Trimestriel d'actualité d'art contemporain: sept., oct.nov 2018 N 77 3€ - Flux News
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Belgïe-Belgique P.P. bureau de dépôt Liège X 9/2170 Trimestriel d’actualité d’art contemporain : sept., oct.nov 2018 • N°77• 3€ Atelier , Vis island , Thierry Tillier 2018.
Page 2 S o m m a i r e E d i t o Avec ce numéro, FluxNews renoue avec ses an- Charlier en tête de file. (Il ne connaissait pas ciennes amours, le noir et blanc. Une justification Thierry Tillier à l’époque) 2 Histoire d’un rituel à Montauban, un texte de Thibaut Wauthion sur le qui s’impose au vu l’austérité actuelle. Jacques Charlier était pour Jan Hoet exportable et Ce tournant est aussi une manière de maintenir le montrable en Flandre parce qu’il était compris du travail de Samuel D’Ippolito. cap et de prendre les devants en se protégeant du public local et international. 4 Bernard Villers au Botanique, par Sylvie Bacquelaine et Céline Eloy. risque de baisse de rentrées budgétaire venant des Son successeur à la tête du SMAK, Philippe Van 6 Réenchanter le métier d’architexte, pavillon français à la Biennale d’archi- annonceurs habituels. Cauteren est un peu le contrepoint du puncheur tecture de Venise, un texte de Frédérique Van Leuven. 8 Biennale de Venise 2019, Les propos d’Eric van Hove Une bichromie qui va comme un gant avec le qu’était Jan Hoet. De tendance humaniste, ouvert contenu de ce numéro qui est légèrement tourné et curieux, il semble vouloir mener à terme une vers la résistance et la rémanence des flux. A politique culturelle de rapprochement où le 9 Alda Greoli, la Ministre de la culture, répond à nos questions.. l’instar de l’image de cover qui inspire à la re- domaine conflictuel est laissé au vestiaire. Sa 10 Venise 2019 , Denis Gielen et Pierre Olivier Rollin animent le débat. traite rêvée pour un plan d’artiste en quête de volonté de montrer une partie de sa collection aux 11 Albert Baronian, Philippe Van Cauteren et Luk Lambrecht, donnent égale- sens et de ressourcement. En réalité, c’est la Brasseurs à Liège en témoigne. On attend la réci- ment leur avis sur la question. photo de l’atelier de Thierry Tillier. Un artiste procité avec curiosité. Nous ne pouvons qu’en- originaire de Namur qui a débuté sa carrière artis- courager de telles initiatives. 12 Mai 68, ses devenirs, son futur. Un texte de Véronique Bergen. tique dans les années 70. Directement impliqué Ce numéro sera presque entièrement consacré à 12 Interventions de Michel Couturier, Claude Lorent, Jean Marie Rikkers et dans l’aventure Fluxus, il concocte sa première l’actualité vénitienne : proche et future. Le recen- Daniel Vander Gucht dans le débat sur Venise . expo à Paris en 1975. A l’époque, Thierry Tillier sement de la Biennale d’architecture est pris en 14/15 “C’est à nous de découvrir ce à quoi on nous fait servir”, un texte de a 20 ans et se tourne vers le mail art. Attiré par compte par plusieurs intervenants, Luk Pierre-Bal Blanc sur l’actualité contemporaine. l’assemblage d’images, il adopte par esprit de Lambrecht nous parle du Lion d’or décerné à famille, les codes et l’esprit fluxus. On peut dire Meg Stuart et Frédérique Van Leuven nous parle 15 Intervention de Colette Dubois dans le débat sur Venise. que Tillier est un radical pur et dur qui continue du Pavillon français avec l’intervention de Patrick 16 La crème glaçée. Louis Annecourt nous parle de son périple vénitien. par amour de l’art. Il fait partie de cette grande Bouchain. Le débat qui concerne le choix de deux 18 L’exposition d’Emilio Lopez Menchero à De Garage à Malines, un recense- masse d’artistes francophones qui continuent à artistes flamands, Harald Thys et Jos De Gruyter, ment de Colette Dubois. œuvrer dans l’art, sans marchands, sans soutiens, pour représenter l’alternance francophone au sans galeries ... Pavillon belge en 2019 occupe lui aussi une 19 Le Lion d’or 2018 décerné à Meg Stuart, un texte de Luk Lambrecht.. 20 Ils sont nombreux mais restent totalement invi- grande place dans nos colonnes. La ministre de la “Silicon Brain. Expo de Jan Fabre à la Fondation Maeght, un texte de sibles pour tout un pan de décideurs culturels du Culture Alda Greoli a bien voulu répondre à nos Véronique Bergen. nord mais aussi, c’est plus grave, de décideurs du questions ainsi qu’une série d’intervenants, direc- 21 Expo de Florence Louise Petetin à Liège, un texte de Judith Kazmierczak. sud du pays qui pensent que la Wallonie est un teurs de musées, galeristes et collectionneurs. Expo de Charles Mansion à la galerie Bouche à Paris par Jeanpascal Février. vaste désert culturel et qu’il n’y a pas d’artistes Eric Van Hove, artiste soumissionnaire d’un de talents. projet, nous relate ses difficultés relatives à la 22 Flux d’images. Projet de Vincen Beeckman, texte d’Annabelle Dupret. 23 Mais qui a dit que les artistes wallons n’existent nature complexe d’une procédure administrative Claude Léveque à Marseille, un texte de Michel Voiturier. Theâtre de Liège, pas ? D'où vient cette phrase ? Il semblerait que ce contraignante. Annabelle Dupret nous parle du “Cocon” de Dominique Roodthooft, par Judith Kazmierczak. soit Jan Hoet qui ait sorti cette citation. J’ai eu très beau projet photographique de Vincen 24 Expo de Dieter Roelstraete à la Fondazione Prada par Yoann Van Parys. beau chercher dans mes archives, je n’ai point Beeckman : porter à Venise Claude et Lili, une trouvé d’entretien qui en faisait mention. J’ai famille montoise qu’il a suivi durant de longs 25 Expo collective à l’Ikob, un ercensement de Romain Masquelier. juste retrouvé ses commentaires dans le Flux 48 mois. Un projet défendu par Dirk Snauwaert, qui Measurement, interview de Christophe Veys par Colette Dubois. quand je lui posais la question de savoir pourquoi n’a pas été retenu par le jury. Placer l’humain au 26 Le MUDAM au carrefour des arts et des sciences par Michel Voiturier. il préférait Charlier à Lizène. Il m’avait répondu centre de la circulation d’images n’est probable- 27 Résidence de Sandra Ancelot à la Non Maison par Ludovic Demarche. que pour lui, il y avait deux sortes d’artistes ment pas un sujet gagnant aujourd’hui... 28 La chronique d’Aldo Guillaume Turin sur Hiroshi Sugimoto, Chris Marker, wallons : les franco latins, parmi ceux-ci on re- Véronique Bergen nous rappelle avec justesse trouvait Jacques Lizène et Lennep et puis il y qu’il faut absolument cesser de réouvrir le livre Pierre Tal Coat. avait les franco germaniques avec Jacques de Mai 68 afin de continuer à l’écrire au présent. 