Christine GARNIER Tuteur : Guy Aznar Créativité - Etudes de marché qualitatives : Clarification des rôles et métiers

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Christine GARNIER Tuteur : Guy Aznar Créativité - Etudes de marché qualitatives : Clarification des rôles et métiers
Christine GARNIER

            Tuteur : Guy Aznar

Créativité – Etudes de marché qualitatives :

     Clarification des rôles et métiers
Christine GARNIER Tuteur : Guy Aznar Créativité - Etudes de marché qualitatives : Clarification des rôles et métiers
SOMMAIRE

 I. Préambule : Introduction et objectifs

II. La « Créa » et le « Quali » : Proximité des deux métiers

   1. Définitions

   2. Le lien historique entre la « Créa » et le « Quali »

   3. La réponse au besoin d’adaptation

III. Clarification des rôles et métiers

   1. La finalité des deux métiers : Rappel

   2. Les points de jonction

   3. Focus sur l’utilisation des techniques projectives utilisées

   4. Les mutations observées… Des mutations signes de dérives ?

IV. Conclusions :

     Horizon 2010 : Interaction et crossfertilisation

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I.     Préambule : Introduction et objectifs

       Voilà 8 ans qu’au hasard d’une rencontre, j’ai découvert le métier de qualitativiste et

ai décidé de le faire mien. Je l’exerce aujourd’hui en Allemagne, dans un institut d’études

qualitatives pratiquant le « Quali projectif ».

Linguiste de formation, j’ai été fascinée par la puissance et la profondeur des techniques

utilisées pour mettre à jour les moteurs inconscients des consommateurs, ainsi que les

attirances et répulsions de ces derniers pour les objets débattus. Je découvris les techniques

projectives… S’éloigner du Réel permettait donc de s’en approcher, de mieux le comprendre.

Ces techniques, en évitant la confrontation directe avec les objets de l’étude de marché

qualitative, ouvrent une brèche dans l’Imaginaire et créent ainsi un espace de liberté

d’expression en brisant le discours social.

Au détour d’une autre rencontre fortuite, c’est l’univers de la Créativité qui s’est ouvert à

moi. Au-delà du brainstorming un peu galvaudé, j’ai vu qu’il existait des processus et

techniques adaptés pour faire émerger les idées. A nouveau, le déplacement vers

l’Imaginaire, l’éloignement de la Réalité, la projection, étaient la clef. En « Créa », comme en

« Quali » (comme on les appelle familièrement), on utilise les mêmes techniques pour faire

jaillir du contenu. Un point de convergence évident qui m’a poussé à vouloir comprendre ce

qui lie ces deux métiers.

Au-delà de ma propre expérience, j’ai pu remarquer que les notions et les métiers de « Créa »

et de « Quali » sont souvent rapprochés. D’ailleurs, je rencontrais souvent des personnes

exerçant les deux métiers, jonglant avec leurs casquettes et j’allais suivre le même chemin.

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Cependant, les frontières entre la « Créa » et le « Quali » au niveau de leurs définitions

officielles sont claires. Les rôles respectifs du consultant en créativité et celui du

qualitativiste dans les études de marché aussi. Il demeure toutefois « un flou artistique » qui

vient brouiller les contours de ces métiers.

Ce travail a pour objectif de donner les contours de ces métiers, de comprendre les raisons et

la nature de leur rapprochement et de voir comment envisager une cohabitation enrichissante

des deux métiers au service de l’innovation.

La clarification des métiers, ainsi que la redéfinition de leurs contours s’imposent, afin qu’ils

ne perdent pas en sens à force de vulgarisation. Pour cela, il faudra s’attarder sur ce qui les

rapproche et faire émerger les points de jonction. De la comparaison jaillira la singularité des

deux approches, notamment dans l’usage qu’elles font des techniques projectives.

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II.        La « Créa » et le « Quali » : Proximité des deux métiers

           1. Définitions

           Les notions de « Créa » et de « Quali » sont intimement liées. Un rappel des

définitions officielles permet de recontextualiser ces notions.

           o « La Créativité » :

           La Créativité est une aptitude personnelle : « La créativité se définit comme un

ensemble de prédispositions du caractère et de l'esprit qui peuvent se cultiver et que l'on

trouve sinon chez tous du moins chez beaucoup » (Anzieu).

Aujourd’hui, les scientifiques s’accordent sur la définition consensuelle suivante : « La

créativité est la capacité à réaliser une production qui soit à la fois nouvelle et adaptée au

contexte dans lequel elle se manifeste. »1

La « Créativité » en tant qu’aptitude peut être innée, comme de nombreux génies inventeurs

l’ont prouvé. Mais la « Créativité » peut aussi être renforcée et impulsée par une multitude de

techniques dites créatives qui, intégrées dans un processus de génération d’idées, permettent

de systématiser la production d’idées. La « Créativité » est donc un mode de production du

Nouveau.

Aujourd’hui, le terme de « Créativité » dans son utilisation courante, renvoie toujours à cette

capacité. On parle alors d’une personne créative – on en a même fait un nom, « le créatif »,

pour désigner certains professionnels concepteurs, chargés de créer du Nouveau, notamment

dans le domaine de la publicité.

