N 13 - Les Cahiers du Tourisme Tourisme durable Commissariat général au Tourisme Juin 2016 - Commissariat général au tourisme
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N° 2 Tourisme durable 13 Table des matières 2017, année internationale du tourisme durable. En Wallonie aussi ? (M. H. de Beer, M. B. De Myttenaere) 5 Depuis près de 20 ans, on observe, chez les touristes comme chez les opérateurs du secteur touristique, une prise de conscience de l’importance des enjeux de la durabilité du tourisme. La vision que l’on en a reste cependant floue. Tentons d’y voir plus clair. Wallonie, Destination Qualité du tourisme durable ? L’expérience clients peut-elle y contribuer ? (Mme B. van Bastelaer, Mme F. Bellour) 14 Oui ! Invitation à la réflexion et pistes concrètes pour mieux connaitre les clients et répondre à leurs attentes. NECSTouR – Pour une politique du tourisme durable et compétitif au cœur de l’Union européenne (M. J. Korthoudt) 20 Créé en 2009, le réseau NECSTouR accueille une trentaine de régions d’Europe dont le rôle est le lobbying pour une politique touristique structurelle au sein de l’Union européenne. Le tourisme wallon réduit son empreinte écologique avec le label « Clé Verte » (Mme M. Spaey) 23 Comment réduire l’empreinte écologique des nuitées passées en Wallonie, y sensibiliser les touristes et faire en sorte de promouvoir une mobilité, des activités et une alimentation plus durable ? Des opérateurs touristiques s’engagent et se distinguent grâce au label Clé Verte. Crédal, du crédit pour le tourisme durable (M. B. Horenbeek) 27 La coopérative CREDAL SC est une agence d’économie solidaire créée en 1984 qui a pour missions le financement, le conseil et l’accompagnement de projets, notamment dans le secteur touristique. Elle recense environ 2500 investisseurs/coopérateurs, tous avec une vision éthique et solidaire de la finance. Les Cahiers du Tourisme I N° 13
La promotion du développement durable en Wallonie (Wallonie - Bruxelles Tourisme) 31 A l’heure où la COP 21 débouche sur la mise en œuvre d’une série d’actions concrètes en faveur de l’en- vironnement, on peut se demander comment le tourisme est impacté par ces mesures. Certains profes- sionnels ont imaginé une forme de tourisme qui respecte et met en valeur le patrimoine des lieux visités. La population locale a également été invitée à y prendre part. C’est ce que l’on appelle le tourisme durable. Expériences EDEN, les cas belge, français et luxembourgeois 36 Créé en 2006, le concours EDEN vise à promouvoir des modèles de développement durable du tourisme dans l’Union européenne qui constituent aujourd'hui un réseau. En voici quelques exemples : Les Lacs de l’Eau d’Heure – La destination touristique durable de Wallonie (Mme A. Cabaraux) Le Tournugeois, Destination Européenne d’Excellence (M. B. Derain) Le Parc Naturel de la Haute-Sûre…Excellence et durabilité (Mme C. Lutgen) L’habitat touristique de demain en Forêts d’Ardenne (Mme M-C. Detroz) 44 L’association Ressources Naturelles Développement (RND) et ses partenaires des Forêts d’Ardenne ont organisé un concours « d’habitat léger de loisir en bois » pour promouvoir ce type d’hébergement. Voici les 21 projets présélectionnés. Your Nature, l’éco-responsabilité intégrée au cœur d’un projet d’entreprise (Mme C Rousseau-Dumarcet) 50 A Péronnes-lez-Antoing (Hainaut), Your Nature forge « sa » définition du tourisme durable dans chaque détail d’un éco-resort novateur. Pragmatisme plutôt que dogmatisme : l’approche de Your Nature consiste à replacer chaque problématique d’entreprise, qu’elle soit financière, opérationnelle ou humaine, dans un cadrage durable. À la rencontre de Pedro Ortun, Conseiller principal à la DG GROW de la Commission européenne, responsable de la Task Force en charge de la RSE et du tourisme 55 Agenda et publications 58
Les Cahiers du Tourisme 4 Commissariat général au Tourisme Juin 2016 N° 13 Editorial Quoi qu’on la rencontre très régulièrement, la notion de tourisme durable semble floue, évo- quant chez les uns et les autres des concepts relativement différents. Préservation de l’environnement, responsabilité sociale ou encore respect des générations futures, on trouve un peu de tout çà quand on pense au « durable ». Certains jouent même avec ces différents concepts, utilisent son image de marque « respon- sable » pour faire du greenwashing, soit du durable qui n’en est pas vraiment en orientant les actions marketing et communication de leur entreprise pour redorer leur blason terni par des activités souvent exclusivement motivées par le profit. L’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) a défini cette notion en 2004 : « Les principes directeurs du développement durable et les pratiques de gestion durable du tourisme sont applicables à toutes les formes de tourisme dans tous les types de destination, y com- pris au tourisme de masse et aux divers créneaux touristiques. Les principes de durabilité concernent les aspects environnemental, économique et socioculturel du développement du tourisme. Pour garantir sur le long terme la durabilité de ce dernier, il faut parvenir au bon équilibre entre ces trois aspects. » La Commission Bruntdland pour les Nations-Unies en 1987, quant à elle a défini le déve- loppement durable comme « un développement qui remplit les besoins de tous au présent sans compromettre la capacité des générations futures à remplir les siens». La Commission européenne, de son côté, travaille avec ses Etats membres sur une « Charte du tourisme Les Cahiers du Tourisme durable » depuis 2009. Revue professionnelle éditée par le Commissariat général au Tourisme Ce que l’on peut sans doute affirmer sans se tromper, c’est que ce type de tourisme est un tourisme « alternatif », mot cependant certainement aussi galvaudé que « durable », qui Éditeur Responsable aurait pour caractéristiques essentielles, comme le souligne Franck Michel dans son « Désirs Barbara Destrée, d’ailleurs » de concerner un nombre limité de touristes à la fois, d’être aux mains des locaux, Commissaire générale au Tourisme hors des sentiers battus, de préférence dans un milieu naturel et/ou culturel avec un souci 74, avenue Gouverneur Bovesse de partage et d’ouverture. 