30 Expo de Gerard Bérréby à l’Hôpital Notre-Dame à la Rose, texte de Michel Voiturier. Histoire d’un rituel à Montauban-Buzenol ces artistes prenaient place sur tout le bale pratiqué jadis dans le sud de vie devant elle à Montauban si per- site de Montauban depuis la maison de l’Afrique. Ce nom fait référence à des sonne ne se décidait à la retirer... la forge jusqu’au musée lapidaire situé cornes magiques censées apporter ri- sur une butte surplombant la vallée. chesse et puissance à leurs proprié- Lenaka a été créée pour le lieu et Tantôt fragiles, tantôt robustes, elles taires ainsi que guérir certaines procède d’une résonance toute particu- utilisent les spécificités historiques ou maladies. Ces cornes évidées de lière avec celui-ci. Intégrée dans cet naturelles du lieu pour donner à cer- chèvres servaient à contenir une endroit très particulier, l’œuvre répond taines parties un nouveau sens, une bouille faite de peau et de graisse au contexte naturel et historique de seconde nature… humaine mélangées à diverses plantes. Montauban par ses matériaux, sa signi- Le rite en lui-même consistait donc à fication et ses références rituelles. Elle Lenaka extraire ces parties du corps humain prend part au milieu naturel du site Dès l’approche du CACLB, une œuvre pour les cuire et les verser dans ces tout en répondant aux vestiges histo- attire tout particulièrement l’attention. cornes, dites Lenaka. riques. Des ruines qui deviennent le Se confondant dans un premier temps Pour créer cette œuvre, l’artiste s’est cadre d’un centre d’art, des bois morts avec les ruines de l’ancienne forge, un adonné à une pratique de plusieurs se- qui deviennent une sculpture, c’est entrelac de branches et de bois, sorte maines, récoltant des bois morts à l’histoire de la seconde nature… « Lenaka », sculpture de Samuel D’Ippolito de fossile d’habitat d’une civilisation travers toute la région pour les mettre disparue jadis, apparaît rapidement aux bout à bout et créer « une structure, Thibaut Wauthion yeux du visiteur. Créée à l’aide de une espèce de vortex initiatique et as- Dans le fond d’une vallée, de part et Cet été, le Centre d’Art Contemporain larges tronçons de bois morts, cette pirant » selon ses propres termes. Site de Montauban-Buzenol d’autre d’un cours d’eau, des ruines du Luxembourg belge (CACLB) y ac- œuvre de Samuel D’Ippolito domine Lenaka symbolise les échanges et les Rue de Montauban et d’anciens vestiges préindustriels cueillait l’exposition « Seconde une vaste partie du terrain à côté des expériences avec autrui dont chaque B-6743 BUZENOL (ETALLE) côtoient et accueillent de façon régu- nature » qui invitait 7 artistes à investir ruines et du cours d’eau. Formée d’ou- personne se nourrit pour se construire lière les œuvres d’artistes désireux ce lieu : Samuel D’Ippolito, Benoît vertures de toutes tailles et de toutes et pour évoluer. dialoguer avec ce site, riche d’une Félix, François Génot, Claudie formes, elle fait écho au parcours de histoire de plusieurs siècles, et avec Hunzinger, Thomas Loyatho, Philippe l’artiste qui s’ouvre toujours davantage Intégration durable ? la nature qui l’entoure et qui la re- Luyten et Jean-Georges Massart. sur ses passions et ses besoins artis- Depuis plusieurs mois, en arrivant au conquiert petit à petit. Art, nature et Jouant de discrétion ou à l’inverse tiques. CALCB à Montauban, tout visiteur histoire se rencontrent à travers le d’une monumentalité se confrontant L’œuvre en question porte le titre de peut apprécier cette œuvre de Samuel site de Montauban. aux ruines historiques, les œuvres de « Lenaka », mystérieux rituel canni- D’Ippolito qui a sans doute une longue
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« La couleur manifeste » ou quand elle revendique Bernard Bernard Villers Villers expose expose au au Botanique, Botanique :vue vueexpo expode©l’expo © Kris Mouchaers Kris Mouchaers une place de choix Donner à lire la Du 13 septembre au 28 octobre, leur (huile ou acrylique essentielle- couleur, à voir l’artiste plasticien Bernard Villers ment) intègre le support et le révèle explore les potentialités de la couleur dans son environnement. dans une exposition présentée au Si l’oeuvre possède un côté minima- les mots Botanique à Bruxelles. liste, qu’on pourrait à priori trouver classique ou revu, les trucs et astuces Sous le commissariat de Cécile Van- dont use l’artiste pour l’animer et la dernoot et Daniel Dutrieux, l’exposi- faculté de ce dernier a exprimer une « Donner à lire la couleur, à voir les tion rassemble des oeuvres d’époques idée intelligente simplement en font un mots », cette citation de Bernard variées, associées selon leurs affinités. ensemble original. Villers traduit le lien étroit qui existe dans un parcours libre non chronolo- Sur les tables, au murs, au sol ou dans entre peinture et livre dans son œuvre. gique. En parallèle, les éditions « La les airs, les oeuvres de l’atelier reflè- lettre volée » publie un ouvrage consa- tent une recherche construite et Deux pratiques presque indissociables cré au travail de l’artiste sous le titre « constante, avec cette idée du work in tant les préoccupations de l’une rejoi- Voyons voir ». progress liée à tout type de démarche gnent celles de l’autre, et ce même si A l’occasion de cette exposition immi- obsessionnel. La couleur est ici pré- elles sont apparues à des moments dif- nente, j’ai pu rencontrer l’artiste dans texte au jeu, au questionnement, au férents chez l’artiste. Peinture et livre son atelier. développement de l’imaginaire . se nourrissent mutuellement autour des Peintre et éditeur bruxellois né en Un pli qui fait naître deux couleurs questions de perception et d’expé- 1939, Bernard Villers est diplômé de d’un monochrome, un disque de rience de la matière et de la couleur. l’école nationale supérieure des arts lumière