Comprendre le risque avalanche - Hal Inrae
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Comprendre le risque avalanche Sebastiàn Escalon, Ur Etna, Thierry Caquet, Mohamed Naaim, Patrick Flammarion To cite this version: Sebastiàn Escalon, Ur Etna, Thierry Caquet, Mohamed Naaim, Patrick Flammarion. Comprendre le risque avalanche. ”Ressources” n°1, la revue INRAE, 1, pp.40-55, 2021, �10.17180/nb59-ks43�. �hal-03451284� HAL Id: hal-03451284 https://hal.inrae.fr/hal-03451284 Submitted on 26 Nov 2021 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. Copyright
DÉCRYPTAGE COMprendre le RISQUE AVALANCHE Dans le rude milieu de la montagne, les composantes du risque – aléa, exposition, vulnérabilité – sont particulièrement délicates à appréhender. À l’aide d’une palette d’outils toujours plus © M. Naaim/INRAE perfectionnés, les chercheurs développent les connaissances sur un risque en pleine évolution à l’heure du changement climatique. Ce dossier est dédié à Xavier Ravanat, membre de l’unité ETNA, décédé en février 2021 lors d’un accident en montagne. 40
L’écosystème du risque Avalanche La prévention contre les avalanches implique une connaissance fine des phénomènes en jeu et une interaction continue avec un réseau d’acteurs professionnels afin de concevoir, fabriquer et mettre en place un dispositif de protection adapté. 7 6 8 POURQUOI SE QUELS T YPES D’AVALANCHE ? DÉCLENCHENT-ELLES ? 1 Avalanches denses humides Avalanches à départ ponctuel Une avalanche humide contient au moins Elles se déclenchent lorsque les forces de 10 kg d’eau par m3. Lorsqu’elles contiennent cohésion du manteau neigeux ne suffisent plus de 30 kg d’eau par m3, les forces de plus à assurer sa stabilité. C’est souvent frottement sont fortement réduites et le cas des avalanches humides ou des l’avalanche peut parcourir de plus longues avalanches de neige fraîche. distances. Malgré leur vitesse générale- ment plus faible, elles sont capables Avalanches à départ linéaire d’exercer des pressions très élevées, Elles se déclenchent lorsqu’une « couche notamment lorsque de gros volumes QUELS DISPOSITIFS faible », peu cohésive, se retrouve sous une sont mis en jeu. PARAVALANCHES ? couche plus cohésive, plus dure. Il suffit 4 Ouvrages de défense active d’une surcharge, comme le passage d’un 2 Avalanches denses sèches Ils visent à empêcher les avalanches de skieur ou la chute d’une corniche, pour que Ce sont des avalanches de neige dont la se former. Constitués de râteliers, claies, la couche faible se fracture, conduisant à la masse volumique est comprise entre 200 vire-vent, toits-buse ou barrières à neige, déstabilisation de la couche sous-jacente et et 400 kg/m3. Elles sont capables d’exercer ces dispositifs mis en place dans la zone de au déclenchement de l’avalanche. de très fortes pressions sur les bâtiments, départ stabilisent le manteau neigeux ou quand elles vont vite (jusqu’à 150 km/h). modifient la répartition de la neige afin d’éviter qu’une surcharge ne déclenche 3 Avalanches en aérosol l’avalanche. Composées de neige en suspension dans l’air, elles se forment au-dessus des 5 Ouvrages de défense passive avalanches denses. Elles peuvent atteindre Ils visent à ralentir, dévier ou stopper 50 mètres de hauteur et remonter sur le l’avalanche. Ils sont constitués de tas versant opposé contrairement à la partie freineurs, de digues de déviation, de dense. galeries et de digues d’arrêt.
T YPES D’AVALANCHE Départ 1 ponctuel Avalanche dense humide Départ linéaire 3 Avalanche en aérosol 4 2 Râteliers Avalanche dense sèche 5 10 Digue d’arrêt 10 QUI SONT LES ACTEURS IMPLIQUÉS ? Le travail mené par l’unité ETNA 6 sur la connaissance du phénomène et la conception d’outils de prévention ne peut se faire sans une forte synergie avec d’autres laboratoires, notamment le Centre d’étude de la neige (CEN, au sein du Centre 6 national de recherches météorologiques - CNRM), dans le cadre de projets collaboratifs à l’échelle nationale ou européenne voire 9 internationale. Les interactions fortes avec l’ensemble des acteurs des risques naturels en montagne, donneurs d’ordre ou opérationnels : Direction générale de la prévention des risques (DGPR) au ministère de la Transition écologique (MTE) 7 , Service Restauration des terrains en montagne (RTM) de l’Office national des forêts (ONF) 8 , bureaux d’études 9 , communautés de communes 10 associations… permettent une prévention au plus près des besoins de tous.