5100 Jambes Comité de rédaction La Wallonie, avec une volonté de mise en tourisme responsable de ses forêts, sa campagne, Véronique Cosse, Barbara Destrée, ses vélos et ses chaleureux wallons semble chercher à rassembler beaucoup des qualités Justine Georges, Vanessa Grandgagnage, d’une destination durable. A vous de voir. Henri Hanin, Sandra Lavergne, Alexandra Neufcoeur. Bonne lecture ! Contact cahier@tourismewallonie.be Barbara Destrée Graphisme et mise en page Commissaire générale au Tourisme Cible communication Impression Imprimerie Kliemo - Eupen Par respect pour l’environnement, imprimé sur papier recyclé «Cyclus print» Les Cahiers du Tourisme I N° 13
6 2017, année internationale ©Utopia du tourisme durable. En Wallonie aussi ? Depuis près de deux décennies, on environnementale], qu’il est étroite- à la coopération internationale, et à observe tant chez les touristes que ment lié à d’autres secteurs et qu’il appuyer le tourisme durable en tant chez les acteurs publics et privés peut créer des emplois décents et que moyen de promouvoir et d’ac- du secteur touristique, une prise des débouchés commerciaux. » Il faut célérer le développement durable, de conscience de l’importance des bien comprendre que l’ONU vise et en particulier l’élimination de la enjeux de la durabilité du tourisme. particulièrement « les efforts que pauvreté. ». Cela fait suite à la pro- En effet, la question de la durabilité déploient les pays les moins avancés clamation de l’année 2002, comme des produits, services et infrastruc- pour développer un secteur touris- année internationale de l’écotou- tures touristiques est progressive- tique durable […] » et que cela fait risme, à laquelle la Belgique n’avait ment devenue une préoccupation suite à d’autres résolutions dont pas participé, alors que 13 pays pour un certain nombre d’acteurs, celle du 69/233 du 19 décembre européens avaient établi une straté- qui reconnaissent notamment le 2014, intitulée « Promotion du tou- gie nationale d’écotourisme2. rôle important de la question envi- risme durable, et notamment l’éco- ronnementale au regard de l’attrac- tourisme, aux fins de l’élimination de Ainsi donc, les pouvoirs publics tivité, de la compétitivité et de la la pauvreté et de la protection de l’en- compétents en matière de tourisme durabilité des destinations. vironnement. » sur le territoire belge, à savoir les régions, provinces et communes, L’ONU, via son Assemblée générale, Mais au-delà du développement des sont invités à agir pour le tourisme a proclamé 2017 comme l’année pays dits pauvres, tous les pays sont durable. Mais quels sont les enjeux internationale du tourisme durable visés par l’ONU qui « engage tous auxquels le secteur touristique est pour le développement1. Elle consi- les États, les organismes des Nations confronté en Wallonie ? dère en effet « qu’un tourisme bien Unies et toutes les autres parties conçu et bien organisé peut apporter intéressées à mettre à profit la célé- une contribution non négligeable au bration de l’Année internationale pour développement durable dans ses trois promouvoir des initiatives à tous les dimensions [économique, sociale et niveaux, y compris en faisant appel 1 http://www.un.org/fr/documents/ 2 http://www.unwto.org/sustainable/IYE/ view_doc.asp?symbol=A/C.2/70/L.5 IYE-Rep-UN-GA-2003.pdf Les Cahiers du Tourisme I N° 13
7 1. le tourisme durable : L’illustration proposée à gauche d’une vision floue à des permet d’aborder cette définition Le développement durable est un développement objectifs clairs au-delà de son aspect très général qui permet de répondre aux besoins des générations et d’en extraire le sens concret. En actuelles sans compromettre ceux des générations Les enjeux sont présentés, de façon effet, il représente le problème de futures. communément admise, comme la manière suivante : nous utilisons étant de nature économique, sociale trop de ressources (eau, air, pétrole, et environnementale (voir illustra- charbon, fer, … symbolisés par les tion). Le défaut de cette représen- rectangles rouges ci-dessous à Ces indicateurs (empreinte écolo- ∎∎ d’un capital environnemental, qui tation est qu’elle ne montre pas le droite) pour satisfaire nos besoins, gique & indice de développement comprend toutes les ressources problème à résoudre et qu’elle ne et leur répartition est inéquitable. humain) sont calculés au niveau (eau, air, pétrole, charbon, fer…) donne aucune directive concernant Or, la satisfaction des besoins international. Lorsqu’ils sont cou- et la biodiversité permettant à des les actions à entreprendre. devrait progresser sur l’ensemble plés, il apparaît clairement que les écosystèmes de nous fournir des de la planète. Les solutions non pays dits pauvres ont une faible services ; Certains prétendent qu’il faut équi- durables seraient d’augmenter empreinte écologique et un faible librer ces 3 piliers pour garantir l’utilisation des ressources de IDH et que les pays dits riches sont ∎∎ d’un capital social, qui rassemble un développement durable. La ceux qui les utilisent moins pour dans la situation opposée. nos connaissances, la santé, les notion d’équilibre comporte plus arriver au niveau des plus gros réseaux d’entraide et la capa- de difficultés qu’elle n’en résout : consommateurs, ce qui n’est pas Réduire l’empreinte écologique et cité du système à inclure le plus