(CREA) Projet pour la construction et - l'exploitation d'un Centre Interjurassien d'Expression des Arts de la scène
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Projet pour la construction et l’exploitation d’un Centre Interjurassien d’Expression des Arts de la scène (CREA) Rapport établi à la demande du Gouvernement de la République et Canton du Jura et du Conseil-exécutif du canton de Berne Octobre 2007
« Il n’y a, dans l’existence comme au théâtre, qu’une seule réalité : l’utopie.» Jean Vilar « Ce qui est merveilleux, c’est que le théâtre est précisément le lieu de rencontre entre les grandes questions de l’humanité, la vie, la mort… et la dimension artisanale, très pratique. C’est comme faire de la poterie. Dans les grandes sociétés traditionnelles, le potier est quelqu’un qui essaie de vivre les grandes questions éternelles en même temps qu’il fabrique son pot. Cette double dimension est possible dans le théâtre, c’est même ce qui lui donne toute sa valeur. » Peter Brook
Sommaire Résumé 7 1. Introduction 8 2. Le mandat 9 2.1. Le comité de pilotage 9 2.2. Le groupe de projet 9 2.3. Les intervenants cantonaux 9 2.4. La nomination d’un nouveau chef de projet 9 2.5. Les personnes rencontrées 9 3. Contexte politique d’un concept pour la culture dans la région jurassienne 10 4. Pourquoi un Centre Interjurassien d’Expression des Arts de la scène ? 12 5. Etat des lieux dans le Jura bernois et le Jura 14 6. Pourquoi une nouvelle infrastructure culturelle ? 16 7. Enquête sur la mobilité des publics et les pratiques culturelles dans le domaine des arts de la scène 19 8. Ce que devrait être le CREA 20 8.1. L’accueil 20 8.2. La création 21 8.3. La formation 22 8.4. La collaboration avec les centres culturels existants 25 8.5.Une salle pour la musique et la danse 25 8.6. Spécificité et originalité du CREA 26 8.7. Fonctions et prestations du CREA 26 9. Quelles salles pour le CREA ? 27 10. Programme général des locaux du CREA 28 11. Localisation du CREA 30 12. Etude de faisabilité 32 12.1. Réflexions générales 32 12.2. Le coût des bâtiments 32 12.3. L’investissement global 33 13. Budget de fonctionnement prévisionnel du CREA 34 13.1. Budget d’exploitation du CREA 34 13.2 Comparaison avec d’autres théâtres 35 14. Forme juridique du CREA 36 14.1. Ce qui s’est fait à Neuchâtel 36 14.2. La situation à Fribourg 36 14.3. La solution retenue par la ville de La Chaux-de-Fonds 37 14.4. Forme juridique proposée pour le CREA 37 15. Financement du CREA 38 15.1. Proposition de répartition des coûts de construction du CREA 38 15.2. Proposition de répartition du déficit d’exploitation du CREA 39 16. Modalités et étapes d’un programme de concours architectural (SIA) 40 16.1. Récapitulatif 40 16.2. Etudes préparatoires 40 16.3. Organisation du concours 41 16.4. Frais divers 41 16.5. Confection d’une maquette 41 16.6. Honoraires et frais du jury 41 16.7. Prix, mentions et indemnités 41 16.8. Composition du jury 42 16.9. Règlement et programme du concours 42 17. Stratégie de communication et de consultation 43 18. Conclusions 44 18.1. Remerciements 45 Annexe I : études, rapports et propositions au sujet de la politique culturelle dans le Jura et le Jura bernois 46 Annexe II : liste des personnes rencontrées par le chef de projet 48 Annexe III : liste des manifestations culturelles investiguées par l’enquête sur la mobilité des publics effectuée par l’Université de Genève 49 Annexe IV : conclusions de l’Enquête du Laboratoire de Recherche en Sociologie de l’Université de Genève 50 Annexe V : plan de situation 51 Annexe VI : carte d’accessibilité de la région Jura bernois - Jura 52 Annexe VII : répartition du déficit d’exploitation du Théâtre du Passage 53 Projet pour la construction et l’exploitation d’un Centre Interjurassien d’Expression des Arts de la scène (CREA)
Résumé Depuis plus de trente ans, la région Jura bernois - Jura s’interroge au sujet de sa politique culturelle, cherche les moyens de sortir ses acteurs culturels de leur isolement et de mettre en place les infrastructures appropriées. Malgré trois décennies de réflexion et les nombreux rapports qui en sont issus, la région Jura bernois - Jura reste la seule de Suisse romande à ne pas disposer d’une infrastruc- ture de qualité professionnelle pour les arts de la scène. Considérant que cette situation n’est plus acceptable, la Commission culturelle interjurassienne a rédigé un « avant-projet pour un Centre (régional) d’expression artistique (nom provisoire) C(R)EA1 ». Le Conseil- exécutif du canton de Berne et le Gouvernement jurassien ont donné mandat à l’auteur du présent rapport d’en vérifier les propositions et de développer, cas échéant, un argu- mentaire plus précis. Une « Enquête sur la mobilité des publics et les pratiques culturelles dans le domaine des arts de la scène dans le canton du Jura et le Jura bernois », commandée au Laboratoire de sociologie appliquée de l’Université de Genève, a confirmé l’intérêt porté aux arts de la scène 2 ainsi que la capacité des spectateurs à se déplacer. Pour répondre aux attentes du public et des artistes, et faire valoir sa spécificité dans le réseau des théâtres romands, la nouvelle infrastructure devra trouver un bon équilibre entre la qualité du théâtre d’accueil, la mise en valeur du foisonnement de la création dans le domaine des arts de la scène et l’exploitation du volet formation, très développé dans la région jurassienne. Pour assumer sa valeur identitaire et symbolique de lieu de culture pour l’ensemble de la région jurassienne, le CREA devra tisser un réseau de relations avec les centres culturels existants, jouer le rôle de fédérateur et de rassembleur des