DÉCRYPTAGE UNE APPROCHE SYSTÉMIQUE POUR UN RISQUE EN GRANDE ÉVOLUTION Grâce à un engagement continu des chercheurs depuis 50 ans, l’approche et les outils d’étude du risque Avalanche se perfectionnent, dans une optique résolument multidisciplinaire et intégrative. Indispensable, à l’heure où le changement climatique complexifie la donne. Rendre la zone non constructible ou l’aménager fut alors décidée, lui donnant pour mission prin- avec un ouvrage de protection ? Entre dévelop- cipale de mieux appréhender les risques causés pement et sécurité, la compétition pour l’espace par les avalanches. « À ses débuts, l’unité s’intéressait est toujours féroce en montagne. Les décisions principalement à la localisation des avalanches, au dé- liées au risque avalancheux se chiffrent en mil- veloppement et à la mise au point des dispositifs de lions d’euros et peuvent avoir des conséquences protection », retrace Florence Naaim, directrice sur des vies humaines. Les questions de recherche d’ETNA. « Puis, nous avons basculé sur la recherche associées sont complexes et recouvrent plusieurs concernant la nivologie et plus spécifiquement la phy- échelles, allant de la compréhension de la phy- sique des avalanches ; nous nous intéressons désormais sique des avalanches à celle des évolutions des également aux enjeux, à leur vulnérabilité et à l’ensemble composantes de ce risque : aléa, vulnérabilité et des mécanismes physiques et sociaux à l’origine du exposition. risque. Ainsi, nous ne nous focalisons pas uniquement sur l’aléa mais traitons le risque dans sa globalité avec Appréhender le risque dans sa globalité une approche systémique. » 1970 fut une année noire pour la montagne fran- Cette dynamique reflète la reconnaissance du çaise. Le 10 février, une avalanche dévalait sur un caractère systémique du risque intégrant conjoin- chalet du centre de vacances UCPA à Val-d’Isère tement les dimensions d’aléa, de vulnérabilité et tuant 39 personnes. Deux mois plus tard, sur le d’exposition et leurs évolutions respectives, pro- plateau d’Assy, un glissement de terrain, mélange mu notamment par le cadre de Sendai (2015) 2. de boue, de neige et d’eau, s’abattait sur un sana- En effet, prévenir les dommages nécessite de torium. Bilan : 72 morts. comprendre comment différents facteurs (climat, Ces deux tragédies ont eu l’effet d’un électrochoc : topographie, pratiques de l’espace et choix d’amé- la France s’est vue démunie face à ces phéno- nagement par les sociétés, etc.), en se conjuguant, mènes récurrents mais difficilement prévisibles. peuvent conduire à la catastrophe, ce qui requiert La création du Service de nivologie du CTGREF 1, une vision à la fois globale et interdisciplinaire. ancêtre de l’actuelle unité de recherche Érosion Le laboratoire compte d’ailleurs aujourd’hui torrentielle, neige et avalanches (ETNA) d’INRAE, 30 chercheurs, ingénieurs et techniciens, aux 44
COMPRENDRE LE RISQUE AVALANCHE © M. Bonnefoy-Demongeot/INRAE disciplines variées : physiciens, modélisateurs, ↑ caractériser la variabilité de l’activité avalancheuse spécialistes de la mesure, statisticiens, historiens… Avalanche en à différentes échelles de temps et d’espace. C’est aérosol, aussi dite utile pour comprendre pourquoi certains massifs « de poudreuse », Observer, modéliser, quantifier reconnaissable par sont plus actifs que d’autres, en lien avec leur S’inscrivant dans une tradition d’observation en- la formation d’un topographie et leur localisation, de même pour tamée en 1899 avec la création de l’Enquête per- nuage d’air et de comprendre les liens entre activité avalancheuse neige en surface, manente sur les avalanches (EPA, lire p. 47) – tou- et forçage météorologique (voir glossaire p. 48). lors de son jours gérée conjointement avec l’Office national écoulement dans Dans le même temps, les enjeux et leur vulnéra- des forêts (ONF) et le ministère de la Transition la pente. bilité ont été intégrés. Pour ce faire, des modèles écologique (MTE) –, les travaux basés sur des de vulnérabilité du bâti et de ses occupants aux p. 41 approches à prédominance naturaliste ont été avalanches ont été développés. Ils ont été couplés Modélisation complétés dans les années 1970 par des re- numérique de aux modèles d’aléas, sous la forme de modèles cherches sur la physique et la modélisation des l’avalanche de de risque quantitatifs permettant le calcul de ni- processus. Afin de mieux quantifier l’aléa, définir Taconnaz (15 avril veaux de risque individuel exprimés en taux de les zones où le risque peut être considéré comme 2021), qui a été décès ou de destruction, et l’optimisation d’ou- stoppée par un acceptable et optimiser les stratégies d’atténua- système parava- vrages de protection. Et désormais les sciences tion du risque, les chercheurs ont, dans les années lanche. humaines et sociales complètent cette approche. 2000, associé aux modèles déterministes de pro- pagation des avalanches l’information contenue dans l’EPA dans un cadre statistique. Des modèles 1. CTGREF : Centre des risques de catastrophes numérico-probabilistes de plus en plus précis technique du génie rural 2015-2030, adopté par la 3e pour l’évaluation des « avalanches centennales » des eaux et forêts, ancêtre Conférence mondiale de en ont résulté. De l’échelle du couloir avalancheux, d’Irstea qui a fusionné le l’ONU, s’inscrit dans une l’approche a été étendue à celle de massifs, per- 1er janvier 2020 avec l’Inra suite de textes ratifiés pour former INRAE. depuis 1994 pour mettant l’évaluation des aléas sur les couloirs pas améliorer la réduction des ou peu documentés. Cette modélisation proba- 2. Le cadre d’action de risques au niveau mondial. biliste de l’aléa, locale puis régionale, permet de Sendai pour la réduction 45
