Chris Sharp Théo-Mario Coppola Katia Kameli Christophe Bruno Taysir Batniji

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Chris Sharp Théo-Mario Coppola Katia Kameli Christophe Bruno Taysir Batniji
Été / Summer 2021

Chris Sharp Katia Kameli Florence Jung
Théo-Mario Coppola Christophe Bruno Camille Picquot
 Taysir Batniji

 02 Revue d’art contemporain gratuite / 02 Free Contemporary Art Review
Chris Sharp Théo-Mario Coppola Katia Kameli Christophe Bruno Taysir Batniji
Tarik Kiswanson Mirrorbody Carré d’Art,
 Nîmes
 VINCENT
 GEYSKENS
 28.05.21
 05.09.21

 Nest, 2020. Courtesy de l’artiste. Photo Vinciane Lebrun. © Tarik Kiswanson

Dates & Infos :
www.carreartmusee.com more info

 GRAND ARLES
 EXPRESS
 LES RENCONTRES
 2021
 DE LA PHOTOGRAPHIE

 © Vincent Geyskens, ‘i conformisti’, 2020,
 oil on canvas, 60 x 80 cm. Photo: Lieven Herreman M-LIFE
Chris Sharp Théo-Mario Coppola Katia Kameli Christophe Bruno Taysir Batniji
HASSAN SHARIF Circumnavigation
 I AM THE SINGLE WORK ARTIST jusqu’à épuisement
 JUSQU’AU 26 SEPT. 2021 Clarissa Tossin
Hassan Sharif, Jumping No.2, 1983, photographie
sur carton, 98 × 73,2 cm, documentation de la
performance à Dubaï, collection Guggenheim
Abu Dhabi. Photo : Guggenheim Abu Dhabi.
 01.07 —
 31.10.2021

 Becoming Mineral, 2021 ; 18 cm x 10 cm x 5 cm ; Terre cuite © Photo: Brica Wilcox — Courtesy de l’artiste
 kunsthallemulhouse.com
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Prix des
 Arts Visuels
 Une exposition proposée par Julien Arnaud
 Du 03/07 au 12/09/2021

 VISUEL : BERNHARD RÜDIGER, LA MAISON DE L’HUMANISTE (DÉTAIL), 2016 / PHOTO : ALBERTO RICCI / COURTESY DE L’ARTISTE © ADAGP, PARIS, 2021
 26 JUIN
29 AOÛT 2021
 FRANCESCO FONASSI
 MICHALA JULINYOVA
 BERNHARD RÜDIGER
 FLORENCE SCHMITT Anthony Bodin
 LEANDER SCHÖNWEGER
 Ariane Yadan
 Benoit Baudinat
 L’ATELIER
 1, rue Chateaubriand 44000 Nantes
 Cendrine Robelin
 Tous les jours de 10h à 19h
 Entrée libre
 Julie Maquet
Chris Sharp Théo-Mario Coppola Katia Kameli Christophe Bruno Taysir Batniji
Un été au
 Frac Bretagne
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Onanism Sorcery
Laura Gozlan
Exposition / Exhibition 29.05 – 28.08.2021

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Commissariat et production / Curated and produced by 40mcube

Du mercredi au samedi, 14h - 19h
 Pra uve
 Art N Bretagne
 Zone

 or
From Wednesday to Saturday 2 pm - 7 pm M
Fermé les jours fériés / Closed on bank holidays

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Chris Sharp Théo-Mario Coppola Katia Kameli Christophe Bruno Taysir Batniji
MARION VERBOOM

 ÉPidermique
 Charlotte Bayle
 19 juin // 19 septembre 2021

PEPTAPON parcours public //
 Gabriela alberGaria au château de Soquence,
 cécile beau au château de tonneville,
 elina brotheruS Sur une invitation du Frac
 normandie rouen, au domaine de boiS-héroult,
 Sophie duboSc au château d’Yville,
 Jonathan loppin au manoir du queSnaY

 du 5 juin au 1 er août 2021
 le-shed.com
 Galerie Duchamp //
 Gabriela alberGaria, cécile beau,
 YaSmina benabderrahmane, alexandra bircken,
 elina brotheruS, Jim camperS, rodolphe
 delaunaY, Sophie duboSc, Jean dubuFFet,
 Sandra lecoq, Jonathan loppin, kotScha
 reiSt, alain Sonneville, Stéphane thidet,
 Yoann thommerel, tatiana WolSka

 www.voisins-De-campaGne.orG

 v isins
 De campagne

 Photo Charlotte Bayle
 matter
 f fact
 Avec
 Léo Barranco
 Mariam Beltoueva
 Paul Caharel
 Killian Duarte Brandao
 Florimon Dupont
 Gabriela Esparon
 Anouk Fraisse
 Basile Frechon
 Sonia Martins Mateus Just
 married
 Marilou Perez
 Anne Sarah Sanchez
 Lucien Boidin-Ropiquet

 Commissariat et du 11 juin au 1er août 2021
 participation le-shed.com
 de Laurent Faulon

12 JUIN › 29 AOÛT 2021
CHAPELLE DU GENÊTEIL
Rue du Général Lemonnier
53200 Château-Gontier sur Mayenne

 Photo Laurent Folon
 design Peters Bernard, chambresix.com
www.le-carre.org / T. 02 43 07 88 96
Entrée libre du mercredi au dimanche de 14h à 19h Dorothea Lange, Farm Security Administration Photographs, 1939 (c) The New York Public Library Digital Collections.
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CRAC Centre Régional d’Art Contemporain Instagram @crac_occitanie Entrée libre
Occitanie / Pyrénées Méditerranée Facebook @crac.occitanie et gratuite
à Sète 26 quai Aspirant Herber Ouvert tous les jours (sauf le mardi)
 F-34200 Sète de 12 h 30 à 19 h et le week-end de 14 h à 19 h.
+33 (0)4 67 74 94 37 crac.laregion.fr
 crac@laregion.fr

CRAC Occitanie / Pyrénées-Méditerranée
 expositions prolongées
 jusqu’au 05 septembre
 2021
Sur terre et sur mer A Little Night Music
avec le Codex Seraphinianus (And Reversals)
 Exposition personnelle Exposition personnelle

 Luigi Serafini Than Hussein Clark
 de de

 Luigi Serafini, Than Hussein Clark,
 Planche du Codex Seraphinianus. Tragedy of the Confidantes (Seeing), 2020. Platinotype.
 Courtesy de l’artiste Courtesy de l’artiste et de la Galerie Crèvecœur

 dans le cadre
 du projet

 Reverse Universe de la commissaire M arie de Br ugerolle
Chris Sharp Théo-Mario Coppola Katia Kameli Christophe Bruno Taysir Batniji
CATHY Champagne
 Ardenne
JOSEFOWITZ
 & SUSIE GREEN