1
    Todd LUBART (2005), Psychologie de la créativité – p.10

                                                                                                        -5-
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Le mot « Créativité » est aussi souvent employé pour parler de « génération d’idées ». « Faire

de la Créa », c’est œuvrer à la production d’idées nouvelles dans le cadre d’un processus de

génération d’idées. Cet emploi est en lien avec l’apparition du métier de consultant en

créativité. Il est chargé d’encadrer et d’accompagner un processus de génération d’idées. Ce

processus comprend la formulation d’un défi créatif, l’organisation et l’animation d’une

session de génération d’idées, ainsi que la mise en forme et la présentation au client des idées

les plus saillantes. C’est ce métier de consultant en créativité qui nous intéresse dans le cadre

de ce travail.

        o « Le Quali » :

        Une définition généraliste et non différenciée du « Quali » nous est offerte par F.

Frisch : « Les études qualitatives consistent à écouter de manière approfondie un petit

nombre de personnes afin de comprendre leur manière de penser. [… ] Les études

qualitatives visent essentiellement la compréhension des logiques qui sous-tendent les

opinions d’un tel type de population sur un certain sujet. »2

Les études marketing qualitatives, soit le « Quali » comme on l’appelle familièrement, est

donc une approche méthodologique qui permet, dans sa conception classique, de mettre à

jour les actes et motivations des consommateurs : « ce qu’ils font, pensent et ressentent »3…

Cependant, il existe plusieurs écoles et façons d’appréhender le « Quali ». Dans les grandes

lignes, on distingue l’approche pragmatique anglo-saxonne, l’approche interprétative latine et

l’approche projective inspirée de la « Créa ».

2
 Françoise FRISCH (1999), les études qualitatives – p.6-7
3
 Georges GUELFAND (1999), Paroles d’images – les méthodes projectives appliquées aux études marketing –
p.1-2

                                                                                                     -6-
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-   Le « Quali » à l’anglo-saxonne « exclut de son champ tout ce qui n’est pas de

            l’ordre de la rationalité »4. Dans cette conception, les questions marketing sont

            posées, presque telles quelles au consommateur. L’analyse qualitative qui succède

            à la récolte des données demeure rationnelle. Elle restitue les actes, les

            comportements, ainsi que les pensées exprimés en mode discursif par les

            consommateurs rencontrés. Ce type de « Quali » a donné naissance aux études

            d’usages et attitudes, mais aussi aux tests de validation de nouveaux produits ou

            d’éléments constitutifs de leurs mix marketing, tels que le pack, le nom, la

            publicité...

            Cette approche privilégie le « focus group », groupe de consommateurs

            n’excédant pas une durée de deux heures et utilisant des techniques rationnelles de

            questionnement. Elle place l’animateur dans une posture de modérateur-

            questionneur (débats, échanges d’opinions) déroulant un guide semi-directif. Ce

            type de quali est souvent « standardisé » et moins cher car plus rapide. La

            créativité du qualitativiste et celle des participants n’est finalement que peu

            sollicitée.

        -   Le « Quali latin » lui, vise à détecter les moteurs inconscients des consommateurs.

            Il trouve son inspiration dans la psychologie analytique de Carl Rogers « qui avait

            théorisé l’attitude « non directive » dans les entretiens cliniques, ainsi que la

            notion d’empathie, d’écoute positive »5. S’intéressant au consommateur en tant

            qu’individu, le « Quali latin » préconise les entretiens individuels non directifs de

4
  Georges GUELFAND (1999), Paroles d’images – les méthodes projectives appliquées aux études marketing –
p.1-2
5
  Guy AZNAR, Lettres à Alphonsine – lettre 26 (les études de motivation projectives)

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longue durée, afin de faire émerger les contenus latents, non manifestes, qui seront

            ensuite interprétés par l’analyste psychologue de formation.

            Ce type de « Quali » permet de répondre au besoin marketing de typologies

            qualitatives. Par exemple, pour l’industrie automobile, les études de milieux, en

            analysant les systèmes de valeurs, ainsi que les modes et styles de vie de

            « tribus », ont révélé les facteurs d’adhésion à des marques et produits. Leur

            anticipation rendue possible, le développement de nouveaux produits et services

            devenait adapté et ciblé.

            Dans le cadre d’études d’image de marque, « l’inconscient collectif » peut lui

            aussi être exploré. On préfère alors l’approche en groupe long, et l’utilisation de

            techniques projectives.

        -   Le « Quali projectif » enfin, est l’approche la plus liée à la Créativité. C’est cette

            conception née dans les années 70 en France, qui colore le « Quali » que je

            pratique aujourd’hui. Elle « se fonde sur la capacité des consommateurs à

            exprimer les contenus de leur implication à l’égard d’un objet, la manière dont ils

            s’en approprient les qualités, à projeter leurs propriétés et à anticiper leurs

            effets »6 au moyen de la pensée projective. Cette conception a donné naissance aux

            études de motivations projectives. Elles visent la mise à jour et la compréhension

            des motivations des consommateurs et leur implication réelle face à un objet. Les

            techniques de questionnement utilisées sont masquées. Elles permettent de

            déplacer symboliquement, via la projection, l’objet de la discussion. Mobilisant

            l’Imaginaire, l’animateur a besoin de temps pour créer un climat permissif

6
 Georges GUELFAND (1999), Paroles d’images – les méthodes projectives appliquées aux études marketing –
p.1-2

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indispensable pour emmener les consommateurs à projeter. Il doit motiver et

           encourager les participants à prendre des risques et à s’autoriser d’associer

           librement. Au regard du « Quali classique », les groupes en « Quali projectif »,

           couramment appelés « workshops », sont proportionnellement longs, et a fortiori

           plus chers ; ils peuvent s’étendre sur une journée. L’animation est plus souple, le

           guide d’animation flexible, les questions posées ouvertes et l’analyse par

           conséquent longue et minutieuse.

