Comment la France expérimente le revenu de transition écologique

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Comment la France expérimente le revenu de transition écologique
Comment la France expérimente le
   revenu de transition écologique
Initié par Sophie Swaton, philosophe et économiste enseignante à
l’Université de Lausanne, le revenu de transition écologique (RTE) est
devenu en France une réalité dans quatre territoires. Qui testent sur le
terrain la viabilité de nouveaux laboratoires de l’économie sociale et
solidaire.

Par Philippe Le Bé, janvier 2020

Le revenu de transition écologique (RTE) est une idée qui désormais fait son
chemin en France. Ou plutôt, une idée qui fait ses chemins. Chacun d’entre
eux a son tracé original, son histoire à raconter, ses obstacles à contourner.
Ces chemins sont déjà bien tracés à Grande-Synthe dans le département du
Nord (Hauts de France) et dans celui de l’Aude (Occitanie); ils se consolident
dans le département du Lot-et-Garonne (Nouvelle Aquitaine). Au sein de la
communauté d’agglomération d’Épinal, dans le département des Vosges
(Grand Est), la voie du RTE, à peine esquissée, doit encore se dessiner dans
les esprits avant de s’inscrire dans la réalité. A chaque territoire son tempo,
avec son laboratoire vivant d’expérimentation.

L’ambition est grande. « Avec le revenu de transition écologique, on invente
un autre modèle économique et social qui s’appuie sur une volonté politique
des élus, résolus à l’expérimenter et à le mettre en œuvre », souligne Jean-
Christophe Lipovac, directeur de l’association Zoein France. Laquelle est issue
de la fondation genevoise Zoein que préside Sophie Swaton, initiatrice du
RTE. Brièvement résumé, ce dernier ne découple pas l’activité et les revenus
à l’image du revenu de base inconditionnel, mais oriente les personnes dans
des activités innovantes, liées à la transition écologique (agroécologie,
permaculture, habitat écologique, énergies renouvelables, finance durable,
tourisme durable, écomobilité, low tech - ou basse technologie-, recyclerie,
etc.).

L’imaginaire de la croissance s’efface au profit de celui de la coopération et
de la solidarité écologique. «L’idée est de faire jouer des institutions existantes
pour mettre en place un véritable dispositif d’aide, à visage humain, afin de
développer et d’accompagner des activités à finalité écologique au cœur de
la société civile», souligne Sophie Swaton (lire ses livres Pour un revenu de
transition écologique, PUF, 2018, et Revenu de transition écologique: mode
d’emploi, PUF, 2020).

Des territoires à revitaliser
Le RTE ne s’implante pas par hasard sur un territoire. En France, une
commune sur trois environ se situe dans une zone de revitalisation rurale
(ZRR) et bénéficie, à ce titre, d’aides fiscales. Vieillissement de la population
en déclin, activités économiques en berne, disparition progressive des
réseaux de distribution et éloignement des services publics sont les signes
tangibles d’une ZRR. C’est précisément dans une telle zone que le RTE peut
s’enraciner. Frédéric Bosqué, initiateur du projet expérimental TERA dans le

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Lot et Garonne, qui développe un éco-système coopératif rassemblant
plusieurs villages, fait un pari audacieux: «Si d’ici trois à cinq ans, nous arrivons
à revitaliser cette zone rurale en la faisant sortir des statistiques, nous
apporterons la preuve qu’un revenu de transition est bien un facteur de
développement territorial».

C’est aussi dans un milieu agricole de grande pauvreté et de fortes disparités
sociales que Joëlle Chalavoux, co-présidente de l’association 3.EVA, soutient
un projet de RTE dans la vallée de l’Aude en Occitanie. La fermeture en 2004
de l’usine de stratifiés Formica (150 salariés) et l’effondrement de l’industrie
du meuble jadis très florissante ont plongé une partie de la population dans
la précarité. Qui plus est, l’éloignement des grands axes routiers et ferroviaires
ne favorise pas l’implantation de nouvelles entreprises.