EMPTY
 ROOMS
 RAPHAELA VOGEL
FULL OF
 LOVE
du 19 mai
 Graphisme : Léa Audouze & Margot Duvivier

 MY APPROPRIATION
 OF HER HOLY HOLL
 O WNESS
 Photo : Pierre Antoine

 DU 11 JUIN AU 22 AO
 au 22 août 2021 ÛT
 FRAC Champagne-Ardenne www.frac-champagneardenne.org
 Commissaire assoc
 1, place Museux - 51100 Reims Suivez-nous sur Facebook
 iée :
 Juliette Desorgues
 Ouvert du mercredi au dimanche (FRAC Champagne-Ardenne)
 de 14h à 18h et Instagram (fracchampagneardenne)

 Le FRAC Champagne-Ardenne est soutenu par la DRAC Grand Est – Ministère de la Culture, la Région Grand Est
 et la Ville de Reims. Il est membre des réseaux Bulles et Platform. Le FRAC Alsace, le FRAC Champagne-Ardenne
 et le 49 Nord 6 Est — FRAC Lorraine constituent le réseau des trois FRAC du Grand Est.
Chris Sharp Théo-Mario Coppola Katia Kameli Christophe Bruno Taysir Batniji
La Rinus
Ruta Van de
Natural Velde
— —
Exposi-
 Et sa sélection d’œuvres

 ♥♥♥.fracdespaysdelaloire.com
 de la collection du Frac,

tion
 John Armleder, Jimmie Durham,
 Armen Eloyan, Tomasz Kowalski,
 Peter Saul, Ettore Spalletti,
 Laurent Tixador, Rosemarie
 Trockel

 Et Kati Heck,
 artiste associée au projet

 ↗
 ⮮ 21 Quai des Antilles,
 44200 Nantes

 Nantes
 —
 Fonds régional d’art
 contemporain

 02.07
Frac / 24.10.
 Frac des Pays 

 21
 de la Loire
Chris Sharp Théo-Mario Coppola Katia Kameli Christophe Bruno Taysir Batniji
La vie à elle-même
 0 Sommaire 7

 Guest Reviews
 Christophe Kapwani Kiwanga
 Le Crédac, Ivry-sur-Seine

 Bruno 83
 Tarik Kiswanson
 par / by Jean-Paul Fourmentraux Carré d’art, Nîmes
avec Isabelle Andriessen, Bianca Bondi, Dora Budor, 84

Tiphaine Calmettes, Grégory Chatonsky, Rochelle Goldberg,
 28-37 Interview Raphaela Vogel
 Confort Moderne, Poitiers

Laure Vigna et Flora Katz, curatrice Chris Sharp 85
 Luigi Serafini et Than Hussein Clark
 par / by Patrice Joly CRAC, Sète

 18-25
 86
 Qalqalah

 Katia Kameli
 Kunsthalle Mulhouse
 87
 Charlotte Charbonnel
 par / by Anysia Troin-Guis Le Creux de l’enfer, Thiers

 40-47 88

 Théo-Mario
 Coppola
 par / by Vanessa Morisset

 58-64
 Taysir Batniji
 par / by Guillaume Lasserre

 48-55
 Portfolio
 Camille Picquot

 Photo : Rochelle Goldberg, Digesting Gold, 2018 [détail]. Courtesy de l’artiste et Miguel Abreu Gallery, New York.
 68-75
 Florence Jung
 par / by Antoinette Jattiot

 76-80
Exposition collective • 13 juin  5 septembre 2021
De septembre à juin :
Du mardi au vendredi : 14 h-18 h
Samedi et dimanche : 11 h - 13 h et 14 h - 18 h
En juillet-août :
 02#97
tous les jours : 11 h - 13 h et 14 h - 18 h Été / Summer 2021
 Le projet « Symbioses or the Green Bead Bores Its Way up
 a Spiral Staircase Through the Water to Burst Against the
 Sheet of Glass » de Laure Vigna a été sélectionné
 par la commission mécénat de la Fondation des Artistes
 qui lui a apporté son soutien. En couverture / Cover Directeur de la publication / Rédacteurs / Contributors Secrétariat de Rédaction / Éditeur / Publisher
 Camille Picquot, Modern smoker, Publishing Director Sandra Barré, Jean-Paul Proofreading Association Zoo galerie
 30 × 45 cm, photographie Rédacteur-en-chef / Fourmentraux, Antoinette Jattiot, Horya Makhlouf 10 rue Bonne Louise
 argentique, tirage pigmentaire Editor-in-Chief Patrice Joly, Guillaume Lasserre, 44 000 Nantes (F)
 sur dibond / Silver photograph. Patrice Joly Ilan Michel, Vanessa Morisset, Publicité / Advertising direction@zoogalerie.com
 Pigment print on dibond. Camille Picquot, Anysia Troin-Guis. Patrice Joly
 Avec le soutien du Fonds Mondriaan, du Centre culturel direction@zoogalerie.fr Avec le soutien
 canadien à Paris, de la Fondation Henry Moore Traduction / Translation de la Ville de Nantes
 et de Miguel Abreu Gallery. Le Centre international d’art et du paysage est un Centre
 d’art contemporain d’intérêt national financé par Simon Pleasance, Graphisme / Graphic Design
 Juliette Raulet-Descombey Aurore Chassé Textes inédits et archives sur
Île de Vassivière la Région Nouvelle-Aquitaine et le Ministère
 de la Culture – DRAC Nouvelle-Aquitaine. www.zerodeux.fr
F-87120 Beaumont-du-Lac Il est médiateur de l’action Nouveaux Commanditaires Impression / Printing Unpublished texts and archives
 Ziur Navarra, Espagne www.zerodeux.fr/en
+33 (0)5 55 69 27 27 Le bâtiment du Centre d’art, construit en 1989-91
 pour la Fondation de France.
 par les architectes Aldo Rossi et Xavier Fabre, Il est membre des réseaux nationaux d.c.a et Arts en
www.ciapiledevassiviere.com est une Architecture contemporaine remarquable. résidence ainsi que du réseau régional Astre.
1 Interview Chris Sharp 8 1 Interview Chris Sharp 9

 Chris Sharp
 — en conversation avec Patrice Joly

 Avec « La Mer imaginaire », Chris Sharp nous offre de connaissances et d’affinités, et qui implique de
 une vision très éclectique de l’imaginaire lié à la mer, faire des choix, des articulations, des associations,
 jouant sur les différentes acceptions de l’imaginaire, plus que complexes afin de donner sens et forme