blanche côtoyant un disque Peu importe l’étendue des formes que visuels de La Cambre (section peinture noir peint ou encore un support troué prend le travail… monumentale, dirigée par Paul Del- dont la couleur fluo posée au verso se vaux puis Jo Delahaut). Il développe réfléchit vers un mur blanc, les L’espace « livre » est devenu un des également une activité d’éditeur à tra- exemples d’oeuvres ou l’artiste terrains de jeu de Bernard Villers qui vers les éditions du Remorqueur. explore le côté ludique et poétique de crée, successivement, les éditions « Le Depuis de nombreuses années, il la couleur sont nombreux. Remorqueur » (1976), « Le Nouveau conçoit une oeuvre plastique singulière Si les effets visuels retiennent l’atten- Remorqueur » (2003) et « Le Dernier centrée sur la couleur et les supports tion de l’artiste, l’intérêt spécifique Remorqueur » (2016). Non sans une variés qu’elle peut couvrir. Sujet pour les contrastes se révèle sous des certaine économie de moyens, l’artiste même de son travail (il confirme qu’il formes diverses, soulignant le côté développe son travail à travers plus de ne dessine pas mais qu’il remplit des incertain ou volontairement imparfait 150 livres, parus sous des formats surfaces), la couleur et ses potentialités de l’oeuvre, investissant les lignes de divers (dépliant, leporello, livre). A sont déclinées à travers de multiples failles. Une oeuvre rectangulaire bico- partir de formes simples et de couleurs processus (association, réflexion, lore, composée de deux planches en aplat, il questionne tout de cet contraste notamment) rendant compte peintes coupées maladroitement et espace particulier. Le pli, la transpa- de la nécessité de la démarche de réassemblées, illustre bien cet aspect. rence du papier, l’impression des cou- l’artiste. Si la couleur est fondamen- La ligne de rupture chaotique contraste leurs et des lettres, le vide et le plein tale, elle prend vie en résonnant avec ici singulièrement avec l’aspect régu- qui s’installent sur la page, tout parti- le support utilisé, la lumière, l’environ- lier de la forme géométrique. On cipe de la plasticité de ce médium et de la page (Simultané, Successif, nement global ou encore le point de retrouve cette idée dans des oeuvres donne lieu à un nouveau langage. 2002). Ou encore pour que le papier efface petit à petit une phrase pour en vue du spectateur. L’artiste s’amuse et conçues à partir de grandes feuilles nous amuse en révélant la part de blanches déchirées et recollée par Mais si cet espace est terrain de jeu révéler une autre (Cristal, 2012). magie de phénomènes quotidiens à l’arrière avec du scotch orange. pour l’artiste, il l’est aussi pour le priori banals, tels que des ombres ou A travers son oeuvre, l’artiste interroge lecteur. Car un livre d’artiste est avant Le rapport que le lecteur entretient des reflets. aussi les couleurs dans leurs fonde- tout une expérience qui se veut intime avec les œuvres imprimées de Bernard Au fil de la visite, une toile que Ber- ments, leurs matérialités .Elles réson- entre l’objet en soi et lui. Une expé- Villers trouve une correspondance nard Villers excelle sobrement à tisser nent dans des compositions mouvantes rience qui l’emmène dans un univers dans la manière dont le spectateur relie cet ensemble de travaux sur la faites d’ éléments colorés prenant des non seulement visuel mais aussi phy- observe ses peintures et installations. couleur. La sensation d’une oeuvre formes aussi diverses que des cageots, sique, sensiblement vécu par le lecteur. Là aussi, le visiteur doit prendre le unique et maitrisée, quoique parfois des cartes de fonction ou encore des Les livres de Bernard Villers ne déroge temps de se laisser émerger par les volontairement bancale, apparait. Ani- rectangles de bois du format d’un livre. pas à la règle. Et si par nature ils ne se jeux d’ombre, de réflexion, de cou- En février dernier Bernard Villers exposait au mée par une logique certaine, l’oeuvre Ce travail, qui évoque à l’évidence la découvrent jamais d’un seul regard, Comptoir du Livre à Liège. Une occasion leurs. L’acte de voir et celui de lire re- pour le visiteur de découvrir un des terrains se révèle contrastée à bien des points palette du peintre et sa gamme de ton chez l’artiste, les manipuler prend une lèvent d’une même expérience, se de jeu privilégié de l’artiste: L’espace livre. de vue, et si elle fonctionne souvent à est tout a fait révélateur de la passion toute autre dimension. Il faut douce- mêlant l’un à l’autre. Il ne peut en être Un espace de liberté extaordinaire ou le coté l’économie de moyen ce n’est que de l’artiste pour son sujet. ment se laisser imprégner par le geste autrement quand on donne à lire la espiègle de l’artiste nous piège à chaque bout pour être plus percutante. Cette courte visite dans l’atelier de et observer lentement pour que se dé- couleur et à voir les mots. de champ. A travers des jeux de regards nous voilent les jeux de transparence, de Toujours à l’affut de formes sortant de Bernard Villers révèle un artiste vrai, devenions, à notre tour, l’acteur principal lignes, de contrastes, de plis. Pour l’ordinaire et répondant à ses attentes, plongé dans un travail personnel et l’artiste utilise une grande variété de entêtant, ou la couleur est au centre du Céline Eloy d’un processus créatif en devenir. qu’une ligne puisse s’incliner légère- L.P. supports et collecte des objets du quo- propos et ou la magie opère. Vous ment vers le bas au fil des pages (Pente expo Bernard Villers tidien pour leurs qualités formelles. avez jusqu’au 28 octobre pour vous douce, 1979). Pour que des zones Botanique, jusqu’au 28/10 Que ce soit sur du papier, des mor- faire votre idée au Botanique. blanches se remplissent de zones colo- ceaux de bois de formes diverses, des rées (Sexus, 2017). Pour qu’un disque cageots ou des fonds de sièges, la cou- Sylvie Bacquelaine de couleur continue d’exister au-delà