DÉCRYPTAGE © M. Deschâtres/INRAE Ainsi, l’expertise historique permet par exemple ↑ le Centre d’étude de la neige de Météo France de mieux exploiter et valoriser les archives. De Les chercheurs sur la base des scénarios du GIEC (lire p. 48) ont interprètent des même, l’analyse de l’évolution des choix d’amé- permis de montrer que l’évolution déjà en cours photographies nagement et des perceptions du risque par les aériennes pour va s’amplifier, avec, par exemple, une diminution sociétés est prise en compte pour comprendre réaliser la Carte globale projetée de l’activité avalanches de 20 à les facteurs de vulnérabilité et l’exposition ac- des localisations 30 % au cours du XXIe siècle du fait d’une réduc- des phénomènes tuelle, et pouvoir agir dessus… tion drastique de l’enneigement. À noter toutefois d’avalanches Un risque maîtrisé alors ? Loin de là ! Les systèmes (CLPA). un cas particulier en haute altitude où, du fait de socio-environnementaux de montagne évoluent précipitations neigeuses extrêmes, le nombre à présent extrêmement rapidement sous l’action d’avalanches pourrait augmenter pendant quelque des changements globaux (climatiques, sociétaux, temps, avant de diminuer, avec l’occurrence en- etc.), altérant ainsi le risque. core possible d’avalanches de neige froide et sèche de grande ampleur, comme cela a été le cas en Un changement climatique aux multiples impacts L’impact du changement climatique sur l’aléa a été la première question traitée. Les chercheurs Si globalement ont d’abord étudié l’évolution de l’activité avalan- l’enneigement diminue, cheuse aux échelles des processus climatiques. Ils ont ainsi montré qu’au début des années 1980 dans les territoires une série d’hivers très rudes a conduit à un pic de l’activité avalancheuse en France, puis que, de montagne, le risque dès le milieu des années 1980, les avalanches sont devenues moins fréquentes et moins importantes avalancheux persiste, à basse et moyenne altitude, avec une proportion plus grande d’avalanches de neige humide. Pour avec de nouveaux le futur, des travaux menés conjointement avec contours. 46
COMPRENDRE LE RISQUE AVALANCHE 1999 à Montroc, dans la vallée de Chamonix. Une RESSOURCES avalanche avait alors emporté 14 chalets et tué 12 personnes. Les travaux en cours visent à affiner Un jeu de données ces estimations afin d’obtenir des projections futures plus réalistes en termes d’évolution du unique au monde nombre, de l’intensité, de la localisation et de la saisonnalité des avalanches. « Là où une avalanche est Val-d’Isère en février 1970, venue, elle repassera ». cette chronique d’événements Impact du tourisme et du bâti Voilà ce que nous enseigne la a été complétée à la demande Les autres déterminants du risque évoluent au sagesse populaire. En 1899, de l’État par une carte-inven- moins aussi rapidement. Avec le réchauffement face aux dégâts provoqués par taire des emprises maximales et la déprise agropastorale, les versants se re- les avalanches, Paul Mougin, des phénomènes : la CLPA boisent très rapidement. En parallèle, les zones ingénieur des Eaux et Forêts, (Carte de localisation des bâties voient globalement leur taille augmenter, lançait ainsi une initiative phénomènes avalancheux). notamment du fait de l’essor du tourisme hiver- originale : réaliser un inventaire nal, tandis que des ouvrages de protection sont des avalanches survenues en Cette carte reprend les construits alors que d’autres se dégradent parfois, Savoie. Ceci permettrait de phénomènes observés ou faute d’entretien suffisant, l’ensemble jouant sur garder une trace de ces historiques via la représenta- l’exposition au risque. Les chercheurs mettent à événements et d’évaluer tion des limites extrêmes jour cette mécanique complexe, très variable d’un l’étendue des forêts détruites atteintes par les avalanches. contexte local à un autre, en conjuguant ap- chaque année. Elle est réalisée par l’unité de proches qualitatives et quantitatives à différentes recherche ETNA, d’abord à échelles de temps et d’espace. Il a pu notamment L’ingénieur Mougin ne pouvait l’aide de photos-interprétations être montré que, dans les très hautes vallées al- pas savoir que, 120 ans plus et d’observations de terrain, pines, le risque lié aux avalanches pour le bâti et tard, son œuvre perdurerait : puis par recueil de documents ses occupants avait vraisemblablement augmen- hiver après hiver, 260 agents de d’archives et de témoignages té au cours des dernières décennies, sous l’action l’ONF collectent des données auprès des habitants et des conjuguée d’un aléa toujours présent et d’une sur les avalanches sur professionnels de la montagne. exposition en augmentation. A contrario, aux al- 3 600 couloirs répartis dans EPA et CLPA, dispositifs titudes plus basses, le risque est en diminution 11 départements français financés par la Direction sous l’action conjuguée d’une réduction de l’en- (Alpes et Pyrénées). générale de la prévention des neigement et d’un boisement progressif des cou- Consciencieusement, ils notent risques (DGPR) du ministère de loirs, parfois jusqu’aux zones de départ d’ava- leurs dates, leurs altitudes de la Transition écologique, et lanches. Des calculs de risque quantitatifs ont pu déclenchement et d’arrêt, leurs gérés par INRAE, offrent