comment équilibrer des aspects environnementalement soutenable, augmenter l’indice de développe- grand nombre de personnes ; environnementaux (évalués en kg ou de réduire l’utilisation des ment humain sont certainement des de CO2 par exemple), avec ceux de ressources de ceux qui les utilisent actions qui correspondent au déve- ∎∎ d’un capital économique, qui la croissance économique (évaluée déjà le moins, ce qui est injuste. Dès loppement durable (DD). En outre, reprend le matériel de produc- en euro) et les aspects sociaux (telle lors, la solution la plus juste serait on peut considérer que chaque tion, les ressources financières et l’inclusion, évaluée en nombre de que ceux qui consomment plus de génération reçoit de la précédente le réseau des acteurs permettant personnes mises au travail) ? ressources réduisent leur utilisation un certain patrimoine qu’elle utilise d’assurer la cohésion et la soli- (ainsi que leurs émissions de en partie tout en en créant, et devrait dité économique du territoire. Tentons d’y voir plus clair. Partons polluants et de gaz à effet de serre), pouvoir transmettre un patrimoine de la définition la plus utilisée du ce qui serait environnementalement plus important à la génération sui- développement durable (DD), prove- soutenable et permettrait à d’autres vante. Ce patrimoine est constitué : nant du rapport Brundtland de 1987, d’avoir accès aux ressources intitulé « Notre avenir à tous » : le nécessaires pour satisfaire leurs développement durable est un déve- besoins. loppement qui permet de répondre aux besoins des générations La taille des rectangles représente actuelles sans compromettre ceux les ressources nécessaires à la des générations futures. satisfaction de nos besoins. Un indi- cateur qui approche cette notion est l’empreinte écologique. Tous nos besoins (nourriture, chauffage, déplacement, loisirs…) sont traduits en hectares dévolus à leur produc- tion. Le bien-être est mesuré notam- ment par l’indice de développement humain (IDH). Le bien-être (l’IDH) d’un pays est élevé si les habitants sont en bonne santé, ont une longue durée de vie, ont accès à la connais- sance et ont les moyens d’acheter les denrées de base. I 2017, tourisme durable en Wallonie?
8 Idéalement, nous devrions trans- mettre aux générations futures un patrimoine supérieur à celui que nous avons reçu, en accroissant si possible les capitaux, pour toutes nos activités, en ce y compris les activités touristiques. Cependant, l’activité touristique rend le capital environnemental dif- ficilement conservable. L’exemple du transport est particulièrement édifiant à cet égard3, sachant qu’un aller-retour Bruxelles-New-York en avion, par exemple, émet 3,4 tonnes de CO2, soit deux fois la quantité de ©Poudrerie CO2 que chaque être humain peut émettre par an sans perturber le climat ; ou encore qu’un voyage en avion de Belgique vers le Sud de la Comment savoir si, en fréquentant ∎∎ la participation des acteurs du L’évaluation des impacts France émet 350 kg de CO2, contre des lieux, le touriste ne participe territoire doit se faire en connais- 100 kg en voiture, et 30 kg en train. environnementaux, pas inconsciemment à la détériora- sance de cause ; socioéconomiques, et tion des leurs ressources naturelles Le transport, le chauffage, l’éclai- culturels du tourisme ou culturelles ? Comment savoir ∎∎ il faut une forte direction politique rage, la construction des héber- se heurte à de si, particulièrement dans les pays pour piloter le processus partici- gements et autres lieux d’activités nombreux obstacles, dits en voie de développement, le patif et les acteurs doivent être sont d’autres aspects du tourisme en raison d’un manque touriste n’accroît pas les inégalités prêts à trouver un terrain d’en- qui sont consommateurs au niveau de données qualitatives et s’il renforce vraiment l’économie tente. environnemental. Cette consom- locale ? et quantitatives mation n’aura pas de consé- La participation ne se limite pas à quence irrémédiable si personne pertinentes. Les objectifs du tourisme durable ne la négociation des actions futures, ne dépasse son seuil d’empreinte peuvent pas se rattacher à quelques elle concerne également la réalisa- écologique totale4, qui est d’envi- évaluer. Non seulement parce que chiffres généralisables dans le tion des actions et leur évaluation. ron deux hectares par an. Mesurer cette question est souvent abordée temps et l’espace. Ils devraient plu- Il est dès lors opportun de disposer l’empreinte écologique et fixer un avec un a priori idéologique, pro tôt être établis après avoir été docu- d’un système de gestion qui informe seuil environnemental pour chaque ou anti-touristique qui donne lieu mentés par un état des lieux impli- les acteurs de l’état d’avancement touriste est complexe. En effet : à une approche caricaturale des quant une participation des acteurs des actions et de communiquer les dans une région aride par exemple, effets supposés du tourisme. Mais (du tourisme ou non) des territoires, résultats dans l’ensemble du terri- à combien d’eau a droit un touriste ? également parce que l’évaluation et ce, sachant que les procédures toire. Qu’en est-il s’il y a deux fois plus des impacts environnementaux, sont lourdes, que la population ne de touristes ? Et qu’en est-il si le socioéconomiques, et culturels du se mobilise pas aisément et que touriste change de région ? Doit-on tourisme se heurte à de nombreux les acteurs défendent leurs intérêts 2. Une approche du considérer des seuils variables dans obstacles, notamment en raison catégoriels. tourisme durable qui a une le temps, l’espace et en fonction d’un manque de données qualita- valeur ajoutée des touristes et autres activités ? tives et quantitatives pertinentes ; Dans cette perspective, trois