Clou DFN (Distal Femoral Nail)

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Clou DFN (Distal Femoral Nail)

K.W. Wendt

Le clou DFN (Distal Femoral Nail) est un clou rétrograde verrouillable du
genou mis au point par l’AO. L’enclouage du fémur est connu de longue date.
Un certain nombre de points sont encore sujets à discussion à propos de son
utilisation :
   – l’alésage de la cavité médullaire ;
   – la position sur la table opératoire, chez des patients polytraumatisés graves
qui nécessitent une stabilisation intramédullaire du fémur, peut être source
de problèmes. L’usage d’une table d’extension, ou une intervention réalisée
en décubitus latéral peut provoquer des lésions aux hanches, à l’abdomen, au
thorax et au membre controlatéral.
   L’enclouage antérograde n’est pas possible pour les fractures très distales et
notamment intra-articulaires (33 A et 33 C de la classification AO). Ces lésions
peuvent toutefois être stabilisées par voie rétrograde intramédullaire : Le clou
DFN est une alternative à la lame-plaque, à la vis-plaque DCS (Dynamic
Condylar Screw) ou au système LISS (Less Invasive Stabilization System).
   Cette technique présente un certain nombre d’avantages :
   – intervention en décubitus dorsal ;
   – abord limité à une petite incision parapatellaire médiale. Celle-ci permet
ensuite un éventuel enclouage antérograde d’une fracture ipsilatérale du tibia.
La stabilisation d’une fracture du condyle ipsilatéral, à l’aide de vis canulées
par exemple, est également possible.
   La technique rétrograde a comme désavantages :
   – l’arthrotomie du genou, avec son risque d’arthrite ;
   – de créer en outre une lésion d’un diamètre de 13 mm, du cartilage de la
fosse intercondylaire qui participe de l’articulation fémoro-patellaire (fig. 1).

                                            Fig. 1 – Vue arthroscopique de l’abord du
                                            cartilage intercondylien.
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Implants
Le DFN est un clou en titane. Il existe en versions courte et longue, selon
trois diamètres pour chacun (fig. 2 a, b) : les clous de 9 et 10 mm sont pleins,
celui de 12 mm est canulé.

                                    a                b
Fig. 2 – a) Version longue du DFN. b) Version courte du DFN. Remarquez la vis hélicoïdale.

   Le clou court est disponible en longueurs de 160, 200 et 240 mm avec
deux possibilités de verrouillage statique proximal dans le plan frontal, latéro-
médial. Ce clou est notamment prévu pour le traitement des fractures dis-
tales du fémur, supra-, sus- et intercondyliennes (33A, 33C).
   Le clou long est disponible en longueurs de 300, 340, 380 et 420 mm.
Ce clou présente deux possibilités de verrouillage proximal :
   – statique en direction latéro-médiale ;
   – dynamique en direction antéro-postérieure.
   Le verrouillage se fait selon une technique free hand sous amplificateur de
brillance. Tous les clous peuvent être verrouillés distalement à deux niveaux
avec un viseur. En terrain ostéoporotique, une vis hélicoïdale de meilleure
tenue peut être utilisée pour le verrouillage.

Technique opératoire
Le patient est opéré en décubitus dorsal, genou fléchi à 30° (fig. 3).
L’articulation est ouverte par une petite incision parapatellaire médiale. Un
accès direct à travers le ligament patellaire est possible. Sous contrôle de l’am-
plificateur de brillance, une broche-guide est insérée dans l’axe du fémur (fig. 4)
Clou DFN (Distal Femoral Nail)              101

Fig. 3 – Position en décubitus dorsal.   Fig. 4 – Introduction de la broche-guide.

et la cavité médullaire est abordée par la partie ventrale de la fosse intercon-
dylaire à l’aide d’une mèche canulée de 13 mm. Le clou DFN est inséré à
l’aide du viseur, après que la fracture a été réduite. Il n’y a pas lieu de pro-
céder à un alésage, sauf pour la version canulée de 12 mm. Il est très impor-
tant d’orienter le clou exactement dans l’axe du fémur, afin d’éviter les cals
vicieux en valgus ou en varus. Pour les fractures très distales, on peut orienter
le clou en posant deux broches de Kirschner dans une direction antéro-pos-
térieure. Il faut insérer le clou assez profondément, pour éviter un conflit intra-
articulaire sur l’extrémité distale, susceptible d’entraîner des lésions de l’arti-
culation fémoro-patellaire et des
limitations fonctionnelles consé-
quentes.
    Le clou DFN long est verrouillé
au niveau proximal en direction
antéro-postérieure (fig. 5). Il existe
un risque de lésion artérielle
(a. fémorale profonde), ou nerveuse
(n. fémoral). Pour cette raison, le
clou doit être choisi le plus long
possible, afin que le verrouillage
proximal soit à la hauteur ou au-
dessus du petit trochanter. Ce
risque demeure néanmoins minime.
    En cas de fracture intra-articu-
laire distale du fémur, il faut recons-
truire la surface articulaire avant
l’insertion du clou. L’utilisation de
deux vis à spongieux de 6,5 mm Fig. 5 – Verrouillage proximal.
102     Fractures du genou

suffit souvent, en veillant à ce que leur position n’entre pas en conflit avec le
clou lors de son insertion. La tactique opératoire ne diffère pas de celle uti-
lisée pour les autres techniques d’ostéosynthèse, telle la lame-plaque ou la vis-
plaque DCS. Pour les fractures intra-articulaires simples, la réduction peut
être faite par la petite arthrotomie, les vis sont alors posées par des incisions
punctiformes. Pour les fractures du type AO 33C3, il faut recourir à une inci-
sion parapatellaire plus large.