des montrer comment le renforcement des bâtiments volumes et bien d’autres visions temporelle et spatiale exposés et la gestion de la forêt à fonction de caractéristiques. Ces données complémentaires d’un même protection, pouvaient être conjugués pour s’adap- alimentent l’Enquête perma- phénomène et fournissent un ter à ces évolutions et maîtriser le risque. nente sur les avalanches (EPA) jeu de données unique, exploité Ainsi, si globalement l’enneigement diminue, dans qui regroupe aujourd’hui plus pour l’expertise et la recherche, les territoires de montagne, le risque avalancheux de 100 000 observations. en libre accès sur : persiste avec de nouveaux contours. Appelés à À la suite de la catastrophe de www.avalanches.fr élaborer des stratégies d’adaptation aux investis- sements à long terme, les acteurs de ces territoires doivent pouvoir s’appuyer sur des connaissances CARTE DE LOCALISATION DES PHÉNOMÈNES AVALANCHEUX (CLPA) exactes et fiables. L’approche systémique de la recherche et des travaux de plus en plus précis accompagnent ces décideurs pour appréhender 850 000 25 000 hectares cartographiés emprises d’avalanches 13 000 témoignages au plus près un risque en grande évolution. ● répertoriées recueillis 47
DÉCRYPTAGE GLOSSAIRE CHANGEMENT CLIMATIQUE Aléa Que dit le GIEC sur les avalanches ? Phénomène plus ou moins probable sur un espace donné, caractérisé par sa localisation, son intensité, son ampleur, sa fréquence et le degré Connu pour ses synthèses circulation (CRM) par les modèles de probabilité qui lui est associé. internationales de référence généraux (CGM), adaptation à la (6e rapport publié le 9 août 2021) le topographie de montagne, Vulnérabilité Groupe d’experts intergouverne- modélisations de l’enneigement Condition provoquée par des facteurs mental sur l’évolution du climat à l’aide de modèles physiques ou processus physiques, sociaux, (GIEC) produit également des corrigés par l’observation. Il est économiques et environnementaux, « rapports spéciaux ». Celui dédié alors possible d’alimenter des qui ont pour effet de rendre aux océans et à la cryosphère relations empiriques entre les personnes, les communautés, (Special Report on the Ocean and enneigement et activité avalan- les biens matériels ou les systèmes Cryosphere in a Changing Climate cheuse établies sur le passé. plus sensibles aux aléas. – SROCC), en 2019, a été le premier comportant un chapitre spéci- Ce rapport, auquel INRAE a fique sur les zones de montagne. contribué, conclut avec un niveau Exposition de confiance élevé que les aléas Situation des personnes, « Alors que les rapports du GIEC naturels en montagne, dont les infrastructures, logements, font traditionnellement la part avalanches spontanées, se capacités de production et autres belle aux glaciers et aux milieux produiront dans le futur dans des actifs tangibles situés dans des polaires, ils ne disaient jusqu’ici lieux et/ou à des saisons où ils ne zones à risque. presque rien de l’évolution des se produisaient pas jusqu’alors. avalanches et du risque associé Cette formulation, fruit d’un Mesures en raison d’un manque de résultats disponibles dû à la compromis scientifique et politique, sans nier la possible d’atténuation complexité du problème », expose réduction locale de l’aléa avec ou de mitigation Nicolas Eckert, chercheur de l’unité ETNA. En effet, pour l’enneigement, met l’accent sur les problèmes potentiellement Elles correspondent à la réduction détecter des changements posés par l’évolution rapide dans ou limitation des conséquences passés, il est nécessaire de la localisation spatiale et négatives d’un événement disposer de séries d’observations temporelle des phénomènes dangereux. longues et homogènes, et de les dangereux. Ainsi, on s’attend à exploiter avec un arsenal davantage d’avalanches de neige Forçage statistique relativement avancé. humide aux altitudes élevées et (de l’activité avalancheuse) De même, pour appréhender les au cœur de l’hiver, où l’enneige- Caractéristiques météorologiques évolutions futures de l’activité ment est pour l’instant préservé. qui déterminent l’enneigement et avalancheuse, il faut convertir les Cette évolution doit être prise en donc l’activité avalancheuse locale : scénarios d’évolution globaux du compte, par exemple, pour température, précipitation, vent… climat en scénarios locaux adapter les dimensionnements d’évolution de la météorologie et des remontées mécaniques qui de l’enneigement. Cela nécessite pourraient être touchées par des d’utiliser des techniques com- avalanches exerçant potentielle- plexes de changement d’échelle ment de fortes pressions en pleine (Source : cahier no 10 de l’ANR : et de correction de biais : forçage saison touristique. Risques et catastrophes naturelles ; INRAE) des modèles régionaux de 48