points Doit-on tenir compte de la consom- de la difficulté à isoler les effets doivent être pris en compte : En tenant compte de l’ensemble mation de la personne lorsqu’elle spécifiques du tourisme par rapport des éléments susmentionnés, on ne pratique pas du tourisme, dans à d’autres phénomènes tels que la ∎∎ il ne sert à rien de fixer des objec- peut définir le tourisme durable une sorte de bilan annuel ? diffusion des moyens de communi- tifs environnementaux, sociaux comme suit : faire du tourisme en cation de masse ; et la généralisa- ou économique en matière de conservant le capital environne- De manière générale, les impacts tion des rapports marchands. tourisme s’ils n’apportent pas de mental et en augmentant les capi- du tourisme ne sont pas aisés à satisfaction aux touristes ; taux économique, social et culturel, 3 Voir par exemple http://quizz.ademe.fr/ 4 L’empreinte écologique ne mesure eco-deplacements/comparateur/ qu’une partie de la consommation du capital environnemental. Il faudrait y ajouter la consommation d’eau, l’émission de polluants nocifs pour la santé, la perte de biodiversité... (tous non repris dans le calcul de l’empreinte écologique). Les Cahiers du Tourisme I N° 13
9 sociaux et environnementaux de écologique d’une activité touris- tement moins importante qu’une leur région, tout en étant viable tique rend celle-ci plus durable. Et autre activité touristique… Il y a économiquement ; tous les opérateurs ont la possibi- donc, comparativement, des activi- lité de réfléchir à la manière dont tés touristiques plus durables que ∎∎ L’acteur public (le CGT, les Mai- ils peuvent réduire leur empreinte d’autres. sons du tourisme,…) en régulant, écologique ou celle des touristes qui structurant et fédérant l’offre participeront à leurs activités. 2.2 Justifier des dégradations touristique en veillant à mettre environnementales par des en valeur la préservation du Nous l’avons vu, établir un seuil bénéfices socio-économiques patrimoine environnemental, et à « universel de soutenabilité envi- conduit à de la durabilité faible faire croitre les capitaux sociaux ronnementale » est très difficile. et économiques, tant de l’acteur Essayons néanmoins de mettre Le tourisme crée de la croissance, privé que du touriste et de la des balises : si un touriste avait le de l’emploi et permet de satis- population. même comportement une année faire des besoins (ou des envies), durant, quelle empreinte écologique d’accroître ses connaissances. On 2.1 Agir pour l’environnement aurait-il ? Si celle-ci était supérieure est tenté de faire un bilan global : à 2 ha, ce ne serait pas 100% sou- « certes, j’ai détruit des ressources Un des premiers écueils à éviter tenable (la terre serait écrasée). et j’ai pollué, j’ai donc réduit le capital est de conclure que toute action qui Calculée par personne, une activité environnemental, mais par ailleurs j’ai réduit la pression environnemen- touristique serait 100% durable du augmenté le capital économique et le Il ne sert à rien de tale rend celle-ci durable. En effet, point de vue environnemental si le capital social. » fixer des objectifs on peut comparer la situation de la même comportement répété toute environnementaux, planète/du tourisme à celle d’une l’année aboutissait à une empreinte En raisonnant de cette façon, on fait de sociaux ou économique baignoire qui va déborder et dont le écologique inférieure à 2 ha. Néan- la durabilité faible : l’environnement en matière de tourisme robinet coule à flots. Ce n’est pas moins, si l’empreinte écologique est peut disparaître, du moment que l’éco- s’ils n’apportent pas parce qu’on ferme un peu le robi- supérieure, elle est peut-être net- nomie et le social s’accroissent. net pour qu’il coule moins vite que de satisfaction aux le problème est résolu. Pour évi- touristes. ter le débordement, il faut fermer complètement le robinet ou adap- Un des premiers écueils à éviter est de conclure que ter son débit à celui de la vidange. toute action qui réduit la pression environnementale et ce de manière consciente (en Traduisant cette idée en indicateur rend celle-ci durable. étant informé des impacts mesurés concret, nous pouvons dire qu’est rigoureusement et en participant à considérée comme environnemen- la définition des objectifs). talement soutenable l’action d’une personne dont, entre autres, l’em- L’ensemble des acteurs et des acti- preinte écologique totale est infé- vités touristiques sont ici concernés: rieure à environ deux hectares par an. Si un touriste réduit sa pression ∎∎ Le touriste, dans son choix des sur l’environnement en émettant lieux et de ses consommations moins de CO2, en choisissant son conformément à la définition citée moyen de transport, en choisissant plus haut5 ; un hébergement qui utilise plus d’énergie renouvelable, etc., ce n’est ∎∎ L’acteur privé (l’hôtelier, le res- pas pour autant que son empreinte taurateur, le gestionnaire d’une écologique totale passe en dessous attraction,…) dans son offre de du seuil de soutenabilité environ- produits ou services, en veillant nementale. Évidemment, si l’on à conserver un patrimoine envi- reprend le cas de la baignoire qui ronnemental suffisant et en per- est sur le point de déborder, réduire mettant de faire croître le capital le débit est mieux que ne rien faire. social du touriste et les capitaux Toute action qui diminue l’empreinte 5 Le Réseau écoconsommation (www. ecoconso.be), subsidié par la Région wallonne, a à cet égard publié plusieurs fiches et dossiers sur le tourisme durable à destination des touristes. La section tourisme durable de la Haute Ecole Robert Schuman de Libramont a ajouté une pierre à l’édifice : elle a publié un guide 2016 du « Tourisme durable en Wallonie » (www.gtdw.be ). I 2017, tourisme durable en Wallonie?
