Couverture des besoins en acides aminés chez le porcelet alimenté avec des régimes à basse teneur en protéines
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INRA Prod. Anim., 2013, 26 (3), 277-288 Couverture des besoins en acides aminés chez le porcelet alimenté avec des régimes à basse teneur en protéines M. GLOAGUEN1,2, N. LE FLOC’H1,2, J. VAN MILGEN1,2 1 INRA, UMR1348 PEGASE, F-35590 Rennes, France 2 Agrocampus Ouest, UMR1348 PEGASE, F-35000 Rennes, France Courriel : jaap.vanmilgen@rennes.inra.fr Le coût élevé des matières premières et la forte pression environnementale rendent le contexte très favorable à la réduction de la teneur en protéines dans l'aliment des porcelets. La disponibilité de nouveaux acides aminés libres sur le marché permet de maintenir les performances en réduisant la teneur en protéines de l’aliment, mais nécessite d’identifier les acides aminés limitant la croissance, de connaître la réponse des porcelets aux apports d’acides aminés, et ainsi d’estimer leurs besoins. Dans un contexte où les ressources besoins en Acides Aminés Indispensa- 1 / Protéines, acides aminés alimentaires, notamment les protéines bles (AAI) pour la croissance et d’amé- alimentaires, sont de plus en plus chères liorer l’équilibre en acides aminés des et matières azotées totales et les pressions environnementales de régimes, ainsi que l’efficacité d’uti- de l’aliment plus en plus fortes, une meilleure utili- lisation de l’azote chez le porcelet. Les sation des protéines alimentaires permet apports de L-lysine, de L-thréonine, de de réduire le coût de l’aliment et les DL-méthionine et de L-tryptophane, les Les protéines sont des matières azo- rejets d’azote par l’animal. Par ailleurs, acides aminés les plus limitants pour la tées composées d’une ou plusieurs chaî- l’élevage du porcelet, entre 10 et 25 kg, croissance, ont déjà permis d’abaisser nes d’acides aminés. Leur rôle nutrition- pose des questions très spécifiques. En significativement la teneur en Matière nel est de fournir de l’azote, des acides effet, l’expression d’une vitesse de Azotée Totale (MAT) de l’aliment des aminés et de l’énergie nécessaire à croissance maximale par le porcelet porcelets. Depuis 2009, la valine sous la synthèse de protéines par l’animal. implique, du fait de sa capacité d’in- forme libre est disponible sur le marché En alimentation, la teneur en protéines gestion limitée et de son fort potentiel des matières premières pour l’alimenta- d’une matière première ou d’un aliment à déposer des protéines dans ses tissus, tion animale et peut être intégrée dans est donc d’un intérêt nutritionnel majeur. l’ingestion d’un aliment riche en acides les formulations, offrant ainsi la possi- Elle est estimée indirectement à partir aminés, les constituants des protéines. bilité de réduire davantage la teneur de la MAT aussi appelée protéine brute. Néanmoins, les protéines apportées en en MAT des aliments. L’ampleur de Elle est calculée en multipliant la teneur excès favorisent la prolifération des bac- la baisse possible de la teneur en en azote total de l’aliment par le coeffi- téries pathogènes dans le tractus gastro- MAT dans les régimes reste cepen- cient de Jones égal à 6,25, en considé- intestinal (Ball et Aherne 1987) et les dant inconnue. L’identification des rant que les protéines contiennent en diarrhées de post-sevrage, responsables AAI limitant la croissance des porce- moyenne 16% d’azote (100/16 = 6,25) de pertes économiques importantes. lets après la lysine, la thréonine, la (Jones 1931). Toutefois, la MAT n’est Baisser l’apport de protéines de l’ali- méthionine et le tryptophane et l’esti- qu’une approximation de la véritable ment est une stratégie nutritionnelle mation de leurs besoins sont alors teneur en protéines. La teneur en azote permettant de réduire la fréquence de requises. L’étude des réponses d’in- des protéines dépend de leur composi- ces diarrhées et de ce fait l’utilisation gestion et de croissance aux apports tion en acides aminés puisque la teneur des antibiotiques, une des préoccupa- d’acides aminés permet d’estimer le en azote des acides aminés varie de 8% tions actuelles majeures de la filière besoin en acide aminé pour une vitesse pour la tyrosine à 32% pour l’arginine. porcine. En effet, dans le cadre du plan de croissance maximale. L’objet de cet Le coefficient de Jones diffère d’une national de réduction des risques d’anti- article est de faire le point sur l’état des matière première à l’autre sur une plage biorésistance en médecine vétérinaire, connaissances concernant la couvertu- de valeurs situées entre 5,3 et 7,7 (Jones lancé en novembre 2011, le ministère de re des besoins en acides aminés par 1931, Sriperm et al 2011). Par ailleurs, l’Agriculture s’est engagé à réduire de des régimes à basse teneur en protéi- la MAT ne reflète pas uniquement la 25% en 5 ans l’utilisation des antibio- nes qui garantissent la vitesse de teneur en protéines d’un aliment mais tiques (Plan Ecoantibio 2017). croissance maximale des porcelets, l’ensemble de ses composés azotés qui avec une attention particulière portée comprend, outre les protéines, des pep- L’apport d’acides aminés libres dans aux Acides Aminés à Chaîne Rami- tides, des acides aminés libres, des ami- les régimes à basse teneur en protéi- fiée (AACR : valine, leucine et iso- des, etc. De ce fait, le dosage des acides nes permet de couvrir, sans excès, les leucine). aminés de l’aliment, en complément du INRA Productions Animales, 2013, numéro 3