Page 6 Réenchanter le métier d’architecte “Lieux infinis”, le pavillon français de la Biennale d’architecture de Venise changer les lois et « passer les murs ». Le paradoxe qui nous saisit ici est juste- ment cette présence forte de projets « off » au coeur même d’une institution aussi monumentale qu’est la Biennale de Venise. Si la ville se construit en marchant, une pensée sur l’architecture se construit ici en prenant le temps de regarder, de ten- ter de comprendre, de rencontrer et de participer à cette effervescence conti- nue. Le visiteur peut lui y découvrir d’autres façons d’habiter le monde. Pour ma part, j’ai quitté ces lieux avec une sensation d’enthousiasme et de bonheur. Pavillon français, vue de l’intérieur, © FVL Rendez-vous encore, le 1er octobre avec l’Académie de l’urbanisme urbain, les « L’homme habite, et ainsi il prend rencontre plus souvent en sciences 2-3 octobre avec « Barbara, laboratoire place parmi les humains. Pour cela, il sociales qu’en architecture : coopéra- autour de la programmation habitée », lui faut un lieu où inscrire son corps, tion, bienveillance, envie de faire, col- les 4-6 octobre avec « Stalker et Bien- sa subjectivité, son histoire, sa citoyen- lectif, pouvoir d’agir, espaces de liberté nale Urbana », les 11-13 octobre avec neté. et de gratuité, présence… Utopie ? Patrick Bouchain / la preuve par sept, et Habiter, c’est mettre de soi en un lieu, Peut-être, mais portée et concrétisée de enfin les 20-21 octobre avec « La ce qui est fort différent d’être logé. manière très pragmatique et rigoureuse Ferme du bonheur, le lido rural ». ce qui est déjà là, inventer un «brico- Pepe, celle dont on voudrait toujours S’il ne peut habiter, l’homme ne peut dans cette posture modeste qui est celle lage organisé». Il faut réutiliser des passer le portail cadenassé. Devenue « Ce qui compte n’est pas de vivre plus prendre place et cela s’appelle de nos nouveaux architectes : archi- matériaux. On ne prélève pas, on ne résidence d’artistes, elle accueille plu- longtemps mais de transmettre la vie. aujourd’hui l’exclusion. tecte-concierge, coordinateur de « ça », déverse pas. sieurs dizaines de participants depuis L’architecture devrait ressembler à L’aider à habiter, cela s’appelle lutter organisateur, gardien… Partout il faut l’ouverture et jusqu’à la fin de la Bien- cela : désir, alliance, tendresse, pas- contre l’exclusion » aménager des espaces hors-normes, Patrick Bouchain nous offre une lecture nale, dans un joyeux désordre bien sage... » 4. (Jean Furtos). parfois pollués, réutiliser les matériaux, inattendue de la plupart des demandes organisé. Cela sent bon le bois frais, des négocier constamment avec les autori- de bâtiments publics contemporains ; ils tentes poussent dans le jardin sauvage, Frédérique Van Leuven Jean Furtos n’est pas architecte, il est tés et assurer un travail de gouvernance émanent d’une plainte, d’une demande les hamacs sont immenses, les douches psychiatre, et s’intéresse à la matière la et d’écoute au quotidien, car vivre adressée aux candidats à l’élection, dont sont jeux de lumières, on y retrouve les Freespace, 16e édition de la Biennale plus difficile à traiter : la souffrance ensemble ne va pas de soi. on ne se donne pas la peine d’analyser habitants de nos « Lieux infinis ». d’architecture de Venise, jusqu’au 25 sociale. Il poursuit : « Il existe une pré- ce qu’elle recouvre. Qu’est-ce que la Radio Grenouille, FM 88.8 à Marseille, novembre 2018. carité qui ne crée pas de lien, mais de Construire un bâtiment est toujours un demande d’une piscine municipale ? capte les sons chaque jour. Ateliers, l’isolement, de la paranoïa, de la acte politique. Parcourir le site magni- Pour les uns, c’est montrer son corps expérimentations concrètes, workshops Furtos J. et Laval C., « L’individu mélancolie sociale, et que l’on observe fique du Grand-Hornu, ce joyau de 1 dénudé, pour d’autres prendre un verre, de construction, conférences et apéros post- moderne et sa souffrance dans un dans le climat international de la mon- l’architecture industrielle si vaste et tel- rencontrer des gens, se dépenser ou se mêlent les intervenants dont la SNCF contexte de précarité- Introduction à dialisation des flux d’argent, des biens lement clos, me laisse à chaque fois un détendre… Est-ce vraiment une piscine n’est pas le moindre. Séminaires de tra- une clinique de la disparition » in et des personnes, produisant des effets peu perplexe. Comment une construc- rectangulaire en béton, sans arbres ni vail entre les occupants des dix lieux Confrontations Psychiatriques n°39, très ressemblants en France, à Bamako tion voulue une cité ouvrière modèle fleurs, qui satisfera la demande ? Une sur les thématiques qui leur sont trans- 1998 ou en Australie » 1. peut-elle être aussi totalitaire ? Ne réponse close va toujours générer de versales : la précarité, la gouvernance serait-ce pas lié à son aspect total, Henri l’insatisfaction, et donc d’autres commune, le temporaire, l’horizonta- Ils sont décrits dans l’intéressant cata- Une même question habite autant les de Gorge ayant « tout » pensé pour 2 demandes… Et si on se mettait à analy- lité, le financement. logue « Lieux Infinis », Ed. Encore professionnels de la santé mentale que assurer la productivité de sa mine ? Une ser ce que recouvre la demande ? À Heureux. La Ferme du Bonheur (Nan- les architectes, celle de la dimension architecture peut-elle constituer le fer- l’heure où les thérapies brèves sont en C’est bien la démocratie qu’il s’agit terre), La Friche de la Belle de Mai politique de notre métier et des postures ment d’une révolution ? L’histoire nous pleine explosion et où la plainte qui enfin d’inventer. Ça ne va pas de soi. (Marseille), Les Ateliers Médicis (Cli- que nous y occupons, bien traduite par dit que les ouvriers, au cours d’une sourd à travers tout est celle de la soli- Les pionniers ce ce travail, Yvonne et chy-sous-Bois-Montfermeil), La le sous-titre de « Lieux infinis » : révolte en 1830, ont détruit sa maison et tude, d’un bonheur toujours insatisfait, Lucien Kroll, dont Patrick Bouchain a Grande Halle (Colombelles), L’Hôtel Construire des bâtiments ou des lieux ? les installations minières. La roue le propos est percutant. Et si on montré la rétrospective au Lieu Unique Pasteur (Rennes ), Le Centquatre tourne, les anciens sites industriels ne construisait ensemble, au fur et à à Nantes, les anciennes Biscuiteries LU (Paris), Le tri postal (Avignon), Les Ce questionnement est porté par trois sont ni vivants ni morts, fantômes fasci- mesure qu’on avance ? Si le secret était qu’il a réaménagées dans ce processus Grands Voisins (Paris), le 6B (Saint- commissaires, Nicola Delon, Julien nants dans le lointain ; des milliers justement le non fini ? Mais comment collectif qu’il soutient à travers tout, Denis) et La Convention (Auch) Choppin et Sébastien Heymard, d’hectares sont en friche, inutilisés, telle faire ? aiment à raconter la lutte au corps à membres du collectif d’architectes la ZAD de Notre Dame des Landes… corps, jamais gagnée, qu’il faut mener https://blogs.mediapart.fr/les-invites- « Encore heureux » ; ils se disent géné- 1600 hectares, c’est l’emprise foncière 3 Un vaporetto relie les deux espaces où avec les autorités pour défendre ce qui de-mediapart/blog/060418/comme-la- reux généralistes à la croisée des du projet d’Aéroport du Grand Ouest les questions se déploient. Le premier s’oppose à toutes les normes instituées zad-de-notre-dame-des-landes-defen- genres ; ils conçoivent des expositions, qui exige 150 millions d’Euros en com- est le pavillon français des Giardini. en architecture : refuser de donner une dons-dautres-manieres-d-habiter des jeux, des installations, des bâti- pensation de l’abandon du projet, et Rien de spectaculaire. Dix maquettes, maquette finie, accepter le processus ments. Ils organisent l’occupation de dans l’attente, la terre est abandonnée. chacune abritant une petite vidéo du qui veut qu’une œuvre ne se crée que Patrick Bouchain, Construire autre- lieux désaffectés, à récupérer, à trans- Comme le souligne Patrick Bouchain, 4 projet présenté, comment chacun s’est dans un cheminement à plusieurs qui ment, Actes Sud. former, réinvestis collectivement ; ce l’architecte dont s’inspirent directement construit et vit ; des mots qui font rêver ; remet sans cesse tout en question. Tenir sont dix d’entre eux2, aux quatre coins nos commissaires, voici des jeunes qui un cabinet de curiosités de 250 objets bon sur le fait qu’un projet, c’est juste- de France, qui nous occupent. Chacun occupent de manière douce une nature venus de ces différents lieux, suspendus ment ce qui n’est pas défini avant sa est une expérimentation singulière. qui va être abîmée. Ils la protègent. Ils comme des outils aux murs du pavillon, réalisation. Accepter l’éphémère. Chan- Dans l’ancien centre de tri postal d’Avi- érigent des constructions écologiques, telle la roue du tri postal qui permet ger la fonction d’un lieu, ou retourner à gnon, accueil de nuit de personnes SDF, ils réutilisent la matière sans polluer la l’élection par tirage au sort des son origine, comme il l’a fait avec Bar- réparation de vélos, court-métrages, terre, ils prouvent qu’ils peuvent vivre membres du bureau de l’association ou tabas dans les anciennes écuries royales artistes au travail et cantine. A l’Hôtel en autosuffisance, qu’une friche peut la clef imposante de l’Hôtel Pasteur qui de Versailles. Subir de manière heu- Pasteur de Rennes, l’ancienne faculté devenir un territoire nourricier… Et ils passe de main en main depuis 5 ans. reuse les différents modes d’appropria- des sciences (1/2 hectare de bâtiment), doivent partir parce qu’ils ne sont pas Création, ici aussi, d’un atlas mondial tion. Penser le coût de chaque chose. ateliers d’art et de sciences, sport, cours officiellement « agriculteurs », alors des lieux infinis constitué par les spec- Repenser certaines normes tout en res- de français pour réfugiés, thérapies de qu’ils font une autre agriculture, de bon tateurs. Le second espace est au Lido, pectant rigoureusement d’autres qui ont groupe, culture de champignons et sens, humaine ! Il co-signe à cette occa- grâce à l’opportunité saisie d’une colla- leur sens, les questionner. Utiliser « le entraînement de pompiers. Il y a La sion un texte collectif« Comme à la boration entre le collectif « Encore droit contre le droit » en allant lire le Ferme du Bonheur à côté de la Faculté ZAD de Notre-Dame-des-Landes, Heureux » et l’association vénitienne Code du Droit Rural et Forestier à de Nanterre, La Grande Halle à Colom- défendons d’autres manières d’habi- Biennale Urbana qui occupe des lieux Notre Dame des Landes pour prouver la belles, le Centquatre à Paris où l’on ter »3. Nos architectes affirment une désaffectés de Venise. Il est magique. légitimité des Zadistes à occuper le lieu, danse… Ce qui relie tous, ce sont des posture simple : les ressources mon- C’est l’ancienne caserne Guglielmo car il faut créer une jurisprudence pour mots, toujours traduits en actes, qu’on diales s’épuisent, il faut construire avec
Page 8 Comment redorer l’image de l’artiste francophone? Pour Jacques Lizène la réponse à cette question semble claire: “L’artiste wallon n’est pas à redorer, mais il doit être à dorer”. Après ce qui vient de se passer, la règle de la réciprocité s’impose. “Et pour les flamands la même chose” (en 2021). Peter Morrens en créant cette installation à La Boverie à Liège, n’avait pas imaginé que sa phrase aurait pu être si d’actualité... Plus de quatre pages de débat autour de la polémique soulevée par le choix de représenta- tion belge du Pavillon de Venise. Avec la réponse de la Ministre, nous avons voulu faire participer à ce débat des personnalités du monde de l’art. Nous vous invitons à découvrir leurs réponses qui vous permettront, nous l’ésperons, d’y voir plus clair. Interventions de : Alda Greoli (Ministre de la Culture) Pascale Viscardy (Attaché Administration) Jean Marie Rikkers (collectionneur) Daniel Van DerGucht (Edition La Lettre Volée BXL), Albert Baronian (Galeriste), Colette Dubois (journaliste), Michel Voiturier (journaliste), Eric Van Hove (artiste ), Denis Gielen (directeur MACs), Pierre Olivier Rollin (directeur BPS 22), Claude Lorent (journaliste), Philippe Van Cauteren (di- recteur SMAK) , Luk Lambrecht (directeur CC Strombeek), .... Pour cette édition 2019, le pavillon belge sera représenté par deux artistes flamands, Harald Thys et Jos De Gruyter, sous commissariat d’Anne-Claire Schmitz. Cette décision fait suite à un appel d’offres qui préconisait la coopération entre les deux communautés. Nous