COMPRENDRE LE RISQUE AVALANCHE UNE RECHERCHE À MULTIPLES FACETTES De l’échelle du micromètre à celle d’un massif montagneux, de l’observation à la modélisation, les chercheurs convoquent l’ensemble des techniques et technologies d’aujourd’hui, en nivologie et au-delà, pour connaître et anticiper ce phénomène complexe. « La physique des avalanches reste une thématique-clé… nous permettent de mesurer la pression qu’elle exerce », Nous travaillons de l’échelle du grain de neige à celle explique Emmanuel Thibert, chercheur à ETNA. du massif », explique Florence Naaim, directrice « On a ainsi montré qu’une avalanche peut entraîner de l’unité de recherche ETNA. En effet, lorsqu’on une grande quantité de neige allant jusqu’à 10 fois celle parle d’avalanches, « on ne peut pas comprendre le mobilisée dans la zone de départ, ou encore que le coef- très grand sans connaître le tout petit ». Observation, ficient permettant de calculer la pression exercée sur expérimentation et modélisation constituent le un obstacle à partir de la vitesse de l’avalanche et de sa triptyque des chercheurs permettant d’améliorer masse volumique était jusqu’alors très largement sous- la connaissance pour mieux anticiper les phéno- estimé (d’un facteur 10) dans les zones de faible vitesse mènes. (zones d’arrêt) » détaille Florence Naaim. Au col du Lac-Blanc à 2 700 m, à proximité de la Des observations grandeur nature station de l’Alpe-d’Huez (Isère), les chercheurs pour alimenter les connaissances étudient l’interaction entre la neige et le vent en Les chercheurs d’ETNA s’appuient sur plusieurs collaboration avec leurs collègues du Centre sites de terrain pour réaliser leurs observations. d’étude de la neige du Centre national de re- Pour comprendre la dynamique des avalanches, cherches météorologiques (CNRM). En effet, le ils disposent depuis 1973 d’un lieu exceptionnel : vent est un élément central dans le déclenchement le site expérimental du Lautaret, dans les Hautes- des avalanches. Celui-ci modifie les dépôts de Alpes. Grâce à un exploseur au gaz, ils peuvent y neige et crée des corniches ou des accumulations déclencher des avalanches et les analyser sous qui, à tout moment, peuvent entraîner des ava- toutes les coutures. « On étudie leurs caractéristiques lanches. « Véritable soufflerie naturelle, instrumenté telles que la vitesse d’écoulement ou le volume de neige depuis 30 ans, notre site a permis d’éprouver de nou- déplacé. Grâce à des systèmes d’imagerie, on peut filmer velles techniques de mesure, et de créer une base de l’avalanche avec une caméra rapide ou en 3D, et mieux données climatologiques unique, attirant équipes scien- comprendre l’interaction entre l’avalanche et le terrain. tifiques autrichiennes et japonaises. Ce sont, en effet, Les capteurs posés sur un obstacle le long du parcours plusieurs centaines de tonnes de neige par mètre linéaire 49
DÉCRYPTAGE Chambon, directeur de recherche adjoint de l’uni- té ETNA. Pour étudier cette microstructure, les chercheurs utilisent des tomographes à rayons X. « Ces appareils nous permettent d’observer des détails de quelques micromètres. On peut ainsi étudier l’évolution de la neige en fonction de divers paramètres, comme la température ou la pression, et créer des modèles tridi- mensionnels pour explorer la réponse mécanique du matériau au moyen d’expériences numériques », ajoute le chercheur. Des modèles numériques pour l’exploitation des données Toutes ces observations et expériences ne pour- raient cependant être exploitées, notamment pour la prévention, sans une autre méthode employée par l’unité : la modélisation numérique. Le but ? © H. Raguet « Nous essayons d’intégrer dans un même modèle des connaissances qui vont de l’échelle microscopique à celle d’un versant entier », explique Guillaume Chambon. de crête que voient défiler nos capteurs chaque saison », ↑ Ces modèles et simulations numériques per- précise Florence Naaim. Maquette mettent ensuite de déclencher des avalanches modélisant une virtuelles en faisant varier les paramètres de dé- avalanche dense. Des expérimentations en laboratoire Un procédé qui a part. À partir de ces modèles croisés avec les scé- pour mieux comprendre permis le dimen- narios climatiques du GIEC, il est alors possible Mais étudier les avalanches « en vrai » ne suffit sionnement du d’imaginer à quoi ressembleront les avalanches pas. Pour comprendre la façon dont chaque grain paravalanche de du futur. La combinaison de ces méthodes a déjà Taconnaz. de neige roule sur les autres, accélère ou ralentit, porté ses fruits. Les modèles d’avalanches denses d’autres méthodes sont nécessaires. C’est ainsi et en aérosol sont déjà très fiables, et permettent, que les modèles réduits entrent en jeu. Ceux-ci par exemple, de faire des recommandations pré- permettent de réaliser des expériences sur la dy- cises sur les structures paravalanches à mettre namique des écoulements neigeux. « Nous utilisons en place. deux analogies », décrit Thierry Faug, chercheur et ingénieur de l’unité. « Pour les avalanches denses et Le changement climatique invite cependant la sèches, on mime le comportement des grains de neige recherche à poursuivre ses travaux pour mieux sèche, à savoir leur cohésion et leur frottement, en uti- connaître les avalanches humides, dans lesquelles lisant des billes de verre et de la poudre de PVC. Pour l’eau liquide et la glace se mêlent, et dont la dy- les avalanches en aérosol, nous faisons couler un fluide namique n’est pas encore bien comprise. lourd, de l’eau salée par exemple, dans un fluide plus Pour cela, l’observation, l’expérimentation et la léger, de l’eau claire. Le fluide lourd permet d’imiter le modélisation seront sans doute encore une fois mélange d’air et de particules de glace en suspension la combinaison gagnante pour perfectionner la qui constitue ce type d’avalanches. » connaissance d’un phénomène complexe et op- Il faut cependant descendre à des échelles encore timiser les outils de prévention. ● plus réduites pour connaître les lois qui régissent la déformation de la neige dans le manteau nei- geux et son écoulement durant l’avalanche. « Les propriétés mécaniques de la neige dépendent de la micro- structure du matériau », rappelle Guillaume 50