278 / M. GLOAGUEN, N. LE FLOC’H, J. VAN MILGEN générale, l’apport d’acides aminés doit Encadré 1. Acides aminés indispensables et non-indispensables. garantir la santé d’un individu et éviter les signes biologiques de carence. Chez Les AAI sont les acides aminés que le porc en bonne santé n’est pas capable de synthéti- le porcelet, pour répondre aux objectifs ser ou, de synthétiser en quantité insuffisante pour couvrir ses besoins de croissance : lysi- de production, la fonction prioritaire ne, thréonine, méthionine, (méthionine + cystéine), tryptophane, valine, isoleucine, leucine, mesurée est la composante de croissance histidine, phénylalanine, (phénylalanine + tyrosine) et arginine. Les acides aminés sont qua- du besoin. La teneur en acides aminés lifiés de non-indispensables lorsque la synthèse de novo couvre totalement le besoin : ala- nine, asparagine, aspartate, sérine, glycine, glutamate, glutamine et proline. Ces derniers de l’aliment doit permettre aux porcelets nécessitent toutefois la présence de précurseurs carbonés et d’azote. Ainsi l’ingestion d’un d’exprimer leur potentiel de croissance aliment trop pauvre en azote limite la synthèse de protéines. La formulation d’un aliment sans pénaliser la consommation d’aliment consiste alors à apporter en quantité suffisante pour la synthèse de protéines les 10 AAI et et l’efficacité alimentaire (encadré 2). une source d’azote. La qualité nutritionnelle des protéines alimentaires dépend alors de deux composantes : son profil en AAI et sa teneur en azote. La notion de protéine idéale cor- respond à une protéine dont l’équilibre entre acides aminés permet de couvrir dosage de l’azote, permet de mieux le glutamate, sont nutritionnellement les besoins sans déficit, ni excès. Ce renseigner la valeur nutritionnelle de indispensables et devraient être inclus concept de la protéine idéale est tradi- celui-ci. dans les tables nutritionnelles, en parti- tionnellement utilisé chez le porc pour culier dans certaines situations physio- exprimer les besoins en acides aminés, 2 / Besoins en acides aminés logiques ou pathologiques (état inflam- puisque les proportions entre acides matoire, stress…). aminés sont relativement stables au cours de la croissance et quel que soit le poten- 2.1 / Acides aminés indispensables 2.2 / Définition des besoins tiel de croissance et la capacité d’inges- et non-indispensables tion du porc. La notion de protéine idéale, Le besoin en acide aminé est une sa composition et ses limites ont déjà fait A partir de 20 acides aminés, l’orga- notion complexe puisque l’apport d’aci- l’objet d’une revue de synthèse détaillée nisme peut synthétiser toutes les protéi- des aminés doit satisfaire une multitude par Henry (1993). L’utilisation de ce con- nes nécessaires à ses besoins d’entretien de fonctions physiologiques. De façon cept a largement été adopté et a abouti à (renouvellement des protéines corporel- les) et de production (croissance). C’est pourquoi l’ensemble de ces acides ami- Encadré 2. Définition du besoin en acides aminés chez le porc en croissance. nés peut être considéré comme essentiel pour la synthèse de protéines au cours • Le besoin est défini classiquement comme la concentration minimale d’acide aminé de la croissance. Le besoin en acides dans l’aliment permettant de maximiser la vitesse de croissance d’une population de aminés est principalement couvert par porcs. quatre formes d’approvisionnement : i) • La teneur en acides aminés de l’aliment, disponibles pour le métabolisme du porc, est l’apport d’acides aminés alimentaires, raisonnée à l’aide de la Digestibilité Iléale Standardisée (DIS). La digestibilité est éva- ii) la synthèse de novo des acides aminés luée au niveau de l’iléon puisque le profil des acides aminés à la sortie de l’intestin grêle à partir d’un squelette carboné et d’une est remanié dans le gros intestin par la flore bactérienne, et corrigée en tenant compte des pertes endogènes basales (il s’agit des protéines venant de l’animal et excrétées source d’azote, iii) le recyclage des acides dans le tube digestif, comme par exemple des cellules ou du mucus). En l’état actuel aminés issus de la dégradation des pro- des connaissances, la DIS constitue le meilleur estimateur de la disponibilité des acides téines corporelles et iv) la flore microbi- aminés de l’aliment. enne du tractus gastro-intestinal (Torral- • En pratique, le concept de la protéine idéale est utilisé pour exprimer les besoins en aci- lardona et al 2003). des aminés. La protéine idéale présente un profil en acides aminés en adéquation avec les besoins de l'animal. Les besoins sont exprimés relativement à la lysine puisque cet Parmi les 20 acides aminés nécessaires acide aminé est le 1er facteur limitant la croissance dans la plupart des régimes utilisés à la synthèse de protéines, 12 sont consi- chez le porc. Les proportions entre acides aminés sont supposées constantes pendant dérés comme indispensables chez le porc. la croissance. En conséquence, il suffit d’estimer le besoin en lysine (exprimé en % de Chez le porc en croissance, la classifica- l'aliment ou en g par MJ d'énergie nette) et de connaître les proportions entre acides aminés de la protéine idéale pour estimer l’ensemble des besoins en acides aminés. tion des AAI vs Acides Aminés Non- Indispensables (AANI) est fondée sur la Exemple : besoins en acides aminés estimés par le NRC (1998) pour des porcs de 10-20 kg composante de croissance du besoin exprimés en teneur totale, digestible iléale standardisée (DIS) et selon le concept de la (encadré 1). Si la teneur d’un acide aminé protéine idéale. dans l’aliment peut limiter la croissance, il est considéré comme indispensable. Teneur totale, DIS, Acides aminés Protéine idéale Les acides aminés ont également des % d’aliment % d’aliment rôles dans le maintien de l’équilibre Lysine 1,15 1,01 100 acido-basique, la sécrétion hormonale, Thréonine 0,74 0,63 62 les défenses antioxydantes, l’expression Méthionine 0,30 0,27 27 des gènes, la différentiation et la crois- Méthionine + Cystéine 0,65 0,58 57 sance cellulaire, la synthèse et la dégra- dation de protéines, la signalisation Tryptophane 0,21 0,18 18 cellulaire, la réponse immunitaire, le Valine 0,79 0,69 68 métabolisme des nutriments et l’intégrité Isoleucine 0,63 0,55 54 de la muqueuse intestinale (Wu 2010). Leucine 1,12 1,02 101 Ainsi, Wu et al (2013) suggèrent que Histidine 0,36 0,32 32 certains acides aminés considérés com- Phénylalanine 0,68 0,61 60 munément comme non-indispensables Phénylalanine + Tyrosine 1,06 0,95 94 chez l’Homme et l’animal, en particu- Arginine 0,46 0,42 42 lier la proline, la glycine, la glutamine et INRA Productions Animales, 2013, numéro 3