acteurs culturels. Non seule- ment il ne nuira pas à d’autres projets alternatifs mais créera au contraire une dynamique et une émulation bienvenues dans le paysage culturel de la région Jura bernois - Jura. Pour remplir ses missions culturelle, socio-culturelle et formatrice, le CREA devra disposer d’une grande salle de 400 à 450 places, d’une petite salle ou atelier studio modulable, de deux ou trois salles de répétition, de formation et de réunion ainsi que des infrastructures de logement nécessaires au travail en résidence. Il n’a échappé à personne que le choix du lieu d’implantation du CREA pouvait être « sen- sible » du point de vue politique. C’est la raison pour laquelle plusieurs critères ont été pris en considération : – lieu centré dans la région Jura bernois - Jura, les cantons envisageant leur participation à l’investissement pour autant que le CREA soit situé à une distance raisonnable de leur frontière commune ; – commune à forte densité de population ; – qualité de la desserte, à la fois routière et par les transports publics ; – complémentarité avec le milieu culturel environnant ; – qualité et conditions de mise à disposition d’un terrain ou d’une friche ; 1 Le nom CREA est utilisé dans ce rapport pour désigner – capacité hôtelière. le futur Centre Interjurassien d’Expression des Arts de la scène, car c’est sous cette appellation qu’il a été médiatisé Sur les onze terrains situés à Moutier et les six situés à Delémont examinés sous l’angle de jusqu’ici. ces critères, c’est celui du « Gros-Pré », à Delémont, qui s’est avéré être le plus favorable. 2 On entend par « arts de la scène » le théâtre, la danse, les Evalués à 2 950 000 francs, les terrains et bâtiments seront mis gratuitement à disposition performances et toutes les musiques acoustiques. par la Municipalité de Delémont. Projet pour la construction et l’exploitation d’un Centre Interjurassien d’Expression des Arts de la scène (CREA)
Résumé Une étude de faisabilité, confiée à l’architecte Alain-G. Tschumi, a permis de démontrer qu’il est possible de réaliser l’ensemble du programme des locaux pour un coût plafond de 28 500 000 francs. Après déduction des participations attendues de la Loterie romande, des sponsors et du public, il resterait aux cantons de Berne et du Jura à financer chacun un montant se situant dans une fourchette allant de 11 à 13,5 millions de francs. Quant au déficit annuel d’exploitation du CREA, évalué à 1 430 000 francs, il serait sup- porté à raison de 90 % par les deux cantons et de 10 % par les communes à raison d’un tiers pour Delémont et de deux tiers pour les autres communes, selon une clé tenant comp- te, par exemple, de la population et de l’éloignement par rapport à la commune siège. Si les deux cantons font leurs les conclusions du présent rapport, un concours d’architec- ture sera organisé par eux, après consultation de tous les milieux intéressés, pour aboutir à une réalisation d’ici à fin 2012, début 2013. Projet pour la construction et l’exploitation d’un Centre Interjurassien d’Expression des Arts de la scène (CREA)
1. Introduction Depuis la publication, entre 1969 et 1970, des cinq rapports du Centre culturel jurassien Depuis près de 40 ans, la politique (CCJ), la politique culturelle jurassienne n’a cessé d’être l’objet d’études, de débats et de culturelle jurassienne n’a cessé dêtre l’objet propositions (annexe I). d’études, de débats et de propositions. Les préoccupations politiques de ces trente dernières années et l’insuffisance de com- munication et de coordination entre les partenaires concernés n’ont malheureusement permis à aucun projet concret d’aboutir. Ce n’est que durant ces dernières années que plusieurs facteurs ont contribué à faire évoluer favorablement la situation : – En 2000, le Rapport Pidoux, dans son scénario c, précise en effet les tâches de politique culturelle qui devraient être assignées à l’Etat . Le Forum interjurassien de la culture les résume ainsi : « L’Etat doit se préoccuper d’une part de la diffusion d’initiatives artistiques conçues dans la région, et d’autre part de l’accueil de productions et d’événements réalisés par des artistes et des institutions extérieurs à la région. Il doit construire des échanges durables dans lesquels pourraient s’insérer les artistes jurassiens. Il doit augmenter la capacité du milieu artistique à travailler sur place sans qu’il soit coupé de ce qui se fait ailleurs. L’Etat se préoccupera de mettre à disposition l’outil indispensable pour la réalisation de cette politique : la création d’un Centre interjurassien d’expressions artistiques. » (Réflexions & propositions pour une politique culturelle, novembre 2003, p. 4). – Mais c’est surtout la création de l’Assemblée interjurassienne (AIJ) le 25 mars 1994, et La Résolution 53 de l’AIJ, du 29 novembre l’adoption de la Loi sur le statut particulier du Jura bernois et sur la minorité franco- 2001, demande expressément aux phone du district bilingue de Bienne, du 13 septembre 2004, qui vont permettre d’ac- Gouvernements bernois et jurassien célérer le processus de réflexion. En effet, la Résolution no 53 de l’AIJ, du 29 novembre d’envisager la création d’une salle de 2001, demande expressément aux Gouvernements bernois et jurassien d’envisager la spectacle interjurassienne. création d’une salle de spectacle interjurassienne. – Deux ans plus tard, le Rapport Ruedin parvient également à la conclusion qu’un théâ- Le Rapport Ruedin parvient également tre équipé correctement serait important pour cette région. Cette idée sera reprise et à la conclusion qu’un théâtre équipé développée par le Forum interjurassien de la culture dans son