       2. Le lien hisorique entre la « Créa » et le « Quali »

       A la question « d’où sortent les études de motivations inspirées de la

créativité ? » Guy Aznar répond : « Nous animions dans les années 1971, avec les

animateurs qui étaient à Synapse à l’époque, Aldo Nonis, Roland Guénoun, Georges

Guelfand, des séminaires de formation à la créativité […] Les participants, une fois levés

leurs réflexes conditionnés, une fois qu’on leur eusse donné la permission d’ouvrir les vannes

de leur imagination se mettaient souvent à partir dans des récits imaginaires étonnants […]

Ce n’était pas un évènement rare dû à un groupe particulier […] Nous avions à l’époque une

règle déontologique très stricte : « on n’analyse pas ». Notre ambition était, dans ce contexte

de formation, d’aider les participants à exercer leur imaginaire, à exprimer librement leurs

fantasmes individuels et collectifs, mais nous nous interdisions d’en analyser le contenu

comme aurait pu le faire un psychothérapeute. Ce qui nous intéressait c’était la démarche

pédagogique, mais analyser le contenu n’était pas notre propos […] Nous en faisions une

question de principe : analyser, c’était tabou. Et puis un jour, nous nous sommes interrogés

sur le fondement de cette règle. […] En sortant de séminaire […], l’un de nous a exprimé la

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réflexion que nous avions tous en tête : « Nom d’un chien ! tous ces rêves éveillés, quelle

merveille, c’est fou !, quel dommage qu’on n’analyse pas !... » […] Spontanément nous nous

sommes mis à utiliser une technique de créativité appelée « prendre à l’envers, considérer

l’opposé », en nous demandant : et si on analysait ? « Voyons, en formation nous recevons

des gens qui payent, et on n’analyse pas ce qu’ils disent ; cela donnerait quoi si on faisait

l’inverse, si on recevait des gens qui seraient payés par nous, et nous aurions pour projet

essentiel d’analyser ce qu’ils disent ? ». La méthode des études de motivations projectives

était née. »7

           3. La réponse au besoin d’adaptation

           Au-delà, le marché étant en constante évolution, le marketing et la recherche et

développement ont un devoir d’adaptation. Le consommateur impliqué devient, lentement

mais sûrement, un expert en marketing qui pense (devoir) contrôler sa consommation. En

réponse à ces évolutions, le « Quali » s’est adapté et a développé de nouvelles approches,

méthodes et techniques. Le groupe « quali interprétatif », basé sur le principe d’introspection,

a fait place au « groupe projectif de prospection », comme le remarque François Laurent :

« Au fil des années, la finalité des groupes s’est déplacée du simple diagnostic de l’existant à

la création et l’anticipation, en détournant la dynamique de son objectif facilitateur premier :

en mode introspectif, elle contribuait à lever les refoulements mineurs – notamment par

associations – et à faire surgir des données jusque-là cantonnées à un niveau inconscient ; en

mode prospectif, elle supprime les inhibitions des participants et stimule leur créativité,

également par associations. »8

7
    Guy AZNAR, Lettres à Alphonsine – lettre 26 (les études de motivation projectives)
8
    François LAURENT (2006), Marketing – Des études de marché au consumer insight (2ème édition) – p.75-76

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En travaillant en « prospective », le nouveau « Quali » – qui selon moi, se veut le plus créatif

– intègre des phases « alibi » de génération d’idées. « Alibi », parce qu’elles ne visent pas à

trouver LA bonne idée. En demandant aux consommateurs de concevoir et de se représenter

les formes possibles que pourraient prendre un nouveau produit, il pousse à transformer les

besoins en désirs. L’analyste qualitativiste devra, partant des idées générées, dégager des

plateformes de désidérata qui serviront de tremplin à une génération d’idées ultérieure.

Le passage de relais à la « Créa » s’impose alors…

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III.      Proximité des deux métiers :

                      1. Finalité des deux métiers : Rappel

          « La Créa » :

          En créativité, il s’agit donc de générer le changement. Il convient de répondre au

« comment faire pour… ? ». On parle alors de pensée créative : « Creative thinking is made

up of different attitudes, thinking skills and techniques, and thought processes that increase

the probability of pattern breaking and the creation of new connections in our brain. »9 Cela

implique une posture dynamique d’ouverture au changement de la part de tous les

participants. Le consultant animateur est là pour faciliter « l’accouchement des idées » par le

groupe. Les participants au groupe peuvent être choisis en fonction de « leur préférence de

pensée créative ». Pour cela des chercheurs à l’université de Buffalo (Chicago), dont Gerard

Puccio, ont développé le test FourSights qui permet de déterminer le penchant naturel pour

une des étapes du processus créatif (clarificateur, idéateur, développeur et réalisateur).

D’autres consultant en créativité, comme Mark Raison, préconisent la distinction entre les

« explorateurs » à l’aise en phase de divergence, et les « développeurs » qui préfèrent la

convergence. Déterminer les profils créatifs au sein du groupe, permet, en jouant sur les

interactions interhumaines, d’optimiser le développement d’idées, aussi bien en phase de

divergence (phase d’éloignement caractérisée par l’émergence des idées et leur formulation),

que de convergence (phase de retour au réel où les idées seront finalisées et sélectionnées).