Couverture des besoins en acides aminés chez le porcelet alimenté avec des régimes à basse teneur en protéines / 279 des recommandations par divers auteurs Figure 1. Utilisation d’acides aminés libres pour améliorer le profil en acides aminés et tables nutritionnelles (Henry 1993, et réduire la teneur en protéines d’un aliment pour porcelets de 21,6% (A) à 17,1% NRC 1998, BSAS 2003, NRC 2012). (B) de matières azotées totales en maintenant à 1,00% la teneur en lysine digestible. Dans ces tables, les besoins en acides aminés sont proposés pour une gamme 1,8 A Besoins Excès de poids vif donnée. Toutefois, le besoin, 16 1,6 exprimé en g/j, varie d’un individu à l’autre selon le génotype, le sexe et 1,4 l’environnement climatique ou sanitaire IS ((%) %) 1,2 (Noblet et Quiniou 1999). Ainsi, les DIS besoins peuvent être réévalués pour des 1,0 pport D sous-populations de porcs ou des condi- Apport 0,8 tions environnementales ou sanitaires spécifiques. Par ailleurs, les tables 0,6 A nutritionnelles ne prennent pas en compte 0,4 l’ensemble des facteurs de variation du besoin tel que les méthodes expérimen- 0,2 tales de mesure et d’estimation du besoin. 0,0 Ceci aboutit à une forte variabilité des ys r e t u g s p s l r Ile Ty Va Me Th Ly Hi Ph Le Ar Tr t+C besoins estimés et des profils de la pro- e+ téine idéale ainsi que cela a été récemment Ph Me montré pour le tryptophane (Simongio- vanni et al 2012) et l'isoleucine (van Milgen et al 2012). 1,8 B AA A A lliés iés AA AA libres libres Excès E xcès 1,6 2.3 / La couverture des besoins en acides aminés par des régimes 1,4 IS ((%) %) à basse teneur en protéines 1,2 DIS pport D La formulation d’un aliment complet 1,0 Apport consiste à mélanger des matières pre- 0,8 mières dans des proportions qui permet- A tent d’atteindre des valeurs nutritionnel- 0,6 les déterminées selon les besoins en AAI 0,4 afin d’assurer l’objectif de production. Le profil en AAI de l’aliment complet 0,2 doit s’approcher au plus près de celui 0,0 de la protéine idéale afin d’éviter les ys r e t u g s p s l r Ile Ty Va Me Th Ly Hi Ph Le Ar Tr carences qui pénalisent les performan- t+C ces et les excès qui sont catabolisés et e+ Ph Me sources de rejets azotés. Les matières premières d’origine animale sont plus phane (encadré 3). Pour le maïs, le tryp- de soja est alors un bon compromis pour équilibrées en AAI que les matières pre- tophane et la lysine sont tous deux les équilibrer la protéine alimentaire. Il mières d’origine végétale mais leur uti- premiers AAI limitants. A la différence est ainsi possible d’équilibrer l’aliment lisation reste limitée et elles sont géné- des céréales, les AA soufrés (méthio- en incorporant des sources végétales ralement plus onéreuses. Par rapport au nine + cystéine) sont les premiers AAI avec un profil en AAI complémentaire. profil de la protéine idéale, le blé et l’or- limitants dans le tourteau de soja avant Toutefois, malgré le grand nombre de ge sont par exemple d’abord limitants la lysine, le tryptophane et la thréonine. matières premières utilisables, la protéine en lysine puis en thréonine et en trypto- L’association de céréales et de tourteau alimentaire n’est jamais parfaitement équilibrée ce qui conduit à une faible efficacité d’utilisation de l’azote ali- Encadré 3. Les acides aminés limitants. mentaire et à la formulation d’aliments Les acides aminés d’une matière première ou d’un aliment complet sont dits limitants avec des teneurs en protéines élevées et lorsque leur teneur est insuffisante pour maintenir le potentiel de croissance de l’animal. un coût conséquent. Séquence des acides aminés limitants(1) En pratique, la protéine alimentaire er ème ème ème peut être rééquilibrée en formulant des 1 2 3 4 régimes à basse teneur en protéines et en apportant des AAI sous forme libre Blé Lysine Thréonine Tryptophane Valine pour couvrir les carences en AAI. Orge Lysine Thréonine Tryptophane Isoleucine L’utilisation de la L-lysine, de la L-thréo- nine, de la DL-méthionine et du L-tryp- Maïs Lysine, Tryptophane Thréonine Isoleucine tophane sous forme libre a permis de (2) réduire le coût de l’aliment et la MAT Tourteau de soja Soufrés Thréonine, Lysine, Tryptophane des aliments des porcelets d’approxima- Aliment complet (3) Lysine Thréonine Soufrés Tryptophane tivement 5 points (de 22 à 17%, figure 1). La réduction de la teneur en protéi- (1) (2) Les acides aminés cités dans une même case sont co-limitants. nes des aliments est actuellement favo- (3) Soufrés = méthionine + cystéine. risée par la disponibilité de nouveaux Aliment formulé à base de blé, d'orge, de maïs et de tourteau de soja. AAI libres sur le marché des matières INRA Productions Animales, 2013, numéro 3
