SAMIR BOITARD - Ecole de Kunlun

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SAMIR BOITARD - Ecole de Kunlun
D                                 A                                         H                            A               R    A

                              SA MIR BOITARD

                                            Depuis 1993, Élie Philippe L’Antoine enseigne à Paris le
                                             Dahara, un style de Kung Fu développé par les peuples
                                            nomades de la Route de la Soie. Ses enseignements ont
                                                                grandement participé à cette série.

                                              Paris-based Élie Philippe L’Antoine has been teaching
                                                the Dahara, a nomadic style of Kung Fu developed
                                               along the Silk Road, since 1993. He has contributed
                                                                     to this piece with his teachings.

Photography by Christian Lartillot
Styling by Romain Vallos
Words by Ariel Kenig
Grooming by Leslie Thibault
                                                                                                             All clothes Y3

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Jacket ERMENEGILDO ZEGNA / Sweat shirt AMI / Trousers Y3 / Sneakers LE FLOW   Cape and trousers CERRUTI 1881 / Sneakers LE FLOW

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All clothes Y3

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Un accident et hop, une vie change. Et puis          fil de ses origines égyptiennes et décroche            À bientôt 20 ans de pratique, Samir considère
vous rencontrez un sport, un art, un maître.         son bac en candidat libre. Quand Samir en              seulement qu’il « commence à avoir un petit
Le comédien Samir Boitard, qui enchaîne les          parle, une trentaine d’années plus tard, on se         niveau », façon de dire que la vie est longue et
tournages, fête ses vingt ans de Dahara, cet         dit qu’une force de la nature était là, en lui,        qu’il n’imagine pas un jour arrêter. Le Dahara
art martial de la rondeur. Il y a trouvé une         depuis toujours. Que les hommes en sont                nourrit sa vie personnelle et son métier. Les
béquille plus solide que toutes les rééducations.    remplis mais qu’elle ne sert à rien tant qu’on ne      moments de joie et les creux d’acteurs, quand
Portrait.                                            sait pas la voir, la connaître, l’appréhender.         le téléphone ne sonne pas assez. Cet art martial,
                                                                                                            né sur les hautes montagnes du Kunlun, aux
Il ne voit pas la trajectoire. Le chemin qui mène    Son accident a suspendu son amour pour le              confins de la Chine, du Tibet et de l’Inde, sur
du point A au point B. Comédien chéri par la         théâtre, qu’il a découvert au lycée. Sorti             la route de la soie, permet d’affronter toutes
télévision, pour laquelle il joue tantôt les flics   d’affaire, le jeune bachelier monte à Paris pour       les épreuves, jusqu’aux eaux glacées. Le but
(Engrenages), tantôt les procureurs sexy (On         jouer. Il prend des cours de comédie et c’est          du T’ien Ti est de vivre vieux et en harmonie
va s’aimer un peu, beaucoup…), Samir Boitard         à cette époque qu’il entend parler d’un art            avec les événements de la vie. « Avec le Dahara,
aime les comédies romantiques, le théâtre, le        martial qu’il ne connaît pas, le Dahara. Il par-       on n’est pas une configuration de démon-
cinéma américain et pratique derrière l’art          ticipe à un stage dans le Verdon. Un pas de            stration ou de performance ». Si Samir avoue
du jeu, où les narrations vous font naître,          plus vers la rémission. « Je ne sais pas si c’est      qu’il avait comme envie, adolescent, d’apprendre
exister, mourir, un art martial sans récit : ni      le destin mais le Dahara fait partie d’une voie        à se défendre, à s’affirmer et de montrer qu’il
début, ni milieu, ni fin. Cette passion, Samir       de vie qui s’appelle le T’ien Ti, qui veut dire        existe, il cultive aujourd’hui la douceur et le