rapport cité plus haut. correctement serait important pour cette – En parallèle, les discussions entre les différents partenaires ont permis de clarifier et de région. renforcer la cohérence de leurs besoins en matière de politique culturelle. La Commission culturelle interjurassienne Ces diverses démarches et contributions ont conduit la Commission culturelle interjuras- a rédigé un Avant-projet pour un Centre sienne à rédiger, en mars 2006, en collaboration avec les Offices de la culture du canton (régional) d’expression artistique (nom de Berne et de la République et Canton du Jura, un Avant-projet pour un Centre (régional) provisoire) CREA. d’expression artistique (nom provisoire) CREA. Lors de ses séances des 21 février et 27 juin 2006, le Gouvernement de la République et Canton du Jura a pris connaissance de cet avant-projet et a chargé son Office de la culture de lui faire des propositions en vue de nommer un groupe d’experts 1 ainsi qu’un chef de projet. Leur tâche serait de rédiger un projet détaillé, notamment quant au positionne- ment artistique et culturel par rapport à l’offre existante, à sa faisabilité, au cadre financier, à son emplacement et à des options d’urbanisme et d’architecture. Le 26 avril 2006, le Conseil-exécutif du canton de Berne a aussi pris connaissance de cet avant-projet. Il a donné mandat à la Direction de l’Instruction publique de nommer un groupe d’experts 1 et un chef de projet, en concertation avec la République et Canton du 1 Pour faciliter la lecture du rapport, le masculin générique est Jura, et a précisé qu’il souhaitait prendre connaissance des résultats de l’étude au cours utilisé pour désigner les deux sexes. du premier trimestre 2007. Projet pour la construction et l’exploitation d’un Centre Interjurassien d’Expression des Arts de la scène (CREA)
« Pour l’homme politique, la culture est un dossier plus amusant que les autres, mais aussi plus compliqué, plus explosif, parce que ces affaires-là sont toujours passionnelles. » Jacques Rigaud, La culture pour vivre. 2. Le mandat En juin 2006, les deux gouvernements ont désigné Thomas Schmutz, de l’entreprise Artworx GmbH à Bâle, comme chef de projet chargé de vérifier, sur la base d’informations objectives et réalistes, les propositions contenues dans l’avant-projet et de développer, cas échéant, un argumentaire plus précis. Ils lui ont adjoint un comité de pilotage et un groupe de projet. 2.1. Le comité de pilotage Son rôle est de suivre et de donner son accord sur l’évolution des travaux et d’examiner Le rôle du comité de pilotage est de suivre régulièrement l’avancement du projet en ce qui concerne la réalisation des objectifs, les et de donner son accord sur l’évolution des coûts, le calendrier et l’information. Il est composé des personnalités suivantes : travaux. 1. Elisabeth Baume-Schneider, ministre de la formation, de la culture et des sports de la République et Canton du Jura, 2. Jean-René Moeschler, président de la Section « culture » du Conseil du Jura bernois, 3. Pierre Edouard Hefti, membre de la Commission culturelle interjurassienne, 4. Markus Baumer, Délégué culturel de l’agglomération fribourgeoise, expert, 5. Stéphane Cancelli, administrateur de la Haute Ecole de Théâtre de Suisse Romande (HET-SR), expert. 2.2. Le groupe de projet Les membres du groupe de projet ont pour mission de fournir les informations nécessaires Le groupe de projet a pour mission de à la réalisation du mandat, en se fondant sur leurs connaissances et leurs expériences. Les fournir les informations nécessaires à la personnalités suivantes ont accepté ce mandat : réalisation du mandat. 1. Sylvie Kleiber, architecte et scénographe, Genève, 2. Jean-Baptiste Beuret, directeur général de Clientis Banque Jura-Laufon, Delémont, 3. David Junod, administrateur du Théâtre du Passage, Neuchâtel, 4. François Marin, directeur artistique du Théâtre de Valère, Sion, et de la Compagnie Marin, Lausanne, 5. Germain Meyer, enseignant de théâtre, metteur en scène et promoteur de spectacles, Moutier (jusqu’au 30 juillet 2007, date de son départ à l’étranger pour plusieurs mois), 6. Michel Rey, économiste, ancien directeur de la Communauté d’étude pour l’aménage- ment du territoire (CEAT), EPFL, Lausanne, 7. Ruedi Rast, architecte, ancien directeur technique d’Expo.02, Berne. Celui-ci a désigné sa remplaçante, en cas d’absence, en la personne d’Ariane Widmer Pham, architecte. 2.3. Les intervenants cantonaux Le chef de projet, le comité de pilotage et le groupe de projet ont bénéficié de l’assis- tance et des conseils d’Anne-Catherine Sutermeister, cheffe de la Section francophone des activités culturelles du canton de Berne et de Jean Marc Voisard, délégué aux Affaires culturelles de la République et Canton du Jura. 2.4. La nomination d’un nouveau chef de projet Blaise Duport, économiste et ancien Thomas Schmutz n’ayant plus été en mesure de poursuivre sa tâche, pour des raisons de membre de l’Exécutif de la ville de santé, les deux gouvernements ont désigné, le 21 décembre 2006, un nouveau chef de Neuchâtel, a été nommé chef de projet ; projet en la personne de Blaise Duport, économiste et ancien membre de l’Exécutif de la il a été assisté par René Koelliker, ville de Neuchâtel, assisté de René Koelliker, historien d’art. historien d’art. 2.5. Les personnes rencontrées Pour l’établissement de ce rapport, de nombreuses personnalités ont été rencontrées par le chef de projet. La liste de ces personnes figure en annexe II. Projet pour la construction et l’exploitation d’un Centre Interjurassien d’Expression des Arts de la scène (CREA)