280 / M. GLOAGUEN, N. LE FLOC’H, J. VAN MILGEN premières pour l’alimentation animale. Figure 2. Différents facteurs influençant l’estimation du besoin en acide aminé : Dans ce contexte, les chercheurs se sont A : Consommation Moyenne Journalière (CMJ), Gain Moyen Quotidien (GMQ) ou intéressés aux AAI limitants après ceux Efficacité Alimentaire (EA) ; B : Niveau de lysine (Lys) digestible dans l'aliment ; précédemment cités. La valine, l’isoleu- C : Méthode d'estimation de la réponse à l’apport en acides aminés dans l’ali- cine, la leucine et l’histidine sont des ment. candidats potentiels (Figueroa et al 2003, A Lordelo et al 2008). C’est pourquoi, leurs besoins ont été récemment évalués chez 900 900 0 ,8 0,8 le porcelet pour assurer un apport opti- mum en AAI par les aliments complets 800 800 0 ,7 0,7 à basse teneur en protéines. 700 700 0,6 0 ,6 3 / Estimation des besoins 600 600 MJ ((g/j) g/j) en acides aminés à chaîne 0,5 0 ,5 j EA E ramifiée et en histidine chez CMJ 500 500 A ((g/g) 0 ,4 0,4 le porcelet MQ, C g/g) 400 400 GMQ, CMJ C MJ 0,3 0 ,3 G 300 300 3.1 / Estimation d’un besoin GMQ GMQ 0,2 0 ,2 Les besoins en AAI sont estimés à 200 200 l’aide d'études de doses-réponses qui EA E A 100 100 0,1 0 ,1 permettent, en testant différents niveaux d’apport en acides aminés, de détermi- ner la concentration minimale d’AAI 0 0 permettant de maximiser ou de minimi- 50 50 60 60 70 70 80 80 90 90 ser un critère de réponse lié au niveau de performance de l’animal ou au méta- DIS D IS V Val al : Lys (%) Lys (%) bolisme azoté. Chez le porc, les critères de réponse les plus couramment utilisés B sont : la Consommation Moyenne Jour- nalière (CMJ), le Gain Moyen Quotidien (GMQ) et l’Efficacité Alimentaire (EA). Lys ys non n limitante D’autres critères de réponse se rappor- tant directement ou indirectement à l’ef- ficacité d’utilisation des acides aminés Lys Lys llimitante imitante éponse Réponse digestibles (catabolisme des acides ami- nés, azote retenu…) sont également uti- lisés. Le choix du critère de réponse est R essentiel puisque l’estimation du besoin en acide aminé varie selon le critère de réponse utilisé (figure 2A). Lorsque l’on cherche à estimer le besoin en acide aminé qui maximise la vitesse de crois- sance, il est indispensable de mesurer la consommation volontaire des porcelets puisque les carences en AAI peuvent influer sur la prise alimentaire (Gloaguen DIS D IS A AAI AI : L Lys %) ys ((%) et al 2012a). Dans l’état actuel des connaissances, le meilleur critère de réponse est la mesure du GMQ lorsque les porcs sont nourris à volonté. C Pour obtenir une dose-réponse, l’AAI Linéaire-plateau L inéaire-plateau Curvilinéaire-plateau C urvilinéaire-plateau doit être déficitaire dans le régime basal et être le premier facteur limitant les performances. De plus, pour estimer le besoin selon le concept de la protéine idéale et l’exprimer relativement à la Réponse éponse lysine (cf. encadré 2), la lysine doit être le deuxième facteur limitant la croissance et ce pendant toute la durée expérimen- R tale (Boisen 2003). Si la lysine n’est pas limitante, le besoin exprimé relativement à la lysine sera sous-estimé (figure 2B). Ce dernier point est crucial et souvent omis dans les protocoles expérimentaux alors qu’il explique généralement une grande part des écarts entre résultats publiés dans la littérature. Si la lysine DIS AAI DIS A Lys AI : L %) ys ((%) INRA Productions Animales, 2013, numéro 3
Couverture des besoins en acides aminés chez le porcelet alimenté avec des régimes à basse teneur en protéines / 281 n’est pas le deuxième facteur limitant, répertoriés dans la bibliographie ont été ment sans induire une réduction de la un autre mode d’expression du besoin réalisés depuis l’année 1998 (tableau 1). croissance mais cela nécessite de main- doit être choisi (teneur en AAI de l’ali- Parmi ces 15 études, 13 ont été réalisées tenir un apport d’isoleucine de 60% DIS ment par exemple). avec de jeunes porcs de 10 à 35 kg et relativement à la lysine (DeRouchey et seulement deux essais avec des porcs en al 2002, Kerr et al 2004). Sans utilisa- Les réponses à l’apport d’AAI sont croissance (60-85 kg). Dans l’étude la tion de SDBC, les données issues d’une généralement analysées avec des modè- plus ancienne, le besoin en valine est méta-analyse indiquent que le besoin en les non-linéaires : le modèle linéaire- plus faible que dans les études récentes, isoleucine ne dépasse pas 50% DIS rela- plateau (« broken line ») ou le modèle ce qui peut s’expliquer par l’utilisation tivement à la lysine (van Milgen et al curvilinéaire-plateau (Robbins et al d’animaux à faible potentiel génétique 2012) (figure 3). A ce jour, trois doses- 2006). Les doses-réponses se décompo- de croissance et par une estimation du réponses ont permis d’évaluer le besoin sent en deux phases, une phase de carence besoin en valine exprimé en g/kg d'ali- en isoleucine sans utilisation de pro- et une phase d’excès. L’intersection de ment. Pour les 14 autres études, l’esti- duits sanguins et le besoin en isoleucine ces deux phases correspond alors au mation du besoin en valine varie de 80 à a été estimé à 54, 52 et 49% DIS relati- besoin estimé, c'est-à-dire la concentra- 120% relativement au besoin conseillé vement à la lysine respectivement par tion minimale de l’AAI qui maximise ou par le NRC (68% DIS relativement à la Wiltafsky et al (2009a), Waguespack minimise le critère de réponse mesuré. lysine ; 1998). En moyenne à partir de et al (2012) et Gloaguen et al (2012b). Le choix du modèle est capital car le l’ensemble de ces études, le besoin en L’augmentation du besoin en isoleucine besoin estimé par le modèle linéaire- valine est estimé à 70% (± 5%) DIS rela- observée avec l’incorporation de SDBC plateau est inférieur à celui estimé avec tivement à la lysine. Les besoins en valine dans l’aliment proviendrait d’un déséqui- le modèle curvilinéaire-plateau (figure proposés par les tables nutritionnelles libre entre AAI dans l’aliment (cf. § 4-3 2C). Chez le porc en croissance, Pomar (NRC 1998, BSAS 2003) sont confirmés et 4-4). Dans l’UE, l’utilisation de pro- et al (2003) ont montré que si la réponse par les études les plus récentes. Cepen- duits sanguins issus de monogastriques d’un individu est décrite par le modèle dant, le besoin en valine estimé par le dans l’alimentation des porcs est à nou- linéaire-plateau, la réponse d’une popu- NRC (2012), de 63% DIS relativement veau autorisée depuis 2005. Le princi- lation suivra une réponse curvilinéaire- à la lysine pour des porcs de 11 à 25 kg, pal produit de sang utilisé dans l’UE est plateau. Par ailleurs, le besoin en lysine semble être faible pour maximiser la le plasma. Il est riche en immunoglobu- des