9
    Igor BYTTEBIER & Ramon VULLINGS (2007), Creativity Today – p.24

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Schéma actantiel – groupe « Créa » de génération d’idées

                   Le client, « problem owner » :
                   il doit être concerné, engagé,
                       compétent et capable10

                                                                             Le groupe ressource
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                                     Animateur facilitateur :                de personnes
                                  il contribue à la cohésion du              d’horizons multiples
                                 groupe (ce moteur émotionnel                et misant idéalement
                                    indispensable) et l’aider à              sur l’hétérogénéité
                                     « accoucher » des idées                 des participants

            Le probléme,
       challenge créatif :
« Comment faire pour…? »

       En 1950, Guilford a fait l’hypothèse que la pensée créative requiert plusieurs

capacités intellectuelles, telles que la facilité à détecter les problèmes, les capacités d’analyse,

d’évaluation et de synthèse, ainsi que la fluidité et la flexibilité de la pensée permettant les

aller-retours du rationnel (la Réalité) vers l’irrationnel (l’Imaginaire). Ce postulat donna

naissance à une certaine chronologie inhérente à la pensée créative, puisqu’il implique un

processus créatif. Une session de créativité suit donc toujours une certaine chronologie.

                                                                                                 - 13 -
                                                       Créativité et Etudes de marché qualitatives :
                                                                    Clarification des rôles et métiers
Malgré les différents courants de pensée, tous s’accordent sur les moments clefs

suivants :

          -   La définition du « problème » ou plutôt du « challenge créatif »,

          -   La divergence : une phase d’errance pendant laquelle on s’éloigne du

              « problème » et on quitte le terrain sûr de la logique et du rationnel pour permettre

              l’émergence des idées,

          -   La convergence : une phase de redescente vers la réalité qui est dédiée au choix,

              au développement et à la mise en forme des idées.

          Illustration du processus créatif par Dennis Luijer10

10
     Igor BYTTEBIER & Ramon VULLINGS (2007), Creativity Today – p.128

                                                                                                  - 14 -
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                                                                     Clarification des rôles et métiers
« Le Quali » :

       Dans le « Quali » au service du marketing, il convient d’explorer une situation et

d’aider les consommateurs à exprimer les contenus de leur implication (usages, attitudes,

besoins, bénéfices attendus...), à l’égard d’un objet qui peut varier (une marque, un produit,

une catégorie de produit, un service…). In fine, le « Quali » pose les grandes questions du

« comment ? » et du « pourquoi ? ».

Il requiert une attitude passive d’écoute bienveillante du consultant animateur à l’égard du

groupe ou de l’individu interviewé. Ces derniers sont toujours recrutés en fonction de leur

mode de consommation (utilisateurs ou non, voire ex-utilisateurs d’une catégorie de produits

ou services, de produits spécifiques, de marques…) ou bien de leur profil sociographique

(« bobo », « yupis »… ). Pour cela, l’institut qualitativiste définira, en accord avec l’interface

annonceur, les profils à recruter et développera un questionnaire de recrutement permettant

de filtrer par téléphone les personnes à inviter.

Schéma actantiel – groupe « Quali »

                 Le client commanditaire
                de l’étude souvent rattaché
             au marketing ou bien à la R&D et
             relayé par un département études

                                                                            Le groupe de
                                                                            consommateurs,
                                                                            appelé aussi groupe
                                      Animateur analyste
                                                                            opinion. En principe
                                  qui doit pratiquer l’écoute
                                                                            recruté afin de
                                    active et bienveillante
                                                                            constituer un groupe
                                  à l’égard des interviewés.
                                                                            homogène (personnes
                                Une empathie essentielle pour
                                                                            ayant un profil de
                              les aider à exprimer des contenus
                                                                            consommation
                                    personnels avec vérité.
                                                                            similaire)

        L’objet de l’étude
    pouvant être très varié
     selon le type d’étude

                                                                                                - 15 -
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                                                                   Clarification des rôles et métiers
La trame de l’interview, communément appelée le guide d’animation, sera idéalement

réalisée en amont par le qualitativiste chargé de l’étude. Elle pourra être plus ou moins

développée, de nature directive, semi-directive ou ouverte en fonction du sujet de l’étude.

Afin de valider et contre valider les contenus récoltés (appelés couramment insights), mais

aussi pour faciliter l’analyse, le guide couplera aujourd’hui des méthodes rationnelles et des

méthodes projectives de questionnement.

                   2. Les points de jonction

       Bien que liés historiquement, la « Créa » et le « Quali » évoluent donc dans des

mondes parallèles et distincts. Cependant, on ne peut nier des points de jonction évidents. Les

dégager permet de comprendre pourquoi, aujourd’hui, certaines confusions entre les métiers

s’installent. Ces points de jonction s’avèrent à mes yeux être les suivants :

       1. Le rassemblement voulu de personnes pour faire avancer le monde de l’industrie

           et de l’innovation.

       2. La présence d’un animateur faisant office de catalysateur du groupe.

       3. La dimension humaine et de fait, le besoin de mettre les participants en confiance,

           de contribuer en tant qu’animateur à la cohésion du groupe.

       4. Le choix d’un lieu neutre pour cette rencontre.

       5. L’usage de techniques projectives, afin d’aider à l’expression pour le « Quali », à

           la création pour la « Créa ».

       6. Le ludisme des rencontres qui, parfois malheureusement, fait du tort aux deux

           métiers, car il les estampe de fantaisisme.