« La matière stratégique, le « pétrole » du 21 e siècle, sera l’information, dont la culture et les arts sont des composantes essentielles. » Alain Casabona, ancien président du Comité national pour l’éducation artistique 3. Contexte politique d’un concept pour la culture dans la région jurassienne1 Déjà en 1988, dans son Rapport sur la situation du théâtre dans le Jura (annexe I), Germain Meyer écrivait : « Il faut établir clairement, pour ceux qui auraient peur des mots, qu’une politique cultu- Le théâtre pro ou amateur, en Suisse relle n’est pas enlever aux créateurs leurs moyens mais leur en donner, et qu’une absence ou dans le Jura, en salle ou en plein air, de politique culturelle en est UNE, bien plus pernicieuse et néfaste, parce que hypocrite, improvisé ou mis en scène, n’est pas une lâche et irresponsable. Le théâtre pro ou amateur, en Suisse ou dans le Jura, en salle ou grâce qui tombe du ciel, c’est un ensemble en plein air, improvisé ou mis en scène, n’est pas une grâce qui tombe du ciel, c’est un de pratiques, de gens, de moyens, de lieux ensemble de pratiques, de gens, de moyens, de lieux qui n’échappent en aucune manière qui n’échappent en aucune manière à la à la société dans laquelle nous vivons. On a trop facilement tendance à dire que l’Etat n’a société dans laquelle nous vivons. pas à se mêler d’art pour le voir s’éviter d’en payer le prix. Et pas seulement économique, sinon du point de vue de la réflexion sensible et critique que doit jouer l’art dans notre société. Ce qui implique un risque, et pas seulement un coût. Ceci ne lui donne en aucun cas le droit d’intervenir sur son contenu ou ses formes d’expression (c’est notre responsa- bilité), mais lui fait prendre conscience de son devoir d’assurer l’expression culturelle tout autant que la santé, les routes ou l’emploi.» (p. 34). En juin 2000, le Forum interjurassien de la culture demandait que soit présenté un pro- gramme culturel de législature ou que soit adoptée une loi sur l’encouragement des acti- vités culturelles qui prennent notamment en compte : «– la nomination d’un délégué culturel à plein temps, – un programme de réalisation d’une infrastructure culturelle, – les besoins de l’ensemble des acteurs culturels du Jura et du Jura bernois dans les do- maines de la création, de l’animation, de la formation et de la diffusion, – la mise sur pied de moyens de développement culturel de la jeunesse, – des échanges artistiques aller-retour avec d’autres régions ou d’autres pays, – la présence du Jura et du Jura bernois à l’extérieur.» (Réflexions & propositions pour une politique culturelle, Forum interjurassien de la culture, rédaction intermédiaire, p. 3). Deux ans plus tard, l’Arrêté relatif à la politique culturelle du Jura, adopté par le Parlement jurassien le 26 juin 2002, insiste afin que celle-ci soit conduite dans une perspective d’ouverture, notamment : «– de manière à permettre aux acteurs culturels jurassiens, tous secteurs d’activités confondus, de s’insérer dans le plus grand nombre possible de réseaux d’échanges, et de donner aux Jurassiens des occasions accrues de participer en leur pays même aux événements et courants culturels ; – en assumant la promotion des artistes jurassiens à l’extérieur du Canton et l’accueil dans le Canton d’artistes, de spectacles et d’événements extra-cantonaux ; La politique culturelle du Jura doit – en contribuant à la réalisation d’infrastructures culturelles appropriées ; contribuer à la réalisation d’infrastructures – en œuvrant au renforcement des contacts avec d’autres cantons, régions et villes, et appropriées. plus particulièrement avec le Jura bernois. » 1 L’expression « région jurassienne » est à comprendre, dans ce rapport, comme étant l’aire géographique des trois districts du Jura bernois et des trois districts de la République et Canton du Jura. 10 Projet pour la construction et l’exploitation d’un Centre Interjurassien d’Expression des Arts de la scène (CREA)
3. Contexte politique d’un concept pour la culture dans la région jurassienne De son côté, le Concept pour la culture du canton de Berne, d’avril 2006, précise dans ses considérations générales : « Le besoin fondamental de culture existe partout où vivent et travaillent des hommes et des femmes. La culture n’est pas un privilège réservé aux habitants des centres urbains ou à certaines couches sociales. Les effets directs de la culture dont il a été question ci- devant justifient, en termes de politique sociale, la nécessité de son encouragement par l’Etat. On distinguera ces effets des effets dits secondaires – eux aussi précieux – tels que les répercussions économiques ou l’impact sur le tourisme et l’attrait d’une région. Ces retombées indirectes sont bien sûr les bienvenues, mais la cohésion d’une collectivité dé- pendant davantage de valeurs culturelles que de valeurs économiques, elles ne suffisent pas à justifier à elles seules l’encouragement de la culture par l’Etat.» (p. 12). Plus loin, s’exprimant au sujet de la Coopération interjurassienne, le concept bernois précise : « En approuvant la Résolution 55 votée en décembre 2001 par l’Assemblée interjuras- sienne, le canton de Berne confirme son intention de renforcer son aide au dialogue Le canton de Berne confirme son intention culturel interjurassien ainsi qu’à la vie culturelle dans le Jura bernois. (…) Le canton de de renforcer son aide au dialogue culturel Berne entend favoriser l’harmonisation de la politique culturelle dans l’ensemble du Jura. interjurassien ainsi qu’à la vie culturelle La collaboration entre deux zones d’étendue relativement modeste qui ont déjà de nom- dans le Jura bernois. breuses activités communes ne saurait manquer d’exercer une influence positive sur les créateurs et médiateurs culturels, les institutions culturelles et la population intéressée par la culture de ces régions. » (p. 52). Projet pour la construction et l’exploitation d’un Centre Interjurassien d’Expression des Arts de la scène (CREA) 11