porcs, exprimé en lysine DIS par kg vitesse de croissance des porcelets. lines et est incorporé dans l’aliment d’aliment, diminue quand le poids vif pour ses qualités nutritives et pour favo- augmente. De ce fait, dans une dose- 3.3 / L’isoleucine riser l’appétence de l’aliment. Il renfor- réponse, la lysine devient de moins en cerait également le système immuni- moins limitante au cours de la période Plus de 80% des études portant sur taire digestif du porcelet. A la différence expérimentale et les performances maxi- l’estimation du besoin en isoleucine ont des SDBC ou de l’hémoglobine, le males augmentent avec l’accroissement été réalisées en Amérique du Nord. Cela plasma est un produit dont le profil en du poids vif des porcs. Cette augmenta- s’explique par l’utilisation de cellules AAI est équilibré par rapport aux tion du plateau tend à lisser les données sanguines séchées (« Spray-Dried Blood besoins nutritionnels en AAI des porcs. contribuant également à la curvilinéarité Cells », SDBC) comme source de pro- Son incorporation dans l’aliment ne de la réponse. Ainsi, le modèle curvili- téines alternative au soja dans l’alimen- peut pas aboutir à une forte carence en néaire-plateau est préférable au modèle tation des porcs en Amérique du Nord. isoleucine ou à l’apparition d’un désé- linéaire-plateau pour décrire la zone de La teneur en isoleucine relativement à la quilibre en AAI. subcarence et estimer le besoin en acides lysine des SDBC, et principalement de aminés. l’hémoglobine, est en effet faible (5% 3.4 / La leucine d’Ile DIS relativement à la lysine) et leur 3.2 / La valine incorporation dans l’aliment réduit l’ap- La leucine est présente en abondance port d’isoleucine relativement à la lysine dans les matières premières utilisées Les études visant à évaluer le besoin en dans l’aliment. Les SDBC peuvent être dans l'alimentation du porc. De ce fait, valine sont récentes et 14 des 15 essais incorporées à hauteur de 7,5% dans l’ali- l’estimation de son besoin chez le porc Tableau 1. Besoins en valine estimés chez le porc. Poids vif (kg) Besoin estimé Unité Relatif au NRC (1998) (%) Références 13-29 0,40 % Val 51 Jackson et al (1953) 67-80 0,33-0,43 % DIA Val 80-105 Lewis et Nishimura (1995) 60-85 < 11,4 g DIS Val/j 98 Liu et al (2000) 9-15 0,62-0,67 % DIS Val 90-97 James et al (2001) 5-10 0,60 g DIS Val/MJ EM 101 Mavromichalis et al (2001) 10-20 0,53 g DIS Val/MJ EM 105 Mavromichalis et al (2001) 8-12 0,92 % DIS Val 114 Gaines et al (2006) 12-20 0,78 % DIS Val 114 Gaines et al (2006) 12-25 > 70 % DIS Val:Lys > 103 Barea et al (2009a) 8-25 65-67 % DIS Val:Lys 96-99 Wiltafsky et al (2009b) 12-25 67-70 % DIS Val:Lys 99-103 Trautwein et al (2010) 9-25 68-71 % DIS Val:Lys 100-104 Millet et al (2010) 12-22 72 % DIS Val:Lys 106 Gloaguen et al (2011) 13-32 65 % DIS Val:Lys 96 Gaines et al (2011) 9-25 70 % DIS Val:Lys 103 Vinyeta et al (2011) INRA Productions Animales, 2013, numéro 3
282 / M. GLOAGUEN, N. LE FLOC’H, J. VAN MILGEN Figure 3. Réponse de croissance des porcs (Gain Moyen Quotidien, GMQ) à l’ap- avec des animaux à faible potentiel de port d’isoleucine digestible avec ou sans utilisation de produits sanguins (d’après croissance et par une estimation du besoin van Milgen et al 2012). en histidine exprimé en g/kg d'aliment. Les résultats de ces études sont donc dif- ficilement transposables à des porcs à fort potentiel de croissance tels que ceux uti- lisés actuellement en élevage. La réfé- rence pour le NRC (1998) est l’étude réalisée par Izquierdo et al (1988) qui ont estimé un besoin en histidine à 3,6 g/kg d’aliment pour des porcelets de 10-20 kg avec un apport de lysine non limitant. Plus récemment, Li et al (2002) ont éva- lué un besoin en histidine à 30% en digestibilité iléale apparente relativement à la lysine chez des porcs de 10-20 kg, ce qui correspond à 91% du besoin esti- mé par le NRC (33%, 1998). Par ailleurs, Gloaguen et al (2012b) ont estimé un besoin en histidine pour la vitesse de croissance maximale à 32% DIS relative- ment à la lysine ce qui confirme le besoin proposé par le NRC (1998). 4 / Conséquence d’un désé- quilibre des acides aminés de l’aliment L’ingestion d’un régime déséquili- bré en AAI peut réduire les performan- ces des animaux. Ces déséquilibres peu- vent être classés en quatre catégories : la carence, la toxicité, l’« imbalance » et l’antagonisme. Les régimes à basse teneur en protéines supplémentés avec des AAI libres sont particulièrement susceptibles d’être déséquilibrés. 4.1 / La carence Un aliment est carencé en AAI lorsque la teneur en AAI dans l’aliment est infé- rieure au besoin. La baisse de la vitesse de croissance induite par les carences en AAI résulte soit d’un manque d’AAI pour la synthèse de protéines soit d’une baisse de la consommation d’aliment. La réduction des teneurs en valine, iso- a suscité peu d'intérêt et on dénombre besoin moyen en leucine, estimé à leucine, leucine et histidine de l’aliment seulement deux études réalisées chez 101% DIS relativement à la lysine, est est associée à une diminution de la con- des porcs de 10-20 kg. Augspurger et en accord avec les valeurs proposées sommation volontaire des porcelets Baker (2004) ont déterminé le besoin en par les tables nutritionnelles (NRC (Barea et al 2009a, Gloaguen et al 2012b). leucine à partir de deux doses-réponses. 