Corrigé de l'épreuve écrite du baccalauréat blanc de français 2018

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Corrigé de l’épreuve écrite du baccalauréat blanc de français 2018

Question sur corpus :
Dans quelle mesure les poèmes du corpus font-ils l'éloge de la musique ?

Prenez le temps d’analyser la question :

« Dans quelle mesure » sous-entend que tous les textes ne font pas forcément l’éloge de la
musique. Il faut donc fournir une réponse nuancée.

« Eloge » : un éloge est un discours qui célèbre quelqu’un ou quelque chose / jugement favorable.

« De la musique » : certains textes peuvent faire l’éloge d’autre chose (voir texte de Lamartine).

Regroupement possible :
Les textes d’HUGO et BAUDELAIRE font l'éloge de la musique.
Dans le poème « Ecrit sur la plinthe d'un bas-relief antique », la musique dont il est question est
constituée des bruits du monde, du chant des êtres vivants, des mots et conversations de chacun
(énumération v. 2-8, v. 17, v. 21) et l'auteur en vante le charme (termes mélioratifs d' « hymne »
v1, champ lexical de la musique pour désigner ces bruits..., v. 10 « vous êtes l'harmonie » en
s'adressant à tous ces sons). Cette musique est aussi la voix du divin : « chant suprême », v.10,
« une autre voix », v. 15 et celle-ci retentit partout.
Dans le poème « La musique », Baudelaire fait l’éloge de la musique qui lui permet de s'évader du
quotidien. Cf métaphore filée de la musique / mer v. 1, 7, 11,13 et de l'âme du poète assimilée à
un navire v.4, 6,10. Il en fait également l'éloge car elle est à l'unisson de ses sentiments, de son
âme v. 9-10, v. 13-14.
Le texte de Lamartine, quant à lui, ne fait pas vraiment l'éloge de la musique. Il fait plutôt
l'éloge de Dieu (v. 9 « Seigneur » que le poète interpelle dans le texte) et la musique n'est qu'un
vecteur, un intermédiaire pour louer Dieu. La musique, dans ce poème « Invocation », est
constituée des voix du monde (comme chez Hugo) v. 1 voix de l'oiseau, v. 5 bruits des forêts et du
vent, v. 6-7 des ruisseaux et torrents. et v. 10 voix du poète. Dieu a créé tous ces sons et a donné
voix aux êtres vivants du monde et il faut donc le remercier, le louer pour cela.
Enfin, dans le poème de Verlaine, certes, des termes mélioratifs (« charmant ») caractérisent
l’air qui se diffuse dans le boudoir mais la visée du texte n’est pas l'éloge de la musique. Le texte
fait part des interrogations de l'auteur (questions rhétoriques : v. 9, v. 10-13) et de sa mélancolie v.
8.
Barème de l’écriture d’invention :
Forme : prose poétique, travail sur les sonorités, rythmes, figures de style… : 6 points
Expression, richesse vocabulaire, syntaxe : 4 points
Eloge / blâme et justifications, images convoquées : 6 points
On pénalisait les copies qui ne proposaient pas un travail assez riche sur les procédés d’écriture.
On valorisait un lien fait entre forme et sens, ex. sonorités dures pour le blâme…

Plan possible pour le commentaire :
En quoi le poète invite-t-il les hommes à écouter et voir l’harmonie du monde et à y prendre part?
   I.   Une célébration de l’harmonie du monde
   1) Un hymne
V.1 choix du terme « hymne »
Le poète s’adresse d’abord aux sons des éléments de la nature et aux sentiments humains : « vous
êtes… » v. 9-10 + phrases exclamatives+ termes mélioratifs « l’harmonie et la musique même », « le chant
suprême » : il les célèbre.
Répétitions, énumérations (rythmes), parallélismes nombreux : donnent au poème l’aspect d’un chant.

