CLUSTERS ET INDUSTRIES CRÉATIVES - Conclusions des actions de Wallonie Design dans le cadre de Wallonia European Creative District - AWT.be
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CLUSTERS ET
INDUSTRIES
CRÉATIVES
Conclusions des actions de Wallonie Design
dans le cadre de Wallonia European Creative Districtsommaire
1 Introduction
3 LES ACTIONS DE WALLONIE DESIGN ET
DE LA DGO6, À L’ATTENTION DES PÔLES
DE COMPÉTITIVITÉ
7 CLUSTERS D’INDUSTRIES CRÉATIVES
11 QUELS LIENS ENTRE LES CLUSTERS ET LES
INDUSTRIES CRÉATIVES ?
16 DES COLLABORATIONS FRUCTUEUSES
21 CONCLUSION
22 ANNEXES
Wallonia Creative District is a Preparatory
Action proposed by the European Parliament
and implemented through a Grant Traduction : Alalettre (www.alalettre.be)
Agreement by the European Commission’s Graphisme, mise en page : L’Atelier Graphique – David Cauwe (www.davidcauwe.be)
Directorate-General for Enterprise Impression : Agora Media (www.agoramedia.be)
and Industry. Septembre 2015CLUSTERS ET INDUSTRIES CRÉATIVES
CONCLUSIONS DES ACTIONS DE WALLONIE DESIGN DANS LE CADRE DE WALLONIA EUROPEAN CREATIVE DISTRICT
INTRODUCTION
LES INDUSTRIES CRÉATIVES
Toute entreprise peut être créative et développer sa créativité, mais certaines ont la créativité
comme outil principal, il s’agit des industries créatives. Elles représentent un secteur composé entre
autres du design, de l’audiovisuel, du numérique, des arts de la scène, de l’architecture, de l’édition,
de la mode, de la photographie, de la gastronomie, etc. On peut le concevoir comme un ensemble
de différents cercles concentriques. Le cercle central représenterait la partie des activités la plus
intrinsèquement liée au culturel et plus on s’éloignerait de ce centre, plus on s’approcherait de la
dimension plus industrielle des activités. On peut à ce titre parler d’industries culturelles et créatives.
Les industries culturelles occupent la place centrale et les créatives sont en périphérie. Toutes ces
activités sont imprégnées de créativité, mais la dimension culturelle imprègne davantage les activités
qui occupent le cœur et rayonne depuis le centre.
Les industries créatives peuvent représenter un réel atout dans la collaboration avec d’autres entre-
prises, quel que soit leur secteur. Elles sont un potentiel vecteur de transdisciplinarité, d’hybridation. C’est
d’ailleurs l’une de leurs caractéristiques mises en avant par le projet Wallonia European Creative District.
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Source « ESSnet-CULTURE.
European Statistical System Network on Culture.
Final Report », 2012, p. 48.
INTRODUCTION - 1WALLONIA EUROPEAN CREATIVE DISTRICT
Wallonia European Creative District est un projet mené par le Service Public de Wallonie/DGO6,
accompagné d’un consortium de partenaires wallons : ID Campus, St’art Invest, l’Agence Wallonne
du Numérique et Wallonie Design. Ensemble, ils ont conçu un programme d’actions en réponse à un
appel lancé par la Commission européenne en avril 2012, dans le cadre du programme Compétitivité
et Innovation (CIP). Le but de cet appel était de désigner deux régions qui deviendraient « démons-
trateurs à grande échelle » du développement d’un écosystème créatif pour l’innovation. La Toscane
et la Wallonie ont été sélectionnées. Le projet Wallonia European Creative District a vu le jour début
2013, grâce à un cofinancement de la Wallonie et de la Commission européenne, et prend fin en oc-
tobre 2015.
Wallonia European Creative District fait la part belle aux industries créatives dans son projet d’ac-
tions, en intégrant celles-ci dans une dynamique d’économie créative, valorisant leur potentiel en
tant que levier de différenciation et de développement économique.
La DGO6 (Service Public de Wallonie) est l’administration en charge de la politique économique et
d’innovation en Wallonie. Elle pilote plusieurs initiatives régionales comme le programme Creative
Wallonia et la politique de « clustering ». Elle est impliquée dans plusieurs plateformes européennes
comme la Smart Specialisation Strategy Platform et l’European Creative Industries Alliance. La DGO6
est à l’initiative du projet Wallonia European Creative District. Elle en est le lead partner.
L’asbl Wallonie Design est l’un des partenaires du projet Wallonia European Creative District. Doté
d’un département « industries créatives » depuis 2011, lors de son intégration dans le programme
Creative Wallonia, Wallonie Design est engagée dans une dynamique d’économie créative, depuis sa
création en 2005 par le Ministre de l’Economie, Jean-Claude Marcourt, et par le Député provincial en
charge de la Culture (Liège), Paul-Emile Mottard. Elle joue le rôle de trait d’union entre entreprises et
designers et facilite la collaboration transdisciplinaire, au bénéfice du développement économique
des PME wallonnes.
2 - INTRODUCTIONCLUSTERS ET INDUSTRIES CRÉATIVES
CONCLUSIONS DES ACTIONS DE WALLONIE DESIGN DANS LE CADRE DE WALLONIA EUROPEAN CREATIVE DISTRICT
LES ACTIONS DE WALLONIE
DESIGN ET DE LA DGO6,
À L’ATTENTION DES PÔLES
DE COMPÉTITIVITÉ
Le quatrième axe du projet Wallonia European Creative District (WECD) avait pour objectif de sou-
tenir une dynamique d’économie créative en favorisant le rapprochement entre industries créatives
et industries dites traditionnelles, avec l’appui et la collaboration des pôles de compétitivité et clus-
ters wallons.