1998, BSAS 2003). Ces chutes de consommation expliquent Dans le 1er essai, les performances zoo- environ les deux tiers des baisses de techniques ont augmenté linéairement 3.5 / L’histidine vitesse de croissance observées lors quand l’apport de leucine digestible est d’une carence en valine, isoleucine, leu- passé de 8,7 à 10,7% et le besoin n’a L’histidine est synthétisé de novo et cine et histidine. Par ailleurs, l’effet des pu être estimé car la vitesse de crois- l’enzyme qui catalyse l’étape finale de carences en AAI sur les performances sance n’a pas atteint un plateau. Dans le la biosynthèse d’histidine, l’histidinol varie selon l’AAI. Par exemple, une deuxième essai, les données indiquent déshydrogénase, est présente dans le carence de 10% d’isoleucine réduit de que l’apport de leucine qui maximise la foie et les reins, mais pas dans le muscle 9% la vitesse de croissance alors qu’une croissance est proche de 100% DIS rela- des porcs (Onodera 2003). Cependant carence de 10% de leucine ou d’histidine tivement à la lysine. Plus récemment, chez le porc, l’histidine est considérée ne la réduit que de 3% (Gloaguen et al Gloaguen et al (2012b) ont également comme un AAI pour la croissance par 2012b). La baisse de la consommation estimé un besoin en leucine à l’aide de Mertz et al (1952). Comme pour la leu- volontaire est également le premier signe deux doses-réponses et les auteurs cine, le besoin en histidine a été peu étu- de carence nutritionnelle en valine, iso- concluent à un besoin de 102% DIS dié chez le porc. Deux études évaluant leucine, leucine et histidine. Ainsi quand relativement à la lysine. Les résultats le besoin en histidine sont anciennes l’apport d’aliment est rationné, une teneur de ces deux études sont proches et le (Eggert et al 1955, Rechcigl et al 1956) en valine de 64% DIS relativement à la INRA Productions Animales, 2013, numéro 3
Couverture des besoins en acides aminés chez le porcelet alimenté avec des régimes à basse teneur en protéines / 283 lysine dans l’aliment permet de maxi- Figure 4. Catabolisme des acides aminés à chaîne ramifiée. miser le dépôt quotidien de protéines alors qu’une teneur de 70% est néces- Acides aminés à chaînes ramifiées ram mifiées saire pour maximiser la vitesse de crois- sance chez des animaux nourris à volonté (Gloaguen et al 2011). En d’autres ter- Va aline Valine Isoleucine Leucine mes, seuls la consommation volontaire des porcelets et le dépôt de protéines associé diminuent quand la teneur en valine de l’aliment est réduite de 70 à Transamination Transamination i ti réversib réversible é ible l 64% DIS relativement à la lysine, la diminution de l’efficacité d’utilisation des acides aminés pour déposer des pro- téines intervenant en dessous de 64%. cétoisovalérate cétoisovalérate céto--méthylvalérate céto--méthylvalérate cétoisocaproate cétoisocaproate 4.2 / La toxicité La toxicité résulte de l’ingestion d’une quantité excessive d’un seul AAI. Ainsi Décarboxylation Décarboxylation ooxydative x ydative on sait que la méthionine est l’AAI le irréversible irréversible plus toxique chez le porcelet et que l’ap- port de 2% de DL-méthionine libre dans un aliment contenant 20% de MAT réduit fortement la consommation et le gain de poids (Edmonds et Baker 1987). En com- ((Valine) Valine) (Isoleucine) (Leucine) (Leucine) paraison, la toxicité de la L-leucine n’apparaît qu’à 6% d’incorporation. De ce fait, les teneurs en AAI libres utili- sées en pratique (< 1%) dans l’alimenta- Propionyl-CoA P ropionyl-CoA Propionyl-CoA P ropionyl-CoA Acétyl-CoA tion des porcs ne sont pas assez élevées Acétyl-CoA Acétocétate pour induire de la toxicité. rachidien dépendent des proportions des par l’aminotransférase des AACR 4.3 / L’« imbalance » différents LNAA du plasma. Chez le rat, (« Branched-Chain Amino Transferase », la consommation d’un excès de leucine BCAT) commune aux trois AACR. Les Le terme « imbalance » désigne un fort diminue les concentrations des autres BCAT sont spécifiques des AACR et du déséquilibre en AAI lorsqu’un ou plu- LNAA dans le cerveau et est associée à glutamate avec une affinité croissante sieurs AAI sont ajoutés en excès dans une baisse de la consommation (Peng et pour le glutamate, la valine, la leucine un régime déjà déficitaire en un autre al 1973). Lorsque la valine, l’isoleucine, et l’isoleucine (Wallin et al 1990, Hall AAI (Harper et al 1970). L’effet de la l’histidine ou la leucine sont limitantes et al 1993, Davoodi et al 1998). Chez carence en AAI est accentué, principale- dans un aliment à basse teneur en pro- l’Homme, le rat ou le singe, plus de ment par une baisse de la consomma- téines, une diminution du rapport Val: 65% de la capacité totale de transamina- tion, et l’apport de l’AAI déficitaire res- LNAA, Ile:LNAA, His:LNAA ou Leu: tion des AACR, calculée en multipliant taure les performances. Une caractéris- LNAA peut potentiellement créer une les activités des BCAT par la masse des tique commune à l’ingestion de ce type situation d’« imbalance » à l’origine de tissus, se situe dans le muscle (Suryawan d’aliment déséquilibré en acides aminés baisse de consommation alimentaire. et al 1998, Brosnan et Brosnan 2006). est la baisse de la concentration de l’acide L’hémoglobine des SDBC contient peu L’implication du muscle dans le catabo- aminé limitant dans le plasma et dans le d’isoleucine (5% Ile:Lys) mais avec un lisme est une particularité des AACR cerveau (Peng et al 1972). Chez le rat, fort rapport de Val:Lys (99%), de Leu:Lys puisque les autres acides aminés sont l’hypothèse privilégiée pour expliquer la (144%), de Phe:Lys (76%) et d’His:Lys principalement catabolisés dans le foie. baisse de la consommation est la détection (83%). Ainsi, l’incorporation de SDBC Aucun mécanisme spécifique de régula- de la concentration de l’acide aminé défi- dans l’aliment diminue l’apport d’iso- tion n’a été identifié pour les BCAT et la citaire au niveau du cortex piriforme leucine relativement aux LNAA créant transamination dépend alors des concen- antérieur, qui initie une réponse com- une situation d’« imbalance » pouvant trations des BCAT et de leurs substrats portementale à l’origine d’une aversion être en partie à l’origine des baisses de (AACR et α-cétoacides). La vitesse de alimentaire (Beverly et al 1991, Gietzen performances observées avec l’incorpo- transamination dépend de l’activité de et al 1998, Park 2006). La perception de ration de SDBC (Barea et al 2009b, la deuxième enzyme impliquée dans le