« Le théâtre est l’un des derniers lieux de la convivialité où quelques humains peuvent se retrouver dans le noir de la salle, face à d’autres humains, dans un éphémère absolu. C’est l’un des derniers endroits de la fragilité. » René Gonzalez, directeur du Théâtre de Vidy-Lausanne 4. Pourquoi un Centre Interjurassien d’Expression des Arts de la scène ? La construction d’un Centre consacré aux arts de la scène ne saurait constituer un but en soi, car il s’agit d’un outil qui n’aura de sens que s’il est mis au service d’une politique culturelle. C’est donc en définissant au préalable cette dernière et en la situant dans son contexte social, politique, historique et économique qu’il sera ensuite possible de dire à quoi ressemblera ce centre, quel en sera le programme des locaux et la ligne artistique. A cet égard, la région jurassienne peut aisément faire siens les principes développés par les autorités fribourgeoises dans leur rapport Fribourg objectifs 2006 : Les pouvoirs publics ont intérêt à investir « Au 21e siècle, le but d’une politique culturelle cohérente doit consister à protéger et dans la promotion culturelle de leur région renforcer, consolider et développer les cultures locales et régionales ainsi que les réserves car le développement économique et de créativité qui les alimentent. On peut en déduire qu’aujourd’hui plus que jamais, les touristique ainsi que le fragile équilibre pouvoirs publics ont intérêt à investir dans la promotion culturelle de leur région car le entre politique, économie et culture en développement économique et touristique ainsi que le fragile équilibre entre politique, dépendent largement. économie et culture en dépendent largement. C’est seulement en faisant des cultures régionales une force politique cohérente et consciente d’elle-même qu’on pourra restaurer leur fonction vitale dans la structure des sociétés humaines. Des dizaines de milliers de communautés telles que la nôtre, la région de Fribourg, solidement ancrées dans leur territoire, reposant sur un dense réseau interne de relations sociales et reliées entre elles par une appréhension commune de l’impor- tance de la diversité culturelle, voilà la perspective sociale ambitieuse que nous pouvons opposer à l’hégémonie des réseaux marchands mondialisés de l’ère Internet. Affaiblir ou éliminer la diversité culturelle, c’est mettre en danger tout notre système capitaliste, car l’épuisement des ressources culturelles aura des répercussions négatives sur toute acti- vité économique. Par conséquent, pour garantir l’accès à l’économie mondialisée, il faut d’abord garantir l’accès à la diversité des cultures locales, qui doivent être prioritairement reconstruites et soutenues.» En conclusion : « Une politique consciente des rapports entre la culture et l’économie… – crée les conditions qui rendent possible la création artistique, surtout celle qui coûte le plus cher… – fait en sorte qu’elle puisse ensuite être connue, comprise et appréciée par l’ensemble de la population, – soutient et développe les activités culturelles parce qu’elles sont indispensables à la promotion économique et touristique régionale. » (Rapport Fribourg Objectifs 2006, p. 13). Pour sa part, le scénario c du Rapport Pidoux (annexe I) fixe les principes et contours de Dans le scénario c du Rapport Pidoux, la ce que pourrait être une politique culturelle jurassienne tournée vers les échanges avec politique culturelle jurassienne est surtout l’extérieur : « Du côté interne, cette politique est surtout orientée vers le soutien du milieu orientée vers le soutien du milieu artistique artistique afin d’augmenter sa capacité à travailler sur place sans qu’il soit coupé de ce afin d’augmenter sa capacité à travailler qui se fait ailleurs. Elle vise à favoriser les artistes et les domaines qui « s’exportent », dans sur place sans qu’il soit coupé de ce qui se une combinaison à trouver entre ceux qui ont déjà une certaine reconnaissance et ceux fait ailleurs. qui cherchent à l’acquérir, entre une culture novatrice qui est moins directement attachée aux spécificités régionales et une culture qui travaille avec et sur la thématique de traits La principale priorité consisterait à créer identitaires jurassiens. Du côté externe, la principale priorité consisterait à créer les condi- les conditions permettant d’accueillir des tions permettant d’accueillir des productions et des manifestations qu’il était jusqu’ici productions et des manifestations qu’il rarement possible de voir dans le Jura. A cet égard la construction d’une salle de spectacle était jusqu’ici rarement possible de voir performante est un point-clé. Plutôt qu’à tabler sur des « événements-vedettes », cette dans le Jura. A cet égard la construction politique d’accueil, pour qu’elle soit cohérente avec la politique de promotion culturelle d’une salle de spectacle performante est à l’intérieur, viserait à construire des échanges durables dans lesquels pourraient s’insérer un point-clé. les artistes jurassiens. » (p. 22). 12 Projet pour la construction et l’exploitation d’un Centre Interjurassien d’Expression des Arts de la scène (CREA)