Comme le montre le schéma ci-dessous, les clusters et pôles de compétitivité sont considérés
comme des cibles prioritaires de la stratégie wallonne de stimulation des effets « spill-overs » (ou de
« contagion bénéfique ») des industries créatives, vers l’ensemble de l’économie régionale.
WECD, une approche holistique
• European collaboration,
networks and
initiatives, matchmaking
• Additionnal funding,
structural funds
• Developing of new tools
and new approaches
• Evaluation and mutual
learning
Activation of
creative and
cultural actors
and sectors
Implusing new
creative dynamics
into regional
Clusters and
Compatitiveness
Poles
Diffusion effects accross
the whole regional
economy : revitalizing
and rejuvenating the
industrial base
• Demonstration
• Dissemination
of results
• Exchange of best
practices
• Cross-collaboration
with close regions
LES ACTIONS DE WALLONIE DESIGN ET DE LA DGO6, À L’ATTENTION DES PÔLES DE COMPÉTITIVITÉ - 3Cette stratégie s’est traduite par un ensemble d’actions initiées par la DGO6 et par Wallonie Design vers
les clusters et pôles de compétitivité. Pour les mener à bien, il fallait d’une part, mieux comprendre les liens
entre industries créatives et industries « classiques », tout particulièrement dans le sillage des pôles de
compétitivité, et d’autre part, envisager des actions concrètes à mettre en place pour sensibiliser les pôles
de compétitivité à l’intérêt, pour leurs entreprises, de collaborer avec des industries créatives.
INDUSTRIES CRÉATIVES ET INDUSTRIES :
QUELLES RELATIONS ÉCONOMIQUES ?
Afin de mieux comprendre les relations entre industries créatives et industries dites traditionnelles,
la DGO6 a mandaté le bureau de consultance international, IDEA Consult, pour effectuer une analyse
détaillée des liens entre l’industrie wallonne, les services à haute intensité de connaissance et les
industries créatives1.
La partie quantitative de l’étude a été menée dans une optique de chaîne de valeur : en partant
des échanges commerciaux entre entreprises, il s’agissait d’identifier les imbrications effectives
entre les industries créatives et le reste de l’industrie wallonne. Il en ressort que 11% des produits
culturels et créatifs issus du secteur des industries créatives de Wallonie sont utilisés comme in-
trants par l’industrie.
Consommation intermédiaire des produits culturels et créatifs en Wallonie
Services
marchand
43%
ICC
32%
Services Industries
non 11%
marchand
13%
Source données : BFP, Matrice Inputs/Ouputs 2007 (données statistiques disponibles pour la moitié des secteurs des industries culturelles et créatives).
Les produits culturels les plus consommés sont la publicité, l’imprimerie et les productions au-
diovisuelles. Les premiers clients industriels du secteur des industries créatives sont l’agro-alimen-
taire, la pharmacie et les cosmétiques (soit des industries aval). Il faut noter qu’une part importante
des produits culturels et créatifs sont intégrés comme intrants par les services marchands, qui eux-
mêmes sont fournisseurs de l’industrie, augmentant ainsi la part de ces produits dans les chaînes de
valeur industrielles.
1. « Analyse des liens entre l’industrie wallonne, les services à haute intensité de connaissance et les
industries créatives et culturelles, dans une optique de chaînes de valeur », IDEA Consult, 2004 pour le
compte du SPW/DGO6, disponible sur www.creativewallonia.be/wecd
4 - LES ACTIONS DE WALLONIE DESIGN ET DE LA DGO6, À L’ATTENTION DES PÔLES DE COMPÉTITIVITÉCLUSTERS ET INDUSTRIES CRÉATIVES
CONCLUSIONS DES ACTIONS DE WALLONIE DESIGN DANS LE CADRE DE WALLONIA EUROPEAN CREATIVE DISTRICT
Pour pallier le manque de données statistiques disponibles (la moitié du secteur des industries créatives n’a
pu être observée, dont le design et le patrimoine), l’étude a été complétée par une enquête qualitative dans
trois secteurs : l’agro-alimentaire, l’audiovisuel et le design. Cette analyse a montré que les collaborations
entre industries dites traditionnelles et industries créatives se situent la plupart du temps dans une relation
ponctuelle client-fournisseur (livraison d’un produit ou service prédéterminé). Les effets engendrés par ces
collaborations sont plus limités en termes de valeur ajoutée additionnelle, apportée par le prestataire créatif.
Les collaborations stratégiques, avec un dialogue d’égal à égal entre créatif et entreprise cliente, sont
plus rarement observées. Cependant lorsque la prestation de l’entreprise créative aborde des aspects
plus stratégiques, par exemple au travers une réflexion globale sur le portefeuille de produits, le pro-
cessus de co-création ainsi mené impacte plus nettement la compétitivité de l’entreprise industrielle.
LES INDUSTRIES CRÉATIVES AU SEIN DES CLUSTERS
ET PÔLES DE COMPÉTITIVITÉ
Toujours dans le but de mieux appréhender la place des industries créatives dans l’économie wal-
lonne, la DGO6 a mené un travail de recherche et de recensement des entreprises du secteur des in-
dustries créatives au sein des huit clusters et des six pôles de compétitivité wallons. Ce recensement a
montré que des entreprises des industries créatives sont déjà présentes dans presque tous les clusters
et pôles de compétitivité, mais à des degrés très variables : au-delà de 15% des membres dans les
secteurs TIC, construction, photonique et audiovisuel et inférieur à 5% dans les secteurs industriels
classiques tels que l’aérospatial, l’agroalimentaire, la mécanique ou l’énergie.