COMPRENDRE LE RISQUE AVALANCHE CLIMAT Revoir les dispositifs de protection Ainsi, les dispositifs de défense freineurs, de digues d’arrêt ou de digues de déviation. Mais, sur Les avalanches active, faits de râteliers, filets, claies ou vire-vent pour empêcher le certains sites, la marge de ces structures de protection par rapport humides, un déclenchement des avalanches en haut des pentes, pourraient être aux aléas n’est pas très grande. Or, l’avalanche humide ne suit pas risque émergent emportés ou s’avérer inopérants. toujours la trajectoire attendue En effet, avec le réchauffement, suivant la plus grande pente. Une le comportement de la neige en avalanche humide de grand volume, L’une des évolutions majeures reptation 1 change du fait de son du fait de ses trajectoires difficiles à provoquées par le changement humidification. « La présence d’eau en prédire, pourrait alors déborder ces climatique est l’augmentation de la plus grande quantité alourdit la neige et protections et causer des dégâts. fréquence des avalanches humides. entraîne plus de glissements du manteau L’heure n’est pas à la panique mais à Ces avalanches constituent un neigeux et ceci amplifie les forces sur les la prudence. « Il n’y a pas à réinventer risque émergent vis-à-vis duquel ouvrages », explique Thierry Faug. les stratégies paravalanches », tempère certains sites ne sont pas bien Aussi, ils devront être conçus pour Thierry Faug. « Néanmoins, il y a des préparés. résister à des pressions désormais endroits où il faudra optimiser les plus fortes en raison de l’évolution dispositifs afin de réduire la vulnérabilité, Les écoulements dus aux avalanches du manteau neigeux et des condi- notamment en envisageant un scénario humides, lorsqu’ils surviennent plus tions de départ des avalanches. neige humide en plus de, ou à la place, du tôt dans la saison hivernale, sont Ils devront également être envisagés scénario neige sèche. » Pour ce faire, les capables de mobiliser de gros dans de nouveaux sites, où le chercheurs continuent de collaborer volumes de neige et d’eau, et glissement à la base était peu actif avec les acteurs de la montagne pour d’exercer des pressions élevées de jusque-là. une adaptation au plus juste. ● l’ordre de 10 t/m2, malgré leur faible La défense passive pourrait elle aussi 1. Reptation : mouvement lent de la vitesse, et causer d’importants dégâts. souffrir de cette évolution. Ce type neige sous l’effet de la gravité, qui combine Dans certains cas extrêmes, lorsque de stratégie vise à freiner, dévier ou tassement et cisaillement ainsi que la proportion d’eau est très élevée, stopper l’avalanche à l’aide de tas glissement à la base. ces écoulements peuvent parcourir des distances étonnamment longues allant de plusieurs centaines de mètres au kilomètre, dépassant les périmètres habituels. Autre pro- blème : la dynamique des avalanches humides n’est pas encore bien connue. « Nous sommes là à la limite de nos connaissances sur ce phénomène. Nous ne savons pas encore bien modéliser leur comportement », admet Thierry Faug, chercheur à l’unité ETNA. Or, dans beaucoup de sites de montagne, les dispositifs parava- lanches sont dimensionnés pour pro- téger contre un scénario d’avalanche © C. Maréchal/RTM73 de neige froide et sèche. Face à une avalanche humide de fortes dimen- sions, ces protections pourraient, dans certains cas, ne pas suffire. 51
DÉCRYPTAGE LA COLLABORATION AU CŒUR DE LA PRÉVENTION Fortement impacté par le changement climatique, le risque Avalanche évolue rapidement. Entre recherche et expertise, la collaboration entre les scientifiques et les multiples acteurs de la prévention est la clé de la connaissance et de l’anticipation des risques actuels et émergents. Avec des températures et des précipitations en ci sont amenés à caractériser le risque qui doit grande évolution, les territoires de montagne sont être pris en compte dans la planification et l’amé- amenés à rapidement s’adapter pour assurer aux nagement du territoire, en particulier via les Plans habitants une activité économique d’avenir et de prévention des risques naturels prévisibles préserver une activité touristique majeure en (PPRNP), qui s’imposent aux plans d’occupation France, le tout dans la plus grande sécurité. Pour des sols. Les communes, en charge de la sécurité cela, ils déploient des stratégies locales d’adap- publique, de la prévention et l’organisation des tation élaborées en cohérence avec la politique secours contre les catastrophes, les départements nationale de prévention des risques portée par et les régions mobilisés pour la sécurité du réseau le ministère de la Transition écologique (MTE), routier, l’aménagement du territoire et l’informa- en particulier la Direction générale de la préven- tion préventive, et les citoyens, premiers concer- tion des risques (DGPR), et nourries, en premier nés et bénéficiaires de cette prévention, com- lieu, par les travaux de la recherche d’INRAE et plètent le dispositif de prévention des risques et du Centre national de recherches météorolo- de protection des bâtiments et infrastructures. giques (CNRM). Expertise scientifique et prévention, Une prévention des risques collective un dialogue fructueux pour une meilleure efficacité Si le développement des connaissances et les Classé dans la catégorie des risques majeurs de nouvelles données jouent un rôle essentiel dans la politique nationale de prévention, le risque lié l’élaboration des plans de prévention et les pres- aux avalanches est pris en charge par une multi- criptions pour l’ensemble des actions (conception tude d’acteurs. Porté par l’État, il est confié aux de dispositifs de défense active et passive, loca- services Restauration des terrains de montagnes lisation et construction des routes de montagne, (RTM) de l’Office national des forêts (ONF). Ceux- plantation de forêts de protection, édification de 52