Dans les Vosges, la paupérisation de la société civile a également été
provoquée par le dépérissement de l’industrie textile - notamment incarnée
par l’entreprise Boussac - qui employait encore plusieurs milliers de
personnes dans les années 1970. Les équipementiers automobiles, à leur tour
touchés par la crise, n’ont pu assurer la relève. Jean-Paul Boyer, qui a initié le
projet local Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD), souhaite
évaluer la synergie entre celui-ci et le RTE dans quatre communes de la
communauté d’agglomération d’Épinal (lire ci-dessous). «Dans le bâtiment,
notamment la rénovation de l’habitat, il y a un fort potentiel d’activité et un
réel besoin de soutien aux plus déshérités, comme ces paysans qui touchent
un revenu de solidarité active (RSA) en travaillant 110 heures par semaine».

L’extrême pauvreté touche enfin Grande-Synthe, dans la périphérie de
Dunkerque, au sein d’une région industrielle qui abrite notamment
ArcelorMittal avec ses 14 usines classées Seveso. Grande-Synthe est la
première commune de France à avoir conclu en avril 2019 un partenariat avec
la fondation Zoein pour créer une coopérative de transition écologique en vue
d’assurer un revenu complémentaire et un accompagnement aux personnes
qui ont des projets innovants respectueux de l’environnement. Plus de 30%
des 23.500 habitants de la ville vivent au-dessous du seuil de pauvreté fixé à
850 euros par mois. «En complément du minimum social garanti que la Mairie
a mis en place pour combattre la misère extrême, le RTE offre une autre
dimension qui vise un accompagnement, une formation et un financement de
projets qui s’inscrivent dans la transition écologique et solidaire», souligne
Jean-Christophe Lipovac. Qui avant de coordonner les expériences du RTE
en France depuis octobre 2019 a été directeur de projet Transition écologique
et solidaire à Grande-Synthe.

L’indispensable vivier
La réussite du projet de RTE dépend principalement de l’engagement des
femmes et des hommes qui le portent ou le soutiennent, et notamment des
élus, au niveau communal, départemental ou régional. Damien Carême, maire
de Grande-Synthe de 2001 à 2019 et député européen depuis mai 2019
(Europe Écologie les Verts), a pris le taureau par les cornes pour faire de cette
cité ouvrière «la capitale française de la biodiversité» en 2010, au service des
plus déshérités. Les initiatives de la commune font florès: jardins populaires
sans pesticide, éco-pâturages, maraîchage bio en circuits courts de proximité,

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cantines scolaires 100% bio et local, université populaire, médiathèque
gratuite, ateliers « do it yourself », rénovation énergétique des bâtiments,
prime à l’achat d’un vélo, etc. «Si j’avais attendu que des mesures viennent
des gouvernements successifs, j’attendrais encore longtemps. Le RTE est une
nouvelle pierre qui manquait à notre édifice», s’enthousiasme Damien
Carême.

Le minimum social garanti, aide sociale facultative et temporaire, a été versé
pour la première fois en mai 2019 aux plus démunis qui bénéficient également
d’un accompagnement social adapté à leur situation. Par ailleurs, le dispositif
Ose, on s’entreprend à Grande-Synthe favorise la création d’entreprises. Dès
lors, le RTE est naturellement venu se greffer sur toutes ces actions, en
soutien à des activités existantes ou nouvelles, toutes orientées vers la
transition écologique et solidaire.

Quant au projet expérimental TERA, dans un rayon de 30 kilomètres autour
de Tournon d’Agenais (Lot-et-Garonne), Frédéric Bosqué a eu l’occasion de
le présenter aux étudiants du professeur (désormais honoraire) Dominique
Bourg et de Sophie Swaton, maitre d’enseignement et de recherche en
philosophie économique à l’Université de Lausanne. L’objectif de TERA est
notamment de relocaliser 85% de la production vitale à ses habitants et
d’abaisser l’empreinte écologique de cette production à moins d’une planète.
Dans ce contexte, une expérimentation du RTE s’est, ici aussi, imposée
naturellement.