Entreprises membres des 6 pôles et 8 clusters wallons (1151)
• Secteurs liés aux ICCs
• Création sur-mesure
• Design industriel
• Ingénierie logicielle
« POTENTIEL CRÉATIF »
• Publicité
• Architecture
• Design
ICC • Edition
• Audio-Visuel
• Gaming...
Au-delà des seules industries créatives, la DGO6 s’est aussi penchée sur les entreprises considérées
comme « à potentiel créatif », c’est-à-dire les activités liées aux industries créatives, celles de créa-
tion sur-mesure, de dessin industriel et d’ingénierie logicielle. En Wallonie, ces métiers sont beau-
coup plus présents dans les clusters et pôles de compétitivité des industries traditionnelles (entre
10 et 65%). La principale difficulté de ce travail de recensement a été de réconcilier une approche
macro-sectorielle (basées sur les codes NACE) avec la réalité micro-économique des entreprises qui
ne peuvent généralement pas être limitées à une seule activité.
Enfin, les projets d’innovation des pôles de compétitivité ont été passés en revue afin d’identifier
ceux qui impliquaient une entreprise des industries créatives. Six projets de ce type ont été recensés,
dont deux sont décrits ci-après (CIMEDE et SARAH-LE). Ce travail a débouché sur la réalisation de
fiches dénommées « CCI ID cards » qui ont été diffusées auprès des clusters et pôles de compéti-
tivité. L’objectif était de leur montrer de quelle façon les industries créatives sont déjà liées à leurs
réseaux, ainsi que le potentiel de développement qu’ils peuvent tirer en suscitant des collaborations
cross-sectorielles en lien avec les priorités stratégiques du pôle de compétitivité.
LES ACTIONS DE WALLONIE DESIGN ET DE LA DGO6, À L’ATTENTION DES PÔLES DE COMPÉTITIVITÉ - 5ENGAGER DES ACTIONS DE SENSIBILISATION
La DGO6 étant en charge d’une mission d’analyse et de cartographie, Wallonie Design étant en
charge d’actions opérationnelles plus exploratoires, il semblait logique de collaborer afin de donner
plus d’impact à la mise en œuvre de leurs missions respectives. Un travail commun a donc été entre-
pris. Dans un premier temps, une réflexion a été menée sur les opportunités de collaboration de cha-
cun des pôles de compétitivité, avec des industries créatives, basée sur les thématiques des différents
pôles et sur leurs stratégies. Le résultat de ce travail, présenté sous forme de cartes heuristiques, a
constitué une bonne base de dialogue lors des rencontres avec des représentants de chacun des six
pôles de compétitivité wallons.
Les entretiens avec les différents pôles de compétitivité ont permis de nombreux échanges sur les
industries créatives et leurs atouts. L’occasion était ainsi donnée de rappeler que les industries créa-
tives ne se limitent pas à une touche esthétique ou à une palette de disciplines artistiques, mais que
la grande variété des activités qu’elles représentent leur permet d’être un outil de différenciation et
d’améliorer tantôt l’expérience client, tantôt l’ergonomie, tantôt le processus, que ce soit de produc-
tion ou de vente, etc.
Au cours de ces entretiens, quatre sujets sont ressortis comme étant d’une part, des sujets d’in-
térêt pour les pôles de compétitivité et leurs entreprises membres, et d’autre part, des domaines
d’excellence pour les industries créatives en Wallonie : l’audiovisuel, le design, les TIC et la créativité
au sens large, en tant que compétence à développer via un accompagnement adéquat. Ces sujets ont
dès lors fait l’objet de différentes sessions spécifiques, les TIC ayant déjà été abordées en ce sens par
le cluster wallon dédié, Infopole Cluster TIC. Trois séances ont donc été organisées, à l’attention des
représentants des différents pôles de compétitivité wallons : une sur l’audiovisuel, en partenariat avec
le cluster TWIST, une sur le design, sous la houlette de Wallonie Design et une dernière sur la créativité
comme compétence à développer, en partenariat avec ID Campus. L’objectif des sessions sur l’audio-
visuel et le design était de montrer les compétences présentes en Wallonie dans ces secteurs d’ex-
cellence, et de démontrer leur intérêt pour des collaborations avec tout type d’entreprise. Sont ainsi
ressortis parmi les sujets d’intérêt : la mise en images ou en animation de données ou d’informations
complexes afin d’en permettre une meilleure compréhension, l’optimisation de la communication par
l’audiovisuel ou le design, l’impact du design dans l’optimisation de produits ou de processus, le se-
rious game comme outil de formation, les design de service pour entre autres, améliorer l’expérience
utilisateur, etc.
La session sur la créativité était quant à elle, davantage pensée comme une mise en pratique dé-
montrant qu’il est possible de pousser plus loin une réflexion, en utilisant des techniques créatives
permettant de sortir de sa zone de confort. En l’occurrence, la question posée était celle des moyens
de transfert, par les pôles, à leurs membres, des atouts de la créativité et du potentiel de développe-
ment rendu possible par la collaboration avec les industries créatives.
En parallèle avec ces sessions de travail, des actions concrètes ont été envisagées avec différents
pôles, au cas par cas, par exemple : la participation de Wallonie Design à des réunions de jury de cer-
tains pôles de compétitivité, des moments de sensibilisation des entreprises membres de certains
pôles à l’intérêt de la collaboration avec un designer ou avec des prestataires de l’audiovisuel, mais
également, à l’inverse de ce qui a été fait jusqu’à présent, des moments de sensibilisation des créa-
tifs, leur permettant de découvrir certaines technologies de pointe, maîtrisées par les entreprises
membres des pôles.