COMPRENDRE LE RISQUE AVALANCHE refuges…), les scientifiques peuvent également être missionnés comme experts en matière de Le dialogue avec les protection paravalanche auprès des collectivités locales, des bureaux d’études et des communes. porteurs de politiques « Nous n’intervenons que dans les cas complexes, lorsque l’utilisation des derniers résultats de la recherche est publiques nourrit la requise et/ou que les enjeux sont tels que le comman- ditaire de l’expertise se tourne exclusivement vers nous », recherche via l’émer- explique Florence Naaim, directrice de l’unité de gence de nouvelles questions et contribue recherche ETNA. « INRAE a d’ailleurs reçu pour la première fois, en janvier dernier, la certification ISO 9001 pour l’ensemble de son système qualité d’expertise ayant trait à la gestion des risques gravitaires en mon- à lui donner du sens. tagne, dont les avalanches ». Sur ce sujet, comme sur d’autres traités par les équipes d’INRAE, re- cherche et expertise sont en dialogue permanent. Les résultats de la recherche sont mobilisés pour accompagner les porteurs de politiques publiques. délisation physique (eau salée dans l’eau). « Et En retour, le dialogue avec ces acteurs nourrit la comme l’expert garde son ADN de chercheur, nous recherche via l’émergence de nouvelles questions avons profité de la construction des dispositifs parava- et contribue à lui donner du sens. lanches pour y inclure des capteurs automatiques de vitesse et de pression, afin de nous permettre d’évaluer Données et modélisation l’efficacité des dispositifs paravalanches et de mieux à la rescousse comprendre leur influence sur l’écoulement », poursuit Ainsi les chercheurs d’ETNA ont, par exemple, Thierry Faug. Des pressions d’impact allant jusqu’à participé à la conception de la digue de Taconnaz 95 t/m² ont ainsi pu être enregistrées, en accord (en association avec le bureau d’études Ingerop avec la prédiction des modèles. Un contrôle qua- pour le compte de la Communauté de communes lité, en quelque sorte… de la vallée de Chamonix–Mont-Blanc), un ou- vrage massif de 25 m de haut, placé au pied du Diffuser les connaissances plus long couloir d’avalanches des Alpes dans le En parallèle, afin d’aider les bureaux d’études et massif du Mont-Blanc. « Notre tâche a été de dire les maîtrises d’œuvres à réduire la vulnérabilité quelle taille, quelle position et quelle forme devaient des zones habitées, des guides techniques sur les avoir la digue et les autres dispositifs de défense passive », dispositifs de protection sont rédigés. Ainsi, un explique Thierry Faug, chercheur de l’unité. La guide européen de référence pour la construction combinaison des données historiques issues de de digues paravalanches d’arrêt et de déviation l’Enquête permanente sur les avalanches (EPA) a pu être réalisé en 2009 à partir des travaux et des modèles numériques de propagation a d’équipes de recherche européennes dont ETNA. permis de déterminer les événements centennaux D’autres objets de diffusion des connaissances de référence (définis par le volume et l’énergie sont régulièrement élaborés. de l’avalanche). Les différentes stratégies de protection, conçues L’impact rapide du changement climatique, en pour arrêter les avalanches denses, ont alors été particulier sur l’occurrence et la nature des ava- testées par modélisation physique au laboratoire lanches, impose le maintien de recherches sur (billes de verre et PVC), puis mises à l’épreuve de l’aléa, le risque et la mise à jour des données, mais la modélisation numérique sur topographie réelle, c’est surtout grâce à une collaboration continue le risque résiduel lié à la partie poudreuse de avec les acteurs nationaux et locaux qu’une pré- l’écoulement ayant été estimé à partir de la mo- vention adaptée et efficace sera possible. ● 53
DÉCRYPTAGE Une gestion du risque qui s’appuie sur la science Un entretien avec Véronique Lehideux, cheffe du service Risques naturels et hydrauliques au ministère de la Transition écologique Véronique Lehideux pilote réduisant en prescrivant des mesures périglaciaire avec l’appui d’INRAE. Il est le service chargé d’élaborer dans les autres zones. Leur élaboration aujourd’hui piloté par l’ONF avec une s’appuie sur l’événement le plus grave implication toujours très forte d’INRAE. et d’animer la politique connu ou sur une référence propre à nationale de prévention l’aléa – la centennale pour la crue et Quel est l’objectif de ce travail des risques naturels et de l’avalanche par exemple. Pour sur les risques d’origine glaciaire ? l’avalanche, la référence tri-centen- L’objectif est d’anticiper ces risques coordonner les actions nale a été ajoutée pour délimiter les nouveaux : dégel du pergélisol ou de prévention des risques zones d’aléas de référence exception- effondrement de glacier. Sur ce dernier, majeurs. Nous l’avons nelle (zones jaunes). L’amélioration INRAE porte avec l’Institut des des connaissances de l’impact du géosciences de l’environnement (IGE) interrogée sur le risque changement climatique sur les aléas une action d’appui sur le suivi et le Avalanche, sa prévention pourra