 Vue de l’exposition / Exhibition view of « La Mer imaginaire », Fondation Carmignac (Porquerolles). Photo : Marc Domage © ADAGP, Paris, 2021.
 dont celles qui renvoient à l’imagination ou à son à une exposition ? En l’occurrence, il semble que
 côté chimérique. Profitant de la localisation de ce projet remonte à une très ancienne rencontre
 la Villa Carmignac au cœur de l’île de Porquerolles d’une part : celle de l’un des personnages d’un
 — bijou méditerranéen au large de la presqu’île roman de Nabokov1, et, de l’autre, de la volonté
 de Giens —, d’œuvres déjà présentes à l’intérieur de trouver des réponses à certaines interrogations
 d’un espace qui fait d’emblée penser à un aquarium, liées aux animaux — laissées alors en suspens —,
 le curateur américain, qui connaît parfaitement à leur proximité, à ce qu’ils nous inspirent
 la scène européenne et son histoire, développe et à ce qu’ils nous disent de notre humanité ?
 une thématique qui semblait faite pour le lieu. Effectivement, c’est un peu modeste, et c’est même
 L’exposition alterne les œuvres « sérieuses » une blague, de décrire le travail de curateur, comme
 et les plus « légères », les œuvres historiques s’il s’agissait d’un tour de magie. Vous l’avez bien
 et les productions de jeunes artistes. Si l’on perçoit décrit. J’ajouterai seulement qu’idéalement, les

 Micha Laury, Sans titre (Les Méduses), 2006.
 en arrière-plan une inquiétude quant au devenir artistes et l’exposition engendrent le commissaire
 d’un océan que la fébrilité humaine menace autant que le commissaire crée le show. Cette
 de toutes parts, « La Mer imaginaire » ne sombre pas exposition, pour moi, aurait été inconcevable
 dans une mélancolie à laquelle il eut pourtant été sans avoir connu le travail de Jochen Lempert,
 facile de succomber. Bien au contraire, l’exposition Michael E. Smith, Shimabuku, Lin May Saeed,
 ne manque pas d’humour, alignant volontiers des parmi d’autres ; dans certains cas, ces rencontres
 œuvres joueuses, qui déjouent les habituels clichés remontent à plus de dix ans. Ce sont eux qui sont
 liés à la mer. Des œuvres qui nous forcent aussi à l’origine des pensées que l’on retrouve dans
 à nous rapprocher davantage d’une nature qu’il est la réalisation de « La Mer imaginaire ». C’est par eux,
 de plus en plus urgent d’arrêter de regarder de toute par exemple, que j’ai appris que questionner
 la hauteur de notre immodestie, pour la considérer nos relations dominantes, violentes et narcissiques
 plutôt comme partageant la même destinée. avec le règne animal est d’une urgence primordiale.
 C’est aussi d’eux que j’ai compris que la supposition
 P.J.
 Comment est né le principe de cette exposition ? égoïste de notre supériorité sur le règne animal
 Aviez-vous déjà travaillé sur ces thématiques n’est que la preuve de notre infériorité, et que cela
 de la mer et de l’imaginaire qu’elle draine, ou bien est d’une tristesse presque infinie, qui mérite,
 est-ce une intuition, de la part des commanditaires, enfin, une sorte de compassion envers nous-mêmes
 que ce sujet allait vous inspirer ? (cela constitue en grande partie le pathos
 C.S.
 L’idée de cette exposition provient de l’espace incomparable du travail de Jochen Lempert).
 lui-même et d’une envie que j’ai depuis longtemps En même temps, c’est évident que la beauté formelle
 de faire une exposition sur la thématique de beaucoup d’œuvres dans l’exposition, comme
 de l’histoire naturelle, avec tous ses enjeux liés celles de Matisse, de Jean Painlevé, de Paul Klee
 à l’actualité et les questions du grand public. ou bien de Gabriel Orozco, n’existerait pas sans
 Quand j’ai découvert l’espace de la fondation avec une réelle admiration pour la vie sous-marine.
 les merveilleuses œuvres in situ de Bruce Nauman
 — une fontaine flottante de poissons en bronze — Cet éclectisme assez incroyable, historique
 et la grande peinture panoramique sous-marine et géographique, tranche avec beaucoup
 de Miquel Barceló, ainsi que le plafond d’eau d’expositions qu’on a l’habitude de voir.
 (sans compter le fait que la Villa se trouve sur une Attribuez-vous vous ce dernier à votre double
 île), j’ai compris tout de suite que c’était le contexte appartenance culturelle, européenne et américaine
 idéal pour une telle exposition. La Villa était déjà (du Nord et du Sud) — transatlantique donc ! —,
 à moitié comme un aquarium ; il fallait juste remplir qui fait que vous avez une connaissance équivalente
 l’autre moitié avec des créatures de la mer. de ces deux scènes ? Est-ce un atout ou plutôt
 une difficulté supplémentaire lorsqu’il faut choisir
1 Chris Sharp, introduction J’aime bien ce « juste » remplir : n’est ce pas dans un réservoir aussi vaste de références ?
 au catalogue de « La Mer une considération un peu modeste pour un travail Merci. J’ai eu la grande opportunité de vivre
 imaginaire », p.10. Éditions
 Jean Boîte, 2021. — celui de curateur — qui représente une somme et travailler dans différentes villes et, comme tous
2 Interview Chris Sharp 0 2 Interview Chris Sharp 1