6 - LES ACTIONS DE WALLONIE DESIGN ET DE LA DGO6, À L’ATTENTION DES PÔLES DE COMPÉTITIVITÉCLUSTERS ET INDUSTRIES CRÉATIVES
CONCLUSIONS DES ACTIONS DE WALLONIE DESIGN DANS LE CADRE DE WALLONIA EUROPEAN CREATIVE DISTRICT
CLUSTERS D’INDUSTRIES
CRÉATIVES
IL Y A CLUSTERS ET CLUSTERS
Pour rappel, originellement, le concept popularisé par Michael Porter est le suivant : « Un cluster
est un groupe, géographiquement proche, d’entreprises interconnectées et d’institutions associées
sur un thème particulier, liées par des similitudes et des externalités »2.
Cependant, le mot « cluster » est un concept polysémique, utilisé avec diverses acceptions par les
policy makers (ou décideurs politiques) pour stimuler l’emploi et la compétitivité, en les créant ou en
les renforçant quand ils existent déjà (par exemple : East London Tech City).
Distinguons :
• les clusters statistiques,
• les organisations de cluster (« Cluster Organisations) »,
• les associations de cluster (« Clusters Associations »).
Les clusters statistiques
Il s’agit d’une « agglomération régionale d’industries et de services co-implantés »3. De ce point
de vue statistique et selon la littérature sur le clustering, les clusters d’industries créatives sont un
phénomène plutôt urbain, de concentration de l’emploi créatif, même si le nombre d’entreprises
créatives est croissant en milieu rural, tout en restant très liées aux espaces urbains. Des variations
existent dans les tendances locatives selon leur positionnement dans la chaine de valeur4 : les
activités de production dans les industries créatives sont les plus concentrées régionalement (jeux
vidéo, médias enregistrés, audiovisuel, production de software, musique, héritage culturel) et les
services orientés vers le consommateur/l’usager le sont moins. Il semble aussi que des sous-secteurs
des industries créatives s’associent différemment ensemble, certains s’assemblent mieux que
d’autres.
Cluster Organisations et Cluster Associations
Pour une analyse claire, il convient impérativement de distinguer les types d’organisations
qui peuvent se reconnaître sous le vocable de « clusters d’industries créatives ». En effet, les
recensements européens disponibles sur le European Cluster Observatory et le site web
www.clustercollaboration.eu (mapping qui ne sont d’ailleurs ni concordants, ni exhaustifs),
mélangent différents types d’organisations de clusters d’industries créatives. En l’occurrence, parmi
la cinquantaine d’organisations recensées en Europe, la part des associations de clusters d’industries
créatives est minoritaire.
1. Les « Clusters Organisations » n’ont pas forcément de membres, mais ils offrent des
services aux participants : « Les initiatives de clusters sont de plus en plus souvent gérées
par des institutions spécialisées, connues sous le nom de « cluster organisations », qui
peuvent prendre des formes variées, de l’asbl à l’agence public en passant par l’entreprise »5.
Sous ce vocable large, nous pouvons retrouver notamment des agences publiques de type
plateforme d’industries créatives (telles que Creative England, Creative Austria…), des
2. The competitive advantage of nations, Porter, Michael E., 1990, pp. 148-173.
3. EC Communication: Towards world-class clusters in the European Union: Implementing the broad-based
innovation strategy- {SEC(2008) 2637}, 17 October 2008, p.3.
4. Creative industries; Analysis of industry specific framework conditions relevant for the development of
world, PWC, September 2013.
5. EC Communication: Towards world-class clusters in the European Union: Implementing the broad-based
innovation strategy- SEC (2008) 2637} 17 October 2008, p.8.
CLUSTERS D’INDUSTRIES CRÉATIVES - 7réseaux professionnels/lobbies, des hubs créatifs6, des living labs d’industries créatives7, des
incubateurs ou des accélérateurs en lien avec les industries créatives, des clusters culturels
« marshaliens » (par exemple les districts italiens de la mode/artisanat), des districts créatifs
(comme le Quartier de la création à Nantes…)8, etc.
2. Les « Clusters Associations », formant un sous-ensemble des organisations de clusters
d’industries créatives, sont des réseaux d’industries gouvernés par une organisation de gestion
d’un cluster, à travers des activités spécifiques et une stratégie choisie par ses membres :
« Une association sans but lucratif formée juridiquement par des membres, entreprises et
autres parties-prenantes de l’innovation, impliqués dans des initiatives de clusters »9. En
s’appuyant sur la littérature spécialisée, nous identifions une quinzaine d’associations de
clusters d’industries créatives dans l’Union européenne, souvent labélisés par les pouvoirs
publics dans le cadre d’une politique de cluster, mais des recherches approfondies, pays par
pays, s’avèrent nécessaires. Exemples : les pôles de compétitivité Cap Digital ou Imaginove
en France, Media Evolution en Suède, TWIST asbl en Belgique, gi-Cluster10, Barcelona Media
Cluster, Virtual Dimension Center (VDC) Fellbach en Allemagne11, Innonet Lifestyle Interior &
Clothing12 et D2I Design to Innovate, Service Platform13 au Danemark.. …
Les clusters créatifs en Europe (Symantra)
Clusters
Associations
Focused on
Creative
Industries
Living Labs
Focused on
Creative
Industries
Incubators and
Accelerators
related to
Creative
Industries
Platforms/Public
Agencies
Representing
Creative
Industries
Co-Working
Centres Focused
on Creative
Industries
Other Networks/
Organisations
Supporting Îles
de la
Creative réunion
Industries
>
6. Mapping des hubs créatifs en Europe, ECBN, 2015.
7. État des lieux des Living Labs de la filière « industries créatives» dans les régions du projet ALCOTRA, Irène Berthezène pour la Cité du design, 2013.
8. Which governance for cultural clusters? A compared analysis of Québec/St Roch District, Barcelone/22@ et Nantes/Quartier de la Création, Hélène Morteau.