   2) Le chant du monde : Hugo envisage l’ensemble des bruits produits sur terre comme une
        musique (« la musique est dans tout »)
Volonté du poète d’englober la totalité du monde dans la description qu’il en fait : variété des lieux (voir
CCL : « dans.. » v. 15-16, 20-21), des moments évoqués (champ lex. du temps), expression de la totalité :
« tout », « de toutes parts », « toujours ».
Figures de style qui expriment cette multiplicité : énumérations, pluriels nombreux, antéposition des
appositions au sujet v 2-9
Correspondance des sens : présence des différentes sensations (toucher v 2, vue v. 19-22) qui se mêlent à
l’ouïe. Correspondances soulignées par les énumérations qui mettent sur le mm plan les sensations +
expressions qui associent 2 sens : « on voit danser et resplendir… le groupe éblouissant des notes
inégales »
Echos sonores qui miment la musicalité de ce chant : v 3 « sœur » répété 2 fois et repris par la rime
« douceur » + allitération en [v] aux deux bouts du vers 5 + assonance en [m] au v 9…

   3) La volonté de célébrer l’harmonie du monde
Poème souligne une harmonie générale (« harmonie », « réseau », « groupe », « s’accoupla » » dans la
musique du monde malgré ses « notes inégales »).
Cette harmonie est faite de sensations positives (voir termes mélioratifs : « douceur », « fraternels »,
resplendir », « éblouissant »), et plus négatives (« sombres tressaillements », « soupirs », « pleurs,
« cris », « notes inégales ») : la beauté du monde naît de la variété de ces sensations. On reconnaît là le
désir d’universalité, d’égalité de l’auteur (qui refusait déjà de classer les mots en « nobles » et « roturiers »
dans son poème « Réponse à un acte d’accusation » )
Harmonie traduite aussi dans la régularité de la plupart des vers avec la césure à l’hémistiche v. 1, v2, v9,
v10…
Hugo souligne la douceur de ce chant du monde par l’adjectif « doux » v. 23 et par le contre-rejet v.4 de
« douceur » qui insiste sur cette notion.

    II.      Une invitation à écouter et partager la musique qui émane du monde

    1) Une invitation à écouter la musique du monde
« Un hymne sort du monde », « Une voix…nous parle » : à nous d’écouter ce que le monde nous fait
entendre.
Le texte nous fait entendre la musique du monde : champ lexical très riche et varié de la musique et des
sons (humain « cris », « pleurs », « chant », « mots », « voix », animaux « bêle », émanant d’un objet
« tinte »)
Les éléments de la nature sont personnifiés : ils parlent aux hommes d’égal à égal ; v. 2, 6, 13, 21…
Evocation de Dieu qui serait le grand chef d’orchestre de ce chant : v. 10 « chant suprême », v. 15-16 mise
en valeur du sujet « une autre voix » (contre-rejet) et répétition de l’adjectif « autre » qui nous guide sur la
piste de la spiritualité.

    2) Une invitation à partager cette harmonie
« La nature nous dit : chante » : l’homme est donc aussi invité à prendre part à cette harmonie générale.
Utilisation du pronom « nous » qui associe auteur et lecteurs.
L’âme humaine ne fait qu’une avec la musique du monde :
Voir énumération v. 2 à 8 ; bruits et sentiments (toutes les formes d’amour humain) sont mis sur le même
plan, se mêlent dans une « harmonie », un « chant suprême ».
+ v. 11 à 14 : énumération qui mêle l’évocation du temps humain, du paysage, et des « songes de nos
cœurs » + image du « réseau de vagues mélodies » + v. 23 verbe « s’accoupla ».

    3) Le poète guide et déchiffreur du monde
Le titre nous annonce que le poème retranscrit un texte gravé dans le marbre : le poète est celui qui nous
transmet ce message, le déchiffre pour nous. Le « bas-relief » est « antique », sculpté par un « statuaire
ancien : le message est une vérité qui traverse le temps / ce qui vient de l’Antiquité fait autorité… On
appuie ainsi la valeur de ce propos. Utilisation du présent de vérité générale qui renforce l’idée
d’universalité.
Poème est aussi un message qui semble émaner du poète lui-mm : ton sentencieux du premier vers
(présent de vérité générale, phrases courtes) + énonciation à partir du vers 11 : « notre âme », « nous
parle », « nous dit » : ce « nous » inclut les hommes et le poète, homme plus éclairé que les autres, chargé
de les guider.
Le motif du « pâtre » (qui rappelle le dieu Pan comme le motif pictural très souvent repris du berger jouant
de la flûte) serait une image du poète qui est proche de la nature, qui est un « berger » pour les hommes,
et qui par la musique de son instrument / de ses vers célèbre la beauté de la nature.
Dissertation : la poésie se définit-elle seulement par sa musicalité ?