 les curateurs, je cherche toujours à agrandir ma ce pan-là de l’imaginaire marin, même « par la très éloignée de celle de Paul Klee (Orozco est
 connaissance de l’art. Ça va de soi que l’exposition bande » — ce qui est difficilement évitable en 2021 ? un grand formaliste) — même si les deux positions
 aurait pu inclure plus d’artistes de l’Asie, etc., Ça aurait été une autre expo, effectivement. sont inversées : Klee se sert de la nature pour aller
 mais les problématiques sont enracinées dans « La Mer imaginaire » se veut une plongée dans et vers l’abstraction, alors qu’Orozco se sert de
 l’Ouest, Descartes, et le siècle des Lumières, une balade sous la mer, ainsi que dans l’imagination. l’abstraction pour aller vers la nature, ou le naturel.
 donc ça reste essentiellement une exposition Il ne s’agit pas de ce qui se passe en surface — même Quoi qu’il en soit, je crois que c’est impossible
 de l’Occident — bien que la vie sous-marine si ces questions-là sont très importantes, comme d’échapper à l’anthropomorphisme — nous sommes,
 soit menacée partout dans le monde. celle de l’immigration — mais plutôt dedans. après tout, des êtres humains, nous ne pouvons pas
 D’ailleurs, je crois que la question de son intérieur, expérimenter le monde autrement — mais peut-être
 Le concept de solastalgie est au cœur de votre son contenu, est beaucoup plus urgente que tout est-il possible d’échapper à l’anthropocentrisme
 projet d’exposition, il consiste en une détresse ce qui se passe au-dessus. Les gens sont toujours en revanche. La preuve peut en être trouvée
 causée par l’anticipation d’un désastre écologique un peu surpris quand je parle d’artistes comme dans l’existence de tant de cultures indigènes qui
 à venir ; pour beaucoup, ce désastre est déjà là. Jochen Lempert et Lin May Saeed comme maintenaient un rapport beaucoup plus réciproque
 Il suffit de constater la chute de la population des artistes politiques — vu qu’il s’agit de rapport et respectueux avec le monde naturel. Cette solution
 des abeilles ou la raréfaction de la ressource animal/humain dans leur travail — mais je crois peut s’entendre comme un pas en arrière,
 halieutique, déjà évoquée dans les années soixante que ces artistes sont beaucoup plus pertinents mais je crois que c’est devenu une simple question
 par une précurseuse comme Anita Conti2. La mer que quelqu’un comme, par exemple, Ai Weiwei. de comment survivre.
 a longtemps été considérée comme un réservoir Alors que ce dernier adore se pencher sur l’actualité,
 inépuisable de richesses destinées à nourrir Lempert, Lin May ou Gilles Aillaud s’engagent Difficile d’échapper à l’objectivation et à la
 l’humanité. Cela fait d’ailleurs partie d’un autre sur quelque chose de beaucoup plus constant, spectacularisation de l’animal… Dans son essai,
 imaginaire qui remonte à la nuit des temps, celui de fondamental, voire de primordial, avec Filipa Ramos3 rappelle à quel ordre de la
 de la considération de la nature comme un bien des conséquences qui nous importent tous. distanciation le dispositif historique du muséum
 disponible à volonté : on sent que cet imaginaire d’histoire naturelle — puis du musée d’art — obéit :
 est en train de basculer dans son contraire, qu’il Est-ce pour cette raison que Nicolas Floc’h est aussi un discours qui établit et impose une pensée
 faut absolument protéger ce bien si nous voulons présent dans la Mer imaginaire, réalisant au Fort pyramidale, de même qu’il essentialise une
 continuer à vivre sur une planète habitable. Saint Agathe une exposition dans l’exposition, opposition sujet-sujet, nature-culture dont
 Pensez-vous que l’art puisse avoir un quelconque aux allures de plaidoyer pour la sauvegarde nous continuons à endosser (à subir) l’empreinte
 effet dans ce nécessaire renversement, ne serait-ce du littoral : une exploration photographique culturelle. Bien qu’elle reconnaisse que l’art
 qu’en travaillant cet imaginaire-là ? des fonds sous-marins qui échappe à l’habituel contemporain reconduit dans une large part
 Bonne question. Dans la plupart des cas, j’ai des traitement touristico-spectaculaire, pour privilégier ces dispositifs, elle reste optimiste sur sa capacité
 doutes sur la capacité de l’art à provoquer de vrais une vision plus réaliste et légèrement inquiétante — liée à ses spécificités — de déconstruire ces
 changements politiques, mais dans ce cas précis, de l’état de la flore marine. oppositions de l’intérieur. Dans quelle mesure
 je crois que ça commence justement avec Justement, c’est bien pour ça. Avec cette exposition, pensez-vous avoir échappé à cette structuration
 l’imaginaire. La possibilité de concevoir une autre j’ai cherché à donner une perspective assez historique de l’exposition avec « La Mer
 perception du rapport animal/humain, ou bien, prismatique sur le sujet de la mer. Je voulais qu’il y imaginaire » ?
 nature/culture est déjà un grand pas vers une ait des moments difficiles, comme dans le travail Oui, c’est presque un cercle vicieux. Bien que
 nouvelle façon de s’entendre avec le monde de Nicolas, ainsi que poétiques et joyeux, parfois le modèle de l’exposition soit assez classique,
 naturel — après quoi, vient le langage. Par exemple, dans la même œuvre, comme par exemple j’ai cherché à rendre le visiteur conscient
 l’idée de l’anthropocentrisme dont l’Occident dans les travaux de Cosima von Bonin et de Micha du dispositif de deux façons : la première, par une
 est si friand — qui nous permet, d’ailleurs, de voir Laury — l’une apparemment ludique, l’autre quasi-juxtaposition au début du tableau de Gilles
 la mer « comme réservoir inépuisable de richesses spectaculaire, mais tous les deux recèlent un côté Michael E. Smith, Untitled, 2017. Aillaud, dans lequel nous sommes confrontés
 Poissons, métal, plastique / Fish, metal, plastic, 163 × 30 × 23 cm. Courtesy Michael E. Smith & KOW, Berlin.
 destinées à nourrir l’humanité » — paraît de plus fort critique. Collection De Vleescouwer – Pieters. © Michael E. Smith. Photo : Marc Domage. à une image de poissons plutôt tristes qui nous
 en plus indéfendable. Le surgissement d’un nouveau regardent d’un aquarium à moitié plein et négligé.
 paradigme introduit par la notion d’anthropocène Pour rebondir sur Micha Laury, l’extraordinaire Ce tableau est placé à côté d’une photo de Jochen
 (même si ce n’est pas vrai à 100 %) a été un grand variété chromatique de ses méduses nous amène Lempert, celle d’un père et de son bébé,
 choc, je crois, pour beaucoup de gens. C’est difficile à penser qu’il leur a inventé un spectre coloré qui regardent des poissons à travers la vitre
 de revenir en arrière. Je déteste l’idée tout-à-fait imaginaire, lorsqu’il n’a fait que s’inspirer d’un aquarium. Nous sommes regardés par ceux
 d’instrumentaliser l’art dans un but quelconque, du réel. Si les températures atmosphériques que l’on regarde. Il n’y rien de naturel dans cet
 surtout éducatif, mais c’est indéniable qu’une continuent leur courbe ascendante, cet animal, aux échange, et je crois, ou au moins j’espère, qu’une fois
 grande partie de la beauté de l’art consiste capacités d’adaptation proprement surprenantes, qu’on s’en aperçoit, il devient impossible
2 Dans la plupart des ouvrages
 qu’elle a publiés, Anita Conti,
 en sa capacité à engendrer de nouvelles possibilités, risque de devenir la population majoritaire des de ne pas reconnaître la bizarrerie fondamentale
 une des premières femmes à voir, comprendre (ou mal comprendre) océans, s’accommodant parfaitement des dérives de la situation. La deuxième manière de signaler
 à avoir été embarquée sur un
 bateau de pêche en haute mer ou expérimenter le monde. climatiques et de l’invasion des plastiques, le dispositif au visiteur est qu’au contraire
 dans les années 50, met déjà qu’il investit avec gourmandise, lorsque les d’un aquarium classique, il n’y pas de vitres, même
 l’accent sur la raréfaction des
 bancs de morue dans les zones En même temps, l’imaginaire auquel vous faites mammifères, oiseaux marins et autres poissons pas de cloisons dans l’espace de l’exposition :
 proches de l’Europe et de
 référence est un imaginaire relativement apaisé, en subissent les effets mortifères. Des espèces tout est ouvert et fluide (forcément — parce que
 l’aberration d’une pêche qui
 se concentre sur une seule « neutre »… On aurait pu s’attendre à ce que cet qui disparaissent c’est aussi un imaginaire ce n’est pas un vrai aquarium — mais j’ai quand
 espèce, délaissant les autres
 poissons que les pêcheurs
 imaginaire de la mer soit envisagé dans son versant qui rétrécit… Faudra t-il massivement, dans l’avenir, même voulu donner l’impression de se balader sous
 rejettent à la mer comme plus problématique : celui qui la fait théâtre inventer des formes nouvelles, comme le font l’eau). On se trouve, symboliquement, dans la mer,
 de vulgaires déchets
 (voir notamment le sublime de luttes perpétuelles, de batailles (navales), les œuvres de Gabriel Orozco que vous présentez, avec des animaux.
 récit de son passage sur d’Homère à Stevenson, d’enjeux de territoires, au risque de coloniser-anthropiser encore un peu
 le chalutier-saleur Bois-Rosé,
 Racleurs d’Océan, Petite de la violence des déplacements forcés et de la plus l’imaginaire de la mer ?
 Bibliothèque Payot, 2017) Bianca Bondi, The fall and rise, 2021.
 disparition des migrants — pas seulement celle Je ne sais pas. C’est marrant, la position de Gabriel
3 Filipa Ramos, L’éléphant Vue de l’exposition / Exhibition view of « La Mer imaginaire », Fondation Carmignac (Porquerolles).
 dans la pièce, p.54. des animaux marins. Pourquoi ne pas aborder Orozco dans cette exposition n’est finalement pas Photo : Marc Domage © ADAGP, Paris, 2021.
2 Interview Chris Sharp 2 2 Interview Chris Sharp 3

