuniu. 30
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