avons tenté de joindre les deux artistes pour qu’ils nous parlent de leur projet “Mondo Cane”. Ils préfèrent ne pas en parler pour le moment. La cotation du jury pour les lauréats a été rendue publique: 94/100. (Détail: 50/50 partie artistique, 20/20, scénographie, 16/20, Budget, 8/10 communication) . Le budget prévu est de 450.000 euros ( une hausse de 21 % par rapport aux 370000 euros en 2015). Face à cette nomination, une lettre ouverte rédigée par Catherine Mayeur et cosignée par une vingtaine de personnes était publiée dans "La Libre" et "De Morgen". Elle titrait "Les artistes francophones n’existent-ils pas ?". Dans cette lettre, signataires flamands confondus, personne n’a contesté le talent des deux artistes néerlandophones Harald Thys et Jos De Gruyter, mais plutôt les complications d’une procédure et l’invisibilité des artistes francophones qui seront exclus de Venise pour huit ans. Mur des Brasseurs. L’intervention à la craie de Peter Morrens dans le cadre de En Piste, à la Boverie 2018. © FluxNews Eric Van Hove: “ L’art qui entre au Pavillon ne devrait pas se retrouver coincé par des règles aussi étroites et impersonnelles.” Eric Van Hove, © FluxNews Eric Van Hove était un des 13 sou- « Splitzing » de 1971, impliquant plein-temps, une rémunération un moment clef de sa carrière ? accomplir quelque chose de poignant, missionnaires pour Venise. Nous lui d’emprunter 1000 livres à la KUL et minimum en cas de remise d’offres est Comme en cuisine, un ouvrage artis- et non se retrouver écrasé par la avons demandé quel était son res- 1000 livres à l’UCL afin de recompo- la moindre des choses à faire sans quoi tique a besoin de temps pour naître : contrainte comme un ouvrier à qui l’on senti par rapport à cette procédure ser ce moment-monument de l’histoire seuls ceux qui ont les moyens de obliger l’artiste choisi à réaliser ça en demande l’impossible tout en lui d’appel d’offres lancée pour sélec- nationale. Jeune artiste à l’époque, perdre ce temps-là peuvent soumettre si peu de temps c’est manquer de faisant sentir qu’en fait il a de la tionner l’artiste devant représenter seuls une centaine de gens au plus un dossier. Ou alors, se dire que vu le respect envers celui-ci et son travail. chance d’avoir un boulot. la Communauté française à la auront vu ce travail, et dans le cadre du peu de temps laissé à l’artiste pour re- Les instances culturelles du pays de- Biennale de Venise 2019. pavillon national j’étais séduit par le mettre offre puis pour l’implémenter vraient mettre tout en œuvre pour sou- J’avoue ne pas avoir compris pourquoi fait que cette œuvre était dépourvue une fois sélectionné (rappelons que les tenir l’artiste choisi pleinement, et cela la composition du jury était rendue pu- Eric Van Hove : Beaucoup de choses d’ego. La réponse du gouvernement a œuvres doivent être inédites) seuls un commence par lui donner le temps né- blique avant la sélection, car cela ont été dites ces derniers temps dans la été de dire que cette œuvre n’était pas certain type de travail et d’œuvres cessaire à mûrir une proposition, puis invite presque la manipulation et le co- presse belge à ce sujet. La chose que je « inédite » puisqu’elle avait été peuvent effectivement concourir : le temps nécessaire à une implémenta- pinage dans une communauté aussi retiens de cette expérience c’est la fai- montrée en 2010… J’ai proposé de re- l’appel et la sélection devraient se faire tion dans des conditions optimales. petite que le monde de l’art belge : blesse de l’institution nationale cultu- composer alternativement une autre dans les six mois qui suivent la der- voilà une bien mauvaise idée. J’avoue relle à comprendre ce dont l’art a section de cette bibliothèque d’un nière biennale, afin de donner le temps Par exemple, quand j’ai pris connais- ne pas avoir compris, pour les mêmes besoin, ce que cela veut dire que d’être million huit cent mille livres mais en aux professionnels invités à remettre sance de l’appel d’offres il me restait raisons, pourquoi la liste des soumis- artiste, et ce qu’implique la position où vain. S’entendre dire qu’un artefact offre, la possibilité de proposer et de six semaines pour proposer quelque sionnaires était ensuite rendue elle cet appel d’offres reléguait ces der- historique national était « déjà vu » et réaliser quelque chose de vraiment ma- chose de puissant et de juste, qui de aussi publique avant même que le jury niers. La procédure d’appel d’offres n’était pas assez « inédit » est aberrant. gistral. Quand je vois que le dossier plus devait pouvoir être mis en œuvre ne se réunisse, pour ensuite rendre pu- utilisée était infantilisante et empreinte d’un artiste comme Hans Op de Beeck en quelques mois. Comme la plupart blique les notes « scolaires » de de lâcheté. L’État a pourtant le loisir C’est cohérent avec l’appel d’offres a été refusé car il y manquait une des artistes ayant le niveau requis pour chacun ? de choisir sa procédure de sélection, et certes, mais c’est la preuve que ce annexe, on peut s’imaginer le pro- un tel dossier, j’avais déjà deux expo- L’État doit-il vraiment en rajouter une devrait le faire avec bienveillance et dernier manque cruellement de jugeote blème; même pour obtenir un visa sitions muséales personnelles prévues couche sur la jalousie, les ragots et les fermeté, mais en se donnant les et d’ambition : l’art qui entre au Schengen, l’appliquant a le droit de ra- en 2019, ce qui impliquait -en cas de commérages ? A part donner une am- moyens d’oser et de réussir quelque Pavillon ne devrait pas se retrouver jouter un complément de dossier si sélection- que je devais pouvoir « im- biance nocive et exacerber l’esprit de chose de grand. coincé par des règles aussi étroites et celui-ci s’avère incomplet pour une proviser » Venise dans un agenda déjà compétitivité -plutôt que l’esprit révo- La quantité de règles et d’impératifs impersonnelles. C’est le genre de raison ou une autre. très rempli… Au final, j’étais soulagé lutionnaire par exemple- je ne vois administratifs liés à cet appel, ce règles bêtes qui auront inspiré à de ne pas avoir été sélectionné car je vraiment pas ce que cela apporte à ce champ de mines, est en directe contra- Duchamp