 Chris Sharp
 — in conversation with Patrice Joly

 With “The Imaginary Sea”, Chris Sharp offers us task—that represents a sum of knowledge
 a very eclectic vision of the imaginary dimension and affinities, and which involves making choices,
 associated with the sea, playing on the differing connections and associations which are all quite
 accepted meanings of “imaginary”, including complex in order to lend meaning and form
 those which refer to the imagination proper, or its for an exhibition? As it happens, it would seem
 chimerical aspect. Making the most of the location that this project dates back to a very old encounter,
 of the Villa Carmignac in the heart of the island on the one hand: a meeting with one of the
 of Porquerolles—a Mediterranean gem lying off the characters in a Nabokov novel,1 and, on the other,
 Giens peninsula--, with works already present inside the desire to find answers to certain questions
 a space which immediately calls an aquarium related to animals—then left unresolved—,
 to mind, the American curator, who is thoroughly their closeness, what they inspire in us, and
 acquainted with the European scene and its history, what they say about our humanity?
 is developing a theme which seemed made for the It is in fact a little modest, and it’s even a joke,
 place. The exhibition alternates between “serious” describing the curator’s work as if it were a magic
 and “lighter” works, historical works and the output trick. You’ve described it well. I would simply add
 of young artists. If we sense in the background that, ideally, artists and the exhibition create
 an anxiety about the future of an ocean threatened the curator as much as the curator creates
 from all directions by human feverishness, “The the show. For me, this exhibition would have been
 Imaginary Sea” does not wallow in a melancholy inconceivable without having known the work
 to which it would nevertheless have been easy of Jochen Lempert, Michael E. Smith, Shimabuku,
 to succumb. Quite to the contrary, the exhibition and Lin May Saeed, among others; in some cases,
 does not lack wit, readily arraying, as it does, those meetings go back more than ten years.
 various playful works, which avoid the usual clichés They lie at the root of the lines of thought we find
 connected with the sea. Works which also force in the making of “The Imaginary Sea”. It is through
 us to get closer still to a nature which it is more them, for example, that I learnt that questioning
 and more urgent to stop looking at from the full our dominant, violent and narcissistic relations
 loftiness of our immodesty, to consider it rather with the animal kingdom is of vital urgency. It is also
 Allison Katz, Whale II, 2014. Jean Painlevé, Buste de l’Hippocampe, 1931.
 as sharing the same fate. from that thinking that I realized that the selfish Huile sur toile / Oil on canvas, 244 × 122 cm. Courtesy the artist. Tirage vintage unique / Unique vintage print, 141 × 98 cm. © Les Documents Cinématographiques, Paris.
 supposition of our superiority over the animal
 P.J.
 How did the principle behind this exhibition kingdom is merely the proof of our inferiority,
 come about? Had you already worked on these and that this is something almost infinitely
 themes of the sea and the imagination, or is it sad which, in the end of the day, deserves a sort
 to do with a hunch, on the part of the people of compassion towards ourselves (this largely
 commissioning the show, that this subject would represents the incomparable pathos of Jochen
 inspire you? Lempert’s work). At the same time, it is clear that
 The idea for this show comes from the space
 C.S.
 the formal beauty of many works in the exhibition,
 itself, and from a desire I’ve had for a long time to like those of Matisse, Jean Painlevé, Paul Klee
 put on an exhibition on the theme of natural history, and Gabriel Orozco, would not exist without a real
 with all its challenges connected with the current admiration for submarine life.
 situation and issues to do with the general public.
 When I discovered the space at the foundation with This rather incredible, historical and geographical
 Bruce Nauman’s wonderful in situ works—a floating eclecticism contrasts with a lot of shows we’re
 fountain with bronze fish—and Miquel Barceló’s accustomed to seeing. Do you attribute this
 large panoramic submarine painting, as well the to your twofold cultural membership,
 ceiling of water (without mentioning the fact that European and American (North and South)
 the Villa is located on an island), I immediately —so transatlantic!—which means that you have
 realized that it was the ideal setting for such a show. an equivalent knowledge of these two scenes?
 The Villa was already half like an aquarium; you just Is this an advantage or, rather, an added difficulty
 had to fill the other half with sea creatures. when you have to choose from such a vast array
1 Chris Sharp, introduction of references?
 to the catalogue of “The Vue de l’exposition / Exhibition view of « La Mer imaginaire »,
 I like the way you say “just”: isn’t that a slightly Thanks. I’ve been extremely lucky for having lived
 Imaginary Sea”, p. 10, Fondation Carmignac (Porquerolles).
 Editions Jean Boîte, 2021. modest qualification for a task—a curator’s and worked in different cities and, like all curators, Photo : Marc Domage © ADAGP, Paris, 2021.
2 Interview Chris Sharp 4 2 Interview Chris Sharp 5