                                                                                                - 16 -
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                                                                   Clarification des rôles et métiers
Ces similarités ne sont cependant que des points de jonction, en aucun cas des points

de convergence. La « Créa » et le « Quali » conservent leur singularité et interviennent à des

moments bien distincts de l’accompagnement à l’innovation. Leurs fonctions restent

complémentaires et aucunement cannibalisantes.

       1. Certes, la « Créa » comme le « Quali » servent l’innovation. La « Créa » en

           accompagnant les industriels dans des processus d’innovation, le « Quali » en

           créant de l’insight consommateur, afin de mettre à jour des besoins à satisfaire –

           autant d’opportunités produits pour les industriels. Plus tard, les études

           qualitatives testeront ces innovations produits. Le « Quali » peut donc, soit

           précéder la « Créa », soit lui succéder.

           Dans les deux cas, pour ce faire, des personnes sont conviées à des « workshops »,

           à la différence que les consommateurs sont indemnisés pour leur participation et

           que normalement, les participants à une session de créativité ne le sont pas. En

           principe salariés de l’entreprise, ils participent aux sessions de génération d’idées

           pendant leur temps de travail. Il arrive toutefois que consommateurs et industriels

           soient mélangés au sein d’un groupe, ou bien que des « moteurs créa » (personnes

           externes à l’entreprise et ayant développées leur créativité) soient intégrées au

           groupe. Dans ce cas, « les externes à l’entreprise » touchent un dédommagement

           symbolique supposé motiver.

       2. Les deux types de workshops appellent la présence d’un animateur qui servira de

           catalysateur au groupe. La similitude s’arrête là, car les deux types d’animation

           requièrent des postures bien différentes ; les finalités de l’animation n’étant pas les

           mêmes.

                                                                                                - 17 -
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Julia Kalfon, dans « L’animation : quel rôle pour l’animateur », met à plat les

   différences entre l’animation d’un groupe de recherche d’idées et celle d’une table

   ronde de consommateurs. En « Quali », l’animateur doit recueillir de

   l’information, de « la matière la plus complète possible à analyser en vue de

   répondre à des objectifs »11. L’animateur « Créa », quant à lui, n’a « pas

   d’obligation de résultat sur le contenu, mais sur la production d’idées »11. Le

   qualitativiste est donc en posture de fermeture d’un sujet, alors que le consultant

   en créativité recherche l’ouverture. Une fois les groupes terminés, l’un analysera

   les contenus recoltés, alors que l’autre soumettra les idées, telles qu’elles ont été

   produites (parfois même uniquement sur post-its) au « problem owner ».

3. La dimension humaine, le moteur humain, sont la base de toute réunion visant

   l’expression. L’animateur doit mettre les participants en confiance et garantir la

   cohésion et la dynamique de groupe. En principe, en « Quali », les consommateurs

   ne se connaissent pas, c’est une des règles de base qui va permettre aux individus

   de s’exprimer librement. La table ronde est un huit clos éphémère : « tout ce qui

   s’y dit ne quitte pas la salle ». L’animateur doit former le groupe, afin que « la

   sauce prenne ». A l’inverse, en « Créa », les participants souvent se connaissent,

   ils doivent uniquement apprendre à produire ensemble des idées et surtout à

   oublier leurs fonctions et positions hiérachiques internes. L’animateur-facilitateur

   joue un rôle essentiel à ce niveau.

4. Dans les deux cas, « the state of the art » veut que les réunions se déroulent dans

   un lieu neutre afin d’autoriser le lâcher prise. Dans les études marketing, au-delà

   de la neutralité du lieu, des besoins logistiques s’ajoutent. Des salles ont

   spécialement été équipées de caméras et de microphones pour enregistrer la table

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ronde. Cette documentation est indispensable pour la retranscription exhaustive

   des contenus et pour l’analyse ultérieure du langage corporel. Une vitre sans teint

   ou bien un retour vidéo dans une salle clients, permettent aux équipes marketing et

   R&D, de suivre « en live » les réunions. Une pratique non sans travers,

   puisqu’elle suggère que les contenus exprimés par les consommateurs sont

   transparents, alors que souvent, travaillant en projectif, ils demandent à être

   analysés et interprétés, leur décodage n’étant pas immédiat.

   Au-delà, la réunion doit de plus en plus divertir son public. Certains instituts

   s’intéressent de ce fait aujourd’hui plus à la valeur divertissante des « exercices »

   pratiqués pour libérer l’expression, qu’à leur réelle pertinence.

   La neutralité du lieu en « Créa » s’avère essentielle – mais malheureusement trop

   souvent négligée pour des raisons économiques – car elle marque

   symboliquement la distanciation du problème, contribue à l’ouverture et place

   tous les participants au même niveau. Le choix du lieu n’est pas soumis au besoin

   de documentation, mais doit se faire dans un souci d’incarnation métaphorique de

   l’ouverture (importance de l’espace, présence de murs blancs à remplir d’idées,

   une vue invitant à l’errance, la possibilité de sortir pour partir en safari inspirant et

   stimulant…).

5. Comme nous l’avons vu dans la « Lettre à Alphonsine" de Guy Aznar, les

   techniques projectives utilisées autrefois en créativité (et en psychanalyse et

   psychologie clinique comme nous l’aborderons plus tard) ont été injectées dans le

   « Quali ». Les animateurs « Quali » et « Créa » utilisent donc les mêmes

   techniques, mais à des finalités différentes : L’un pour libérer l’expression de

                                                                                        - 19 -
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contenus latents, refoulés ou tout simplement difficilement verbalisables en

           contexte social, l’autre pour générer des idées et stimuler l’Imaginaire.