poser, à terme, la question de devenir du glacier de Taconnaz, qui et la collaboration avec la l’évolution des seuils de référence, tend à devenir tempéré. Des labora- recherche. comme cela a été fait sur le risque toires de l’Observatoire des sciences de submersion marine. Il faut pour cela de l’univers de Grenoble (ETNA, IGE, que cet impact soit aussi très bien Isterre) se sont mobilisés en appui à la Face à l’évolution du climat et de documenté. Pour les avalanches, un préfecture et la mairie de Saint-Gervais l’urbanisme, comment s’assurer autre paramètre d’évolution à prendre sur l’étude des poches d’eau dans le que les procédures d’évaluation et en compte est la nature de la neige. glacier de Tête-Rousse. INRAE a de prévention du risque Avalanche ne Son contenu devient plus riche en eau. également contribué à la vidange du deviennent pas obsolètes ? Afin de mieux connaître les change- lac du glacier d’Arsine en 1986. Ce sont La prévention des risques naturels ments de comportement induits, la des exemples concrets de recours aux s’appuie en premier lieu sur les Plans Direction générale de la prévention des dernières avancées de la recherche de prévention des risques naturels risques (DGPR) missionne INRAE depuis afin de diagnostiquer et de proposer (PPRN). Ils visent à la prise en compte plusieurs années pour étudier et des solutions que les bureaux d’études des aléas dans l’urbanisme, en modéliser les avalanches humides. ne seraient pas en mesure de gérer. La empêchant la densification et Concernant les risques en montagne, DGPR soutient ces actions afin de faire l’augmentation de vulnérabilité dans le ministère a initié un travail sur les progresser la connaissance et de les zones les plus exposées, et en la risques d’origine glaciaire et/ou caractériser les bassins de risques. 54
COMPRENDRE LE RISQUE AVALANCHE Comment la prévention des risques prolonger cette présidence d’un an du À LIRE naturels intègre-t-elle les éléments fait du contexte sanitaire. Ces deux Les risques naturels de contexte économique et social des instances permettent de mettre en en montagne zones concernées ? relation des chercheurs, des universi- Florence Naaim-Bouvet et Didier La prévention des risques naturels a taires, des associations, des gestion- Richard, Édition Quae, Oct. 2015. pour objectif premier la préservation naires, des décideurs en matière de Avalanches, risques glaciaires, des vies humaines et la réduction des politiques publiques de l’ensemble des crues et laves torrentielles, dommages. Elle est priorisée sur les pays alpins. Les groupes de travail sont mouvements de pente et zones de fort croisement entre aléas et l’occasion de partager et de développer chutes de blocs font partie enjeux et, dans ces zones, est propor- des connaissances, des bonnes du vécu de tout habitant ou tionnée à l’importance des risques. pratiques tout en les adaptant au pratiquant de la montagne. Interdire qu’il y ait davantage de contexte spécifique de chaque pays en Cet ouvrage apporte au constructions dans les zones les plus termes de gouvernance et de lecteur, simple amateur ou exposées à certains risques naturels transcription dans la réglementation. passionné de montagne, du contribue à préserver le tissu écono- On peut citer, à titre d’exemple, les grand public au décideur, une mique et social, et à assurer la projets européens Interreg. Les meilleure connaissance des soutenabilité du dispositif de solidarité échanges transfrontaliers sont très phénomènes, des techniques nationale qu’est le régime « Catnat ». La importants pour maintenir une certaine de protection pour s’en prévention des risques naturels est une harmonisation et sont en accord avec prémunir, des recherches en composante à part entière du dévelop- les attentes des élus locaux. cours et de leurs limites… pement durable des territoires et de Il a été rédigé par les meilleurs l’adaptation au changement climatique. Pouvez-vous donner un exemple spécialistes du domaine afin Le juste émoi qui suit des catastrophes de travaux réalisés en coopération de renforcer la prise de naturelles rappelle qu’il est responsable avec nos pays voisins ? conscience des risques et de ne pas construire en zone fortement Certaines études réalisées en des actions de prévention par exposée aux risques naturels. coopération avec les experts italiens, les différents acteurs de la suisses et français, ont permis d’établir montagne. Schémas pédago- Dans un contexte transfrontalier, les contours des zones rouges et giques, photos prises sur le vif comment la France gère-t-elle les bleues du PPR avalanche sur les et témoignages en font un liens entre recherche, expertise et couloirs les plus sensibles de la vallée ouvrage de référence sur les appui aux politiques publiques, de Chamonix, en confrontant les risques naturels dans tous les pour le risque avalanche ? méthodes, modèles et pratiques. Par massifs montagneux euro- La France est membre de la convention ailleurs, côté pyrénéen, la cartographie péens. alpine qu’elle a présidée en 2019 des extensions maximales des et 2020. Elle assure également la avalanches de Catalogne en Espagne a présidence de la stratégie de l’Union été réalisée à partir de la méthodologie européenne pour la région alpine développée en France par INRAE. ● (SUERA) depuis 2020, et a accepté de « Le ministère a besoin de la recherche à la fois pour diagnosti- quer les nouveaux risques et proposer des actions de prévention. » 55
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