Mais l’engagement des communes reste à géométrie variable. En 2015, il était
question de construire un écovillage à Lartel, au lieu-dit de Masquières. Mais
quand il s’est agi de passer à l’étape de l’écoconstruction en dur, la
municipalité a mis son veto, obligeant les résidents à démonter leurs maisons
prototypes et à s’installer à Trentels, à une quinzaine de kilomètres. Dans ce
petit village, le maire s’est montré nettement plus accueillant. Plus de 150
personnes participent, plus ou moins régulièrement, à la réalisation concrète
du projet TERA. Lequel bénéficie de nombreux soutiens dont celui de
l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), placée
sous la tutelle de plusieurs ministères.

                   Les membres de TERA, dans le Lot-et-Garonne font
                   évoluer le projet en gouvernance participative.

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Dans la vallée de l’Aude, l’association 3.Eva co-présidée par Joëlle Chalavoux
porte le projet d’expérimentation du RTE. Affichant «la volonté de penser le
territoire autrement», elle anime, avec ses six autres co-présidents, un Pôle
territorial de coopération économique (PTCE). Soutenu par la recherche, ce
dernier développe depuis trois ans des actions de coopération entre
entreprises classiques, entreprises de l’économie sociale et solidaire et
organismes de formation, impliquant tous les acteurs du territoire. Cette
démarche s’inscrit pleinement en résonance avec celle du RTE qui place la
relation humaine au cœur de son fonctionnement. Quant au conseil
départemental de l’Aude, il s’est vite enthousiasmé pour le RTE, après avoir
été volontaire pour expérimenter le revenu de base universel. Enfin, les
contacts avec la région Occitanie laissent espérer une implication qui
permettrait d’agir à plusieurs niveaux, du local à l’Union européenne.

Dans les Vosges, le processus avance beaucoup plus lentement. La
Communauté d’agglomération d’Épinal ainsi que le conseil départemental
soutiennent le projet Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD) que
pilote Jean-Paul Boyer au niveau local, mais ils n’ont pas encore été
sensibilisés au RTE. Porté par des bénévoles du projet local d’ATD Quart
monde, le TZCLD vise à utiliser l’argent versé sous forme de prestations
sociales pour créer des emplois à destination des personnes au chômage
depuis plus d’un an. La Communauté d’agglomération d’Épinal, impliquée
dans ce projet, est candidate à son extension. Comme dans les Vosges il
existe un Schéma de cohérence territorial (SCOT), qui a pour objectif de
mettre en cohérence l’ensemble des politiques sectorielles (habitat, mobilité,
environnement, aménagement commercial), l’idée du groupe de travail est de
mutualiser toutes ces initiatives avec le RTE. Mais si les Vosges ne devaient
pas être retenues dans le cadre du TZCLD, une autre dynamique pourrait
s’enclencher pour promouvoir le RTE.

La Coopérative de transition écologique, pierre angulaire
du RTE
Une coopérative de transition écologique, qui peut prendre la forme juridique
d’une Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), est la pierre angulaire du
système. C’est elle qui joue le rôle d’accueil et d’accompagnement des
personnes bénéficiant du RTE, devenues sociétaires de la coopérative, au
même titre que la commune et des autres coopérateurs. Ces derniers
devraient pouvoir développer leur activité qui, une fois prospère, dégagerait
un revenu dont un pourcentage serait reversé à la coopérative pour soutenir
d’autres projets d’activité ou de formation. Un cercle vertueux
économiquement et socialement!

A Grande-Synthe, qui a déjà accompagné des personnes au chômage de
longue durée, quelques candidats au RTE sont dans le viseur. «2020 sera une
année test pour la mise en œuvre opérationnelle du comité de sélection et du
processus d’accompagnement», souligne Jean-Christophe Lipovac. Les
candidats potentiels? Une personne se lance dans la rénovation de meubles
anciens, une autre dans une activité de traiteur en circuits courts avec une
dimension sociale, une autre dans la production et la vente de composte en

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circuit courts, une autre encore dans la réutilisation et le recyclage d’outils de
maraichage dans une approche low-tech, etc.