Soins postopératoires
En principe, la technique ainsi décrite permet d’obtenir un montage stable,
qui permet, après quelques jours, de commencer la rééducation du genou.
Comme pour les autres techniques, la fracture intra-articulaire est mise en
décharge pendant 6 semaines. Une fracture diaphysaire avec une stabilité axiale
peut être mise charge plus tôt. En cas de retard de consolidation, le clou peut
être dynamisé.

Résultats
Dans notre service, entre novembre 1997 et mars 2001 inclus, nous avons
traité 50 fractures du fémur chez 47 patients par enclouage rétrograde. Nous
avons utilisé deux sortes de clou, le DFN et le ACE. Dans la plupart des cas,
il s’agissait d’un accident de la circulation (tableau I) : 12 femmes et
35 hommes, avec une moyenne d’âge de 37 ans (8 à 82 ans). Nous dénom-
brons 30 polytraumatisés graves (tableau II). Dans 15 cas, il s’agissait d’une
fracture isolée. Deux fractures pathologiques ont également été stabilisées par
voie rétrograde. Leur répartition selon la classification AO est indiquée au
tableau III. Quatre fractures étaient ouvertes.

        Voiture                                                  22
        Moto                                                      9
        Chute d’une hauteur importante                            6
        Vélo                                                      3
        Piéton                                                    2
        Autres                                                    5

Tableau I – Causes d’accident.

        Traumatisme du thorax                                     7
        Rupture hépatique                                         2
        Lésion du bassin                                          6
        Lésion de la colonne vertébrale                           4
        Fracture bilatérale des fémurs                            5
        Fracture de jambe                                        12
        Fracture du col de fémur ipsilatérale médiale             1

Tableau II – Les associations lésionnelles.
Clou DFN (Distal Femoral Nail)   103

        type 33A                                                    12
        type 33B                                                    22
        type 33C                                                    14

Tableau III – Leur répartition selon la classification AO.

Analyse des complications
Les cals vicieux sont détaillés au tableau IV.

                                         5-10 degrés            > 10 degrés
        Valgus                               –                      –
        Varus                                –                      1
        Antecurvatum                         1                      –
        Recurvatum                           5                      –

Tableau IV – Analyse des cals vicieux.

   Au titre de complications de la technique d’enclouage rétrograde du genou,
nous avons enregistré :
   – un décès peropératoire chez un homme âgé de 26 ans, lié à un choc irré-
versible et à un œdème pulmonaire ;
   – un décès postopératoire chez un homme âgé de 46 ans pour un trau-
matisme crânien avec lésion cérébrale ;
   – une réintervention pour une hémorragie d’une branche de l’artère fémo-
rale profonde, à hauteur du verrouillage proximal ;
   – un remplacement de clou à 8 mois chez un patient âgé de 23 ans, poly-
traumatisé, pour cause de rupture ;
   – un autre remplacement de clou chez une femme de 144 kg. Du fait de
la surcharge pondérale, le clou de 9 mm s’est courbé et a été remplacé par
un clou de 12 mm. À ce jour, la fracture n’est pas encore consolidée ;
   – un retard de consolidation à un an. Après dynamisation du clou, la frac-
ture a consolidé ;
   – quatre patients se sont plaints de douleur médiale, à la hauteur des vis
de verrouillage distales ;
   – une arthrite du genou chez un polytraumatisé, deux ans après l’opéra-
tion ; l’ablation du clou a permis la guérison de l’infection.
   Deux clous rétrogrades n’ont pas été insérés assez profondément. Les
patients se plaignaient de douleurs et de limitation de la flexion du genou.
Un clou fut enlevé après consolidation de la fracture et un clou fut inséré
plus profondément au cours d’une réintervention. Chez deux patients nous
avons mesuré une perte d’extension de 5 et 10 degrés, respectivement.
Chez le dernier patient, une patellectomie avait été réalisée du fait de
l’accident.
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Conclusion
Sur la base de notre expérience pratique dans un « trauma center », il nous
semble que la stabilisation rétrograde du fémur, notamment chez les patients
polytraumatisés, a des avantages certains. La grande adaptabilité du matériel
permet de traiter avec succès des situations extrêmement complexes (fig. 6
et 7). Toutefois, pour l’avenir, il importe de réévaluer le devenir du genou.

a                                     b                               c

Fig. 6 – Aspect radiographique d’une fracture étagée complexe du fémur associant des lésions
trochantérienne (a), médio-diaphysaire (b) et intercondylienne du genou (c). La stratégie opé-
ratoire fut : la restauration première de la surface articulaire du genou par des vis à spongieux ;
l’enclouage rétrograde diaphysaire du fémur et la stabilisation de la fracture intertrochanté-
rienne par une vis-plaque DHS.

a                                 b                                   c

Fig. 7 – Aspect radiographique après traitement du cas décrit à la fig. 6. a) De face, vissage
du genou. b) De profil, la restauration diaphysaire par l’enclouage. c) La hanche de face, DHS
pour la fracture intertrochantérienne et verrouillage proximal du clou.
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