 I’m always trying to enlarge my knowledge of art. The emergence of a new paradigm introduced by Nicolas Floc’h,
 Plage d’argent, 2020.
 It goes without saying that the exhibition could the Anthropocene notion (even if it is not 100% true) © ADAGP, Paris, 2021.
 have included more artists from Asia, and so on, was a great shock, I think, for a lot of people. It’s
 but the issues are rooted in the West, Descartes hard to go back. I hate the ideas of exploiting art for
 and the Enlightenment, so it remains essentially any kind of purpose, above all educational, but it is
 an exhibition of the West—even if submarine life undeniable that much of the beauty of art consists in
 is under threat all over the world. its capacity to create new possibilities when it comes
 to seeing, understanding (or misunderstanding)
 The concept of solastalgia lies at the heart of your and experimenting with the world.
 exhibition project, it consists in a distress caused
 by the anticipation of an ecological disaster in the At the same time, the imagination you are referring
 offing; for a lot of people, this disaster is already to is a relatively calm and “neutral” imagination…
 here. You just have to be aware of the drop in the We might have expected that this imagination
 bee population or the ever rarer fish resources, of the sea be seen in its more problematic aspect:
 already brought up in the 1960s by a precursor like the one that turns it into a theatre of perpetual
 Anita Conti.2 The sea has long been regarded an struggles, (sea) battles, Homer to Stevenson,
 inexhaustible reservoir of riches designed to feed territorial challenges, the violence of forced
 humanity. This, incidentally, is part of another displacements and the disappearance
 imagination which goes back to the dawn of time, of migrants—not only that of marine creatures.
 an imagination involving the consideration of Why not tackle this particular part of the marine
 nature as an asset that is always available: we can imagination, even indirectly—which it is hard
 sense that this imagination is in the process of to avoid in 2021?
 tipping over into its opposite, that it is absolutely That would have been a different show, in fact.
 vital to protect this asset if we want to go on living “The Imaginary Sea” is intended as a plunge into and
 on an inhabitable planet. Do you think that art can a stroll under the sea, as well as in the imagination.
 have any kind of effect in this necessary upset, What is involved is not what goes on on the
 if only by working on this particular imagination? surface—even if these particular questions are very
 Good question. In most instances, I have my doubts important, like the issue of immigration—but rather
2 In most of the books she has
 published, Anita Conti, about art’s capacity to give rise to real political inside. What is more, I think that the question
 one of the first women to have changes, but in this particular case, I think that of its interior, its content, is much more pressing from reality. If atmospheric temperatures carry on museum—complies with: an argument which
 embarked on a fishing boat
 on the high seas in the 1950s, the process starts, precisely, with the imagination. than everything happening above the sea. People are along their rising graph, this animal, with its establishes and imposes a pyramidal way
 already emphasizes the
 The possibility of conceiving of another perception invariably a bit surprised when I talk about artists altogether surprising adaptation capacities, risks of thinking, just as it essentializes a subject-subject,
 depletion of shoals of cod in
 areas close to Europe, and the of the animal/human relation, or else nature/culture like Jochen Lempert and Lin May Saeed as political becoming the majority population of the oceans, nature-culture contrast, whose cultural footprint
 aberration of a fishing method
 focusing on a single species,
 is already a major step towards a new way artists—given that what is involved is an animal/ adapting perfectly to climatic shifts and the we are still adopting (and undergoing).
 leaving behind the other fish of getting along with the natural world—after human relation in their work—but I think that these invasion of plastic, which it uses with great relish, Although she recognizes that contemporary art is
 which fishermen toss back into
 the sea like so much ordinary which comes language. For example, the idea artists are much more relevant than someone like, while mammals, seabirds and fish all suffer to a great extent re-using these arrangements,
 waste (see in particular the of anthropocentrism which the West is so keen for example, Ai Weiwei. Whereas this latter loves the lethal effects of plastic. Species disappearing she is still optimistic about art’s capacity
 sublime tale of her time spent
 on the trawler-cum-salter on—and which, incidentally, enables us to see the sea focusing on the current situation, Lempert, Lin May is also an imagination that shrinks… In the future, —associated with its specific features—
 spreader Bois-Rosé, Racleurs
 as an “inexhaustible reservoir of riches designed to and Gilles Aillaud are involved in something much should we invent new forms on a massive scale, to deconstruct these contrasts from within.
 d’Océan, Petite Bibliothèque
 Payot, 2017). feed humanity”—seems more and more indefensible. more constant, fundamental and even primordial, the way the works of Gabriel Orozco, which To what degree do you think you have sidestepped
 with consequences which affect us all. you are showing, do, at the risk of colonizing this historical organization of the exhibition
 and anthropizing the imagination of the sea a little with “The Imaginary Sea”?
 Is this why Nicolas Floc’h is also present in the bit more, still? Yes, it’s almost a vicious circle. Although the
 Imaginary Sea, producing at the Fort Saint Agathe I don’t know. It’s funny, Gabriel Orozco’s stance exhibition model is quite classic, I’ve tried to make
 an exhibition within the exhibition, in the guise in this show is in the end not very far removed visitors aware of the system in two ways: the first,
 of making the case for safeguarding the coastline: from that of Paul Klee (Orozco is a great formalist) through a quasi-juxtaposition at the start of Gilles
 a photographic exploration of the sea bed which —even if the two positions are reversed: Klee uses Aillaud’s picture, in which we are confronted by an
 sidesteps the usual tourist-cum-spectacular nature to head towards abstraction, while Orozco image of rather sad-looking fish looking at us from
 treatment, and favours a more realistic and slightly uses abstraction to head towards nature, or the a half-full and neglected aquarium. This picture
 worrying vision of the state of marine flora…? natural. Whatever the case, I think it’s impossible is placed beside a photo by Jochen Lempert, showing
 Precisely, that is indeed why. With this exhibition to escape from anthropomorphism—but perhaps a father and his baby, looking at fish through
 I’ve tried to offer a somewhat prismatic perspective it’s possible to escape from anthropocentrism, the glass side of an aquarium. We are being looked at
 on the subject of the sea. I wanted there to be on the other hand. The proof of this may be found by what we are looking at. There is nothing natural
 difficult moments, as in Nicolas’ work, as well as in the existence of so many indigenous cultures which in this exchange, and I think, or at least I hope,
 poetic and joyful times, sometimes in the same work, maintained a much more reciprocal and respectful that once you realize all this, it becomes impossible
 like for example in the works of Cosima von Bonin relationship with the natural world. This solution not to acknowledge the basic weirdness of the
 and Micha Laury—the one seemingly playful, the can be taken as a step backwards, but I think situation. The second way of pointing out the system
 other spectacular, but both containing a very critical it’s become a simple question of how to survive. to the visitor is that, unlike a classic aquarium,
 aspect. there are no glass sides, and not even partitions
 It’s difficult to sidestep the objectivization in the exhibition venue: everything is open and fluid
Vue de l’exposition / Exhibition view of « La Mer imaginaire », Fondation Carmignac (Porquerolles). Talking of Micha Laury, the extraordinary chromatic and spectacularization of the animal… In her essay, (perforce—because it’s not a real aquarium—but
Photo : Marc Domage
(à gauche / on the left) Shimabuku, Les feuilles nagent, 2011. variety of his jellyfish gets us thinking that he has Filipa Ramos3 reminds us what order of distancing all the same I wanted to give the impression
Courtesy de l’artiste / the artist & Air de Paris, Romainville.
 invented a thoroughly imaginary colour spectrum the historical arrangement of the museum of wandering about under the water). Symbolically
(à droite / on the right) Jeff Koons, Acrobat, 2003-2009. 3 Filipa Ramos, L’éléphant
© Jeff Koons – Collection Carmignac for them, when all he’s done is draw inspiration dans la pièce, p.54. of natural history—and then of the art speaking, we are in the sea, with animals.
2 6 2 7