L’enthousiasme des habitants est palpable. Certains d’entre eux affichent la
ferme intention de tester leur propre activité. Tous ne sont pas en situation
de chômage de longue durée. Comme cette jeune fille qui, après des études
supérieures dans la communication (niveau master), a changé de cap pour se
former en herboristerie et fabriquer des produits cosmétiques bio. «Souvent,
observe Jean-Christophe Lipovac, les porteurs de projets sont isolés, sans
réseau, et ont besoin de financement, de formation et d’accompagnement,
mais aussi de temps pour tester leur projet d’activité. Ce seront les fonctions
mêmes de notre Coopérative de transition écologique».

Une Coopérative de transition écologique n’existe pas encore dans l’Aude
mais un chef de projet vient d’être engagé pour la mettre sur pied. Un travail
préparatoire est en cours, notamment depuis juin 2019, avec le concours de
représentants du département, de personnes touchant un revenu de
solidarité active (RSA), d’éleveurs, de maraîchers, lycéens, experts dans
l’écologie et la finance, etc. Quelque 80 personnes au profil très varié se sont
réunies en ateliers pour cibler les priorités du territoire et dans quels domaines
le RTE pourrait être le plus efficace. «De réunion en réunion, nous
progressons, constate Joëlle Chalavoux, et d’ici avril 2020 nous envisageons
la création d’une coopérative». Il est essentiel que la réflexion soit partagée
par tous les acteurs, y compris ceux qui pourront ensuite porter un projet
ouvrant accès à un revenu de transition écologique: les critères d’urgence et
les complémentarités des projets seront ainsi définis de façon collective et
donc reconnus par le plus grand nombre.

En euro, monnaie locale ou en nature
Le revenu versé à des personnes physiques, en contrepartie d’activités
orientées vers l’écologie et le lien social, n’est pas exclusivement monétaire. Il
peut aussi se décliner en échanges de services ou en formation. Sous sa forme
monétaire, il est déjà en cours dans une configuration fort proche du RTE au
sein du projet TERA dans le Lot-et-Garonne. Cinq personnes reçoivent un
revenu d’autonomie dont deux sont financés par la fondation Zoein sur trois
ans, les trois autres étant alimentés par un financement participatif. Chacun
d’entre eux s’élève à 856 euros nets.

Comme le précise Frédéric Bosqué, il s’agit d’un «revenu versé en monnaie
citoyenne locale et garanti par une production locale». L’inconditionnalité ne
doit concerner que la distribution et non la production. Une inconditionnalité
totale, sans production de biens ou de services, n’aurait pas de sens. Le
revenu doit être coproduit par tous les acteurs du territoire. Autrement dit, la
garantie de production n’est pas individuelle – on ne demande pas à chaque
personne de produire tel bien ou tel service sur le marché – mais collective.
«Ce revenu est le fondement de la citoyenneté, poursuit Frédéric Bosqué.
Comme la monnaie est un bulletin de vote, il est nécessaire que tout le monde
puisse en posséder pour pouvoir voter».

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La plus grande originalité de cette forme de RTE réside dans le fait que ce
revenu est versé en monnaie locale et non pas en euro. «Il n’est donc pas
englouti par les marchés financiers, poursuit Frédéric Bosqué. Au bout de 2,5
ans de mise en circulation, toute transaction en euro ou dans une autre devise
finit par alimenter les marchés financiers au détriment du PIB. Cantonnée dans
un espace limité, la monnaie locale procure en revanche une bien plus grande
richesse collective aux citoyens à qui elle s’adresse directement. Qui plus est,
elle tisse entre eux des relations humaines dans le respect de la nature et
contribue à l’instauration d’une gouvernance partagée».

Faudrait-il donc que tous les RTE de France soient versés en monnaie locale?
Ce serait quasiment impossible dans les grandes villes. Cela supposerait une
généralisation des monnaies locales ainsi qu’un bouleversement dans la
structure juridique et la gouvernance des territoires. A long terme, peut-être,
quand il deviendra évident que les femmes et les hommes ne peuvent
s’épanouir que dans des espaces à dimension humaine, le RTE pourrait
devenir indissociable d’une monnaie locale dans la perspective de relocaliser
l’économie et de partager les richesses produites à l’échelle d’un territoire.