9. www.clustercollaboration.eu/cluster-definitions
10. www.gi-cluster.gr
11. Virtual engineering, virtual reality, 3D visualization, animation & content creation,
http://infopro.euris-programme.eu/wp-content/uploads/2011/10/Presentation_VDC.pdf
12. www.innonetlifestyle.com; www.serviceplatform.dk et http://issuu.com/clusterexcellencedenmark/docs/catalogue_of_clusters_and_networks
13. Developing Successful Creative & Cultural Clusters, Measuring their outcomes and impacts with new framework tools, ECIA/IIT/Berlin Zukunftprojekt, Sonja
Kind, Gerd Meier zu Köcker, 2013
8 - CLUSTERS D’INDUSTRIES CRÉATIVESCLUSTERS ET INDUSTRIES CRÉATIVES
CONCLUSIONS DES ACTIONS DE WALLONIE DESIGN DANS LE CADRE DE WALLONIA EUROPEAN CREATIVE DISTRICT
DIFFÉRENTES DYNAMIQUES : UN BILAN ?
Le concept d’industries créatives est récent dans la définition des politiques publiques. C’est
le secteur des industries émergentes le plus large en termes d’emplois et d’entreprises et le plus
dynamique en termes de croissance depuis dix ans14.
De plus en plus de régions se concentrent sur quelques sous-secteurs des industries créatives,
espérant soutenir l’emploi et l’économie créative : image en mouvement, design, textiles innovants...
L’établissement d’organisations ou d’associations de cluster d’industries créatives avec un branding
spécifique va de pair avec le fléchage de fonds publics sur ce domaine de compétence.
Tirer un bilan des clusters en lien avec les industries créatives est extrêmement délicat.
Les contextes et dynamiques sont variables : ils ne relèvent pas toujours d’initiatives de
politiques publiques, ils varient selon leur spécialisation, leur maturité, leur taille, leur ambition
géographique… Les plus réussis sont probablement ceux qui se créent naturellement et sur le long
terme, par exemple : la Sillicon Valley15.
LES CLUSTERS D’INDUSTRIES CRÉATIVES SONT-ILS
OUVERTS À LA COLLABORATION AVEC D’AUTRES
SECTEURS QUE LE LEUR ?
Pour répondre précisément à la question, il conviendrait d’analyser individuellement un panel
d’organisations de clusters d’industries créatives et en particulier les projets et les activités menés
en interaction avec d’autres secteurs, au-delà du storytelling ou des affirmations promotionnelles des
managers de clusters ou des sites web sur ce sujet. Il convient aussi de regarder si, dans les contrats
d’objectifs existants, une coopération avec d’autres clusters ou d’autres secteurs est énoncée comme
objectif prioritaire, mais aussi de mettre en évidence les facteurs de succès, les incompréhensions,
les frustrations dans l’exercice de la collaboration.
La collaboration des organisations de clusters d’industries créatives avec d’autres secteurs est très
faible ou rare, ce qui n’est pas une situation spécifique aux clusters d’industries créatives16. Parmi les
industries créatives, les médias numériques, l’image en mouvement, le design seraient les plus propices
à l’innovation croisée avec d’autres secteurs. Ce qui englobe les champs d’innovation suivants : objets
connectés, big data, transmedia, gamification (ludification), réalité augmentée, multi-screens, e-learning…
Les secteurs de la santé (e-health et autres), du tourisme, du luxe, des services publics et de la
construction sont les plus ouverts à une collaboration avec les industries créatives17.
Quelques exemples
Le pôle de compétitivité Cap Digital (France), organisateur du célèbre festival « Futur en Seine »,
vise différents marchés : commerce, distribution, éducation/formation, santé, bien-être, tourisme18.
Cap Digital a rejoint l’Alliance Européenne de la Santé Connectée (ECHAlliance) et NEM19, qui
rassemble les principales organisations européennes travaillant dans le domaine des médias en
réseaux et électroniques. Depuis 2009, les pôles de compétitivité Cap Digital, Medicen et Systematic
associent leurs compétences et leurs écosystèmes pour traiter du thème TIC et Santé. Cap Digital et ses
partenaires ont lancé en 2014 et 2015 les « Health Innovative Days » (HID) autour des thèmes suivants :
objets connectés, big data et smart data, bien vieillir, simulation numérique, etc. Pour favoriser la
collaboration avec le secteur du tourisme, Cap Digital a déployé les « MeetUp Tourisme Digital ».
14. European Cluster Panorama 2014, p.37.
15. Manifesto for the Creative Economy, NESTA, 2013, pp. 59-61.
16. Thomas Lämmer-Gamp, « Creative Industries. Policy Recommendations – promotion of cross-innovation
from creative industries”, Berlin, Mars 2014, pp. 14 – 16.
17. Prognos/Fraunhofer ISI, 2012 p. 65.
18. http://www.capdigital.com/marches/
19. http://nem-initiative.org/nem-a-cluster-of-clusters-2/
CLUSTERS D’INDUSTRIES CRÉATIVES - 9Le pôle de compétitivité Imaginove (France) entend aussi susciter les croisements des entreprises
spécialisées dans les contenus et usages numériques avec d’autres secteurs d’activité pour leur
permettre de saisir des opportunités de développement sur de nouveaux marchés. La participation
d’Imaginove à des rendez-vous majeurs des filières santé en Rhône-Alpes, les journées collaboratives
de Lyon Biopôle et les « Tech Days Santé » du cluster I-care en sont des illustrations.
Le pôle Uptex (France) est lié quant à lui au secteur de la santé avec ses textiles thérapeutiques.