4. Pourquoi un Centre Interjurassien d’Expression des Arts de la scène ? Une politique culturelle digne de ce nom doit aussi répondre aux attentes dans les domai- Une politique culturelle digne de ce nom nes de la création, de la formation aux arts de la scène, d’échanges culturels, notamment doit aussi répondre aux attentes dans les par l’offre de créations en résidences vivement souhaitées par le Forum interjurassien : domaines de la création, de la formation aux arts de la scène, d’échanges culturels, « Des lieux de créations pouvant recevoir des artistes suisses et étrangers pour un séjour, notamment par l’offre de créations en un stage, une étude particulière d’une plus ou moins longue période (logements équipés, résidences. lieux de travail, lieux de diffusion, expositions, concerts, représentation théâtre, danse…), pourraient être particulièrement intéressants pour les artistes, pour la région, et surtout pour une certaine facilité de rencontres et d’échanges avec d’autres régions ou pays, etc. (Etude Georges Pélégry : Croix-Blanche à Undervelier ; Association Artist in Residence).» (Réflexions & propositions pour une politique culturelle, Forum interjurassien de la culture, p. 11). Enfin, par leur vocation à créer des spectacles mixtes (professionnels et amateurs), dans un cadre de formation par la pédagogie du projet, les acteurs professionnels et amateurs jurassiens proposent chaque année au public de nouvelles productions. On peut donner pour exemples récents les créations mixtes : Moby Dick pour le théâtre, La flûte enchan- tée pour l’opéra, La pierre et les songes pour la danse. Toutes trois ont fait collaborer, avec des résultats remarqués, les pratiquants professionnels et amateurs, acteurs, danseurs, musiciens, solistes, techniciens, attirant ainsi des publics nouveaux, notamment de jeunes, d’artistes amateurs et/ou de simples « consommateurs ». Cette pratique induit non seule- ment une augmentation de l’exigence des uns et des autres dans leurs rapports et dans leurs productions, mais crée aussi un « amatorat » de qualité et de nouveaux publics. C’est cette pratique spécifique à la proximité de ces différents milieux (ruralité) que les autorités jurassiennes veulent mettre en évidence et développer dans le Jura. Elle se distingue quel- que peu, il est vrai du niveau des créations urbaines, mais a l’avantage de proposer l’accès à des publics élargis, loin des complexes liés à des consommations plus élitistes. Aujourd’hui, la région jurassienne est la seule de Suisse romande à ne pas disposer d’une Une nouvelle infrastructure culturelle, salle de qualité professionnelle disposant d’un budget de fonctionnement permettant susceptible d’intéresser également aussi bien des accueils que des créations et des co-productions en résidence. Ainsi, une les habitants des régions voisines et nouvelle infrastructure culturelle, destinée prioritairement aux quelque 120 000 habitants les touristes de passage, contribuera des six districts du Jura bernois et du Jura, mais susceptible d’intéresser également les ha- à dynamiser la région, à l’ouvrir sur bitants des régions voisines et les touristes de passage, contribuera à dynamiser la région, l’extérieur et à stimuler la circulation des à l’ouvrir sur l’extérieur et à stimuler la circulation des publics. publics. Projet pour la construction et l’exploitation d’un Centre Interjurassien d’Expression des Arts de la scène (CREA) 13
« L’art est le plus court chemin d’un homme à un autre. » Jean Cocteau 5. Etat des lieux dans le Jura bernois et le Jura L’ensemble du territoire jurassien bénéficie d’une longue et riche tradition dans le do- L’ensemble du territoire jurassien maine des arts de la scène, des festivals et des créations musicales, des manifestations de bénéficie d’une longue et riche tradition plein air et des spectacles de rue. Grâce aux nombreux opérateurs / centres culturels, aux dans le domaine des arts de la scène, Sociétés des Amis du Théâtre, à l’Association jurassienne d’animation culturelle (AJAC), des festivals et des créations musicales, au Festival du Jura, à Stand’été, à Musique des Lumières et à l’association Le Temps des des manifestations de plein air et des cerises notamment, qui constituent ensemble le tissu vital de l’effervescence culturelle, spectacles de rue. Grâce aux nombreux la population bénéficie d’un nombre important et varié de manifestations artistiques de opérateurs qui constituent ensemble le qualité. Chacun des districts dispose d’un centre culturel, mais aucun d’eux n’est équipé tissu vital de l’effervescence culturelle, professionnellement pour l’accueil de spectacles d’une certaine envergure: la population bénéficie d’un nombre important et varié de manifestations artistiques de qualité. 5.1. Delémont Le Centre culturel régional de Delémont a, à sa disposition, la Salle Saint-Georges (400 places), la halle de gymnastique du Château (400 places), la salle du Café du Soleil (100 à 150 places), la salle du Centre Réformé (200 places), la Halle des Expositions (800 places), dont aucune n’est équipée, ainsi que la salle de répétition de l’Arsenal. NB. Un projet de transformation et d’aménagement de la Salle Saint-Georges, qui comp- terait alors 222 places en gradins, est actuellement à l’étude, mais les dimensions de sa scène resteront de 10 m x 10 m, dégagements compris. Cette infrastructure serait des- tinée aussi bien au Centre culturel qu’aux autres sociétés locales. La Municipalité vient d’annoncer le report de cet investissement en 2012. 5.2. La Neuveville Le Café-théâtre de la Tour de Rive, salle en gradins d’une centaine de places, installée dans l’ancien temple, organise chaque année de nombreux concerts ainsi que des spectacles de théâtre, d’humour et de contes. 5.3. Moutier Le Centre culturel de la Prévôté est une association fondée en 1975 dont le fonctionne- ment est assuré par trois personnes : une animatrice à 60 %, une assistante en animation à 10 % et une administratrice à 40 %. La programmation couvre un large éventail (théâ- tre, musique, danse, littérature, cirque, théâtre de rue, expositions) et s’efforce à la fois de mettre en valeur le potentiel culturel de la région et de proposer des découvertes. Les représentations ont principalement lieu dans la salle de Chantemerle (150 à 190 places). L’Ancien Stand, rarement utilisé par le Centre culturel, est une superbe salle de 220 pla- ces, malheureusement ni isolée, ni chauffée, exploitable qu’en été. C’est d’ailleurs là que se déroulent les manifestations de Stand’été et d’Espace Stand. 14 Projet pour la construction et l’exploitation d’un Centre Interjurassien d’Expression des Arts de la scène (CREA)