son urinoir, il y a un siècle. L’Etat a deux ans pour lancer cette savais que si j’étais pris j’aurais plongé processus de sélection, au contraire. diction avec la nature même du proces- Cet appel d’offres se voulait démocra- procédure de sélection, alors pourquoi ma femme et notre jeune fils dans une Il faut absolument refondre ce système sus artistique, avec sa raison d’être. tique mais en fait, la longue liste de attendre la dernière minute pour lancer année de tourmente et de stress intense de sélection en mettant en avant les Par exemple, la première œuvre à la- prérequis et le format même du dossier l’appel d’offres, ne laissant que deux qui risquait qui plus est de miner la valeurs belges, qui pourtant ne quelle j’ai pensé en voyant l’appel était et de la procédure à suivre, déformée mois pour proposer quelque chose de qualité des autres expositions prévues. manquent pas. une installation que j’avais proposée à par la peur du quand dira-t-on et le po- cohérent, pour ensuite annoncer les ré- Pourquoi tout ça ? À quoi bon ? Venise l’ISELP en 2010 au moment de la crise litiquement correct, mènent droit au sultats si tardivement, sachant que devrait être un moment sacré dans la politique nationale ces années-là : la contraire. Par exemple, dès qu’un celui qui est choisi devra tout à coup carrière d’un artiste, et ce dernier ou reconstitution d’un rayonnage de la bi- appel d’offres -comme c’est le cas ici- réaliser un travail immense en cette dernière devrait recevoir le bliothèque de Louvain d’avant le nécessite un à deux mois de travail quelques mois pour ce qui devrait être temps, le respect et l’aide nécessaire à
Biennale de Venise 2019 /Pavillon belge Débat d’idées Alda Greoli: «Chaque occupation du Pavillon continuera de se faire en lien avec une des deux Communautés.» FluxNews : Poursuivre une politique la scène artistique de la Communauté culturelle de coopération avec la française. C’est en tout cas mon point Flandre est un point fort dans votre de vue. politique culturelle mais ne pour- rions-nous pas imaginer le pavillon Au-delà de cet aspect, il convient de belge proposant en même temps des garder à l’esprit que la procédure mise artistes issus des deux communau- en place pour sélectionner le projet du tés? pavillon 2019 reposait sur l’objectif de retenir le projet artistiquement le Alda Greoli: Déterminer clairement et meilleur. Il revenait au jury, spécia- définitivement l’appartenance commu- lement constitué pour l’occasion par nautaire des artistes relève de la l’administration, d’analyser les projets mission impossible. Tout artiste domi- reçus (et jugés recevables) sous cet cilié ou résidant en Wallonie ou à angle. Comme dans tout concours et Bruxelles est éligible aux aides dispen- marché public, les candidats savent sées dans le cadre du décret relatif aux qu’ils peuvent gagner comme perdre. arts plastiques. Pour la Communauté Ce n’est pas parce qu’un projet n’est, française, un artiste est un artiste, en définitive, pas retenu dans le cadre quelle que soit son origine, sa langue, d’un concours que cela jette l’opprobre sa religion, etc. Ce raisonnement, sur l’ensemble du parcours de son valable dans le cadre de l’application porteur. De nombreux artistes de la du décret, l’est également dans le cadre Communauté française disposent d’une procédure de marché public. La d’une belle visibilité et sont reconnus Communauté française a envoyé ces tant au niveau national qu’internatio- Pavillon belge, © Piero Fabbri dernières années à Venise autant des nal. Le cas d’Edith Dekyndt, invitée à natifs de Liège ou de Bruxelles que des réaliser une œuvre au sein du pavillon artistes et commissaires d’origine es- central lors de la Biennale de Venise pagnole, française, grecque et oui… en 2017, démontre le phénomène. La abandonner la procédure de marché Sven Gatz (Open VLD) a décidé de et la Flandre respectivement en 2013 et flamande. Parmi les candidats cette nouvelle génération n’est pas en reste : public qui favorise l’artiste entre- ne plus faire en 2019 de pavillon off 2015, ont été laborieux. Le schéma qui année, on retrouvait aussi des artistes Xavier Mary, jeune artiste né en 1982 preneur, essentiellement doué pour à Venise pour la Flandre. Peut-on était habituellement observé évolue et d’origine française ou sud-africaine, à Liège, dispose déjà d’un beau par- réaliser des dossiers ? Cette procé- rêver et imaginer dans le futur un les collaborations se sont peu à peu par exemple. Et je m’en réjouis. Leur cours (y compris à l’étranger). dure privilégie l’administratif au pavillon off francophone subsidié renforcées. L’objectif à terme est bien- point commun ? Développer l’art en dépend du créatif. par la Flandre ? sûr que les deux communautés et leurs Communauté française ! Par ailleurs, la Si les artistes bruxellois existent, les artistes y trouvent leur compte en pro- Communauté flamande soutient éga- artistes wallons n’existent toujours C’est bien un jury d’experts qui a Pourquoi la Flandre subsidierait-elle, posant des installations dont la qualité lement des artistes vivant et travaillant pas. Il y a un grand problème de re- proposé les artistes mais sur base d’un dans le futur, un événement collatéral première sera d’être à la hauteur du à Bruxelles pour des raisons inhérentes présentation de l’artiste wallon au marché public. Sans connaître les francophone si elle-même a pris plateau international de la Biennale de à la construction institutionnelle de la niveau national et international. détails de la procédure française, rele- l’option de ne pas organiser un évé- Venise. Chaque occupation du Belgique. Comment gérer démocratiquement vons tout de même que celle-ci a nement « off » en 2019 ? Pavillon continuera de se faire en lien la représentation d’artistes wallons conduit nos voisins à désigner l’alba- avec une des deux Communautés mais Il en résulte que des artistes – le cas de dans le futur si des Francophones du nais Anri Sala (résidant à Berlin) pour La question est surtout de savoir si le sans que la qualité de l’auteur (outre sa Francis Alÿs (né à Anvers, ayant passé sud du pays ne sont pas repris dans la représenter en 2013. En tout état de pavillon