l’a rencontrée quand il était petit, bien avant      ‹ciel et terre ›, et qui est une voie taoïste non      bien-être de l’expérience. « J’ai une fille de deux
d’imaginer qu’il devienne un jour comédien.          religieuse mais pratique, une voie nomade qui          ans et demi et je pense beaucoup à la trans-
À l’époque, il habite Ensuès-la-Redonne, à 25        travaille beaucoup sur le Yin, le féminin. C’était     mission. On vit dans le temps des machines
minutes en train de Marseille, une calanque          bon pour moi parce que c’est un art très rond ».       qui dégrade beaucoup de nos perceptions :
sur la Côte Bleue où il surmonte comme il            Sa pratique, contrairement à beaucoup d’autres         le regard, l’écoute, l’odorat, le goût, toutes
peut l’absence de père. « Mon père était mort        sports, ne lui est pas contre-indiquée. « Tous         ces choses que l’on travaille avec le Dahara.
dans ma vie. Je ne l’ai pas connu avant mes quinze   les mouvements sont circulaires. Cela a permis         On apprend à retrouver ses capacités et ses
ans. Au-delà du sport, j’avais besoin d’une          à mon corps de se remuscler dans la souplesse,         pouvoirs, même nu ».
transmission. À huit ans, inconsciemment, je         la respiration. C’était la seule chose que je
rêvais d’avoir un maître ».                          pouvais faire ». Cette découverte répond à             En rencontrant Elie, son maître, Samir a
                                                     ses vieilles blessures et à l’art martial qu’il        découvert qu’il partageait avec lui autre chose
Bercé par les films d’arts martiaux, il entrevoit    cherchait enfant. « J’ai pu me restructurer. D’un      qu’une pratique à venir. Elie venait de Marseille
le bénéfice d’avoir quelqu’un qui l’élèverait.       coup, je me suis dit que je pouvais retrouver          et s’était choisi plusieurs spots, dans la région,
Au sens propre et figuré. Alors, il fréquente        mon énergie vitale à travers cette manière de          pour y observer la nature et méditer, préci-
le cours de Yoseikan Budo (un art martial            travailler, très évolutive. L’art martial est ex-      sément là où Samir allait enfant. « Il était déjà
fondé dans les années 60) que donne le flic          plosif mais on commence à travailler dans la           dans ma vie avant que je le rencontre. Je le con-
de son village. Première initiation qui, en dépit    lenteur ». En sanscrit, Dahara signifie cercle.        sidère aujourd’hui comme un père spirituel ».
de ses rêves, ne tient pas dans le temps. Il         Et dans ce cercle, il n’y a pas de maître, même        Une boule bouclée qui, comme les cercles de
attend ses 18 ans et un très grave accident          si Samir s’en est trouvé un en la personne d’Elie,     sa pratique, épousent la géométrie des gestes
de voiture (un sanglier passait par là) pour         qui l’accompagne depuis ses débuts. « Je dis           et cultive l’immanence, plus que l’événement.
revenir à une pratique qui ne le quittera plus.      maître pour que tout le monde comprenne ;              On appelle ça progresser. Samir Boitard l’a
Huit tonneaux, la ceinture qui lâche, une            mais c’est avant tout un transmetteur. Il ne           depuis longtemps décidé.
compression du poumon, une vertèbre qui              cherche pas à ce que tu lui ressembles. Il te
explose, deux autres qui se tassent et sa moelle     donne les outils pour te développer en fonction                                             Ariel Kenig
épinière qui tourne : il en sort miraculé et reste   de ton histoire, de ce que tu es. Le Dahara est
un mois sans bouger les jambes. Il fréquente         un enseignement tribal et collectif, basé sur
une maison de rééducation pendant six mois.          l’observation qui vise à renforcer l’individuel »,
Porte un corset pendant un an. Soulage ses           explique-t-il. La seule autorité, si l’on peut dire,
douleurs à la morphine. Son moral pique du           que le Dahara reconnaît, est celle de la nature
nez. Sa scolarité ralentit. Il maigrit. Il revoit    et des animaux, considérés comme de véritables
son père mais cela n’a rien à voir avec l’ac-        êtres supérieurs. Ils n’ont jamais cherché à dé-
cident. Un peu rétabli, il s’envole pour le Caire    truire leur environnement. Ils se sont toujours
où réside sa famille paternelle. Il y renoue le      adaptés.