Délicate sélection des candidats au RTE
Comment choisir et sélectionner les candidats au RTE? Selon quels critères?
C’est l’une des tâches les plus délicates à accomplir quand on met en place
un tel système. A Grande-Synthe, relève Jean-Christophe Lipovac, «nous ne
souhaitons pas opérer une sélection dure à l’entrée des porteurs de projets,
mais plutôt entreprendre une démarche pédagogique de questionnement sur
l’utilité sociale et écologique des projets présentés. Dans le cadre de la
gouvernance de la Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), nous
comptons créer des espaces de dialogue avec les acteurs du territoire pour
avoir une analyse partagée de l’utilité territoriale des projets à soutenir».

Statutairement, la SCIC créée à Grande-Synthe est une coopérative
d’activités et d’emploi (CAE). Issues de la loi du 31 juillet 2014 relative à
l’économie sociale et solidaire, les CAE permettent à un porteur de projet de
tester son activité en toute sécurité. Celui-ci bénéficie d’un hébergement
juridique ainsi que d’un appui méthodologique et technique. Le porteur de
projet signe avec la coopérative un «contrat d’appui au projet d’entreprise»
(CAPE). Si le test d’activité s’avère concluant, il peut alors bénéficier du statut
d’entrepreneur salarié et finalement signer un contrat de travail à durée
indéterminée avec la coopérative.
Le «jeune entrepreneur» pourra ainsi percevoir un salaire, voire un
complément de revenu via le RTE, et bénéficier aussi de la couverture sociale
d’un salarié classique.

Une fois la structure installée, reste à préciser le mode de fonctionnement. La
méthode expérimentée par le projet TERA a déjà fait ses preuves. «Dans un
premier temps, explique Frédéric Bosqué, une réunion appelée La théorie du
changement nous permet de préciser les missions dont nous avons besoin
pour atteindre notre objectif commun. Lors d’une deuxième réunion intitulée
Place des aspirations, chacun est invité à faire connaître ses aspirations et
choix personnels». Projets collectifs et individuels sont ensuite mis en balance.
Enfin, les activités sont triées par ordre d’utilité commune. Ont notamment

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été retenus le maraîchage, le compostage et le recyclage des déchets, la
boulangerie, le gîte, l’assistant de gestion et le secrétariat. Plus tard viendront
l’écoconstruction, la maintenance et l’entretien, les jardins et forêts ainsi que
l’informatique.

Certaines activités comme le maraîchage et le gîte commencent à dégager
des revenus. «Notre objectif, souligne Frédéric Bosqué, est d’arriver à un
autofinancement des RTE par nos activités, à hauteur de 25% la première
année, 50% la seconde et 100% la troisième». TERA reçoit par ailleurs d’autres
subventions, notamment de la région Nouvelle Aquitaine pour le travail social
d’innovation et de l’ADEME pour son conseil scientifique. Que penser de telles
subventions publiques dans un projet à vocation locale qui cherche à
développer une autre forme d’économie? Clément Cayol, chargé de mission
«revenu minimum social garanti» à la mairie de Grande-Synthe, n’y voit pas
de problème, bien au contraire: «eu égard au bienfait social du RTE dans les
territoires, des fonds publics sont bienvenus».

La recherche, matière grise des laboratoires
Il n’y a pas de laboratoire digne de ce nom sans chercheurs. Le constat
s’applique aux laboratoires vivants du RTE dont l’expérimentation aux
multiples visages exige un examen approfondi de chercheurs, à l’affût de ce
qui fonctionne bien ou non, de ce qui doit être amélioré, précisé, voire modifié,
et finalement de ce qui est ou non reproductible dans d’autres territoires.
Dans la convention de partenariat entre la fondation Zoein et la commune de
Grande-Synthe, il est stipulé que Zoein s’engage à apporter un soutien
financier exceptionnel de 30.000 euros pour la mise en place d’une
coopérative de transition écologique. «Cette aide a notamment vocation à
soutenir un projet de recherche et de collaboration avec la fondation Zoein
en lien avec des agents de la ville de Grande-Synthe et un ou des
doctorants(s) participants(s) au projet».