de 2021 sera organisé par la résidence) et surtout, ses origines, soit une partie de son enfance dans le pa- le jury de sélection pour Venise ? cause, il apparaît, pour des raisons dé- Flandre sur base d’une dynamique si- un critère. C’est contraire-même à jottenland avant d’étudier l’architec- mocratiques évidentes, qu’une procé- milaire à celle adoptée par la l’idée que je me fais de l’expression ture à Tournai) – sont souvent Analyser la scène artistique de la dure de désignation, quelle que soit Communauté française. Sans préjuger artistique. considérés comme « relevant des deux Communauté française en termes son cadre et ses étapes, ne peut être li- de l’avenir et des futures décisions, je Communautés » car ils sont où ont été « d’artistes bruxellois » d’un côté et bellée de façon à désigner un projet sur peux, en tout cas, affirmer que les ré- Entretien réalisé par mail entre Alda soutenus, à plusieurs reprises, par « d’artistes wallons » de l’autre est non base des origines du ou des artistes. flexions émises de part et d’autre de la Greoli (Ministre de la Culture) et celles-ci. seulement réducteur mais également Opter pour une politique du « fait du frontière linguistique (et partagées Lino Polegato. contreproductif. Je m’explique. prince » serait tout autant dramatique entre les administrations respectives) Le cas du duo formé par Harald Thys et insatisfaisante à terme. Quant à la concernant les modalités d’organisa- et Jos De Gruyter illustre bien cette si- Bruxelles occupe une place importante procédure de marché public, elle n’est, tion d’une présence belge à Venise ont tuation. Certes nés en Flandre, les deux comme lieu de création contempo- ni plus ni moins, que le fruit de l’obli- beaucoup évolué ces dernières années. artistes vivent et travaillent à Bruxelles raine. Naturellement, les artistes ont gation légale de transparence et Les événements collatéraux, organisés depuis de nombreuses années. En tendance à s’y établir comme Paris est d’équité de traitement que la à Venise par la Communauté française 2017, ils ont notamment pris part à une un pôle d’attractivité pour nombre Communauté française se doit d’obser- exposition collective organisée à d’artistes dans d’autres disciplines. Le ver pour confier une somme aussi im- l’ISELP (un centre d’art bruxellois cas de Xavier Mary, cité à l’instant, portante à un lauréat pour concrétiser soutenu de longue date par la illustre ce propos. le projet de représentation pavillon- Pascale Viscardy (Administration) Communauté française). Comment, Ce phénomène ne fige pas pour autant naire. Rappelons, une nouvelle fois, dans une telle situation, ne pas les les artistes : ils bougent, exposent que la Communauté française a mis en considérer comme des artistes dispo- tantôt en Wallonie au MAC’S ou à place cette procédure à partir de 2015 sant d’un lien avec la Communauté Espace 251 Nord, tantôt à Bruxelles au en raison des recours au Conseil d’État F.N.: La sélection des membres du jury fait elle écho à l'idée qu’il fallait une française ? Wiels ou encore en Flandre et à intenté par un artiste déçu. Il s’agit coopération plus grande entre la communauté francophone et flamande? l’étranger. Ce déficit présumé de visi- d’une jurisprudence dont nous devons La sélection de deux artistes néer- bilité de l’artiste « wallon » est tenir compte. Pascale Viscardy: Le jury a été établi et proposé à la Ministre par landophones Harald Thys et Jos De d’autant plus difficile à comprendre Enfin, concernant la nature même de la l’Administration et validé par le cabinet. Compétence et expertise en matière d’art Gruyter est en soi une bonne chose, que les signataires de la carte blanche procédure qui favoriserait les artistes contemporain, connaissance de la scène artistique nationale et expérience à l’in- elle démontre la volonté d’ouverture de la Libre Belgique ont précisément « entrepreneurs coutumiers de la réali- ternational ont guidé nos choix. Il a été en outre composé avec le souci de la de la FWB mais elle fait in di rec - pour mission de valoriser les artistes sation de dossiers », il s’agit d’un faux variété des profils incluant la parité et différentes générations. tement penser que l’artiste franco- de la Communauté française en procès dans la mesure où le cahier de Nous avons également eu à cœur de faire en sorte que les responsables de musées phone n’existe pas ou n’est pas Belgique comme à l’étranger. De nom- charges était pédagogique et abor- et structures subventionnés par la FWB qui ont la dimension internationale puis- crédible au niveau d’une représenta- breuses institutions (situées en dable, accompagné d’un résumé expo- sent être en capacité de postuler ce qui n’a pas manqué dans le chef notamment de tion internationale. Dans ce cas de Wallonie) disposent de subventions sant clairement le cadre, les critères, la Denis Gielen (Mac’s/HORNU), Laurent Jacob (Espace 251 Nord/LIEGE) et figure, comment redorer l’image de pour accomplir cet objectif. Il ne faut composition du jury etc. Ce résumé Pierre-Olivier Rollin (BPS 22/CHARLEROI). l’artiste francophone ? pas tout réduire à Venise. avait été diffusé simultanément au cahier de charges. Par ailleurs, l’admi- Par ailleurs, je rappelle que les membres du jury sont connus depuis le lancement Vous l’aurez compris à la teneur de la La solution ? Le modèle français ne nistration se tenait à la disposition de du marché public et, jusqu’aujourd’hui, personne n’a eu à s’en plaindre. réponse formulée à la question précé- pourrait-il pas être pris en exemple ? tout soumissionnaire potentiel pour ré- Tout au contraire, on se réjouissait de la haute qualité de celui-ci. dente, le duo doit être considéré (en Un comité de spécialistes désigne un pondre aux questions. Je peux, en outre, témoigner que le jury n’a eu, en toute impartialité, qu’un seul fonction de critères objectifs et non artiste qui désigne lui-même son objectif : déterminer le meilleur projet pour le pavillon belge à Venise dans le discriminants) comme faisant partie de commissaire ? Ne faudrait-il pas Le ministre flamand de la Culture cadre circonscrit par le marché public.
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