Le sujet portait sur ce qui définit la poésie (pas ses fonctions…).

Introduction / Accroches possibles :
La poésie est indissociable de la musique par ses origines : voir « lyrisme » qui vient de la « lyre »
d’Orphée.
Poésie longtemps chantée (troubadours / trouvères… + à la Renaissance, les poèmes sont encore
accompagnés de musique : poèmes de Ronsard pour lesquels il existe des partitions musicales).
Poésie souvent mise en musique ou chanteurs considérés comme poètes : Vian, Queneau, Ferré, Prévert,
Gainsbourg… plus récemment, le slam.

   I.       La poésie est par essence musicale
   1) La poésie repose sur le travail du rythme
Travail du vers, césures, enjambements / travail du rythme dans la poésie en prose.
« La musique », Baudelaire : hétérométrie / vagues
« Rêvé pour l’hiver », Rimbaud : hétérométrie // mouvements du train, enjambements à la césure
« Melancholia » : jeu des antithèses et parallélismes pour insister sur la répétition du travail, son aspect
déshumanisant, ex « tout est d’airain, tout est de fer » « jamais on ne s’arrête et jamais on ne joue »
Verset Senghorien + poèmes accompagnés de musique (orchestre de jazz dans « A New York », tam-
tam…)

   2) La musicalité vient aussi du travail sur les sonorités
Rimes, mais aussi assonances et allitérations.
« Il pleure dans mon cœur » ou « Chanson d’automne », Verlaine (rappel : dans Art poétique : « De la
musique avant toute chose »)
« La valise », Ponge…

   3) La musicalité peut naître des répétitions ou refrains
Des poèmes sont construits avec la présence de vers répétés (qui constituent un refrain) : Forme ancienne
comme le rondeau (par exemple, le rondeau comporte 8 vers ; les vers 1,4 et 7 sont identiques). Ou bien la
forme appelée « ballade » qui contient des strophes égales terminées par un refrain.
« Invocation », Lamartine
« Invitation au voyage », Baudelaire : refrain
« Si tu t’imagines… », Queneau
« Sous le pont Mirabeau », Apollinaire
« La rose et le réséda », Aragon

   II.      Mais sa musicalité n’est pas la seule chose qui la définit
            1) Le poète fait un usage particulier du langage
*Invention de mots ou sens nouveau : « spleen » par exemple, « robinsonner » chez Rimbaud… Parfois
hermétisme (Mallarmé)…
*Mélange des registres chez Rimbaud.
*Force des images poétiques : « La musique », Baudelaire : complexité des images : Poète = bateau,
mer/musique/sentiments.
+voir poèmes surréalistes : « la terre est bleue comme une orange… », Eluard

           2) La poésie donne à voir autrement le monde, le transfigure
*Le poète est un « voyant » (Rimbaud) qui a pour mission de « percer » le mystère des choses et du
monde, par la création de liens inattendus. « Dérèglement de tous les sens » dans « Le Buffet ».
Baudelaire, par ses « correspondances » : « Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants / Doux
comme les hautbois, verts comme les prairies… » (« Correspondances », Les Fleurs du mal).
*« Extraire la beauté du mal » : « Une Charogne »… ou refus de la beauté : « Vénus anadyomène ».
*La poésie permet d’explorer le monde, de décrypter le quotidien en rompant avec l’habitude : « [La poésie]
dévoile dans toute la force du terme. Elle montre nues, sous une lumière qui secoue la torpeur, les choses
surprenantes qui nous environnent et que nos sens enregistraient machinalement » (Cocteau).
« Le Pain », « L’Huître » de Ponge donnent à ces réalités quotidiennes, que nous ne remarquions même
plus, un visage nouveau.
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