ce déséquilibre au niveau cérébral est Wiltafsky et al 2009a). catabolisme irréversible des AACR. Cette accentuée par la compétition entre acides deuxième étape est une décarboxylation aminés pour leur transport à travers 4.4 / L’antagonisme, exemple des oxydative irréversible des α-cétoacides la barrière hémato-encéphalique. Les acides aminés à chaîne ramifiée à chaîne ramifiée assurée par le com- AACR sont considérés, avec la phény- plexe déshydrogénase mitochondrial lalanine, la tyrosine, l’histidine et le a) Le catabolisme spécifique des acides (BCKDH) avec la plus forte activité dans tryptophane, comme des acides aminés aminés à chaîne ramifiée le rein suivi par le foie, le cerveau et le neutres à longues chaînes (« Large cœur chez l’Homme et le singe (Suryawan Neutral Amino Acids », LNAA). Avec La première étape du catabolisme de et al 1998). Le complexe de la BCKDH les niveaux de concentrations en LNAA la leucine, de l’isoleucine et de la valine comprend trois sous-unités : une décar- rencontrés dans le plasma, leur transpor- est une transamination réversible pro- boxylase des AACR (E1), une dihydro- teur (système L1) à travers la barrière duisant respectivement de l’α-cétoiso- lipoyl transacylase (E2) et une dihydro- hémato-encéphalique est saturé (Par- caproate (KIC), de l’α-céto-β-méthylva- lipoyl déshydrogénase (E3). La décarbo- dridge 1977). De ce fait, les concen- lérate (KMV) et de l’α-cétoisovalérate xylation oxydative des KIV, KMV et KIC trations en LNAA du liquide céphalo- (KIV) (figure 4). Cette réaction est assurée par la BCKDH produit respectivement INRA Productions Animales, 2013, numéro 3
284 / M. GLOAGUEN, N. LE FLOC’H, J. VAN MILGEN Figure 5. Effet de l’incorporation croissante de Leucine (Leu) dans un aliment vitesse de croissance peuvent être induits carencé en isoleucine sur la Consommation Moyenne Journalière (CMJ) et le Gain par l’augmentation de la teneur en leucine Moyen Quotidien(GMQ) du porcelet (d’après Wiltafsky et al 2010). dans l’aliment (figure 5). Ces observations pourraient expliquer les réductions de 800 performances liées à l’incorporation de SDBC dans l’aliment des porcs. L’incor- poration de SDBC, un produit sanguin 700 déficitaire en isoleucine et excédentaire en valine et en leucine relativement à la 600 lysine, augmenterait le catabolisme des AACR, ce qui amplifierait la carence en isoleucine. En revanche, un excès de 500 leucine dans l’aliment (165% Leu:Lys DIS) n’affecte pas l’estimation du besoin 400 en valine (70% Val:Lys DIS) mais g/j aggrave l’effet de la carence (figure 6). C’est pourquoi, si un régime est carencé 300 en valine (60% Val:Lys DIS), le GMQ diminue de 25% lorsque l’apport de leu- 200 cine relativement à la lysine augmente de 100 à 165%. Ce déséquilibre entre la leucine et la valine ne peut pas se pro- 100 duire avec l’utilisation de produits san- guins qui sont riches en ces deux AAI. 0 En pratique, le niveau de leucine relati- vement à la lysine dans l’aliment stan- 100 150 175 200 dard ne dépasse généralement pas 130% Leu : Lys DIS (%) DIS. Seule l’incorporation de farine de gluten de maïs dont l’apport de leucine GMQ CMJ relativement à la lysine est de 900% peut aboutir à des teneurs en leucine de l’isovalineéryl-CoA, du α-méthyl- Langer et al 2000, Wiltafsky et al 2010). élevées (Leu:Lys DIS > 130%) dans un butyryl-CoA et de l’isobutyryl-CoA. Ces études montrent que l’ingestion d’un aliment complet. Un rapport minimal de A la différence de la BCAT, le complexe régime apportant de la leucine en excès valine de 70% DIS relativement à la multienzymatique est régulé par un réduit les concentrations plasmatiques lysine garantit donc le maintien des per- cycle réversible de phosphorylation et de valine et d’isoleucine. Wiltafsky et al formances lorsque l’apport de leucine déphosphorylation de la sous unité E1, (2010) ont observé qu’un excès de leu- relativement à la lysine est compris l’enzyme active étant sous la forme cine stimulait l’activité de la déshydro- entre 100 et 165% DIS. Il est cependant déphosphorylée. La phosphorylation génase des α-cétoacides dans le foie. possible qu’avec une teneur en leucine de la sous unité E1 par la kinase de Cette étude confirme que, chez le porc, supérieure à 165% DIS relativement à la la BCKDH inhibe alors l’activité de le catabolisme des AACR, la baisse des lysine, le besoin en valine pour la crois- la BCKDH. La kinase est régulée par concentrations plasmatiques d’isoleuci- sance maximale augmente. Ces résultats des modifications de concentrations en ne et de valine et la diminution de la contrastent avec l’augmentation du besoin KIC (Paxton et Harris 1984) qui inhibe la kinase et favorise l’oxydation des Figure 6. Réponse de croissance des porcelets à l’apport de valine avec (––) ou α-cétoacides. Les produits de la décar- sans (––) un excès de leucine dans l’aliment (d’après Gloaguen et al 2011). boxylation oxydative des α-cétoacides suivent des voies métaboliques différen- 500 tes. La valine est glucoformatrice et est catabolisée en propionyl-CoA, l’isoleu- cine est glucoformatrice et cétogène et produira du propionyl-CoA et de l’acé- tyl-CoA et la leucine est uniquement cétogène et sera catabolisée en acéto- 400 acétate et acétyl-CoA. b) Interactions entre les apports d’acides GMQ (g/j) aminés à chaîne ramifiée 300 Comme décrit précédemment, les AACR partagent les mêmes enzymes lors des deux premières étapes de leur catabolisme. La deuxième étape de décarboxylation oxydative irréversible 200 est stimulée par un excès de KIC qui favorise l’oxydation des α-cétoacides et diminue la disponibilité de la valine, de l’isoleucine et de la leucine. Chez le porc, les interactions entre la valine, l’isoleu- 100 cine et la leucine ont été décrites par de 57 60 63 66 69 72 75 78 81 nombreux auteurs (Henry et al 1976, DIS Val : Lys (%) INRA Productions Animales, 2013, numéro 3