 POUR
 NE PAS
 DORMIR
 Commissariat: Hicham Daoudi

 Exposition jusqu’au Mariam Abouzid Souali Mustapha Akrim Zainab Andalibe
 Mohamed Arejdal Hicham Ayouch Hassan Bourkia Diadji Diop
 19 septembre 2021 Simohammed Fettaka Moataz Nasr Khalil Nemmaoui Fatiha Zemmouri JOCKUM NORDSTRÖM

 [Même table de jeu, même pièce], 99 × 81 cm, collage, aquarelle, graphite et cayon sur papier
 Jockum Nordström, Samma spelbord, samma mynt (Same Game Table, Same Coin), 2019
 © Jockum Nordström – courtesy de l’artiste et de la Galleri Magnus Karlsson, Stockholm
 du 19 mai au 29 août 2021

 Musée régional d’art contemporain
 Exposition conçue pour la Saison Africa2020. Originellement prévue de juin
 à décembre 2020, la Saison Africa2020 a dû être décalée en raison de la crise Occitanie / Pyrénées-Méditerranée
 sanitaire, et se tiendra désormais de décembre 2020 à juillet 2021. 146 avenue de la plage, Sérignan mrac.laregion.fr

 Manifestation organisée dans le cadre de la Saison Africa2020 Comité des mécènes de la Saison Africa 2020
 La Criée centre d’art contemporain – place Honoré Commeurec – Rennes
 02 23 62 25 10 – www.la-criee.org – métro : République – bus : La Criée
 du mardi au vendredi : 12h à 19h, samedi et dimanche et jours fériés : 14h à 19h
 entrée gratuite

 une exposition à
 Le Lait LA
 Ouvrages de référence de l’artiste rangés par siècle

 l’EESAB à Quimper
 et BELLEVUE à Douarnenez
 du 17 juillet au 20 août 2021, EESAB-site de Quimper, 8 esplanade François Mitterrand, Quimper
 du 17 juillet au 20 août 2021, Bellevue, 4 rue des Iris, Douarnenez
 GRANDE
 Neven Allanic Guillaume Gouerou
 Isabel Carvalho Tom Barbagli
 Néphéli Barbas
 Ludovic Lignon
 Xavier Michel
 Simon Bérard Morgan Patimo
 Langages tissés Jeanne Berbinau Aubry
 Arnaud Biais
 Omar Rodriguez Sanmartin
 Justin Sanchez
 Ve av. J.- C. IXe XIVe XVe XVIe XVIIe
 Diane Blondeau Cédric Teisseire
 Valentin Faline Agathe Wiesner
 Jean-Baptiste Ganne Anne-Laure Wuillai Delphine Bertrand Céline Le Guillou
 Tom Giampieri Reda Boussella Simon Leroux
 Maxence Chevreau Kahina Loumi
 Lucie Férézou Fleur Noguera
 Camille Girard et Paul Brunet Renaud Perriches

 E
 Thomas God Boris Régnier

 03|07|21-17|10|21 DIAGON AL Loris Humeau
 Margaux Janisset
 Guillaume Le Clouërec
 Sylvain Rousseau
 Yoan Sorin
 Elsa Tomkowiak
 commissariat Bruno Peinado
 Graphisme © The Shelf Company, 2021

 XVIIIe XIXe

 une exposition à
 28 rue Rochegude
 81000 Albi
 Ouvrages ayant inspiré
 l’œuvre d’Isabel
 Carvalho :
 Orla

 Os cantores dos
 Langages tissés

 Ar(a)c(né)-en-ciel
 LA STATION à Nice
 planaltos fundem du 2 juillet au 18 septembre 2021, La Station, 89 Route de Turin, Nice
 centredartlelait.com linguagens
 Avec le soutien de la Fondation
 Calouste Gulbenkian
2 Guest Christophe Bruno 8 2 Guest Christophe Bruno 9

 L’état d’esprit [de cette pièce] instaurée par Google : les mots-clés (keywords)
 n’est pas de faire un générateur de texte servant des annonces publicitaires (adwords)

 Hacker Google / Contre
 [...] mais c’est vraiment l’attitude pour la fabrication de succès de connexions fortuits
 de se positionner comme un parasite
 (les hits, ou les bons coups, comme au hit-parade).
 d’une structure globale qui est en train
 Mais ce projet fut rapidement entravé par
 d’émerger — Google — et qui contient dans

 la gouvernementalité
 sa base de données l’ensemble de toutes
 l’entreprise Google, pour cause de non-rentabilité
 les paroles de l’humanité [...], readymade commerciale, au prétexte que les mots renseignés
 que mon programme vient pêcher, détourner4. n’avaient pas assez de prix, de valeur. Il ne s’agissait

 algorithmique
 pas à proprement parler d’une censure, morale
 Radicalisant cette démarche, l’artiste crée en 2002 ou même éthique, car ce que révèle cette affaire est
 moins le manque d’intérêt de Google pour la valeur