10 S’il existe des adeptes de la durabi- Si chaque type d’acteur agit seul, ou son portail de promotion ainsi lité faible, cette vision est difficile- cela génère des incohérences et une qu’un un label géré par les autorités Si chaque type d’acteur ment soutenable dans le cadre du perte d’énergie. Il y a donc une vision publiques qui informent le touriste : agit seul, cela génère tourisme, car l’attrait touristique est commune à créer, derrière laquelle Bienvenue Vélo. On peut également des incohérences et notamment basé sur un environne- chacun peut déployer sa créativité. citer l’organisation du concours une perte d’énergie. ment de qualité, sur des paysages. EDEN (Destinations européennes Il y a donc une vision Pour sa survie, le secteur touris- Cette vision commune, déclinée d’Excellence) récompensant les tique a donc besoin d’une durabilité ensuite en axes stratégiques, est destinations qui ont mis en place un commune à créer, forte, c’est à dire de conserver un réalisable rapidement et avec peu tourisme à la fois économiquement derrière laquelle capital environnemental suffisant et d’énergie. On peut ensuite y gref- viable et respectueux du développe- chacun peut déployer sa de qualité. fer, pour chaque type d’acteurs, le ment durable. créativité. cycle de l’amélioration continue : On comprend donc les principes : réaliser un état des lieux, établir La réglementation comporte quant tenter de conserver le capital envi- un plan d’actions avec des objectifs à elle des mesures favorables au la protection de l’environnement ou ronnemental ou au moins réduire clairs et précis, le mettre en œuvre tourisme durable (obligation d’iso- l’utilisation durable de l’énergie9. nettement la pression exercée sur et régulièrement évaluer les progrès ler les bâtiments par exemple) mais celui-ci, augmenter les autres capi- à l’aide d’indicateurs, ce qui relance aucune n’a encore été prise expres- Les instruments politiques sont taux, et ne pas justifier la destruc- le cycle. sément dans le but de favoriser le toujours négociés. Ils doivent être tion environnementale par l’accrois- tourisme durable. précédés d’une phase d’étude des sement des autres capitaux. Mais 3.1 Le tourisme durable pour les impacts en utilisant des indicateurs comment transformer ces principes acteurs publics régionaux En ce qui concerne les incitants éco- précis et vérifiables. Faute de quoi, en actions concrètes ? Que peuvent nomiques, il existe plusieurs sub- comme l’a montré la recherche à faire les acteurs du tourisme prati- C’est à la Wallonie qu’il revient ventions spécifiques au tourisme propos de la pratique du kayak en quement ? Et qui doit faire quoi ? de fédérer les acteurs pour créer dont les taux de subventions sont Wallonie10, en l’absence d’une objec- ensemble une vision régionale du majorés en fonction de caractéris- tivation scientifique des enjeux envi- tourisme durable. Une fois créée, il tiques favorables à la conservation ronnementaux, les rapports de force 3. Application de faudra utiliser6 trois types d’instru- des ressources8 ou à un accès élargi entre acteurs orientent fortement l’approche par capitaux ments de politique publique pour (PMR ou petits revenus) au tou- le contenu des politiques publiques pour différents acteurs du l’opérationnaliser : des actions risme. Il existe aussi les subventions pour arbitrer entre la protection de informationnelles, réglementaires classiques aux entreprises, dont les l’environnement et les différents tourisme et incitatives. Et d’ailleurs, diverses entreprises touristiques ayant un usages du milieu rural. mesures existent déjà. siège d’exploitation situé en Wallo- La réponse semble évidente : les nie et réalisant un programme d’in- A l’avenir, y aura-t-il une vision plus opérateurs publics, les opérateurs Citons notamment comme ins- vestissements destiné à favoriser globale du tourisme durable et un privés (hébergeurs, restaurateurs, truments informationnels la bro- opérateurs d’activité) et le pouvoir chure « tourisme durable » de politique ont chacun leur rôle à WBT, quelques éléments relatifs au jouer. durable sur les pages pro du CGT7 ©Chez Leonce 6 En se rappelant que la Wallonie n’a pas 7 http://strategie.tourismewallonie.be 9 Voir la brochure http://forms6.wallonie. totale liberté en la matière, encadrée www.tourismewallonie.be be/formulaires/BrochureENV-UDE.pdf par des règles européennes, elle-même soumise à des règles de l’OMC. 8 Par exemple pour les attractions 10 DE MYTTENAERE B., D’IETEREN E., touristiques : le taux passe de 20 à 50% Le kayak en Wallonie : à la croisée des pour les investissements permettant enjeux du développement touristique de réduire le 30% la consommation et de la protection de l’environnement, d’énergie in : Tourisme, sport et développement: enjeux et interdépendances ?, Téoros, Vol. 28-2, 2009 Les Cahiers du Tourisme I N° 13