5. Etat des lieux dans le Jura bernois et le Jura 5.4. Porrentruy Le Centre culturel régional de Porrentruy organise une quinzaine d’activités par an dans la Salle de l’Inter (350 places), qui n’est pas équipée techniquement, et aux Hospitalières (80 places), qui dispose d’un équipement de base, ainsi qu’à l’Eglise des Jésuites. La gestion et l’animation sont assurées par deux personnes, l’une à 80 %, l’autre à 60 %. L’association de l’Espace multiculturel anime régulièrement l’Interculturel, Café de l’Inter, où se déroulent également les Jeudis de la chanson produits par l’association EnPublic. NB. La rénovation de la salle de l’Inter est à l’étude, mais elle restera une salle polyvalente dont la scène ne mesure que 6 m x 4,7 m. 5.5. Saignelégier Le Café du Soleil dispose d’une salle d’environ 120 places et organise une cinquantaine de manifestations (concerts, lectures, débats, théâtre) ainsi que des ateliers de dessin et de littérature. A noter qu’une partie non négligeable des coûts est couverte par le bistrot. 5.6. Saint-Imier Le Centre Culturel et de Loisirs - Relais culturel d’Erguël a, à sa disposition, deux salles de spectacles, l’une de 120 places et l’autre de 650 places. Son animateur (à 60 %) et sa secrétaire (à 60 %) organisent quelque 45 spectacles par an. Espace Noir est une coopérative qui exploite une taverne, un cinéma (35 places), une librairie, une galerie, un théâtre de poche de 80 places qui accueille des concerts de musi- ques actuelles, des conférences et, occasionnellement, de petites productions théâtrales. 5.7. Saint-Ursanne L’association Ursinia coordonne les activités culturelles du Clos-du-Doubs. Elle accueille, à l’Espace culturel des Fours à chaux, diverses productions d’arts de la scène, notamment du théâtre et des musiques actuelles et classiques. Elle y co-produit parfois des créations. Deux autres associations de Saint-Ursanne y organisent des expositions, ARCOS au Cloître et Arts Vivants aux Fours à chaux. 5.8. Tavannes Le Royal a été fondé en 1999 et dispose d’une salle de 100 à 120 places. Ses deux béné- voles (très modestement défrayés) mettent sur pied deux programmes semestriels par an dans les domaines théâtral, musical et… culinaire représentant, au total, entre 40 et 60 manifestations. Projet pour la construction et l’exploitation d’un Centre Interjurassien d’Expression des Arts de la scène (CREA) 15
« La culture n’est pas une île, mais une passerelle.» Michel Caspary, journaliste 6. Pourquoi une nouvelle infrastructure culturelle ? A cette question, le Forum interjurassien apporte une réponse sans ambiguïté : « Face à ce foisonnement, il pourrait en effet apparaître superflu, voire dangereux, d’ajou- Ce qui justifie la création de cette nouvelle ter un bâtiment, même si sa dimension interjurassienne lui donnerait immédiatement un infrastructure, c’est la reconnaissance autre rayonnement. Ce n’est pas l’essentiel : ce qui justifie la création de cette nouvelle d’une créativité qui s’exile, d’un savoir et infrastructure, c’est la reconnaissance d’une créativité qui s’exile, d’un savoir et d’une d’une sensibilité qui s’épuisent, d’artistes sensibilité qui s’épuisent, d’artistes et de promoteurs culturels bloqués dans leur pratique et de promoteurs culturels bloqués dans parce que dans l’impossibilité de lui donner un développement qui requiert un instrument leur pratique parce que dans l’impossibilité totalement inexistant actuellement. Ce dont le Jura dans son ensemble a besoin, ce n’est de lui donner un développement qui pas d’une salle de plus, mais d’un Centre d’expression artistique, outil qui n’existe pas. requiert un instrument totalement Ce qui empêche tout passage à un stade de qualité et de visibilité digne d’une politique inexistant actuellement. culturelle produite par deux gouvernements cantonaux. » (Forum, p. 14-15). En effet, si le Jura bernois et le Jura possèdent de nombreuses salles de spectacle, aucune d’elles ne dispose d’une scène de grande dimension ni n’a la capacité d’accueillir quelque 400 personnes dans de bonnes conditions. De plus, les organisateurs doivent très souvent les rééquiper techniquement à chaque fois. Ne possédant pas un théâtre équipé Ainsi, ne possédant pas un théâtre équipé professionnellement, la région jurassienne est professionnellement, la région jurassienne souvent considérée comme une zone artistique périphérique. Il s’ensuit une certaine frus- est souvent considérée comme une zone tration du public à l’idée de devoir se rendre à La Chaux-de-Fonds, à Bâle, à Belfort, à artistique périphérique. Bienne ou à Neuchâtel pour assister à certains spectacles. Une telle absence d’équipements professionnels dans une région de 120 000 habitants Une telle absence d’équipements n’est plus acceptable. Dans tous les cas, l’analyse de la situation dans la région jurassienne professionnels dans une région de souffre cruellement de