 —
 une performance de 24 h, Google Adwords
 Happening5, qui détourne et parodie la logique poétique de la démarche de l’artiste, que la sanction
 des adwords par laquelle Google accroît ses revenus économique face à l’échec présumé de la démarche.
 par Jean-Paul Fourmentraux liés à la publicité par l’association des liens Christophe Bruno y voit quant à lui le symptôme
 commerciaux aux résultats de son moteur de d’un nouveau capitalisme, sémantique, instauré
 recherche. Le premier adword loué par Christophe par la firme Google qui s’approprie et transforme
 Bruno était le mot « symptom ». Lorsqu’un le langage en marchandise.
 internaute connecté à Google saisissait ce mot En tant que loueur du service adwords,
Cet article est un digest, Google est un champion de la démocratie Épiphanies et Adwords Happenings dans la barre de son moteur de recherche, il tombait Christophe Bruno disposait lui-même de l’accès
en partie recomposé, tiré
 culturelle, mais sans culture En 2001, l’artiste crée ses premières Épiphanies2 : prioritairement sur le poème énigmatique suivant : aux statistiques relatives à la performance
de : Jean-Paul Fourmentraux,
antiDATA. La désobéissance et sans démocratie. Car il n’est un maître des « pièces » de (post) Net Art qui prolongent « Words aren’t free anymore/bicornuate-bicervical et à l’efficacité de ses adwords. Pour « symptom »,
numérique. Art et Hacktivisme ni en culture (l’information n’est pas sur le Web l’œuvre de James Joyce. Au début uterus one-eyed hemi-vagina ». Piratant le système il avait par exemple obtenu seulement 16 clics
technocritique, Dijon,
Les Presses du réel, 2020. la paideia) ni en politique (la démocratie
 du XXe siècle, l’écrivain arpentait les rues par lequel Google entra en bourse, Christophe d’internautes pour 5 517 vues du poème. Sa location
 des clics n’est pas une démocratie1). Bruno créa de nouvelles Épiphanies, étranges chiffrait donc un faible taux d’efficacité : 0,3 %.
 de Dublin et notait dans son carnet, tout au long
 du parcours, des bribes de conversations et poétiques, qui parodiaient avec humour la logique Le prix de « symptom » étant de 0,05 $, l’artiste était
 Docteur en physique théorique, converti à l’art strictement commerciale et utilitariste du langage donc prélevé de 0,80 $. Un score bien maigre
 échangées entre les différentes personnes
 dans le courant des années 2000, l’artiste français si on s’amuse à le comparer au prix d’autres mots,
 qu’il pouvait croiser sur son chemin — conversations
 Christophe Bruno a pensé son œuvre comme dont la valeur Google témoigne à l’envi de la
 dont il proposa de considérer la valeur poétique.
 un véritable cheval de Troie contre l’hégémonie mécanique corruptrice des adwords : « sexe » 3 800 $
 Au XXIe siècle, Christophe Bruno transpose
 de Google. Il s’est engagé en 2001 dans une entreprise — on pouvait s’y attendre, « art » 410 $ peut paraître
 cette dérive sensible et poétique dans l’univers
 systématique de détournement critique et prospectif, dérisoire, « Dieu » 10 $ se passe de commentaire,
 d’Internet et de Google. À partir d’un mot-clé
 souvent cocasse, des fonctionnalités et des usages quand « free » 5 700 $ laisse pantois. Ironie
 saisi par un internaute dans la barre de recherche
 du désormais célèbre et «incontournable» moteur statistique, qui fait du mot « free », que l’on peut
 du moteur, son générateur d’Épiphanies parasite
 de recherche. Incarnant le renouveau de la figure doublement traduire en langue française par « libre »
 l’algorithme de Google afin de collecter sur Internet
 de l’artiste «hacker», ses œuvres nous entraînent et « gratuit », le mot le plus cher du palmarès et dont
 des bribes de phrases, ré-agencées comme
 dans une parodie joyeuse et cynique de nos l’usage rencontrait alors le plus fort coût à payer...
 de petits poèmes aléatoires3.
 économies langagières et visuelles engendrées Attentive et grande amoureuse des mots
 par les plateformes numériques. et du langage, la philosophe et philologue Barbara
 Cassin a bien mis en lumière ce rapport par lequel,
1 Barbara Cassin, Google moi. en régime Google, la qualité n’est rien d’autre qu’une
 La deuxième mission de
 l’Amérique, Paris, Albin Michel, propriété émergente de la quantité. On s’éloigne
 2007.
2 Cf. Christophe Bruno,
 alors ici des vertus prétendument démocratiques
 Épiphanies, www.iterature.com/ de Google, incarnées par le célèbre et non moins
 epiphanies, (2001-2014).
3 Le nom de marque Google, impénétrable algorithme PageRank.
 qui est aussi devenu un verbe, C’est l’importance dans l’opinion qui mesure
 « googler », articule de riches
 jeux de mots : googol, google, l’importance dans l’opinion. Pour le dire en grec,
 go-ogle. A l’origine, le mot on élève la doxa au carré, et, pour le dire en marxiste,
 choisi est « Googol » (terme
 dérivant de la formule on ne prête qu’aux riches (le capital crée le capital).
 mathématique 1+100, ou 10100,
 symbolisant la puissance à
 L’originalité, l’atypie, le génie, le caractère singulier
 venir du moteur de recherche), et intempestif de la vérité n’entrent pas dans
 mais une autre occurrence
 du mot — googly — renvoie le système tant qu’ils ne sont pas banalisés :
 à l’œuvre de James Joyce il n’y a pas d’autre de la doxa6.
 (Finnegan’s Wake, 1939), qui
 pointe davantage la question C’est bien sa relevancy qui fait la valeur
 du regard — to ogle — verbe d’un résultat de recherche sur le moteur Google,
 ayant pour signification
 « regarder de tous ses yeux soit sa pertinence, au sens de son adaptation
 (ronds et étonnés), ou encore
 6 Cf. Barbara Cassin, op.cit.,
 aux attentes des internautes, auxquels Google
 reluquer, lorgner, mais aussi
 jeter un regard amoureux ». p. 104. n’offre par conséquent que ce qui leur convient
 Barbara Cassin (2007). 7 Cf. Ippolita, La Face cachée
4 Christophe Bruno, extrait d’une de Google, Paris, Manuels
 (ce qui est convenable pour eux).
 conférence publique à l’École Payot, 2008. « Ippolita » Mais au-delà de cette stratégie centrée
 nationale des arts décoratifs est le pseudo d’un groupe
 de Paris (Ensad) en 2007. informel italien composé sur la seule rationalité économique, Google cache
5 Cf. Christophe Bruno, Google de hackers et d’amateurs peut-être un autre calcul7, plus pernicieux encore,
 Adwords Happening, www. libertaires, qui se sont
 iterature.com/adwords (2002) notamment attachés à dévoiler qui est de vouloir connaître, prescrire et maîtriser
 – premier prix lors de l’édition le système très intrusif de
 le plus précisément possible toutes les aspirations
 2003 du Festival Ars Google. Voir le site du groupe :
 Electronica, à Linz en Autriche. Christophe Bruno, Épiphanies, 2001-2014 http://ippolita.net. Christophe Bruno, Google Adwords Happening, 2002 des internautes. Par la maîtrise du langage, ce sont
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