11 programme d’actions plus englo- la structurer et mettre ses acteurs rain qui devra être créatif et décider bant et cohérent ? Si on se reporte en réseau en la rendant cohérente de se lancer. à l’enquête publique se tenant pour offrir aux touristes une expé- Toute stratégie ne vaut actuellement sur la stratégie wal- rience globale de tourisme durable A l’aide du tableau ci-dessous, exa- que parce qu’elle se lonne de développement durable11, spécifique. Il faut enfin la rendre minons successivement comment la Région le prévoit dans son objectif visible de manière spécifique. un opérateur touristique peut, par réalise, et ceux qui le 8.9 Tourisme durable : « D’ici 2030, exemple, agir positivement envers permettent sont les élaborer et mettre en œuvre une poli- 3.3 Le tourisme durable pour les les trois capitaux expliqué ci-avant. opérateurs de terrain. tique régionale favorisant le tourisme opérateurs de terrains durable, qui crée des emplois et mette en valeur la culture et les produits Toute stratégie ne vaut que parce wallons. ». L’opportunité de l’année qu’elle se réalise, et ceux qui le per- internationale du tourisme durable mettent sont les opérateurs de ter- est sans doute à saisir. rain. Certes, les encadrants peuvent apporter des principes globaux et 3.2 Le tourisme durable pour les des exemples de bonnes pratiques, acteurs publics locaux c’est néanmoins l’opérateur de ter- L’attractivité touristique est souvent lié à la spécificité du lieu visité : ses paysages, ses patrimoines bâti, ENVIRONNEMENT SOCIAL ÉCONOMIE culturel, culinaire entre autres. Une ∎∎ Optimiser les activités touris- ∎∎ Améliorer la santé des touristes ∎∎ Créer de la valeur économique destination attire car elle dispose tiques pour qu’elles émettent en proposant des endroits et des pour l’opérateur, en étant de caractéristiques plaisantes. Tout peu de CO2 à chaque utilisation produits sains. capable de dégager des béné- l’art d’un territoire est de se valori- et qu’elles consomment peu de fices et de la trésorerie et, si ser, se mettre en scène, avec cohé- ressources (l’eau, l’énergie et ∎∎ Favoriser le développement des possible, sans créer de dette. rence. Cette valorisation et cette les déchets) afin de réduire leur connaissances des touristes. Le cohérence ne s’acquièrent pas avec empreinte écologique. tourisme peut être un bon moyen ∎∎ Créer de la cohésion territo- l’addition de projets entrepreneu- d’apprendre, soit par le simple riale, en établissant des rela- riaux individuels. Par exemple, si la ∎∎ Proposer un mode de trans- contact avec les professionnels et tions économiques à bénéfice port peu émetteur de CO2. Cela les habitants, soit lors de visites. mutuel. Par exemple, un héber- forêt d’Ardenne attire, c’est aussi concerne tant le trajet du tou- Il est possible de sélectionner des geur s’associe avec un guide, à parce que le touriste peut retrouver riste qui se rend de chez lui à endroits qui veillent à la richesse des producteurs locaux cette thématique dans son loge- l’endroit choisi, que les dépla- des contacts et/ou à la transmis- ment, sa restauration et ses activi- cements sur place, notamment sion de savoirs. Au-delà de l’action sur les trois tés. En effet, une stratégie globale en organisant la mobilité douce capitaux, le recours à une bonne de mise en tourisme des espaces (location ou prêt de vélo…). ∎∎ Développer les réseaux de tou- gouvernance permet, lui aussi, forestiers a été mise en place12. ristes et des opérateurs touris- d’exercer un impact positif sur le ∎∎ Favoriser l’utilisation de pro- tiques. Le touriste, mais aussi développement local. duits qui ne polluent pas et donc le professionnel et l’habitant Etant donné que, selon une étude permettent aux écosystèmes de est « enrichi » si, pendant le française,13 14% de touristes étran- bien fonctionner (écogestes). séjour, des liens se tissent et Au-delà de l’action sur les trois gers et jusque 30% de britanniques perdurent. trouvent la Belgique potentiellement capitaux, le recours à une bonne ∎∎ Conserver et, si possible, aug- gouvernance permet, lui aussi, attirante pour son caractère durable menter la biodiversité sur les ∎∎ Développer l’inclusion des tou- d’exercer un impact positif sur le (la France étant en moyenne à 10%), terrains des hébergements, ristes et des opérateurs touris- développement local. il serait intéressant que chaque des- mais également aider le tou- tiques. Cela signifie choisir des tination, chaque territoire ait une riste à respecter la biodiversité endroits qui permettent d’être et du territoire par un comporte- de se sentir plus relié au monde offre globale et cohérente de dura- GOUVERNANCE ment adéquat. qui nous entoure, en établissant bilité à proposer. des liens avec les acteurs du ter- ritoire, en consommant des pro- ∎∎ Renseigner sur les enjeux du Et il ne s’agit pas uniquement de duits équitables, en promouvant tourisme par rapport à l’endroit recenser l’offre. Il faut augmenter la formation et l’emploi de per- visité, faire participer les parties l’offre en quantité (en renseignant sonnes fragilisées ou peu quali- prenantes à la définition des les opérateurs touristiques sur les fiées et en étant accessibles aux objectifs de développement ter- personnes à mobilité réduite. ritorial et leur mise en œuvre. manières d’être plus durables, sur les bénéfices financiers et touris- tiques que cela rapporte), et ensuite 11 L’enquête publique sur la stratégie 12 http://pro.lesforetsdardenne.be/ wallonne de développement durable la-strategie-et-le-concept/ est ouverte jusqu’au 1° mai 2016 et disponible ici : http://www.mwq.be/ 13 Enquête ATOUT FRANCE – GMV Conseil portail/lu-pour-vous/consultation-sur- Demande des clientèles en tourisme le-projet-de-strategie-wallonne-de- durable : enquête quantitative, 2010 developpement-durable-votre-avis- citée dans Atout France, 2001, Tourisme compte.html et développement durable De la connaissance des marchés à l’action marketing, page 52 I 2017, tourisme durable en Wallonie?