       6. En « Quali » comme en « Créa », la rencontre humaine fait naître la joie et le rire.

           Le lâcher prise est de mise, sinon aucune des techniques projectives ne pourra

           opérer. Dès lors, il arrive que les industriels considèrent les animateurs comme des

           fantasques, quand par exemple ils demandent aux participants de dessiner, de faire

           de la pâte à modeler… ou bien qu’ils utilisent des figurines ou se costument dans

           le cadre de jeux de rôles, pire, quand ils invitent les participants à s’allonger et les

           emmènent en voyage sur une planète…

           Qu’importe, au final, la richesse des contenus ainsi obtenus pour le « Quali »,

           ainsi que l’intérêt de la stimulation de l’imaginaire en « Créa », convainquent ;

           la confiance en nos compétences l’emporte.

                  3. Focus sur l’utilisation des techniques identiques

       Comme nous l’avons vu, un des points de jonction est l’utilisation de techniques

projectives. Le fait d’utiliser les mêmes méthodes dans des contextes différents (recherche

d’idées ou bien études de motivation), contribue à la confusion entre les métiers. Le terme

« technique projective » reste flou et sa définition mérite un approfondissement avant de

pouvoir comprendre les raisons et les modalités de leur usage en « Créa » et en « Quali ».

Alors d’où nous viennent les techniques projectives ?

       En psychanalyse, la projection désigne « un mécanisme inconscient par lequel le sujet

« déplace » sur autrui les craintes et les désirs qu’il ressent comme interdits et dont

                                                                                                - 20 -
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la représentation consciente serait pour lui chargée d’angoisse ou de culpabilité »12.

Il projette. Selon Freud, la projection qualifie le mécanisme de rejet à l’extérieur de soi de

choses qui se trouvent à l’intérieur de soi, mais qu’on refuse de reconnaître.

« Les méthodes projectives » ou « techniques projectives » nous viennent de la psychanalyse

et de la psychologie clinique. En confrontant un sujet à un stimulus extérieur à lui, faisant

office de surface de projection (images, dessins, figurines…), on lui permet d’exprimer

des contenus latents ou refoulés, ceci sans qu’il n’en ait conscience. La description de ce qu’il

voit n’est que projection de ce qu’il est, l’expression de son monde personnel. L’analyse

de son discours permet donc de mettre à jour les caractéristiques de sa personnalité.

           Il existe quatre grandes catégories de techniques projectives.

La plus connue est le test de la tache d’encre de Rorschach (1884-1922), psychiatre et

psychanalyste suisse.

                                                         Le sujet est convié à regarder une tache

                                                         d’encre et à dire ce qu’il voit. Il s’agit

                                                         d’une méthode constitutive puisque l’idée

                                                         est de donner du sens, de la structure

                                                         à un matériel stimulus abstrait non structuré.

Les méthodes constructives, quant à elles, initiées par le test « Mosaïque » de Margaret

Lowenfeld (1890-1973), chercheuse anglaise spécialisée en psychologie de l’enfance et en

psychothérapie, demandent au sujet de créer un Monde à l’aide de pièces ou figurines.

12
     Guy AZNAR, Reflexions études projectives (texte non publié)

                                                                                                        - 21 -
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Une construction qui n’est que la projection de sa personnalité, voire de sa perception

du monde.

Le T.A.T (thematic aperception test) de Muray (1893-

1988), psychologue et professeur à Havard, avec ses 31

planches, mettant en scène des personnages dans

un contexte ambigu, constitue une m é t h o d e

interprétative. Le sujet doit interpréter la situation et

narrer le scénario pressenti. Quelque part il s’identifie,

la situation le renvoie à lui et permet de faire jaillir

des affects inconscients.

Dans le même esprit, avec le test d’association de mots, Carl Gustav Jung (1875-1961),

médecin psychiatre et psychologue suisse, marque les débuts des méthodes projectives.

On demande au sujet d’associer librement sur un mot « inducteur » annoncé. Le présupposé

étant que, si le mot de départ a pour le sujet une valeur affective forte, ce dernier associera

un mot neutre, c’est-à-dire non évocateur, pour « neutraliser » l’affect réveillé. C’est ce que

Jung appelait « l’indicateur de complexe ».

En s’inspirant du processus de création artistique, les méthodes cathartiques, telles que

le psychodrame, comme le pratique René Bernèche, psychologue et spécialiste de

la créativité. Ces méthodes utilisent la production artistique pour révéler les affects refoulés.

Produire et confronter le sujet à sa production provoque des réactions affectives et

émotionnelles qui seront discutées et analysées avec ce dernier.

                                                                                               - 22 -
                                                     Créativité et Etudes de marché qualitatives :
                                                                  Clarification des rôles et métiers
Malgré ces différences, il s’agit bien toujours d’utiliser une surface de projection,

matérielle ou symbolique, afin de faire remonter à la surface des contenus inconscients (traits

de caractère, angoisses, traumatismes, déviances…) et de libérer leur expression.

           Le saut créatif, motivé par des raisons économiques et le désir d’innovation, aura été

d’adapter ces techniques pour les mettre au service de l’industrie : en « Créa », pour générer

des idées, et en « Quali », pour générer de l’insight consommateur.