Les dialogues inter-industries sont importants également, pour mettre en place des plateformes
de dialogue. Exemple : les conférences “CREATIVE.HEALTH” organisées en 2014 et 2015 par
l’organisation de cluster CREATIVE.NRW (Allemagne). Elles mettent en lien les professionnels de
l’architecture, du design des jeux vidéo, avec le monde de la santé, pour susciter des collaborations
dans le design de produits de santé, la conception de locaux, etc.20
Au Danemark, la communication internationale autour du Cluster Design met en avant des
cas d’études en lien avec les Sciences de la vie, la Medicon Valley étant le grand cluster danois
d’envergure mondiale. Exemple : le Coloplast Design Center de l’entreprise « medtech », le Coloplast
intègre le design à un niveau stratégique pour créer des outils médicaux innovants.
L’accélérateur nouvelle génération « Connected Digital Economy Catapult » à Londres est un
exemple croisant la création de contenus numérique avec d’autres secteurs. Lancé par le TSB/
InnovateUK (Ministère de l’Economie) en 2013, il se présente comme « Un centre national qui tend
à rapidement mettre sur le marché les meilleures idées issues du numérique en Grande-Bretagne ».
Ce centre et son showroom ouvert en novembre 2014 au cœur de Londres visent d’une part, à
accélérer l’innovation digitale, de l’idée à la commercialisation, en construisant des plateformes et
des compétences et d’autre part, à promouvoir l’impact de ces innovations dans tous les secteurs.
Sans se revendiquer comme un cluster, Catapult est un centre de recherche et développement sans
but lucratif, dont le statut est celui de société à responsabilité limitée par garantie, qui favorise
la collaboration entre les entrepreneurs, les universités et les innovateurs. Il ne verse pas de
subsides, mais favorise l’innovation croisée notamment par des appels à projets, des hackathons, etc.
Catapult doit permettre aux entreprises d’accéder à des équipements spécialisés, à des technologies
émergentes, à l’expertise universitaire et aux grandes entreprises, dans le cadre de projet croisant la
créativité avec d’autres secteurs (l’éducation, la santé, les services publics, etc.)21. Connected Digital
Economy Catapult regroupe quatre domaines de spécialisations : les « closed organisational data »
(ou données organisationnelles fermées), les données personnelles, les contenus créatifs et l’Internet
des Objets.
Source : « Les clusters des industries créatives dans l’Union européenne », Anne Magnus, Symantra, 2015.
20. http://www.creative.nrw.de/creative-health/dokumentation/creativehealth2.html
21. http://www.digitalcatapultcentre.org.uk/all-growth-in-the-creative-industry-is-digital-discuss/
10 - CLUSTERS D’INDUSTRIES CRÉATIVESCLUSTERS ET INDUSTRIES CRÉATIVES
CONCLUSIONS DES ACTIONS DE WALLONIE DESIGN DANS LE CADRE DE WALLONIA EUROPEAN CREATIVE DISTRICT
QUELS LIENS ENTRE LES
CLUSTERS ET LES INDUSTRIES
CRÉATIVES ?
L’INNOVATION CROISÉE
Dans son rapport « Creative Industries. Policy Recommendations – promotion of cross-innova-
tion from creative industries », Thomas Lämmer-Gamp souligne le fait que le niveau de collabora-
tion encore relativement peu élevé entre industries créatives et industries traditionnelles laisse une
marge importante de progression. Selon lui, l’une des clés pour exploiter ce potentiel est une meil-
leure connaissance et une ouverture mutuelle de ces deux secteurs. Cela demande non seulement que
les industries dites « traditionnelles » s’ouvrent à un nouvel état d’esprit et des pratiques différentes,
mais aussi que les industries créatives passent le pas et s’ouvrent également à une autre façon d’en-
visager leurs activités. Selon Thomas Lämmer-Gamp, il arrive que les industries créatives voient la
collaboration avec des industries créatives plus traditionnelles comme une forme de dénaturation de
leurs activités, à des fins commerciales. Thomas Lämmer-Gamp regrette ce manque d’ouverture et le
manque de connaissances mutuelles des disciplines et activités respectives.
« Les clusters d’industries créatives (entendus au sens de réseaux industriels régis par une or-
ganisation managériale) ne sont pas si différents des clusters d’industries traditionnelles. Il est plus
pertinent de souligner qu’ils partagent une caractéristique commune avec la plupart des clusters en
Europe : ils sont enfermés dans leur propre secteur avec peu ou pas de contacts avec d’autres indus-
tries. Cependant, même si l’économie européenne fait face au challenge de développer de nouvelles
industries en associant différents secteurs et en créant de nouvelles chaines de valeur, on ne dé-
nombre que peu d’exemples de clusters qui tendent effectivement à créer des liens cross-sectoriels
et à associer différentes industries. Le motif en est assez clair : il y a « une myriade de challenges, des
barrières culturelles et de langage persistantes, entre disciplines, aux problèmes pratiques comme le
manque de contacts, de proximité et d’opportunités de travailler ensemble ». Bien que ce soient les
mots d’un prestataire des industries créatives, un représentant des industries traditionnelles pourrait
en dire autant ».
Le défi des pouvoirs publics, voire plus largement de ceux qui souhaitent favoriser l’innovation
croisée, est dès lors de favoriser un « terrain commun » de collaboration. Pour ce faire, Thomas Läm-
mer-Gamp met en avant l’importance de générer des occasions de contacts, voire de mettre sur pied
des clusters cross-sectoriels, mais il souligne l’importance du chemin à parcourir pour en faire un
objectif dans l’évaluation des équipes de gestion des clusters.