On retrouve la même somme de 30.000 euros dans le projet de RTE de la
Haute Vallée de l’Aude, dont 10.000 euros sont attribués au financement d’un
programme mené par Benoît Prevost, chercheur de l’Université Paul Valéry à
Montpellier. Ayant suivi l’évolution du Pôle territorial de coopération
économique (PTCE) depuis son origine, ce chercheur est bien placé pour
scanner le RTE dans son élaboration.

En plus d’une aide financière, Zoein met son conseil scientifique au service
des territoires. Les experts de ce conseil, dans des domaines aussi variés que
le climat, l’agroforesterie, la biodiversité, la monnaie locale ou le droit public,
peuvent soutenir les chercheurs doctorants dans leurs travaux. Pour le RTE
en France, 2020 sera l’année de la consolidation des outils mis en place,
notamment des coopératives de transition écologique, avec les premiers
engagements des entrepreneurs-associés.

En cette année d’élections municipales, le RTE pourrait devenir un enjeu pour
un pays malade de sa fracture sociale et prêt – plus qu’on ne l’imagine - à
expérimenter localement un vivre autrement. A l’heure du bouleversement
climatique et de l’effondrement de la biodiversité, une transition écologique
et solidaire réussie devrait être un impératif pour tout(e) élu(e) responsable.

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Vers une nouvelle entreprise à but communal
dans le Lot-et-Garonne
Le projet TERA dans le département du Lot-et-Garonne s’articule autour de
sept structures. Un schéma plutôt compliqué que Frédéric Bosqué aimerait
bien simplifier par une loi qui créerait une nouvelle entité juridique française:
l’écosystème coopératif. En attendant, TERA fonctionne avec:

1 - Une association sans but lucratif qui promeut des écolieux. C’est un organe
politique léger, sans salarié ni capital.

2 - Une société civile immobilière (SCI). Elle comprend le foncier et les
bâtiments professionnels: la ferme, le terrain de la commune de Trentels, les
immobilisations louées à des professionnels. Les actionnaires financiers de
cette SCI ne pèsent qu’un sixième des voix. Terrains et habitat s
professionnels n’appartiennent pas à des particuliers mais à la communauté.
Ces derniers détiennent des parts sociales au sein de la SCI.

3 – Un fonds de dotation. Il collecte des dons pour des investissements dans
des activités non marchandes. Les donateurs bénéficient d’une défiscalisation
à hauteur de 66% pour les particuliers et de 60% pour les entreprises.

4 – Deux associations fiscalisées à but non lucratif. Elles concernent des
activités liées au secteur marchand: la Coop de Tilleul à Lartel et les Amis de
Lustrac à Trentels. Ces deux associations vont se muer en société coopérative
d’intérêt collectif au moment de la réception des premiers capitaux
permettant de faire démarrer les activités économiques.

5 – Une coopérative d’habitants. Les habitants locataires de leurs maisons
(quand elles seront construites) détiendront des parts sociales au sein de
cette coopérative qu’ils gèreront.

6 – Un organisme d’accueil communautaire et d’activités solidaires. Cet
organisme encore à créer rassemblera des personnes qui ne veulent pas
développer d’activités marchandes et se mettre par exemple au service du
service à la personne, de la biodiversité, de la culture, etc. Il sera financé par
des dons du système coopératif (voir aussi:https://www.emmaus72.fr/wp-
content/uploads/2015/11/OACAS-d%c3%a9pliant-externe-nov2015.pdf).

Frédéric Bosqué souhaiterait que l’Assemblée nationale française vote une loi
instituant le statut d’entreprise à but communal qui regrouperait tous ces
organes en une seule entité. Laquelle faciliterait grandement les activités
marchandes et non marchandes du territoire ainsi que la renaissance de
services publics qui ont déserté des campagnes françaises, comme
l’accompagnement de personnes âgées ou handicapées, les transports
publics, les soins médicaux, etc.

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