Dans le cadre d’une utilisation clinique des méthodes projectives, la surface de projection

n’est qu’un support pour faire parler le sujet, et ainsi mettre à jour des traits de

sa personnalité. En « Créa » comme en « Quali » ces techniques sont libératrices,

elles permettent de faire « décoller » la génération d’idées ou d’insights.

Ce n’est pas anodin si Isabelle
                                               Feu                                        L’Air

Jacob, Guy Aznar et Mark
                                         TECHNIQUES D’ALTERATION,       TECHNIQUES PROJECTIVES
                                                                             ET ONIRIQUES
                                             DE CONCASSAGE ET
Raison, dans un modèle de
                                                 ALEATOIRE S

classification des techniques

créatives, ont choisi « l’air »

pour symboliser ces techniques !
                                         TECHNIQUES MATRICIELLES                TECHNIQUES
                                                                               ANALOGIQUES

                                            La Terre                                    L’Eau

           En « Créa », les techniques projectives constituent une sous-famille parmi la grande

famille des techniques dites créatives, utilisées en session de génération d’idées.

Les techniques projectives mobilisent l’Imaginaire, contribuent au lâcher prise et invitent à

l’errance. Elles interviennent uniquement en phase de divergence et marquent le détour

créatif.

                                                                                                  - 23 -
                                                       Créativité et Etudes de marché qualitatives :
                                                                    Clarification des rôles et métiers
Elles permettent de quitter les sentiers battus et autorisent ainsi la pensée créative. En allant

puiser dans l’Imaginaire et quelque part, en se nourrissant des inconscients producteurs,

ces techniques d’éloignement créent du matériau imaginaire qui stimulera la génération

d’idées. Il aurait peut-être été plus juste de les appeler « techniques stimulant la vision »,

« techniques d’expression de l’Imaginaire », voire « techniques « hallucinatoires »

d’éloignement » … car contrairement à leur utilisation en contexte clinique ou bien en

« Quali », la production ne sera jamais analysée ! Le support n’est que prétexte pour libérer

l’Imaginaire car en Créativité, comme le disait Einstein, « l’imagination est plus importante

que le savoir ».

        Dans les études qualitatives de motivation, le support proposé est toujours en lien

avec l’objet de l’étude. A l’inverse de l’usage clinique de ces techniques, on ne s’intéresse

donc pas à la personnalité du sujet, mais à sa perception et à son ressenti de l’objet.

« En gros, dans les tests projectifs, on teste des gens et non des supports, dans les groupes

projectifs on teste des supports et non des gens »13. Ce qui est dit sur le support nous

renseigne sur le lien du sujet avec l’objet.

Comme en « Créa », ces techniques mobilisent l’imagination des consommateurs.

Au-delà, elles « permettent que s’expriment leur envie, leur indifférence, ou leur répulsion à

l’encontre d’un objet, que celui-ci soit abstrait ou concret, qu’il soit service ou produit, qu’il

soit secteur ou marque »14 - elles génèrent donc de l’insight consommateur.

        Dans les deux cas, ces techniques ne sont que détour, afin de libérer l’expression.

 En « Quali », elles permettront aussi au consommateur, en lui donnant la possibilité de
13
  Guy AZNAR, Reflexions études projectives (texte non publié)
14
  Georges GUELFAND (1999), Paroles d’images – les méthodes projectives appliquées aux études marketing –
p.3

                                                                                                     - 24 -
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                                                                       Clarification des rôles et métiers
puiser dans un registre sémantique autre que celui de l’objet discuté, de verbaliser plus

facilement sa vision de cet objet et donc de gagner en richesse au niveau de l’information

récoltée.

       Par exemple, si l’objet de l’étude est une marque, demander aux consommateurs

« Quelles sont les valeurs de cette marque ? » ou bien « Quels sont les traits de caractère de

cette marque ? », c’est faire appel à sa capacité d’analyse. Lui donner, à l’inverse,

la consigne suivante « Nous allons faire prendre forme à cette marque et la considérer

comme une personne – Je vais vous demander de la décrire le plus précisément possible,

pour que nous puissions la visualiser dans cette pièce », puis ensuite emmener

le consommateur chez cette personne, pour continuer à approfondir la marque en projetant

son mode de vie et au final voir comment le consommateur parvient ou non à se connecter à

cette marque (« Comment vous sentez-vous dans ce lieu ? De quoi allez-vous parler avec

cette personne ? Qu’est-ce qu’elle va pouvoir vous apprendre, et vous qu’aimeriez-vous lui

apprendre ? ») permet d’avoir une vision globale et sensible de la marque. Le travail de

l’analyste sera ensuite d’en dégager l’image de marque ressentie : son Concept.

       Somme toute, il convient donc d’initier la considération sensible de l’objet par

le consommateur. Pour cela, il faut déplacer l’objet dans l’imaginaire via la pojection.

S’éloigner du concept, soit la réalité consciente de l’objet, permet au consommateur

d’exprimer la nature de son lien avec cet objet sur un mode sensible, non conceptuel.

La considération rationnelle, elle, renvoie au savoir, à l’appris.

Le schéma suivant, inspiré de René Bernèche permet de visualisé le cheminement de

la pensée projective.