« Comme le montrent les résultats d’études de cas et d’audits de qualité portant sur les organisa-
tions managériales de clusters (Label d’Or de la Cluster Management Excellence), par le Secrétariat
pour l’Analyse des Clusters (ESCA), les industries créatives, pour la plupart, manquent de perspectives
cross-sectorielles. Bien que la plupart des managers de clusters mentionnent, au cours d’interviews
de benchmarking, qu’ils essayent de convaincre les industries traditionnelles de « monter à bord », les
stratégies et activités de ces clusters sont rarement tournées vers cet objectif. S’il y a collaboration
cross-sectorielle, il s’agit plutôt de fournir un service à une industrie différente que de s’engager dans
une démarche d’innovation croisée.
Source : Thomas Lämmer-Gamp, « Creative Industries. Policy Recommendations – promotion of cross-innovation from creative industries”,
Berlin, Mars 2014.
QUELS LIENS ENTRE LES CLUSTERS ET LES INDUSTRIES CRÉATIVES ? - 11UNE PRISE DE CONSCIENCE TRÈS RÉCENTE
Les industries créatives ne sont devenues une préoccupation majeure de la politique européenne que
très récemment. Cette préoccupation s’est exprimée officiellement pour la première fois en 2010, à travers le
Livre Vert : « Libérer le potentiel des industries culturelles et créatives ».
En février 2012, pas supplémentaire : l’Europe lance la European Creative Industries Alliance
(www.eciaplatform.eu). Cette plateforme rassemble des décideurs politiques et du monde de l’entreprise
issus de vingt-huit organisations de douze pays différents. Le but est de mettre en avant le rôle des industries
créatives comme facteur décisif au niveau de la compétitivité des entreprises et la création d’emploi.
Pour la période 2014-2020, l’Europe confirme l’importance du secteur créatif dans l’emploi, la
croissance et l’innovation européenne. Elle lance un nouveau programme de soutien au secteur culturel et
créatif européen : le programme « Europe créative », qui comporte trois axes : un volet « Culture », un volet
« Média » et un instrument financier de soutien à l’entrepreneuriat culturel.
Cette montée en puissance des industries créatives dans les politiques économiques se remarque
également en Wallonie. Certes, les industries créatives sont depuis longtemps soutenues par la Wallonie,
mais pas spécifiquement en lien avec la politique des pôles et des clusters. Dans le rapport de clôture du
plan Marshall 2.vert22 publié début 2015, le mot « créativité » n’apparaît d’ailleurs à aucun moment.
Il faut attendre le Plan Marshall 4.0, le 29 mai 2015, pour voir ce lien entre les pôles de
compétitivité et les industries créatives, confirmé. La créativité est explicitement nommée parmi les
leviers de productivité des facteurs : « La politique des pôles de compétitivité servira de socle pour
renforcer la compétitivité des entreprises en agissant sur les différents leviers de la productivité
des facteurs (investissement, recherche et développement, innovation et créativité, technologies de
l’information et de la communication, internationalisation, compétences) ».
Il est prévu d’amplifier le soutien au développement d’une culture de créativité : « Des actions en
lien avec les industries créatives (design…) seront développées, tout en amplifiant le volet relatif à
l’intégration de la créativité dans le secteur industriel et l’émergence de start-up ».
CRÉATIFS ET BUSINESS :
POURQUOI LE DIALOGUE EST-IL SI DIFFICILE ?
Le lien entre les industries créatives et les industries traditionnelles ne semble pas évident à faire
et cela pour différentes raisons, abondamment exposées dans la littérature scientifique. Les barrières
semblent plutôt être d’ordre mental et culturel.
Plusieurs études européennes23 montrent que la majorité des clusters en Europe partagent le
défaut d’être concentrés sur leur propre secteur, sans réel contact avec d’autres industries. Le
constat est tout aussi valable pour les clusters relevant des industries créatives : comme les clusters
des industries classiques, ils restent centrés sur eux-mêmes. Pourquoi ? A cause de multiples
facteurs, parmi lesquels les barrières culturelles, le manque de contact et de proximité, le manque
d’opportunités de travailler ensemble.
En outre, les industries créatives présentent des caractéristiques24 difficilement conciliables avec
les industries traditionnelles :
• secteur très hétérogène,
• beaucoup de micro-entrepreneurs (neuf entreprises sur dix comptent moins de dix personnes),
• degré d’innovation extrêmement élevé : 85% des entreprises créatives ont introduit un
nouveau produit ou service au cours des trois dernières années,
22. Plan d’actions du Gouvernement wallon dont l’objectif est de relancer le développement économique
de la Wallonie, en s’appuyant sur ses atouts. Lancé en 2004, le Plan Marshall a connu depuis, différentes
déclinaisons en fonction des axes prioritaires d’action : le Plan Marshall 2.vert mettant en avant les
technologies et le développement durables, et le Plan Marshall 4.0, soutenant activement le numérique.
23. Par exemple : Creative Industries, Policy Recommendations – promotion of cross-innovation from
creative industries, Thomas Lämmer-Gamp, Institute for Innovation and Technology, Berlin 2014.
24. Source : ibid.
12 - QUELS LIENS ENTRE LES CLUSTERS ET LES INDUSTRIES CRÉATIVES ?CLUSTERS ET INDUSTRIES CRÉATIVES
CONCLUSIONS DES ACTIONS DE WALLONIE DESIGN DANS LE CADRE DE WALLONIA EUROPEAN CREATIVE DISTRICT
• peu de contacts avec des clients potentiels de l’industrie « classique », leur clientèle est plutôt
non-marchande : écoles, secteur public, tourisme, santé… (seulement 25% de clients de type
entreprise privée),
• fortes valeurs sociales et culturelles.
Le secteur industriel « classique », par contre, est empreint d’une culture du chiffre. Les
industriels veulent absolument connaître le retour sur investissement du design ou d’autres
disciplines créatives. Le sujet est souvent illustré par des témoignages d’entreprises, mais aussi par
diverses recherches académiques menées par différents pays d’Europe, qui mériteraient sans doute
à être davantage mises en valeur (voir encadré ci-après).