la comparaison avec les infrastructures culturelles d’autres villes ou 120 000 habitants n’est plus acceptable. régions comparables de Suisse romande dont la liste est éloquente : – Montagnes neuchâteloises : L’Heure bleue, le Théâtre Populaire Romand, L’ABC, le Casino, la Grange ; – Ville de Neuchâtel : Le Théâtre du Passage, la Maison du concert, le Théâtre du Pommier ; – Bienne : Le Théâtre Palace, le Théâtre Municipal, le Théâtre de Poche, la salle du Rennweg 26 ; – Fribourg : L’Espace Nuithonie, le Théâtre des Osses, la Spirale, le Bilboquet, l’Ancienne Gare, le Théâtre des Grands-Places (en construction) ; – Romont : le Bicubic – Gruyères : Co2, La Tour de Trême, la grande salle municipale de Bulle ; – Nord-vaudois : Théâtre Benno Besson, le Théâtre de l’Echandole ; – Gros de Vaud : Le Théâtre du Jorat – Riviera vaudoise : Le Théâtre de l’Octogone, l’Auditorium Stravinsky, le Miles Davis Hall, le Théâtre Oriental, le Théâtre de la Grenette ; – La Côte : Le Théâtre de Beausobre, l’Usine à gaz, le Théâtre de Terre-Sainte ; – Valais : Le Théâtre de l’Alambic, Le Théâtre et le Petit-théâtre de Valère, Les Halles, la Cave de Courten, la Ferme Asile. 16 Projet pour la construction et l’exploitation d’un Centre Interjurassien d’Expression des Arts de la scène (CREA)
6. Pourquoi une nouvelle infrastructure culturelle ? La caractéristique de tous ces lieux est qu’ils permettent d’accueillir des spectacles pro- fessionnels, de créer, de produire et/ou de co-produire, de diversifier et de renouveler des offres qui font et fidélisent un public. Quant à l’agglomération fribourgeoise, la naissance de l’Espace Nuithonie lui a permis de créer un nouveau public tout en dopant la fréquentation des autres lieux, pourtant fort soucieux de voir venir ce qu’ils considéraient au départ comme une concurrence ! Les acteurs culturels de la région Les acteurs culturels de la région jurassienne, quant à eux, ne disposent pas d’une struc- jurassienne ne disposent pas d’une ture leur permettant d’être en contact les uns avec les autres d’une part, avec l’extérieur structure leur permettant d’être en contact d’autre part. Il en va de même des enseignants et des animateurs de théâtre, dont il les uns avec les autres d’une part, avec faut rappeler qu’ils effectuent depuis longtemps, dans le Jura, un véritable travail de l’extérieur d’autre part. pionnier. A cet égard, le CREA, de par la mission qui lui sera donnée d’accueillir des artistes pro- fessionnels et amateurs de l’étranger dans le cadre d’échanges de coopération (Bâle- Le CREA, de par la mission qui lui Campagne - Bâle-Ville, Communauté française de Belgique, Franche-Comté, Val d’Aoste), sera donnée d’accueillir des artistes permettra de faire poser des regards critiques sur la pratique des arts de la scène dans la professionnels et amateurs, permettra région jurassienne, tout en l’enrichissant en retour des pratiques des autres. La fonction de faire poser des regards critiques sur la de lieu de résidence est donc importante. Elle l’est d’autant plus que le CREA est un projet pratique des arts de la scène dans la région de formation autant que de création/représentation et que la région ne dispose pas de jurassienne. hautes écoles. En revanche, elle a la volonté de stimuler des échanges dans ces domaines et d’offrir des formations spécifiques et décentralisées dont elle peut faire bénéficier ses acteurs culturels, artistes et publics. La région jurassienne revendique donc le droit de disposer des moyens professionnels de créer, d’accueillir en résidence et/ou en représen- tation et d’exporter ses productions. Sur un plan politique enfin, on ressent toujours davantage la nécessité de donner un contenu à la volonté, fortement exprimée ces dernières années, d’accroître la collabora- tion interjurassienne, d’améliorer la qualité de vie des habitants de la région, d’en redyna- miser l’image et l’attractivité pour les entreprises qui s’y installent et de participer ainsi à une stratégie de renforcement économique et touristique du Jura bernois et du Jura. Aux éléments évoqués ci-dessus s’ajoutent enfin les effets multiplicateurs d’investisse- ment. Plusieurs études démontrent en effet de manière convaincante que les dépenses culturelles présentent non seulement un caractère d’utilité sociale, mais qu’elles ont éga- lement une rentabilité directe en favorisant le cycle d’expansion économique. Dans son ouvrage paru en 1996, l’ancien directeur de Pro Helvetia rappelait à juste ti- tre que « Depuis l’étude pilote sur l’importance économique des institutions culturelles zurichoises commandée par la fondation Julius Bär au milieu des années quatre-vingt, d’autres recherches analogues ont été réalisées dans la plupart des pays qui se disent civilisés. Malgré l’hétérogénéité des prémisses et des méthodes, toutes ont abouti à des Un bon tiers de l’argent investi dans la résultats comparables : culture revient directement à l’Etat sous forme d’impôts, de droits, de taxes, etc. Un bon tiers de l’argent investi dans la culture revient directement à l’Etat sous forme Les institutions culturelles créent et d’impôts, de droits, de taxes, etc. maintiennent des postes de travail, ce qui entraîne un retour non négligeable Les institutions culturelles créent et maintiennent des postes de travail, ce qui entraîne d’argent dans les caisses de l’Etat sous un retour non négligeable d’argent dans les caisses de l’Etat sous forme d’impôts sur le forme d’impôts sur le revenu. revenu. Projet pour la construction et l’exploitation d’un Centre Interjurassien d’Expression des Arts de la scène (CREA) 17
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