                                                                                                - 25 -
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SENSATION
      En « Quali »,
                            « Je (res)sens le concept »
     les techniques
 projectives permettent
      l’expression
émotionnelle de la vison          PERCEPTION
de l’objet de l’étude par    « je perçois le concept »
  les consommateurs.
   En « Créa », elles
       permettent           IMAGERIE MENTALE
     l’éloignement           « je vois le concept »                 La redescente, la traduction
     fertilisateur en                                               des « paroles d’images » est
  génération d’idées.                                               le rôle de l’analyse en « Quali ».
                                                                    En « Créa », elle se fait en
                                                                    groupes par croisement qui
                                     CONCEPT                        donnent naissance aux idées
                                  (objet de l’étude)

Afin d’assurer le bon fonctionnement des techniques projectives, il est donc essentiel de

rester dans l’expression émotionnelle, « sensible» : le Ressenti (le haut du schéma de René

Bernèche).

       Seul un animateur formé est à même d’animer ces techniques. Il doit en effet

les maîtriser, connaître leurs forces et donc savoir ce qu’elles provoquent et libèrent comme

contenu. Il doit être averti des difficultés liées à la projection selon la technique utilisée,

afin d’aider et d’accompagner les participants. Une capacité à l’improvisation sera aussi

essentielle. Certaines techniques ne « prennent » pas avec certains groupes. Ces techniques

constitue son trousseau de clefs, il lui faudra à chaque fois trouver la bonne pour libérer

la parole.

       En « Quali », et en « Quali » uniquement, puisqu’en « Créa » l’analyse n’est pas

requise, l’animateur devra aussi être un bon analyste, car, en fonction des contenus

verbalisés, il devra relancer au bon moment, afin d’être certain d’avoir toutes les informations

                                                                                                   - 26 -
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nécessaires pour l’analyse qui succédera au groupe. Il guidera les participants dans

la projection pour trouver les « pépites d’or » requises à la fermeture de la problématique.

Afin d’être et de rester dans le ressenti tout en « fermant », les règles d’or de la bonne

animation de ces techniques en « Quali » sont les suivantes :

                     DOS                                            DON’TS
 o Croire en ses techniques pour parvenir à       o Ne jamais rationaliser pour ne pas
     les animer et avoir la force de projeter         redescendre au niveau conceptuel, cette
     les participants.                                descente, c’est le travail de l’analyse !
 o Les participants doivent être…
                                                  o La projection ne doit jamais avoir lieu
     •   entraînés en début de groupe à
                                                      après une approche rationnelle de
         associer, à parler en images,
                                                      l’objet.
     •   encouragés à lâcher prise et à
         exprimer leur ressenti.                  o La question « pourquoi ? », bien
                                                      qu’étant la finalité d’une étude
 o Il doit pratiquer l’écoute active, sembler
                                                      qualitative ne doit jamais être posée
     intéressé et demander aux participants
                                                      ainsi au consommateur : la question
     d’être le plus précis possible dans leur
                                                      marketing n’est pas celle que l’on pose
     description (par exemple, qu’est-ce qui
                                                      au consommateur !
     vous plaît exactement, en quoi cela vous
                                                      Au-delà, le « pourquoi ? » peut placer
     impressionne exactement ?...).
                                                      les consommateurs sur la défensive car
 o Aller au-delà de la description factuelle          il appelle à la justification de leur
     pour découvrir les émotions et ressentis         réponse, or, en « Quali », il n’y a pas de
     profonds qui lient le consommateur à             « vrai » ni de « faux », puisque tout est
     l’objet en l’aidant à les exprimer en            question de perception.
     images.
                                                  o Ne pas utiliser le paper-board en phase
 o Il ne devra jamais oublier en fin de               de projection, car écrire, c’est
     projection de projeter les                       rationaliser, contrôler la parole,
     consommateurs dans leur projection               empêcher aux images mentales de se
     afin de révéler leur attachement à               construire, casser le rythme « en roue
     l’objet.                                         libre ».

                                                                                               - 27 -
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o Détecter le mode d’expression le plus            o Ne pas travailler qu’en mode descriptif
    confortable pour les consommateurs en             et varier les techniques pour ne pas
    présence et adapter ses relances : il fera        fatiguer les participants et les pousser à
    donc attention aux indices sémantiques,           construire des stéréotypes. Faire donc
    tels que « je peux voir l’odeur de ce             preuve de flexibilité et de souplesse au
    parfum», qui indique un consommateur              niveau des techniques en s’adaptant à
    visuel, « je déteste ce parfum, il pue »,         son public, ceci aussi bien au niveau du
    signe de son émotionalité…                        choix des techniques que de la

o Il devra utiliser des tremplins                     formulation des consignes.

    d’imaginaires pour :
    •   rendre l’imaginaire réel et palpable,
    •   offrir une béquille au groupe à
        laquelle il peut se raccrocher.
    Par exemple : une blouse blanche quand
    il s’agit de se mettre dans la peau
    d’une pharmacienne…

Quid des règles d’or de l’animation des techniques projectives en « Créa » ?

        Elles sont bien moins nombreuses parce que la posture d’ouverture dans laquelle on

se situe n’appelle pas la maîtrise du contenu ! En revanche la clairvoyance voire la

persipicacité à reprendre le problème sous tous les angles est essentielle : oser reposer la

question initiale en cours de génération d’idées, avoir le courage de ne pas partir que dans la

production, s’assurer qu’on a bien posé le problème, envisager de l’aborder différemment…

RALENTIR, s’éloigner à nouveau et revenir.

Au-delà, l’animation doit emmener les participants le plus loin possible, les relances les

aider à « fouiller » l’Imaginaire : Le challenge étant souvent de parvenir à faire revenir

les participants dans la Réalité après une projection riche et plaisante.

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