12 3.4 Le tourisme durable : atout ou notre connaissance, aucune étude frein pour les touristes ? scientifique portant spécifiquement L’offre de tourisme sur l’analyse des représentations et durable semble en forte L’offre de tourisme durable semble des pratiques du tourisme durable progression, laissant en forte progression, laissant sup- en Wallonie. supposer un intérêt poser un intérêt grandissant du grandissant du grand grand public. Si plusieurs rapports Ainsi, les questions suivantes public. d’études montrent que le consom- méritent d’être davantage investi- mateur, quelle que soit sa natio- guées : nalité, s’intéresse de plus en plus au tourisme durable (celui-ci fai- ∎∎ Les touristes adoptent-ils des 4. Penser et agir pour un sant l’objet de définitions diverses logiques de fréquentation et de tourisme plus durable Hadelin de BEER et se voyant accorder des priorités consommation s’inscrivant dans différentes), force est de consta- une perspective durable ? Il y a donc plusieurs façons de pen- est ingénieur et éco-conseiller de ter que les pratiques et logiques ser le tourisme durable. Ce texte a formation. Il a commencé sa car- de consommation touristique sont ∎∎ Comment les touristes fréquen- privilégié l’approche par capitaux, rière comme consultant en envi- le sujet d’un nombre trop limité de tant la Wallonie perçoivent-ils le symbolisée par la métaphore de ronnement puis comme expert recherches scientifiques. De ces tourisme durable ? l’héritage : nous avons reçu du capi- au bureau fédéral du Plan dans la recherches portant sur les pratiques tal économique, social et environne- task Force Développement durable. touristiques, il ressort générale- ∎∎ Quelle est la demande des tou- mental des générations précédentes Il a ensuite dirigé l’administration ment que la demande est souvent ristes par rapport au tourisme et nous avons envisagé d’augmenter fédérale du développement durable considérée comme une « simple » durable ? ce capital pour le transmettre aux puis a été conseiller politique, tou- variable d’ajustement, c’est-à-dire générations futures, notamment par jours en développement durable. qui s’adapte au développement de ∎∎ Quels « efforts » sont-ils prêts la pratique du tourisme. Ce texte a Il a rejoint en 2014 l’enseignement l’offre. Le pouvoir des consomma- à consentir pour privilégier des également privilégié la durabilité supérieur pour donner des cours teurs dans leur capacité à forcer pratiques touristiques (héber- forte : nous avons proscrit l’éven- de développement durable, de ges- l’industrie à s’orienter vers la dura- gements, restauration, déplace- tualité de dilapider entièrement ou tion environnementale et de ges- bilité est un aspect trop souvent ment, activités) plus durables ? même fortement le capital envi- tion de l’entreprise dans la section ignoré par les scientifiques dans Que sont-ils prêts à concéder ? ronnemental sous prétexte que les « tourisme durable » à la HERS à leur définition du développement capitaux économique et social sont Libramont. Avec ses étudiants, il a durable du tourisme. A ce propos, en croissance. publié le premier guide du tourisme soulignons-le fait qu’il n’existe, à durable en Wallonie. En parallèle, il a débuté une thèse sur le lien entre les représentations du développe- ment durable et les réalisations. ©Poudrerie Les Cahiers du Tourisme I N° 13
13 Nous n’avons pas abordé les impacts parce que l’offre doit correspondre tabilité financière mais aussi la soli- du tourisme sur l’environnement à aux attentes des touristes et que le dité de l’économie locale, et l’aspect l’échelle locale, car nous pensons que tourisme doit rester rentable pour social, tant pour les touristes que les enjeux y sont relativement bien les acteurs et les régions, pour les- pour les acteurs, est lié à la création maîtrisés. Par contre, nous avons quels il s’agit d’un outil de dévelop- de connaissance, de santé, d’inclu- constaté que le tourisme, comme pement territorial. sion et de réseaux. beaucoup d’autres secteurs écono- miques, provoque globalement une Ceci étant, les touristes réagissent consommation de ressources plus également en fonction de l’offre importantes que la capacité de la pla- proposée, et semblent d’autant plus Inscrire le tourisme nète à les générer, l’indicateur étant réceptifs que l’offre est globale et en Wallonie vers un une empreinte écologique dépassant cohérente sur un territoire visité. tourisme durable est le seuil de 2 ha/personne. Certaines C’est là que les acteurs publics, l’affaire de tous les Bernard DE MYTTENAERE formes de tourisme occasionnent une régionaux et locaux, pourraient s’ac- acteurs du tourisme pression environnementale moins corder sur une vision commune et et des touristes… que est Docteur en Sciences de l’Uni- forte et sont dès lors à privilégier dans développer des axes stratégiques nous sommes. versité Libre de Bruxelles (ULB), la perspective d’un tourisme plus mettant l’ensemble des acteurs tou- titulaire d’un master en Sciences et durable. Nous parlons de tourisme ristiques en cohérence. Cette vision Gestion du tourisme, d’un master plus durable car nous ne pouvons pas et ces axes stratégiques devraient en Sciences Géographiques (ULB) nous assurer que l’ensemble de ces s’accompagner d’une série de et d’un DES en développement local formes de tourisme, si elles étaient mesures informatives, réglemen- et territorial (ULB). Collaborateur généralisées, permettraient de main- taires et incitatives. scientifique à l’ULB, ses recherches tenir une empreinte écologique indivi- portent sur les relations entre duelle sous le seuil de 2 ha. Enfin, les acteurs privés pour- le tourisme et le développement raient modifier leurs pratiques pour durable des territoires. Un des axes Cela nous mène à la question de la répondre à une attente touristique, centraux de ses recherches portent mesure et de celle de l’objectif qui pour participer à l’effort commun sur l’analyse des logiques de valori- pourrait être fixé. Produire un tou- vers plus de durabilité. Si l’aspect sation et de protection (évaluation, risme à 100 % soutenable du point environnemental de la durabilité a planification, gestion, protection et de vue environnemental, notamment été rappelé, il s’agit aussi de traiter marchandisation) de ressources au regard de l’empreinte écologique, l’aspect économique et social. L’as- territoriales (matérielles et imma- n’est pas chose aisée, notamment pect économique comprend la ren- térielles) dans divers projets touris- tiques ainsi que sur l’évaluation des retombées résultant de ces proces- sus. Il enseigne (Haute Ecole Robert Schuman, Haute Ecole Charle- magne et Haute Ecole de la Province de Namur) notamment des cours de géographie et de stratégies territo- riales du tourisme durable. I 2017, tourisme durable en Wallonie?