Pourtant, quand des liens se font, ça marche !
Deux exemples avec le design.
Jean-François Parisse est gérant du bureau IDEASIGN. Il est un des
rares designers wallons à être membre d’un cluster, en l’occurrence le
cluster Plastiwin25.
Pourquoi être devenu membre d’un cluster ?
J’ai participé à une visite d’entreprise organisée par Plastiwin en
2014. Les responsables m’ont expliqué leurs activités et je me suis
rendu compte que cela pouvait être intéressant pour moi. De fait,
en un an, j’ai déjà contribué à trois projets industriels. Cela prouve
bien que la plasturgie a besoin de designers.
Les industriels vous prennent-ils pour un extra-terrestre ?
Ils nous voient de prime abord avec une « casquette » d’artiste, puis ils se rendent compte que
nous avons de solides connaissances techniques, que nous connaissons les matériaux et savons
tenir compte de contraintes industrielles, budgétaires, d’un cahier des charges. Bref, une fois la glace
rompue, ils nous recommandent auprès d’autres industriels !
Bref, à recommander ?
Oui, certainement. Les designers ne doivent pas avoir peur. Les industriels non plus. C’est un vrai
win-win pour les deux parties.
Pour mettre au point la jardinière « hurbz »
(photo ci-contre), Jean-François Parisse a
rencontré des moulistes et des plasturgistes.
25. Plastiwin est le cluster wallon de la plasturgie. Il rassemble des acteurs spécialisés dans les polymères
et biopolymères, élastomères, matériaux composites, textiles synthétiques.
QUELS LIENS ENTRE LES CLUSTERS ET LES INDUSTRIES CRÉATIVES ? - 13Cet exemple de la présence d’un designer dans un cluster relève d’une initiative individuelle. En
France, la démarche est prise à bras le corps au plus haut niveau de l’Etat. En 2013, le Ministre français
du Redressement Productif et la Ministre de la Culture et de la Communication ont confié une mission
au designer Alain Cadix, sur la place et la diffusion du design dans l’économie et la société.
Suite à la remise de son rapport, plusieurs mesures ont été décidées, dont la création de dix
résidences de designers dans des pôles de compétitivité, des clusters ou des grappes d’entreprises. La
mesure est reconduite pour 2016.
Le rapport explique pourquoi le lien avec les clusters et les pôles doit être privilégié : « Les
opérateurs du design qui accompagnent les entreprises le font, la plupart du temps, au cas par cas.
Parfois, sur des appels à projets, ou sur leur propre initiative, certains opérateurs conduisent des
actions collectives ou des programmes multi-entreprises. […] Le caractère diffus du tissu des PME
conduit à proposer de centrer sur les clusters les actions qui visent ces entreprises. Comme certain
d’entre eux (les pôles de compétitivité) regroupent aussi de grandes entreprises et des laboratoires,
la portée de la politique n’en est que plus grande ».
Designers en résidence : toucher 1400 entreprises en dix ans
« Nous ambitionnons de ‘traiter’ sur une décennie 60 pôles de compétitivité et la quasi-totalité des
grappes d’entreprises ; avec un effort singulier pendant les quatre premières années (35 pôles et 70
grappes). Dans chaque pôle et chaque grappe sera installée pendant un semestre une résidence de
designer. Chaque designer, ayant plutôt un profil de design manager, passant 50% de son temps dans
la résidence, créera dans ‘son’ cluster une dynamique de design : il aura la tâche de sensibiliser, de
démontrer par l’exemple, de pousser à engager une démarche de design, tant au niveau de l’équipe
d’animation du cluster que des entreprises. Il assurera une fonction d’assistance à maîtrise d’ouvrage
(AMO) pour quelques entreprises novices souhaitant préparer une telle démarche pendant la résidence.
A la suite des résidences, il conviendra d’accompagner dans la durée les clusters et d’aider des
entreprises de ces clusters à engager effectivement une démarche faisant appel à un designer
extérieur. Nous ambitionnons d’accompagner ainsi plus de 1400 entreprises sur la décennie. »
Le pôle Xylofutur (filière forêt-bois-papier) est le premier pôle français à avoir accueilli un
designer en résidence pour une durée de quinze mois. Sa mission ? Susciter la création de trois
produits développables par les entreprises.
Deux contraintes sont imposées au designer : ne pas générer d’investissement supplémentaire pour les
entreprises, en matière d’équipement notamment, et permettre une diversification de l’offre des entreprises.
25 entreprises ont été rencontrées, visitées, sensibilisées au design et ensuite intégrées dans le livrable.
Thomas Ranchou, chef de projet au sein du pôle Xylofutur, a eu l’occasion de voir évoluer le
projet et de prendre la mesure de son impact.
Y a-t-il des retours économiques déjà
envisageables pour les entreprises ?
Nous entrons justement désormais dans notre phase
d’accompagnement au prototypage des idées retenues par les
industriels. En effet, entre septembre 2014 et avril 2015, il s’agissait
d’une part de rencontrer les entreprises de la filière bois et associés
(métal, aluminium, inox, électroniques, objets connectés, etc) et
de réaliser des ateliers d’innovations collectives (workshop) pour
générer
des idées d’innovations produits sur trois sujets : habitat, transport,
cadre environnemental. Après avoir demandé depuis deux mois le retour des
entreprises, nous allons maintenant sélectionner trois groupements d’entreprises pour aller vers
la conception/fabrication des trois produits choisis (un par sujet), accompagnés par le cabinet Dici
Design jusqu’à fin 2015 (trois fois un mois d’accompagnement environ).
14 - QUELS LIENS ENTRE LES CLUSTERS ET LES INDUSTRIES CRÉATIVES ?Vous pouvez aussi lire