                                                                                                                                                                  Alpha jacket, trousers and t-shirt LOUIS VUITTON / Sneakers LE FLOW

                                                                             194                                                                                                                 195
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Accidents have a way of changing a life.            The accident had put the brakes on his love         mountains, at the confluence of China, Tibet
                                                     Sometimes, they are the portal to an athletic       of theatre, which he had discovered in high         and India, empowers its practitioners to stand
                                                     discipline, an art, a mentor. We talked to actor    school. After a full recovery, he moved to Paris    up to any of the terrain’s conditions, right down
                                                     Samir Boitard about Dahara, this nomadic            to find roles, and while taking acting classes,     to glacial waters, just as the aim of T’ien Ti is
                                                     subset of Kung Fu he has now being practicing       learned of Dahara. A retreat in the Verdon          to learn to lead a long life, in harmony with
                                                     for 20 years, and how it served him better          region was a further step towards healing : “I      its ups and downs : “Dahara exists outside of
                                                     than any therapy – physical or else.                don’t know if it’s fate, but Dahara is part of      demonstration and performance.” And while
                                                                                                         a way of life called the T’ien Ti, which means      a teenage Samir wanted to learn to defend and
                                                     A favorite of TV series (he played a cop in         ‘heaven and earth’. It’s a practical, non-secular   assert himself, he now cultivates the expe-
                                                     Engrenages, a sexy attorney in On va s’aimer        and nomadic Taoist ethos, which focuses on          rience’s gentleness and focus on well-being :
                                                     un peu, beaucoup…), Boitard appreciates             the feminine Yin energy. It was good for me         “I have a two-and-a-half-year-old, and I’ve
                                                     rom-coms, the theatre, and Hollywood films          because it’s a very ‘curvy’ practice.” Contrary     become quite concerned with legacy. We live
                                                     in equal measures, and sees acting, with its        to a lot of other sports, Dahara is almost          in a time of machines, which greatly degrades
                                                     sometimes blurred narrative arcs, as one would      sublimely indicated for Samir’s predicament,        our perceptions – sight, hearing, smell, taste.
                                                     a type of martial arts. Acting is a passion that    contributing at once to his physical healing        All of those senses are developed through
                                                     Samir took to at an early age, before the idea      and his childhood search for a martial art : “All   Dahara, which reacquaints us with our faculties
                                                     of becoming an actor even dawned on him,            the movements are circular, which allowed my        and powers, even when we’re naked.”
                                                     during a childhood spent a 25-minute train ride     body to gain muscle through flexibility and
                                                     outside of Marseille, spent looking across the      breathing. It was the only activity I could do.     When he met Elie, Samir found out that they
                                                     Mediterranean for a father who shone by his         I was able to build myself back up physically,      had more in common than the pursuit of a sport.
                                                     absence : “As far as I knew, my dad was dead        and figured out quickly that I could tap back       A Marseille native himself, he had scouted
                                                     to me. I didn’t know him until I was 15. So be-     into my vital energy through this very iterative    a number of spots in the area in which to be
                                                     sides the idea of finding an athletic discipline,   method. Martial arts tend to be explosive, but      with nature, and meditate – those same spots
                                                     I was craving knowledge. At eight years old,        in this case, slow and steady wins the race.”       that Samir visited as a child: “He was already
                                                     subconsciously, I wanted a mentor.”                 Dahara is a Sanskrit word that means “circle”,      a part of my life before I met him. I now con-
                                                                                                         and within said circle, there is no master –        sider him a spiritual father.” With things coming
                                                     Martial arts films gave young Samir a desire for    even though Samir found one in the person           full circle, in echo to Dahara’s movements,
                                                     a figure that would raise him up – literally and    of Elie, who has been at his side since the         immanence takes precedence over events, a
                                                     figuratively, leading him to study Yoseikan         beginning : “I use the term Master so people        forward motion that Samir Boitard kicked into
                                                     budō under his village’s sole policeman. This       get the idea. But he is first and foremost a        action long ago.
                                                     initiation to the 1960s martial art that was        teacher, a conduit. He’s not interested in
                                                     cut short by eight barrel rolls and a snapped       molding you in his image, but rather in giving                                         Ariel Kenig
                                                     safety belt : at eighteen, swerving to avoid        you the tools to carry on your own story,                             Translated by J.-F. Beaulieu
                                                     hitting a wayward boar with his car, he ended       your own identity.” He continues : “Dahara is a
                                                     up with a collapsed lung, a shattered rib (along    tribal, collective, observation-based teaching,
                                                     with two slipped ones), and a twisted spine.        which seeks to prop up the individual. The only
                                                     Two months spent without the use of his             authority that Dahara even remotely upholds
                                                     legs were followed by another six in physi-         is that of nature and animals, which are con-
                                                     cal therapy, and a year in a brace. His morale      sidered to be superior beings. After all, they
                                                     took a nosedive, aided perhaps by all that mor-     never sought do destroy their environment
                                                     phine. His schooling suffered, and his weight       – they’ve always adapted.”
                                                     dropped. His father came back in the picture,
                                                     but that was unrelated to the accident : as         Even as he enters his second decade of practice,
                                                     Samir got better, he decided to visit Cairo, to     Samir speaks of his level of achievement in very
                                                     reconnect with his father’s side of the family,     humble terms, an indication that he thinks
                                                     and complete high school. Hearing Samir re-         of life as a long journey, to be permanently
                                                     lating the story thirty years on, one realizes      imbued with the art of Dahara. The discipline
                                                     that a force of nature was indeed burning           informs his personal life and his acting career
                                                     inside him – that force that burns inside of        – from the moments of elation and the dips in
                                                     us all, but only manifests itself when we learn     role offers, when the phone sits silent. Dahara,
                                                     to see it, learn it, grasp it.                      which was born in the Silk Road Kunlun

Shirt and trousers ISSEY MIYAKE / Sneakers LE FLOW

                       204                                                                                                     205
SAMIR BOITARD - Ecole de Kunlun
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