Couverture des besoins en acides aminés chez le porcelet alimenté avec des régimes à basse teneur en protéines / 285 en isoleucine lorsque des SDBC sont sance a été utilisée pour estimer les saire pour obtenir une baisse supplé- incorporées dans la ration. Les SDBC besoins en acides aminés. Ainsi, le profil mentaire significative de la teneur en sont également riches en phénylalanine proposé par le NRC (2012) maximise la protéines de l’aliment. Le besoin en et en histidine et leur incorporation dans rétention azotée et non la croissance. Par phénylalanine a cependant été peu étu- l’aliment réduit le rapport d’isoleucine ailleurs, nous avons pu constater qu’il dié et les tables nutritionnelles se fon- sur LNAA. Ceci aboutit à une situation existe une forte variabilité des besoins dent sur des données anciennes où le d’« imbalance » des AAI qui pourrait estimés entre études référencées dans la besoin en phénylalanine est estimé en g accroître les baisses de performances et bibliographie. Actuellement, les tables par kg d’aliment (Mertz et al 1954, augmenter le besoin en isoleucine pour nutritionnelles présentent une seule pro- Robbins et Baker 1977). Ces estima- la croissance. téine idéale pour une large gamme de tions sont donc difficilement utilisables poids vif. Or, nous avons vu qu’un apport en pratique quand les apports d’acides 5 / Implication pratique pour déséquilibré en AAI est une source de aminés sont raisonnés en apport digesti- variation importante du besoin en iso- bles relativement à la lysine. La compo- la formulation de régimes à leucine. Avec seulement trois études sition en AAI des protéines de la carcasse basse teneur en protéines disponibles, les données restent également du porcelet indique que la teneur en phé- très limitées et les recommandations sont nylalanine est de 55% relativement à la 5.1 / Actualisation de la protéine peu robustes pour l’estimation du besoin lysine (Conde-Aguilera et al 2010), ce idéale en leucine, histidine et isoleucine. qui suggère que le besoin en phénylala- nine pour la croissance est inférieur à D’après les données de la bibliogra- 5.2 / Les prochains facteurs 60% DIS relativement à la lysine si les phie, les besoins moyens en valine, iso- efficacités d’utilisation métabolique et leucine, leucine et histidine pour la crois- limitant la baisse de la teneur les besoins d’entretien ne sont pas diffé- sance sont respectivement de 70, 52, 101 en protéines rents entre la phénylalanine et la lysine. et 31% DIS relativement à la lysine La formulation, à base de céréales et Dans ce cas, la phénylalanine serait moins lorsque la protéine alimentaire est équi- de tourteau de soja, d’un aliment com- limitante pour la croissance des porce- librée en acides aminés (tableau 2). Ces plet à basse teneur en protéines nous lets lorsque la teneur en protéines des valeurs représentent respectivement 103, indique que l’apport d’isoleucine, de leu- aliments est basse. 96, 100 et 98% des besoins estimés par cine et d’histidine sont les principales le NRC (1998) et 100, 90, 101 et 91% contraintes limitant la baisse de la teneur Les deux derniers nutriments considérés de ceux estimés par la BSAS (2003). en protéines après la valine. Néanmoins, comme indispensables à la synthèse de Les données de la bibliographie confir- avec un besoin en phénylalanine et en protéines sont l’azote et l’arginine. Avec ment donc les besoins en valine, histidine phénylalanine et tyrosine estimé à respec- les acides aminés libres disponibles sur et leucine référencés dans les tables nutri- tivement 61 et 95% DIS relativement à le marché et les teneurs en protéines tionnelles alors que le besoin en isoleu- la lysine par le NRC (1998), la phényla- actuelles des aliments des porcelets, cine est jusqu'à 10% inférieur à celui lanine et la tyrosine deviennent quasi l’arginine et l’azote ne peuvent pas être estimé par la BSAS (2003). En revanche, co-limitants pour la croissance avec limitants pour la croissance. L’arginine des différences peuvent apparaître avec la leucine, l’isoleucine et l’histidine. De est considérée comme un acide aminé le profil de la protéine idéale estimé par ce fait, après l’incorporation de L-valine semi-indispensable pour assurer la crois- le NRC (2012) puisque dans ce cas une dans l’aliment, une supplémentation sance (Southern et Baker 1983). Les approche factorielle fondée sur la pré- simultanée d’isoleucine, de leucine, d’his- protocoles expérimentaux ne permettent diction des besoins d’entretien et de crois- tidine et de phénylalanine serait néces- pas d’estimer le besoin en arginine sur Tableau 2. Profil en acides aminés indispensables digestibles, exprimé relativement à la lysine (AA: Lys, DIS) de la protéine idéale du porcelet. (1) AA:Lys, DIS Sève (1994) NRC (1998) BSAS (2003) NRC (2012) INRA Lys:Lys 100 100 100 100 100 Thr:Lys 65 62 65 59 65 Met:Lys 30 27 30 29 30 (Met + Cys):Lys 60 57 59 55 60 Trp:Lys 18 18 19 16 22 Val:Lys 70 68 70 63 70 (2) Ile:Lys 60 54 58 51 52-60 Leu:Lys 100 101 100 100 101 (3) Phe:Lys 50 61 57 58 54 (Phe + Tyr):Lys 95 94 100 93 - Tyr:Lys - - - - 40 His:Lys 32 32 34 34 31 (1) les besoins en thréonine, méthionine et (méthionine + cystéine) sont ceux proposés par Sève (1994). Le besoin en tryptophane est issu d'une méta-analyse (Simongiovanni et al 2012). Les besoins en valine, isoleucine, leucine et histidine sont les besoins moyens calculés à partir des données de la littérature. Les besoins en phénylalanine et tyrosine sont issus de données de doses- réponses réalisées à l’INRA et non publiées. (2) besoin en isoleucine conseillé lorsque l’aliment contient une source de protéines déséquilibrée en acides aminés à base d’hémoglobine (cellules sanguines, farines de sang…). (3) besoin en phénylalanine minimal lorsque l’aliment contient un minimum de 40% DIS de tyrosine relativement à la lysine. INRA Productions Animales, 2013, numéro 3
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