14 Wallonie, Destination Qualité du tourisme durable?
15 Wallonie, Destination Qualité du tourisme durable ? L’expérience clients peut-elle y contribuer ? Ce numéro des Cahiers traite du Le tourisme durable Le Ministère français de l’environ- tourisme durable. A titre person- nement, de l’énergie et de la mer2 nel, nous en avions entendu parler, « Le tourisme durable, c’est un tou- précise que « le tourisme durable mais nous ne nous étions jamais risme qui a une empreinte écologique repose sur des critères de durabilité. vraiment demandé de quoi il s’agis- faible, notamment au niveau du mode Il doit être supportable à long terme sait. En préparant cet article, nous de déplacement ; dans lequel on sur le plan écologique, viable sur le nous sommes donc penchées sur le découvre et on consomme des pro- plan économique et équitable sur le concept. Nous avons cherché ce que duits locaux et où on prend le temps plan éthique et social pour les popu- disait la littérature et avons ques- de découvrir la culture et les habitants lations locales ». Trois aspects sont tionné notre entourage. des lieux que l’on visite » nous disait donc présents : l’aspect écologique, une personne de notre entourage l’aspect économique et l’aspect Nous nous sommes également que nous interrogions sur la ques- social. Le Ministère souligne égale- demandé s’il y avait un lien avec tion. Elle était assez juste dans sa ment « que le tourisme durable doit notre domaine de compétences, en perception. aussi satisfaire, au plus haut niveau l’occurrence l’expérience clients. Et possible, les touristes, et représenter nous pensons que oui, de manière Le tourisme durable c’est l’idée d’un pour eux une expérience utile en leur assez évidente. C’est ce que nous tourisme plus juste, plus équitable faisant prendre davantage conscience détaillerons dans cet article. et davantage respectueux de l’envi- des problèmes de durabilité et en ronnement1. encourageant parmi eux les pratiques adaptées. » 1 FRANCOIS-LECOMPTE Agnès, PRIM- ALLAZ Isabelle (2009), « Les Français et le tourisme durable : proposition d’une typologie », in Revue Management & Avenir, 2009/9, pp. 308-326. 2 Ministère de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer (2011), Le tourisme durable : définitions, 13 juillet 2011, http://www.developpement- durable.gouv.fr/Le-tourisme-durable- definitions.html I Wallonie, Destination Qualité du tourisme durable?
16 tiellement variées. Il n’y a pas un sement plus que la culture. Il touriste mais des touristes. Chaque apprécie les voyages organisés et touriste a une histoire différente, part loin en avion ; un contexte différent, des envies de voyage différentes, des attentes ∎∎ l’« institutionnel cultureux » : il différentes. Différencier vos clients est soucieux du respect du patri- vous permettra de leur apporter une moine socioculturel et naturel du attention particulière, un accueil lieu visité et est intéressé par des personnalisé, des services qui leur voyagistes responsables ; il n’est correspondent vraiment. cependant pas prêt à faire de concession en matière de confort Pour ce faire, partez délibérément et de destination ; de leur point de vue, mettez-vous dans leur peau, essayez de com- prendre ce qu’ils vivent. Un des enjeux Différentes segmentations existent aujourd’hui est quand on parle de touristes. Ainsi, d’offrir à vos clients Agnès François-Lecompte et une expérience Plusieurs termes sont importants Isabelle Prim-Allaz (2009) proposent différenciante, dans cette phrase : le touriste qui une segmentation en 5 groupes enthousiasmante qui Vu de la perspective opte pour le tourisme durable, dont 2 ont des profils de touristes de l’expérience clients, leur donne envie de l’expérience qu’il va vivre et ses durables (le 1er et le 5ème) : la question principale attentes. Nous les détaillerons venir, de revenir… et de est « Comment faire ci-dessous. ∎∎ le « néodurable » : le voyageur vous recommander. en sorte que le touriste qui a un budget vacances serré, qui opte pour le est sensible aux ressources éco- tourisme durable vive L’importance de connaître nomiques et socioculturelles des ∎∎ le « durable d’aventure » : il une expérience qui ses clients populations visitées et prêt à pra- est très sensible au tourisme tiquer un tourisme de proximité. Il durable, mais sur des destina- corresponde réellement Cela semble assez évident de prime a un intérêt pour des voyages axés tions lointaines. Il organise ses à ses attentes ? » abord : il est important de connaître sur les rencontres ; voyages par lui-même et est avide ses clients… parce que ce sont de rencontres, de culture et d’ex- eux qui nous font vivre. Mieux les ∎∎ le « campeur » : il dépense lui périences fortes plutôt que de connaître va permettre de mieux aussi de façon mesurée pendant détente. les satisfaire. Cependant, mieux les ses vacances et voyage simple- satisfaire ne suffit pas nécessaire- ment, sans intermédiaire. Il loge ment à en faire des clients fidèles. de préférence en camping et ne Un des enjeux aujourd’hui est de recherche ni la culture, ni l’aven- leur offrir une expérience différen- ture, ni les rencontres ; ciante, enthousiasmante qui leur donne envie de venir, de revenir… et ∎∎ le « séjour-club » : il se soucie de vous recommander. peu du patrimoine sociocultu- rel et naturel du lieu visité et Une des clés pour leur offrir une recherche la détente et le dépay- expérience optimale est d’être conscient de leurs attentes, poten- Les Cahiers du Tourisme I N° 13
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